République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 août 2007 à 8h05
56e législature - 2e année - 10e session - 52e séance
M 1762
Débat
La présidente. Cet objet est également traité en catégorie II.
Mme Esther Alder (Ve). Pour l'historique, j'aimerais vous rappeler que cette proposition de motion, qui concerne la trêve hivernale en matière d'expulsion, avait déjà été déposée en 2002 sur l'initiative des Verts. Malheureusement, elle avait été refusée à l'époque, pour préserver, disons-le, les intérêts des propriétaires.
Aujourd'hui, nous revenons à la charge et souhaitons vraiment que ce parlement entre en matière et s'aligne sur une politique européenne qui interdit les expulsions du domicile pendant les mois d'hiver. (Brouhaha.) Le problème du logement est complexe et cette proposition de motion n'entend pas le résoudre. Nous souhaitons simplement humaniser le processus en instaurant un moratoire des expulsions qui s'étendrait du 1er novembre au 31 mars. (Brouhaha.) D'autant plus qu'avec la crise du logement que nous connaissons actuellement à Genève, il est très difficile de trouver une habitation dont à loyer abordable.
En outre, cette proposition de motion ne concernerait que des personnes de bonne foi, qui, pour des raisons financières, se voient réellement dans l'impossibilité de s'acquitter de leur loyer. On éviterait de cette manière que des familles dont les conditions sont déjà précaires se retrouvent dans une situation inextricable au moment le plus froid de l'année. Ce que nous voulons, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que, dès cet hiver, plus personne ne se trouve à la porte de son logement. Je vous rappelle qu'une quarantaine d'expulsions avait été prononcée l'hiver passé... Une mère et son enfant, on s'en souvient, s'étaient retrouvés à la rue et avaient fait la une de la presse. Ces situations sont intolérables quelles que soient les saisons, mais en hiver ces pratiques le sont encore plus ! Faisons preuve d'un peu d'humanité, et je vous propose de renvoyer pour examen cette proposition de motion à la commission du logement. Merci.
M. Alberto Velasco (S). Cette proposition de motion est très importante. D'ailleurs, dans de nombreux pays, tels que la France ou d'autres, ce genre de mesure s'applique. Effectivement, on ne déloge pas les personnes en hiver. C'est un droit, c'est une question de dignité de la personne.
Je profite de cette proposition de motion - et à ce propos tout ce que Mme Alder a indiqué est vrai - pour dire qu'aujourd'hui il y a de plus en plus d'évacuations dans notre République, qui sont faites parce que des gens n'arrivent plus à s'acquitter de leur loyer dans les temps impartis. On voit même des cas où les assistants sociaux arrivent à payer ces loyers en retard mais où les régies refusent de revenir sur les congés qui ont été prononcés.
Pourquoi ? Parce qu'on assiste aujourd'hui - même si ce n'est pas le cas dans toutes les régies - à une augmentation démesurée et regrettable du prix des loyers. Je m'explique. Ces personnes qui ne peuvent plus payer leurs factures ont en général un loyer assez bas et, au moment où l'expulsion se fait et où l'on reloge d'autres locataires, celui-ci augmente, même parfois de manière inconsidérée.
C'est vrai que le droit de bail permet à tout nouveau locataire, trente jours après la signature de ce document, de dénoncer toute augmentation. Mais, vous savez, avec le taux de vacance que subit ce canton actuellement, il y a extrêmement peu de locataires d'abord qui connaissent leurs droits et, ensuite, qui osent l'appliquer, de peur de se voir expulser de leur logement ! Et ça, c'est une vérité dont on a aujourd'hui conscience dans ce canton. C'est dire si cette proposition de motion est d'actualité et mérite qu'on s'en occupe.
On ne peut pas mettre à la porte, surtout en hiver, des personnes qui n'arrivent plus à payer leur loyer ! Non pas parce qu'elles ne le veulent pas, mais parce qu'elles ne le peuvent pas ! Et parce que leurs conditions sociales les mettent dans une telle situation qu'elles sont privées du droit de se loger, qui est aussi élémentaire que celui de se nourrir. Je pense que notre République doit garantir à tout citoyen et citoyenne de ce canton le droit de se soigner, de se nourrir et de se loger.
