République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 juin 2008 à 20h30
56e législature - 3e année - 10e session - 53e séance
PL 10039-A
Premier débat
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. Comme vous pouvez le constater dans ce rapport, la commission fiscale a consacré énormément de temps à ce sujet, qui n'est pourtant pas, disons, très affriolant !
En résumé, il s'agit de stabiliser la situation actuelle - c'est-à-dire que les gens puissent tranquillement payer leurs impôts chaque mois - de fixer dans la loi cet objectif, d'avoir une rentrée financière régulière pour l'Etat et que les gens ne soient pas pénalisés. De surcroît, il y aura un bonus pour ceux qui paient à l'avance et un malus pour ceux qui paient en retard. Par conséquent, il faut s'acquitter de ses impôts juste au bon moment, afin qu'il n'y ait ni malus ni bonus !
Je pense que l'un des points importants de ce texte est qu'il fixe dans la loi ce qui est actuellement un usage. Pour ce faire, on a dû préciser de nombreux éléments, et ce qui rend ce projet de loi assez long, c'est qu'on a renoncé, par transparence et par équité pour les citoyens, à prévoir dans le règlement des points qui auraient pu y figurer. Ainsi, chaque contribuable, s'il s'y intéresse vraiment, pourra lire la loi et s'y référer pour tout ce qui concerne la perception des impôts. Je vous engage donc vivement à voter ce projet de loi, qui est très important pour le fonctionnement de la fiscalité genevoise.
M. Olivier Jornot (L). On connaît le contexte de ce projet de loi, qui vise à remplacer le système de la perception en dix acomptes par un système de perception en dix acomptes ! Etant précisé que le système ne peut plus être conservé tel qu'il est aujourd'hui, pour des raisons juridiques, c'est dire s'il n'est pas très intéressant de s'étendre sur la motivation de ce changement.
Les libéraux s'étaient fixé quatre objectifs au début du travail en commission: faire en sorte que ce projet de loi garantisse, premièrement, l'encaissement des créances fiscales, deuxièmement, un flux de trésorerie pour l'Etat, comme c'est le cas aujourd'hui, troisièmement, l'égalité entre les contribuables et, quatrièmement, que ce projet soit simple, de manière à être compréhensible pour chaque contribuable de ce canton.
Pour ce qui est des deux premiers objectifs - garantir l'encaissement des créances et la trésorerie de l'Etat - je suis au regret de vous dire qu'il n'est pas vraiment sûr que ce projet de loi parvienne à les atteindre. En effet, précisément en raison du changement de système, on ne peut plus imposer de régime de pénalités lorsqu'un contribuable ne paie pas ses acomptes dans les délais; on est obligé d'avoir recours à un système très subtil d'intérêts, et il n'est pas certain qu'il apparaisse aussi menaçant que le système actuel.
S'agissant de l'égalité, elle est probablement respectée, et même trop, ce qui a conduit à l'amendement que le groupe libéral vous présentera tout à l'heure. Quant à la simplicité, c'est un échec total ! En effet, Mesdames et Messieurs, cette loi est absolument incompréhensible, sauf pour les grands esprits qui l'ont conçue. Prenez simplement la liste des intérêts. Entre les intérêts rémunératoires, moratoires, compensatoires... C'est tout juste s'il n'y a pas dans cette loi d'intérêts confiscatoires et jubilatoires ! Mais les seuls qui jubileront dans cette affaire, ce sont les avocats qui feront des recours dès qu'elle sera votée, ce qui sera vraisemblablement le cas.
Nos voisins les Vaudois, qui ont mille défauts, ont notamment un avantage, celui de rédiger parfois des lois simples. En effet, dans leur loi de perception, la question des intérêts est réglée en quatre articles, alors que, chez nous, il en faudra des dizaines pour arriver exactement au même résultat ! C'est tellement compliqué que cela m'amène à rendre un hommage particulièrement appuyé à Mme la rapporteure, qui a, avec son rapport, bâti un monument plus durable que le bronze. Je la félicite d'avoir fait un travail aussi détaillé, qui a dû se révéler particulièrement assommant !
En commission, les libéraux ont cherché à corriger certains défauts du projet de loi et y sont parvenus sur certains points, par exemple en faisant en sorte que les taux d'intérêts soient différents de ceux de la dette de l'Etat de Genève. On voulait, par ce projet, nous dire: «Mesdames et Messieurs les contribuables, si vous payez en retard, vous devrez vous acquitter des intérêts que nous payons sur la propre dette de l'Etat.» C'est évidemment parfaitement injuste, mais nous avons réussi à faire en sorte que ce soient les intérêts du marché qui s'appliquent aussi bien en faveur de l'Etat que du contribuable.
