République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.

Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, David Hiler, Robert Cramer, Pierre-François Unger, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Charles Beer, conseiller d'Etat, ainsi que MM. Christophe Aumeunier, Antoine Bertschy, Didier Bonny, Georges Letellier, Claude Marcet, Yves Nidegger et Francis Walpen, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

E 1560-A
Prestation de serment de M. STRUBIN Jean-Marc, élu Président suppléant à la Chambre des relations collectives de travail

La présidente. M. Jean-Marc Strubin est assermenté. (Applaudissements.)

IN 141
Initiative populaire 141 "Accueil continu des élèves"

La présidente. Comme vous le savez, en application de l'article 119 de la loi portant règlement du Grand Conseil, le texte de cette initiative est renvoyé à la commission législative, dans l'attente du rapport du Conseil d'Etat sur sa validité et sa prise en considération, qui devra être déposé dans un délai de trois mois.

L'initiative 141 est renvoyée à la commission législative.

IN 139-B
Rapport de la commission législative chargée d'étudier la validité de l'Initiative populaire 139 "Pour une meilleure mobilité franco-genevoise"

Débat

La présidente. Je vous rappelle que nous allons débattre de la recevabilité de cette initiative et non pas de son fond, je vous demanderai donc de bien vouloir vous exprimer uniquement sur cette question-là.

M. Guillaume Barazzone (PDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les représentants de la minorité, dans un Etat de droit, dans une démocratie telle que nous la connaissons à Genève, le peuple peut penser ce qu'il veut, mais il doit respecter les règles qu'il s'est fixées lui-même. Autrement dit, ce que le peuple propose par voie d'initiative à Genève doit respecter à la fois la Constitution fédérale et la jurisprudence du Tribunal fédéral. Et c'est à la lumière de ces principes que, conformément à la constitution, la commission législative a analysé la validité matérielle juridique de cette initiative.

Vous le savez, car cela figure dans mon rapport, la commission a préconisé et vous a invités à déclarer cette initiative totalement nulle, car elle ne respecte pas le droit supérieur, auquel elle est manifestement contraire, n'est pas exécutable et constitue de plus un abus manifeste de droit.

J'aimerais m'arrêter sur la question fondamentale qui a occupé la commission législative, à savoir la non-conformité de cette initiative au droit supérieur. Pour commencer, je m'attarderai sur cette fameuse Convention de 1912, qui a été réinterprétée par la Confédération, les CFF et le canton de Genève en 2002.

En substance, la commission a retenu les éléments suivants: cette Convention de 1912, modifiée en 1924, puis en 1950, et réinterprétée en 2002, est toujours en vigueur. Elle lie donc encore le canton, les CFF et la Confédération. Par ailleurs, la majorité de la commission législative a considéré, comme le Conseil d'Etat et la Chancellerie, que cette convention, de coopération verticale, doit être rattachée par analogie aux conventions conclues entre les cantons, selon la doctrine et la jurisprudence du Tribunal fédéral. En effet, conformément à l'article 48, alinéa 5, de la Constitution fédérale, Genève doit respecter les conventions intercantonales, parce qu'elles sont de droit supérieur. Notre canton doit donc respecter cette Convention de 1912.

Et, dans le fond, que dit cette convention ? Elle reste aujourd'hui la référence en matière de tracé de la liaison ferroviaire entre la Praille et le réseau français. Son article 3 prévoit en effet que: «les Chemins de fer fédéraux construiront sur la base d'un avant-projet [...] un chemin de fer à voie normale [...] partant de la ligne Genève - La Plaine près du cimetière de Châtelaine, franchissant le Rhône et l'Arve, et aboutissant à la gare des Eaux-Vives. Le plan de construction définitif sera établi par les Chemins de fer fédéraux après préavis du Conseil d'Etat du canton de Genève; il devra être approuvé par le Conseil fédéral.» Ce qui, soit dit en passant, est totalement contraire au texte de l'initiative, qui prévoit, lui, que c'est au Grand Conseil, puis au peuple d'approuver le tracé. J'y reviendrai tout à l'heure.

La minorité prétend que cette convention n'imposerait pas au canton l'obligation de réaliser le CEVA, mais lui donnerait uniquement la faculté de le demander. Elle indique de plus que, en invitant le canton de Genève à renoncer à faire usage de la faculté de demander la réalisation du CEVA, le texte de l'initiative ne serait pas contraire à la Convention de 1912. Or, Mesdames et Messieurs les députés, pour deux raisons principales, qui viennent s'ajouter à celles que j'ai évoquées tout à l'heure, ces arguments ne peuvent être retenus.

D'abord, Genève a déjà demandé à la Confédération de réaliser le CEVA, notamment en adressant à l'Assemblée fédérale une initiative cantonale - ce qui est prévu par l'article 160 de la Constitution fédérale - pour lui demander de réaliser le CEVA et donc d'exécuter cette convention. Dès lors, contrairement à ce qu'affirme la minorité, la convention ne peut pas être dénoncée et Genève ne peut plus renoncer à demander la réalisation du CEVA. Dans le fond, à supposer même que cette Convention de 1912 donne au canton, comme le prétend la minorité, la faculté de demander l'abandon de la réalisation du CEVA - ce qui, je le rappelle, est contesté à la fois par le Conseil d'Etat et la majorité de la commission législative - la seule demande que pourraient formuler les initiants est celle d'abandonner la réalisation du CEVA, mais non pas, comme c'est le cas en l'espèce dans l'initiative, le texte est clair, d'établir un autre tracé, en lieu et place du CEVA.

Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, il ne fait aucun doute pour la commission législative que cette Convention de 1912 fixe définitivement le tracé du CEVA et que, par conséquent, ce tracé lie juridiquement tant la Confédération que, surtout, le canton de Genève. La construction du CEVA constitue donc pour le canton une obligation de droit public, imposée par le droit supérieur. Dès lors, l'initiative 139, pour cette raison déjà, et parce qu'elle est contraire au droit supérieur, doit être déclarée totalement nulle.

J'aimerais maintenant m'arrêter sur le rapport de minorité dont l'auteur, avocat chevronné, fait preuve d'arguties juridiques subtiles pour soutenir une argumentation juridique qui, je dois dire, ne tient pas véritablement debout. Ce dernier déclare que, si l'on suivait l'argumentation de la majorité et du Conseil d'Etat, les habitants du canton verraient leurs droits en matière de construction ferroviaire réduits à la seule approbation des plans prévue par le droit fédéral, et n'auraient pas le droit de donner mandat aux autorités cantonales d'influencer le projet du CEVA.

Par ailleurs, le rapporteur de minorité indique que: «Rien [...] n'interdit aux autorités cantonales de déployer des efforts - de déployer des efforts ! - pour que le projet se développe d'une manière plutôt que d'une autre.» M. Jornot continue en affirmant qu'un canton concerné par un projet ferroviaire a parfaitement le droit d'influencer, en s'adressant aux CFF ou à l'Office fédéral des transports, un tracé quelconque.

Enfin, la minorité indique que: «[...] les citoyens de Genève ont parfaitement le droit de contraindre par voie d'initiative populaire leurs autorités à prendre position contre le CEVA [...]». Mais, Mesdames et Messieurs les députés, personne ne conteste au peuple le droit de réfléchir sur un tracé ou, à l'époque, avant que les plans soient approuvés, d'écrire au Conseil d'Etat, pour que celui-ci fasse modifier le tracé ! En revanche, je crois qu'il faut dire que l'argumentation de la minorité s'écarte totalement du texte clair d'une initiative. En effet, le rapporteur de minorité fait une lecture un peu sélective de cette dernière, en ne retenant que les alinéas du texte qui l'arrangent. Il omet par exemple d'indiquer que le texte clair de l'initiative prévoit que le canton établit le tracé et que le peuple, en se prononçant par référendum obligatoire, le fixe.

De plus, contrairement à ce que laisse penser l'argumentation de la minorité, selon laquelle le texte de l'initiative ainsi adopté n'impliquerait que l'élaboration d'un projet de tracé par le peuple, l'IN 139 est très claire: elle attribue au canton de Genève la compétence de fixer le tracé, ce qui est clairement contraire à la loi fédérale sur les chemins de fer, qui prévoit que c'est à la Confédération d'approuver le tracé, c'est-à-dire de le fixer et de l'établir. En outre, contrairement à ce qu'affirment le rapporteur de minorité ainsi que le MCG et l'UDC, il ne s'agit pas de donner la possibilité au canton de faire simplement un petit croquis sur un bout de papier et d'expliquer au Conseil d'Etat que c'est le meilleur projet du siècle. Non, ce que l'initiative prévoit, c'est bien d'attribuer une compétence au canton en matière de chemins de fer, ce qui est totalement contraire à la répartition des compétences entre la Confédération, qui est totalement compétente en la matière, et les cantons. Dès lors, il faut en conclure que le texte clair de l'initiative ne respecte pas la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons et que cette initiative est par conséquent manifestement contraire au droit fédéral.

J'aimerais maintenant revenir sur deux exemples que le rapporteur de minorité a invoqués pour soutenir son argumentation. La minorité indique que, même si la Confédération est compétente en matière de chemins de fer, dans le fond, cela n'avait pas empêché le canton de légiférer dans ce domaine, en adoptant la loi genevoise sur le réseau des transports publics. Selon elle, il resterait donc une compétence concurrente du canton de Genève en matière d'établissement de tracé et de chemins de fer sur rails. La minorité relève également que les plans de réseaux de trams contenus dans la loi sur le réseau des transports publics doivent être approuvés par le Grand Conseil, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté en l'espèce. Mais ce qu'omet de dire la minorité, c'est que la loi en question et les réseaux figurant dans la loi ne sont que programmatiques ! La loi contient des déclarations d'intentions et des projets de tracé, mais ne fixe aucunement ces tracés ! Ce sont uniquement des projets de tracé et des intentions émises par le Grand Conseil, qui un jour ou l'autre peut-être les réalisera.

Je relèverai par ailleurs que dans cette loi figurent également des tracés qui ont été approuvés par le Grand Conseil, parce qu'il considérait qu'il s'agissait de projets à réaliser à une échéance de temps plus ou moins longue. Donc, contrairement à ce qu'affirme la minorité, l'initiative ne prévoit en aucun cas de permettre simplement au Grand Conseil ou au peuple de se prononcer sur des projets de tracé. Non, le texte est clair et attribue une compétence au canton de Genève, ce qui est contraire au droit fédéral.

J'aimerais également revenir sur le deuxième exemple que cite le rapporteur de minorité concernant les dispositions constitutionnelles sur les centrales nucléaires et le dépôt des déchets.

La présidente. Excusez-moi, Monsieur le rapporteur, j'aimerais juste vous dire que vous avez le droit de vous exprimer autant de fois que vous le souhaitez, mais que vous êtes soumis à la règle des sept minutes. Vous devez donc conclure, mais vous pourrez reprendre la parole quand vous le désirerez.

M. Guillaume Barazzone. Je crois que les rapporteurs ne sont pas soumis à cette règle, mais je vais essayer d'être bref, Madame la présidente. Il me semble toutefois important, pour un sujet aussi essentiel que celui-ci, que je puisse développer cette argumentation juridique.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous cite la disposition qui concerne les déchets, et n'y voyez là aucune coïncidence avec l'actualité récente: «Les autorités cantonales s'opposent par tous les moyens juridiques et politiques à leur disposition à l'installation de centrales nucléaires, de dépôts de déchets hautement et moyennement radioactifs [...]». Eh bien, là encore, Mesdames et Messieurs, on ne peut pas comparer cette disposition, qui donne au Conseil d'Etat le simple mandat de s'opposer à toute velléité de la Confédération de nous imposer une centrale nucléaire dans la région genevoise, avec le texte clair de l'initiative qui, elle, attribue une compétence ! Il faut donc considérer que l'exemple que cite le rapporteur de minorité n'a rien à voir avec le sujet qui nous occupe.

Il y a un dernier argument que la commission législative a relevé, c'est celui de l'abus de droit. Le principe de la bonne foi commande d'émettre des objections ou de s'opposer à un projet dès qu'il est possible de le faire, et non d'attendre le dernier moment ou la réalisation d'étapes cruciales. Or, en l'espèce, Madame la présidente, les opposants au projet du CEVA auraient pu, sur le plan cantonal, lancer un référendum au moins à trois reprises, à savoir contre le crédit d'étude de 6 millions voté le 14 avril 2000, contre le crédit d'étude complémentaire de 30 millions voté le 21 septembre 2001 et, enfin, contre le crédit d'investissement de 400,8 millions voté le 28 juin 2002. Par ailleurs, le canton de Genève a déjà demandé à plusieurs reprises à l'Assemblée fédérale, et nous l'avons dit, de bien vouloir concrétiser l'engagement pris par la Confédération de faire construire le CEVA.

