République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 juin 2007 à 17h
56e législature - 2e année - 10e session - 51e séance
M 1737
Débat
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Cette proposition de motion démocrate-chrétienne a pour but d'étudier la possibilité, pour les personnes frappées de non-entrée en matière et dont le renvoi est inenvisageable ou impossible à moyen terme, d'exercer un travail d'utilité publique, dans la mesure où c'est une question de dignité et de sécurité.
Une question de dignité, parce qu'il est normal et digne de vouloir travailler - ou du moins d'avoir une occupation utile, même si l'on est frappé de non-entrée en matière sans échéance - et parce qu'il est aussi normal et digne de vouloir occuper son temps à autre chose que de jouer au ping-pong ou de regarder la télévision et, ainsi, éviter de se retrouver dans une totale inactivité. En outre, lorsqu'on a vingt, trente ou quarante ans, il est normal et digne de vouloir restituer, par une occupation d'utilité publique, l'aide que l'on reçoit.
C'est aussi une question de sécurité. Nous touchons là à ce que nous estimons, nous, démocrates-chrétiens, être le comble de l'hypocrisie: interdire à ces personnes toute activité d'utilité publique et les laisser devenir des proies faciles pour les trafiquants qui peuvent les exploiter à l'infini - d'autant plus que certains ne pourront pas être renvoyés avant de nombreux mois voire des années - et cela, malgré les lois indignes qui ont été votées le 24 septembre 2006.
Alors nous demandons que cette hypocrisie cesse; nous revendiquons le droit à la dignité et c'est pourquoi les démocrates-chrétiens vous recommandent de faire bon accueil à cette proposition de motion et de la renvoyer à la commission des affaires sociales.
M. Henry Rappaz (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, si le «nem» est un plat vietnamien qui était destiné à satisfaire l'empereur de l'époque, en Suisse, c'est la résultante d'une mesure administrative frappant les requérants d'asile clairement identifiés comme indésirables, et visant à les renvoyer dans leur lieu d'origine. Sont considérés comme tels les candidats ayant séjourné illégalement en Suisse, ceux qui ont dissimulé leur identité voire violé l'obligation de collaborer, ou encore les sujets présentant une réelle absence de motif d'asile.
Le Mouvement Citoyens Genevois tient à rappeler que cette loi de non-entrée en matière sur l'asile, votée en novembre 2003, mais non appliquée, ne touche qu'une minime partie des personnes reconnues comme indésirables dans le pays. Les arrangements qui sont offerts par la Confédération, notamment sous forme d'aide d'urgence, sont actuellement largement suffisants et le Mouvement Citoyens Genevois ne soutient donc pas cette proposition de motion faussement caritative, qui voudrait offrir de surcroît la possibilité à un individu dont la présence n'est pas souhaitée d'exercer une activité rémunérée ou de suivre - le terme est encore plus charmant - «des programmes d'occupation». Non ! Notre société ne veut pas que ces éléments indésirables stagnent sous n'importe quel prétexte plus longtemps dans ce pays.
En résumé, le Mouvement Citoyens Genevois renvoie ce texte dans son pays d'origine, la corbeille à papier.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Avant de parler de la proposition de Mme von Arx-Vernon, je ne peux m'empêcher de répondre à M. Rappaz qu'en Suisse on ne parle pas de NEM, mais de personnes qui sont en situation de non-entrée en matière. D'ailleurs, lorsque nous avions discuté de la modification de la loi sur l'assistance publique concernant l'aide d'urgence à offrir à ces personnes, j'avais rappelé qu'il ne s'agissait pas de NEM mais de nos frères en humanité et je souhaiterais donc, Monsieur le député, que vous ayez aussi cette décence.
Cela dit, j'aimerais revenir sur le fond de cette proposition de motion. Elle pose certes des questions intéressantes mais, pour le groupe socialiste, elle ne va pas tout à fait assez loin. En effet, si vous en regardez la date, elle a été déposée le 23 janvier 2007; et le lendemain, le Conseil d'Etat publiait le règlement d'application de la modification de la loi sur l'assistance publique - donc sur l'aide d'urgence - que nous avions votée quelque temps auparavant. Il serait donc intéressant d'examiner ce règlement qui répond, bien que très - trop - timidement, déjà partiellement à ce que souhaitent les motionnaires, en permettant des activités d'intérêt général pour ces personnes-là.
