République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1786
Proposition de motion de Mmes et MM. Alain Charbonnier, Alain Etienne, Lydia Schneider Hausser, Roger Deneys, Laurence Fehlmann Rielle, Françoise Schenk-Gottret, Christian Brunier, Véronique Pürro, Gabrielle Falquet pour le respect de la volonté populaire et la mise en application de l'IN 125 «Pour une meilleure prise en charge des personnes âgées en EMS»

Débat

La présidente. Je propose de placer cette proposition de motion en catégorie II et que nous y consacrions quatre minutes par groupe.

M. Alain Charbonnier (S). Je suis un peu étonné que vous décidiez de catégories d'objets au dernier moment, il me semble qu'un débat libre aurait été plus honnête. Que demande cette motion ? Je rappelle que les citoyens genevois ont voté le 11 mars 2007, il y a maintenant six mois et un jour, une initiative qui demandait que la prise en charge des personnes âgées en EMS soit faite de façon complète, aussi bien du point de vue des soins que par l'encadrement social et l'animation.

Cette initiative a été débattue ici en plénière; elle a été débattue en commission de la santé et le représentant du département, M. Unger, conseiller d'Etat, est venu à plusieurs reprises nous dire le coût qu'engendrait cette initiative, coût calculé par ses propres services. Le chiffre de 60 millions a été avancé. Il a même été écrit noir sur blanc dans la brochure de votations. Tout le monde peut s'y référer, puisqu'elle est encore sur le site internet du Canton de Genève. Tout le monde peut encore consulter ce texte dans lequel le Conseil d'Etat, après description de l'initiative, donne le chiffre de 60 millions et dit que, vu les finances de l'Etat à cette période de l'année,... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...cette somme est beaucoup trop importante et que le Conseil d'Etat propose par conséquent de rejeter cette initiative.

Le Conseil d'Etat a aussi donné d'autres explications en disant qu'il pensait réorienter sa politique en faveur des personnes âgées en tentant le maintien à domicile. Malheureusement, si l'on regarde les chiffres au budget 2008, on s'aperçoit que, pour le maintien à domicile, il n'y a pas un centime, pas un franc supplémentaire. Donc, où est cette politique ? Elle est dans les discours, mais dans les faits on ne voit pas grand-chose. A tel point qu'au niveau de la mise en application de l'initiative 125, c'est à nouveau zéro franc zéro centime. Que fait-on de la volonté populaire ? Des discours ! Messieurs les conseillers d'Etat, ce n'est pas comme cela que ça fonctionne, la démocratie ! Quand le peuple vote une initiative, vous êtes chargés de la mettre en application. Après six mois, il semblerait que vous ayez eu le temps d'y réfléchir et de faire un premier pas, une première tranche de cette mise en application. Mais... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...vous en avez fait tellement peu que vous en avez même fait moins !

En effet, si l'on prend en compte les nouveaux EMS qui ouvrent cette année, en 2007, et qui seront en pleine ouverture durant les douze mois de 2008, on comptabilise le nombre de lits ajoutés, on prend les montants par lit et on s'aperçoit qu'en 2008, avec la subvention qui est accordée aux EMS, on passe en fait à un montant de 2538 F par lit en EMS, alors qu'en 2007 ce montant était de 2545 F. En fait, la subvention aux EMS diminue pour 2008, alors qu'elle devait augmenter au moins de 10 à 15 millions, puisque c'était la première tranche de mise en application de l'initiative.

Selon les calculs des services de M. Unger, dont il nous a fait part à plusieurs reprises, soutenu par le Conseil d'Etat dans son ensemble, le coût de l'initiative devait être de 60 millions. Donc, 15 millions ne nous paraissent vraiment pas trop pour une première tranche de la mise en application de l'initiative. Surtout si l'on sait que, d'après les derniers relevés de l'Office de la statistique, il y a actuellement 500 personnes dans le domaine de la santé et 500 personnes dans le domaine du social qui sont au chômage à Genève. Cela nous fait un millier de personnes. Evidemment, il faut voir d'après les qualifications où...

La présidente. Monsieur...

M. Alain Charbonnier. ...ces personnes pourront travailler, mais sur 1000 personnes, on ne va...

La présidente. Monsieur le député...

M. Alain Charbonnier. ...pas me faire croire qu'il n'y a pas une centaine de personnes qui pourraient travailler en EMS assez rapidement, au moins au cours de l'année prochaine.

La présidente. Monsieur le député...

