République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 19 septembre 2008 à 20h45
56e législature - 3e année - 11e session - 66e séance
M 1788
Débat
M. François Thion (S). Cette motion, issue des bancs socialistes, a été également signée par des députés Verts, du parti radical, du PDC, de même que par des libéraux.
Trois rappels importants pour expliquer les raisons de cette motion. Tout d'abord, au niveau international, les Nations Unies se sont donné huit objectifs à atteindre d'ici à 2015 afin de diminuer l'extrême pauvreté et la faim dans le monde. Pour atteindre ces objectifs, les pays riches, dont la Suisse, ont promis d'augmenter leur part de budget consacrée au développement. Voilà pour le contexte international. Ensuite, au niveau suisse cette fois-ci, une vaste campagne a été engagée durant l'année 2007 et une pétition munie de près de 200 000 signatures a été lancée sur internet. Cette pétition demande à la Confédération d'augmenter progressivement l'aide au développement afin d'atteindre l'objectif de 0,7% du produit national brut, objectif fixé par les Nations Unies. Vous vous rappelez que, ces dernières années, la Suisse a consacré 0,41% en 2005, 0,39% en 2006 et seulement 0,37% en 2007. Visiblement, il y aura une augmentation pour les prochaines années, d'après ce que j'ai lu hier dans le journal. Au demeurant, on est loin du 0,7%. Enfin, au niveau cantonal, dois-je rappeler ici que notre Grand Conseil a voté en 2001 une loi sur le financement de la solidarité internationale qui, en son article 2, précise que la République et canton de Genève consacre - je dois dire «devrait consacrer» - au moins 0,7% de son budget de fonctionnement à l'aide au développement ? Malheureusement, comme nous l'indique le rapport du Conseil d'Etat RD 748, moins de 0,2% a été affecté à la solidarité internationale en 2007.
A l'heure de la mondialisation, Mesdames et Messieurs les députés, rappelons que dans notre village planétaire, si environ un milliard de personnes se branchent comme nous quotidiennement sur internet, on a d'un autre côté un milliard de personnes qui sont illettrées, et sur ce milliard de personnes qui ne savent ni lire ni écrire, il y a deux tiers de femmes. De même que, sur notre planète, 150 millions d'enfants de 6 à 11 ans, âge de l'école primaire, ne sont pas scolarisés. Le programme des Nations Unies pour le développement nous indique que, sur 6,5 milliards d'habitants, 2 milliards d'êtres humains vivent encore dans la misère absolue, sans revenu fixe, sans travail régulier, sans soins médicaux. En espérant ne pas vous ennuyer, voici une dernière statistique: 95% des 16 000 personnes infectées quotidiennement par le sida vivent dans les pays du Sud. Sur 30 millions d'Africains touchés en 2006 par ce virus, 27 000 seulement ont bénéficié d'un traitement.
Mesdames et Messieurs les députés, notre canton a mis sur pied en 2005 un service de la solidarité internationale: la majorité des financements vont à des associations genevoises qui travaillent sur le terrain, sur des projets concrets; une part non négligeable du budget est versée à la Fédération genevoise de coopération, dont nous venons de recevoir il y a quelques semaines le rapport d'activités pour 2007. Le sérieux de cette fédération n'est pas à démontrer en ce qui concerne la qualité de ses dossiers.
Aujourd'hui, je crois que l'aide au développement devrait permettre de vivre dans un monde plus solidaire; et si l'on vit dans un monde plus solidaire, on vivra dans un monde plus sûr. La misère, très régulièrement, entraîne l'insécurité. L'invite de cette motion est assez raisonnable: atteindre le 0,7% en sept ans. Il est donc temps, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre nos responsabilités. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Beatriz de Candolle pour le groupe libéral. Je rappelle que l'on est en débat de catégorie II: trois minutes par groupe.
Mme Beatriz de Candolle (L). L'an dernier, pendant la campagne électorale fédérale, j'avais affirmé mon engagement pour la coopération au développement, tant devant les libéraux qu'en étant l'une des premières signataires de la pétition «0,7% - ensemble contre la pauvreté !» qui a été déposée au Palais fédéral le 26 mai dernier. Il faut savoir que la Suisse est le seul pays d'Europe occidentale à avoir refusé jusqu'à présent d'augmenter d'ici à 2015 son aide au développement à concurrence de 0,7% du produit national brut recommandée par l'ONU et de remplir ainsi les engagements pris. J'aimerais souligner que les libéraux se sont toujours battus aux Chambres fédérales pour que l'aide qui se monte aujourd'hui à 0,4% soit maintenue en dépit des allégements budgétaires. Nous avons pu lire dans la presse que la Chambre des cantons devait statuer aujourd'hui sur la proposition de sa commission de politique extérieure de hausser l'aide au développement à 0,5% d'ici à 2015.
