République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 avril 2008 à 20h30
56e législature - 3e année - 7e session - 37e séance
PL 8625-A
Premier débat
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Notre Grand Conseil a un gros avantage: il se livre de temps en temps à des travaux d'archéologie. C'est le cas avec ce projet de loi 8625, déposé il y a bien longtemps, qui a pour but d'améliorer le fonctionnement de l'office du personnel de l'Etat. Ce projet avait été rédigé à l'époque des difficultés que connaissait l'office des poursuites et des faillites. Il a été amplement étudié à la commission de contrôle de gestion et, en 2001, un rapport a été déposé par notre regrettée collègue Mme Alexandra Gobet.
Lorsque ce texte est revenu à l'ordre du jour de la commission des finances, il a permis au chef dudit département d'indiquer qu'il le trouvait à la fois intéressant - il le dira beaucoup mieux lui-même - mais en même temps, en tout cas pour partie, caduc puisque, depuis le dépôt du rapport de Mme Gobet, un autre projet de loi a été adopté, qui a modifié la loi sur le personnel de l'administration cantonale, s'agissant en particulier des questions de délégation de compétences.
Au fond, nous étions placés devant les deux voies d'une alternative: soit nous nous lancions dans un examen détaillé d'un projet dont nous pensions qu'il était caduc, soit nous décidions de le geler. Puis, tout à coup, est apparue encore une troisième idée lumineuse: nous pouvions également le refuser. Ces trois options ont permis à la commission d'en débattre et nous sommes arrivés par réalisme à la conclusion qu'il valait mieux refuser l'entrée en matière de ce projet de loi et, ainsi, faire confiance au département des finances, pour qu'il dégage lui-même les voies qui lui paraîtraient utiles; en d'autres termes, qu'il sépare le bon grain de l'ivraie de ce projet de loi et qu'il nous rédige un rapport dans les meilleurs délais, qui seront, comme toujours, extrêmement accélérés. Voilà, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le sort qu'il convient de réserver à ce cétacé.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Moi, contrairement à mon préopinant, j'ai du respect pour les travaux que mes anciens collègues ont accomplis ou que d'autres feront. En l'occurrence, il s'agit là d'un projet de loi qui a été très bien préparé et très bien étudié, notamment par Mme Alexandra Gobet Winiger, que nous respections tous pour sa qualité de travail. Je dois d'ailleurs convenir, Monsieur le rapporteur de majorité, que lorsque j'ai lu ce projet de loi en commission des finances, j'ai trouvé son contenu d'une qualité exceptionnelle.
Alors que certains projets ne sont ni de droite ni de gauche, il s'agit là d'une bonne proposition pour améliorer la gestion de l'Etat dans son ensemble, particulièrement l'office du personnel. Il est question notamment des conditions d'engagement et j'ai trouvé très intéressants les sujets qui y sont abordés, comme le fait de parler de l'éthique des collaborateurs du service public, à l'époque où l'on vit. On pourrait d'ailleurs élargir cela aux établissements publics autonomes ! Je le répète, je trouve donc très intéressant ce qui a été fait ! Alors je regrette le traitement qui lui est réservé par la droite.
M. Hiler s'est montré très ouvert à ce projet, il faut le reconnaître. Je peux vous lire une phrase du rapport: «[...] M. Hiler a confirmé que le projet de loi serait transmis à l'OP pour le guider dans ses réflexions.» Le conseiller d'Etat a indiqué qu'il avait trouvé le contenu de ce projet de loi intéressant, que tout ce qu'il comportait n'avait pas été mis en place, que certains de ses éléments pourraient servir à l'Etat à l'avenir et que, si vous n'aviez pas mis ce texte à la poubelle, les nombreuses heures de travail des commissaires auraient très bien pu servir encore à l'Etat.
En conséquence, au lieu de refuser l'entrée en matière, comme vous l'avez fait, ce que nous, nous préconisons, Monsieur le rapporteur de majorité, c'est qu'on laisse ce projet de loi tel quel, que le Conseil d'Etat s'en inspire comme il l'avait dit et que, un beau jour - dans six mois, une année ou deux - ce dernier nous annonce: «Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a été appliqué: voici le rapport, voici les éléments qui ont été intéressants et ceux dont nous n'avons pas eu besoin. Par conséquent, nous considérons qu'à partir de maintenant ce projet de loi n'est plus nécessaire.»