M. Alain Charbonnier. Dix à quinze millions, ce n'est pas du tout exagéré pour respecter un minimum la volonté populaire.

La présidente. Je veux juste vous dire une chose: comme vous êtes l'auteur, vous vous êtes exprimé en tant que tel et votre groupe peut encore le faire.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Il est vrai que cette proposition de motion arrive peut-être un peu tard quand on parle du plan financier et de ce que l'on va voter au mois de novembre de cette année, mais, effectivement, la problématique des EMS... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...est importante. Nous en avons déjà débattu dans cette enceinte et le peuple s'est prononcé de façon extrêmement claire pour soutenir l'initiative 125 qui visait à garantir les soins requis aux personnes qui vivent dans des EMS. (Brouhaha.) Il est vrai que, quand une initiative a été acceptée, et avec de tels résultats... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...il paraît incongru que le département en question n'ait rien proposé ou qu'il n'y ait pas fait plus attention - je m'adresse au Conseil d'Etat en général - et je trouve qu'il est regrettable que ce ne soit pas compris dans le plan financier de cette année.

Il faut donc soutenir cette proposition de motion et la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Eric Bertinat (UDC). Si une partie du groupe UDC a soutenu la présentation qui a été faite de cette proposition de motion, c'est avant tout parce que notre parti tient à respecter la volonté populaire. L'UDC s'est opposée à l'initiative lors de la campagne qui a précédé la votation. Elle respecte cependant le résultat et s'est trouvée bien surprise de voir que certains propos, notamment ceux tenus par M. Unger, qui avançait le chiffre de 60 millions pour le coût de cette initiative, tout à coup, disparaissaient. Tout comme disparaissait également ce chiffre du budget qui nous a été présenté. Cela dit, nous tenons quand même à préciser que cette augmentation de 15 millions qui nous est proposée va certainement faire l'objet de nombreuses discussions et que, si elle devait être acceptée, il est évident pour le groupe UDC que l'argent devrait être trouvé autre part ! C'est à dire que le budget ne saurait être tout à coup augmenté de 15 millions. Le budget 2008 a déjà beaucoup de peine à respecter le plan quadriennal.

La présidente. La parole est à M. le député Yves Nidegger, à qui il reste trois minutes.

M. Yves Nidegger (UDC). L'IN 125 a été acceptée par 59,6% des votants sur la base d'une argumentation largement émotionnelle qui passait totalement sous silence le coût réel de ce qui allait se passer. C'est facile lorsqu'il s'agit de personnes âgées, sujet qui nous concerne tous, puisque nous sommes tous de futures personnes âgées, d'obtenir une certaine compréhension d'un large public et de faire passer à peu près ce que l'on veut. Nous avons combattu l'initiative à l'époque, elle était présentée de manière populiste et certainement peu équilibrée.

Cela dit, comme l'a relevé mon collègue Bertinat, cette initiative a été acceptée et la volonté populaire n'est pas quelque chose dont on peut se défaire aussi facilement que le Conseil d'Etat semble le penser. Quinze millions, c'est un chiffre manifestement pris au hasard pour inscrire quelque chose sur une proposition de motion rédigée sur un coin de table. La commission des finances devra s'interroger sur ce qu'il convient de faire et le Conseil d'Etat devra expliquer la manière dont il entend respecter la volonté populaire. Ce n'est pas forcément en mettant 15 millions au budget. Toutes sortes de pistes peuvent être étudiées. Les occupations d'intérêt public pour les condamnés, dont nous avons un assez grand nombre à Genève, pourraient aussi être envisagées. Il y a mille manières d'imaginer comment renforcer le domaine des EMS sans forcément passer bêtement à la caisse avec un montant aléatoire.

Tout cela sera examiné dans le détail en commission des finances, où je vous invite à renvoyer cette proposition de motion.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Après les échauffourées d'hier soir, je suis heureuse de constater que le calme est revenu et que nous avons enfin accepté cet ajout à notre ordre du jour, ainsi que l'urgence.

J'aimerais dire qu'il n'est pas forcément sûr que nous soyons de futures personnes âgées - depuis que la mort existe, nous ne sommes sûrs de rien - mais on espère y arriver. Moi je pense plutôt à nos aînés aujourd'hui. Si 60 millions sont effectivement une grosse somme pour la République de Genève, il y a peut-être certains montants qu'il n'est pas urgent de dépenser maintenant; par contre, en ce qui concerne le fait de prendre soin de nos aînés - qui ont participé à la construction de notre République, à notre économie, à notre éducation et à celle des enfants - eh bien, il y a 15 millions qui pourront être utilisés pour créer de nouveaux postes de travail, comme le démontre le passage d'un article paru dans la revue de la Fédération genevoise des établissements médicaux. En plus, cela permettrait de respecter la volonté populaire: l'initiative a quand même passé à 59,6%. Le peuple est roi dans notre canton - c'est lui qui nous élit, il ne faut pas l'oublier - sa volonté doit être respectée et nous sommes là pour le faire.