La motion 1788 invite simplement le Conseil d'Etat à octroyer, progressivement jusqu'en 2015, 0,7% de son budget de fonctionnement à la solidarité internationale. Comme toute motion, il s'agit d'une intention. La plupart des quarante-cinq communes genevoises, y compris Chêne-Bourg et Chêne-Bougeries - mon collègue M. Walpen ne me contredira pas - consacrent déjà 0,7% de leur budget à la solidarité internationale. Certaines atteignent même 1% selon le classement annuel de la Fédération genevoise de coopération. Nous avons pu lire dans le rapport du Conseil d'Etat sur la politique de la solidarité internationale en 2007 que le pourcentage du budget était de moins de 0,2% malgré son souhait de se rapprocher progressivement de l'objectif fixé par la loi. Il s'agit ici de responsabilité et de solidarité. Malgré les engagements pris par les pays développés à aider ceux qui ne le sont pas, chaque année, le montant total des contributions au développement baisse. A quoi sert-il de signer des accords, des engagements qui ne sont pas tenus ? A se donner bonne conscience ?!
Il est de notre devoir de contribuer, afin de permettre aux ressortissants issus de pays du Sud de rester dans leur pays ! S'ils immigrent, ce n'est pas forcément parce qu'ils sont plus heureux chez nous, mais parce qu'ils ne trouvent pas de travail, pas de sécurité chez eux. Ce que la plupart d'entre eux souhaitent, c'est trouver dans leur propre pays des conditions de vie convenables. S'expatrier par son choix dénote une décision mûrement réfléchie; s'expatrier pour des motifs économiques et de survie, ce n'est pas la même chose. Et pour tous ceux qui font de savants calculs, qu'est-ce qui coûte plus cher à la collectivité: leur donner les moyens de se développer chez eux ou les soutenir par des aides sociales en Suisse ?
Mesdames et Messieurs les députés, au nom du groupe libéral, j'en appelle à votre bon sens et à votre humanisme pour accepter cette motion et la renvoyer à la commission des affaires communales, régionales et internationales, afin de pouvoir évaluer la part réelle de l'effort octroyé par notre canton en faveur de la solidarité internationale et, aussi, de répondre aux interrogations des sceptiques quant au bien-fondé de l'aide aux pays défavorisés. Merci. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Pablo Garcia (S). Il est tout de même paradoxal que notre parlement doive déposer une motion demandant au Conseil d'Etat d'appliquer une loi votée en 2001 ! C'est aussi étonnant que de demander au Conseil d'Etat d'appliquer un vote populaire souverain - au hasard et par exemple, sur les EMS...
Mais cet exercice est nécessaire, car nous avons tous de bonnes raisons d'accepter cet objet. Pour les socialistes, la solidarité internationale est une évidence. Nous ne vivons pas dans un pays sous cloche, clos, sans lien avec le monde qui nous entoure: nous avons une responsabilité et la conscience que nous sommes mutuellement dépendants, et avec les pays en voie de développement. Toutefois, si une droite dure n'est pas sensible à cette conception du monde, elle a des buts égoïstes qui seront également satisfaits par ce projet, elle qui fait son fonds de commerce de la peur de l'immigration et du rejet de l'étranger. En effet, la solidarité internationale aide au développement des infrastructures et à améliorer les conditions de vie et de travail des habitants du Sud dans leur pays. Il convient que nos autorités comprennent que le 0,7% d'aide au développement n'est pas une option, mais une nécessité vitale !
Voilà pourquoi les socialistes vous encouragent à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. François Gillet (PDC). Le parti démocrate-chrétien a été l'un des acteurs de la loi votée en 2001; notre parti est très attaché à la solidarité internationale et à la coopération au développement avec les pays du Sud. Cette position va au-delà des bons sentiments, c'est aussi une question de crédibilité pour Genève, en tant que ville internationale, en tant que lieu de tradition humanitaire et de solidarité depuis de nombreuses années. Nous avons à Genève une expertise dans ce domaine; nous avons l'IHEID, qui - vous le savez - forme des experts mondialement reconnus dans le domaine du développement. Nous avons évidemment le CICR. Nous avons également - M. Thion l'a dit - la Fédération genevoise de coopération, dont les compétences sont largement reconnues dans le domaine du développement. Pour toutes ces raisons, nous nous devons, Mesdames et Messieurs, de respecter les engagements que nous avons pris, de consacrer 0,7% de notre budget à la solidarité internationale.