Sur l'un ou l'autre point de détail, nous avons également abouti à certaines corrections, qu'il ne vaut pas la peine d'énoncer ici. En revanche, nous avons connu deux échecs. L'un concerne la problématique des taux d'intérêts applicables lorsque le contribuable n'honore pas sa dette fiscale et l'autre touche le séquestre fiscal. Ces deux points font l'objet des amendements que je présenterai tout à l'heure.
En commission, nous, libéraux, effrayés par la complexité de ce projet, avons envisagé de le combattre mais, eu égard au plaidoyer implorant de l'Etat, demandant à tout prix d'avoir un nouveau système, nous avons tout de même voté l'entrée en matière. Mais, au vote final, compte tenu du fait que tous nos amendements n'avaient pas été retenus, nous nous sommes abstenus. Nous ferons de même ce soir: nous voterons l'entrée en matière sur ce projet, parce qu'il est nécessaire d'adopter un nouveau système, mais nous réservons notre position eu égard à l'évolution des débats.
Mme Michèle Ducret (R). Il s'agissait, dans ce projet de loi sur la perception, d'ancrer et de donner des bases solides et claires au système des acomptes qui est déjà en vigueur dans notre canton depuis près de trente ans, et apparemment à la satisfaction générale, puisque la plupart des personnes physiques - à savoir 92% - l'appliquent volontiers, ainsi que 85% des personnes morales. C'est un joli score, vous en conviendrez !
Le problème est que cette loi sur les acomptes avait été affaiblie par des recours et c'est la raison pour laquelle la loi qui nous est présentée est si compliquée et si fouillée. Personnellement, je ne serai pas aussi critique envers ce texte que mon préopinant, car je trouve que c'est une bonne loi et que nous avons bien travaillé. D'ailleurs, je nous lance - à nous autres, membres de la commission fiscale - des fleurs, que nous méritons !
Il s'agit donc d'ancrer ce système des acomptes, de récompenser les personnes qui paient en avance par des intérêts rémunératoires et de pénaliser celles qui paient en retard par des intérêts moratoires, dont le taux sera fixé par le Conseil d'Etat une fois par année. Nous pensons que c'est un bon système, tout comme l'est, à notre avis, celui de l'escompte. En revanche, nous n'avons pas encore parlé du terme général d'échéance, qui permet de calculer les intérêts dans les deux sens, moratoires et rémunératoires.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, je vous engage à voter avec confiance ce projet de loi, qui a été fort bien étudié par la commission fiscale.
M. Philippe Guénat (UDC). J'étais évidemment, en tant qu'entrepreneur, tout à fait intéressé par cette loi qui traite des personnes physiques et morales, et même passionné par ces débats. Or je dois avouer que, à la fin des vingt-quatre séances que nous avons consacrées à mettre sur papier ce projet de loi, tout cela me paraissait un peu confus, spécialement au niveau des intérêts et de la question de savoir qui paie quoi et quand.
Je tiens à féliciter Mme Künzler de son rapport, parce que, au moment où il a fallu choisir un rapporteur, nous ne nous sommes pas précipités pour le rédiger et Mme Künzler s'est désignée, peut-être en se demandant, comme Winkelried, qui l'avait poussée. Je tiens donc à l'en remercier.
Des voix. Bravo, Michèle !
M. Philippe Guénat. En fin de compte, l'intention était bonne, mais le résultat nous semble, à nous UDC, confus. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes abstenus et que nous pensons faire de même lors du vote final, à condition qu'il y ait des améliorations.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). En tant que néophyte du droit fiscal, mon immersion dans la commission fiscale par ce projet de loi a été très intéressante. En effet, les longs travaux sur ce projet, qui se sont échelonnés sur vingt-quatre séances, comme cela a été relevé, ont explicité la situation et m'ont permis, comme ils le permettront aussi à tous les citoyens genevois qui le désirent, de comprendre mieux et de manière claire le système d'imposition et de perception.
Je tiens en outre à remercier vivement Michèle Künzler, car les débats ont été longs, intenses et très techniques, et que le challenge de les retranscrire dans un rapport tel que celui-là est digne d'être relevé.