Il s'agit de créer 600 postes et, Mesdames et Messieurs, vous avez l'air d'oublier la crise de chômage qu'on connaît actuellement - je crois que je suis bien placée pour en parler... (Remarques.) Je suis heureuse de pouvoir dire aujourd'hui que j'ai enfin regagné le cercle économique et que je travaille, mais je pense aux milliers de gens qui sont en train de connaître ce que j'ai vécu. Le fait que 600 personnes, qui ont la formation pour s'occuper de nos personnes âgées, pourraient sortir rapidement du chômage, c'est à prendre en considération... (Brouhaha.) Je m'excuse, mais il y a du brouhaha ! Je n'ai pas terminé ! (La présidente agite la cloche.) Vous-mêmes ou des membres de votre famille, vous irez peut-être en EMS... Je pense qu'en tant qu'humains, pas en tant que politiciens, vous souhaiteriez que les membres de votre famille soient bien traités, qu'on ait les moyens de bien s'occuper d'eux et qu'ils ne soient pas tout seuls dans une chambre à attendre de mourir ! S'il vous plaît, ayez un peu de respect pour les personnes âgées, pour qu'on en prenne soin... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Même si cela vous déplaît, la vérité n'est jamais bonne à entendre. En tout cas, je souhaite que vous acceptiez cette proposition de motion.

M. Guy Mettan (PDC). Je reconnais que cette proposition de motion est tout à fait importante, puisqu'elle pose un problème de fond par rapport à la votation populaire. Le peuple a en effet accepté d'accroître le budget des EMS et il est important qu'on puisse en débattre. En ce sens-là, je crois que le parti socialiste fait une démarche adaptée. Par contre, ce que je comprends moins est que votre proposition de motion a l'air d'être dirigée contre deux conseillers d'Etat en particulier: M. Unger et M. Longchamp. Je vous rappelle quand même que la majorité du Conseil d'Etat est de gauche, et c'est ce Conseil d'Etat de gauche qui n'a pas souhaité prendre en considération dans le budget l'augmentation de l'enveloppe consacrée aux EMS. Il faudrait donc que vous vous en preniez d'abord à vos magistrats avant d'essayer de détourner l'attention sur les autres.

Ensuite, Madame la présidente, je demande formellement que cette proposition de motion soit renvoyée à la commission des affaires sociales et que nous nous prononcions sur ce renvoi. Pourquoi la commission des affaires sociales ? Parce que, comme je viens de le dire, il s'agit d'un sujet important et parce que la question des EMS ne concerne pas seulement la santé, mais aussi toute la politique du personnel. Dans les EMS, il n'y a pas seulement des infirmières qui s'occupent de la santé des malades, mais il y a aussi toute l'animation, toutes les conditions d'accueil. Je pense qu'il est important qu'une commission puisse débattre des moyens à mettre à disposition et voir aussi ce qui peut être fait par exemple en collaboration avec la FSASD, les soins à domicile. Au fond, c'est une activité complémentaire aux soins à domicile. Je pense que c'est vraiment le lieu idéal pour qu'on puisse débattre de cette proposition de motion, qui, je le répète, est importante à nos yeux.

Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de la renvoyer à la commission des affaires sociales.

M. Pierre Weiss (L). Il y a des points qui sont incontestables, il y en a d'autres qui sont discutables. Ce qui est incontestable en ce qui concerne l'objet de cette proposition de motion, c'est le fait que la volonté populaire s'est exprimée. Deuxièmement, c'est le fait que le canton de Genève fait énormément en matière d'EMS - probablement plus que la moyenne des cantons suisses. Ces points-là doivent naturellement être pris en considération quand on aborde l'examen de cette question.

Maintenant, il y a ce qui est discutable. Il est notamment discutable - et il doit être discuté - de savoir avec quelle rapidité, avec quel rythme, avec quel sens des priorités l'on met en oeuvre l'initiative 125. Ces détails n'ont évidemment pas fait partie de l'initiative. Aujourd'hui, il convient de les préciser. Il conviendra de les préciser encore plus lorsque - si par hypothèse cette proposition de motion était adoptée - elle...