Vous conviendrez, Monsieur le rapporteur de majorité, que ce projet de loi contient des éléments nécessaires ! Alors pourquoi ne pas voter l'entrée en matière ? En effet, ce qui me gêne, c'est que le Conseil d'Etat n'a pas l'obligation de se référer à un objet sur lequel on n'est pas entré en matière et qu'on a mis à la poubelle, il peut donc ne pas le faire.
M. Pierre Weiss. Mais il le fera !
M. Alberto Velasco. J'en doute beaucoup !
M. Pierre Weiss. Un peu de patience !
M. Alberto Velasco. J'en doute beaucoup ! Vous avez vous-même confiance, Monsieur Weiss, vous pensez que le Conseil d'Etat le fera. Prenez-en note, chers collègues !
Non, je pense que si l'on avait laissé ce projet de loi tel quel, sans entrer en matière, parce que la majorité en a fait ainsi, ni le refuser, le Conseil d'Etat aurait pu s'en inspirer et rédiger un rapport. Nous aurions alors à l'unanimité considéré que l'objectif de ce projet de loi a été atteint et que, par conséquent, son vote n'est pas pertinent.
Pour ma part, j'ai voulu, par mon rapport de minorité, faire honneur au travail qui avait été accompli et montrer qu'il est dommage de procéder à un tel traitement, vu la qualité de ce travail. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de voter l'entrée en matière et, le cas échéant, de ne pas vous arrêter au deuxième débat.
M. Christian Bavarel (Ve). Je ne vais pas répéter ce que viennent de dire nos collègues. Ce projet de loi est certes ancien, mais il contient des éléments qui nous semblent extrêmement intéressants. Nous regrettons donc que son entrée en matière ait été refusée en commission, car il aurait été possible de l'étudier plus à fond. Ce que nous vous proposons, c'est d'accepter cette entrée en matière et, si c'est le cas, je demanderai un renvoi en commission. Toutefois, il me semble que les jeux sont malheureusement faits, je ne vais donc pas épiloguer plus longtemps.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Ce projet de loi concernant le personnel de l'administration cantonale a eu tout son sens en son temps. Pour nous, démocrates-chrétiens, il est tout à fait intéressant de relever qu'il était signé par l'ensemble des partis représentés dans cette enceinte à l'époque. Mais aujourd'hui, notre groupe considère qu'il existe au moins quatre raisons de refuser son entrée en matière. La première, c'est que ce texte a déjà été étudié à la commission de contrôle de gestion, comme cela a été dit. Ensuite, les dysfonctionnements et peut-être le manque d'éthique dénoncés à cette époque ont été pris en considération et des modifications ont été apportées. En outre, le Conseil d'Etat, dans ses plans de mesures, a empoigné ce problème très concrètement et nous lui faisons confiance.
Et la quatrième raison, Mesdames et Messieurs les députés, Madame la présidente, vous y serez sûrement sensibles, c'est que ce texte est l'exemple typique d'un projet de loi rédigé pour faire appliquer une loi; c'est le syndrome du mille-feuille, et notre législation a parfois une indigestion de ce procédé selon lequel on élabore des lois pour en faire appliquer d'autres. Voilà l'une des raisons, et non la moindre pour le parti démocrate-chrétien, pour laquelle il n'y a vraiment plus lieu aujourd'hui d'entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Alain Charbonnier (S). Que nous propose l'écrasante majorité de la commission des finances ? C'est une nouvelle technique législative: on admet qu'un objet peut apporter quelques propositions intéressantes, le conseiller d'Etat l'a lui-même reconnu - non pas pour tout le projet, mais pour une partie - alors on décide de jeter ledit projet et d'attendre que des propositions viennent du Conseil d'Etat. Il s'agit donc d'une nouvelle technique; retenons-la et voyons si on traite de la même façon certains des projets à venir.
Concernant les propos qui ont été tenus quant aux raisons de rejeter ce projet, je tiens tout de même à signaler que ce texte n'a pas été entièrement traité par la commission de contrôle de gestion, mais il en est issu, car c'est elle qui l'a rédigé à l'époque, lorsque l'office des poursuites et faillites connaissait d'énormes problèmes.