Notre parti votera ce projet, mais sans les amendements présentés ce soir, parce que ces derniers ont déjà été déposés et discutés lors des travaux. Nous voterons ce projet de loi, car il a l'avantage d'expliciter notamment les acomptes, de revisiter tout un pan de fiscalité, et nous avons trouvé les travaux positifs en commission.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, il vaut peut-être la peine de rappeler un peu plus précisément le contexte. Lorsque la loi a été votée il y a fort longtemps, à l'initiative du conseiller d'Etat Ducret, nous n'étions pas encore en postnumerando - c'est un élément important - et il y avait un système de pénalité assez forte, qui visait à ce que les gens paient à coup sûr leurs acomptes puisque, s'ils dépassaient le délai ne serait-ce que de quinze jours, le non-paiement leur valait un 3% de pénalité. Vous voyez le taux d'intérêt annuel que cela suppose ! Depuis lors, de l'eau a coulé sous les ponts et les gens apprécient aujourd'hui ce système; on le voit avec l'impôt fédéral direct, pour lequel les gens ont la possibilité - mais sans obligation - de payer des mensualités, et ils le font, parce que c'est un système qui rend la gestion du ménage plus facile.
Au hasard d'une jurisprudence qui portait en réalité sur autre chose, cette fameuse pénalité de 3% sur l'acompte a paru ne pas pouvoir être maintenue. Nous n'avons donc pas été cassés par la justice, mais avons pris les devants. Et je les ai pris d'autant plus volontiers que je trouve honnêtement cette pénalité exagérée !
Cependant, aussitôt que nous avons ouvert la boîte de Pandore - et c'est peut-être là l'origine de quelques problèmes soulignés par M. Jornot - un certain nombre de personnes dans cette république, soutenues par une partie des professionnels de la déclaration d'impôts, ont laissé entendre que, en système postnumerando, il n'était pas certain qu'on puisse exiger des acomptes provisionnels. Nous avons donc réalisé une très longue étude dans les autres cantons et j'ai encore récemment écrit à tous mes collègues de Suisse romande, qui m'ont répondu que jamais ce principe n'avait été contesté - il n'y a donc qu'à Genève, c'est une «genevoiserie» ! - et qu'ils étaient parfaitement sûrs de leur coup, mon collègue valaisan m'indiquant même qu'un juge du Tribunal fédéral avait suivi la mise en place de la loi valaisanne.
Mais le fait est que nous avons bétonné cette loi, et que celle-ci est à la fois une loi et un règlement d'application, de sorte que nous ayons une base légale complète. Philosophiquement, je le déplore, mais j'ai quelques responsabilités dans l'encaissement qui font que je ne peux pas me permettre de prendre un risque. Un recours peut exister, mais un recours, c'est comme un match de foot: même si on a la meilleure équipe, on peut le perdre ! Donc, c'est vrai, nous avons bétonné. Peut-être que certains le regrettent, pour des raisons moins avouables que la simplicité, mais toujours est-il que c'est à cette solution que nous sommes parvenus.
Mais, tout de même, pour le contribuable, les choses sont extrêmement aisées, parce que cette loi est finalement simple ! Et elle est la plus favorable de Suisse pour le contribuable. En effet, d'abord, contrairement aux cantons suisses alémaniques dont on nous a parlé, le terme général de l'échéance est fixé au 31 mars de l'année suivante, et non au 1er août de l'année en cours. C'est tout de même un avantage ! Ensuite, nous sommes le seul canton où le taux d'intérêt - et je l'ai voulu - est le même si c'est l'Etat ou le contribuable qui est débiteur car, comme beaucoup d'entre vous peut-être, ou en tout cas comme de nombreux citoyens, je n'ai jamais bien compris que, dans un compte courant, il y ait deux poids deux mesures.
Là-dessus, nous avons un deuxième type d'intérêt, mais au même taux, qui intervient si vous n'avez pas payé au 31 mars de l'année suivante. Certains diront: «Mais si la déclaration n'est pas arrivée ?» Je suis obligé de vous répondre que, dans 99% des cas, si la déclaration n'a pas été taxée, c'est qu'elle n'est pas arrivée à l'AFC, parce que les gens ont demandé des délais ou n'ont pas répondu à des interrogations.
Dans certains cantons, il est vrai qu'on est moins tolérant que dans le nôtre. Vous avez un délai, un mois de plus dans le pire des cas, et ensuite vous êtes taxé d'office. A Genève, on fait preuve d'une certaine indulgence dans les délais, un peu exagérée peut-être, qui peut expliquer que, parfois, le terme général de l'échéance ne coïncide pas avec la réception du bordereau. Mais, tout de même, le terme général de l'échéance est malheureusement un principe fondamental par rapport à l'égalité de traitement, et toute loi qui ne le respecterait pas pourrait être cassée.