Notre groupe a longuement discuté de la façon d'aborder cette motion. Fallait-il la renvoyer directement au Conseil d'Etat ou en commission ? Nous avons considéré qu'il était bon de profiter de cette motion pour rediscuter du fond de la question de la loi sur le financement de la solidarité internationale. M. Garcia l'a dit, cette loi n'a pas été appliquée comme elle aurait dû l'être. Quelles en ont été les raisons ? Quelle est la base de calcul de ce pourcentage ? Quelles sont les aides prises en compte et celles qui ne le sont pas ? Il nous semble utile de rediscuter de ces questions, de clarifier à nouveau les choses pour que cet effort puisse être mené à bien dans un délai de sept ans, tel que proposé. Nous croyons que cette motion, modérée dans ses invites, mérite d'être soutenue. A nos yeux, elle devrait plutôt être étudiée en commission des affaires communales, régionales et internationales. Je vous remercie donc de réserver un bon accueil à cette motion et de la renvoyer en commission.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, en 2001, dans un élan de générosité - et peut-être émotionnel - le Grand Conseil, majoritairement à gauche, avait voté une loi sur le financement de la solidarité internationale, afin que le canton de Genève consacre au moins 0,7% de son budget annuel de fonctionnement à l'aide aux pays en voie de développement. Aujourd'hui, nous constatons que le parlement de l'époque n'avait pas suffisamment mis en parallèle la dette et le budget de fonctionnement. Effectivement, nous relevons que notre république n'a pas les capacités financières pour tenir ce type d'engagement, puisque seul le 0,2% peut être consacré à cette aide internationale. D'autre part, nous ne savons pas comment les montants sont alloués, étant donné les nombreuses dépenses telles que le soutien aux ONG et à la formation de ressortissants de pays en voie de développement.
Le groupe MCG approuve donc le renvoi de cette motion en commission, pour analyser les véritables dépenses et examiner s'il y a lieu de déposer un nouveau projet de loi sur le financement de la solidarité internationale, projet amendé avec, peut-être, un taux revu à la baisse.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Edouard Cuendet, à qui il reste vingt-cinq secondes.
M. Edouard Cuendet (L). Je serai très bref pour, évidemment, approuver tous les propos de Mme Beatriz de Candolle qui s'est exprimée pour le groupe libéral. Je voudrais juste que l'on soit bien d'accord sur ce que l'on entend par «solidarité internationale» et que la plus grande transparence et la plus grande efficience dans la gestion de ces deniers soient appliquées ! Je prends l'exemple du rapport 2007 de la Fédération genevoise de coopération: j'y lis que, dans la solidarité internationale, il y a le soutien au journal le «Courrier». Il ne me semble pas que le «Courrier» soit un pays en voie de développement... Donc, je trouve qu'un contrat de prestation s'impose dans les plus brefs délais, pour mettre un peu d'ordre dans cette solidarité, indispensable, que le groupe libéral soutient, mais qui doit être gérée de manière efficace, comme le reste de l'Etat. (Commentaires.)
M. Frédéric Hohl (R). Le parti radical a signé cette motion; le parti radical est bien évidemment sensible à la solidarité internationale. (Brouhaha.) Nous devons respecter la décision du Grand Conseil prise en 2001, mais nous partageons effectivement les inquiétudes de l'Entente quant à la clarification de la répartition des montants. Raison pour laquelle nous souhaitons et soutenons le renvoi de ce texte à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
M. Jean Rossiaud (Ve). J'ai signé cette motion, et le groupe des Verts la soutient évidemment. Depuis des années, nous avons été les promoteurs de l'idée qu'il fallait que l'Etat de Genève octroie 0,7% de son budget de fonctionnement à la solidarité internationale et à la coopération internationale. Nous en sommes aujourd'hui, comme il l'a été dit, à peine à 0,2%, ce qui est non seulement un peu honteux, mais dénote aussi, pour une ville et un Etat comme Genève, que nous ne sommes pas à la hauteur de notre réputation internationale !
