République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 19 septembre 2008 à 20h45
56e législature - 3e année - 11e session - 66e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h45, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.
Assiste à la séance: M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, Robert Cramer, Pierre-François Unger, Charles Beer, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Ariane Blum Brunier, Marcel Borloz, Christian Brunier, Maurice Clairet, Victoria Curzon Price, Philippe Guénat, Claude Marcet, Yves Nidegger, Ariane Reverdin et Brigitte Schneider-Bidaux, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
La présidente. Nous poursuivons nos travaux avec le point 149 de l'ordre du jour.
Premier débat
M. David Amsler (L), rapporteur. Après le repas, l'assistance est un peu clairsemée... Le sujet que nous examinons est néanmoins intéressant, puisqu'il s'agit de l'achat par l'Etat de Genève des bâtiments sis sur les parcelles n° 2177 et 2179 de la commune d'Onex. En préambule, je relève qu'il n'y a pas de rapporteur de minorité, puisque ce projet de loi a fait l'objet d'un vote à l'unanimité de la commission des travaux. En fait, il a été retiré des extraits au début de la séance précédente et certains députés ont cru qu'il s'agissait du vote du projet, puisque l'urgence avait été demandée par le Conseil d'Etat. En réalité, c'était un vote pour sortir ce projet de loi des extraits, d'où ma présence ce soir pour vous le présenter.
De quoi s'agit-il ? Ce sont deux bâtiments loués par l'Etat de Genève. On lit dans l'exposé des motifs que l'Etat de Genève loue ces deux bâtiments pour un montant de 2 594 652 F par année. Pour une valeur de bâtiment de 40 928 600 F - qui est un peu inférieure au montant au projet de loi, puisqu'il y a probablement des frais d'acquisition - on voit, si l'on fait un rapide calcul, que le rendement brut de ce projet est d'environ 6,4% pour le propriétaire actuel du bâtiment. Après déduction des charges d'environ 1,4% pour un bâtiment neuf, il reste un rendement net de cette location pour le propriétaire d'environ 5%. La commission a jugé que c'était un bon investissement pour l'Etat de Genève, puisque la dette coûte entre 2 et 2,5% à l'Etat. Avec 5% de rendement net d'un côté, entre 2 et 2,5% de l'autre, le calcul est vite fait. C'est pourquoi la commission, à l'unanimité, a voté en faveur de cet achat.
Je me suis quand même un peu renseigné afin de savoir pourquoi un groupe avait demandé de retirer ce projet de loi des extraits en vue d'un débat. Effectivement, on peut se demander comment cet achat a été couvert par la trésorerie de l'Etat, puisqu'il n'était probablement pas inscrit aux investissements, étant donné que l'Etat exerçait un droit d'emption sur ces bâtiments. Sans avoir plus de détails, la commission a jugé que ce qui comptait, c'était la rentabilité de l'investissement. Et puis, nous faisons confiance au Conseil d'Etat pour couvrir cet achat par les investissements prévus en 2008.
Encore une chose sur le PPP - partenariat public-privé - puisque ce projet s'y apparente: il a été financé par des privés et loué par l'Etat. C'est ce que j'appellerai en quelque sorte un «avorton» de PPP, puisqu'en cours de partenariat public-privé l'Etat rachète le bien. Je crois que l'on ne peut que souligner la sagesse du Conseil d'Etat de l'époque d'avoir inscrit ce droit d'emption dans le bail ou en annexe du bail qu'il signait avec le propriétaire. Je pense que le Conseil d'Etat avait préféré louer ce bâtiment, puisque les rentrées de l'Etat étaient faibles ou même déficitaires pendant ces années-là. Aujourd'hui, je pense que l'Etat est dans une meilleure situation et qu'il était sain d'inscrire ce droit d'emption pour que l'Etat puisse acquérir ces bâtiments et procéder à un bon investissement.
Voilà, Madame la présidente, les raisons qui ont fait que la commission a voté à l'unanimité ce projet de loi, et je me réjouis d'entendre l'intervention de ceux qui ont demandé de le retirer des extraits.
M. Mario Cavaleri (PDC). Je voulais me joindre aux félicitations et remerciements qu'a exprimés M. Amsler, rapporteur de la commission des travaux, s'agissant du droit d'emption. Je crois qu'il faut relever que l'administration effectue très bien son travail - et c'est l'occasion de saluer cela - parce que, si cette clause n'avait pas été introduite dans le contrat de bail à loyer, nous n'aurions effectivement pas la possibilité d'acquérir un bâtiment à des conditions très intéressantes. Et je veux ici saluer la mémoire de feu M. Béat Vuagniaux, qui a négocié ce contrat dont on voit que la République va pouvoir bénéficier.
M. Olivier Wasmer (UDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, j'étais membre de cette commission, qui, à l'unanimité, a voté ce projet de loi. Or mon groupe n'était pas tout à fait d'accord pour une chose. Comme l'a très bien expliqué le rapporteur, le prix d'acquisition, les amortissements et les intérêts coûteront de toute façon moins cher que le prix de la location. Ce n'était donc pas tellement la vente de cet immeuble à l'Etat, mais la politique du fait accompli, que l'UDC entend à nouveau dénoncer. En effet, ce droit d'emption était prévu dans le contrat de bail il y a déjà plus de deux ans... Il y a déjà plus de deux ans que la commission des travaux s'est intéressée à ces bâtiments pour l'office cantonal de la population. Et l'on nous dit simplement après deux ans, soit à peine deux mois avant l'échéance de ce droit d'emption, qu'il faut malheureusement voter cela en urgence, et sans que ce montant de 40 millions de francs - c'est là que le bât blesse - ait été budgété dans les comptes de 2008 ! L'UDC s'insurge contre ce procédé, car il voit qu'une fois de plus l'Etat nous met devant le fait accompli et ne tient absolument pas compte de l'avis des commissaires.
Je remercie M. Amsler de son très bon rapport, lequel reflète l'esprit ayant prévalu en commission. Il faut savoir que c'était une très bonne acquisition pour l'Etat, pour lui épargner de devoir payer des loyers, ce d'autant que le prix d'achat me semble encore raisonnable aujourd'hui par rapport à ce qu'il pourrait être d'ici à une année. Par contre, l'UDC déplore, une fois de plus, que le Grand Conseil et les citoyens soient mis devant le fait accompli.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le rapporteur, M. Amsler, a bien expliqué l'enjeu de ce projet de loi et l'intérêt financier qu'il y avait à acheter. J'aimerais ajouter une précision. L'analyse de la situation actuelle se base sur une estimation valable en 2008, qui ne le sera peut-être pas en 2010, 2015 ou 2020... En effet, on peut très bien imaginer une situation toute différente d'ici à cinq ou dix ans. On le voit très bien actuellement dans le milieu financier: les actions UBS qui atteignaient des sommets il y a encore deux ans ne valent plus pipette aujourd'hui !
Se pose la question de la cohérence quant à la prise de position de nombreux commissaires de cette enceinte. Je crois que le parti radical avait déposé une motion sur le partenariat public-privé - le PPP - qui s'appliquerait très bien dans un canton comme Genève, particulièrement endetté. Or je me demande si cela vaut le coup de s'endetter de 40 millions de francs supplémentaires, ce qui va encore plomber notre cotation bancaire au niveau des emprunts. Finalement, ne devrions-nous pas avoir une ligne de conduite ? Soit nous privilégions le partenariat public-privé - et à ce moment-là, nous n'achetons plus, parce que nous avons un contrat qui indique: «Nous payons 5% par année, et dans cinquante ans le bâtiment est à vous», soit nous achetons aujourd'hui.
Donc, ce parlement n'est pas très clair au niveau de la politique d'investissement. Sommes-nous favorables à l'achat ? A ce moment-là, nous le disons, et nous ne renvoyons pas des motions au Conseil d'Etat pour signaler que nous sommes en faveur du partenariat public-privé ! Ou alors, nous sommes pour le partenariat public-privé !
Sur cet objet, par rapport à toute notre discussion de ces derniers mois, par rapport aussi à l'engagement du département des constructions et des technologies de l'information - lequel s'est engagé à aller de l'avant dans ce partenariat public-privé et à nous présenter un premier projet - je pense que, typiquement, celui-là ne doit plus en être un. Là, il n'y avait aucun enjeu politique, cela aurait pu faire l'objet d'un contrat de partenariat public-privé. Et pour cette raison-là, à titre personnel, je m'abstiendrai.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Comme mes préopinants l'ont signalé, nous étions - et nous sommes toujours - unanimes concernant l'achat de cet objet. J'aimerais seulement relever qu'ici le partenariat public-privé est effectivement de très court terme. C'est vrai que sur cet objet loué en totalité par l'Etat de Genève est suspendue une épée de Damoclès: vu le délai de préemption très court, si un autre amateur, un éventuel propriétaire, se profile à l'horizon, l'inflation peut aussi être à la clé. Surtout dans ce quartier. Je pense que le partenariat public-privé a joué, on va dire, en faveur du propriétaire, étant donné que ce partenariat est de très court terme et qu'il existait peut-être déjà les plans localisés de quartier. Sur un quartier qui se développe !
Je crois qu'on n'avait pas le choix en décidant d'acheter cet objet, et aujourd'hui je vous recommande de l'accepter.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai beaucoup apprécié que M. le rapporteur loue la sagesse du Conseil d'Etat d'alors, parce que cette fameuse clause de préemption, c'est moi qui l'avais demandée à l'époque, avec, il est vrai, la collaboration précieuse de M. Béat Vuagniaux, que nous regrettons tous.
Je regrette aussi que l'urgence nous ait conduits à vous présenter ce projet très rapidement, il aurait été préférable qu'on le fasse avant. Ce sont des erreurs qui se produisent, je vous prie de ne pas nous en tenir rigueur. C'est manifestement - et vous l'avez compris par votre vote en commission - une bonne affaire pour l'Etat de Genève. Je vous demande par conséquent d'accepter ce projet de loi. (Brouhaha.)
Le partenariat public-privé, c'est plus compliqué qu'il n'y paraît, car vous soulagez le compte de fonctionnement à un moment donné, pour l'alourdir les années qui suivent... Et comme, forcément, ce genre d'exercices ne sont pas gratuits, si vous faites le calcul total il y a des objets sur lesquels cela peut se concevoir et d'autres où c'est une assez mauvaise affaire. Nous ne sommes pas là pour refaire le monde en matière de financement, mais pour acquérir un immeuble qui rend les services que l'on attendait et qui aujourd'hui - ou plus exactement aussitôt après votre vote - rendra les mêmes services à l'Etat de Genève, et surtout aux administrés, pour beaucoup moins cher qu'aujourd'hui !
La présidente. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Monsieur Gautier, avez-vous demandé la parole ? Je crois que c'est une erreur... (Commentaires.) Est-ce une erreur ?
M. Renaud Gautier. Oui, bien sûr, Madame la présidente.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant ainsi plus demandée, nous allons nous prononcer sur ce projet de loi. Auparavant, je remercie M. Amsler, qui a dû rédiger son rapport dans un délai très bref.
Mis aux voix, le projet de loi 10306 est adopté en premier débat par 53 oui et 7 abstentions.
La loi 10306 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10306 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 50 oui et 7 abstentions.
Débat
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour étant extrêmement chargé, il nous tenait à coeur de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'énergie pour y ouvrir le débat. Nous vous encourageons à faire de même.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il est important d'avoir un débat en commission, et cela non sans vous faire part de quelques inquiétudes quant à cette proposition de motion. Pourquoi ? Parce que les Services industriels sont en train d'édifier, dans le cadre de la construction du tram, tout un réseau de chauffage à distance qui permettra à la ville de Meyrin- sans compter d'autres quartiers - d'être desservie par ce type chauffage et d'être à la fois productrice d'électricité.
Dès lors, j'attire votre attention: je souhaite vous sensibiliser, Mesdames et Messieurs les députés, au fait qu'il faudra, en commission, traiter de ce problème avec vigilance. Car il est extrêmement important de ne pas faire capoter la création, avec la volonté des autorités de Meyrin et celle des habitants des Vergers, d'un quartier qui sera exemplaire en termes d'économies d'énergie ! Par ailleurs, l'ensemble des immeubles de la cité, tant communaux que privés, sont intéressés par un raccordement à ce chauffage à distance. C'est pourquoi il faudra prendre en compte tous ces éléments. J'ajoute que pour la simple ville de Meyrin, plus de 6000 tonnes de CO2 seraient économisées par année. C'est dire la plus-value de ce chauffage à distance !
Et, de manière à étudier cette motion de façon approfondie, nous ne sommes pas opposés à ce que toute la transparence règne à la commission de l'énergie et des services industriels.