On doit dès lors en conclure, Madame la présidente, comme l'a fait la majorité de la commission législative - en allant un peu plus loin, je l'avoue, que le Conseil d'Etat, qui est resté à mon sens quelque peu fébrile sur la question - que le lancement de cette initiative 139 qui arrive comme la grêle après les vendanges, est incompatible avec le principe de la bonne foi et avec l'interdiction manifeste de l'abus de droit. Pour ce motif également, Madame la présidente, l'IN 139 n'est pas conforme au droit supérieur et doit donc être déclarée totalement irrecevable.

Pour finir, le rapporteur de minorité vous dira que la majorité a peur, tout comme le Conseil d'Etat, et que, dans le fond, nous ne faisons que de la politique et pas du droit, mais je crois que les prises de parole de ce soir démontreront à quel point la majorité à développé une argumentation juridique sérieuse. On vous dira également que la longueur du rapport enlève du poids à chacun des arguments présentés un à un au fur et à mesure du texte. Je crois, Mesdames et Messieurs les députés, que, s'il est une vérité, c'est qu'il n'y a pas, d'un côté, ceux qui sont en faveur des droits populaires et, de l'autre, ceux qui sont contre le peuple. Il y a des principes clairs que le peuple s'est fixés. Il convient de les respecter. Si cette initiative, comme la majorité de la commission législative le pense, est manifestement contraire au droit fédéral, elle doit être déclarée irrecevable, car sinon elle ne respecte pas la Constitution. Ne pas le faire et prévoir que le peuple pourrait se prononcer sur une initiative contraire au droit fédéral constituerait une tromperie de notre part, car faire adopter des dispositions constitutionnelles qui ne seraient pas applicables reviendrait à tromper le peuple.

Au bénéfice des explications que je vous ai données, je vous prie de bien vouloir suivre les conclusions du rapport de majorité. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de minorité. Monsieur Barazzone vous a dit ce que j'allais exprimer, je pourrais donc m'arrêter là, mais je vais quand même vous donner la version authentique des arguments de la minorité.

Il paraît qu'il est extrêmement difficile de s'exprimer clairement à propos de la recevabilité des initiatives populaires et de se faire comprendre sur ce sujet, déjà peut-être dans le parlement, et en tout cas à l'extérieur. Je n'y croyais pas jusqu'à maintenant mais, en vous entendant, Monsieur Barazzone, j'ai peut-être changé d'avis ! Cela dit, je pense qu'on peut dire simplement les choses et aborder de manière claire et limpide les différents problèmes qui se posent en cas de recevabilité d'une initiative populaire. A mon sens, il est donc possible de simplement expliquer aux gens ce qu'on est en train de faire et de leur indiquer, par exemple, qu'il y a deux phases à ne pas confondre: celle de l'examen de la recevabilité et celle de l'examen du fond. Sur ce point-là, Monsieur Barazzone, vous êtes bien isolé, parce que vous êtes le seul, à l'instar de votre serviteur, à s'être cantonné dans son écriture à la question de la recevabilité. En effet, à l'extérieur, dans les vains bruits de la plaine, comme dit notre hymne national, on parle de tout sauf de recevabilité et on nage dans une confusion mentale absolument invraisemblable, entretenue hélas par les médias, qui nous incitent à tout confondre et finalement à dire: «Mais, quand vous demandez que cette initiative soit soumise au peuple, en fait, c'est simplement parce que vous voulez empêcher la construction du CEVA !»

J'ai lu l'autre jour ceci dans un quotidien, dans la rubrique «L'invité»: «Comment peut-on prétendre défendre la démocratie en validant une initiative qui n'en a même pas respecté les règles et qui, surtout, va de façon si évidente à l'encontre du bien commun ?» Voilà le noeud de l'affaire ! Cette initiative est irrecevable, parce que son contenu ne convient pas. C'est la seule et unique raison qui a poussé le Conseil d'Etat à donner mandat à ses brillants juristes de concevoir une subtile argumentation remontant à la Convention de 1912, la même année où se terminait à Lausanne, par la conclusion d'un beau traité, une guerre entre la Turquie et l'Italie et où Rhodes et le Dodécanèse changeaient de camp... Je n'étais pas né à cette époque, mais il semble qu'on établissait des conventions extraordinaires sur la manière de faire des voies de chemins de fer, conventions qui, aujourd'hui, doivent empêcher le peuple de se prononcer sur la question du CEVA, qui bien entendu est beaucoup trop complexe pour lui !

Une initiative ne peut être soustraite au peuple que si son contenu est manifestement contraire au droit fédéral, par exemple, comme le stipule notre constitution. Or, qu'est-ce qu'on a pu s'écharper dans ce parlement sur cette notion de «manifestement» ! Mais je dois dire que, lorsqu'on est obligé de faire un rapport de majorité excellent - excellent, excellent ! - et d'y inclure autant de références, de notes de bas de page, de droit et d'arguments complexes, comme c'est le cas dans ce rapport... Il n'y a rien de manifeste ! C'est brillant, mais ce n'est pas manifeste ! Or une initiative ne peut pas être soustraite au peuple simplement parce que le rapport de majorité est brillant.

Si l'on en revient aux faits, qui vont nous aider à un moment donné à réfléchir sur l'un ou l'autre argument d'irrecevabilité, on a un projet qui, depuis 1912, a quelque peu évolué. A l'époque, on parlait du Paris-Lyon-Marseille - c'est assez ancien maintenant, beaucoup de choses ont évolué depuis lors - et, pour finir, on en est arrivé à déposer, près d'un siècle après la convention, un projet auprès des autorités fédérales. Ce dernier réclame l'approbation des plans, pour utiliser le terme exact prévu par la loi fédérale, celle-ci étant en quelque sorte l'autorisation de construire. Et on nous dit dans le rapport du Conseil d'Etat et dans celui de la majorité que tout cela est tellement à bout touchant que, bien entendu, le peuple n'a pas le droit de remettre en cause un projet à ce point avancé et que, de plus, du point de vue du droit fédéral, c'est inexécutable, puisqu'on est sur le point de terminer le percement des tunnels.

Par ailleurs, Monsieur Barazzone, vous avez fait quelque chose, en rédigeant votre rapport, qui n'est pas très franc du collier, mais qui en l'occurrence m'aide beaucoup. Vous avez produit de nombreuses pièces, que l'administration a bien voulu vous donner, avec des numéros de référence correspondant au plumitif du Conseil d'Etat. Je ne sais pas comment vous les avez obtenues, mais je vous dis bravo ! Et sachez en tout cas, chers collègues, que la commission législative n'a pas travaillé sur ces documents. Mais peu importe, vous les avez produits, ils sont là et, dans votre annexe 1, où vous reproduisez une lettre de M. Moritz Leuenberger, conseiller fédéral, on lit notamment que l'Office fédéral des transports - OFT - a expliqué aux maîtres d'ouvrage, dont l'Etat de Genève, «qu'avec près de 1800 oppositions [...] et toutes les complications de procédure que ces dernières entraînent, le traitement du dossier ne pouvait évidemment pas évoluer dans des conditions normales.»

Et à propos du pronostic selon lequel les autorisations de construire devaient être délivrées ce mois-ci, il est écrit: «L'OFT a formulé un pronostic au premier trimestre 2008 pour la délivrance du permis de construire en émettant naturellement toutes les réserves que la complexité du projet impose.» On nous dit ensuite que les oppositions de la Ville de Genève et de Carouge, comme elles ne sont toujours pas levées, vont bien entendu risquer de retarder le début des travaux.

Je vous remercie d'avoir produit cette pièce, parce que cela démontre que, en réalité, ce projet est loin d'être à bout touchant, puisque l'autorisation de construire n'est même pas délivrée, que l'administration fédérale nous explique que tout cela est très compliqué et qu'en outre, comme vous le savez parfaitement, le jour où l'approbation des plans sera prononcée, il y aura encore toute une procédure de recours. On peut donc raisonnablement espérer, si l'on est extrêmement optimiste, que le premier coup de pioche puisse être donné, dans le meilleur des cas, en 2010, c'est-à-dire bien après que le peuple se sera prononcé pour ou contre l'initiative sur le CEVA. C'était juste pour cadrer un peu les faits.

S'agissant des arguments d'irrecevabilité, je n'ai pas l'intention, Mesdames et Messieurs les députés, de vous assommer avec toutes sortes de considérations juridiques; ces arguments sont exposés dans les rapports, ils figurent en toutes lettres, mais je vous dirai quand même deux mots de l'un ou de l'autre.

A propos de la conformité au droit fédéral... N'hésitez pas, Madame la présidente, à m'interrompre après le temps réglementaire, je me ferai un plaisir de revenir par la suite pour le reste ! Donc, s'agissant de la conformité au droit fédéral, le Conseil d'Etat de notre république, en tant qu'autorité exécutive cantonale, s'est beaucoup investi en faveur du CEVA. Cependant, il ne l'a pas fait en violation du droit fédéral, mais parce que le canton de Genève est l'un des deux maîtres d'ouvrage.

Les initiants souhaitent que le Conseil d'Etat change sa politique de maître d'ouvrage, c'est tout ce que demande l'initiative. Alors M. Barazzone nous dit: «Oui, mais si vous lisez un alinéa et pas l'autre, vous avez une impression légèrement différente ! Et si vous lisez l'alinéa 2 avant le 1, vous n'aurez pas la même impression que si vous faites l'inverse !» C'est juste, mais il y a un principe juridique fondamental que vous avez omis, Monsieur Barazzone, c'est celui de l'interprétation conforme, qui veut que, lorsqu'on a une initiative rédigée par le peuple, dont elle est l'émanation, on l'interprète de manière conforme à la constitution, de façon à pouvoir prononcer sa recevabilité chaque fois que l'on peut. Or, ici, on a typiquement un texte d'initiative qui nous demande que les autorités prennent toutes les mesures, ce qu'elles peuvent faire en tant que maître de l'ouvrage, parce que précisément, jusqu'à présent, les autorités se sont beaucoup investies en faveur du CEVA, et que l'initiative leur demande de se désinvestir.

La compétence fédérale exclusive, ce n'est pas l'interdiction pour les cantons de réfléchir, de s'investir ou simplement de participer à la grande aventure ferroviaire, que ce soit celle-ci ou une autre. Vous avez raillé tout à l'heure la comparaison avec la loi sur les réseaux, mais quand on songe qu'en 2004 on a complété cette loi en y inscrivant le CEVA, on peut se demander comment nous, députés, pourrions expliquer au peuple qu'il n'a pas le droit de se prononcer sur une question qui relève du droit fédéral, alors que nous avons nous-mêmes inscrit le CEVA en toutes lettres dans notre propre législation cantonale.

Le deuxième argument que vous soulevez est celui des conventions. Alors là, j'ai un souci, Monsieur Barazzone, et j'aimerais vous rappeler ce qui s'est passé en commission. Vous y avez certes gagné par cinq voix contre quatre - une majorité assez écrasante ! - mais sur la question de la conformité aux conventions, vous avez eu un certain problème, parce que le président du Conseil d'Etat est venu vous dire: «Oui... Mais en fait non, c'est vrai, les conventions ne lient pas le canton de Genève, elles ne l'obligent pas à réaliser le CEVA.» Et, dans la foulée, un commissaire socialiste a ajouté: «Non, c'est vrai, ça, on ne peut quand même pas le dire !» Monsieur Barazzone, sur la conformité aux conventions, vous êtes rapporteur de minorité, parce que la majorité de la commission, elle, estimait en effet que ces conventions n'entraînaient aucune obligation pour le canton de Genève.