Ce que le contribuable doit savoir, c'est que sa situation va continuer à s'améliorer. Il n'y a déjà plus de majoration, et l'intérêt sera le même, qu'il paie plus ou qu'il paie moins pour ses acomptes, tout comme il sera le même au 31 mars de l'année suivante, qu'il ait trop payé ou pas assez. Il bénéficie donc d'une situation favorable, basée sur les principes juridiques communément admis dans toute la Suisse occidentale, où il y a des acomptes, puisqu'une partie des cantons suisses ne connaissent pas ce système. La trésorerie est assurée par ce biais, et nous ne changeons pas les habitudes. On aurait pu décider d'instaurer douze acomptes, mais non, les Genevois aiment bien la manière dont cela fonctionne actuellement.
Je pense qu'il était important dans ce contexte que la commission fiscale consacre de nombreuses séances à cet objet, de sorte que nous ayons quelques assurances du point de vue juridique. Il n'y a pas de quoi fouetter un chat, et je suis heureux que nous ayons un projet qui, pour l'usager, est agréable à vivre. Pour le reste, Monsieur Jornot, je pense que les indications que nous donnerons avec l'envoi des bordereaux sur une demi-page A4 permettront au contribuable moyen, et même assez important, de se repérer sans avoir recours à la loi.
Je vous signale également qu'il a été démontré en commission que, si vous ajoutez aux articles de la loi vaudoise - dont on nous avait vanté la simplicité - le règlement d'application de cette même loi, elle devient simplement deux fois plus longue !
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, on ne peut pas tout avoir, mais nous disposons au moins d'une loi solidement charpentée sur le plan juridique, et je vous remercie de la voter. Je me permettrai d'intervenir sur les amendements assez techniques déposés par le groupe libéral pour vous donner le point de vue du Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le projet de loi 10039 est adopté en premier débat par 66 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 27.
La présidente. A l'article 28, alinéa 2, nous sommes saisis d'un amendement du groupe libéral.
M. Olivier Jornot (L). Ce projet de loi, M. Hiler l'a rappelé il y a un instant, consacre un principe qui est tout à fait positif, à savoir l'égalité de la détermination du taux d'intérêt en faveur de l'Etat ou du contribuable. C'est l'un des éléments que certains auditionnés ont exigé lors de la procédure de consultation, et c'est un bon point pour le projet de loi.
Nous avons également obtenu en commission qu'on fixe une fourchette dans la loi, de telle manière qu'on ne rémunère pas ou qu'on ne réclame pas un intérêt infinitésimal, et qu'on n'aille pas non plus trop haut, raison pour laquelle il y a cette fourchette entre 1 et 4%.
Ce qui nous a, nous autres libéraux, choqués dans cette proposition, c'est le fait qu'on ne fasse absolument aucune différence entre le contribuable qui attend sa taxation, qui est en procédure, et celui qui l'a reçue et qui, malgré l'entrée en force de celle-ci - et, le cas échéant, des rappels de la part de l'administration - ne règle pas son dû. Ce contribuable-là, à teneur du projet tel qu'il vous est présenté, est traité exactement de la même manière que celui qui ne commet rigoureusement aucune faute. Or l'idée que l'on puisse avoir deux poids et deux mesures, ou plus exactement un seul poids et une seule mesure pour ces deux situations complètement différentes, nous a paru pas admissible.
C'est d'autant plus inadmissible que, si vous avez une dette envers votre garagiste, votre coiffeur ou votre banquier, dès qu'il vous aura mis en demeure, vous lui devrez un intérêt de 5%, alors que, lorsque vous devez à l'Etat l'impôt républicain, comme dirait M. Velasco, on vous réclamera un intérêt ridicule, considérant finalement que ce n'est pas si important que cela.
Finalement, cette affaire est une question de morale, et c'est donc un amendement moral que le groupe libéral vous propose, qui consiste à faire en sorte que, lorsqu'une personne a non pas simplement reçu sa taxation, mais a atteint un tel retard que l'Etat est obligé de la mettre aux poursuites, on lui réclame à ce moment-là un véritable intérêt moratoire de 5%. C'est l'objet de cet amendement, que je vous invite à accepter.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Comme l'a rappelé tout à l'heure M. Jornot, l'alinéa 1 de l'article 28 a déjà valu de nombreux débats en commission pour savoir quel taux nous allions utiliser - taux unique, pas unique, double taux - pour les intérêts moratoires ou la dette.