En revanche, ce qui me semble essentiel - raison pour laquelle le groupe socialiste vous propose deux amendements, qui sont des rajouts aux invites de ce texte - c'est la durée de cette aide, dont nous avons beaucoup discuté devant ce parlement lors du débat sur l'aide d'urgence. Est-ce que ces personnes vont recevoir pendant une durée indéterminée une aide en nature ? Ou, à un moment donné, ne va-t-on pas devoir, pour répondre au souci de dignité humaine exprimé par Mme von Arx-Vernon, passer à de l'aide en nature ?
Selon le fameux règlement adopté par le Conseil d'Etat le 24 janvier, cette aide en nature doit durer au moins douze mois. Cela m'avait amenée, dans les jours qui ont suivi l'adoption de ce règlement, à déposer une interpellation urgente écrite pour dire que, à mon sens, nous n'avions jamais compris au parlement, du moins de manière unanime, en quoi une durée de douze mois pour l'aide en nature - simplement avec des plateaux repas ou des sandwichs - était conforme au respect de la dignité humaine. C'est pourquoi il me semblerait intéressant d'aller un peu plus loin et de compléter ce texte avec deux invites.
D'abord, pour faire un bilan, un rapport détaillé de la situation. Que sait-on de ces personnes ? Combien sont-elles à Genève ? D'où viennent-elles ? Vous savez d'ailleurs que c'est la Confédération qui nous les envoie... Combien d'entre elles passent dans la clandestinité ? Il y a de nombreuses questions importantes et je pense qu'on aurait tout intérêt à avoir une vue d'ensemble de la situation.
Le deuxième élément, c'est que, suite à mon interpellation urgente écrite, le Conseil d'Etat a répondu que, après six mois d'application de la loi, il demanderait à l'Hospice général de tirer un bilan, notamment en regard de la durée de l'aide en nature.
Nous sommes aujourd'hui au terme de ces six mois et c'est pourquoi je pense qu'il ne faut pas renvoyer cette proposition de motion en commission des affaires sociales - c'est inutile pour l'instant - mais au Conseil d'Etat, avec ces amendements, et une fois que celui-ci aura rendu son rapport, nous évaluerons s'il est nécessaire de prolonger le travail en commission.
Mme Christiane Favre (L). Cette proposition de motion risque de poser plusieurs problèmes.
D'abord, d'un point de vue légal. En effet, si ce qu'elle propose ne semble pas totalement illégal, ses invites sont contraires à l'esprit de la loi.
Ensuite, au niveau de la justice, puisque, si elle devait être votée, elle conduirait à une inégalité de traitement envers les requérants d'asile déboutés à qui l'on ne proposera sans doute pas de tels avantages.
Et enfin, elle risque de poser des problèmes humains, puisqu'elle pourrait implicitement donner - c'est un risque qu'il faut prendre au sérieux - de faux espoirs à des personnes déjà fragilisées par un avenir incertain et difficile.
Il ne nous paraît ni juste ni souhaitable de discuter sur le siège d'un sujet aussi sensible humainement et ambigu légalement. Nous avons besoin d'éclaircissements pour faire preuve de sagesse et c'est pourquoi nous soutenons le renvoi de ce texte à la commission des affaires sociales.
M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition, qui est certes sympathique, humaine et bien pensante a le défaut - pour nous rédhibitoire - de délivrer un message biaisé pouvant susciter de faux espoirs chez les personnes frappées de non-entrée en matière. Son acceptation serait aussi un signe négatif pour tous ceux qui séjournent légalement en Suisse et pour tous les Suisses eux-mêmes qui n'ont pas d'occupation ou de travail.
Si notre collectivité choisissait de fournir des efforts supplémentaires, elle se devrait de les faire en priorité pour ceux qui ont le droit d'être ici et de bénéficier de ces efforts publics.
Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical refusera l'entrée en matière de ce texte, avec ou sans amendement.
M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts vous rappellent simplement que les personnes vivant ici - et qui ont le droit d'y être - peuvent bénéficier des prestations de l'Hospice général, si elles sont dans une situation critique.
Les lois sur l'asile qui ont été soumises au vote et que le peuple suisse a acceptées - nous l'avions dit lors de la campagne - posent une série de problèmes graves pour les personnes qui ne peuvent pas quitter la Suisse mais qui n'ont pas le droit d'y rester - c'est paradoxal, nous le savons. Ces lois ont simplement prévu que les personnes disparaissent dans la clandestinité, ce qui est une situation criminogène, dans la mesure où ces gens doivent continuer à manger. C'est pourquoi nous saluons la proposition du PDC. Cependant, on est toujours en dessous du minimum, en deçà des normes de l'Hospice général.