Ensuite, avec votre zèle consistant à produire des documents qui sortent de je ne sais où une fois de plus, vous avez à nouveau réussi à produire une lettre merveilleuse, que le Conseil d'Etat a envoyée au Conseil fédéral, plus exactement à l'Assemblée fédérale, en septembre 2000, pour faire valoir son droit d'initiative. Vous savez, parfois les avocats, à la fin de leur plaidoirie, ajoutent l'argument de trop qui casse tout le reste... C'est un peu votre cas, car vous avez voulu produire cette lettre, c'est bien, mais je ne suis pas sûr qu'elle vous serve ! En effet, dans ce courrier, le Conseil d'Etat dit: «[...] l'engagement formel qu'a pris la Confédération [...]». Et, quelques lignes plus loin: «S'agissant du canton de Genève, il lui appartient de faire usage du droit exclusif [...]». Vous voyez, il y a d'un côté l'engagement, de l'autre, le droit, et on voit bien que ce n'est pas tout à fait la même chose. Alors vous nous direz: «Oui, mais ce droit, le canton de Genève l'a exercé, puisque le Conseil d'Etat a fait usage de son droit d'initiative !» Qu'est-ce que cela signifie, Mesdames et Messieurs les députés ? Si on traduit en clair, cela veut dire: «Vous n'avez pas le droit de voter sur cette initiative, parce que le Conseil d'Etat a envoyé une lettre.» Mais ce n'est pas la conception que j'ai des droits populaires, Monsieur Barazzone ! Ce n'est pas la conception que j'ai, parce que cela signifie que, dans l'histoire de la Convention de 1912, la dernière fois que le peuple a pu faire valoir ses droits, c'était en 1912 en ne lançant pas de référendum, ce n'est pas au moment où le Conseil d'Etat exerce seul le droit d'initiative cantonal. Or il n'est pas sérieux d'affirmer que le peuple, du coup, n'aurait plus le droit à la parole.

Sur la question de l'exécutabilité, vous avez été très prudent dans votre rapport et je vous en sais gré. D'ailleurs, le Conseil d'Etat lui-même ne demandait pas l'invalidation de l'initiative sur la base de l'exécutabilité, se bornant à laisser la question ouverte; il se prenait un peu pour le Tribunal fédéral lui-même dans son avis !

Puis, alors qu'on venait d'expliquer à la commission que, de toute façon, les travaux dureraient cinq ans, qu'ils n'avaient même pas commencé et qu'il y aurait encore toute une procédure de recours, cette dernière s'est dit: «Allez, un argument de plus ou de moins, ça fera tout ça de plus à soulever !» Et, par conséquent, elle a ajouté la question de l'exécutabilité. Mais celle-ci ne pose pas de problème, parce que si le Grand Conseil acceptait ce soir - je sais bien que le pronostic de ce vote est défavorable - la recevabilité de cette initiative, elle partirait dans la commission spécialisée, le peuple se prononcerait au plus tard en septembre ou en décembre de cette année, et la question serait donc totalement réglée avant que les travaux aient pu seulement penser à éventuellement commencer.

La présidente. Excusez-moi, Monsieur le rapporteur...

M. Olivier Jornot. Je vous remercie, Madame la présidente. Je demanderai de nouveau la parole un peu plus tard pour continuer mon exposé. (Applaudissements.)

La présidente. Je m'excuse de vous rappeler que vous avez largement dépassé votre temps de parole. En effet, si vous n'êtes pas soumis à la règle des trois prises de parole, vous l'êtes en revanche à celle des sept minutes ! Mais vu que le rapporteur de majorité a très longuement parlé, je vous ai laissé par équité le même nombre de minutes pour vous exprimer.

M. Jacques Jeannerat (R). Le groupe radical est pleinement convaincu par les conclusions du Conseil d'Etat et par le rapport de majorité, qui proposent de déclarer nulle l'IN 139, conformément à l'article 66, alinéa 3, de la constitution genevoise.

S'agissant du critère de la conformité au droit supérieur, nous insistons sur le fait que les cantons ne sont pas compétents en matière ferroviaire, en particulier sur le choix des tracés. La description de ces réseaux n'a pas à figurer dans une constitution cantonale. Tout au plus, les cantons peuvent s'exprimer lors de la phase de planification, et leurs intentions être inscrites sous forme d'objectifs dans une loi. C'est le cas à Genève dans la loi H 1 50, sur le réseau des transports publics.

De plus, la réalisation de la liaison entre la gare Cornavin et la France repose, comme l'a dit M. Barazzone, sur la Convention de 1912, qui définit très clairement que ce raccordement passe par la gare des Eaux-Vives. Depuis cette date, Genève a exercé à plusieurs reprises son droit de demander la réalisation de cette infrastructure, et ce, en fonction des circonstances internationales, de la situation économique et des besoins du canton en matière de transports collectifs et de mobilité.

Rappelons que la guerre de 14-18, la grande dépression des années 30 et la guerre de 39-45 ont freiné la construction du CEVA, dont les premiers éléments ont été réalisés par étape, sans qu'aucune demande de modification du tracé n'ait jamais été présentée par le canton.

Il y a eu tout d'abord la construction du tronçon Cornavin-la Praille, avec la réalisation du pont de la Jonction à la fin du second conflit mondial et de la gare de triage de la Praille, à l'orée des années 50 et 60. Chacune de ces avancées dans la réalisation du projet a fait l'objet de demandes précises de la part de Genève. La dernière fois, ce fut sous la forme d'une initiative cantonale, déposée aux Chambres fédérales en septembre 2000. Cette dernière, transformée en motion contraignante par le parlement, a été finalement concrétisée par le protocole d'accord du 26 avril 2002. Ce protocole, remis à la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi 8719, a été formellement ratifié le 28 juin 2002 par notre Grand Conseil, puis par l'Assemblée fédérale, le 6 octobre 2006, à la session de Flims, lors du vote sur l'arrêté portant création du fonds d'infrastructure.

A cet arrêté est jointe une annexe répertoriant dans le détail la liste des projets urgents à réaliser et pouvant bénéficier d'un engagement financier fédéral immédiat, liste dans laquelle le CEVA figure. Affirmer, comme l'ont fait les initiants, que la recevabilité matérielle doit être refusée par le Conseil d'Etat, qui aurait fait une présentation tronquée des documents signés et ratifiés par Genève, est une accusation parfaitement infondée.

De plus, cette initiative est aussi irrecevable, car inexécutable. En effet, le tracé alternatif remet en cause les décisions du Grand Conseil ainsi que l'arrêté des Chambres fédérales, qui prévoit que les infrastructures peuvent bénéficier d'un financement prioritaire et urgent à trois conditions, qu'il faut rappeler.

Premièrement, les projets doivent être complets, cohérents, d'un seul tenant et ayant fait l'objet d'études détaillées à partir de la maîtrise du foncier et du sous-sol sur la totalité du tracé.

Deuxièmement, ces projets doivent être prêts à démarrer, c'est-à-dire à être exécutés. L'enquête publique doit être quasiment terminée, la planification de construction effectuée, les lots de construction déterminés et le devis estimatif évalué au plus près. Il faudrait presque aussi que la soumission soit lancée.

Troisièmement, les travaux doivent commencer avant le 31 décembre 2008. Pour le CEVA, ces travaux... Eh oui, Monsieur Jornot ! Les travaux du CEVA ont déjà débuté en 2005, avec l'élargissement du pont de la Servette. Cette infrastructure est donc déjà en phase de construction, ce qui a été à plusieurs reprises reconnu par les autorités fédérales au plus haut niveau.

On comprendra que ces conditions ne sont en revanche absolument pas remplies par le projet alternatif de l'IN 139, qui exigerait encore des décennies d'étude et de négociations avec les particuliers, les communes et surtout la France, sur qui les initiants rejettent l'essentiel des travaux pour doubler la ligne du pied du Salève. D'ailleurs, les autorités françaises compétentes ont déjà déclaré qu'elles s'en tiendraient aux accords sur le tracé du CEVA, et rien d'autre.

Du reste, prétendre que l'on pourrait déjà bricoler un ou deux petits éléments jusqu'au Bachet pour amorcer la pompe à finances fédérale est un voeu pieu. Berne ne l'acceptera pas, car les 150 millions de francs sont affectés strictement au tracé du CEVA prévu et décrit dans la Convention de 1912, et confirmé par le protocole d'accord d'avril 2002. Cette affectation n'est donc pas interchangeable, et cette infrastructure majeure et structurante pour Genève et la région ne peut pas se faire à la carte, au petit bonheur la chance, au gré des désirs et des craintes des uns et des autres !

D'autre part, l'abus de droit, soit l'utilisation abusive des institutions de démocratie directe, n'est pas à proprement parler un critère d'appréciation de la recevabilité d'une initiative. Toutefois, il tend à prendre une importance particulière, au vu de cas récents, où des projets quasiment construits ont été contestés par une initiative. Comme l'a relevé le rapport de majorité, je le cite: «Dans le cadre de la démocratie directe telle qu'elle est connue à Genève, l'outil de choix de l'opposition à des projets ou à des actes émanant des autorités est le référendum plutôt que l'initiative. De surcroît, le principe de la bonne foi commande, de manière générale, d'opposer des objections ou de s'opposer à un projet dès que cela est possible, et non d'attendre le dernier moment, ou la réalisation d'étapes cruciales, pour ce faire.» Or, les initiants ont eu au moins quatre fois - et non trois fois, Monsieur Barazzone ! - la possibilité de contester par un référendum les décisions prises démocratiquement, trois fois par le Grand Conseil et une fois par l'Assemblée fédérale. Le rapporteur de majorité a parfaitement décrit ce cheminement.

Le groupe radical est donc convaincu qu'il s'agit d'une utilisation abusive du droit d'initiative, qui équivaudrait à annuler le long cheminement ayant conduit à l'aboutissement de la phase préparatoire du CEVA. Il s'agirait d'une modification profonde de notre système institutionnel, qui donnerait la prééminence à l'initiative sur le référendum. Ce serait tromper le Conseil général sur la véritable portée de ses droits. On ne peut pas faire voter le peuple sur des chimères et des virtualités !

En conclusion, je rappellerai que le groupe radical est l'auteur de la motion 1439, acceptée sans opposition en 2002, qui demande une réalisation dans les meilleurs délais du CEVA. Pour tous ces motifs, le groupe radical votera contre la recevabilité totale ou partielle de l'IN 139. (Applaudissements.)

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Les orateurs précédents ont beaucoup insisté sur les aspects purement juridiques, donc je ne reviendrai pas sur le détail de ce qui a été dit. Néanmoins, je voudrais souligner un aspect, qu'à mon avis les habitantes et habitants de ce canton peuvent parfaitement comprendre. C'est la question de l'abus de droit.

Il a été rappelé par M. le rapporteur de majorité qu'on aurait pu à trois reprises lancer un référendum et s'opposer aux différents crédits d'étude ou d'investissement concernant le CEVA. Or, par rapport à cela, le rapporteur de minorité nous a dit: «Mais enfin, comment peut-on faire attention à quelque huit lignes dans la "Feuille d'avis officielle" et éventuellement lancer un référendum ?» Alors permettez-moi de vous dire, Monsieur le rapporteur de minorité, qu'on pouvait également lire la presse genevoise ! D'ailleurs, nous avons recherché, avec ma collègue Mme Chatelain, tous les articles parus concernant la décision de 2002. Vous voyez, j'en ai une fourre ici. Par exemple, la «Tribune de Genève» a consacré en avril, au moment où le projet a été déposé, un article d'une page entière qui le présentait. Le 29 juin, c'est-à-dire le lendemain du vote du 28, ce dernier a été annoncé. J'ai même retrouvé l'annonce des 400 millions qu'on a prévu de dépenser pour le CEVA dans «Place publique», le journal, connu de certains d'entre nous, de l'UDC. UDC qui se retrouve aujourd'hui dans la minorité. Je crois donc que n'importe quel citoyen ou citoyenne de ce canton aurait pu trouver les informations nécessaires. De plus, Monsieur Jornot, vous êtes un avocat brillant, je ne vous ferai donc pas l'affront de dire que nul n'est censé ignorer la loi !

Mesdames et Messieurs les députés, notre peuple, que ce soit sur le plan fédéral ou cantonal, a voulu que nous vivions dans une démocratie semi-directe, à savoir que l'on a le droit de s'opposer à des lois, par le lancement d'un référendum, ainsi que de proposer une initiative.

Dans le cas présent, c'est bien un référendum qu'il aurait fallu lancer, et déposer tardivement une initiative, c'est véritablement se tromper. En effet, dans une démocratie, le peuple a certes des droits, mais également des devoirs et, s'il est souverain, c'est dans le cadre d'un Etat de droit et des règles qu'il s'est lui-même fixées. M. Jornot nous l'a d'ailleurs très bien rappelé lors du débat sur l'initiative 126, je cite: «[...] il ne peut pas y avoir de démocratie, de droits populaires, sans respect de l'Etat de droit !»