En vertu de ces principes, qui me semblent fondamentaux pour la dignité humaine, on se devra d'accepter cette proposition de motion une fois qu'elle aura été traitée par la commission du logement, et j'espère donc que l'ensemble de ce parlement votera son renvoi à cette commission. Merci.
M. Olivier Wasmer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, l'UDC stigmatise les arguments d'une certaine gauche qui visent par tous les moyens à contredire une réalité non seulement de fait, mais de droit. En effet, le droit de bail, en matière d'évacuation, est réglé par l'article 257d du code civil, c'est donc le législateur fédéral qui a décidé d'une procédure particulière en matière d'évacuation pour non-paiement de loyer, et à aucun moment et en aucun cas le législateur cantonal ne pourrait s'immiscer dans le droit fédéral.
Il faut savoir que, contrairement à ce que mes préopinants ont dit, je n'ai jamais vu personne sur la plaine de Plainpalais ou dans les rues suite à un jugement d'évacuation devenu définitif et exécutoire. (Brouhaha.) Je n'ai jamais vu personne ! Et je dois quand même souligner que je pratique le droit de bail depuis près d'une vingtaine d'années ! Le cas échéant, M. le conseiller d'Etat Moutinot peut aussi le confirmer.
Il s'agit en réalité d'un nouveau coup d'épée dans l'eau, puisque le Procureur général peut lui-même, pour des raisons humanitaires - et il le fait toujours - suspendre les évacuations entre le 15 octobre et le 15 avril. Donc, c'est non seulement une violation du droit fédéral, mais qui plus est la loi permet déjà de suspendre ces évacuations.
En outre, il faut savoir qu'à Genève les expulsions pour non-paiement de loyer se font généralement dans un délai d'un an et demi voire plus, car, encore une fois, certains magistrats du pouvoir judiciaire prennent sur eux de prolonger les audiences, de les renvoyer ou de mettre du temps à rendre des jugements, sachant qu'un locataire démuni et sans moyens devra être évacué.
A titre d'exemple, dans les cantons de Vaud ou de Valais, les évacuations de locataires qui ne paient pas leur loyer se font dans un délai de six mois. On constate donc que le locataire genevois, quand bien même il y a une crise du logement, bénéficie au minimum d'une année de plus pour trouver un autre toit.
Il faut savoir aussi que le Procureur général, assisté de l'Hospice général et des services d'évacuation, possède de nombreux appartements pour les locataires qui n'ont pas les moyens de trouver un nouveau logement; ils les placent donc dans des domiciles, que je ne dirai même pas de fortune parce qu'il s'agit très souvent d'appartements de trois ou quatre pièces.
Les arguments des signataires doivent donc être rejetés et, pour tous ces motifs, l'UDC ne soutiendra pas cette proposition de motion. Je vous remercie.
M. Hugues Hiltpold (R). Il faut préciser que les auteurs de cette proposition de motion sont pétris de bonnes intentions. D'ailleurs, tout le monde dans cette enceinte s'accorde à dire qu'il ne faut pas procéder à des évacuations l'hiver pour des motifs humanitaires.
Cela étant, il faut quand même rappeler que la pratique actuelle prévoit qu'il n'y ait aucune évacuation pendant la période hivernale. Aucune personne ne se retrouve donc aujourd'hui dans la rue, sans logement, en plein hiver.
C'est la raison pour laquelle le groupe radical refusera le renvoi de ce texte en commission du logement, parce qu'il n'a aucune raison d'y être traité de par sa portée même, et notre groupe refusera également de voter cette proposition de motion. Elle est inutile, d'abord parce que la pratique actuelle ne prévoit pas, je le rappelle, d'évacuation en période hivernale; elle est inutile aussi parce que, comme l'a indiqué M. Wasmer, on met en place des cautèles qui prévoient dans la législation actuelle que, pour de justes motifs humanitaires, on ne procède pas à des évacuations en hiver. Et enfin, elle est inutile parce qu'elle est contraire au droit fédéral.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à refuser cette proposition de motion. Merci.