Par ailleurs, j'approuve ce qui a été dit sur les bancs du parti libéral, car tout le problème des personnes déboutées du droit d'asile va se poser d'ici janvier, où nous allons nous retrouver avec non seulement les personnes frappées de non-entrée en matière, mais aussi précisément avec celles qui auront été déboutées du droit d'asile et qui n'auront, non plus, ni le droit de rester ni la possibilité de partir. Je vous rappelle que certaines personnes sont ressortissantes de pays qui ne les reconnaissent pas et qui ne veulent pas les récupérer. Or vous ne pouvez pas les ramener à la frontière puis les expulser en France, en Italie ou en Allemagne, car ces nations ne les souhaitent pas non plus, et vous n'avez pas non plus la possibilité de renvoyer quelqu'un dans un pays dont il n'est pas ressortissant et qui ne le reconnaît pas.
Vous vous retrouvez donc avec une sorte d'insécurité du droit, avec des personnes qui n'ont ni le droit de rester, ni le droit de partir, ni le droit de travailler: c'est une situation un peu kafkaïenne, où on leur demande simplement de disparaître.
Ce problème est donc très complexe et nous vous invitons à renvoyer ce texte en commission des affaires sociales.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je rappelle que le parti démocrate-chrétien a soutenu à Berne la révision de la loi sur l'asile - à l'exception de certains députés romands, entre autres - et que l'aide d'urgence est clairement délimitée. L'article 80, alinéa 1, de la modification du 16 décembre 2005 à la loi sur l'asile stipule: «L'aide sociale ou l'aide d'urgence est fournie aux personnes qui séjournent en Suisse en vertu de la présente loi par le canton auquel elles ont été attribuées...». Puis, à l'article 82, on lit, à l'alinéa 1: «L'octroi de l'aide sociale et de l'aide d'urgence est régi par le droit cantonal. Les personnes frappées d'une décision de renvoi exécutoire auxquelles un délai de départ a été imparti peuvent être exclues du régime d'aide sociale.» Et à l'alinéa 2: «Lorsque l'autorité sursoit à l'exécution du renvoi pour la durée d'une procédure ouverte par une voie de droit extraordinaire, les requérants d'asile déboutés reçoivent, sur demande, l'aide d'urgence.»
De plus, l'article 83a, sur l'octroi de l'aide d'urgence, prévoit ceci: «La personne concernée doit collaborer à l'exécution de la décision de renvoi exécutoire...». Il y a donc une relation entre aide d'urgence et collaboration. Mais nous ne sommes ici pas du tout dans le même cas.
La mise en oeuvre de cette loi est aujourd'hui couronnée de succès, ce n'est pas moi qui le dis, ce sont notamment les assistants sociaux du canton de Vaud. La Radio Suisse Romande a récemment fait un reportage sur les non-entrées en matière; lorsqu'elle s'est présentée auprès de la Fondation d'accueil des requérants d'asile - FAREAS - les assistants sociaux ont effectivement dû reconnaître qu'il y avait beaucoup moins de personnes dont ils devaient s'occuper et que les gens avaient quitté le canton sans qu'on connaisse leur destination. D'ailleurs, les motionnaires nous indiquent que 70% des personnes frappées de non-entrée en matière à Genève n'ont pas laissé de trace. C'est donc qu'elles ont admis qu'elles n'avaient pas d'avenir en Suisse et que, de ce fait, il n'y avait plus de nécessité de faire appel à l'aide d'urgence ou de demander une occupation temporaire.
Les grandes villes et leurs dispositifs sociaux sont des aimants pour différentes catégories de citoyens, et les personnes frappées de non-entrée en matière en constituent une; il serait donc contre-productif d'accroître l'attractivité de notre canton et d'exacerber les tensions au sein de la population alors que la révision de la loi sur l'asile est parvenue à les maintenir à un niveau acceptable.
Si l'aide d'urgence, qui permet de respecter l'article 12 de la Constitution, à savoir la dignité humaine, pousse parfois, selon les motionnaires, à la clandestinité et à la délinquance, il conviendrait alors que le groupe démocrate-chrétien propose une réelle alternative. L'UDC en voit au moins une, c'est de conditionner l'aide au développement à la négociation d'accords de réadmission.
Pour ces motifs, nous nous opposerons au renvoi de ce texte au Conseil d'Etat et soutiendrons timidement le renvoi à la commission des affaires sociales.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Cette proposition de motion part d'un bon sentiment, en tout cas sur le plan humain, et je soutiendrai donc son renvoi à la commission des affaires sociales.