M. Roger Deneys (S). Les socialistes ont lu avec un certain intérêt cette proposition de motion, tout en étant dubitatifs quant aux motivations profondes des motionnaires radicaux pour un approvisionnement électrique propre et sûr. De plus, un certain nombre de considérants ne nous semblent pas forcément exacts. Ici, il est bien question de la centrale à gaz du Lignon comme moyen de production d'énergie et de chaleur pour du chauffage à distance sur le territoire de la République et canton de Genève. Aux yeux des socialistes, c'est un enjeu important. «Faut-il réaliser cette centrale à gaz ?» est une vraie question. Pourquoi ne pas renvoyer cette motion à la commission de l'énergie ?
Il faut cependant faire très attention à une chose, et c'est là, Mesdames et Messieurs les radicaux, que je vous attends au tournant: j'aimerais être sûr que le fait de s'opposer à cette centrale à gaz, qui a comme objectif de fournir une source de production pendant une durée relativement courte, c'est-à-dire une vingtaine d'années, n'est pas un prétexte pour construire, à la prochaine crise - qui se profile d'ores et déjà - une centrale nucléaire supplémentaire en Suisse. A cela, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ne peuvent adhérer ! Pour nous, la priorité est de ne pas construire de centrales nucléaires supplémentaires. Les réflexions sur les économies d'énergie sont certes louables, mais je vous rappelle que nous avons une loi sur l'énergie actuellement en discussion dans deux commissions: celle du logement et celle - précisément - de l'énergie. Et il s'agirait de trouver des réponses pour diminuer la consommation d'énergie ! C'est la priorité numéro un.
D'autre part, et surtout, l'autre problématique - que vous n'évoquez pas, Mesdames et Messieurs les radicaux - est celle de la voiture... On sait très bien que l'électricité est une chose; mais l'énergie en est une autre. En l'occurrence, la consommation d'énergie la plus importante aujourd'hui dans nos sociétés, c'est quand même le trafic automobile individuel, et l'on ne peut pas prétendre résoudre les problèmes d'énergie sans parler de la voiture ! Nous disons donc «oui» à un renvoi en commission, mais nous regarderons avec attention si cela vaut la peine de renoncer à cette centrale.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je rappelle que nous sommes en débat de catégorie II, c'est-à-dire trois minutes par groupe, plus le groupe auteur de la motion, qui a droit à trois minutes supplémentaires. La parole est à M. Andreas Meister.
M. Andreas Meister (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les SIG parlent depuis quelque temps déjà de leur nouvelle centrale chaleur force, qui permet d'une part de centraliser la production de chaleur pour de nombreux foyers et, d'autre part, de produire une certaine quantité d'électricité. L'électricité ainsi produite le sera grâce à la combustion de gaz et émettra d'importantes quantités de CO2, ce qui, dans le contexte actuel de changement climatique, a le mérite d'être un sujet hautement politique.
Le groupe des Verts se réjouit que le parlement puisse se saisir de ce sujet brûlant et soutient ainsi le renvoi de cette motion à la commission de l'énergie et des services industriels.
M. René Desbaillets (L). Evidemment qu'en lisant le titre de cette motion, «Pour un approvisionnement électrique propre et sûr», personne dans cette assemblée ne va être contre ! Mais, quand on examine le contenu des considérants, on s'aperçoit qu'ils sont assez faibles. C'est-à-dire, Mesdames et Messieurs les radicaux, que vous enfoncez quelque peu des portes ouvertes, puisque quasiment tout est déjà enregistré, réglé ou voté, ou que beaucoup de points se trouveront dans la nouvelle loi sur l'énergie.
Le seul qui diverge - et cela, personnellement, je le regrette - c'est que, indirectement, vous attaquez la nouvelle centrale à gaz chaleur force au travers d'une motion dont le titre ne dit pas directement ce qu'elle veut. Voilà pourquoi je n'aime pas beaucoup ces déviances consistant à essayer de planter à gauche pour arriver à droite.
Il s'ensuit que l'on va parler de cette centrale chaleur force, puisque le but de votre motion est de s'opposer à sa construction, or je vous rappelle que le canton de Genève est malheureusement à moins de 30% d'autoapprovisionnement en l'électricité et que l'on aimerait bien produire beaucoup plus d'électricité hydraulique à Genève. Mais le cours du Rhône sur le canton de Genève n'est long que d'une vingtaine de kilomètres: il n'y a pas moyen de faire trois barrages sur le parcours du Rhône à Genève.
Ensuite, vous prônez - et moi aussi - la société à 2000 watts... Je pense que c'est un objectif à l'horizon 2050. Donc, entre 2010 et 2050, il faut trouver une béquille énergétique et, quand même, produire de l'énergie pendant cette période.
Au niveau de la pollution, je crois que vous vous trompez, car vous émettez des réserves quant à la pollution d'une centrale à gaz. On peut dire que les rejets de matières toxiques, à l'heure actuelle, sont filtrés à 99,9%. Concernant les émissions de CO2, sachez que le gaz carbonique se répartit de toute façon uniformément sur la planète... Si l'on n'a pas une centrale à gaz à Genève, on achètera notre électricité en Allemagne, et ce sera du charbon brûlé en Allemagne qui produira le même CO2. Par contre, une centrale à gaz à Genève procure l'avantage de la chaleur force, c'est-à-dire que l'on double le rendement de l'usine; en effet, on prend d'abord l'énergie, puis la chaleur, avec un rendement de 60 à 70%. C'est donc tout à fait favorable. Ce n'est pas l'idéal, mais c'est un moindre mal par rapport l'achat d'électricité dont on ne sait pas d'où elle vient et qui pourrait polluer davantage.
Voilà pourquoi le groupe libéral accepte cette motion. Mais nous ne nous laisserons pas tromper par rapport à la construction de cette centrale. Le groupe libéral rappelle aussi que ce sont les SIG qui construisent cette dernière, et il n'aimerait pas voir les deniers publics participer à cela.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le Mouvement Citoyens Genevois soutiendra le renvoi de cette motion à la commission de l'énergie. Le débat mérite d'être posé, même si les conclusions du Mouvement Citoyens Genevois ne seront peut-être pas celles des radicaux. Quoique ! Le MCG n'a pas encore pris formellement position sur cette centrale à gaz: il attend quelques éléments afin de conclure son analyse et prendre position.
Néanmoins, j'aimerais vous faire une proposition, Mesdames et Messieurs les députés - pour laquelle les trois quarts des voix sont nécessaires - c'est de joindre à l'objet qui nous occupe le point 170 de notre ordre du jour. Il s'agit d'une motion du MCG demandant une étude pour une usine de géothermie - cela en parallèle, évidemment, avec l'augmentation de 30% des tarifs de l'électricité en une année. Ainsi, je vous propose de joindre ce point - je ne sais pas si le règlement l'autorise, car je n'ai pas eu le temps de le consulter, mais je sais que l'on peut modifier les choses avec 75% des votants - ce qui permettrait de renvoyer à la commission de l'énergie la motion en faveur d'une centrale de géothermie, de sorte que ces objets puissent être étudiés simultanément. Nous pourrions ainsi connaître la position des différents groupes sur la façon de favoriser l'autonomie énergétique de Genève.
En effet, nous sommes aujourd'hui, sauf erreur, à 23% de notre capacité énergétique; il nous faudrait l'augmenter de manière assez conséquente, surtout par des énergies renouvelables. La géothermie en fait partie. Donc, nous pourrions étudier... (Remarque.) C'est le point 170 de l'ordre du jour, motion 1835. Donc, ma proposition... (Commentaires.) Ce n'est pas celle-là ?! Veuillez m'excuser, je n'ai pas eu le temps de chercher, pris de court par le traitement en urgence de cette motion-ci. Madame la présidente, je me permettrai d'intervenir juste pour vous dire exactement sous quel point de l'ordre du jour figure la motion MCG déposée pour une usine de géothermie... (Commentaires.) C'est le 170... C'est juste ? (Remarque.) C'est juste ! Merci.
La présidente. Un instant ! Je vais lire l'article 97 de notre règlement: «Exceptionnellement - c'est le cas - le Grand Conseil peut, sur proposition d'un député, décider, à la majorité des deux tiers des députés...
M. Eric Stauffer. C'est cela: les deux tiers !
La présidente. ...présents, de modifier en tout temps l'ordre du jour ou de traiter en urgence un objet qui n'y figure pas.» Donc, Monsieur Stauffer, vous proposez de traiter ces deux motions ensemble, de reprendre celle-ci maintenant et de la renvoyer en commission. Je mettrai cette proposition aux voix tout à l'heure...
M. Eric Stauffer. Voilà, et c'est traité en même temps !
La présidente. ...si tout le monde est d'accord avec cela. Ainsi, la démocratie s'exprimera. Monsieur Hohl, je vous donne la parole.
M. Frédéric Hohl (R). La demande, au départ, était de ne pas perdre de temps dans cette salle et de réellement travailler en commission. Je tiens seulement à rappeler qu'il ne s'agit pas d'une opposition. Je vous suggère de lire les invites au Conseil d'Etat. Nous n'avons bien évidemment pas parlé de nucléaire: nous avons, dans l'invite, demandé de présenter un rapport au Grand Conseil, d'intensifier les efforts fournis sur la réduction de la consommation et d'envisager à renoncer à la construction de la centrale. Je me réjouis donc que l'on traite de cela à la commission de l'énergie et vous en remercie.
M. Gilbert Catelain (UDC). Au départ, je croyais que c'était une motion du PDC, mais en fait, non, c'est une motion des radicaux. Je relève que nous avons deux cent vingt-et-un points à l'ordre du jour et que ce Grand Conseil, qui n'arrive pas à s'autogérer, devrait se fixer des priorités. L'une d'entre elles est de savoir s'il vaut la peine de renvoyer cette motion en commission, sachant que tout ce qui est prévu ou envisagé dans ses invites peut être discuté soit lors de l'examen du rapport divers sur les SIG, soit lors de celui sur les comptes des SIG. (Brouhaha.) Sachant que ce Grand Conseil a une influence déterminante sur le financement des SIG, c'est dans ce cadre-là que nous devrions discuter de cette fameuse centrale à gaz chaleur force, et non pas lors d'un débat supplémentaire qui prolongera les travaux de ce Grand Conseil, nous fera perdre du temps en commission et rallongera ainsi l'ordre du jour.
C'est pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas renvoyer cette motion en commission. Elle n'a pas de raison de l'être, nous pouvons en débattre autrement sans problème ! En revanche, je suis favorable à ce que l'on traite cette proposition de motion en même temps que celle du MCG, puisqu'elles portent sur le même thème.
La présidente. Merci, Monsieur Catelain. La parole n'étant plus demandée, Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur le renvoi des propositions de motions 1831 et 1835 à la commission de l'énergie et des services industriels. (Brouhaha.) Tout d'abord, que celles et ceux qui acceptent de joindre le point 170 de l'ordre du jour, proposition de motion 1831, au point 91, proposition de motion 1835 que nous étudions actuellement... (Brouhaha.) Je rappelle qu'il faut la majorité des deux tiers. C'est vous qui décidez... (Remarque de M. Eric Stauffer.) Monsieur Stauffer, vous ne pouvez pas, vous avez déjà parlé trois minutes. (M. Eric Stauffer répond hors micro.) Mais vous avez dit ce que vous vouliez et j'ai déjà tout proposé ! Nous passons aux votes.
Mis aux voix, le traitement de la proposition de motion 1835 avec la proposition de motion 1831 est rejeté par 44 non contre 27 oui.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1831 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est adopté par 55 oui contre 14 non et 4 abstentions.
La présidente. Nous reprenons maintenant notre ordre du jour bleu: point 38.
Débat
M. Sébastien Brunny (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la séparation des pouvoirs est l'un des piliers de notre démocratie, qui n'a de valeur que si ces pouvoirs sont réellement indépendants. De ce fait, pour pallier certains problèmes qui pourraient être engendrés par l'interaction de partis politiques dans les locaux de vote, le groupe MCG vous propose de modifier le règlement d'application de la loi sur l'exercice des droits politiques. Nous proposons donc que les présidents, vice-présidents et délégués des locaux de vote ne soient membres d'aucun parti politique - cela dans l'intérêt de tous, comme vous le comprendrez certainement. (Brouhaha.) Il est important de dissiper tout doute qui pourrait être nuisible aux institutions, car il entraîne la suspicion parmi l'ensemble des citoyens de notre république. Par avance, nous vous remercions de réserver bon accueil à la motion 1779.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est demandée par M. Mario Cavaleri pour le groupe PDC. Je rappelle que nous sommes en débat de catégorie II: trois minutes par groupe. Merci !