En outre, comme l'a dit aussi M. Jeannerat tout à l'heure, on trompe le peuple avec cette initiative. On le trompe parce que, si par hypothèse elle devait être soumise à la votation populaire, certains pourraient l'accepter en toute bonne foi, pensant qu'ils votent sur un tracé alternatif à celui qui est proposé. Or, comme cela a été dit, ce n'est pas le cas, parce que le financement d'un tel tracé alternatif ne serait pas assuré et que nos partenaires français, qui sont avec nous dans cette affaire, ne veulent pas autre chose que le tracé actuel. Il ne nous appartient donc pas de laisser le peuple se prononcer sur un sujet qui est manifestement incompatible et irrecevable en termes de droit.

D'autre part, permettez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, notamment du parti libéral, de vous dire que, dans ce domaine, vous n'êtes pas très crédibles. En effet, comment pouvez-vous être crédibles et invoquer le respect des droits populaires, vous qui, depuis le début de cette législature, n'avez pas arrêté de voter en faveur de l'irrecevabilité de nombreuses initiatives ? Je mentionnerai l'IN 126 «Energie-Eau: notre affaire ! Respect de la volonté populaire», irrecevable à vos yeux; l'IN 132, sur Rhino, irrecevable; l'IN 133, sur l'affectation de l'or de la BNS, irrecevable elle aussi; l'IN 136, «Touche pas à mon Hôpital et aux services publics !», irrecevable, sans oublier bien évidemment l'IN 129 sur la fumée passive, que vous avez déclarée irrecevable, malgré les 20 000 signatures réunies en moins de deux mois. De plus, l'un d'entre vous est allé au Tribunal fédéral pour essayer de contrecarrer la décision de ce parlement !

Par ailleurs, comment M. Halpérin peut-il déclarer dans «Le Temps», je cite: «L'initiative - celle que nous traitons actuellement - a été signée par un grand nombre de personnes, il faut en tenir compte», alors que dans cette même enceinte, lors du débat sur l'IN 126, M. Jornot affirmait: «[...] la question de la recevabilité est totalement indépendante du nombre de signataires.» (Exclamations.) Et comment M. Jornot peut-il déclarer dans «Le Courrier» d'il y a quelques jours que le peuple a le droit de s'exprimer, même sur des âneries, alors que lors du débat sur l'initiative 136 il a dit: «[...] je vous invite [...] à déclarer cette initiative irrecevable. Nous devons le faire, par respect pour les citoyens qui ont signé cette initiative en étant trompés par des initiants qui leur ont fait sciemment signer un texte manifestement irrecevable.»

Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, ce sera ma conclusion, je la laisse à M. Jornot et, au nom du groupe socialiste, je vous invite, par respect pour les droits populaires, à déclarer cette initiative totalement irrecevable. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Philippe Guénat (UDC). Avec l'initiative 139, nous ne sommes pas là ce soir pour savoir s'il faut ou non le fameux CEVA, que l'UDC a bien soutenu en son temps, même si nous avions des doutes - et en avons toujours - sur son financement et son coût final. Nous ne discuterons pas longuement de la validité de l'IN 139, puisque nous, UDC, considérons que cette initiative, bien que lancée très tardivement et à un moment peu opportun, reflète la préoccupation et le souci populaires de certains habitants de notre canton, et que le droit à l'initiative est l'un des piliers mêmes de notre démocratie - que cela nous dérange ou pas. Et l'UDC tient à ce droit de lancer une initiative populaire.

Je rappelle donc à mes collègues députés que nous ne sommes pas là ce soir pour dire si l'on approuve ou non le CEVA et cette initiative, mais uniquement pour voir si cette dernière est conforme et valide.

Du reste, il est amusant de constater que, lorsque des initiatives sont lancées par la gauche et ses alliés PDC - je ne parlerai pas des radicaux... (Brouhaha.) ...parce que, quand il faut bétonner Genève, ils sont toujours là, toujours d'accord ! L'argent n'a pas de couleur ! - ces dernières sont toujours primordiales, voire capitales, et il faut à tout prix respecter les initiants et la volonté populaire.

Je vous rappelle que nous avons voté il n'y a pas très longtemps sur une possible gratuité des TPG qui, si elle avait été acceptée, aurait plongé les finances du canton dans des abîmes inimaginables. Or, aussi déraisonnable que fût cette initiative, nous l'avons considérée avec respect. Alors pourquoi soudainement s'étouffer et crier au complot lorsque l'IN 139 arrive ? Je n'arrive pas à croire et refuse de penser que c'est parce qu'elle émane d'une partie de la population qui ne vote pas forcément pour les partis que je viens de mentionner.

La population de Carouge et Champel a la réputation d'être plutôt tranquille, docile... (Exclamations. Rires.) Est-ce un crime que cette population s'étonne qu'il faille chercher un architecte français à polémique, qui n'a pas que des réussites à son actif ? Et pourquoi n'avoir pas choisi un architecte de notre canton, alors que ces mêmes partis nous vantent les mérites de la section d'architecture de l'Université de Genève ? Ou bien avons-nous eu raison de la fermer récemment ? En outre, les signataires de l'initiative 139 se posent des questions, et jusqu'à maintenant la question du percement du tunnel sous les collines de Champel n'est toujours pas résolue.

De plus, pour suivre l'actualité - parce que vous aimez cela, chers collègues - lorsque l'on sait que les pères du projet CEVA sont aussi ceux qui ont essayé de négocier dans le dos de la population genevoise l'importation de déchets en provenance de Naples... (Protestations.) ...et qu'ils s'opposent à toute considération pour une traversée de la rade, quelle qu'elle soit, et cela au nom de l'écologie, il est vrai qu'il y a lieu de s'interroger.

Je finirai, Madame la présidente, en confirmant que l'UDC souhaite bien une amélioration du trafic régional et transfrontalier par le rail et une traversée de la rade. Mais notre honnêteté nous oblige à admettre que l'initiative 139 est absolument valide et recevable. Par conséquent, nous, UDC, la soutenons en tant qu'initiative, mais la combattrons une fois présentée au peuple... (Exclamations.) ....qui aura lui le dernier mot, et c'est bien ainsi, car si l'initiative 139 est refusée ce soir, ce parlement se discréditera lors de la décision finale du Tribunal fédéral.

Mme Emilie Flamand (Ve). Nous avons appris ce soir que l'UDC soutient toujours les initiatives. Ce n'est pas vraiment un scoop, car on savait qu'elle les soutenait toujours, même - voire surtout - lorsqu'elles sont contraires au droit supérieur, par exemple au droit international.

En préambule, j'aimerais revenir sur l'atteinte aux droits populaires dont nous sommes accusés par la minorité. Eh bien c'est faux ! La constitution prévoit que le Grand Conseil se prononce sur la validité, et non pas qu'il valide automatiquement toutes les initiatives. Des voies de recours existent - les initiants ont d'ailleurs déjà déclaré lors de leur audition qu'ils les utiliseraient - et la question, je pense, est de savoir si c'est bien au Grand Conseil de se prononcer sur la validité des initiatives et pas à un tribunal. Cette question, je pense que nous devrons nous la poser très prochainement.

Pour revenir au sujet qui nous occupe ce soir, je ne vais pas développer à nouveau tous les éléments qui ont été extrêmement bien expliqués par le rapporteur de majorité, mais deux points me semblent vraiment importants: le premier est celui de la conformité au droit supérieur. Nous l'avons dit, cette initiative demande de revenir sur une convention signée avec la Confédération qui fixe le tracé du CEVA, convention qui, bien qu'ancienne, n'en reste pas moins valable. Et cette initiative veut octroyer au canton des compétences qui ne sont pas les siennes et qui sont contraires au droit fédéral, ce qui pose problème.

Le deuxième élément, et peut-être le plus important à nos yeux, est celui de l'abus de droit. Les opposants au CEVA n'ont pas fait usage de leur droit de référendum, alors que ce projet a fait l'objet de trois décisions démocratiques au niveau cantonal, soumises au référendum facultatif, et d'une au niveau fédéral. De plus, ces décisions ont été extrêmement discutées dans la presse, comme l'a dit ma collègue socialiste.

On reproche souvent aux autorités politiques d'être inactives, de ne pas construire de logements, de ne pas créer d'infrastructures, mais comment voulez-vous développer notre canton et croire en des projets, si ceux-ci peuvent être remis en question à tout moment, alors même qu'ils ont passé avec succès - et à l'unanimité dans le cas du CEVA - par toutes les étapes du processus démocratique ? Selon nous, c'est inacceptable et il s'agit clairement d'un usage abusif des instruments de la démocratie directe, qui viole le principe de bonne foi énoncé dans la Constitution fédérale.

Pour l'ensemble de ces raisons et toutes celles qui ont été énoncées ce soir, nous considérons que l'initiative 139 n'est pas recevable et voterons en conséquence. (Applaudissements.)

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, vous allez vous prononcer sur la recevabilité de l'initiative 139 «Pour une meilleure mobilité franco-genevoise», et le Conseil d'Etat et la majorité vous demandent en choeur de la déclarer irrecevable, afin d'éviter de prendre le risque que les électeurs genevois, dans leur sagesse, viennent confirmer que le tracé du CEVA constitue une mauvaise réponse à une bonne question.

Sachez, avant de vous prononcer, que l'on vous manipule, comme on a manipulé l'opinion publique ces dernières années. Ainsi, le Conseil d'Etat - et M. Laurent Moutinot en tête - n'a cessé de répéter, allant même jusqu'à l'écrire dans son rapport à la commission législative, que l'initiative va faire perdre à Genève la subvention fédérale, qui est subordonnée au fait que les travaux débutent avant fin 2008. Ce faisant, la commission législative a été induite en erreur, puisque ce même conseiller d'Etat écrivait le 5 décembre 2007 à M. Moritz Leuenberger, conseiller fédéral: «[...] c'est avec satisfaction que notre Conseil a pris connaissance d'un courrier adressé par l'Office fédéral des transports aux CFF en date du 27 juin 2007, confirmant que les travaux relatifs à la liaison Cornavin - Eaux-Vives - Annemasse ont effectivement déjà commencé, lorsque les premiers travaux ont été engagés en 2005 en gare de Cornavin, de sorte que le délai impératif de début des chantiers à fin 2008 pour pouvoir bénéficier du financement de la part fédérale de la liaison est d'ores et déjà respecté.»

En d'autres termes, tous les moyens sont bons, y compris les contre-vérités, pour éviter de passer par un vote populaire. Pourtant, ce n'est pas pour ou contre le CEVA que vous allez vous prononcer, mais pour ou contre le respect des droits démocratiques, qui vous est demandé par près de 17 000 citoyens genevois. Comment justifier de bafouer ainsi par des arguments fallacieux le droit d'initiative ancré dans notre constitution, alors que, de toute évidence, il est admis par le Conseil d'Etat que, premièrement, l'initiative respecte les exigences d'unité de la matière, de la forme et du genre ?

Deuxièmement, l'IN 139 est conforme au droit fédéral, car elle ne remet pas en cause la compétence de la Confédération en matière de chemins de fer; elle ne fait qu'émettre un voeu, pour l'option d'une liaison alternative au projet CEVA.

Troisièmement, la Convention de 1912, moribonde depuis bientôt un siècle, a été utilisée pour faire croire qu'elle imposait à Genève de réaliser la liaison la Praille - Eaux-Vives, alors qu'elle ne donnait au canton que la faculté de l'accomplir, comme le dit l'article 9: «L'Etat de Genève ne demandera la construction du tronçon de raccordement la Praille - Eaux-Vives que lorsqu'il jugera cette construction nécessaire au développement du trafic.»

Quatrièmement, la Convention de 1912, modifiée non seulement en 1924 mais également en 1950, ne s'oppose nullement à ce que Genève envisage un autre tracé, pour lequel il n'y a aucune raison de penser que la Confédération ne libérera pas une subvention équivalente, dans la mesure où il appartient au seul canton d'établir ses priorités en matière de mobilité.

Indépendamment de ces arguments formels, qui sont incontestables pour qui se donne la peine d'examiner ce dossier avec objectivité et honnêteté intellectuelle, il est tout de même permis de se demander sérieusement comment un projet, qui dépassera largement le milliard de francs, peut être légitimement soutenu avec un tel acharnement. Avec le CEVA, un train grande ligne, après avoir traversé les sous-sols d'une bonne partie de la ville, arrivera en gare d'Annemasse, gare pour laquelle les autorités françaises n'ont à ce jour pas commencé l'étude de voies d'accès efficaces, avec parking conséquent.