Nous avons voté une loi, or ni le gouvernement ni le parlement - puisque c'est quand même le parlement qui vote les budgets, Mesdames et Messieurs les députés ! - n'ont décidé de la respecter... Aujourd'hui, j'espère que - dans les semaines ou mois qui viennent, au moment où nous voterons le budget de l'année prochaine - nous donnerons au service de la solidarité internationale, qui fait un travail exemplaire, les moyens de sa politique. C'est-à-dire que nous augmenterons le budget, qui est somme toute, en termes relatifs, très peu important: 0,7%, soit 7/oo.
Je l'ai dit, le service fait du bon travail, mais son budget est limité, ce qui l'empêche de développer une politique qui soit totalement coordonnée avec ce qui se passe au niveau mondial. Le 0,7% n'est pas une simple question d'aide caritative; on n'en appelle pas seulement à notre bonté, ce n'est pas seulement l'idée qu'il faut avoir une responsabilité environnementale et sociale. Le retour sur investissement - je crois que c'est un sujet qui intéresse surtout la droite - de la solidarité internationale est énorme en termes de gouvernance globale, de flux des migrations, de cohésion sociale globale et de cohésion sociale locale. Les «Objectifs du Millénaire pour le Développement» définis par les Nations Unies nous donnent non seulement un certain nombre de buts clairs, mais aussi un cadre d'action. Il faut savoir que CGLU - Cités et Gouvernements Locaux Unis, le plus grand des réseaux de villes et de pouvoirs locaux au monde - s'est engagé à trouver toutes les formes de coopérations multilatérales et bilatérales pour mettre en oeuvre les Objectifs. Et cela donnerait un cadre de travail tout à fait adéquat au service de la solidarité internationale.
Personne n'a rappelé les Objectifs du Millénaire, je souhaiterais le faire en conclusion. Je cite: «1. Réduire l'extrême pauvreté et la faim.» J'aimerais bien qu'il soit possible, au gouvernement d'abord, puis aux services, de nous soumettre des propositions en relation avec les Objectifs du Millénaire. Je poursuis: «2. Assurer la scolarisation primaire de tous les enfants.»
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean Rossiaud. Je conclus sur ces mots: «3. Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation de la femme; 4. Réduire la mortalité infantile; 5. Améliorer la santé maternelle; 6. Combattre le sida, le paludisme et d'autres maladies; 7. Assurer un environnement durable; 8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.»
Voilà huit objectifs pour le service de la solidarité internationale ! Huit objectifs pour lesquels le gouvernement devrait avoir des indicateurs sur lesquels le parlement pourrait dire, année après année: «Oui, Mesdames et Messieurs les députés, nous progressons.»
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Eric Stauffer, à qui il reste une minute cinquante.
M. Eric Stauffer (MCG). Nous allons, comme l'a dit notre chef de groupe, soutenir le renvoi en commission. Néanmoins, quelque chose me choque, Mesdames et Messieurs, j'aimerais vous en faire part et vous faire profiter de ma réflexion. Il y a quelques minutes de cela, nous avons demandé pour les familles genevoises 20 F supplémentaires... Or nos amis PDC, qui ont fait la balance entre la gauche et la droite, se sont offusqués et ont refusé ces 20 F par mois que nous demandions pour les familles genevoises ! (Commentaires.) Et là, vous venez nous dire, comme ça, tout naturellement: «Le PDC affiche sa solidarité, internationale, pour un sentiment de crédibilité, et le PDC veut respecter les engagements...». Eh bien, moi je constate, Mesdames et Messieurs du PDC... (Commentaires.) ...que les seuls engagements que vous ne respectez pas, c'est vis-à-vis de vos électeurs, quand vous dites vouloir soutenir la famille ! J'en ai terminé.
Une voix. Merci ! (Commentaires.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...nous en sommes au énième débat sur l'aide internationale. Cette motion est certainement pleine de bon sens, elle fait preuve d'un humanisme certain, que tout le monde devrait approuver. Pour ma part, je partage l'ensemble des Objectifs du Millénaire qui ont été fixés par les Nations Unies, mais le but de cette motion n'est pas forcément cohérent avec lesdits objectifs. Nous devrions nous poser ces questions: faut-il donner 0,7% ? Faut-il donner moins ? Faut-il donner plus ? Respectivement, faut-il forcément donner à crédit, sachant que ce seront les générations futures qui paieront l'ardoise ? (Brouhaha.)