En outre, ce projet de loi ne consiste pas simplement à réécrire une loi pour en contrôler une autre ou indiquer comment la mettre en pratique. En réalité, c'est en s'apercevant que la loi n'avait pas été appliquée ou qu'elle était mal applicable que la commission de contrôle de gestion a estimé que ce texte était valable. Alors critiquer ce projet en invoquant le fait qu'il repose sur une mauvaise base législative, je trouve que c'est un peu insultant vis-à-vis des personnes - provenant de tous les partis - qui l'ont signé et qui ont à l'époque jugé que cette proposition avait son importance, qu'elle garde d'ailleurs aujourd'hui sur certains points.
Par conséquent, nous vous conjurons de voter au moins l'entrée en matière, de façon que ce projet de loi puisse être renvoyé à la commission des finances et qu'on attende sagement les propositions du Conseil d'Etat sur les principes qui pourraient être appliqués à partir de ce projet de loi.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Je comprends les regrets ou les souvenirs qui peuvent nous animer mais, comme l'a dit avec clarté notre estimé collègue Guy Mettan, président de la commission, cette dernière peut obtenir les informations désirées du Conseil d'Etat sans pour autant traiter ledit projet. Il a en outre surenchéri en précisant que, si la commission décide de refuser l'entrée en matière, le rapport peut mentionner le transfert pour information du projet à l'office du personnel par le département des finances; c'est du reste ce que je fais spécifiquement maintenant.
Il est des moments où il faut savoir raison garder dans notre manie de légiférer; il y a là des éléments sur lesquels nous avons déjà légiféré par la modification, l'an passé, de la loi sur le personnel de l'administration cantonale - LPAC - et d'autres qui relèvent d'un code de conduite interne à l'administration cantonale. A ce propos, le chef du département des finances s'est engagé à ce que des travaux soient effectués afin qu'un tel code nous soit présenté après avoir été élaboré par l'office du personnel.
Je pense donc qu'il faut, comme je le disais tout à l'heure et en parfaite synchronisation avec Mme Von Arx-Vernon - tout arrive, Madame !... (Commentaires de Mme Anne-Marie von Arx-Vernon.) N'exagérons rien ! Il y a des personnes présentes !
Il faut de temps en temps savoir se limiter. Aujourd'hui, nous prenons acte de la volonté qui est derrière ce projet, mais nous n'avons pas nécessairement à l'adopter.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Si vous le permettez, Madame la présidente, je vais lire trois ou quatre lignes du rapport. Ce ne sera pas très long, mais c'est important, Monsieur Weiss ! Si je prends la lettre b) à la page 13: «Les conditions d'engagement, de nomination et de promotion, la mobilité du personnel.» C'est un sujet qui nous intéresse tous ! Il est dit: «Le projet présenté propose d'exiger que les candidats au service public aient les aptitudes nécessaires - là, vous êtes d'accord - tant au plan relationnel que professionnel, à exercer la fonction mise au concours.» Je relève que cela ne se fait pas aujourd'hui ! Je poursuis la lecture: «Afin de mesurer cette adéquation, les fonctions doivent être définies et les cahiers des charges correspondants rédigés par les services. Les dossiers devraient comporter les éléments objectifs et subjectifs en cause et - Monsieur Weiss, c'est important ! - une évaluation régulière devrait s'ensuivre.»
Ce matin, j'ai auditionné un département dans le cadre des comptes et j'ai relevé un point dans l'un des services de l'Etat - pour ne pas le citer - à savoir que les employés n'avaient pas été évalués depuis longtemps. Et le fait que les cadres et le reste du personnel ne sont pas évalués régulièrement constitue précisément l'un des problèmes de cette administration.
Une voix. Cela ne change rien !
M. Alberto Velasco. Non, mais je vous donne cet exemple pour montrer combien ce projet de loi est aujourd'hui d'actualité et combien il aurait été intéressant que la commission des finances le conserve sans en faire un diktat vis-à-vis du Conseil d'Etat ni que ce soit une punition. Au contraire ! M. Hiler s'est montré ouvert à ce projet de loi et il l'a montré comme une nécessité, en le prenant comme base. Alors pourquoi infliger un tel traitement à ce projet ? Je trouve cela assez inadmissible et c'est faire preuve de méconnaissance de la situation actuelle. Je dirai même que la commission des finances, en tant que commission de contrôle, aurait malgré tout dû conserver ce texte.
En conclusion, je suis étonné que l'Entente, et plus précisément les libéraux, qui sont très à cheval sur la question de la bonne gestion, de la bonne gouvernance et du contrôle, alors qu'ils disposent là d'un projet de loi allant justement dans ce sens, le bazardent pour de simples questions idéologiques. Si c'est la droite qui avait présenté ce texte, vous n'auriez pas agi ainsi ! Vous auriez accepté ce même projet de loi, s'il avait été signé par d'autres auteurs !