M. Mario Cavaleri (PDC). Chose exceptionnelle, j'ai envie de dire, au nom de tout ce parlement: un immense merci au MCG de nous pondre un texte aussi valeureux ! En effet, nos collègues du MCG nous offrent ce soir une occasion en or de faire la démonstration que ce groupe est vraiment surpris en «flagrant délire» de démagogie et de populisme ! Je vais m'expliquer sur cette affirmation et sur mon point de vue.
Pourquoi est-ce que je parle de populisme et de démagogie ? Il se peut que cette proposition de motion soit inspirée au MCG par le fait qu'il a peut-être des craintes de disparaître l'année prochaine lors des élections. N'étant pas un parti, mais un mouvement politique, cela expliquerait qu'il veuille conserver des mandats et avoir accès aux locaux de vote... C'est une mauvaise réponse, je pense. C'est peut-être aussi une question de moindre importance.
Le MCG demande au Conseil d'Etat de modifier le règlement relatif aux opérations électorales. Selon nos collègues, il conviendrait que les présidents, vice-présidents et délégués des locaux de vote ne soient pas membres d'un parti politique... Là, Mesdames et Messieurs, chers collègues, c'est extraordinaire, parce que nous vivons ce soir un moment historique ! Le MCG est en train de nous dire qu'il y a deux catégories de citoyennes et de citoyens: en fait, celles et ceux qui votent pour le MCG, et tous les autres ! Alors bravo ! Ce n'est pas encore constitutionnel, Monsieur Stauffer, mais cela le deviendra peut-être avec la Constituante... Peut-être ! A voir ! Mais enfin, pour l'instant, ce n'est pas ainsi que cela se passe. (Brouhaha.)
J'aimerais simplement rappeler une chose: M. Golay, votre chef de groupe, avait lors de notre dernière session - lorsque nous parlions du vote électronique - appelé de ses voeux la sécurité des opérations électorales. M. Golay nous disait avec beaucoup de sérénité, de conviction - de solennité ! - qu'il fallait vraiment préserver la sécurité des opérations électorales. Mais les sécurités existent déjà ! Elles existent déjà, de par le système et de par la loi et son règlement d'application. Alors, qu'est-ce que vous voulez ?! En fait, vous voulez simplement faire parler de vous ! C'est cela, le but de votre motion ! C'est uniquement cela ! C'est la gesticulation permanente, c'est la démagogie permanente, cette espèce de populisme de bas étage qui vous fait dire, dans la même journée, tout et son contraire. Vous êtes extraordinaires, Collègues du MCG, et c'est pour cela que je voulais vous remercier, ce que j'ai fait en préambule ! (Brouhaha.)
Maintenant je vais prendre quelques exemples, pour bien appuyer et pour conforter mon point de vue. Nous avons entendu tout à l'heure et hier soir - c'était assez extraordinaire - le MCG nous dire... (Commentaires. Brouhaha.) Madame la présidente, je ne sais pas, il y a un flottement...
La présidente. Il y a un flottement, vous croyez ? (Rires. Remarque.) Monsieur Gautier, c'est vous qui faites le flottement. (Rires. Brouhaha.)
M. Mario Cavaleri. Il y a des caucus particuliers... (Brouhaha.) Puis-je continuer ?
La présidente. Vous le pouvez, mais je vous rappelle qu'il faudra bientôt conclure...
M. Mario Cavaleri. Déjà ? (Rires.) Mais je n'ai pas fini ! (Rires. Brouhaha.)
La présidente. ...parce que c'est trois minutes par groupe.
M. Mario Cavaleri (PDC). J'ai parlé de populisme et de démagogie, je vais simplement donner quelques exemples. J'ai relevé hier soir que le MCG disait, au sujet de la désignation et de l'élection des juges, qu'il fallait sortir tout cela du cercle politique. Alors bon, moi je veux bien...
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Mario Cavaleri. ...on nous prouve aujourd'hui le contraire - et je vais donner un dernier exemple, puisque je dois faire court.
La présidente. Oui !
M. Mario Cavaleri. Je ne comprends pas que, dans le même esprit de la proposition de motion que nous présente le MCG, on ne soit pas allé jusqu'au bout de la logique ! Celle qui consisterait à dire que tout élu ou membre d'un parti politique ne pourrait pas siéger dans les commissions administratives, dans des entités de droit public. Je prends juste deux exemples...
La présidente. Il vous faut conclure maintenant !
M. Mario Cavaleri. ...il y a les HUG et les SIG. Mais évidemment, la réponse s'impose d'elle-même !
La présidente. Monsieur le député...
M. Mario Cavaleri. M. Stauffer siège... (Brouhaha.)
La présidente. Je suis désolée...
M. Mario Cavaleri. ...dans ces conseils d'administration ! Evidemment qu'on ne va pas les viser, ceux-là ! Mais comme M. Stauffer...
La présidente. Monsieur le député ! (Brouhaha intense.)
M. Mario Cavaleri. ...ne peut pas se dupliquer, il ne peut pas être dans tous les locaux de vote ! (Brouhaha. Remarque de M. Roger Golay.)
La présidente. Monsieur Golay, c'est moi qui préside ce parlement: je vous prie de vous taire. Merci ! La parole est à M. Christian Bavarel.
M. Christian Bavarel (Ve). Pour les Verts, la position est assez simple: nous considérons que les trois pouvoirs qui doivent être séparés sont d'un côté le pouvoir judiciaire, d'un autre côté le pouvoir exécutif, et du troisième côté le pouvoir législatif, ce qui est le cas dans notre démocratie. Nous ne considérons pas que faire de la politique, se mettre au service de la direction de la cité, soit quelque chose de sale, quelque chose de malhonnête ou autre. Au contraire, nous estimons que c'est une tâche honorable, que notre système démocratique fonctionne bien et que la surveillance des locaux de vote est saine. Nous, les Verts, nous ne comprenons ni les arguments, ni la volonté de cette motion, donc nous vous invitons simplement à la refuser.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je crois que, comme beaucoup d'entre vous, j'ai été un peu interloquée en lisant cette motion. Effectivement, si je regarde l'exposé des motifs, je constate qu'il s'agit de mieux défendre ce qui nous tient tous à coeur: une démocratie irréprochable. Je me suis demandé si les auteurs de la motion savaient tout à fait ce qu'était une démocratie... Je vais, du fait que je suis enseignante, essayer d'être un peu pédagogue.
Quand on parle de démocratie, on parle d'Etat de droit. C'est-à-dire qu'il y a une constitution, qui est un texte fondamental, dans lequel sont inscrites les règles qui, au fond, régissent la société dans laquelle on vit. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés du MCG, ou les signataires de cette motion, vous violez au moins trois droits fondamentaux qui sont dans notre constitution ! A savoir: l'article 23, la liberté d'association; l'article 13, la protection de la sphère privée; et l'article 36, sur la restriction des droits fondamentaux.
Alors de deux choses l'une, Mesdames et Messieurs les députés ! Soit les auteurs de cette motion ignorent la constitution - cela me paraît un peu inquiétant pour un parti, à moins qu'il ne s'agisse que d'un groupe, mais, pour un parti qui prétend gouverner et participer aux exécutifs de ce canton... Soit les auteurs de cette motion s'asseyent purement et simplement sur les principes de l'Etat de droit et sur la démocratie, ce qui serait encore plus inquiétant.
Je pense que tous les démocrates de ce parlement ne pourront que refuser cette motion. (Applaudissements.)
Mme Christiane Favre (L). Mesdames et Messieurs les députés, nous devrions être habitués, depuis le temps, à la tournure que peuvent prendre certains textes du Mouvement Citoyens Genevois. Mais je suis choquée de ce qu'on peut lire entre les lignes de cette motion et, surtout, je suis triste pour ceux qu'elle dénigre et que nous connaissons tous dans nos communes respectives. Qu'est-ce que cette motion nous laisse entendre de manière à peine voilée ? Que les membres d'un parti politique sont plus malhonnêtes que les autres; que ces gens que l'on sollicite pour présider ou vice-présider des opérations électorales - et que l'on va souvent chercher dans nos communes faute de candidatures extérieures dans les conseils municipaux - sont des menteurs et des tricheurs potentiels; que ces présidents et vice-présidents, avec la bénédiction des jurés choisis dans les rôles électoraux, entravent ensuite le bon déroulement des opérations et violent les règles de la démocratie en profitant du peu de gens qui viennent au local de vote... Mais c'est tout simplement inacceptable !
Non seulement les auteurs de cette motion insultent gravement et inutilement des milliers de gens qui ont un attachement politique, en les soupçonnant de ne plus être capables d'accomplir loyalement leur devoir civique, mais ils ont aussi une méconnaissance crasse du déroulement des opérations électorales dans un local de vote, et notamment du dépouillement, qui laisse peu de place à l'imprécision et absolument aucune à l'improvisation. Tout un chacun peu d'ailleurs le contrôler facilement, puisque ces opérations sont publiques. Et j'encourage les auteurs de cette motion à le faire ! Cela leur permettra de présenter des excuses à tous ces citoyens qui perdent leur dimanche matin, à chaque votation, à chaque élection, dans toutes les communes genevoises, pour que notre démocratie fonctionne. Le groupe libéral rejette cette motion, bien évidemment. (Applaudissements.)
M. Eric Bertinat (UDC). Je suis à peu près d'accord avec tout ce qui a été dit et m'en voudrais de faire le procès du MCG - il nous a si aimablement divertis ces dernières heures... Je m'arrêterai simplement à l'article 3 et sa nouvelle teneur en me demandant: «Mais comment veut-on appliquer cela ?». Interdire aux présidents, vice-présidents et délégués des locaux de vote d'être membres d'un parti politique ?! C'est quoi... Vous voulez un fichage, vous voulez que les partis donnent automatiquement leur liste - au MCG peut-être ? - pour vérification ?!
Tout cela est non seulement inapplicable, mais vous rendez automatiquement suspect tout membre d'un parti politique... Vous faites fort ! Vous nous habituez à vous voir faire fort, et là vous faites vraiment très fort !
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est demandée par M. Roger Deneys, à qui il reste une minute trente.
M. Roger Deneys (S). On admirera la précision des socialistes, qui partagent exactement, en respectant les quotas, les trois minutes du groupe, en une minute trente pour la première intervenante et une minute trente pour le deuxième intervenant... Admirez cette précision ! (Commentaires.) C'est peut-être la perfection socialiste !
Plus sérieusement, pour revenir à cette motion, j'aimerais encore insister sur un autre point en adhérant aux propos que Mme Favre a tenus tout à l'heure. Fondamentalement, Mesdames et Messieurs les représentants du MCG, le problème - majeur ! - que je vois aussi dans ce projet est celui de la transparence. Aujourd'hui, avec le système actuel, on connaît les appartenances politiques des uns et des autres; avec votre projet, on dit simplement: «Ils ne doivent pas être membres d'un parti.» Mais peut-être que la femme de M. X, de M. Stauffer ou de M. Golay ne sont pas membres du MCG... Alors, que va-t-on faire ? On va dire: «Eh bien oui, elles peuvent siéger, elles ne sont pas membres d'un parti»... Peut-être qu'elles ne pensent pas comme vous, mais comment va-t-on le prouver ? Et puis, d'ailleurs, peut-être avez-vous un cousin policier partageant une partie de vos opinions politiques, mais qui n'a pas encore adhéré au MCG ? Comment va-t-on savoir que c'est démocratique ?! Il n'y aura aucune transparence ! Et aujourd'hui, le fait d'annoncer la couleur politique, c'est l'un des éléments de la transparence démocratique: on se respecte les uns les autres, on ne partage pas les mêmes opinions mais on travaille ensemble pour la même transparence démocratique. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Je vais être bref. Monsieur Cavaleri, du PDC, ne prenez pas vos rêves pour des réalités en disant que le MCG est un parti appelé à disparaître ! J'aimerais quand même vous rappeler qu'à Onex le MCG est largement - largement ! - devant le PDC. Et le PDC et l'un des plus petits partis de la commune d'Onex ! (Exclamations.) Et, vous verrez, il y aura encore beaucoup de surprises l'année prochaine.
Soyons un peu plus sérieux. Cette motion du MCG, que veut-elle ? (Brouhaha.) Elle veut simplement rendre inattaquables les locaux de vote. Je vais vous en expliquer la raison avec deux exemples. Voici le premier: à Onex, par un arrêté urgent du Conseil d'Etat - et M. le conseiller d'Etat le confirmera dans quelques minutes - j'ai fait sortir un contrôleur qui se trouvait être le premier candidat vient-ensuite lors du deuxième tour de l'élection au Conseil administratif de la commune d'Onex; si les partis étaient respectueux, comme vous le dites, ce monsieur n'aurait même pas dû être contrôleur dans ce local de vote, puisque le résultat de l'élection entre moi et le candidat Rochat à Onex l'impliquait directement ! Voilà déjà un exemple.