Une voix. Très bien !
M. Pascal Pétroz (PDC). Si nous vivions dans un Etat où il était possible d'arriver du jour au lendemain avec un serrurier ainsi que la force publique et de mettre dehors, le 24 décembre, des familles, eh bien, il faudrait certainement soutenir cette proposition de motion. Cependant, force est de constater - et heureusement ! - que tel n'est pas le cas.
Je crois que, concernant cette problématique, il faut se garder de faire du sensationnalisme, mais examiner les faits tels qu'ils sont ainsi que le déroulement d'une procédure d'évacuation.
Pour mettre dehors quelqu'un qui ne paie pas son loyer, il faut tout d'abord une décision judiciaire; c'est un juge qui décide si l'évacuation est justifiée ou non. Cette procédure judiciaire subit un certain nombre d'étapes, et la première étape possible, pour quelqu'un qui n'a pas les moyens de payer son loyer est le renvoi dans ce qu'on appelle la section des affaires sociales de la commission de conciliation en matière de baux et loyers.
Ainsi, lorsqu'une personne n'a pas les moyens de s'acquitter de son loyer, la commission de conciliation en matière de baux et loyers statue dans une composition spécifique, avec des assistants sociaux et des représentants de l'Hospice général, pour essayer de trouver une solution. Cette étape permet de régler de manière adéquate une grande partie des dossiers.
Si tel n'est pas le cas, la procédure continue et se termine par un jugement qui peut faire l'objet d'un appel à la Cour de justice, et ensuite d'un recours au Tribunal fédéral. Une fois que le jugement est définitif et exécutoire, il faut qu'un huissier aille faire une sommation au locataire pour ensuite saisir le Procureur général en vue de l'exécution du jugement.
Cette procédure, Mesdames et Messieurs les députés, dure entre un et deux ans. Lorsque le locataire concerné passe devant le Procureur général, M. Wasmer l'a rappelé, des représentants de l'Hospice général sont présents. En effet, le but de la politique menée à Genève en matière de logement n'est pas de mettre à tout prix les locataires dehors, contrairement à ce que certains soutiennent, mais la politique menée tant par le pouvoir politique que les magistrats de l'ordre judiciaire vise à ce que le problème se règle et que la personne puisse rester, malgré le fait qu'à un moment donné de sa vie, parce qu'elle a eu des difficultés, elle n'a pas pu payer.
C'est ainsi que ça marche et ce n'est que dans un certain nombre de cas exceptionnels que la force publique exécute les jugements d'évacuation. D'ailleurs, si vous mettez en relation les chiffres des évacuations des dernières années, que vous citez dans votre proposition de motion, avec le nombre de procédures d'évacuation diligentées qui sont en tout cas d'une dizaine de milliers, vous voyez bien que le système fonctionne pour l'essentiel et qu'il règle avec humanité la plupart des cas.
Maintenant, il peut effectivement arriver que la procédure doive aller jusqu'au bout, et c'est la raison pour laquelle la loi permet au Procureur général, pour des motifs humanitaires, de surseoir à une évacuation. Et si la loi permet au Procureur général de tenir compte des invites de votre proposition de motion, celle-ci est par conséquent inutile et il se justifie de la refuser. Je vous remercie.
M. Christian Luscher (L). Cette proposition de motion est véritablement de la poudre aux yeux et elle contient des mensonges inexplicables, qui relèvent au mieux d'une méconnaissance totale du dossier et, dans le moins bon des cas, d'une certaine dose de mauvaise foi. En effet, cette proposition de motion part du principe, non étayé, qu'à Genève on évacuerait des locataires sans tenir compte de la détresse sociale dans laquelle se débattent nombre d'entre eux. C'est évidemment un mensonge absolu... (Protestations.) ... et les praticiens qui sont dans ce parlement - et dont vous ne faites pas partie, Monsieur Velasco - pourront vous le confirmer, ainsi que M. Moutinot.
