République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1757
Proposition de motion de Mmes et MM. François Gillet, Anne-Marie von Arx-Vernon, Pascal Pétroz, Guy Mettan, Guillaume Barazzone, Mario Cavaleri, Michel Forni, Béatrice Hirsch-Aellen : Des gratte-ciel à La Praille: pour une Genève qui ose construire

Débat

La présidente. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que cet objet est en catégorie II et que trois minutes par groupe sont imparties.

M. Guy Mettan (PDC). Je vous invite à faire bon accueil à cette motion... Comme vous le savez, le débat concernant la construction en hauteur a pris une certaine élévation depuis quelques années, à l'initiative du parti démocrate-chrétien, puisque nous avions lancé cette idée en 2003.

En collaboration avec la Ville de Genève, nous avions en effet organisé un débat à la maison de quartier de la Jonction, pour présenter le premier projet de gratte-ciel à Genève, qui devait être construit - suggérions-nous, à cette époque - sur l'actuel dépôt des trams, au bout du quartier de la Jonction. Le fait que nous manquions de terrains et le rejet malheureux de l'initiative «Quinze mille logements pour sortir Genève de la crise» par le Tribunal fédéral a encore accentué la pression sur les terrains. La cruelle pénurie de terrains à Genève implique que nous devons construire en hauteur.

Entre-temps, cette idée de construire en hauteur - je le répète - s'est imposée dans les milieux politiques. Le Conseil d'Etat - en l'occurrence M. Mark Muller - ainsi que d'autres organismes, tels qu'Avenir Suisse, se sont emparés de cette idée, et ont proposé de construire des gratte-ciel dans le quartier de La Praille, soit dans le même périmètre que nous en 2003.

Nous avions aussi déposé une motion, à l'initiative de mon collègue Pierre-Louis Portier, pour densifier les constructions dans la zone des Acacias et favoriser la mixité: bureaux et logements dans le quartier des Acacias. C'est exactement ce qui est en train de se produire !

C'est pourquoi nous vous invitons à suivre les idées pionnières émises par notre parti en 2003 en renvoyant cette motion à la commission de l'aménagement.

M. Eric Leyvraz (UDC). Le projet Praille-Acacias a été présenté à la commission de l'aménagement le mercredi 6 juin 2007, par le chef de projet du département du territoire. Il prévoit de densifier le périmètre et de le valoriser, de prendre en compte l'accessibilité, de favoriser l'emploi et de développer l'habitat urbain. Il prévoit également de larges espaces verts, en tenant compte des objectifs environnementaux. Vingt mille emplois et six mille logements viendront s'ajouter aux vingt mille emplois et trois mille logements existants.

On voit donc que les objets de cette proposition de motion sont largement pris en compte par le projet remarquable Praille-Acacias. Elle enfonce un peu des portes ouvertes. C'est un peu un copier/coller Praille-Acacias...

Le groupe UDC ne voit donc pas l'utilité de renvoyer cette motion à la commission de l'aménagement, puisque, de toute façon, tous ces points seront largement discutés.

M. Christophe Aumeunier (L). Si l'on conçoit qu'une motion est un instrument destiné à donner une impulsion, il faut alors reconnaître que cette motion a peu d'intérêt. En effet, le masterplan de La Praille-Acacias prévoit des tours et des immeubles de haute taille.

Cette motion est totalement sauvée par l'actualité, parce que, en définitive, le Tribunal fédéral a invalidé l'initiative «Quinze mille logements pour sortir Genève de la crise». Il l'a invalidée en faisant une pesée des intérêts et en nous indiquant, entre les lignes, que nous devons densifier.

Dès lors, si nous élargissons le débat de la motion en disant qu'il faut traiter de l'implantation d'immeubles de haute taille et de tours, à des endroits choisis, sur l'ensemble du territoire genevois, elle présente un intérêt. C'est la raison pour laquelle les libéraux soutiendront son renvoi en commission de l'aménagement.

M. Alain Etienne (S). Cette motion, en fait, sème un peu plus le trouble en ce qui concerne la manière d'aborder l'aménagement du territoire à Genève... On ne peut pas faire croire à la population que construire à la Praille va immédiatement résoudre la crise du logement !

Il faut toujours, en matière d'aménagement du territoire, se référer au plan directeur cantonal et aux principes qu'il contient. A savoir utiliser au maximum les potentiels à bâtir dans les zones de développement, densifier la zone villas et déclasser exceptionnellement la zone agricole. Il n'est pas possible d'envisager la densification du milieu bâti sans agir simultanément sur toutes les zones ! Nous avons la responsabilité de développer un aménagement cohérent sur l'ensemble du territoire. Alors, oui, il ne faut pas gaspiller le territoire; il ne faut pas gaspiller le sol - nous sommes d'accord avec ce principe ! Mais je tiens à rappeler que la loi permet déjà de construire avec un indice de 1,2.