Une voix. Monsieur Rochat !
M. Eric Stauffer. «Monsieur Rochat», oui. Voici le second exemple, écoutez bien ce que je vais vous dire. J'ai assisté personnellement dans le parking d'Uni-Mail - et j'ai les photos - à la venue d'une responsable de local de vote avec cent cinquante bulletins retrouvés derrière la cuvette des WC... Ecoutez-moi bien: ce n'est donc pas la police qui a apporté ces bulletins - ils n'ont pas été comptés - qui concernaient le parti socialiste et les Verts de la commune de Thônex ! Et j'ai bien vu le contrôleur à Uni-Mail prendre ces bulletins, car j'étais là. Je donnerai tous les détails à M. Moutinot, mais je pense qu'il était au courant, car cela avait causé un léger drame à Uni-Mail. La personne qui a subtilisé les bulletins de vote lors du décompte et qui les a cachés derrière la cuvette des WC dans le local de vote devait certainement être membre d'un parti de l'Entente, puisque... (Commentaires. Brouhaha.) Mais nous n'avions pas de candidats ! Nous n'avions pas de liste MCG dans la commune de Thônex ! Donc, nous ne pouvons pas être incriminés !
C'est justement la démonstration qu'il faudrait que les gens ne soient pas membres d'un parti politique. C'est pour cette raison que je vous invite à soutenir cette motion.
Si M. le conseiller d'Etat veut ouvrir une enquête, je suis à sa disposition, avec les photos, avec le nom du contrôleur, et l'on pourra même citer comme témoin M. le chancelier. Il était au courant de cette affaire, et rien n'a été entrepris, mais il est vrai que c'était au détriment du parti socialiste, et la pression, à l'époque, a certainement eu cet effet.
Comme je vous le dis, cette motion fait tout de même preuve d'un certain bon sens, et vous le savez aussi. Au MCG, nous sommes condamnés à révéler des informations véridiques, et je défie quiconque de venir contester ce que je viens de dire. Merci. (Commentaires.)
La présidente. La parole est à M. Antoine Bertschy pour le groupe UDC; il lui reste deux minutes dix.
M. Antoine Bertschy (UDC). Merci, Madame la présidente, cela me sera largement suffisant. Je vois que cette motion, qui date du 4 septembre 2007, a comme premier motionnaire M. Thierry Cerutti. Il se trouve qu'en 2007 j'étais président du bureau de vote des Avanchets, Vernier 4. Comme vous le savez, il y a eu en 2007, lors des élections, un deuxième tour à Vernier... Je vois qu'il y a effectivement, comme l'a dit ma préopinante libérale, une remise en cause des personnalités qui président ou vice-président les bureaux de vote. Je dois juste dire que dans le bureau de vote que je présidais à l'époque, où je soutenais non pas le candidat du MCG, mais le candidat libéral, le candidat du MCG a fait 52% des voix à Vernier 4, Les Avanchets.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est demandée par Mme Michèle Künzler, a qui il reste deux minutes.
Mme Michèle Künzler (Ve). Merci, Madame la présidente. Deux minutes suffiront pour témoigner aussi, comme le MCG, des «vérités vraies». Effectivement, pendant la campagne électorale municipale, nous avons rencontré deux membres du MCG: le candidat de la commune de Carouge et l'un des rédacteurs du GHI portant deux sacs Migros remplis de bulletins de vote... Tout de même, vous devriez cesser d'accuser les autres ! Moi, je n'ai jamais donné cette information ! Je ne l'ai jamais divulguée à la police ! Or je pense qu'elle est importante et que ce c'est un pur scandale: vous devriez donc balayer devant votre porte et cesser d'attaquer des personnes qui n'ont rien à se reprocher ! Car vous, vous vous promenez à Carouge avec des sacs entièrement remplis de bulletins de vote ! (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je suis un peu surpris de la tournure que prend ce débat. M. Stauffer a l'habitude, lorsqu'il croit déceler un disfonctionnement, de m'écrire. (Rires.) Il vient d'annoncer, publiquement, une fraude grave dans un processus électoral; mais, la dernière élection remontant à de très nombreux mois, je m'étonne qu'il ne m'en ait pas nanti plus tôt ! (Rires.)
Madame Favre, vous avez tout dit. Vous avez raison de prendre la défense de toutes ces citoyennes et de tous ces citoyens qui font leur devoir en allant dans les bureaux de vote procéder au dépouillement. Et il est bon que l'on sache de qui il s'agit ! De manière, précisément, à respecter un équilibre. En effet, s'ils sont tirés au sort, on pourrait - par hasard - avoir un local de vote avec... que des gens d'un même parti ! La seule manière d'être sûr que toutes les tendances sont représentées, c'est d'en prendre un par parti.
A cela s'ajoute que la loi genevoise, dans sa grande sagesse, prévoit que tout citoyen peut demander à participer, à regarder ce qu'il se passe. Ce qui se fait. Par conséquent, personne - rigoureusement personne ! - n'a le droit de mettre en cause la participation citoyenne, avec la participation des partis, dans les locaux de vote. On me reproche quelquefois d'être trop modéré: mais heureusement ! Parce que si je me laissais aller... Cette motion est un pur scandale ! (Vifs applaudissements.)
Mise aux voix, la proposition de motion 1779 est rejetée par 64 non contre 7 oui.
Débat
M. Renaud Gautier (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, vous m'excuserez de revenir avec un sujet un petit peu plus sérieux que les préalables de tout à l'heure, pour vous dire la chose suivante. La mort n'est pas un acte politique; elle n'est ni de droite, ni de gauche, pas plus qu'elle n'est du centre. La mort atteint les gens et remplit de chagrin les personnes proches de celle ou de celui qui vient de disparaître. La mort est le moment de la confrontation entre une réalité administrative, d'une part, et la force des sentiments, de l'autre. Cette confrontation se passe rarement bien.
Pour une fois, Mesdames et Messieurs les députés, je vous suggère que ce Conseil, à travers le dépôt de cette motion sur le bureau du Conseil d'Etat, fasse oeuvre de facilitateur; c'est-à-dire qu'il mette en place une structure qui permette, à celles et ceux qui sont - ce qui arrivera à chacun d'entre nous, malheureusement - touchés par le décès d'un proche, d'avoir dans l'administration quelqu'un qui aide plutôt que quelqu'un qui, souvent bloqué dans une logique administrative, est un élément de complexification. C'est donc un appel non pas à légiférer une fois de plus, mais à mettre en place une structure qui soit effectivement une aide pour celles et ceux qui, à un moment donné, en ont particulièrement besoin.
Mme Véronique Pürro (S). Mesdames et Messieurs les députés, il y a des propositions que nous souhaitons déposer, parce que nous avons la chance de pouvoir le faire et parce que nous avons été confrontés à des situations nous poussant à vouloir améliorer le système et, dans ce but, à utiliser nos diverses fonctions. C'est le cas avec la proposition que M. Gautier et moi vous soumettons, puisqu'il y a quelques années nous avons tous deux, à bref intervalle, été touchés par le décès d'un être cher.
En effet, nous avons été confrontés à la situation que nous avons essayé de décrire dans l'exposé des motifs de cette motion. Comme tous ceux qui ont été concernés par les suites qu'un décès implique, nous avons vécu les différentes étapes que nous avons exposées ici, et il y a, dès le début de ces dernières, des décisions peu faciles à prendre, d'autant moins qu'on se retrouve souvent seul pour cela. Ensuite, lorsque ces décisions sont prises - je parle des pompes funèbres - il faut ensuite effectuer toute une série de démarches administratives, puis en faire diffuser l'information dans les différents services, les banques, les assurances, etc.
Quand nous sommes - et c'est notre cas - bien «armés», c'est-à-dire lorsque nous comprenons la langue, quand nous comprenons le fonctionnement de l'administration, et que nous avons ainsi des accès facilités, il est vrai qu'on y arrive, même si la situation n'est pas facile. Aussi avons-nous pensé à toutes les personnes qui n'ont pas notre chance: soit parce qu'elles sont de langue étrangère; soit parce qu'étant âgées elles n'ont plus les ressources suffisantes; soit parce que, dans leur peine, elles n'ont tout simplement plus l'énergie de faire face aux tâches administratives qui leur incombent, relatives au défunt. Nous nous sommes dit qu'il fallait que l'Etat fasse quelque chose pour faciliter la tâche des personnes se trouvant dans cette situation, d'où l'idée du guichet unique.
La personne ayant perdu un être cher pourra ainsi s'adresser à un seul endroit à partir duquel tout sera organisé: les tâches seront accompagnées et facilitées. Voilà ce que demande cette motion à travers le guichet unique.
De même que mon collègue vient de le dire, nous - au parti socialiste - vous suggérons, vu l'évidence de la demande, de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat, afin qu'il la prenne en compte et fasse le nécessaire. Je vous remercie.
M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts approuveront cette motion et son renvoi direct au Conseil d'Etat pour une raison bien simple: nous pensons que l'administration doit aussi être là pour faciliter la vie des citoyens. En effet, dans des situations spécialement douloureuses et difficiles, il est important que l'Etat apporte aussi son soutien, cela nous semble logique. Merci aux deux motionnaires de nous avoir soumis cette proposition qui, si l'on arrive à faire la faire aboutir, facilitera passablement les choses pour nos concitoyens.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Sandra Borgeaud. Vous avez une minute et demie, Madame la députée.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je soutiens bien évidemment cette motion: elle est très pertinente et soulagera d'un grand poids les futurs utilisateurs du guichet unique.
Il est vrai qu'à notre époque il n'est plus tolérable de nous envoyer dans tout le canton pour chaque document - il y en a toujours un qui manque... Lors d'un deuil, nous sommes dans un état psychologique très pénible: nous sommes fatigués, tristes, voire un peu agressifs par moments, parce que l'Etat rend difficile cette période à traverser, d'autant plus s'il s'agit de la perte d'un être très cher - un enfant, un conjoint.
Cette idée de guichet unique devrait donc être concrétisée le plus rapidement possible. Pensons aux personnes âgées: souvent, elles se retrouvent complètement perdues, complètement seules, complètement abandonnées, et doivent pourtant faire face aux problèmes administratifs - il y a des gens qui ne sont pas forcément aidés par leurs enfants, par des amis ou par qui que ce soit, même si cela devrait être le cas. Eh bien, avec un guichet unique, il y aurait une personne, professionnelle, connaissant parfaitement la marche à suivre, qui pourrait, en un seul rendez-vous, fournir toutes les explications nécessaires, apporter un soulagement certain face aux démarches administratives à effectuer et, ainsi, aider à passer ce mauvais cap.
Je vous invite donc tous, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette motion, de façon qu'elle puisse figurer le plus rapidement possible dans un règlement et être appliquée.
M. Frédéric Hohl (R). Cela fait du bien d'avoir une vraie bonne idée: merci beaucoup aux motionnaires. Ce soir, nous avons la chance d'avoir une proposition qui n'a rien à voir avec la politique et qui est pleine de bon sens. Comme le parti radical, je vous encourage, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.
M. Roger Golay (MCG). Le groupe MCG soutiendra cette motion, avec un plus - je pense que c'était prévu dans les intentions de Mme Pürro - soit, pour ce guichet unique, avec une permanence durant le week-end. Parce la mort frappe aussi le vendredi, le samedi et le dimanche. Nous soutiendrons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Comme il l'a été dit, ce n'est pas un sujet politique, cela concerne la qualité des relations humaines et l'accueil d'êtres qui se trouvent désemparés à un moment de leur vie. S'il n'y a personne à même de prendre le relais pour conseiller adroitement, avec empathie, et indiquer les démarches qu'il y a lieu d'effectuer, c'est regrettable; pourtant, c'est malheureusement ce qui se passe actuellement dans nos sociétés très urbaines. Ayant vécu ce genre de situation dans ma commune, je sais qu'il est important d'avoir, dans chacune des entités communales, voire cantonales selon les nécessités, un répondant à qui l'on puisse s'adresser.