En vous écoutant, on pourrait être assez charmé par votre discours mais, dans la pratique, il faut quand même savoir que la plupart des gens qui peuvent bénéficier d'un intérêt autre que les 5% des intérêts de poursuite ont de la peine à payer leurs impôts. Ce sont des personnes qui ont eu du retard à un certain moment et qui ont pu obtenir un arrangement. Pour ces 5% que vous voulez imposer comme intérêts sur la dette, sachez que 75% des gens touchés ont des arrangements de paiement, donc, si l'on arrive déjà difficilement à payer les impôts courants, comment parvenir à s'acquitter des impôts en retard avec 5% d'intérêts ! Cela avait été relevé lors des travaux, et c'est la raison pour laquelle nous avions refusé votre amendement en commission déjà.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'aimerais juste dire qu'il y a un faux débat parce que, si l'Etat considère qu'un contribuable est en mesure de payer des impôts, c'est qu'il a un revenu qui le lui permet. Sinon, c'est le barème d'impôt qui est trop élevé et c'est là qu'il faut agir ! C'est d'ailleurs ce que demande l'UDC par rapport à la classe moyenne. Donc, du moment que l'Etat et la société jugent que vous pouvez payer des impôts, parce que vous avez atteint un barème de revenus qui vous le permet, alors nous sommes tous égaux et la notion de taux unique a son sens.
Si les membres du groupe socialiste estiment que les gens ont des difficultés à payer leurs impôts - je les crois - c'est certain, mais alors, qu'ils proposent un projet de loi de baisse d'impôt ! Qu'ils soient cohérents ! (Applaudissements.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Je partage l'hésitation de beaucoup d'entre vous sur cette proposition. Sur le plan logique et rhétorique, elle est parfaite. Il est normal que l'Etat défende les intérêts de la collectivité en se montrant dur. Maintenant, il y a un historique qui me fait dire, Monsieur Jornot, que j'aurai plaisir à accepter votre amendement dans exactement trois ans, pour la raison suivante: il se trouve que, pour des raisons informatiques propres à l'AFC, d'une part, et suite à des difficultés de l'office des poursuites et faillites, d'autre part, nous avons présentement un retard très conséquent sur les mises en poursuite. Ce retard, nous vous l'avons indiqué, nous sommes en train de le rattraper, et cela se lit par la production d'irrécouvrables, qui m'a amené à plusieurs reprises devant la commission des finances avec une annonce de dépassement, mais également par des encaissements assez significatifs, qui comptent aussi dans la réduction de la dette que nous observons depuis la fin de l'année 2006.
La direction de la perception réalise un très gros travail et s'est donné un délai pour en finir avec ce retard puisque, plus on laisse les choses filer, moins on a de chances de récupérer l'argent - ça, c'est le point de vue de l'Etat - et plus les gens qui n'ont pas payé risquent de se mettre dans une situation épouvantable, avec un acte de défaut de biens, qui empêche de trouver un logement et même, dans certains secteurs économiques bien représentés à Genève, d'obtenir un emploi. Il y a donc une nécessité à se montrer plus rapide aujourd'hui dans la mise aux poursuites.
Un gros travail a déjà été effectué, mais la direction de la perception - j'en profite pour saluer son directeur, M. Berset, qui est un des deux spectateurs de la soirée de ce match fascinant - nous demande de ne pas y aller trop fort avec les intérêts parce que, même après les poursuites, nous passons un certain nombre d'arrangements. Ces derniers peuvent s'échelonner sur quelques années et, pour cette raison, nous souhaitons d'abord récupérer le capital. Nous constatons que plus de 90% des gens qui passent un arrangement avec l'administration fiscale le respectent. C'est pourquoi, aujourd'hui, compte tenu du retard accumulé et du fait que certaines personnes sont pour cet exact motif actuellement aux poursuites pour plusieurs exercices fiscaux - pour lesquels il ne leur avait rien été réclamé pendant deux ou trois ans - nous vous demandons d'en rester à ce taux, et, je le dis, cela n'a rien de politique ! En effet, en dehors des éléments de l'administration, je n'aurais pas combattu la proposition du groupe libéral, parce qu'à un moment donné, c'est juste, si les impôts ont été correctement établis, ils doivent être payés et dans un délai raisonnable.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant voter sur l'amendement du groupe libéral à l'article 28, alinéa 2 (nouvelle teneur), que je vous lis: «En dérogation à l'alinéa 1, le taux applicable en cas de poursuite pour dettes est de 5 pour-cent l'an à compter de la réquisition de poursuite et jusqu'au terme de la procédure de recouvrement.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 41 oui contre 34 non.