Vous avouez vous-mêmes qu'il ne faut pas dépasser le seuil critique de densité de la population... Alors, pourquoi construire plus dense à la Praille et pas ailleurs sur le territoire ? (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Construire la ville en ville - c'est le slogan que vous utilisez - en densifiant les zones constructibles. Soit, mais il faut faire attention: il ne s'agit pas de densifier seulement la ville et pas ailleurs. Quelle a été la position du parti démocrate-chrétien au sein du conseil municipal des communes, par exemple, à Lancy, aux Semailles; à Meyrin, aux Vergers et à la Tulette à Cologny ? Alors, certes, il faut construire, mais il faut le faire de manière équitable et partout !

Le parti socialiste ne s'opposera pas au renvoi de cette motion à la commission de l'aménagement, mais il restera très critique.

M. Michel Ducret (R). Conçue il y a près de septante ans, la zone industrielle de La Praille était à la frontière de l'agglomération. De zone d'activités génératrices de nuisances, elle a évolué et accueilli peu à peu d'autres types d'activités beaucoup plus à même de voisiner avec des bureaux et même des logements. Aujourd'hui, elle est sise en pleine ville. Son potentiel est important. Elle offre même la possibilité de faire, au Pont-Rouge, par exemple, la nouvelle gare de Genève ! Des réflexions doivent être engagées à ce sujet. Elles le sont déjà sur le devenir de ce secteur qui est sous-employé, sous-utilisé.

Le Conseil d'Etat nous propose donc d'ores et déjà une vision d'avenir au travers du masterplan Praille-Acacias avec une très grande mixité. Mais pas avec des gratte-ciel ! Le PDC, qui veut toujours aller plus haut, plafonne, car les gratte-ciel actuels sont six fois plus hauts que ce qu'évoque le PDC dans sa proposition de motion. Il reste donc un peu bas de plafond ! Toujours est-il que les propositions qui nous sont faites parlent d'immeubles-tours qui utilisent mieux le territoire et qui sont opportuns, notamment pour des activités de bureaux, mais nettement moins pour les logements familiaux !

Quoi qu'il en soit, l'intérêt très relatif de cette motion qui vient un peu tardivement reste suffisant pour que le groupe radical accepte son renvoi à la commission de l'aménagement, où elle rejoindra le masterplan présenté par le Conseil d'Etat dans le traitement des réflexions sur ce secteur. Dans ce sens, nous acceptons cette motion.

Mme Michèle Künzler (Ve). Franchement, vous manquez de courage ! (Exclamations.) Dites que cette motion ne sert strictement à rien ! (Exclamations, rires et applaudissements.)

Vous le savez parfaitement, les Verts se sont beaucoup préoccupés, pendant des années, du coefficient d'utilisation du sol. Eh bien, nous, nous avons évolué ! Il faut considérer le périmètre dans sa globalité et, finalement, les critères pris en compte sont différents d'une situation à l'autre.

Au Lignon, il y a des tours de trente étages, mais le coefficient d'utilisation du sol est de 1. Aux Pâquis, les immeubles sont petits, mais le coefficient d'utilisation du sol doit être proche de 4, voire de 6.

Je le répète, cette motion ne sert à rien: elle est parfaitement inutile ! Ayons le courage de la refuser tout de suite au lieu de la renvoyer en commission où il faudra faire un rapport ! Le masterplan est à l'étude. Alors, votez non, car cette motion ne mérite pas mieux ! (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG est évidemment très favorable à tout projet de construction de logements à Genève. C'est normal ! Vous le savez, puisque nous nous en sommes déjà ouverts. Il n'y a rien de confidentiel.

Néanmoins, j'aimerais revenir sur les propos de M. le député Etienne... Il dit qu'il ne faut pas trop densifier les mêmes zones. Ce sont ses propos de tout à l'heure...

Je l'ai dit pas plus tard qu'hier: chaque fois que la droite propose un projet de construction, vous vous y opposez, et chaque fois que la gauche propose de construire des logements sociaux, la droite s'y oppose ! Finalement, tout le monde est content dans cette situation, la gauche avec l'Asloca, et la droite avec les propriétaires qui encaissent des loyers très chers !

Bref, tout cela pour en arriver à la conclusion que nos amis du PDC ont effectivement déposé une motion qui pourrait être assimilée à un moulin à vent, c'est-à-dire qu'elle ne sert strictement à rien ! Bien sûr, il faut construire des logements, mais, je le répète - Mme Künzler l'a dit aussi - cette motion ne sert à rien ! Cessons donc d'en parler !

Monsieur le conseiller d'Etat, passez aux actes: c'est ce que la population genevoise attend.

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Je trouve un peu injuste de dire que cette motion est parfaitement inutile... Au contraire ! Voyez plutôt: elle a été déposée en avril 2007 et, en mai 2007, le Conseil d'Etat vous proposait neuf tours de 165 mètres de haut à La Praille. C'est dire à quel point cette motion a été efficace !

C'est pour cette raison que je suggérerai, dans un souci de rapidité - parce qu'il faut non seulement construire haut, mais il faut aussi aller vite en besogne - de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat...

Des voix. Bravo !

M. Mark Muller. ...sans passer par la commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1757 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 70 non contre 3 oui.

Mise aux voix, la motion 1757 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 37 oui contre 28 non et 7 abstentions.

Motion 1757