Le parti démocrate-chrétien soutient bien évidemment cette motion. En caucus, nous nous sommes demandé s'il était opportun de renvoyer éventuellement ce texte à la commission des affaires communales, précisément parce qu'il y a un certain nombre de choses à instaurer, de manière à être efficace. (Brouhaha.) Cependant, ayant vu que la majorité des groupes souhaitent le renvoi au Conseil d'Etat, je pense que nous nous rallierons à cette proposition, tout en attirant l'attention - et c'est extrêmement important - sur le fait qu'il ne s'agit pas d'avoir, dans de telles situations, un guichet ouvert de 8h à 12h et de 14h à 18h: il faut une permanence, connue et pouvant être dérangée 24h/24. C'est une nécessité !
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce qui a été dit, c'est un sujet politique. Ce n'est fort heureusement pas un sujet politicien. Mais, définir la place de la mort dans la société, la manière dont la société s'occupe des survivants, le rôle de la famille, l'attitude que doit avoir l'administration... Si ce ne sont pas des sujets politiques, alors il n'y en a pas beaucoup ! Tout le reste, ce que l'on a fait aujourd'hui, n'a pas ce degré de gravité. Cela pour vous dire que le Conseil d'Etat accepte bien évidemment cette motion.
Je préfère de loin ce qu'a dit M. le député Gautier, prônant l'idée d'un facilitateur plutôt que d'un guichet unique. Pour moi, la mort ne se règle pas dans les guichets. On peut la voir comme cela, mais je ne pense pas que ce soit une affaire administrative. Je pense en revanche que l'on est en droit de demander à l'administration de faire en sorte qu'elle ne vienne pas compliquer, perturber, allonger. Mais on doit aussi lui demander de faire son travail. C'est là où je dis qu'il y a un véritable problème de nature politique.
Vous proposez l'ouverture d'un guichet ouvert le week-end... Je peux concevoir certaines urgences. Mais l'urgence, en cas de décès le week-end, n'est pas administrative, c'est de s'occuper des survivants ! Ce n'est pas de savoir à combien d'exemplaires il faut remplir un formulaire !
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je vous le dis tout de suite: je ne donnerai pas une réponse administrative pour décharger sur l'administration un certain nombre de sujets dont nous ne nous occupons pas assez ! Nous ne nous occupons pas assez de ceux qui sont en deuil. Et je ne crois pas qu'il faille créer une administration mortuaire à Genève. En revanche, il va de soi qu'il est hors de question de laisser se poursuivre certaines situations kafkaïennes où, après trois lettres recommandées, vous expliquez que la personne est bel et bien morte, et l'on vous demande encore si c'est vrai ! Il y a un moment donné où ça suffit - on l'a tous vécu, moi aussi, et vous le savez. Alors, je suis bien évidemment prêt à promouvoir ce genre de simplifications administratives.
J'ajoute aussi - et là, ce n'est pas de la politique politicienne - qu'il n'y a pas que l'administration qui complique la vie en cas de décès: l'assurance-vie vous pose, elle aussi, un nombre de questions absolument invraisemblables ! Qui n'ont juste aucun rapport avec le contrat signé, et qui sont particulièrement douloureuses dans les moments en question.
Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, je dis oui à une simplification administrative - c'est comme cela que je comprends votre demande - et oui à une aide aux personnes en deuil, avec cette limite que je ne crois pas que nous pourrons confier cette tâche à l'administration. Je remercie Mme et M. les députés de poser une bonne question à l'administration et au Conseil d'Etat, mais surtout d'en poser une très bonne à chacun d'entre nous, à chaque fois qu'il y a un deuil dans notre proximité.
Mise aux voix, la proposition de motion 1784 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 65 oui et 2 abstentions.
Débat
M. François Thion (S). Cette motion, issue des bancs socialistes, a été également signée par des députés Verts, du parti radical, du PDC, de même que par des libéraux.
Trois rappels importants pour expliquer les raisons de cette motion. Tout d'abord, au niveau international, les Nations Unies se sont donné huit objectifs à atteindre d'ici à 2015 afin de diminuer l'extrême pauvreté et la faim dans le monde. Pour atteindre ces objectifs, les pays riches, dont la Suisse, ont promis d'augmenter leur part de budget consacrée au développement. Voilà pour le contexte international. Ensuite, au niveau suisse cette fois-ci, une vaste campagne a été engagée durant l'année 2007 et une pétition munie de près de 200 000 signatures a été lancée sur internet. Cette pétition demande à la Confédération d'augmenter progressivement l'aide au développement afin d'atteindre l'objectif de 0,7% du produit national brut, objectif fixé par les Nations Unies. Vous vous rappelez que, ces dernières années, la Suisse a consacré 0,41% en 2005, 0,39% en 2006 et seulement 0,37% en 2007. Visiblement, il y aura une augmentation pour les prochaines années, d'après ce que j'ai lu hier dans le journal. Au demeurant, on est loin du 0,7%. Enfin, au niveau cantonal, dois-je rappeler ici que notre Grand Conseil a voté en 2001 une loi sur le financement de la solidarité internationale qui, en son article 2, précise que la République et canton de Genève consacre - je dois dire «devrait consacrer» - au moins 0,7% de son budget de fonctionnement à l'aide au développement ? Malheureusement, comme nous l'indique le rapport du Conseil d'Etat RD 748, moins de 0,2% a été affecté à la solidarité internationale en 2007.
A l'heure de la mondialisation, Mesdames et Messieurs les députés, rappelons que dans notre village planétaire, si environ un milliard de personnes se branchent comme nous quotidiennement sur internet, on a d'un autre côté un milliard de personnes qui sont illettrées, et sur ce milliard de personnes qui ne savent ni lire ni écrire, il y a deux tiers de femmes. De même que, sur notre planète, 150 millions d'enfants de 6 à 11 ans, âge de l'école primaire, ne sont pas scolarisés. Le programme des Nations Unies pour le développement nous indique que, sur 6,5 milliards d'habitants, 2 milliards d'êtres humains vivent encore dans la misère absolue, sans revenu fixe, sans travail régulier, sans soins médicaux. En espérant ne pas vous ennuyer, voici une dernière statistique: 95% des 16 000 personnes infectées quotidiennement par le sida vivent dans les pays du Sud. Sur 30 millions d'Africains touchés en 2006 par ce virus, 27 000 seulement ont bénéficié d'un traitement.
Mesdames et Messieurs les députés, notre canton a mis sur pied en 2005 un service de la solidarité internationale: la majorité des financements vont à des associations genevoises qui travaillent sur le terrain, sur des projets concrets; une part non négligeable du budget est versée à la Fédération genevoise de coopération, dont nous venons de recevoir il y a quelques semaines le rapport d'activités pour 2007. Le sérieux de cette fédération n'est pas à démontrer en ce qui concerne la qualité de ses dossiers.
Aujourd'hui, je crois que l'aide au développement devrait permettre de vivre dans un monde plus solidaire; et si l'on vit dans un monde plus solidaire, on vivra dans un monde plus sûr. La misère, très régulièrement, entraîne l'insécurité. L'invite de cette motion est assez raisonnable: atteindre le 0,7% en sept ans. Il est donc temps, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre nos responsabilités. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Beatriz de Candolle pour le groupe libéral. Je rappelle que l'on est en débat de catégorie II: trois minutes par groupe.
Mme Beatriz de Candolle (L). L'an dernier, pendant la campagne électorale fédérale, j'avais affirmé mon engagement pour la coopération au développement, tant devant les libéraux qu'en étant l'une des premières signataires de la pétition «0,7% - ensemble contre la pauvreté !» qui a été déposée au Palais fédéral le 26 mai dernier. Il faut savoir que la Suisse est le seul pays d'Europe occidentale à avoir refusé jusqu'à présent d'augmenter d'ici à 2015 son aide au développement à concurrence de 0,7% du produit national brut recommandée par l'ONU et de remplir ainsi les engagements pris. J'aimerais souligner que les libéraux se sont toujours battus aux Chambres fédérales pour que l'aide qui se monte aujourd'hui à 0,4% soit maintenue en dépit des allégements budgétaires. Nous avons pu lire dans la presse que la Chambre des cantons devait statuer aujourd'hui sur la proposition de sa commission de politique extérieure de hausser l'aide au développement à 0,5% d'ici à 2015.
La motion 1788 invite simplement le Conseil d'Etat à octroyer, progressivement jusqu'en 2015, 0,7% de son budget de fonctionnement à la solidarité internationale. Comme toute motion, il s'agit d'une intention. La plupart des quarante-cinq communes genevoises, y compris Chêne-Bourg et Chêne-Bougeries - mon collègue M. Walpen ne me contredira pas - consacrent déjà 0,7% de leur budget à la solidarité internationale. Certaines atteignent même 1% selon le classement annuel de la Fédération genevoise de coopération. Nous avons pu lire dans le rapport du Conseil d'Etat sur la politique de la solidarité internationale en 2007 que le pourcentage du budget était de moins de 0,2% malgré son souhait de se rapprocher progressivement de l'objectif fixé par la loi. Il s'agit ici de responsabilité et de solidarité. Malgré les engagements pris par les pays développés à aider ceux qui ne le sont pas, chaque année, le montant total des contributions au développement baisse. A quoi sert-il de signer des accords, des engagements qui ne sont pas tenus ? A se donner bonne conscience ?!
Il est de notre devoir de contribuer, afin de permettre aux ressortissants issus de pays du Sud de rester dans leur pays ! S'ils immigrent, ce n'est pas forcément parce qu'ils sont plus heureux chez nous, mais parce qu'ils ne trouvent pas de travail, pas de sécurité chez eux. Ce que la plupart d'entre eux souhaitent, c'est trouver dans leur propre pays des conditions de vie convenables. S'expatrier par son choix dénote une décision mûrement réfléchie; s'expatrier pour des motifs économiques et de survie, ce n'est pas la même chose. Et pour tous ceux qui font de savants calculs, qu'est-ce qui coûte plus cher à la collectivité: leur donner les moyens de se développer chez eux ou les soutenir par des aides sociales en Suisse ?
Mesdames et Messieurs les députés, au nom du groupe libéral, j'en appelle à votre bon sens et à votre humanisme pour accepter cette motion et la renvoyer à la commission des affaires communales, régionales et internationales, afin de pouvoir évaluer la part réelle de l'effort octroyé par notre canton en faveur de la solidarité internationale et, aussi, de répondre aux interrogations des sceptiques quant au bien-fondé de l'aide aux pays défavorisés. Merci. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Pablo Garcia (S). Il est tout de même paradoxal que notre parlement doive déposer une motion demandant au Conseil d'Etat d'appliquer une loi votée en 2001 ! C'est aussi étonnant que de demander au Conseil d'Etat d'appliquer un vote populaire souverain - au hasard et par exemple, sur les EMS...
Mais cet exercice est nécessaire, car nous avons tous de bonnes raisons d'accepter cet objet. Pour les socialistes, la solidarité internationale est une évidence. Nous ne vivons pas dans un pays sous cloche, clos, sans lien avec le monde qui nous entoure: nous avons une responsabilité et la conscience que nous sommes mutuellement dépendants, et avec les pays en voie de développement. Toutefois, si une droite dure n'est pas sensible à cette conception du monde, elle a des buts égoïstes qui seront également satisfaits par ce projet, elle qui fait son fonds de commerce de la peur de l'immigration et du rejet de l'étranger. En effet, la solidarité internationale aide au développement des infrastructures et à améliorer les conditions de vie et de travail des habitants du Sud dans leur pays. Il convient que nos autorités comprennent que le 0,7% d'aide au développement n'est pas une option, mais une nécessité vitale !
Voilà pourquoi les socialistes vous encouragent à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. François Gillet (PDC). Le parti démocrate-chrétien a été l'un des acteurs de la loi votée en 2001; notre parti est très attaché à la solidarité internationale et à la coopération au développement avec les pays du Sud. Cette position va au-delà des bons sentiments, c'est aussi une question de crédibilité pour Genève, en tant que ville internationale, en tant que lieu de tradition humanitaire et de solidarité depuis de nombreuses années. Nous avons à Genève une expertise dans ce domaine; nous avons l'IHEID, qui - vous le savez - forme des experts mondialement reconnus dans le domaine du développement. Nous avons évidemment le CICR. Nous avons également - M. Thion l'a dit - la Fédération genevoise de coopération, dont les compétences sont largement reconnues dans le domaine du développement. Pour toutes ces raisons, nous nous devons, Mesdames et Messieurs, de respecter les engagements que nous avons pris, de consacrer 0,7% de notre budget à la solidarité internationale.