Monsieur Velasco, vous avez tout comme moi siégé longtemps à la commission législative. Nous avons traité ce genre de problèmes à plusieurs reprises, nous avons entendu le Procureur général, l'Hospice général et tous les services sociaux concernés, qui sont venus nous dire et nous assurer qu'il n'y avait pas à Genève une seule personne qui ait été évacuée sans qu'un toit lui ait été proposé ! Et cela, c'est valable aussi pour la période non hivernale. Nous savons tous que, durant la saison d'hiver, le Procureur général, accompagné des services sociaux et de l'Hospice général, n'évacue pas. Alors ne faites pas croire par votre proposition de motion que les choses se passent différemment ! Je comprends que, d'un point de vue politique, vous préféreriez d'une certaine façon qu'il en aille autrement pour pouvoir ensuite vous en prévaloir, mais ce n'est pas le cas ! La politique actuelle et la législation en vigueur permettent d'assurer que toute personne évacuée soit relogée dans des conditions d'urgence et de dignité.
Par ailleurs, j'attire votre attention sur un point beaucoup plus sérieux. Du moment que demandez au Conseil d'Etat de prendre des mesures, notamment législatives, pour empêcher le genre de pratiques que vous dénoncez et qui n'existe pas, vous êtes en réalité en train de vous tirer une balle dans le pied ! Parce que si ce procédé devait être aujourd'hui transformé en loi, eh bien, il serait cassé par le Procureur général, car il est contraire au droit fédéral. Par conséquent, si nous édictons un jour une loi stipulant qu'on ne peut pas évacuer pendant l'hiver, celle-ci sera cassée par le Tribunal fédéral ! Alors, si c'est cela que vous voulez, continuez sur cette voie ! Mais vous êtes en train de porter préjudice aux gens que vous prétendez défendre.
On a une pratique qui fonctionne très bien, car elle permet d'assurer que toute personne à Genève ait un toit, et votre proposition de motion est donc dangereuse, parce qu'elle risque précisément d'arriver à l'effet contraire !
Je demande donc un refus sec de cette proposition de motion qui n'a absolument aucune raison d'être. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve). J'aimerais m'inscrire en faux contre ce qui vient d'être dit. Bien sûr, tous ceux qui se sont exprimés sont juristes, et les lois et procédures ont précisément été faites par des juristes ! Mais les gens expulsés ne sont pas des juristes, par ailleurs ils ne rentrent pas dans la procédure telle qu'elle a été prévue ! Je peux le confirmer, il existe des personnes, même aux fondations immobilières, qui sont expulsées sans avoir de solution de rechange. Parfois, le Procureur, qui a le nez visiblement très fin, offre des logements d'urgence à des gens qui n'en ont pas besoin; en revanche, il ne voit pas que d'autres ne sont pas relogés et qu'ils vivent dans une voiture. D'ailleurs, on a dû dernièrement procurer un nouveau logement à une famille avec deux enfants qui était dans ce cas.
J'aimerais dire que, bien sûr, la procédure actuelle fonctionne juridiquement ! On a tout prévu ! Mais les gens ne rentrent pas dans ce système ! De plus, cette procédure est extrêmement coûteuse. On assiste aussi à des expulsions au niveau des fondations immobilières de droit public: ce sont des gens extrêmement modestes qui sont évacués et la procédure prend du temps en instruments juridiques - expulsion, garde-meubles, procédures sociales - et, finalement, on péjore la situation des personnes en procédant à l'expulsion.
Je peux citer l'exemple d'une jeune femme avec deux enfants qui a été évacuée pour 6000 F d'impayés: on n'a pas pris le problème à la racine et on ne l'a pas encadrée ! Les services sociaux ont dit qu'ils ne pouvaient pas s'en occuper parce que, comme elle ne recevait que 25 ou 100 F de complément par mois, on ne pouvait pas prendre en charge son loyer... Mais ils n'ont pas vu que cette personne était totalement incompétente pour gérer un budget ! D'autre part, il y a l'école, les familles à reloger, etc., et on a donc un immense système qui coûte extrêmement cher du fait que le processus est inadapté.