Tout cela, alors que les mêmes autorités françaises, peu soucieuses de l'environnement, ouvriront en 2009 la nouvelle autoroute Annecy - Genève, qui viendra déverser ses flots de véhicules à Bardonnex, là précisément où notre office de la mobilité n'a absolument rien prévu. Sans doute imagine-t-on que ces automobilistes vont se rendre de Saint-Julien-en-Genevois à la gare d'Annemasse pour prendre le CEVA ?

Cette aberrante quasi-unanimité à soutenir le CEVA ne peut s'expliquer que par une fascination surréaliste de la gauche pour les transports en commun - peu importe finalement lesquels, l'endroit où ils vont et leur coût - et par la pression des groupes d'intérêts sur une partie de la droite, parce qu'il faut que quelque chose se passe, que Genève bouge, même s'il ne s'agit que de gesticuler vainement, avec pour seule répercussion sur les générations à venir un alourdissement de la dette publique.

Par ailleurs, si la Convention de 1912 était obligatoire pour Genève, comment expliquer que la Confédération n'en ait jamais réclamé l'exécution, et que ce soit finalement le canton qui soit intervenu auprès de la Confédération pour en demander l'interprétation nonante ans plus tard ?

Tout cela pour vous dire que Genève ne peut faire l'économie d'un débat public sur des projets aussi importants et coûteux que le CEVA, et cette initiative, parfaitement recevable, nous en donne l'opportunité. D'ailleurs, si les partisans du CEVA sont à ce point sûrs de la supériorité de leurs arguments, ils n'ont rien à craindre de cette confrontation d'idées. Et que celles et ceux qui envisagent de voter pour l'irrecevabilité de cette initiative se souviennent qu'à vouloir museler les droits démocratiques pour des mobiles partisans, on aboutit inévitablement à faire perdre toute légitimité à notre présence dans cette salle.

Le groupe Mouvement Citoyens Genevois votera pour l'acceptation de cette initiative 139. (Applaudissements.)

M. Claude Jeanneret (MCG). Le Mouvement Citoyens Genevois portant bien son nom, nous n'allons pas reprendre le débat juridique extrêmement brillamment défendu par les partisans ou les non partisans de cette initiative. Toutefois, j'aimerais simplement faire remarquer que, lorsqu'on lit l'historique de cette affaire du CEVA, on a quand même l'impression, peut-être populaire, que tout cela est basé sur une certaine mauvaise foi et que la démocratie, dans ce cas-là, est totalement bafouée.

On a évoqué la Convention de 1912, une époque où les Eaux-Vives étaient encore des marais ! On rigole, car ça n'a rien à voir avec la réalité ! En revanche, quand on parle du vote de principe du projet, c'est-à-dire le crédit d'investissement de 2002, et qu'on dit que le peuple n'a pas réagi suffisamment tôt pour lancer un référendum, j'aimerais savoir, Madame la présidente, comment il est possible de lancer un tel référendum lorsqu'il n'y a pas de projet ni de plans ! Et on ne peut pas faire un référendum contre un crédit de 400 millions ! Certains éléments ne sont donc pas corrects, c'est le moins qu'on puisse dire, dans la présentation des faits.

De 2002 à 2006, il y avait à la rue de Chamonix un bureau-guichet du CEVA, qui ne donnait absolument aucun renseignement à quiconque s'adressait à lui, sur ordre de je ne sais qui, mais vraisemblablement du Conseil d'Etat, et qui répondait invariablement que les demandes devaient être faites par écrit. Or ces demandes écrites sont restées systématiquement sans réponse et cela, durant plusieurs années. Ce n'est qu'en avril 2006 que M. le conseiller d'Etat Cramer a annoncé que le projet de la gare serait construit sous les normes de l'architecte Jean Nouvel; 2006, cela fait beaucoup d'années après, mais c'était déjà trop tard. Puis, ledit guichet a donné l'information suivante: «Vous pouvez consulter les plans à partir du 8 septembre 2006.» Or, comme il s'agissait de dépôt de plans officiels, il est clair que le référendum ne pouvait pas être lancé. Et c'est quand même grave, parce qu'on sent là une volonté manifeste d'agir d'une manière un peu particulière, je dirai, pour être gentil, populaire. Cela donne l'impression d'une petite magouille juridique pour imposer sa loi, ce qui est assez regrettable, parce qu'il faut être juste !

Que le CEVA soit une bonne ou une mauvaise chose est une question à étudier, mais que l'on refuse une initiative à des gens qui n'avaient pas d'autres moyens de se battre, qui n'avaient pas été mis au courant plus tôt ou qui ne pouvaient pas le faire avant... Il y a quand même 16 600 personnes qui se sont intéressées à cette affaire ! Et quand on dit que ce sont peut-être les riches de Champel, mais il y a aussi tous les braves gens habitant du côté des Eaux-Vives qui vont subir des perturbations graves, tant du point de vue des nuisances et du bruit que de la pollution ! Et tout cela, on n'en parle pas !

Ainsi, cette initiative est totalement recevable, tant sur sa forme que sur son fond, parce qu'elle est parfaitement démocratique. Seuls la mauvaise foi du gouvernement et certains intérêts particuliers occultes peuvent amener à mentir à son sujet pour imposer de manière dictatoriale le mauvais projet.

J'aimerais encore ajouter qu'il y a eu des mensonges, parce que, lorsqu'on parle du droit supérieur... C'est quand même effrayant d'entendre cela ! Jamais, jamais Berne n'a imposé un tracé ! C'est faux ! Berne a laissé le choix à Genève ! Alors si Genève en a proposé un, c'est autre chose, mais ce n'est pas Berne qui l'a imposé.

Enfin, on dit qu'il faut commencer rapidement les travaux mais, premièrement, on n'est pas prêts et, deuxièmement, par sa lettre du 5 décembre 2007, le Conseil d'Etat - représenté par son président d'alors M. Laurent Moutinot - a annoncé à M. Moritz Leuenberger que les travaux avaient commencé et que les conditions étaient remplies pour bénéficier du financement de la part fédérale. On n'a jamais dit, à partir de la gare de la Praille, où cela allait continuer ! Par conséquent, il ne faut pas dire que nous allons être pénalisés, c'est faux !

Le troisième point sur lequel on a été berné, c'est le fait qu'on nous ait dit que le projet est sans surprise possible. Mais c'est faux, parce que le tunnel est une grande inconnue et, du point de vue géologique, les études n'ont pas été faites de manière sérieuse.

Compte tenu de tout ce qui précède, nous, MCG, le répétons, la moindre des choses que l'on puisse faire dans le respect démocratique, c'est d'accepter l'initiative 139, quelle que soit son issue. La moindre des choses, c'est de laisser à la population le droit de questionner et, pour une fois, qu'on lui réponde honnêtement !

M. Ivan Slatkine (L). Nous sommes dans un débat sur la recevabilité d'une initiative et je vous avoue que moi, qui ne suis pas juriste, je suis un peu dépassé. J'entends parler d'abus de droit et je me demande ce que peut signifier cette expression. J'ai écouté les arguments émis par le parti socialiste, qui nous accuse, nous libéraux, d'avoir voté l'irrecevabilité de plusieurs initiatives. Alors je ferai remarquer à ce parti qu'à l'époque il votait la recevabilité de ces initiatives - et l'inverse - et qu'en fait ses arguments se retournent automatiquement contre lui.

On voit bien que ces discussions sur la recevabilité sont d'un point de vue politique un peu aberrantes et que, tout compte fait, ce genre de débat devrait être tranché non pas dans une enceinte comme la nôtre, mais dans un tribunal et par des spécialistes. Malheureusement, Mesdames et Messieurs les députés, ce procédé n'est pas en place comme il devrait l'être; peut-être la Constituante modifiera-t-elle cet aspect mais, pour le moment, on nous demande de nous prononcer sur la recevabilité d'une initiative. Et je dois dire que, pour ceux qui ont lu les rapports, qu'ils soient de majorité ou de minorité, il n'y a pas photo ! Le rapport de minorité est en effet bien plus fouillé, bien plus fort, et on ne peut qu'approuver la recevabilité. Mais accepter la recevabilité d'une initiative ne signifie pas forcément qu'on adhère dans le fond à cette dernière ! Quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas là ce soir pour débattre sur le fond de l'IN 139, mais uniquement sur sa recevabilité.

Pour nous, libéraux, il semble que d'accepter la recevabilité permettrait de rapidement classer cette affaire, si je peux me permettre l'expression, puisque le peuple, comme l'a dit le rapporteur de minorité, pourra se prononcer d'ici à la fin de l'année.

En revanche, si l'on soutient l'irrecevabilité, les initiants iront au Tribunal fédéral, ils l'ont dit. Or c'est une démarche qui va rallonger le débat et engendrer des blocages, ce qui n'est pas positif pour notre canton.

Le groupe libéral ne renie absolument pas ses engagements. Il est pour le CEVA, pour le développement économique de ce canton, pour un aménagement dynamique, et il soutient le CEVA comme d'ailleurs la traversée de la rade ou du lac. Nous encourageons tout grand projet d'envergure pour ce canton, mais ce n'est pas parce que nous soutenons de grands projets en termes de mobilité et d'aménagement que nous devons nous voiler les yeux et voter forcément l'irrecevabilité de l'initiative. Les arguments développés par la minorité nous semblent bien meilleurs que ceux de la majorité, et par conséquent nous soutenons la recevabilité de cette initiative. Nous aimerions en outre que cet objet soit traité rapidement, pour que le peuple se prononce. Nous n'avons absolument pas peur du vote de ce dernier, car nous sommes persuadés qu'il soutiendra ce projet. Nous souhaitons donc que le CEVA soit réalisé et que nous passions dès 2013 ou 2014 au prochain projet qui nous tient à coeur: la traversée de la rade. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Je vais être bref, parce que tout a été dit - et plutôt très bien - par le rapporteur de minorité et nos collègues.

J'aimerais juste ajouter ceci: quel est le plus bel acte qui puisse être ? C'est le vote populaire ! C'est celui qui nous donne à toutes et à tous la légitimité de siéger ici. Aujourd'hui, nous avons avec le Conseil d'Etat cette chance de ressortir grandis puisque, selon son point de vue, le projet du CEVA est très bénéfique, surtout pour la région - il est peut-être un peu moins bénéfique pour Genève, mais il l'est tout de même - il pourrait donc être plébiscité... Je vois que cela vous fait rire, Monsieur le conseiller d'Etat ! Moi, je ne trouve pas cela très drôle, et quand je pense que l'on a adopté un crédit de 400 millions de francs sans qu'il y ait de vote populaire, je pourrais avoir tendance à utiliser certains propos déplacés, donc je m'abstiendrai !

Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de quoi rire, et en tout cas pas lorsqu'on parle de démocratie directe, qui est, faut-il le rappeler, un droit que nous sommes un des rares pays à avoir. Certains des Etats qui nous entourent, comme la France, n'ont pas ce droit de démocratie directe ! Il s'agit donc d'une chance pour la population genevoise, une chance pour le conseiller d'Etat ou le Conseil d'Etat d'être soit plébiscité soit... C'est le peuple qui décidera !

Monsieur le conseiller d'Etat Robert Cramer, nous vous savons très occupé à des fonctions fédérales, alors il serait peut-être temps de vous en remettre au peuple ! Il serait peut-être temps que vos décisions soient entérinées, non pas par un collège capable de certaines volte-face d'une rapidité déconcertante, mais que vous trouviez dans vos décisions et dans vos prises de position la légitimité que le peuple voudra bien vous donner !

Alors, Monsieur le conseiller d'Etat, Messieurs du Conseil d'Etat, saisissez cette chance, battez-vous pour faire votre argumentaire et laissez le dernier mot, la dernière parole, au peuple souverain. In fine, c'est lui qui nous gouverne !

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je ferai très vite, seulement je ne peux pas laisser M. Slatkine dire n'importe quoi ! Lorsqu'il indique que le parti socialiste vote en faveur de l'irrecevabilité des initiatives contre lesquelles il est, ce n'est pas vrai ! Je ne vous donnerai qu'un seul exemple: la semaine dernière, j'ai accepté l'irrecevabilité d'une initiative qui venait pourtant de l'Asloca et des milieux qui sont proches du parti socialiste.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de minorité. Tout à l'heure, il y a eu un grand éclat de rire par là-bas, au moment où il a été dit que l'on pouvait être favorable à la recevabilité mais opposé à l'initiative en elle-même. J'aimerais donc faire un petit rappel d'ordre, peut-être pas mathématique, mais logique.