Mis aux voix, l'article 28 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 29 est adopté, de même que les articles 30 à 37.
La présidente. A l'article 38, alinéa 5, nous sommes saisis d'un nouvel amendement du groupe libéral.
M. Olivier Jornot (L). Si le premier amendement pouvait avoir un effet concret sur un certain nombre de contribuables, le second, lui, revêt très largement un caractère symbolique, mais qui est fort, parce qu'il illustre le combat entre l'Etat, tout-puissant, l'Etat percepteur des contributions publiques, et le contribuable. Or, s'agissant de cette disposition, ce combat a été résolu de manière totalement inacceptable en faveur de l'arbitraire étatique. Je m'explique. Nous sommes dans une disposition qui concerne les garanties que l'administration fiscale peut exiger lorsque la contribution est mise en péril, par exemple parce que le contribuable quitte la Suisse. Il est question de donner à l'administration le pouvoir de demander des sûretés, ce qui est parfaitement admissible. Cela signifie en clair demander au contribuable de payer, alors même que la taxation n'est pas encore faite, afin d'avoir la garantie que, au moment où celle-ci sera effectivement réalisée, elle puisse concrètement être encaissée.
Ce sont des décisions qui ont valeur d'ordonnance de séquestre et qui permettent donc de bloquer un bien immobilier, un compte en banque ou que sais-je, dans l'attente que la taxation soit effectuée. Jusque-là, il n'y a pas de problème, l'administration fédérale a la même possibilité, et c'est parfaitement conforme à la loi d'harmonisation.
Contre cette décision, un recours est ouvert auprès de la commission cantonale de recours en matière fiscale et, soudain, l'administration a voulu, en cours des débats de commission, introduire dans cette disposition une règle stipulant que la restitution de l'effet suspensif est absolument impossible. Autrement dit, on serait dans la seule branche de tout le droit administratif, où l'administration aurait la faculté de rendre une décision, de la déclarer immédiatement exécutoire, et où vous ne pourriez strictement rien faire contre celle-ci, jusqu'au moment où, par hypothèse, la procédure de recours parviendrait à son terme. On pourrait imaginer des situations où l'on vous dirait: «Cher contribuable, on sait très bien que vous ne nous devez que 50 000 F, mais on va vous en saisir 500 000 et on verra bien si par hasard cela ne vous incite pas à payer un peu plus vite !» Exemple parfaitement fictif, bien entendu, mais qui serait tout à fait possible, parce que ce contribuable n'aurait pas moyen, même si la demande de sûretés était totalement disproportionnée, d'obtenir la restitution de l'effet suspensif.
Mesdames et Messieurs les députés, dans le cadre d'autres travaux, qui portent sur le projet de loi administratif Justice 2010, la commission ad hoc a procédé à une audition où un magistrat est venu nous expliquer qu'il était parfaitement intolérable, eu égard à la nécessité pour chacun de pouvoir saisir une instance de recours, de prévoir - dans un tout autre domaine - qu'une décision pouvait être rendue exécutoire sans qu'on puisse demander la restitution de l'effet suspensif. C'est dire si le texte tel qu'il est là est en réalité contraire aux principes les plus fondamentaux du droit ! Il est dangereux et il faut le changer, raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement parfaitement modeste - puisqu'il ne modifie qu'un ou deux mots - qui vise à ce que la restitution de l'effet suspensif ne soit pas exclue mais possible. Je vous remercie donc de le voter.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). En fin de compte, cet amendement annule complètement le bien-fondé de cet article qui parle de garanties, d'autant qu'il n'est question que d'une dizaine ou d'une quinzaine de situations par année - c'est ce qu'on nous a dit ! On nous a fait grâce des détails, mais il y a tout un processus et des procédures pour arriver jusqu'à ce blocage et ces demandes de garanties.
Ces cas concernent le plus souvent des gens qui ont l'opportunité de partir à l'étranger et pour lesquels il y a donc une possibilité flagrante de fuite fiscale. Il se peut que, juridiquement, cette disposition constitue une exception par rapport à d'autres lois, mais c'est une exception qui est reprise sauf erreur dans plusieurs droits cantonaux, qui prévoient le même principe de sûretés que celui figurant dans notre projet de loi.