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Puisque j'ai souvent été cité, je vais vous dire dans l'ensemble... (Remarque.) Vous avez un problème avec mon col ? (Exclamations.) Ah oui ! Je me suis un peu assoupi à un certain moment... (Rires.) Merci de me rappeler ainsi à l'ordre !
Je l'ai dit et le répète, la commission a fait à l'époque un travail de haute qualité, il faut le souligner. Et il se trouve qu'un certain nombre de propositions sont bel et bien intégrées dans l'actuelle LPAC que vous avez votée, pas forcément avec les mêmes mots, mais cela revient à peu près au même.
D'autre part, la remarque de Mme von Arx n'est pas tout à fait inexacte. Il ne suffit pas, Monsieur Velasco, d'écrire dans la loi qu'on va procéder à des évaluations périodiques pour les faire. Il faut fondamentalement que les départements se mettent en marche et qu'il y ait une décision politique. Cette dernière a été prise dans le cadre de la LPAC et les évaluations périodiques sont partout obligatoires tous les deux ans. Le formulaire a en outre été déjà changé deux fois, alors qu'il était en discussion, sauf erreur depuis cinq ans, dans une commission mixte. Cela dit, ce n'est pas parce que vous avez pris cette décision et que le chef du département l'approuve, qu'on peut du jour au lendemain l'appliquer au département de l'instruction publique. En effet, là où il y a un directeur pour 120 enseignants, c'est un peu délicat, et la mise en oeuvre se fait donc graduellement.
Pour le reste, l'engagement est pris, Monsieur Velasco: quelle que soit la décision de ce soir, l'OP s'est déjà penché sur plusieurs propositions. Je dois vous dire que je préférerais maintenant qu'on aille au bout de certains projets - nouveau système de rémunération, nouveau système d'évaluation de fonctions, fusion des caisses de retraite - et qu'en parallèle on poursuive avec la nouvelle formation des cadres - Cap Manager, formation des gens à l'évaluation périodique - avant de relancer le grand chantier de la réécriture intégrale de cette loi, qui devrait occuper une commission six ou neuf mois, je pense, parce qu'elle est aujourd'hui incompréhensible sous certains aspects.
Maintenant, et je finirai par là, il y a un point extrêmement important, sur lequel le Conseil d'Etat n'a pas encore tranché et à propos duquel je crois qu'il faut laisser le mouvement naturel se faire: voulons-nous nous rediriger vers un système avec un seul office du personnel et des antennes départementales, ou préférons-nous maintenir le partage du travail qui a été fixé aujourd'hui entre les RH départementaux et l'office du personnel ? C'est un peu tôt pour le dire, dans la mesure où nous venons de créer des structures transversales, qui ont été présentées à la commission de contrôle de gestion, pour articuler ces deux aspects. En outre, à l'heure actuelle, l'office du personnel serait incapable de se charger de ce qui est écrit dans la loi et que l'on veut lui confier, faute de ressources et parce que cela fait longtemps qu'il n'a pas imaginé que cela puisse être sa mission.
Les deux solutions sont donc ouvertes et vous allez trancher. Quoi qu'il en soit, cela fait partie du dossier d'une nouvelle loi, modernisée sur la forme et sur le fond, qu'il faudra bien adopter un jour, parce que l'actuelle ne convient pas; et ce, dans un délai à propos duquel je ne m'engage pas à ce qu'il soit très bref. Il y a des réflexions au niveau organisationnel à mener et, comme vous le savez, notre Conseil a la «détestable» habitude de concerter; là, il faut le faire avec les unions de cadres comme avec les organisations représentatives du personnel. C'est un travail de longue haleine et les chantiers actuels sont prioritaires pour cette législature; cependant, vous aurez l'occasion, vraisemblablement au début de la prochaine, de reprendre cet important dossier, et le travail n'aura quoi qu'il en soit pas été accompli pour rien.
Je conclurai en saluant encore une fois ce travail de miliciens qui soulève des questions, dont certaines ont été résolues et d'autres pas. C'était il y a sept ans, honneur à ceux qui ont accompli ce travail de très haute facture !
Mis aux voix, le projet de loi 8625 est rejeté en premier débat par 41 non contre 29 oui.