République et canton de Genève

Grand Conseil

R 555
Proposition de résolution de Mmes et MM. Christian Bavarel, René Desbaillets, Catherine Baud, Sandra Borgeaud, Christian Brunier, Sébastien Brunny, Mathilde Captyn, Elisabeth Chatelain, Roger Deneys, Jean-Claude Ducrot, Anne Emery-Torracinta, Alain Etienne, Laurence Fehlmann Rielle, Emilie Flamand, Mariane Grobet-Wellner, Claude Jeanneret, Michèle Künzler, Patricia Läser, Sylvia Leuenberger, Pierre Losio, Anne Mahrer, Claude Marcet, Véronique Pürro, Jean Rossiaud, Patrick Saudan, Françoise Schenk-Gottret, Brigitte Schneider-Bidaux, Lydia Schneider Hausser, Damien Sidler, René Stalder, Alberto Velasco, Ariane Wisard-Blum, Hugo Zbinden pour une prolongation du moratoire sur la culture des plantes génétiquement modifiées

Débat

La présidente. Je passe la parole au premier signataire, M. Bavarel... Il n'est pas là... Ou alors à M. René Desbaillets ? On va chercher d'urgence M. Bavarel ! (Rires.) On a le temps, mais il faut juste qu'on arrête à 23h, sinon vous savez que nous nous faisons taper ! Le voilà ! Monsieur Bavarel, je vous passe la parole ! (Exclamations.)

Une voix. Allez Cricri ! Vas-y !

M. Christian Bavarel (Ve). Vous vous rappelez que le peuple - et le peuple genevois en particulier - avait voté un moratoire sur les OGM - organismes génétiquement modifiés. Nous avions dit et nous continuons à le soutenir qu'il fallait qu'une recherche soit effectuée sur ce sujet durant cet intervalle de temps. Les chercheurs ont commencé leur travail. Malheureusement, les résultats de ces recherches ne sont pas encore disponibles. On y arrive, les travaux sont à bout touchant mais il faudra un peu plus de temps pour les publier.

Ce que nous demandons simplement, c'est le vote de cette résolution pour prolonger le moratoire. Il s'agit juste d'envoyer cette résolution aux Chambres fédérales et au Conseil fédéral.

L'enjeu est extrêmement clair pour notre canton. On ne va pas refaire maintenant tout le débat, le peuple genevois ayant largement accepté cet objet. Je vous demande de faire de même, de sorte que le moratoire puisse être prolongé. C'est une résolution de notre parlement qui me semble extrêmement logique en ce qui concerne ce sujet.

M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, un scientifique français, Jean-Didier Vincent, déclarait ceci: «La science nous apprend la fragilité du savoir.» Je crois que cette résolution s'inscrit dans notre réflexion sur l'extension du moratoire que nous voulons poursuivre parce que les expériences qui ont été menées à ce jour avec les OGM sont extrêmement inquiétantes !

J'ai ici un journal genevois récent, que d'aucuns connaissent peut-être, l'Echo Magazine, qui disait ceci par rapport à la culture des OGM, du soja notamment: «Pour l'Argentine, croissance économique et désastre écologique.» C'est dire, Mesdames et Messieurs, la pertinence de cette résolution et la volonté que nous devons démontrer pour obtenir la prolongation de ce moratoire, parce que nous ne savons pas vers quoi nous allons. En ce domaine, l'avenir n'est fait que d'incertitudes.

Dans ce même article, à propos d'études effectuées dans notre université par le chercheur John Poté, il est dit qu'il y a des voies de propagation que l'on ne connaît pas encore et qu'à Genève même, en toute légalité, on trouve des traces de produits d'agriculture dans l'eau potable !

Cela revient à dire que si nous ne prolongeons pas le moratoire, parce qu'il risque d'y avoir des essais en pleins champs, on devra faire face à une situation d'extension de parasites par le biais des OGM ! Je crois donc qu'il est urgent, pour la santé de notre population, de prolonger ce moratoire.

M. René Desbaillets (L). J'étais président du groupe de coordination «Stop OGM» au moment de la votation de 2005 sur le moratoire des OGM. Je m'exprimerai ce soir à ce titre, mais loin de moi l'idée de refaire maintenant le débat sur les OGM. Je vous rappelle que le peuple suisse a voté l'acceptation de ce moratoire de cinq ans sur les OGM et le peuple genevois l'a voté à 65,7% !

C'est paradoxal, nous traitons des urgences et, ce soir, il est urgent d'attendre: il est urgent d'attendre la fin des essais effectués dans le cadre du «PNR 59», c'est-à-dire le Programme national de recherche n°59, qui a reçu pour mandat de la Confédération de faire des recherches sur les OGM et leur finalité. Ces essais se termineront au plus tôt en juin 2011 et la rédaction des rapports qui s'ensuivront nous amènera en 2012. Alors, ce que nous demandons, c'est une prolongation de ce moratoire de trois ans, jusqu'en 2013, pour que la Confédération puisse prendre des décisions sur des bases scientifiques sûres concernant les OGM.

Ce soir, sachant que 65,7% de la population ont voté ce moratoire il y a à peine deux ans, il serait logique que le Grand Conseil genevois mandate le Conseil d'Etat pour transmettre la demande de prolongation du moratoire à la Confédération.