Mais j'aimerais dire certaines choses. Donner du travail à des personnes frappées de non-entrée en matière, c'est certes louable, mais j'aurais préféré qu'on en offre à nos jeunes, à ceux qui sont malheureusement en rupture, qui sombrent dans la délinquance. Au lieu de les mettre en prison ou de les laisser dans la rue, pourquoi ne pas les faire travailler, les faire nettoyer ce qui est dégradé ? Cela leur permettrait peut-être d'avoir un meilleur apprentissage de la vie.
On dit toujours que, pour pouvoir aider les autres, il faut pouvoir s'aider soi-même... Je constate que malheureusement, en Suisse, notamment à Genève, il y a des personnes qui, peut-être par honte, n'osent pas aller demander l'aide sociale et sont à la rue. Quand j'entends dire que les gens qui vivent ici ont droit à l'Hospice général, je ne trouve pas cela très cohérent avec ce que nous avons décidé hier soir. Il me semble que le projet de loi modifiant la loi sur le chômage a été voté parce qu'on souhaitait remettre les gens au travail et non pas en faire des assistés ! Pour exemple, je vous au rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1480 contre l'interdiction de travailler de certains demandeurs d'asile déboutés et à la pétition 1492 concernant la politique d'asile, vous y trouverez des réponses tout à fait claires. Je lis dans la pétition 1492 qu'il faut arrêter de produire des clandestins, des délinquants et des assistés... Mais nous en fabriquons ! Et ce sont même des personnes qui ont le droit de vivre dans notre pays, elles n'ont pas besoin d'être frappées de non-entrée en matière !
Pour toutes ces raisons, des réponses doivent être données. Il y a effectivement de gros risques et je souhaite qu'ils soient largement pris en compte. C'est pourquoi je soutiendrai le renvoi de ce texte en commission des affaires sociales.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). J'aimerais juste ajouter quelques précisions. Quand l'UDC dit que l'aide au développement peut être conditionnée à la négociation d'accords de réadmission, c'était un projet de Ruth Metzler. Et, si L'UDC avait soutenu cette dernière, ce projet serait peut-être appliqué aujourd'hui.
Je voulais revenir sur cette proposition de motion qui est en fait extrêmement pragmatique - et qui n'est ni angélique ni complaisante ! - et reparler aussi des notions d'«indésirable» et de «faux espoirs»... Mais c'est là que se situe l'hypocrisie ! Parce qu'on ne peut pas faire semblant ! Ceux qui ne veulent pas voir ces gens ou considérer qu'ils vivent encore chez nous sont les mêmes qui les dénoncent lorsqu'ils deviennent délinquants ! On a certes raison de signaler ce type d'agissements et de ne pas tolérer la délinquance, mais il se trouve que ces comportements sont bien souvent la conséquence de l'inactivité qu'on leur impose.
Concernant la population, lorsqu'on parle à Monsieur et Madame Tout le Monde de ce genre de proposition de motion, eh bien, c'est le bon sens, Madame la présidente, ils comprennent très bien que ces personnes soient obligées de rester encore quelque temps. A moins, évidemment, que les gens se réfugient dans la clandestinité et qu'on fasse comme si on ne les voyait pas ! Or nous, nous refusons de faire semblant.
C'est pour cette raison que nous accepterons les amendements socialistes et que nous réaffirmons notre souhait de renvoyer cet objet à la commission des affaires sociales, où ces textes seront étudiés.
Permettez-moi encore de dire qu'il ne faut surtout pas opposer les jeunes, les chômeurs et ceux qui sont frappés de non-entrée en matière. Ces catégories de personnes vivent toutes des situations très douloureuses, mais on ne doit en aucun cas les dresser les unes contre les autres.
La présidente. La parole est à M. Renaud Gautier, à qui il reste deux minutes et neuf secondes.
M. Renaud Gautier (L). Ce sera largement suffisant !
Une première remarque: le langage que nous utilisons n'est jamais innocent. Nous traitons de personnes frappées de non-entrée en matière et chacun des intervenants a parlé de renvoi ou de non-renvoi en commission. C'est par analogie le défi qui nous est proposé.
Deuxièmement, je crois que c'est dans le Cid, sauf erreur, qu'on trouve la phrase suivante: «Le coeur a ses raisons que la raison ignore.» Si cette proposition est frappée au coin du bon sentiment, elle n'est pas forcément illégale; mais elle est en tout cas contraire à ce que la majorité des Suisses a voté l'année dernière. Ce parlement est partagé entre ceux qui étaient favorables et ceux qui ne l'étaient pas - je crois que chacun connaît ma position - mais on ne peut pas, non plus, toujours partir du principe que la majorité de la population se prononce favorablement et, ensuite, essayer de trouver le moyen de ne pas appliquer le sens de ce qui a été voté.