Dans le cadre du budget 2008 - en tout cas des comptes 2008 - nous pourrions très bien envisager de donner ce 0,7%, puisque nous savons que les comptes 2008 sont équilibrés, malgré un endettement de 13 milliards. Pourquoi pas ? Donc, on pourrait très bien déterminer que l'aide au développement se calcule sur des comptes, et non pas sur un budget dont on sait qu'il n'est jamais tenu. (Brouhaha.)
Devons-nous fixer dans la loi un objectif quantitatif monétaire ou un objectif au niveau de l'efficacité ? Devons-nous fixer une sorte de contrat de prestation ? A-t-on mesuré une seule fois si l'argent que nous avons distribué pour l'aide internationale a rempli ses objectifs ? La réponse est clairement: non !
La question que nous pourrons nous poser en commission est: la pauvreté a-t-elle reculé ? La réponse est manifestement: non ! Dans certains pays, elle a reculé... Et surtout dans des pays où nous n'avons pas investi un centime pour l'aide internationale. Nous devons donc nous poser la question de l'efficacité, de l'opportunité de cette aide internationale, et nous devons avoir ce débat en commission.
Il y a en tout cas un élément que l'on n'a jamais pris en compte: la démographie. Et nous savons tous pertinemment que les pays s'appauvrissent parce que la démographie mange l'augmentation du PIB, mange la croissance, et que la répartition des richesses doit s'effectuer pour un plus grand nombre.
Lorsque nous lisons le bulletin du président de la Fédération genevoise de coopération, nous nous rendons compte que, finalement, cette aide n'est pas correctement gérée. Il le dit lui-même ! Est-ce que l'aide est structurée ? Il dit la chose suivante, je cite: «Les cofinancements s'additionnent sans se fondre dans un pot commun. Les justifications de leur usage - rapports, indicateurs, critères - demeurent diverses et multiples. Les réunions se succèdent sans constituer encore une véritable plate-forme commune.» En résumé...
La présidente. Vous devez conclure, Monsieur le député, vous arrivez au terme de votre temps de parole.
M. Gilbert Catelain. En résumé, cette aide internationale n'est aujourd'hui pas optimale. A ce propos, j'ajoute ceci: il y a quelques années, mon frère est allé au Tchad où les Français y ont construit un hôpital. Au bout de six mois, un gourou est venu; il a considéré que ce dernier était hanté par les mauvais esprits: ils ont brûlé l'hôpital... Il y a encore deux ans, mon frère était en Côte-d'Ivoire, dans des zones où aucune organisation d'aide au développement ne s'était rendue, parce que les conditions de sécurité...
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Gilbert Catelain. Dernier exemple: ce week-end, mon frère revient d'Afghanistan, de zones où aucune organisation d'aide au développement n'est allée et où les populations sont livrées à elles-mêmes... Nous devons donc nous poser la question de l'aide au développement dans des termes réels: où doit-on aller ? Et à quelles conditions ? Avec quels objectifs ? Et avec quelle efficacité ? Donc, nous soutiendrons le renvoi de cette motion en commission.
La présidente. Merci, Monsieur Catelain. La parole est à Mme Virginie Keller pour le groupe socialiste. Madame la députée, vous avez une minute trente.
Mme Virginie Keller (S). Nous sommes très déçus de la tournure qu'a prise le débat, notamment depuis l'intervention du secrétaire adjoint de l'Association des banquiers privés suisses, qui est aussi le premier secrétaire du Groupement des banquiers privés genevois. Vous transmettrez, Madame la présidente, à M. Edouard Cuendet, du groupe libéral, que son arrogance à demander l'efficience et la clarté - ce qui est tout à fait normal, et c'est d'ailleurs ce qu'on fait dans ce parlement, chaque année, pour chaque association - eh bien, cette arrogance-là, alors même que les banquiers sont actuellement en train d'appauvrir la planète entière, je pense que M. Cuendet aurait pu nous en dispenser ! Car s'il y a des gens qui travaillent et qui font don de leur temps - et même d'argent, étant donné qu'ils gagnent peu - c'est bien dans les projets d'aide internationale ! Alors, toute cette méfiance et ce mépris de la part d'une partie du groupe libéral et du groupe de l'UDC sont absolument décevants !