La présidente. Monsieur le député, dans quelle commission ?

M. Pierre Weiss. Je proposerais... (Exclamations. Applaudissements.) ...tout d'abord, Madame la présidente, de développer mon argumentation, puis je conclurai. Je vous remercie de me laisser poursuivre ! Il convient ensuite de prendre en considération le fait que beaucoup est dépensé pour la construction, probablement à des coûts très élevés, que la formation est une chose importante, mais que l'engagement de nouveau personnel n'est pas la seule priorité. Raison pour laquelle, Madame la présidente, il convient d'abord de refuser cette proposition de motion, et, si par hasard, par accident ou par aventure, elle était acceptée, alors de la renvoyer à la commission des finances... (Exclamations.) Parce que c'est à la commission des finances qu'il revient de savoir si au fond, logiques avec ce que nous avons voté sur le frein aux dépenses, l'on veut soit augmenter nos impôts pour venir à l'appui des arguments développés ici, soit baisser ailleurs les prestations !

M. Gabriel Barrillier (R). J'irai beaucoup plus rapidement que mon collègue: le groupe radical... (Bruit de larsen.)

La présidente. Merci d'éteindre vos «insup»-portables !

M. Gabriel Barrillier. Oui, c'est moi qui l'ai ! J'aimerais quand même dire juste en passant que, même si elle est démocratique, la façon dont on a amené cette proposition de motion me paraît relever de la politique de la canonnière ! Vous nous avez eus à l'usure. Je le regrette, mais nous allons renvoyer cette proposition de motion à la commission des finances, qui vérifiera s'il est possible de trouver 15 millions dans le budget 2008.

M. Eric Stauffer (MCG). Je m'élève avec beaucoup d'énergie contre les propos du député Pierre Weiss, qui dit: «Si, par aventure ou par mégarde - je ne sais plus exactement - cette proposition de motion devait être acceptée...». Je vous rappelle... (L'orateur est interpellé.)

La présidente. Le renvoi en commission, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. ...que c'est déjà par volonté populaire ! En ce qui concerne le renvoi en commission, nous allons certainement, après que je vous aurai expliqué pourquoi, nous opposer au renvoi en commission. Ce que je trouve détestable dans certaines attitudes, c'est que le bon profil du libéral...

La présidente. Monsieur le député...

M. Eric Stauffer. ...est quelqu'un qui gagne...

La présidente. ...sur le renvoi en commission !

M. Eric Stauffer. ...beaucoup d'argent... (Protestations) ...qui meurt jeune et qui ne va pas en EMS, et que c'est cela que vous défendez ! (Brouhaha. L'orateur est interpellé.) Et cela, ce n'est pas tolérable ! Quand on boit l'eau du puits, il ne faut pas oublier ceux qui l'ont creusé !

Donc, nous nous opposerons au renvoi en commission. Cette proposition de motion doit aller directement au Conseil d'Etat ! C'est la volonté populaire, et vous qui prétendez qu'on prend en otage ce parlement...

La présidente. Le renvoi en commission, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. ...eh bien vous, vous prenez en otage la démocratie tout entière !

M. Christian Brunier (S). Je crois que les commissaires qui avaient suivi tout le dossier et fait un certain nombre de visites dans les EMS se sont quand même rendu compte d'une situation qui se dégrade. M. Weiss l'a dit: Genève à un bon niveau en ce qui concerne les EMS. Je crois que c'est vrai, on peut en être fiers. Mais, ces dernières années, nous avons dans les EMS des situations de plus en plus complexes. Les gens entrent de plus en plus tard - on peut s'en réjouir, mais cela veut dire qu'ils sont dans un état où ils ont besoin d'un encadrement qui demande plus de moyens. Les chiffres sont là: je vous rappelle qu'en 2004 l'Etat investissait 28 166 F par lit. En 2008, il va investir en chifffres constants 10% de moins. Alors qu'on a des situations de plus en plus complexes, de plus en plus difficiles, l'Etat investit de moins en moins dans les EMS. C'est un constat de départ et je pense qu'il doit être partagé. En tout cas, les gens qui visitaient les EMS, j'avais l'impression qu'ils étaient touchés. Monsieur Unger lui-même...