Par conséquent, nous nous opposerons à cet amendement, parce qu'il soutient clairement l'évasion fiscale, en particulier vers l'étranger.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. Cet amendement, présenté comme modeste, est en fait clair: il restitue totalement la possibilité de l'effet suspensif dans ce domaine. Il faut voir qu'il s'agit d'un cas extrêmement particulier, parce qu'au fond, lorsqu'on restitue l'effet suspensif, cela signifie qu'on donne raison au contribuable, avant même que l'affaire soit jugée; ce dernier peut donc reprendre son bien et en disposer à sa guise, voire partir à l'étranger. Or il est logique que, si l'on veut maintenir dans cette loi la possibilité d'avoir ces garanties et de procéder aux sûretés, on ne puisse pas rétablir l'effet suspensif.
Il faut quand même souligner, vu le caractère dramatique que lui confère M. Jornot, que cette disposition concerne, d'une part, peu de cas et que, d'autre part, la personne touchée peut immédiatement saisir l'autorité de recours, qui doit, elle, juger. Et peut-être que, s'il y a un scandale, il réside dans le fait que cette autorité ne juge pas assez rapidement. Mais cette dernière peut immédiatement être saisie, afin qu'elle juge si la demande de sûretés est justifiée ou non.
Donc, en réalité, cet amendement enlève à l'Etat la possibilité d'avoir ces garanties et de maintenir son pouvoir d'exercer la fiscalité sur une personne qui compte partir à l'étranger. En conséquence, je vous invite vivement à le refuser.
La présidente. Merci, Madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs les députés, je me permets une petite fantaisie: l'Espagne mène un à zéro ! (Applaudissements.) Monsieur Wasmer, je vous donne la parole. (Quelques instants s'écoulent.) Monsieur Olivier Wasmer, la parole est à vous !
M. Olivier Wasmer (UDC). Excusez-moi, j'étais quelque peu perturbé ! Je vous félicite, Madame la présidente, du score de ce match !
Pour revenir aux choses sérieuses, cet article pose manifestement problème, car il crée un particularisme propre au droit fiscal, que malheureusement nous ne connaissons pas dans notre loi. Comme l'a souligné tout à l'heure mon excellent collègue Olivier Jornot, il n'est pas admissible que l'administration fiscale puisse procéder à un séquestre, comme elle le fait d'ailleurs dans certaines autres lois, notamment sur l'impôt fédéral direct. En effet - c'est là où il y a un véritable scandale, et vous pouvez tous être visés un jour ou l'autre, Mesdames et Messieurs les députés, si vous devez quitter la Suisse ! - une simple lettre de l'administration fiscale adressée au contribuable, et non pas une décision judiciaire, vaut ordonnance de séquestre.
Ce qu'il y a de plus grave encore, c'est que cette décision de l'administration fiscale peut être notifiée à n'importe quelle adresse connue de l'administration et, quand bien même le contribuable aurait déménagé pour des raisons tout à fait valables, cette lettre sera adressée et vaudra séquestre. Et ce qui est scandaleux dans ce texte de loi, c'est qu'aucun recours n'est possible, ce qui signifie que, si le fonds de prévoyance ou des capitaux appartenant au contribuable ont été bloqués à tort, ce dernier devra attendre toute une procédure sur le fond - qui peut durer devant les tribunaux de très nombreux mois, voire des années, comme vous le savez - sans pouvoir se défendre, ce qui lui coûtera en outre des honoraires d'avocat exorbitants, tenant compte des montants... (Commentaires.) Non ! Mesdames et Messieurs les députés, écoutez-moi, c'est l'administration fiscale qui fait que les avocats deviennent chers ! En effet, dans un cas pareil, il est clair qu'il ne pourra s'agir que de montants importants, et les émoluments de recours ne sont pas le fait des avocats mais de la loi sur les tarifs des greffes. Le contribuable fera donc des recours qui dureront très longtemps et tous ces montants, il faut bien le savoir, n'amèneront aucun intérêt. C'est dire que nous soutiendrons bien sûr ces deux amendements.
M. Roger Deneys (S). Je crois que cet amendement libéral est particulièrement dangereux, dans la mesure où le but de ces dispositions est effectivement de pouvoir agir rapidement lorsqu'il y a des risques de fuite de personnes et de capitaux. Il s'agit de prendre des mesures qui permettent de garantir des rentrées fiscales, mais cela n'intervient évidemment pas dans une procédure normale et se fait avec parcimonie.