Nous n'étions pas en faveur d'un renvoi en commission, car, pour les socialistes, la solidarité internationale fait partie de ce dont on doit faire preuve en tant qu'être humain. Et continuer à croire - vous transmettrez à M. Catelain, Madame la présidente ! - que l'on va pouvoir rester tout seuls, les Suisses, entre riches, avec un mur autour de nous, et que les autres n'ont qu'à crever comme ils peuvent, je pense que ce n'est pas la solution, ni pour nous, ni pour les autres ! Or c'est malheureusement encore cela qu'on entend dans ce parlement...
Si vous renvoyez cet objet en commission, j'espère que ce ne sera pas pour faire encore moins que ce vous effectuez actuellement, mais pour réaliser ce que la loi nous demande, voire plus, ce que les socialistes souhaiteraient un jour ! (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Anne-Marie von Arx-Vernon, à qui il reste vingt secondes.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). J'aimerais confirmer combien le parti démocrate-chrétien est attaché au développement international; il s'agit actuellement d'un processus que nous devons relancer, tous les contrôles peuvent être exigés. Concernant l'aide aux familles sous forme d'allocations familiales, dont le parti démocrate-chrétien a toujours été l'initiateur et dont il a toujours voté les augmentations, les familles sont les mêmes, qu'elles soient ici ou ailleurs.
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Eric Stauffer, à qui il reste cinquante secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). J'aimerais simplement dire qu'il faut faire attention quand on parle de solidarité internationale. En effet, ayant eu la chance de voyager, j'ai vu beaucoup de pays que l'on soutient. Or les aides ne vont malheureusement pas au bon endroit. Dans ces pays où la pauvreté est absolument hallucinante, on trouve toujours un ministre qui a la dernière Mercedes à un demi-million, de même que de superbes résidences en Europe... J'en passe et des meilleures ! Alors la solidarité, certainement, mais avec beaucoup de prudence et en sachant à qui sont octroyés ces fonds, et comment. Voilà ce que je voulais ajouter.
Il faut garder le sens des proportions... Parce qu'il faut d'abord penser à la solidarité cantonale ! Eh oui, nous avons des pauvres à Genève, il faut aussi s'en occuper ! Evidemment, ce n'est pas en refusant certaines augmentations de subventions ou d'allocations que l'on va dans le sens de l'aide cantonale... Alors, avant de penser à l'international, pensons aux cantons, soyons un peu sérieux et regardons ce qu'il ressortira des travaux en commission.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce débat est désagréablement surréaliste. Premier élément de surréalisme: j'entends des critiques à l'égard du service de la solidarité internationale, alors que vous avez, à l'unanimité de votre commission, et ensuite en plénum, dans les extraits, accepté les rapports des deux dernières années en adressant des éloges mérités à mes collaborateurs ! Et ce n'est pas du jour au lendemain que ce qu'ils ont fait juste, selon vous, devient tout faux d'un coup parce qu'un débat vous permet, semble-t-il, de le penser ! Le service de la solidarité travaille avec des indicateurs; les dossiers sont sélectionnés; le financement doit être assuré, non par le seul fait de l'Etat de Genève mais également par d'autres sources; les critères sont connus; les lieux d'engagement sont connus; l'évaluation est faite; et le contrôle aussi ! Je ne peux pas laisser dire que l'on ferait une espèce de vaste bouillon juste pour le plaisir de se donner bonne conscience ! Premier élément surréaliste du débat: vous dites aujourd'hui le contraire de ce que vous avez exprimé les dernières fois.
Deuxième élément surréaliste, Mesdames et Messieurs les députés: vous adressez une motion au Conseil d'Etat pour lui demander d'effectuer ce que vous ne voulez pas faire ! En d'autres termes, à chaque exercice budgétaire, nous mettons quelques millions de plus pour nous approcher du 0,7% figurant dans la loi, et, à chaque exercice budgétaire, vous les barrez !
Alors je vous propose la chose suivante, Mesdames et Messieurs les députés: vous transformez votre motion en résolution, et vous dites: «Le Grand Conseil prend la bonne résolution de laisser figurer au budget, même s'ils n'atteignent pas 0,7%, les montants prévus par le Conseil d'Etat pour la solidarité internationale.» Parce que, me demander à moi de venir mettre 0,7% - sachant que vous allez le biffer le 17 décembre vers 15h30 - ça n'a aucun sens ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1788 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est adopté par 58 oui contre 4 non.