République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 15 juin 2007 à 20h30
56e législature - 2e année - 9e session - 45e séance
M 1678-A
Débat
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse. Nous vivons en ce moment une banalisation de l'endettement et il me paraît opportun de signaler que les poursuites ont augmenté en Suisse ces dernières années. C'est malheureusement un contexte qui est particulièrement marqué à Genève, où l'on a procédé en 2006 à environ 270 000 poursuites et 160 000 saisies. En trois ans, il y a eu une augmentation de 30% du nombre des poursuites et de 50% du nombre des saisies.
L'audition de Caritas nous a par ailleurs permis de savoir que quatre jeunes sur cinq ont commencé à être endettés avant l'âge de vingt-cinq ans, ce qui montre bien l'importance d'agir tôt. Des mesures doivent être prises dans un premier temps sur le plan de la sensibilisation des jeunes. «Le Courrier» citait par exemple que la Ville de Lausanne a tout récemment interdit la publicité pour le petit crédit.
La majorité de la commission des affaires sociales vous engage donc à renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat pour qu'il nous fasse part de sa politique en la matière.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de remercier une fois de plus la commission pour la qualité de ses débats et l'accueil qu'elle a réservé à cette proposition de motion.
Le groupe démocrate-chrétien attache une très grande importance à ce problème de société qui dépasse la sphère familiale. D'aucuns s'évertueront à rendre parfois les parents responsables voire coupables de toutes les difficultés qu'ils rencontrent avec leurs enfants, mais nous, nous pensons qu'il faut aider ces parents face à la spirale de l'endettement des jeunes et qu'il y va de la responsabilité de la société et des politiques.
Accompagner et aider les parents dans l'éducation, cela s'appelle de la prévention et elle a porté ses fruits dans bien des domaines. Aujourd'hui, le parti démocrate-chrétien sait - mais il n'est pas le seul - qu'il suffit de peu de chose aux familles pour se trouver en difficulté en cas d'endettement et combien il est ardu de s'en sortir. Or, pour les jeunes, le problème est encore plus aigu. Les professionnels le savent et s'en alarment, comme Mme la rapporteure l'a très bien résumé. Trop de jeunes deviennent assistés, et nous ne voulons pas que ces jeunes endettés voire surendettés deviennent des adultes accablés et assistés.
Or ce travail de prévention a déjà été couronné de succès à Fribourg, et récemment l'Etat de Vaud a également empoigné cette problématique qui dépasse, comme je l'ai déjà dit, la sphère privée.
Il est important de se mêler de ce qui - prétendent parfois certains - ne nous regarde pas, mais je vous signale que nous disions la même chose de la violence domestique ! Alors oui, il faut parfois s'occuper de ce qui ne nous concerne pas plutôt que de garder des oeillères !
Là, nous faisons vraiment un appel à la prévention, car le fait d'informer et de sensibiliser dans le cadre de l'instruction publique nous semble indispensable. Et nous faisons confiance au Conseil d'Etat. Nous avons compris qu'il s'inquiétait de cette problématique, induite finalement par notre société de consommation abusive.
Le PDC renverra donc au Conseil d'Etat cette proposition de motion et vous remercie de bien vouloir en faire autant.
La présidente. Merci, Madame la députée. Je rappelle que ce débat est en catégorie II, c'est-à-dire avec trois minutes de parole par groupe.
Mme Christiane Favre (L). L'endettement des jeunes gens n'est pas un phénomène nouveau, il suffit de relire Molière ou Alexandre Dumas pour s'en assurer. Mais ce n'est pas parce que le problème est ancien qu'il ne faut pas s'en soucier. D'autant qu'il concerne une part non négligeable de cette jeune population, même si les chiffres et les affirmations alarmants des considérants ont été très nettement relativisés lors des travaux de la commission.
Les causes de ce phénomène sont connues: premier salaire, premier crédit, découverte tardive de ses obligations légales, impôts, assurances, retard de paiement... et la spirale est engagée. Le retour à une meilleure situation, vous avez raison, est long et difficile.