M. Pierre Kunz. Quelle commission ?

M. Christian Brunier. J'y viens, Monsieur Kunz ! On peut débattre quelques minutes, s'il vous plaît ! Il s'agit d'un débat démocratique qui concerne les personnes âgées ! Je sais que vous êtes au bord de l'article 24... (Rires.) ...mais je vous demande juste de pouvoir finir ! Il y avait un constat... (Brouhaha. Commentaires.) ...des commissaires, de dégradation des prestations...

La présidente. Je veux juste vous rappeler que, de toute façon, l'article 147 précise qu'à l'issue du débat on vote soit le renvoi en commission...

M. Christian Brunier. Exactement, mais j'y viens, si on me laisse parler !

La présidente. ...soit le renvoi au Conseil d'Etat, alors vous avez encore du temps pour vous exprimer.

M. Christian Brunier. Le peuple, qui a fait le même constat, a pris ses responsabilités. Certains disent: «Ils ont voté une initiative populiste. Le gouvernement a essayé de leur faire peur.» Il y a un chiffre qui a été cité, on a dit à la population: «Attention, malgré les moyens limités de l'Etat, si vous votez cette initiative, cela va coûter 60 millions.» Soixante millions, on a essayé de comprendre ce que cela voulait dire, on a demandé plusieurs fois à M. Unger comment il était arrivé à ce chiffre: on n'a jamais eu la formule chimique, parce que c'était une formule un peu «pifométrique», il faut bien l'avouer. (Commentaires.) Néanmoins, le peuple a voté en connaissant les coûts. Nous, nous ne savons pas si c'est 15, 40 ou 60 millions qu'il faut. Mais le gouvernement ne peut pas nous dire: «Si l'initiative passe, cela coûtera 60 millions et nous dire quelques mois plus tard qu'avec aucun moyen de plus, avec zéro centime de plus, on arrivera à concrétiser une partie de cette initiative !

Nous devons répondre à la volonté de la population. Nous sommes d'accord qu'il faut aller progressivement pour atteindre l'objectif et concilier les moyens de l'Etat avec l'envie populaire de donner des prestations de qualité aux personnes âgées. Nous pensons donc que cette proposition de motion va dans ce sens, il faut la renvoyer au gouvernement: c'est au gouvernement d'assumer la responsabilité d'un choix populaire clair ! Soixante pour cent des électrices et des électeurs genevois... (L'orateur est interpellé.) Monsieur Weiss, je viens de dire: au gouvernement. C'est au gouvernement d'assumer le choix populaire, la population a fait un choix en toute connaissance de cause et on demande juste que la démocratie soit respectée. (Applaudissements.)

La présidente. La parole est à monsieur le député Eric Stauffer, à qui il reste deux minutes cinquante-cinq.

M. Eric Stauffer (MCG). Vous m'avez interrompu pour que je parle du renvoi en commission, mais comme vous avez corrigé ensuite par rapport au règlement du Grand Conseil, je reprends la parole... Plus sérieusement, qu'est-il important de noter ? Il est important de noter - et M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger ne pourra que le confirmer, puisque nous en avions débattu en commission de la santé - qu'un peu plus de 300 aides-infirmières qui travaillaient dans des EMS sont actuellement au chômage. Tout cela par le jeu des certificats et des qualifications. On n'entrera pas dans les détails... Alors, cette proposition de motion, elle est aussi très positive, parce qu'on pourrait sortir ces gens du chômage, ce qui ferait réaliser par ailleurs des économies et, comme vous le savez, derrière chaque emploi, il y a une famille, c'est pourquoi c'est une action positive. Pour en revenir au fond, je ne comprends toujours pas comment, dans ce parlement, on peut tergiverser et parlementer alors qu'il y a eu un vote populaire, comme l'a dit M. le député Brunier, à plus de 60%... (Protestations.) Le fait de discuter, c'est remettre en cause la démocratie. Si on le fait, cela veut dire que nous ne sommes plus une démocratie, mais une dictature, et quand le peuple s'exprime, on trouve des artifices pour ne pas...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. ...respecter sa volonté. Pour toutes ces bonnes raisons, je vous répète que nous nous opposerons au renvoi en commission. Cette proposition de motion doit arriver au Conseil d'Etat qui saura, nous en sommes sûrs, gérer ces intérêts et cette volonté populaire au mieux.

La présidente. La parole est à M. le député Gilbert Catelain, à qui il reste une minute trente.