Notre groupe a longuement discuté de la façon d'aborder cette motion. Fallait-il la renvoyer directement au Conseil d'Etat ou en commission ? Nous avons considéré qu'il était bon de profiter de cette motion pour rediscuter du fond de la question de la loi sur le financement de la solidarité internationale. M. Garcia l'a dit, cette loi n'a pas été appliquée comme elle aurait dû l'être. Quelles en ont été les raisons ? Quelle est la base de calcul de ce pourcentage ? Quelles sont les aides prises en compte et celles qui ne le sont pas ? Il nous semble utile de rediscuter de ces questions, de clarifier à nouveau les choses pour que cet effort puisse être mené à bien dans un délai de sept ans, tel que proposé. Nous croyons que cette motion, modérée dans ses invites, mérite d'être soutenue. A nos yeux, elle devrait plutôt être étudiée en commission des affaires communales, régionales et internationales. Je vous remercie donc de réserver un bon accueil à cette motion et de la renvoyer en commission.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, en 2001, dans un élan de générosité - et peut-être émotionnel - le Grand Conseil, majoritairement à gauche, avait voté une loi sur le financement de la solidarité internationale, afin que le canton de Genève consacre au moins 0,7% de son budget annuel de fonctionnement à l'aide aux pays en voie de développement. Aujourd'hui, nous constatons que le parlement de l'époque n'avait pas suffisamment mis en parallèle la dette et le budget de fonctionnement. Effectivement, nous relevons que notre république n'a pas les capacités financières pour tenir ce type d'engagement, puisque seul le 0,2% peut être consacré à cette aide internationale. D'autre part, nous ne savons pas comment les montants sont alloués, étant donné les nombreuses dépenses telles que le soutien aux ONG et à la formation de ressortissants de pays en voie de développement.
Le groupe MCG approuve donc le renvoi de cette motion en commission, pour analyser les véritables dépenses et examiner s'il y a lieu de déposer un nouveau projet de loi sur le financement de la solidarité internationale, projet amendé avec, peut-être, un taux revu à la baisse.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Edouard Cuendet, à qui il reste vingt-cinq secondes.
M. Edouard Cuendet (L). Je serai très bref pour, évidemment, approuver tous les propos de Mme Beatriz de Candolle qui s'est exprimée pour le groupe libéral. Je voudrais juste que l'on soit bien d'accord sur ce que l'on entend par «solidarité internationale» et que la plus grande transparence et la plus grande efficience dans la gestion de ces deniers soient appliquées ! Je prends l'exemple du rapport 2007 de la Fédération genevoise de coopération: j'y lis que, dans la solidarité internationale, il y a le soutien au journal le «Courrier». Il ne me semble pas que le «Courrier» soit un pays en voie de développement... Donc, je trouve qu'un contrat de prestation s'impose dans les plus brefs délais, pour mettre un peu d'ordre dans cette solidarité, indispensable, que le groupe libéral soutient, mais qui doit être gérée de manière efficace, comme le reste de l'Etat. (Commentaires.)
M. Frédéric Hohl (R). Le parti radical a signé cette motion; le parti radical est bien évidemment sensible à la solidarité internationale. (Brouhaha.) Nous devons respecter la décision du Grand Conseil prise en 2001, mais nous partageons effectivement les inquiétudes de l'Entente quant à la clarification de la répartition des montants. Raison pour laquelle nous souhaitons et soutenons le renvoi de ce texte à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
M. Jean Rossiaud (Ve). J'ai signé cette motion, et le groupe des Verts la soutient évidemment. Depuis des années, nous avons été les promoteurs de l'idée qu'il fallait que l'Etat de Genève octroie 0,7% de son budget de fonctionnement à la solidarité internationale et à la coopération internationale. Nous en sommes aujourd'hui, comme il l'a été dit, à peine à 0,2%, ce qui est non seulement un peu honteux, mais dénote aussi, pour une ville et un Etat comme Genève, que nous ne sommes pas à la hauteur de notre réputation internationale !
Nous avons voté une loi, or ni le gouvernement ni le parlement - puisque c'est quand même le parlement qui vote les budgets, Mesdames et Messieurs les députés ! - n'ont décidé de la respecter... Aujourd'hui, j'espère que - dans les semaines ou mois qui viennent, au moment où nous voterons le budget de l'année prochaine - nous donnerons au service de la solidarité internationale, qui fait un travail exemplaire, les moyens de sa politique. C'est-à-dire que nous augmenterons le budget, qui est somme toute, en termes relatifs, très peu important: 0,7%, soit 7/oo.
Je l'ai dit, le service fait du bon travail, mais son budget est limité, ce qui l'empêche de développer une politique qui soit totalement coordonnée avec ce qui se passe au niveau mondial. Le 0,7% n'est pas une simple question d'aide caritative; on n'en appelle pas seulement à notre bonté, ce n'est pas seulement l'idée qu'il faut avoir une responsabilité environnementale et sociale. Le retour sur investissement - je crois que c'est un sujet qui intéresse surtout la droite - de la solidarité internationale est énorme en termes de gouvernance globale, de flux des migrations, de cohésion sociale globale et de cohésion sociale locale. Les «Objectifs du Millénaire pour le Développement» définis par les Nations Unies nous donnent non seulement un certain nombre de buts clairs, mais aussi un cadre d'action. Il faut savoir que CGLU - Cités et Gouvernements Locaux Unis, le plus grand des réseaux de villes et de pouvoirs locaux au monde - s'est engagé à trouver toutes les formes de coopérations multilatérales et bilatérales pour mettre en oeuvre les Objectifs. Et cela donnerait un cadre de travail tout à fait adéquat au service de la solidarité internationale.
Personne n'a rappelé les Objectifs du Millénaire, je souhaiterais le faire en conclusion. Je cite: «1. Réduire l'extrême pauvreté et la faim.» J'aimerais bien qu'il soit possible, au gouvernement d'abord, puis aux services, de nous soumettre des propositions en relation avec les Objectifs du Millénaire. Je poursuis: «2. Assurer la scolarisation primaire de tous les enfants.»
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean Rossiaud. Je conclus sur ces mots: «3. Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation de la femme; 4. Réduire la mortalité infantile; 5. Améliorer la santé maternelle; 6. Combattre le sida, le paludisme et d'autres maladies; 7. Assurer un environnement durable; 8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.»
Voilà huit objectifs pour le service de la solidarité internationale ! Huit objectifs pour lesquels le gouvernement devrait avoir des indicateurs sur lesquels le parlement pourrait dire, année après année: «Oui, Mesdames et Messieurs les députés, nous progressons.»
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Eric Stauffer, à qui il reste une minute cinquante.
M. Eric Stauffer (MCG). Nous allons, comme l'a dit notre chef de groupe, soutenir le renvoi en commission. Néanmoins, quelque chose me choque, Mesdames et Messieurs, j'aimerais vous en faire part et vous faire profiter de ma réflexion. Il y a quelques minutes de cela, nous avons demandé pour les familles genevoises 20 F supplémentaires... Or nos amis PDC, qui ont fait la balance entre la gauche et la droite, se sont offusqués et ont refusé ces 20 F par mois que nous demandions pour les familles genevoises ! (Commentaires.) Et là, vous venez nous dire, comme ça, tout naturellement: «Le PDC affiche sa solidarité, internationale, pour un sentiment de crédibilité, et le PDC veut respecter les engagements...». Eh bien, moi je constate, Mesdames et Messieurs du PDC... (Commentaires.) ...que les seuls engagements que vous ne respectez pas, c'est vis-à-vis de vos électeurs, quand vous dites vouloir soutenir la famille ! J'en ai terminé.
Une voix. Merci ! (Commentaires.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...nous en sommes au énième débat sur l'aide internationale. Cette motion est certainement pleine de bon sens, elle fait preuve d'un humanisme certain, que tout le monde devrait approuver. Pour ma part, je partage l'ensemble des Objectifs du Millénaire qui ont été fixés par les Nations Unies, mais le but de cette motion n'est pas forcément cohérent avec lesdits objectifs. Nous devrions nous poser ces questions: faut-il donner 0,7% ? Faut-il donner moins ? Faut-il donner plus ? Respectivement, faut-il forcément donner à crédit, sachant que ce seront les générations futures qui paieront l'ardoise ? (Brouhaha.)
Dans le cadre du budget 2008 - en tout cas des comptes 2008 - nous pourrions très bien envisager de donner ce 0,7%, puisque nous savons que les comptes 2008 sont équilibrés, malgré un endettement de 13 milliards. Pourquoi pas ? Donc, on pourrait très bien déterminer que l'aide au développement se calcule sur des comptes, et non pas sur un budget dont on sait qu'il n'est jamais tenu. (Brouhaha.)
Devons-nous fixer dans la loi un objectif quantitatif monétaire ou un objectif au niveau de l'efficacité ? Devons-nous fixer une sorte de contrat de prestation ? A-t-on mesuré une seule fois si l'argent que nous avons distribué pour l'aide internationale a rempli ses objectifs ? La réponse est clairement: non !
La question que nous pourrons nous poser en commission est: la pauvreté a-t-elle reculé ? La réponse est manifestement: non ! Dans certains pays, elle a reculé... Et surtout dans des pays où nous n'avons pas investi un centime pour l'aide internationale. Nous devons donc nous poser la question de l'efficacité, de l'opportunité de cette aide internationale, et nous devons avoir ce débat en commission.
Il y a en tout cas un élément que l'on n'a jamais pris en compte: la démographie. Et nous savons tous pertinemment que les pays s'appauvrissent parce que la démographie mange l'augmentation du PIB, mange la croissance, et que la répartition des richesses doit s'effectuer pour un plus grand nombre.
Lorsque nous lisons le bulletin du président de la Fédération genevoise de coopération, nous nous rendons compte que, finalement, cette aide n'est pas correctement gérée. Il le dit lui-même ! Est-ce que l'aide est structurée ? Il dit la chose suivante, je cite: «Les cofinancements s'additionnent sans se fondre dans un pot commun. Les justifications de leur usage - rapports, indicateurs, critères - demeurent diverses et multiples. Les réunions se succèdent sans constituer encore une véritable plate-forme commune.» En résumé...
La présidente. Vous devez conclure, Monsieur le député, vous arrivez au terme de votre temps de parole.
M. Gilbert Catelain. En résumé, cette aide internationale n'est aujourd'hui pas optimale. A ce propos, j'ajoute ceci: il y a quelques années, mon frère est allé au Tchad où les Français y ont construit un hôpital. Au bout de six mois, un gourou est venu; il a considéré que ce dernier était hanté par les mauvais esprits: ils ont brûlé l'hôpital... Il y a encore deux ans, mon frère était en Côte-d'Ivoire, dans des zones où aucune organisation d'aide au développement ne s'était rendue, parce que les conditions de sécurité...
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Gilbert Catelain. Dernier exemple: ce week-end, mon frère revient d'Afghanistan, de zones où aucune organisation d'aide au développement n'est allée et où les populations sont livrées à elles-mêmes... Nous devons donc nous poser la question de l'aide au développement dans des termes réels: où doit-on aller ? Et à quelles conditions ? Avec quels objectifs ? Et avec quelle efficacité ? Donc, nous soutiendrons le renvoi de cette motion en commission.
La présidente. Merci, Monsieur Catelain. La parole est à Mme Virginie Keller pour le groupe socialiste. Madame la députée, vous avez une minute trente.
Mme Virginie Keller (S). Nous sommes très déçus de la tournure qu'a prise le débat, notamment depuis l'intervention du secrétaire adjoint de l'Association des banquiers privés suisses, qui est aussi le premier secrétaire du Groupement des banquiers privés genevois. Vous transmettrez, Madame la présidente, à M. Edouard Cuendet, du groupe libéral, que son arrogance à demander l'efficience et la clarté - ce qui est tout à fait normal, et c'est d'ailleurs ce qu'on fait dans ce parlement, chaque année, pour chaque association - eh bien, cette arrogance-là, alors même que les banquiers sont actuellement en train d'appauvrir la planète entière, je pense que M. Cuendet aurait pu nous en dispenser ! Car s'il y a des gens qui travaillent et qui font don de leur temps - et même d'argent, étant donné qu'ils gagnent peu - c'est bien dans les projets d'aide internationale ! Alors, toute cette méfiance et ce mépris de la part d'une partie du groupe libéral et du groupe de l'UDC sont absolument décevants !
Nous n'étions pas en faveur d'un renvoi en commission, car, pour les socialistes, la solidarité internationale fait partie de ce dont on doit faire preuve en tant qu'être humain. Et continuer à croire - vous transmettrez à M. Catelain, Madame la présidente ! - que l'on va pouvoir rester tout seuls, les Suisses, entre riches, avec un mur autour de nous, et que les autres n'ont qu'à crever comme ils peuvent, je pense que ce n'est pas la solution, ni pour nous, ni pour les autres ! Or c'est malheureusement encore cela qu'on entend dans ce parlement...