Je vous rappelle qu'il y a quatre possibilités: on peut être pour la recevabilité et pour l'initiative, c'est généralement le cas des initiants. On peut être contre la recevabilité et pour l'initiative; ça, ce sont ceux qui veulent... D'ailleurs, y a-t-il des gens qui pensent ainsi ? Peut-être n'existent-ils pas encore ! On peut aussi être pour la recevabilité et contre l'initiative: c'est ce que proposent les libéraux, ainsi que d'autres autour de cette table. Et, enfin, on peut être contre la recevabilité et contre l'initiative. Bref, il y a toutes sortes de variantes ! Par conséquent, nous dire ce soir qu'il n'est pas possible d'avoir des positions nuancées entre la recevabilité et le fond, ce n'est tout simplement pas sérieux !

Le deuxième élément sur lequel j'aimerais revenir est extrêmement intéressant par rapport à la notion de référendum et d'initiative. En effet, des vocations constitutionnelles se sont tout à l'heure élevées pendant le débat. Mais de quoi s'agit-il ? On nous dit que, si un objet est soumis à référendum et que ce dernier n'est pas demandé, une initiative ne peut pas être lancée ensuite contre ce même objet. C'est intéressant et assez bien pensé, mais il se trouve que c'est faux ! Oui, c'est faux dans un canton comme Genève, qui n'a pas introduit dans sa législation ou sa constitution une norme visant à protéger les objets approuvés après référendum ou faute de référendum. Mais certains cantons l'ont fait, Mesdames et Messieurs les députés, cela existe ici et là. Il y a par exemple des délais d'une année, pendant lesquels on n'a pas le droit de lancer une initiative pour abroger une loi qui a été adoptée. Une année ! Comparez donc cette durée avec les six ans qui se sont écoulés depuis le vote de la loi de crédit et vous verrez que, même dans les cantons où on a voulu blinder le système en protégeant les lois votées sans que le référendum n'ait été demandé, on n'a jamais prétendu qu'on ne puisse pas après six ans changer d'avis sur un objet ! Six ans, je l'ai dit en commission, c'est un délai pendant lequel on a le droit, en tant que citoyen, de bazarder une majorité pour en choisir une autre ! Il serait quand même aberrant qu'on puisse changer de majorité et passer de gauche à droite ou inversement et qu'en revanche, sur une histoire de tunnels et de voies de chemins de fer, on n'ait pas le droit de changer d'avis ! Mieux encore, rendez-vous compte que nous, parlement, aurions le droit de voter une loi qui abrogerait la loi de crédit ! Car il n'y a absolument rien qui nous empêcherait de voter l'abrogation de la loi de crédit ! Alors au nom de quoi est-ce que nous dénierions le droit que nous avons à ceux qui ont signé cette initiative, et ensuite à la population ?

Mme Emery-Torracinta m'a fait l'honneur de me citer tout à l'heure. Je ne l'avais pas vraiment prévu, mais j'ai aussi une petite citation: «[...] ce n'est pas un débat juridique qui se pose à nous, mais un débat politique. Nous avons d'une part des initiants qui, il est clair, manifestent une certaine défiance face aux élus et préfèrent voir la démocratie directe triompher et le peuple se prononcer aussi souvent que possible; d'autre part, nous avons la majorité de la commission qui privilégie sans doute la démocratie représentative, mais peut-être aussi parce qu'elle a une certaine défiance face au peuple. Dans un tel cas, nous pensons que c'est bien au peuple de trancher et non à ce parlement de déclarer cette initiative irrecevable.» J'aime beaucoup cette citation de Mme Emery-Torracinta ! Elle retranscrit finalement assez bien ce que je ressens ce soir, même s'il s'agissait de l'initiative 136, qui n'avait pas été lancée par d'abominables bourgeois, ce qui change évidemment la perspective avec laquelle on doit l'examiner !

Il est clair que, désormais, le groupe socialiste ne pourra plus nous faire larmoyer avec les droits populaires, ce qui nous épargnera bien des débats sur des histoires de recevabilité ! Mais ce n'est pas le seul groupe ! Ce n'est pas le seul, allez, je vais vous citer d'autres propos (Rires.) : «Nous vous conseillons donc de suivre cette proposition et, surtout, de ne pas entrer en matière sur cette tactique politique qui consiste à essayer de déguiller toute initiative populaire avant qu'elle puisse être soumise au peuple [...]» C'est beau, non ? Cela, c'était du Sidler ! Et ça signifie donc que, du côté des Verts, on aura aussi un peu de peine ensuite à nous faire larmoyer sur les droits populaires ! Et je vous pose la question: est-ce que le salut de votre conseiller d'Etat mérite vraiment cette trahison de vos principes politiques ? (Rires.)

Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais émettre une toute dernière considération, sous forme de conseil, de mode d'emploi: que devraient faire ceux qui sont favorables au CEVA - il y en a beaucoup dans cette salle - pour que ce projet puisse se faire le plus rapidement possible ? D'abord, ils devraient aller consulter la Ville de Genève, dont la majorité, sauf erreur, n'est pas composée de la droite, de l'UDC et du MCG, aux dernières nouvelles, et tenter de la convaincre de retirer son opposition. Parce que si la Ville maintient son opposition, comme le dit le conseiller fédéral Leuenberger, cela va forcément ralentir le début des travaux ! Voilà donc une mission que l'on pourrait donner à cette partie-ci de l'hémicycle !

Ensuite, ce qu'on pourrait faire, c'est voter ce soir la recevabilité vite et bien. Enfin, vite, c'est déjà un peu raté, mais bien. Puis, renvoyer cet objet en commission des travaux. On reviendra en juin avec un rapport qu'on votera devant ce plénum puis, en septembre ou en décembre, le peuple tranchera et l'affaire sera réglée ! Et elle le sera forcément à satisfaction, puisque je ne peux pas imaginer que le Conseil d'Etat, qui a élaboré un si beau projet, puisse avoir le moindre doute quant à son acceptabilité par la population genevoise ! Et si on ne fait pas cela, au-devant de quoi va-t-on ? On va au-devant de mois et de mois durant lesquels on va attendre que le Tribunal fédéral - telle la Pythie - nous délivre son oracle et nous dise ce qui peut être soumis au peuple, ce qui ne peut pas l'être, ce qui est plutôt bien ou non dans les arguments... Allez, les «arguments», pas les «arguties», Monsieur Barazzone ! Je retire, vous retirez ! On est d'accord ! Si on n'agit pas ainsi, on devra donc attendre que le Tribunal fédéral nous dise ce qu'il y a de bien dans les arguments des uns et des autres à propos de cette histoire de recevabilité !

Par conséquent, je vous recommande, Mesdames et Messieurs qui êtes favorables au CEVA, je nous recommande, à nous qui le sommes également, et je vous recommande, Messieurs les conseillers d'Etat, de lâcher maintenant vos stylos, de prendre vos mégaphones, d'aller dans la rue et de convaincre la population ! C'est ce que vous avez tous de mieux à faire ! (Applaudissements.)

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. J'ai l'honneur de m'adresser à vous au nom du Conseil d'Etat. Cela aurait pu être mon collègue Mark Muller, qui a suivi avec attention ce débat, et qui aura le plaisir, d'entente avec les CFF, de construire cet ouvrage. Cela aurait aussi pu être mon collègue Laurent Moutinot, qui a suivi les travaux en commission, ou n'importe lequel d'entre nous, mais on a bien voulu que ce soit moi qui vous parle.

Mon intervention, contrairement à certaines autres - et cela vous étonnera - pourra être relativement brève, parce que, tout d'abord, je crois qu'il ne faut faire que du droit. Et ne faire que du droit, s'agissant de la recevabilité d'une initiative, c'est en premier lieu affirmer très fortement in dubio pro populo, c'est-à-dire qu'en cas de doute, quel que soit ce dernier, fût-il le plus infime possible, il faut être en faveur de l'initiative.

Si nous avions réfléchi en l'opportunité, si nous n'avions pas appliqué avec rigueur cet adage, bien sûr que nous vous aurions dit que cette initiative est recevable, c'est beaucoup plus avantageux ! Il y aurait eu dans quelques mois une votation populaire et l'affaire aurait été réglée, car je ne doute pas un seul instant du choix qu'aurait fait la population genevoise dans ce vote.

Mais voilà, il ne s'agit pas de faire de l'opportunité, ou d'indiquer ce que l'on aime ou non. Il ne s'agit même pas de dire si ce que l'on aime, c'est de placer les droits populaires au-dessus de tout, y compris au-dessus du droit qui a été voulu par le peuple. Non, il est question ici de faire du droit et d'appliquer la législation de notre pays et de notre canton.

Du reste, le Conseil d'Etat a toujours appliqué cette législation avec rigueur, et même au-delà. Si vous regardez l'histoire du droit d'initiative à Genève - je peux en tout cas en témoigner pour ces dix dernières années, où j'ai eu l'honneur de participer aux décisions prises par le Conseil d'Etat en matière de recevabilité d'initiatives - il n'est pas une seule fois où le Conseil d'Etat s'est fait désavouer par le Tribunal fédéral dans ses préavis, parce qu'il avait été trop restrictif en matière de droits populaires. Au contraire ! Chaque fois que le Tribunal fédéral a eu à dire que le Conseil d'Etat s'était trompé, c'est parce que nous avions décidé qu'une initiative était recevable et que le Tribunal fédéral, à la suite du Grand Conseil souvent, a été plus rigoureux que nous. C'est donc, je crois, véritablement la première fois que nous sommes en situation de dire qu'une initiative, sur tous ses points, est irrecevable. Et quand on fait une telle affirmation, il ne s'agit pas de faire des subtilités.

Je tiens bien sûr à remercier infiniment le rapporteur de la majorité, M. Barazzone, pour la qualité de son rapport, car son travail fourni sera certainement un élément important dans le dossier du Tribunal fédéral et dans la décision qu'il aura à prendre.

Pour notre part, il nous a suffi de lire le texte de l'initiative ainsi qu'une consultation juridique qu'un professeur d'université nous avait remise, et qui tient en deux ou trois pages, pour nous faire notre opinion. Et il est fort simple de se la faire ! En effet, que demande cette initiative ? Elle réclame deux choses, dont il tombe tellement sous le sens qu'elles sont contraires au droit qu'il n'est pas besoin de disserter longuement. Quand on est trop subtil, vous avez raison, Monsieur le rapporteur de la minorité, cela signifie qu'on est en train de se tromper. Mais là, on est dans une affaire extrêmement simple. Cette initiative demande que l'Etat établisse le tracé d'une ligne de chemin de fer. Or y a-t-il une seule personne dans cette salle qui imagine que c'est à l'Etat de Genève d'établir les tracés des lignes de chemin de fer ? Poser la question, c'est y répondre ! C'est une tâche qui incombe bien sûr à la Confédération. Par conséquent, sur ce point, c'est-à-dire l'alinéa 2, cette initiative est d'évidence irrecevable !

Passons tout de suite à l'alinéa 1 - je vous avais promis une intervention courte ! - qui nous demande de prendre les mesures nécessaires pour créer une liaison différente de celle du CEVA. Mais la liaison du CEVA est fixée par des relations contractuelles et légales ! Nous avons passé en 1912 un contrat ancien avec la Confédération et les CFF, mais nous en avons également conclu un beaucoup plus nouveau, le 26 avril 2002, avec les mêmes partenaires. Vous ne pouvez donc pas nous demander de nous détacher d'une relation contractuelle !

Par conséquent, cette initiative est deux fois irrecevable, et cela tombe tout simplement sous le sens. Et quand il y a une telle évidence, malheureusement, on doit admettre que l'initiative ne doit pas être soumise au peuple, parce que ce serait une tromperie. En effet, on appellerait les citoyens et citoyennes à voter sur un objet sur lequel ils n'ont pas à se prononcer, et on recommanderait au Grand Conseil de prendre une décision qui, d'évidence, sera cassée par le Tribunal fédéral.

Encore une fois, et je conclurai ainsi, c'est à contre-coeur que je vous livre ce message, et cela pour une double raison. La première, c'est que je considère avec mes collègues que, chaque fois qu'on peut sauver une initiative, il faut le faire, et la seconde, c'est que cela m'aurait fait bien plaisir qu'il y ait un vote populaire sur cette initiative, mais j'en serai frustré. (Applaudissements.)

La présidente. Nous sommes en procédure de vote. Je vous demande d'être attentifs, parce que vous allez devoir vous prononcer sur de nombreuses questions.