M. Gilbert Catelain (UDC). Essentiellement sur le renvoi en commission. A quelle commission va-t-on renvoyer cette proposition de motion ? La volonté populaire, on en a parlé, il faut la respecter. Plusieurs pistes ont été évoquées lors de ce débat. M. Stauffer mentionne la possibilité pour des chômeurs de retrouver un emploi, ce qui est une idée louable. Je ne suis pas sûr que les établissements soient forcément d'accord avec cette idée, mais je la soutiens. Si nous pouvons permettre à ces chômeurs de réintégrer le marché du travail, c'est un plus. On verra à l'arrivée combien de chômeurs ont réintégré le marché, parce qu'on ne peut pas s'opposer à la liberté de choisir son personnel et je ne suis pas du tout certain que les établissements vont choisir en priorité parmi les chômeurs, mais c'est une piste à explorer. L'autre piste consiste à voir où nous pouvons faire des rocades et des transferts de charges. Je rappelle que le Conseil d'Etat a sans problème trouvé plus de 60 millions de francs pour réévaluer les instituteurs et payer l'augmentation de gains assurés pour la caisse de retraite. On pourrait très bien imaginer de bloquer toutes les réévaluations de fonctions; cela permettrait de mettre l'initiative en oeuvre dès demain sans aucun problème.

Une autre solution serait de supprimer l'indemnité pour la caisse maladie que reçoit chaque fonctionnaire de l'Etat à raison de 987 F par année...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député...

M. Gilbert Catelain. ...cela fait 30 millions de francs, et ces 30 millions de francs permettraient également de mettre cette initiative en oeuvre. Donc, il y a des solutions, sans augmentation d'impôts, sans augmentation budgétaire, et c'est à la commission des finances qu'il appartient de faire un choix !

La présidente. La parole est à Mme la députée Janine Hagmann, à qui il reste une minute cinquante-cinq.

Mme Janine Hagmann (L). Plusieurs personnes dans cette enceinte profitent du débat sur le renvoi en commission pour se faire une tribune et parler de tout autre chose. Je crois que nous sommes plusieurs à connaître assez bien le fonctionnement des EMS, soit parce qu'on y va souvent pour des visites, soit parce qu'on fait partie de conseils qui s'occupent d'EMS. Il y a une chose qui m'a frappée: avez-vous déjà entendu une fois un résident d'un EMS se plaindre ? Eh bien, moi qui y vais souvent faire des visites: jamais ! Jamais ! Je pense que c'est aussi une chose qu'il faut entendre. Et quand certaines personnes disent que les gens sont laissés dans des chambres jusqu'à leur mort... mais quelle horreur ! Si vous saviez ce qu'on propose aux gens dans les EMS: deux à trois fois par semaine des sorties; la préparation d'activités; il y a des bénévoles qui vont dans les EMS pour permettre aux gens qui y vivent d'avoir de l'occupation... Alors, je trouve que le débat n'a pas été très correct.

Tout cela pour dire qu'on acceptera vraisemblablement, comme l'a dit mon collègue Weiss, un renvoi en commission, parce que ce sera bien de prouver tout ce qui se fait dans les EMS actuellement.

M. Pierre Kunz (R). Je voudrais simplement répondre à notre très honorable collègue Brunier pour lui dire qu'effectivement il y a article 24 en ce qui me concerne, mais pas pour les raisons qu'il croit. Il se trouve que, contrairement à lui, j'ai eu des parents très âgés, qui ont été en EMS. Je peux donc parler de ces questions en étant plus à l'aise que vous et sur la base d'une plus vaste expérience. Je voulais juste vous préciser cela, Monsieur Brunier.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. D'abord réaffirmer un certain nombre de choses qu'on a l'air de reprocher au Conseil d'Etat. Premièrement, on a l'air de reprocher au Conseil d'Etat d'avoir évalué les coûts d'une initiative sur la base de son exposé des motifs et ce n'est pas un des initiants dans cette salle qui nous démentira. C'est cet exposé des motifs qui faisait foi pour les initiants s'agissant du calcul à faire. Eh bien, nous l'avons fait, c'est en réalité un peu plus de 60 millions. Les chiffres ont été présentés, ils ont été détaillés. On peut donner pratiquement poste par poste, puisque c'est ce qu'il y a dans l'exposé des motifs, les dépenses à engager suite au vote de l'initiative. Oui, c'est bien 60 millions qu'il convient de dégager si l'on veut appliquer à la lettre l'initiative et son exposé des motifs. Le fait qu'on ait dit quelque chose de vrai a été tellement de fois contesté qu'il vaut peut-être la peine de le répéter en public pour que tout le monde entende la même chose. D'autant plus que ceux qui ont dit que ce n'était pas vrai ont vu les chiffres et la manière dont ils étaient calculés.