Je vous rappelle en outre que la Confédération prend les mêmes mesures spéciales pour bloquer des fonds et que, jusqu'à preuve du contraire, nous n'avons pas eu d'écho de mesures qui auraient été prises à la légère dans le canton de Genève ou ailleurs. Je le répète, cela se fait avec parcimonie et soin.
Je vous invite donc à ne pas encourager la fuite de capitaux ou la criminalité économique et à refuser cet amendement qui est inacceptable.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Pour ceux qui n'auraient pas tout à fait saisi la portée de cet amendement, il est question de contribuables qui n'ont pas de domicile en Suisse ou de cas où les droits du fisc sont menacés, par exemple par des contribuables qui sont en partance ou, dans bien des cas, qui ont fait l'objet d'un redressement fiscal.
Il y a quand même quelque utilité à protéger les intérêts, s'agissant des droits de l'Etat. En effet, si vous ôtez à l'administration cette possibilité qui s'applique dix fois par an, il suffit de demander l'effet suspensif et, si celui-ci n'est pas traité, de donner un ordre à une banque, et le fisc se retrouve avec sa créance de 5 ou 10 millions, sans aucun moyen de la récupérer puisque, vous le savez, on ne peut pas réclamer une créance du fisc à l'étranger. L'affaire s'arrête donc là !
Sur le plan des principes, je peux comprendre toutes sortes de débats mais, sérieusement, Monsieur Jornot, l'administration n'a certainement pas abusé, contrairement à ce qu'a indiqué M. Wasmer, de cette possibilité. La demande de sûretés se fait par le biais d'un courrier recommandé et la personne dispose de trente jours pour faire recours. Une garantie bancaire fait l'affaire, puisque c'est de cela qu'il s'agit !
Maintenant, concernant les sommes qui ne peuvent pas être réclamées à l'étranger, il y a un moment où, si vous n'avez plus rien à saisir, il faut quand même bien peser les intérêts ! Si l'on peut faire de la soustraction fiscale, c'est-à-dire ne pas payer ses impôts ici alors qu'on y vit - c'est souvent cela, le problème - et s'arranger pour déplacer tout ce qui peut être saisi au moment où l'on se fait attraper, que reste-t-il, puisque les droits du fisc cantonal en Suisse - ils le sont un peu plus au niveau fédéral - sont assez faibles ? Autant je peux comprendre que, dans d'autres domaines, on puisse raisonner différemment, autant là il existe bel et bien le risque de fuite du contribuable et de son argent, qui fait qu'on doit se prémunir assez rapidement.
Voilà les raisons pour lesquelles, tout en comprenant l'argumentation de principe, je vous invite à laisser au fisc ces quelques droits qui sont les siens et qu'il utilise de façon parcimonieuse et à ameuter l'opinion publique si, par hasard, dans un cas précis, vous imaginiez que le fisc avait clairement outrepassé ses droits.
Maintenant, Monsieur Wasmer, je dois dire que, si le fisc reçoit des adresses incorrectes d'un certain nombre de personnes - ce qui arrive quand même relativement souvent - et qu'il envoie un courrier recommandé que personne ne va chercher, c'est un peu difficile, mais cela vaut décision, et du reste il en va de même pour un tribunal pénal. Si vous recevez une convocation mais que vous n'ouvrez pas votre boîte aux lettres, vous vous faites éventuellement condamner pour n'avoir pas fait recours, parce que vous n'avez pas relevé votre courrier ! Mais on ne peut pas non plus, sous prétexte qu'il s'agit de contribuables et non de mendiants, prendre tout le monde par la main !
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur l'amendement...
Une voix. Appel nominal !
La présidente. Etes-vous soutenu, Monsieur le député ? (Appuyé.) Nous allons donc voter - à l'appel nominal - sur l'amendement proposé par le groupe libéral à l'article 38, alinéa 5 (nouvelle teneur): «Le recours contre la demande de sûretés n'a pas d'effet suspensif. L'article 66, alinéa 2, de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, est réservé.»
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est adopté par 39 oui contre 28 non.
Mis aux voix, l'article 38 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 39 est adopté, de même que les articles 40 à 46.
Mis aux voix, l'article 47 (souligné) est adopté.
Troisième débat
La loi 10039 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10039 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 14 non.