En ce qui me concerne, je suis favorable au fait que l'on pousse le raisonnement jusqu'au bout. Nous avons adopté des lois qui sont contraignantes et qui ne sont pas celles que j'aurais voulues, mais je trouve regrettable qu'on essaie maintenant de trouver des «solutions», alors que la majorité des Suisses n'en veut pas.
Je le répète, ce n'est certainement pas illégal, mais c'est en tout cas aller à l'encontre de ce que la plupart d'entre nous veulent. Nous devons aussi y réfléchir, pour ne pas que nous soyons toujours, à Genève, dans des situations de Genfereien qui, à terme, nous portent tort, même si, je le redis, le coeur a ses raisons que la raison ignore.
La présidente. La parole est à M. Eric Stauffer, à qui il reste une minute et vingt-six secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Quelle précision, Madame la présidente !
Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG, pour être parfaitement clair, s'opposera au renvoi en commission de cette proposition de motion ainsi qu'au texte en lui-même.
Je crois qu'il nous faut arrêter d'être hypocrites. La Suisse, comme tout le monde le sait - et nous sommes les premiers à le prôner au Mouvement Citoyens Genevois - est une terre d'accueil. Mais pour les gens qui sont respectueux des lois du pays dans lequel ils veulent venir ! Et pour ceux qui jettent leur passeport et sont des réfugiés économiques - ce qui est triste, j'en conviens ! - mais non politiques, la Suisse a des règles, et ces doivent être respectées.
Je suis scandalisé que, dans ce parlement, des partis puissent essayer de trouver des dérivatifs pour contourner la loi et la volonté populaire. Je vous rappelle que c'est le peuple qui nous a placés là où nous sommes et que c'est donc notre devoir de protéger les résidents de ce pays.
Laissez-moi encore vous dire quelque chose. Comme vous le savez - et je pense que c'est le cas de plusieurs députés dans cette enceinte - je ne suis pas double national mais triple national: j'ai le passeport suisse, italien et mauricien. Eh bien, à l'île Maurice, quand des étrangers viennent sans autorisation, ils sont expulsés manu militari. Voilà une politique de cohésion qui est claire et qui n'est pas hypocrite... (Exclamations. Remarques.)
Et partant de ce principe-là, je vous invite à refuser le renvoi en commission de cette proposition de motion et le texte lui-même, qui n'est pas légal.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. J'aimerais relever quelques éléments tout simples.
Dans cette matière, il y a pour l'essentiel du droit fédéral que nous devons accepter, quoi que nous puissions en penser, et donc appliquer. Il en résulte qu'un certain nombre de gens sont frappés de décisions de renvoi et que ces dernières doivent être exécutées.
Or il se trouve que certaines de ces décisions sont inexécutables. Pour la bonne et simple raison qu'aucune compagnie aérienne ni aucun pays n'acceptent quelqu'un s'il n'a pas un papier d'identité. Il importe donc de faire en sorte, au niveau de la Berne fédérale, que cette situation inadmissible ne perdure pas. C'est l'un de nos gros problèmes.
A partir de là, nous avons un certain nombre de personnes qui ne devraient pas être là mais qui le sont. On peut voir la chose sous l'angle de la dignité, et c'est éminemment respectable de dire que de laisser en quelque sorte goger ces personnes n'est pas une façon acceptable de les traiter. Mais moi j'ai encore un autre souci, beaucoup plus important: celui de la sécurité. Parce que, Monsieur Catelain, quand vous dites qu'il n'y a plus personne dans les centres sociaux depuis l'application de ce système, c'est vrai, mais on sait aussi par la police que ces gens ne sont pas là où ils devraient être et qu'ils n'ont pas les activités qu'ils devraient avoir. Donc, nous ne pouvons pas dire ici que nous voulons de la sécurité et, à la fois, créer une catégorie de personnes dont la seule occupation est précisément non pas de faire des incivilités, mais d'être carrément dans la délinquance.
Alors, nous devons impérativement réfléchir à cette question, c'est l'un des facteurs vraiment graves - graves ! - de l'insécurité. Mme von Arx-Vernon ne demande pas de ne pas appliquer le droit fédéral, elle souhaite simplement qu'on étudie ce qu'on pourrait faire. C'est vraiment le moment d'agir pour éviter que ce très petit nombre de personnes - qui ne devraient pas être là mais qui le sont quand même - continuent à nous pourrir la vie. (Applaudissements.)
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1737 à la commission des affaires sociales est adopté par 44 oui contre 14 non et 8 abstentions.