Si nous avons demandé l'urgence, c'est que la date-butoir pour s'adresser au Conseil fédéral est fixée au 15 mai.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Il est évident pour le groupe socialiste que ces trois ans représentent le minimum de temps pendant lequel nous devons prolonger le moratoire, ne serait-ce que pour permettre d'avoir les résultats des recherches du PNR 59 et donc des expérimentations en cours. Déjà à ce stade, il est évident que se poseront d'autres problèmes que des problèmes uniquement scientifiques et uniquement de techniques de plans OGM ou non-OGM. Déjà, actuellement, et ici personne ne peut se le cacher, même si ce n'est peut-être pas le cas en Suisse, il se passe des choses dans le monde entier autour de ces cultures OGM. Dans d'autres pays du monde, ces cultures OGM ont pour conséquence qu'autant les agriculteurs et les consommateurs - que nous sommes - deviennent complètement dépendants de structures économiques que sont les entreprises multinationales qui procurent non seulement les graines, mais commercialisent aussi les produits de toute la chaîne alimentaire dont nous dépendons.

Nous aurons certainement encore des débats et le peuple aura certainement encore à trancher sur autre chose que des données scientifiques.

M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, ce soir, nous n'allons pas débattre des OGM; nous allons débattre d'une simple logique qui va expliquer la prise de position du MCG. Les résultats de l'étude scientifique ne sont peut-être pas suffisants pour prendre une décision, mais cette étude constituera en tout cas une base de discussion pour le moins intelligente.

Alors, la moindre des choses que l'on puisse faire, c'est d'attendre le rapport scientifique pour reprendre ensuite le débat, un débat peut-être politique, mais qui se basera en tout cas sur des éléments connus. Pour le moment, on est dans l'inconnu et je pense qu'il est tout à fait souhaitable que l'on prolonge ce moratoire, en attendant d'avoir des éléments tangibles pour ensuite pouvoir prendre une décision intelligente. C'est la raison pour laquelle le MCG approuvera cette demande.

M. Jean-Michel Gros (L). Comme quelqu'un l'a dit, cette résolution ne mange pas de pain, même s'il est aux OGM, puisqu'il s'agit simplement de la renvoyer au Conseil fédéral ! Là n'est pas la question.

Toutefois, j'aurais aimé entendre un mot de la part des initiants ce soir. Mme Schneider Hausser l'a peut-être dit, mais pas tout à fait dans le sens où je l'entendais: il serait bon que ceux qui demandent maintenant des moratoires pour les OGM - comme celui qu'ils ont demandé pour le nucléaire - nous donnent maintenant des garanties, si ce moratoire est prolongé de trois ans. Si les 8 m2 d'essais de plantations à Pully contrôlés par l'Ecole polytechnique fédérale contre lesquels les opposants aux OGM ont lutté s'avèrent positifs, il faut qu'il n'y ait plus de nouvelle initiative, que nous puissions introduire les OGM en Suisse et poursuivre la recherche générale !

Parce que, de moratoire en moratoire, comme dit Serge Lama dans une chanson, on en arrivera à l'interdiction. (Rires.) Je subodore que, sur certains bancs, c'est le but définitif recherché. Alors, dites-le carrément au lieu d'aller de moratoire en moratoire ! (Rires.)

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, disons-le d'emblée, le Conseil d'Etat apporte son plein soutien à cette proposition de résolution par laquelle le Grand Conseil exerce le droit que lui confère l'article 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil (LRGC) , c'est-à-dire celui d'exercer concurremment avec le Conseil d'Etat son droit d'initiative sur le plan fédéral.

Pour ce qui sera de la suite formelle à donner à cette proposition de résolution, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, il appartiendra au Bureau du Grand Conseil de faire le nécessaire pour que cette initiative puisse valablement être déposée auprès de l'autorité fédérale.

Quant au fond, effectivement, cette initiative cantonale - cette proposition de résolution - n'appelle pas à se prononcer sur la question de savoir si l'on est favorable ou pas aux OGM. Cette résolution indique uniquement qu'il ne serait pas adéquat de lever le moratoire sur les OGM et cette demande de prolongation du moratoire doit être adressée à la Confédération d'ici au 15 mai 2008. C'est cela qui explique et justifie cette initiative.

Pourquoi faut-il prolonger ce moratoire ? Cela a été dit abondamment. Un programme national de recherche, le programme n°59, devra se prononcer sur la question de la dissémination des OGM et il est très peu vraisemblable que l'on connaisse le résultat de ces recherches avant 2011.

Au-delà de cela et pour répondre à l'intervention de M. le député Gros, personnellement, je ne vois absolument aucune incompatibilité entre le fait d'être opposé aux OGM d'une part, ce qui est mon cas, et, d'autre part, d'estimer que, si un moratoire peut en l'état permettre d'éviter les OGM, eh bien il faut les éviter ! J'observe du reste que notre législation cantonale de promotion de l'agriculture va exactement dans ce sens.

Nous avons considéré que les consommateurs n'ont pas envie - en tout cas actuellement - de consommer des produits qui contiennent des OGM et si l'on souhaite faire la promotion de l'agriculture genevoise, c'est un plus que de garantir aux consommateurs de nos produits que ceux-ci sont exempts d'OGM. C'est la raison pour laquelle, parmi les conditions qui sont attachées aux différentes subventions versées pour la promotion de l'agriculture, l'une d'elles exige que les produits soient exempts d'OGM. Telle est notre législation cantonale, et cette proposition de résolution s'inscrit donc tout à fait dans le cadre de notre loi !

Mise aux voix, la résolution 555 est adoptée et renvoyée à la Confédération (Conseil fédéral et Assemblée fédérale) par 47 oui contre 14 non et 12 abstentions.

Résolution 555