Nous sommes allés dernièrement visiter, avec les fondations immobilières, le quartier de La Duchère à Lyon, qui abrite des logements sociaux. On a posé la question de savoir ce qu'ils faisaient en cas d'impayés de loyers - parce que chez nous, la fondation Emile Dupont a des logements aux Libellules et l'on compte 50% d'impayés dans les tout petits logements habités par des gens qui ne doivent pas gagner plus que 20 000 F par an, donc ils n'arrivent pas à gérer leur budget. Eh bien, à Lyon, ils nous ont regardés bizarrement et nous ont dit que, chez eux, il n'y avait pas d'expulsions et qu'ils encadraient ces locataires en difficulté dès le départ !
On voit donc bien qu'il y a d'autres possibilités d'action. C'est pourquoi je pense qu'il est nécessaire de renvoyer ce texte en commission, pour qu'on étudie la manière d'agir des autres pays européens qui, eux, arrivent à gérer les locataires en difficulté bien mieux que nous ! Nous, nous arrivons à faire une usine à gaz, parce que c'est cela que vous défendez ! (Brouhaha.) Pourtant, le prix d'une expulsion s'élève à 20 ou 30 000 F ! Il faut voir ce que cela coûte à la collectivité ! (Brouhaha.) Et si pour 6000 F d'impayés on génère environ 30 000 F de frais, je pense que, éthiquement et économiquement, c'est stupide.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à renvoyer cette proposition de motion en commission, où je vous expliquerai mieux les choses. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Lydia Schneider Hausser, à qui il reste une minute.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). En une minute, je ne peux qu'abonder dans le sens de ma préopinante, Mme Künzler.
Ce que je voulais rappeler, c'est qu'au niveau de la loi et de son application tout fonctionne. En revanche, ce qu'on vous demande ici, c'est davantage un travail sur l'esprit de la loi et sur la dichotomie qui existe actuellement entre la théorie judiciaire et la pratique quotidienne, dès lors que la société évolue.
En effet, vous devez vous rendre compte qu'on est en train de vivre un changement fondamental en termes de société, de logement et d'accessibilité au logement. On a affaire à des gens ou des groupes de gens qui sont dans une précarité extrême, pas seulement au niveau financier mais aussi dans la mesure où ils ne peuvent suivre les procédures des spécialistes.
En complément de cela, notre République traverse une crise du logement qui perdure, et tout le monde le dit, que ce soit à droite ou à gauche.
Ce qu'on vous demande donc, par le renvoi de ce texte en commission, c'est de réfléchir sur le problème de fond, afin que Genève ne se trouve pas dépassé par des problèmes de personnes à la rue ou des problèmes humains. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Maurice Clairet (MCG). Quand j'entends M. Luscher dire que personne n'a été expulsé de son logement... Eh bien, moi j'ai été témoin d'un cas il y a un mois et demi ! Et je me suis aperçu qu'il existe quand même une certaine misère à Genève. Il s'agit de l'une de mes vendeuses qui, un matin, n'est pas venue travailler. Elle nous a expliqué qu'elle avait subi un contrôle de police alors qu'elle se rendait à son travail avec une voiture chaussée de pneus lisses; on lui a donc séquestré son véhicule qui a été conduit à la fourrière.
Par ailleurs, cette dame nous a également dit qu'elle allait être évacuée de son appartement: elle gagne 4013 F par mois et l'Office des poursuites lui en retient 1800. Le lendemain de son arrestation routière, elle a été expulsée. Elle s'est donc retrouvée dehors avec ses trois gamins et c'est une amie qui les a tous hébergés. Maintenant, elle ira dans un foyer pour les femmes sans logement.