Mais gérer son argent est sans doute la première responsabilité personnelle que nous avons à prendre en entrant dans la vie adulte, or c'est un savoir qui ne tombe pas du ciel. Les professionnels auditionnés étaient unanimes: ce phénomène d'endettement vient tout droit d'un déficit éducatif familial ou, pire, de la reproduction de schémas familiaux calamiteux en matière de surconsommation et d'endettement.
Ces auditions nous ont aussi éclairés sur les nombreuses initiatives étatiques ou associatives qui ont été lancées pour faire de la prévention et de l'aide au désendettement: groupes de réflexion mis en place par le département des institutions et celui de l'instruction publique, structures proposées par les associations telles que Caritas ou le Centre social protestant - dont on peut au passage saluer l'engagement et la qualité des offres - coaching personnel, séances d'information, sites d'aides et de conseils sur internet, fonds social privé de désendettement, et j'en oublie certainement.
Sur un sujet de ce type, on peut certes avoir l'impression de ne jamais en faire assez, bien sûr. Mais vouloir initier une politique d'information et de prévention, c'est nier de fait qu'elle existe déjà. Demander un inventaire des institutions et des associations concernées pour en dégager une politique commune, c'est ignorer volontairement que les acteurs de cette politique travaillent déjà ensemble.
Certains ont jugé qu'on pouvait accepter cette proposition de motion parce qu'elle va dans le bon sens et qu'il n'est finalement pas si ambitieux d'affirmer qu'il est nécessaire de faire un peu de prévention. Mais tous ceux qui oeuvrent déjà sur le terrain apprécieront qu'on enfonce aussi brutalement des portes ouvertes !
Je crois surtout qu'on peut faire preuve d'un peu d'humilité et admettre qu'ont déjà été mises en place, sans nous, un certain nombre de mesures efficaces et qu'il n'est donc pas nécessaire de mettre le Conseil d'Etat au pied du mur afin qu'il élabore des inventaires et des politiques de prévention communes, alors que tout le monde s'accorde à dire que l'action préventive la plus adéquate serait d'apprendre aux élèves à établir un budget avant qu'ils touchent leur premier salaire.
Préférant que les énergies se concentrent au bon endroit, soit dans l'action plutôt que dans la rédaction, nous ne soutiendrons pas cette proposition de motion. (Applaudissements.)
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, on peut être surpris d'entendre les propos de Mme Favre qui, après avoir reconnu les problèmes d'endettement des jeunes, finit par dire qu'on en fait assez et qu'on ne peut pas agir davantage. Pourtant, lorsque nous avons auditionné le Centre social protestant... (Brouhaha.) Je vous ai écoutés, alors vous pourriez en faire de même !
Je disais que, lors des auditions du Centre social protestant, de Caritas ainsi que de l'Hospice général, on nous a bien confirmé l'importance de cette problématique et il est aussi notamment apparu que les jeunes évoluant dans une famille qui a déjà des problèmes de dette sont plus vulnérables.
Comme c'est le cas pour d'autres problématiques, il faut avant tout informer les jeunes et leur entourage, mais cela ne suffit pas, il convient aussi de promouvoir des programmes de soutien plus ciblés, et c'est justement dans ce domaine qu'ont effectivement déjà été accomplies des choses importantes: il y a par exemple un programme au niveau suisse qui s'appelle Max.Money; le CSP a lui aussi un programme efficace puisqu'il associe l'information au soutien personnalisé et à la prise en charge individuelle, avec justement des aides pour apprendre par exemple à gérer un budget.
Je ne veux pas répéter ce que d'autres ont dit sur les réalisations en matière de sensibilisation et de responsabilisation, etc. - je pense que là on est presque tous d'accord - mais ce qui me semble en revanche assez hypocrite et incohérent, c'est qu'on veut à la fois sensibiliser et responsabiliser les jeunes ainsi que leur entourage, mais qu'on continue à tolérer des campagnes de publicité souvent extrêmement agressives - on l'a vu il y a quelques mois - et qui sont de véritables incitations à la consommation. Elles s'adressent certes à tout le public, mais il est évident que les jeunes sont particulièrement visés par ces annonces qui promettent tout de suite de l'argent pour une voiture, un voyage, etc.
On devrait donc pouvoir limiter ce genre de publicités, parce qu'il ne suffit pas simplement d'informer, il faut aussi prendre des mesures peut-être plus contraignantes dans ce sens-là.