Premièrement, l'initiative 139 respecte-t-elle l'unité du genre ? Que celles et ceux qui le pensent votent oui, les autres non ou s'abstiennent.

Une voix. Appel nominal !

La présidente. Etes-vous appuyé ? (Brouhaha.) C'est trop tard !

Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 139 est adoptée par 83 oui (unanimité des votants).

Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 139 est adoptée par 85 oui (unanimité des votants).

Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 139 est adoptée par 88 oui (unanimité des votants).

Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 139 est rejetée par 54 non contre 31 oui et 2 abstentions.

La présidente. La question que je vous pose maintenant est la suivante: l'initiative 139 est-elle inexécutable ? (Brouhaha. Commentaires.) C'est ainsi que cela a été formulé ! Je vous répète la question: pensez-vous que l'initiative 139 est inexécutable ?

Mise aux voix, l'inexécutabilité de l'initiative 139 est adoptée par 50 oui contre 33 non et 1 abstention.

Mise aux voix, la recevabilité de l'initiative 139 est rejetée par 54 non contre 30 oui et 3 abstentions.

Le Grand Conseil déclare donc invalide l'initiative populaire 139.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat IN 139-A.

La présidente. Nous avons fini cette procédure de vote. J'aimerais remercier MM. les rapporteurs de majorité et de minorité ainsi que tous les intervenants pour la qualité et la bonne tenue de ce débat. (Applaudissements.)

M 1809
Proposition de motion de MM. Ivan Slatkine, Gabriel Barrillier, Jacques Baudit, Philippe Guénat, Renaud Gautier, Guy Mettan, Pierre Weiss, Olivier Jornot, François Gillet, Frédéric Hohl, Jean-Claude Ducrot, Jacques Follonier, Gilbert Catelain pour une meilleure gouvernance et transparence des établissements publics autonomes

Débat

La présidente. Nous sommes au point 117 de notre ordre du jour, que vous avez décidé de traiter en urgence. (Brouhaha.) Je vous demande s'il vous plaît de faire un peu de silence ! Je vous remercie. Je passe la parole à M. Ivan Slatkine pour la présentation de cette proposition de motion.

M. Ivan Slatkine (L). Il y a trois semaines environ, la Cour des comptes rendait un rapport concernant la rémunération des cadres et des membres des conseils d'administration des établissements publics autonomes. Dans ce rapport, de nombreuses recommandations ont été émises, dont une, essentielle, qui appelle le Conseil d'Etat à déposer un projet de loi-cadre relatif à la gouvernance se basant sur les 28 principes émis par la Confédération, ainsi que ceux énoncés par l'Organisation de coopération et de développement économiques - OCDE.

Je vous rappelle que parmi ces derniers figure un des principes qui a été inclus dans les projets de lois votés par ce Grand Conseil à propos des Services industriels de Genève, des Hôpitaux cantonaux universitaires et des Transports publics genevois, à savoir la réduction du nombre des membres des conseils d'administration ainsi que la dépolitisation de ces derniers.

Outre cet aspect des choses, beaucoup d'autres points devaient encore être réglés au niveau de la gouvernance des établissements publics autonomes. Récemment, dans l'affaire relative au traitement de déchets italiens par les SIG, la question qu'on pouvait se poser, ou plutôt la phrase qu'on aurait voulu prononcer était: «Stop au chaos !» En effet, on a pu constater que le ministre de tutelle était absent du conseil d'administration quand il s'agissait de prendre des décisions importantes, et on a vu des députés administrateurs se rendre à Naples pour faire des conférences de presse ! On a entendu tout et son contraire dans cette affaire !

On a donc énormément de peine à comprendre comment sont contrôlés ces établissements publics autonomes, quelles sont les règles en matière de gouvernance et comment on doit définir l'autonomie de ces établissements.

Cette proposition de motion appelle simplement le Conseil d'Etat à déposer dans les plus brefs délais un projet de loi-cadre relatif à la gouvernance de l'ensemble des établissements publics autonomes, de telle sorte que des affaires récentes comme celle concernant les SIG ne surviennent plus et que des établissements non subventionnés comme les SIG ou l'Aéroport international de Genève aient aussi des contrats de prestations, afin que l'on sache précisément qui fait quoi, qui décide quoi, qui contrôle quoi et comment.

Je tiens encore à dire que ce texte viendra renforcer les projets de lois déjà votés par ce parlement et sur lesquels nous nous prononcerons en votation populaire début juin.

Présidence de M. Eric Leyvraz, premier vice-président

M. Gilbert Catelain (UDC). L'UDC a soutenu les différents projets de lois liés à la gouvernance, que ce soit pour l'Hospice général ou d'autres entités publiques. Toutefois, dans le cadre de ces différents débats, l'UDC a relevé qu'il aurait été préférable de travailler sur une loi-cadre incluant l'ensemble des problèmes que nous avons connus, plutôt que d'étudier des projets individuels.

Il est évident que l'UDC - qui en est également signataire - soutiendra cette proposition de motion, et vous invite à faire de même en la renvoyant directement au Conseil d'Etat, afin qu'il puisse nous présenter un projet-cadre le plus rapidement possible.

Le conseiller d'Etat en charge du département de l'économie et de la santé nous a de plus rendus attentifs aux problèmes des décisions prises à Berne en matière de santé au niveau fédéral, qui auront également des répercussions sur l'Hôpital cantonal. Il serait donc bien qu'un projet de loi-cadre puisse régler la question de la gouvernance pour l'ensemble des établissements autonomes.

M. Pierre Kunz (R). Les signataires de la proposition de motion 1809 ne sont pas naïfs: ils savent comme chacun ici qu'il faudra du temps pour mettre un terme aux mauvaises habitudes et pour organiser une gouvernance efficace des établissements publics autonomes. Les jours agités que vivent les Tessinois et les Fribourgeois suite à l'annonce du plan de restructuration de l'entreprise CFF Cargo montrent bien qu'il ne suffit pas au Conseil fédéral de dresser une liste de 28 principes pour que tous les problèmes de gouvernance trouvent subitement leur solution.

Quoi qu'il en soit, chez nous à Genève, autant qu'à Berne, la récente affaire des déchets napolitains qui a défrayé la chronique en témoigne une fois encore, la gouvernance des établissements publics autonomes reste insatisfaisante à tous les points de vue: celui du rôle du politique, de la gestion des ressources humaines, du fonctionnement des conseils d'administration, de la définition des politiques financières, commerciales, industrielles, etc.

Suite au récent rapport de la Cour des comptes auquel vient de faire allusion M. Slatkine, suite aussi aux expériences récentes de CFF Cargo et des Cheneviers, il serait donc bon que le Conseil d'Etat apporte enfin - et vite ! - sa contribution à l'élaboration d'un cadre légal susceptible d'améliorer la gouvernance des établissements publics autonomes, en tenant compte des 28 principes directeurs qui figurent dans l'annexe à cette proposition de motion. C'est ce que demande ce texte et ce que recommandent les députés radicaux, qui vous proposent également de renvoyer cette proposition de motion directement au Conseil d'Etat.

Présidence de Mme Loly Bolay, présidente

M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien, qui est cosignataire de cette proposition de motion, est évidemment d'accord avec les préopinants pour renvoyer ce texte au Conseil d'Etat.

Vous vous souvenez que nous avons lancé il y a quelques mois une discussion, notamment dans les trois partis de l'Entente, en vue de déposer un projet de loi sur la gouvernance des établissements publics autonomes. En octobre de l'année dernière, nous avions présenté les principales directives de ce projet de loi. Il portait d'une part sur la transparence qui manquait - et qui manque toujours - dans la gouvernance de ces établissements publics autonomes, en ce qui concerne les conditions de rémunération des directions et des conseils d'administration, qui laissent également à désirer selon le dernier rapport de la Cour des comptes.

D'autre part, il s'agissait de définir quel est le périmètre d'autonomie qu'on veut accorder à ces établissements publics qui portent le nom d'«autonomes», mais qui au fond l'ont été malgré eux, puisqu'on a laissé un certain laxisme prévaloir dans leur gestion. C'est imputable au fait qu'on n'a jamais réussi à définir précisément quel était le degré d'autonomie qu'on voulait attribuer à ces établissements.

Maintenant, on se trouve exactement au milieu du gué. On a voté des projets de lois qui refondaient les conseils d'administration et qui proposaient à juste titre d'augmenter l'autonomie de ces établissements. Il faut toutefois que, en échange de cette autonomie, ces établissements puissent offrir des garanties de transparence - je l'ai dit - et présenter des critères sérieux quant à la rémunération des cadres. Il convient également que cette autonomie soit clairement définie.

C'est ce que nous voulons demander par le biais de cette proposition de motion. Je sais que le Conseil d'Etat a une loi en préparation, M. Hiler nous en a parlé en commission des finances. Nous souhaitons maintenant que cette loi arrive rapidement devant notre Grand Conseil, afin de calmer le jeu dans les établissements publics autonomes et de pouvoir rétablir une gestion sereine de tous les organismes concernés par ce projet de loi.

M. Alberto Velasco (S). Nous, socialistes, avons parcouru ce document et le trouvons intéressant; nous demanderons donc son renvoi au Conseil d'Etat. Néanmoins, nous aimerions faire un certain nombre de remarques.

Premièrement, nous avons nous aussi déposé une proposition de motion sur la gouvernance, voyez-vous ! Nous avons demandé qu'elle soit traitée en même temps que l'objet dont nous débattons, mais cela nous a été refusé à plus d'une reprise, ce que je trouve regrettable et dommageable, venant de la part de personnes aussi «ouvertes d'esprit» que vous. En effet, comme la gouvernance est un sujet qui vous plaît, vous auriez dû accepter notre motion et la renvoyer en même temps que celle-ci !

Par ailleurs, ce que j'aimerais relever, c'est que quand M. Catelain de l'UDC dit qu'il faut une loi-cadre, c'est juste ! Lors du dernier débat de ce Grand Conseil sur les fameuses trois lois de gouvernance, M. Nidegger, avec qui j'avais essayé de négocier, était d'accord pour qu'on fasse une loi-cadre, mais le reste de l'UDC n'a pas suivi ce vote ! C'est dommage, chers collègues ! Parce que, de ce fait, le considérant voulant que «les lois votées par le parlement ou en cours de traitement relatives à la taille et la composition des conseils d'administration [...]» n'est plus de mise, puisque le peuple devra se prononcer d'ici à juin sur ce sujet. Alors laissons-le le faire !

Toutefois, chers collègues, j'aimerais dire que si, lors de ce fameux débat qui a duré deux jours - avec champagne, etc. - nous avions fait montre d'un peu de sagesse et que nous avions accepté la proposition du groupe socialiste d'aller en commission ad hoc pour élaborer une loi-cadre avec des propositions telles que celles qui figurent ici, on aurait pu éviter référendum et autres procédures !

Je trouve cette proposition intéressante parce que, voyez-vous, Monsieur le conseiller d'Etat, ici au moins on délimite le champ du privé et celui du public. On dit aux institutions publiques ce que la Confédération a très bien fait: «Quand vous êtes dans le champ public, faites attention, parce que vous ne pouvez pas d'abord légiférer, mais si vous légiférez, cela doit être dans ce cadre. De même, quand vous concluez des accords, vous devez les faire dans ce cadre.» C'est extrêmement intéressant ! C'est ce que j'ai lu et il se trouve que si on avait appliqué cela aux SIG, nombre de propositions que j'ai faites auraient passé. Oui, elles auraient passé, alors que certaines ont été refusées pour des raisons que j'ignore. Or, avec les propositions de la Confédération, elles auraient «dû» être acceptées. Par exemple, quand nous avons décidé un jour aux SIG de parler de «clients» au lieu d'«usagers» - alors qu'on est dans une situation de monopole - je me suis égosillé à leur dire que c'était une compétence du Grand Conseil ou du Conseil d'Etat ! Je leur répétais que c'était au Conseil d'Etat ou au parlement de décider de cela mais, rien à faire, la majorité moins une voix a décidé qu'ils avaient la compétence pour légiférer ! Or, avec les recommandations que nous propose le groupe libéral, que je salue, cela n'aurait pas été possible !

En conséquence, pour ces considérations et d'autres que j'ai lues, nous allons demander que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat, en espérant que ce dernier élaborera une loi-cadre, comme nous le désirons, qui indiquera par exemple jusqu'où l'indépendance salariale peut aller, et qui introduira aussi la notion qu'autonomie ne veut pas dire indépendance ! Attention ! Avant tout, ce qui compte, c'est la mission publique donnée à ces établissements publics autonomes !