J'ai fait mon possible pour aider cette personne, je lui ai réglé son amende concernant les pneus lisses, son assurance - elle ne l'avait pas payée depuis une année et cela posait des problèmes. On lui a avancé de l'argent, etc. On lui a aussi conseillé de s'adresser au centre social, mais il lui a été répondu qu'elle gagnait trop... On ne sait donc plus à quel saint se vouer !
Je peux donc vous dire de telles situations existent à Genève, j'en ai été témoin, et c'est pourquoi je pense que cette proposition de motion doit être renvoyée à la commission du logement. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Eric Stauffer, à qui il reste une minute.
M. Eric Stauffer (MCG). Je vais être bref. Comme vous l'avez vu, je suis signataire de cette motion, nous allons donc évidemment la soutenir.
Je ne peux que m'élever avec beaucoup d'énergie contre les propos qui ont été tenus par M. Luscher. En effet, Monsieur le député, vous dites que vous défendez les intérêts des Genevois. Mais de quels Genevois ?! Vous défendez les intérêts des lobbies immobiliers ! De ceux qui ont créé ce trou abyssal de 2,5 milliards à la BCG ! (Protestations.) Et qui ont provoqué la hausse des loyers pour payer les intérêts débiteurs !
Eh bien, non, Monsieur Luscher ! Si on est capable de demander au contribuable de ce canton de rembourser 2,5 milliards sur cent ans pour la BCG, on peut bien faire un effort pour les cinquante ou cent cas qui se présentent par année, en n'expulsant pas ces gens et en leur trouvant des logements décents à des loyers abordables. J'en ai terminé, Madame la présidente. (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez au Conseil d'Etat de résumer quelque peu la situation.
Premièrement, il est exact que nous avons à Genève un dispositif de protection des locataires de fort bonne qualité.
Deuxièmement, il est non moins vrai que, malgré cela, un certain nombre de personnes passent à travers les mailles du filet. Cette situation-là n'est pas acceptable et doit par conséquent faire l'objet de notre meilleure attention, qu'il s'agisse du pouvoir judiciaire, du Conseil d'Etat ou de votre Grand Conseil. Les raisons pour lesquelles certaines personnes passent au travers du filet prêtent à interprétations différentes, mais, quoi qu'il en soit, on se trouve effectivement, Monsieur le député Luscher, avec un certain nombre de personnes vivant dans leur voiture.
Je ne suis en revanche pas d'accord avec la proposition de motion qui vous est proposée, tout simplement parce qu'elle est trop timide ! En effet, je n'arrive pas à admettre l'idée qu'il soit normal de dormir à Genève dans une voiture la nuit du 30 au 31 octobre mais que cela ne le soit plus le lendemain !
Il est inacceptable et malheureux que des personnes - bien qu'elles ne soient pas nombreuses, compte tenu du système que nous avons et des efforts fournis par les uns et les autres - soient privées de toit et qu'elles doivent dormir dans une voiture ou sous les ponts ! Quelle que soit la température ! Je suis désolé, mais il n'y a pas de grosse différence entre fin avril et début mai ou fin octobre et début novembre !
Par ailleurs, je le dis franchement à mes amis auteurs de ce projet: je trouve que c'est une bonne idée, mais elle a quelque chose de pervers qui pourrait justifier que le 1er mai on mette tout le monde dehors sous prétexte que la trêve est terminée. Je déteste cela ! Le plus important, c'est le droit au logement, pas le droit à la température ! Alors je vais peut-être me fâcher avec tout le monde dans cette histoire... (Rires.) ... mais en tous les cas le système genevois peut être amélioré et doit parvenir au fait qu'il n'y ait personne qui dorme dans une voiture, et ce n'est pas uniquement une question de saison.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1762 à la commission du logement est rejeté par 41 non contre 34 oui.
La présidente. Ce texte ne sera donc pas renvoyé en commission. Nous votons à présent la proposition de motion elle-même... Monsieur Velasco, vous demandez l'appel nominal ? (Appuyé.)
Mise aux voix à l'appel nominal, la proposition de motion 1762 est rejetée par 44 non contre 36 oui.