Deuxièmement, j'ai rencontré les initiants, au nom du Conseil d'Etat, peu après le vote de l'initiative; ce vote ne fait pas un pli: 60/40, ce n'est pas un vote marginal, ce n'est pas un vote interprétable, c'est un vote impératif ! Là-dessus, le Conseil d'Etat n'a jamais imaginé qu'il pouvait se passer de cette indication populaire forte qui était d'appliquer l'initiative. On a commencé un certain nombre de discussions avec les initiants pour savoir quel était le rythme et quelles étaient les priorités. Parce qu'entre plus de cuisiniers à tel endroit, plus d'aides-soignants à tel autre, ou un animateur de plus dans tel EMS de vingt lits, il y a des priorités à établir. Nous avons par ailleurs rappelé aux initiants, ainsi qu'à l'organe de gouvernance du secteur des EMS, la FEGEMS, le travail qui leur est demandé, à eux comme au reste de l'Etat, comme à tous les établissements publics. Il s'agit d'un travail d'accroissement de l'efficience. Nous leur avons rappelé qu'ils étaient le seul secteur à ne s'être pas encore mis au travail et qu'il y avait donc là une certaine marge et un certain nombre de millions à trouver et à redistribuer.

Après, nous n'avons rien fait... Nous n'avons rien fait, bien sûr... Nous n'avons rien fait, collégialement d'ailleurs, à sept, pour initier un programme de formation pour d'abord sécuriser une population de soignants qui est très en danger à l'heure actuelle... Il s'agit des aides-soignants dans les établissements médico-sociaux, dont près de la moitié ne dispose pas d'une formation certifiée. Et vous savez à quel point c'est une menace de ne pas disposer d'une formation certifiante, dans ce domaine en particulier. Nous avons donc alloué au secteur de formation de la FEGEMS des moyens supplémentaires pour former des aides-soignants - déjà en fonction, il est vrai. Deuxièmement, en cas d'acceptation de la loi sur le chômage, grâce aux échanges que mon collègue Longchamp a pu avoir avec le directeur des soins infirmiers des Hôpitaux universitaires de Genève, nous avons sauvegardé une filière de formation qui devait disparaître: la formation en emploi, d'un certain nombre d'aides-soignants aussi, qui sont à l'heure actuelle au chômage et qui pourraient être formés sur les fonds qui sont préservés s'agissant de chômage. En effet, pas un franc n'a disparu de la ligne sur le chômage, quel que soit le résultat de la votation. Il y a donc là un certain nombre de francs qui sont très clairement disponibles pour cette deuxième population. Cela avait aussi été un voeu de ce parlement et nous en avons tenu compte.

Troisièmement, le Conseil d'Etat a pris l'initiative de déposer un projet de loi qui incite, à vrai dire assez vigoureusement, à former des professionnels dans les nouvelles professions telles qu'elles ont été décrites par la Confédération s'agissant des soins ou du secteur socio-éducatif. Alors, tout cela n'est pas rien ! Bien sûr, ce ne sont pas des nouveaux postes. Ce sont des gens dont on sécurise le poste et pour lesquels on prévoit la possibilité d'un poste pour qu'ils aient une formation.

Deuxième élément: le Conseil d'Etat s'est posé la question de savoir si les moyens supplémentaires qui étaient prévus pour l'année 2008 devaient l'être dans le cadre des EMS existants. Cela aurait satisfait une partie des initiants mais nous obligeait à arrêter les chantiers de construction des nouveaux EMS. Parce qu'on n'a simplement qu'une bourse pour payer les choses, pas deux. Alors, on aurait pu, bien sûr, interrompre le programme de construction des EMS et satisfaire à hauteur d'un peu plus de 3 millions la mise en oeuvre de cette initiative. Cela n'a pas été notre choix, parce qu'il y a encore un certain nombre de patients qui sont en attente d'un lit d'EMS, même si l'ouverture des 200 lits auxquels il a été consenti entre les mois d'avril et de juin a d'ores et déjà permis à un certain nombre de personnes de trouver leur nouveau domicile dans un EMS. C'est donc un arbitrage qui a été fait. Il est constestable, comme tous les arbitrages que fait le Conseil d'Etat, mais c'est celui qui a été fait.