Tout en remerciant nos collègues libéraux d'ouvrir le débat en déposant ce texte, nous demandons de renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts vous inviteront simplement à renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat. Mais que demande-t-elle au fond, car l'enjeu est là ?

L'invite est assez claire: il s'agit de «présenter dans les plus brefs délais, soit avant l'été 2008, un projet de loi régissant la bonne gouvernance des établissements publics autonomes reprenant les éléments ci-dessus et se basant tant sur les 28 recommandations émises par la Confédération que celles émises par l'OCDE. Au surplus, de suivre les recommandations de la Cour des comptes.»

Il est évident que nous soutenons cette proposition de motion, car il faut bien se rendre compte aujourd'hui que les établissements publics autonomes ne sont pas des entreprises classiques. Ces entités dépendent chacune de lois spécifiques. Nous avons des conseils d'administration dont, à cause de pratiques quelque peu particulières, on a de la peine à comprendre le rôle qu'ils jouent. Nous pensons réellement qu'un conseil d'administration, lorsqu'il doit s'occuper d'affaires et de business, ne peut pas forcément le faire sur la place publique.

Nous estimons que des règles de gouvernance claires et précises sont aujourd'hui nécessaires et soutenons donc cette demande. Au Conseil d'Etat de nous aider à légiférer sur ce sujet-là, il y a urgence !

La présidente. Je passe la parole à M. Renaud Gautier, à qui il reste deux minutes.

M. Renaud Gautier (L). Ce sera largement suffisant, Madame la présidente, parce que, comme pour le point précédent de l'ordre du jour, toute personne de bonne foi ne peut que soutenir cette proposition de motion !

J'aimerais ajouter deux points de détail: nous vivons actuellement sans règles de gouvernance par rapport aux établissements autonomes. Ça, c'est la version polie ! On pourrait aussi dire que nous vivons selon les règles de la «malgouvernance» !

La bonne gouvernance ne traite pas de la capacité des entités autonomes à gérer leurs affaires. Elle règle les rapports et définit la qualité de ceux-ci entre ces établissements et l'entité qui les détient en tout ou en partie - en l'occurrence l'Etat - et détermine la manière dont l'Etat doit s'impliquer dans ces établissements autonomes. Citons par exemple la désignation des administrateurs, qui ne peuvent pas être en même temps à Genève et à Naples, ou au parlement et au conseil d'administration ! (Rires.)

Les lois de la bonne gouvernance sont une absolue nécessité, parce que cela fait maintenant un an que nous vivons non pas un cas - je parle de celui qui ne met pas le feu au lac, mais le feu aux déchets ! - mais un ensemble de situations qui démontrent que nous avons besoin à Genève de ces règles-là ! Elles sont pratiquées par la Confédération comme cela est annoncé dans l'annexe de la proposition de motion, dans des conditions précises, et je vous prie d'en lire tous les articles. Vous vous rendrez compte qu'elles doivent interpeller chacun des membres de ce parlement car elles définissent à travers les normes de l'OCDE la manière dont l'Etat s'adresse à l'entité autonome et inversement.

Ce qui fait que je me réjouis, Madame la présidente, car au vote de tout à l'heure, j'en suis convaincu, le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat fera l'unanimité !

La présidente. Monsieur Deneys, je suis désolée, je ne peux pas vous donner la parole, les trois minutes dont disposait votre groupe sont écoulées; votre collègue a utilisé tout le temps imparti aux socialistes ! Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat David Hiler.

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Deux mots d'abord sur les principes de la Confédération. En effet, votre texte s'appuie évidemment sur ces derniers mais je ne suis pas sûr que grand monde les connaisse ! Ça a été pour moi un livre de chevet intéressant pendant les vacances de Noël.

Effectivement, le Conseil d'Etat a d'ores et déjà décidé que, dans le cadre de la loi organisationnelle - ou organique, comme vous voudrez - le travail considérable fait par la Confédération... Ses établissements publics autonomes sont d'ailleurs beaucoup plus diversifiés que les nôtres; on y trouve notamment la Commission fédérale des banques, qui est un organe de régulation, mais aussi la SUVA.

Alors, pour que nous ne nous disputions pas après coup, que dit la Confédération ? Elle indique d'abord que, dans la plupart des cas, pour une société publique, il ne faut pas créer une société anonyme de droit privé parce que cela complique tout, mais bien s'en tenir à un établissement public autonome. Il y a deux exceptions de taille, dont une que vous connaissez bien, c'est l'entreprise Swisscom, parce qu'elle intervient dans le cadre d'un marché globalisé.

Ensuite, les principes sont extrêmement simples: ils stipulent la création d'un établissement public autonome par une loi matérielle, c'est le droit que nous connaissons. A partir de là, on calque l'organisation de l'établissement public autonome et son fonctionnement sur les règles qui régissent la société anonyme. L'Etat joue le rôle tenu par l'assemblée des actionnaires dans le fonctionnement d'une société anonyme. Cela signifie que, si c'est cela que vous voulez et que veut également le Conseil d'Etat, c'est ce dernier qui nommera l'organe de révision et qui approuvera les comptes - et non pas les ratifiera deux ans après ! Il aura le rôle très puissant d'une assemblée générale d'actionnaires et nommera donc les administrateurs. Ça, c'est une chose. C'est donc l'Etat propriétaire qui doit défendre beaucoup plus vivement ses droits, et les rapports souvent incestueux des administrations avec les établissements publics autonomes doivent cesser, puisque c'est bien l'Etat propriétaire qui fait valoir ses droits et qu'il a par ailleurs sur le plan légal un devoir de surveillance !

L'Etat doit donc fixer des objectifs - c'est ce qui distingue un établissement public autonome d'une société anonyme - et c'est le parlement, très souvent, qui les fixera par une loi. Le Conseil d'Etat adoptera pour sa part un règlement d'application de la loi. Le rôle stratégique du conseil d'administration est donc un peu limité par rapport à celui d'une société privée, mais c'est normal ! Dans ce cadre, certains éléments vont de soi - ces derniers font plus plaisir à certains qu'à d'autres - et il y a un équilibre à trouver: certains diront que l'on réduit l'autonomie, les autres contesteront la composition des conseils d'administration.

Et là encore, les principes sont clairs: la Confédération indique qu'ils sont composés de 7 à 9 membres choisis sur la base d'un véritable casting, une fois les profils nécessaires définis, et trouvés s'il le faut par petites annonces. Il y a donc une professionnalisation: moins de membres, mais compétents dans les différents domaines d'intervention - et compétents «pour de vrai» ! Et, dans la logique de la Confédération, que cela soit clair aussi avant de voter, il est exclu qu'un quelconque parti politique désigne de sa propre autorité un représentant ! De même, soit dit en passant, il est exclu qu'un quelconque conseiller fédéral participe à ces conseils d'administration.

C'est donc une autre optique, dans laquelle la surveillance de l'Etat est plus forte et plus directe et où les responsabilités sont redéfinies. Une fois que l'autonomie est fixée, l'établissement a le droit de la défendre - pour la part qui lui reste ! Vous l'avez dit, autonomie n'est pas indépendance, à l'évidence, et la responsabilité de l'Etat demeure entière - c'est tout l'intérêt de l'affaire CFF Cargo ! Elle demeure entière, puisque c'est tout de même l'Etat qui a nommé le conseil d'administration ! On peut bien dire que le conseil d'administration a fait une erreur, mais qui a nommé l'auteur de cette dernière ? De ce point de vue, je crois que nous allons vers un débat qui sera passionnant.

Malgré les modifications - sur proposition du Conseil d'Etat, je le rappelle - qui sont survenues dans la loi sur la Banque cantonale de Genève, la loi sur l'Hospice général et la loi sur l'Aéroport international de Genève, l'année écoulée a montré que la construction historique législative était ingérable, tout simplement parce que pour chaque établissement on a une règle différente, quand il y en a une, d'ailleurs, et quand elle est écrite !

Nous allons donc vers un projet de loi dont les principes généraux seront rendus publics au début du mois de mai. Ensuite, nous attendrons le résultat de la votation mais, quel qu'en soit le résultat, nous déposerons ce projet de loi.

Maintenant, à la vérité, pour être complet, je dois aussi vous dire que le Conseil d'Etat estime que les projets de lois votés par le parlement récemment - et qui ont fait l'objet d'un référendum - vont davantage dans la direction que nous imaginons que le statu quo. En effet, nous ne pouvons pas vivre avec des conseils d'administration qui sont des mini-parlements ! Un conseil d'administration est un conseil d'administration, et il a des responsabilités de gestion ! Le Conseil d'Etat et son administration, au titre de la surveillance, et vous, le parlement, au titre de la haute surveillance, devez avoir toutes les informations - c'est la transparence - pour exercer une surveillance qui ne se fait pas depuis l'intérieur. En effet, le rôle d'un administrateur est bien sûr de surveiller la direction générale, mais pas de surveiller l'établissement public autonome comme s'il lui était extérieur ! En fait, il est lié comme tout administrateur au code des obligations, selon lequel il doit d'abord défendre les intérêts de l'établissement public autonome, avant tout autre intérêt. Or cela ne nous a pas frappés que, cette dernière année, cette règle ait été constamment respectée !

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi le Conseil d'Etat accueille avec plaisir cette motion et verrait d'un bon oeil qu'elle soit adoptée à l'unanimité. La Cour des comptes, le Conseil d'Etat, l'Inspection cantonale des finances, le parlement, nous avons tous les mêmes lectures. A nous d'en faire bon usage ! Le Conseil d'Etat formulera le projet, vous rédigerez la loi définitive: espérons que cela permettra à l'avenir d'éviter un certain nombre de problèmes !

Maintenant, la plus belle des lois - et c'est le problème à Genève - si on ne l'applique pas, qu'on ne la respecte pas et que personne ne la connaît, ne peut pas résoudre des problèmes ! Par conséquent, il faudra s'habituer à ce que cette loi soit suffisamment simple et claire pour être applicable et, si elle n'est pas appliquée, il faudra prendre les sanctions qui s'imposent, cette fois ! Chose que, dans le contexte actuel, le Conseil d'Etat a renoncé à faire dans ce cas, parce que la liste de ceux qui ont par exemple enfreint le secret de fonction depuis une année est telle qu'il vaut mieux attendre le remplacement des conseils d'administration, cela fera office de révocation collective !

Mise aux voix, la motion 1809 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 57 oui contre 1 non et 10 abstentions.

Motion 1809

R 551
Proposition de résolution de Mmes et MM. Guy Mettan, Jean Rossiaud, Anne-Marie von Arx-Vernon, Virginie Keller Lopez, Pierre Losio, Christian Brunier, Janine Hagmann, Michel Forni, Sandra Borgeaud, Mario Cavaleri, Alain Charbonnier, Beatriz de Candolle, Didier Bonny, Jean-Claude Ducrot, Anne Emery-Torracinta, Alain Etienne, Laurence Fehlmann Rielle, Fabienne Gautier, Sylvia Leuenberger, François Thion, Pablo Garcia, Olivier Jornot, Roger Golay, Lydia Schneider Hausser, Loly Bolay, Thierry Cerutti, Ariane Wisard-Blum pour la libération d'Ingrid Betancourt et des otages de Colombie

Débat

M. Guy Mettan (PDC). J'ai promis d'être bref et je le serai: mon intervention ne dépassera pas les cent secondes ! Je voulais juste dire sur le fond que la situation dramatique des otages et l'état sanitaire alarmant de Mme Ingrid Betancourt justifient à eux seuls que notre Grand Conseil vote ce soir cette proposition de résolution !

De plus, compte tenu des tensions, notamment diplomatiques, qui règnent actuellement dans cette région entre la Colombie, le Venezuela et l'Equateur, et de l'action que la diplomatie suisse a déployée depuis plusieurs années, avec l'aide de participants genevois, pour essayer de résoudre ces problèmes, je crois que nous pouvons apporter notre soutien sans réserve à cette résolution.

Je termine en remerciant l'ensemble des partis qui ont accepté de ne pas intervenir à ce sujet pour ne pas prolonger inutilement les débats.

Mise aux voix, la résolution 551 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat et aux parlementaires genevois aux Chambres fédérales par 49 oui contre 1 non et 3 abstentions.

Résolution 551

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vous propose pas de reprendre notre ordre du jour, parce que le prochain objet inscrit nous prendra du temps. Nous arrêtons donc là nos travaux. Je vous remercie !

La séance est levée à 22h30.