Si vous renvoyez cet objet en commission, j'espère que ce ne sera pas pour faire encore moins que ce vous effectuez actuellement, mais pour réaliser ce que la loi nous demande, voire plus, ce que les socialistes souhaiteraient un jour ! (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Anne-Marie von Arx-Vernon, à qui il reste vingt secondes.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). J'aimerais confirmer combien le parti démocrate-chrétien est attaché au développement international; il s'agit actuellement d'un processus que nous devons relancer, tous les contrôles peuvent être exigés. Concernant l'aide aux familles sous forme d'allocations familiales, dont le parti démocrate-chrétien a toujours été l'initiateur et dont il a toujours voté les augmentations, les familles sont les mêmes, qu'elles soient ici ou ailleurs.
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Eric Stauffer, à qui il reste cinquante secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). J'aimerais simplement dire qu'il faut faire attention quand on parle de solidarité internationale. En effet, ayant eu la chance de voyager, j'ai vu beaucoup de pays que l'on soutient. Or les aides ne vont malheureusement pas au bon endroit. Dans ces pays où la pauvreté est absolument hallucinante, on trouve toujours un ministre qui a la dernière Mercedes à un demi-million, de même que de superbes résidences en Europe... J'en passe et des meilleures ! Alors la solidarité, certainement, mais avec beaucoup de prudence et en sachant à qui sont octroyés ces fonds, et comment. Voilà ce que je voulais ajouter.
Il faut garder le sens des proportions... Parce qu'il faut d'abord penser à la solidarité cantonale ! Eh oui, nous avons des pauvres à Genève, il faut aussi s'en occuper ! Evidemment, ce n'est pas en refusant certaines augmentations de subventions ou d'allocations que l'on va dans le sens de l'aide cantonale... Alors, avant de penser à l'international, pensons aux cantons, soyons un peu sérieux et regardons ce qu'il ressortira des travaux en commission.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce débat est désagréablement surréaliste. Premier élément de surréalisme: j'entends des critiques à l'égard du service de la solidarité internationale, alors que vous avez, à l'unanimité de votre commission, et ensuite en plénum, dans les extraits, accepté les rapports des deux dernières années en adressant des éloges mérités à mes collaborateurs ! Et ce n'est pas du jour au lendemain que ce qu'ils ont fait juste, selon vous, devient tout faux d'un coup parce qu'un débat vous permet, semble-t-il, de le penser ! Le service de la solidarité travaille avec des indicateurs; les dossiers sont sélectionnés; le financement doit être assuré, non par le seul fait de l'Etat de Genève mais également par d'autres sources; les critères sont connus; les lieux d'engagement sont connus; l'évaluation est faite; et le contrôle aussi ! Je ne peux pas laisser dire que l'on ferait une espèce de vaste bouillon juste pour le plaisir de se donner bonne conscience ! Premier élément surréaliste du débat: vous dites aujourd'hui le contraire de ce que vous avez exprimé les dernières fois.
Deuxième élément surréaliste, Mesdames et Messieurs les députés: vous adressez une motion au Conseil d'Etat pour lui demander d'effectuer ce que vous ne voulez pas faire ! En d'autres termes, à chaque exercice budgétaire, nous mettons quelques millions de plus pour nous approcher du 0,7% figurant dans la loi, et, à chaque exercice budgétaire, vous les barrez !
Alors je vous propose la chose suivante, Mesdames et Messieurs les députés: vous transformez votre motion en résolution, et vous dites: «Le Grand Conseil prend la bonne résolution de laisser figurer au budget, même s'ils n'atteignent pas 0,7%, les montants prévus par le Conseil d'Etat pour la solidarité internationale.» Parce que, me demander à moi de venir mettre 0,7% - sachant que vous allez le biffer le 17 décembre vers 15h30 - ça n'a aucun sens ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1788 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est adopté par 58 oui contre 4 non.
Débat
La présidente. La parole est à M. Brunny pour la présentation de la motion. Je rappelle que nous sommes en catégorie II: trois minutes de parole par groupe, plus trois minutes pour l'auteur de la motion.
M. Sébastien Brunny (MCG). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez tous, des hordes de mendiants venus de l'Europe de l'Est ont envahi nos rues et péjorent la qualité de vie de nos concitoyens et concitoyennes. (Brouhaha.) De plus, ils suscitent une «ambiance sécuritaire» délétère dans la cité de Calvin. N'oublions pas qu'elle est une ville internationale dont l'un des éléments porteurs auprès des étrangers du monde entier est la sécurité des biens et des personnes. En outre, il sied de préciser que la Suisse a versé, suite aux accords bilatéraux, plus d'un milliard pour le développement des pays de l'Est. Je suis conscient que le conseiller d'Etat, M. Moutinot, tente au mieux de contenir la petite et moyenne délinquance liée également à ces bandes de mendiants. Il serait judicieux que M. le conseiller d'Etat Moutinot intervienne avec vigueur auprès du département des affaires étrangères, quitte, en dernier ressort, à prendre des mesures de rétorsion commerciales et financières à l'encontre des pays qui laisseraient venir en toute impunité ces bandes de mendiants chapeautées par des réseaux mafieux. (Brouhaha.)
Sachant que certaines invites de cette motion ne sont pas la panacée à cette problématique, je vous invite, vous tous - que dis-je ? - nous tous, à travailler dans le même sens et en parfaite symbiose, cela afin que nous retrouvions la qualité de vie de notre Genève cosmopolite. Je vous remercie par avance de soutenir cette motion.
Mme Virginie Keller (S). Les socialistes ont trois choses à dire sur ce sujet. La première est qu'il continue de nous paraître fort étrange que ce soit un policier assermenté qui prenne la parole... (Remarque.) ...sur ce sujet. La deuxième chose, c'est que nous vous conseillons d'aller voir... (Commentaires de M. Eric Stauffer.)
La présidente. Monsieur, s'il vous plaît, laissez parler votre collègue... (Remarque de M. Eric Stauffer.) S'il vous plaît, Monsieur Stauffer ! S'il vous plaît, vous vous taisez maintenant ! Vous n'êtes pas «el capo del arena»: c'est moi. D'accord ?! Madame Keller, vous pouvez poursuivre.
Mme Virginie Keller. Je vous remercie, Madame la présidente. La deuxième chose que je vous conseille, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de consulter le blog d'un camarade socialiste, Pascal Holenweg; il édite tous les jours un journal en ligne qui s'intitule «Cause toujours !». Dans le numéro 108, il est question du taux de pauvreté qui touche les Roms de Roumanie - je crois que cela équivaut à peu près à 87% - et de la meilleure solution trouvée pour lutter contre la pauvreté: simplement de les exclure... Allez voir ce blog, cela en vaut la peine !
La troisième chose est qu'en lisant la motion du MCG le groupe socialiste a eu une réaction, soit de se dire: «Mais, finalement, est-ce que le MCG a tous les droits ?»... Car c'est la question qu'on se pose quand on lit votre motion ! On ne se demande pas quels sont les droits des mendiants, mais quels sont les droits du MCG d'attaquer à ce point-là d'autres êtres humains !
J'aimerais vous lire trois ou quatre choses. Je ne sais pas si, Messieurs du MCG, vous êtes au courant de ce que cette année est... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...le soixantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'Homme ! Et cet anniversaire va, entre autres, se fêter au sein des organisations internationales qui siègent à Genève. Vous savez certainement que de nombreux pays ont ratifié cette déclaration universelle. Je pense que vous ne la connaissez pas et que vous ne l'avez jamais lue, c'est pourquoi j'aimerais vous en citer quatre extraits: «Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme...». Je passe quelques paragraphes... Article premier, Monsieur Stauffer: «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.» Je poursuis: «Article 2 de la déclaration universelle des droits de l'Homme: Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.» (Remarque de M. Eric Stauffer.)
Et enfin, l'article 7, Monsieur Stauffer: «Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.»
Le groupe socialiste, Monsieur Stauffer, condamne ce soir le MCG pour porter gravement atteinte à la déclaration universelle des droits de l'Homme. (Applaudissements.)
M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, mais que fait la police ? Effectivement, si tous les policiers sont au Grand Conseil, c'est très difficile de faire respecter l'ordre sur la voie publique ! (Rires.) Cela étant, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, comme le disait le président du Conseil d'Etat tout à l'heure, c'est un véritable scandale. Et, comme le disait aussi notre excellent collègue député, M. Cavaleri, le MCG est de nouveau pris en flagrant délit de populisme de bas étage et de démagogie.
A quoi sert cette motion, Mesdames et Messieurs les députés ? Strictement à rien, si ce n'est qu'à faire parler du MCG. Vous le verrez simplement en lisant l'invite «à faire respecter les droits des plus faibles - personnes âgées et femmes - face à certains mendiants»... Mais comment peut-on écrire des choses pareilles ?! Y-a-t-il ici une personne qui ne veut pas protéger les faibles, les femmes et les personnes âgées ?! C'est se foutre de la communauté, Mesdames et Messieurs les députés ! Une fois de plus, une telle motion ne mérite qu'un sort: le classement vertical ! A la poubelle !
Mais il y a plus. Comme l'a relevé notre collègue Virginie Keller, quels sont donc les droits du MCG pour déposer tout et n'importe quoi en permanence ? On s'aperçoit que, si le PDC est très prolixe pour déposer des motions - parfois, il est vrai, très intéressantes - il n'en est malheureusement pas de même du MCG, qui dépose tout et n'importe quoi pour faire parler de lui ! Et cela, pendant les heures d'audiences, afin que - vous l'aurez certainement compris - M. Stauffer puisse être cité le lendemain dans le «GHI», dans la «Tribune», etc.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de sanctionner à l'avenir ce type de comportement: par un classement vertical des motions de ce genre ! (Applaudissements.)
M. Frédéric Hohl (R). Au point précédent, nous avons traité de la motion sur la solidarité internationale, et vous avez parlé, Messieurs du MCG, des pauvres de chez nous: parmi les mendiants, il y a également des pauvres de chez nous. Je rappelle qu'une loi traitant de la mendicité a été votée. Je pense que cela ne sert à rien d'y revenir, il faut que le département des institutions fasse appliquer cette réglementation. Pour notre part - le groupe radical - nous n'allons pas entrer en matière sur cette motion.
La présidente. La parole est demandée par Mme Sandra Borgeaud. Vous avez une minute et demie, Madame la députée.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'aimerais juste remettre l'église au milieu du village. Monsieur le député Wasmer, je vous rappelle que, s'il y a quatre policiers dans cet hémicycle, c'est seulement vous qui l'avez voulu en acceptant, sans discrimination, les candidatures à la députation de tous les fonctionnaires. Vous ne pouvez donc que vous en prendre à vous-même.
Entre parenthèses, il manque cent dix gendarmes à Genève... Je ne pense donc pas que les quatre ici vont faire grand-chose contre les mendiants. D'autre part, j'aimerais vous rappeler que la loi sur la mendicité à Genève est entrée en vigueur. J'ai beaucoup de compassion pour les gens qui sont dans la peine et n'ont rien, mais, comme je l'ai déjà dit, je ne pense pas qu'il soit digne ou humain de devoir mendier tous les jours pour pouvoir se nourrir correctement... Je vous rappelle qu'à Genève nous avons l'Hospice général et de nombreuses associations. Nous sommes en Suisse, un pays qui accueille tous les étrangers, sans distinction, ni de religion, ni de race, ni de quoi que ce soit, et nous n'avons jamais - jamais ! - laissé un être humain mourir dans la rue. Alors, dire que mendier c'est bien, et que l'on doit laisser faire - alors que des gens sont terrorisés et que vous ne voulez pas entendre cela... C'est votre problème ! Pourtant, quand des personnes âgées ou d'autres vont chercher un billet de 100 F à la banque, elles ont peur des mendiants ! Cela, je suis désolée de vous le dire, Mesdames et Messieurs les députés, mais vous devez l'entendre et l'accepter, c'est votre rôle.
Arrêtez de critiquer systématiquement et de vous en prendre aux personnes et aux partis: pour une fois, lisez les textes ! Je vais vous dire très franchement que, dans ce parlement...
La présidente. Il vous faut conclure !
Mme Sandra Borgeaud. Oui, Madame la présidente ! - ... je me prononce uniquement sur le texte et n'ai strictement rien à faire de qui ou quel parti l'a écrit; j'en fais abstraction, ce sont les lois qui m'intéressent, pas les personnes. Je vous demanderai de faire de même à l'avenir; ainsi, nous avancerons certainement plus vite dans ce parlement ! Parce que ces bisbilles, il y en a plus qu'assez, elles sont une honte pour notre république. Merci !