Troisième élément: l'arbitrage, évidemment, ne se situe pas dans un budget de l'Etat qu'à un niveau secteur d'EMS. Comme cela a été évoqué par l'un ou l'autre des députés qui se sont exprimés, nous avons regardé si on pouvait envisager un certain nombre de rocades soit dans des projets existants, soit dans des nouveaux projets. Dans les nouveaux projets, on a compris que votre parlement tenait - et le Conseil d'Etat avec vous - beaucoup à l'ouverture d'une nouvelle prison de manière à régler non pas définitivement, mais... (L'orateur est interpellé.) ...au moins une petite partie des projets concernant la construction d'une prison. Et on n'a pas imaginé, Monsieur Charbonnier, prévoir une prison qui soit dépourvue de gardiens. De même, pour la création des nouvelles classes, on n'a pas envisagé de prévoir des classes où il y aurait des élèves mais pas de maître. C'est donc dans des arbitrages de cette nature-là que la solution qui vous est proposée a été choisie.

Oui, cette proposition de motion mérite d'être examinée. Elle mérite d'être examinée en commission, elle mérite que nous puissions discuter ensemble des interchanges que vous imaginez pouvoir faire, mais il y a fort à parier qu'au total nous allons nous trouver dans une situation qui risque de bloquer le processus budgétaire au point, comme le député Weiss l'a dit, d'en arriver à la solution: «Moins de prestations ou plus d'impôts, au peuple de choisir !» C'est au fond le mécanisme qui a été choisi pour le frein à l'endettement. C'est peut-être la solution à laquelle nous devrons arriver. Nous espérions pouvoir, à vrai dire, nous passer de cet exercice, puisque l'engagement que le Conseil d'Etat a pris au discours de St-Pierre était de ne pas accroître les impôts et de ne pas diminuer les prestations. Ce qu'il a fait. S'il est contraint à faire autrement, eh bien, il fera autrement !

J'aimerais conclure, pour toutes celles et ceux qui pourraient être à la fois députés, initiants et membres de conseils d'EMS, sur l'importance d'améliorer la gestion de ce secteur qui, encore une fois, est le seul qui a eu de la peine à se mettre dans le bain des gains d'efficience. Il a des tas d'excuses: il y a sept ou huit formes juridiques différentes; tous les EMS ont des tailles différentes; les conseils qui les composent sont de compositions extraordinairement différentes. On voit bien que dans cette diversité, qui sous certains aspects est une richesse, les mesures concertées de gain d'efficience sont indiscutablement plus difficiles qu'ailleurs. Mais rien n'a été évoqué sur la possibilité de regrouper des directions d'EMS de petite ou de moyenne taille; rien n'a été évoqué sur la possibilité d'avoir des pools de personnel soignant qui puisse donner des coups de main là où il y a des besoins supplémentaires; rien n'a été évoqué sur la possibilité de faire des achats groupés, qu'il s'agisse de logistique standard ou de pharmacie; rien n'a été évoqué sur la faculté de ce secteur de négocier avec les assureurs-maladie. A Genève, la subvention, c'est vrai, a diminué de 8 millions au total ces dernières années. Le chiffre qu'a donné M. Brunier est parfaitement exact: sur un total de dépenses de 500 millions dans le secteur des EMS, elle a diminué effectivement de 8 millions sur 500. Ce n'est pas tout à fait 10%, contrairement à ce qui a été dit - même de tête, je peux y parvenir - mais elle a diminué, et cela, c'est vrai. Mais, diable, c'est tout de même des EMS qui sont 30% plus chers que le deuxième canton qui nous suit en Suisse ! C'est le secteur le plus subventionné par rapport à ce qui se passe dans les autres cantons suisses; c'est le secteur qui, par ailleurs, consent, grâce aux services de M. Longchamp, des prestations complémentaires déplafonnées, ce que n'offre pratiquement aucun autre canton suisse.

Alors, face à l'ensemble de ces éléments, la discussion a eu lieu au niveau du Conseil d'Etat, la décision a été unie et unanime: faisons ce que nous pouvons et accroissons nos efforts au fur et à mesure du redressement des finances publiques auquel notre Conseil s'est engagé. (Applaudissements.)

La présidente. Je vais mettre aux voix la première proposition qui a été faite, à savoir le renvoi en commission des finances. Le vote est lancé.

Une voix. Vote nominal ! (Brouhaha.)

La présidente. C'est un peu tard, je crois !

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1786 à la commission des finances est rejeté par 48 non contre 34 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1786 à la commission des affaires sociales est adopté par 72 oui contre 3 non et 9 abstentions.