M. Pascal Pétroz (PDC). Une fois n'est pas coutume, j'ai plutôt envie de vous faire part de mon embarras à propos de cette motion. Je dois le dire, Monsieur Wasmer, vous êtes issu d'un parti qui n'est pas toujours ami avec le mien, même si nous le sommes, vous et moi. J'ai été extrêmement sensible à votre discours, mais, en même temps... Bien sûr qu'il s'agit d'une motion populiste, bien sûr qu'il s'agit de la même démarche que toutes celles initiées par le MCG, tentant de faire croire aux citoyens que le MCG est seul à se préoccuper de leur sort et que les autres partis seraient inféodés à d'autres considérations que celles de l'intérêt général... Alors que nous toutes et tous savons évidemment que, si nous siégeons ici, c'est parce que nous nous soucions du bien commun et du bien-être de nos concitoyens. De ce point de vue là, nous partageons en totalité votre raisonnement.
Mais je suis emprunté ! Parce qu'en même temps force est de constater que, depuis que nous avons voté la loi en question, on ne peut pas dire que la mendicité ait été totalement éradiquée. Je reçois très régulièrement des appels téléphoniques pour m'alerter et me dire: «Mais qu'est-ce que vous faites, au Grand Conseil ?» Alors, j'explique qu'au Grand Conseil nous votons des lois et que ce n'est pas nous qui sommes responsables de la police et qui allons régler le problème de la mendicité. Il n'empêche que, comme d'autres, je reçois des appels de gens qui sont alertés, qui sont importunés par plusieurs types de comportement.
Venir dire aujourd'hui qu'il faut balayer cette motion d'un revers de main, parce qu'elle est populiste, a un certain sens. Mais, en même temps, cela pourrait apporter du crédit à ceux qui pensent qu'il n'y a pas de problème. (Brouhaha.) Plutôt que de vous livrer une position, je préfère - et il me semble que c'est être honnête dans le raisonnement, dans l'approche - m'en remettre à la déclaration du conseiller d'Etat en charge de la police, afin que celui-ci nous explique quelles mesures ont été prises pour appliquer la loi et pourquoi un certain nombre de comportements non conformes à cette dernière n'ont pas été constatés.
Nous réservons donc la position de notre groupe jusqu'à la déclaration du conseiller d'Etat en charge de ce dossier. Celui-ci nous expliquera soit qu'il a fait le nécessaire, soit qu'il n'a pas pu, pour certaines raisons. Nous pourrons être satisfaits, ou pas. Nous nous réjouissons de vous entendre, Monsieur le conseiller d'Etat.
La présidente. Merci, Monsieur le député, vous avez fait trois minutes pile. La parole est à Mme Michèle Künzler.
Mme Michèle Künzler (Ve). Au fond, nous avons voté une loi; j'étais totalement défavorable à cette dernière et je le reste.
J'étais dernièrement avec mon père - une personne âgée - qui devait se rendre à l'hôpital. Mon père voit une mendiante célèbre devant la gare et se précipite pour aller lui donner quelque chose... J'ai dit à mon père: «Tu sais que c'est interdit maintenant.» Il me répond: «Non ! Mais quelle connerie, c'est pas possible !» Je cite mon père, ma foi... (Rires.) Nous avons tous des pères, le mien est comme ça.
En fait, en ce qui me concerne, je ne sais pas où il y a de l'insécurité: je suis une femme, et je ne crois pas qu'un mendiant m'ait jamais fait peur. Il peut inspirer la pitié; pour certain, le dégoût; mais je ne comprends pas cela, parce que tous les hommes et toutes les femmes sont dignes d'intérêt, dignes de respect.
Franchement, la seule chose à dire est que cette motion est inutile et scandaleuse. Parce que, une fois de plus, vous prétendez que l'insécurité est dans les rues, or c'est vous qui la suscitez ! Et l'insécurité, ce n'est pas des gens qui mendient ! C'est autre chose qui fait peur: c'est vous. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ma collègue de gauche, Virginie Keller, a dit qu'il est scandaleux que ce soit un policier qui présente cette motion. (Brouhaha.) Eh bien, laissez-moi vous dire quelque chose: ici, nous sommes tous des députés; il n'y a pas d'avocats à la commission judiciaire, il n'y a pas d'enseignants à la commission de l'enseignement ! (Brouhaha.) D'accord ?! Et ça, c'est une réalité. Ici, nous sommes tous élus par le peuple. Et vos droits, Madame la socialiste, ne sont pas plus étendus que les nôtres ! Voilà le premier point.
Deuxième point: je suis très surpris du discours de l'UDC, qui vient prôner l'autorisation de la mendicité à Genève... Eh bien, vos électeurs sauront s'en souvenir ! Et, pour une fois que le PDC a une attitude responsable, elle est à souligner ! (Brouhaha.)
Je veux dire que les gens en ont assez de ces hordes de mendiants qui les alpaguent. (Protestations.) J'ai vu une personne âgée se faire bousculer, parce qu'ils étaient trois autour d'elle pour lui demander une pièce ou quelque chose... Ce n'est pas tolérable ! (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs de la gauche, vous encouragez des réseaux mafieux qui exploitent les personnes âgées et les enfants qui viennent mendier... (Exclamations.) C'est votre attitude... (Commentaires.) Taisez-vous, Monsieur Deneys, et demandez la parole comme tout le monde ! J'en ai terminé.
La présidente. Monsieur Stauffer, je vous prie de faire preuve de respect dans ce parlement. (Exclamations. Commentaires.)
M. Eric Stauffer. Du respect ?!
La présidente. Absolument ! Merci de faire preuve de respect, en tenant des propos dignes d'un parlement. Je donne la parole à M. Olivier Jornot.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, que d'agitation, que de gesticulations, que d'inepties sur un sujet dont nous avons eu l'occasion de débattre dans ce parlement et que nous avons, en ce qui nous concerne, sur le plan législatif, tranché ! Nous l'avons tranché, de surcroît, après que cette «motionnette» eut été déposée, ce qui aurait dû conduire tout parlementaire conscient de ses devoirs à la retirer sur le champ. Mais évidemment, l'opportunité de pouvoir faire un «tour de piste supplémentaire» - comme on le dit des artistes de cirque - sur le sujet inépuisable de la mendicité a conduit ses auteurs à la conserver.
Je n'ai pas besoin d'insister sur le fait que le problème sous-jacent, contrairement à ce que nous avons entendu des bancs du parti socialiste, existe. Et il existe indépendamment de la déclaration universelle des droits de l'Homme ! Il existe suffisamment pour avoir, en effet, inquiété beaucoup de citoyens et pour continuer à le faire, et non seulement dans ce canton, non seulement dans ce pays, mais aussi dans l'Europe entière ! Parce qu'il y a un véritable problème qui doit être réglé à la fois par des mesures telles que nous les avons prises et, aussi, par celles que vous, sur les bancs de la gauche, prônez régulièrement notamment en matière d'aide aux populations locales.
Le parlement a tranché sur la base d'un projet de loi, auquel les libéraux, comme vous le savez, n'étaient pas étrangers. Ce projet de loi a été adopté; il a fait l'objet d'un recours de la part des associations de défense des Roms; et le Tribunal fédéral a rejeté ce recours en disant que la mesure d'interdiction respectait les droits fondamentaux. Le Tribunal fédéral n'a pas seulement dit cela: il a aussi dit que notre société avait le droit, si ce n'est même le devoir, de prendre des mesures contre certains aspects de mendicité, organisée et agressive. Et le Tribunal fédéral n'est pas seul à dire cela. M. Christian Levrat, président du parti socialiste suisse, dit exactement la même chose dans ce célèbre papier de position qui n'a pas fini de diviser le parti socialiste suisse. (Commentaires.)
Néanmoins, aujourd'hui, nous avons évidemment une difficulté: de nombreux citoyens, ayant lu que le parlement avait voté une loi, constatent que dans la rue, ma foi, les choses n'ont pas toujours changé de manière absolument draconienne. Et ces citoyens ont effectivement le droit de se demander s'il y une différence entre l'interdiction de fumer, qui a immédiatement donné lieu à une modification fondamentale des comportements, et l'interdiction de la mendicité, qui, elle, donne lieu à un passage en douceur, où l'on ne semble guère se préoccuper de l'application de la loi. Alors, sur ce point-là, oui, je vous demande à vous, Monsieur le président du Conseil d'Etat et chef du département en question, de faire en sorte que la loi soit appliquée. Car il ne faudrait pas qu'il y ait trop de citoyens qui se disent que les propos que nous avons entendus tout à l'heure, respectivement ceux qui figurent ici, sont fondés; il n'y a pas de raison que ces propos le soient. Et, pour cela, il faut que la loi soit appliquée. Quoi qu'il en soit, cette motion dans son libellé est inacceptable - elle laisse entendre qu'un certain nombre de conseillers d'Etat soutiennent la mendicité, on se demande bien ce que cela veut dire - et les propos que nous avons entendus tout à l'heure l'étaient tout autant. C'est la raison pour laquelle, tout en demandant au Conseil d'Etat de prendre le problème au sérieux, le groupe libéral vous prie de conduire cette motion vers son destin le plus sûr, c'est-à-dire son rejet.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Rappaz, vous vous êtes inscrit, désinscrit, puis réinscrit... Je vous donne la parole. Il vous reste une minute.
M. Henry Rappaz (MCG). Merci, Madame la présidente. Je ne pourrai donc pas vous donner tout mon texte, j'irai à l'essentiel. Je commencerai par répéter que les mendiants n'ont pas tous les droits. Aussi, je leur refuse le vol de quelques sous. J'espère ainsi que la misère et la faim, souvent feintes, les inspireront à se tourner vers un nouvel objectif. Le jour où ils s'apercevront que j'ai des pare-brise à laver, une terrasse à désherber, une maison à repeindre, une clôture à réparer, je leur donnerai considérablement plus que ce qu'ils demandent dans la rue. Je leur donnerai un salaire décent, la vie, la dignité, un métier et mon estime.
Nous savons trop bien que ces gens sont victimes de chantage. C'est que le crime s'achète ! On appelle cela la mafia. On est loin de la dignité. Les mendiants ne sont pas des voleurs, certes, ils ont besoin d'être compris, il faut les aider, mais pas en les laissant coucher leur progéniture dans nos rues. On m'a appris dès mon plus jeune âge que je devais gagner ma vie par mon travail; que je devais mériter l'argent que l'on me donne; et que c'était cela, la dignité. J'en suis d'autant plus heureux puisque j'achète à la valeur de mon travail, et ce travail a une grande valeur. Pour ces raisons, je propose, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir notre motion.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, sans refaire toute l'histoire, je rappelle qu'en octobre de l'an dernier, en accord avec la Ville de Genève, nous avions, M. Pierre Maudet et moi, annoncé un plan contre la mendicité. Quelques semaines plus tard, votre Grand Conseil a voté la loi qui fait de la mendicité une infraction. Et au milieu de ce débat, le 13 novembre 2007, il y a eu la motion dont nous parlons aujourd'hui. Que s'est-il passé depuis lors ? Il s'est passé dans l'hiver 2007-2008 qu'il n'y avait pas de mendiants ! Certains ont pensé que c'était le fait du plan de Pierre Maudet et moi; d'autres celui de l'interdiction. Le printemps est venu: il n'y avait toujours pas de mendiants ! Puis, il est vrai que, pendant l'été, il en est arrivé à nouveau, preuve que ni le plan ni la loi n'ont été efficaces.
Mais, dès lors que vous avez voté une loi, il m'appartient de l'appliquer. Raison pour laquelle j'ai demandé la semaine dernière au commandant de la gendarmerie de durcir le ton sur ces infractions-là. Parce que vous avez voté cette loi. Vous savez que je le fais contre mes convictions, mais je le fais parce que c'est le serment que j'ai prêté devant vous. Cela aura l'effet que cela aura, mais soyez assurés une fois encore que, en tant que magistrat, je n'ai qu'à respecter vos décisions et que je le fais.
En revanche, Monsieur Pascal Pétroz, je ne chercherai pas à vous convaincre. Toutes les grandes religions du monde, le christianisme, le bouddhisme, le judaïsme et les autres ont toujours considéré que l'aumône faisait partie de l'une des élévations possibles de l'âme des croyants. Vous me demandez de justifier auprès de vous, député PDC, mon action contre les mendiants: j'estime cela indigne et je renonce à le faire. (Vifs applaudissements.)
Mise aux voix, la proposition de motion 1794 et rejetée par 60 non contre 8 oui et 1 abstention.
La présidente. Nous terminons ici nos travaux. Je souhaite à toutes et tous un excellent week-end!
La séance est levée à 22h55.