Par ailleurs, je rappellerai à nos collègues du PDC, qui semblent aussi très sensibles à ce problème, que les socialistes avaient essayé de modifier sur le plan suisse la loi sur le petit crédit, justement pour ne plus que l'on n'incite plus autant les jeunes. Mais les socialistes suisses n'ont malheureusement pas du tout été suivis par leurs collègues du PDC. Il faudrait donc peut-être leur transmettre un message pour qu'une fois pour toutes on soit un peu plus cohérent.
Enfin, il conviendrait aussi qu'on puisse inciter les entreprises à faire preuve d'un peu plus d'éthique.
C'est ainsi que les socialistes soutiendront cette proposition de motion, car je pense qu'il est important que nous disposions d'un rapport du Conseil d'Etat qui fasse, sans que cela prenne trop de temps, un panorama général de ce qui existe, et surtout qu'il prenne des mesures plus contraignantes.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts soutiendront cette proposition de motion pour une raison très simple: le surendettement des jeunes est une réelle problématique dont certaines personnes semblent ne pas avoir tout à fait conscience.
Lorsque vous vous retrouvez jeune célibataire surendetté, vous avez une saisie sur votre salaire et on vous laisse 2000 francs par mois pour vivre; jusque là, tout va bien pour fonctionner. Maintenant, prenons l'exemple d'un jeune d'une vingtaine d'années, qui a un salaire petit ou normal de 4000 à 5000 francs par mois - il paie donc généralement le double en impôts par an - et qui, en plus de sa saisie de salaire, doit encore régler 1000 à 1500 francs d'impôts supplémentaires. La situation devient difficile à ce moment-là: les gens se retrouvent réellement dans une spirale de surendettement, parce que, bien évidemment, ils vont vivre avec les 2000 francs, ne pas payer leurs impôts et, donc, s'endetter vis-à-vis de l'Etat. Et le danger de cette spirale est qu'au bout d'un certain moment les gens n'ont presque plus intérêt à travailler... Cela coûte cher à l'Etat, à la société - il est difficile de réinsérer ces personnes - simplement parce qu'on ne s'est pas rendu compte des conséquences de ce que l'on voulait.
Les Verts ont toujours été pour une amélioration de la qualité de la vie, et pas forcément pour une augmentation des quantités de ce qu'on consomme. Par cette proposition de motion, nous tentons aussi de soutenir le fait que vivre heureux ne signifie pas consommer plus. Même au contraire: vivre heureux dans une société, c'est augmenter sa qualité de vie, ce n'est pas consommer un maximum.
M. Eric Bertinat (UDC). La proposition de motion du groupe démocrate-chrétien s'inquiète de l'endettement des jeunes, s'appuyant sur un bilan alarmant de la Commission fédérale de la consommation qui a étudié ce sujet et constaté que quatre personnes endettées sur cinq l'ont été une première fois avant l'âge de vingt-cinq ans. Désintégration sociale et dépendance à l'assistance les attendent au bout de ce chemin de misère. Ce sont la publicité sans vergogne, les modes de paiement simplifiés, les crédits facilités et le manque de volonté - souvent hérité d'une éducation insuffisante - qui jettent ces jeunes dans des dépenses auxquelles ils ne peuvent faire face.
Certes, le regard du voisin, la nouvelle automobile du copain, les virées de fin de semaine ne sont pas toujours faciles à repousser et il faut souvent du courage pour ne pas céder à toutes ces tentations.
Que faire pour ces jeunes, se demandent en substance les auteurs de cette proposition de motion ? J'ai retenu la deuxième invite, modifiée en commission des affaires sociales, qui propose d'intégrer la thématique du budget et de l'endettement des jeunes dans le cadre, par exemple, des cours de comptabilité donnés en classes secondaires et professionnelles. En effet, des situations réalistes, telles que les comptes du ménage ou la comptabilité d'une petite entreprise, inciteront les jeunes à réfléchir sur le pouvoir d'achat limité. Et pourquoi ne pas même pousser l'exercice jusqu'à son paroxysme ? Si l'on incluait au programme les notions de poursuite, de saisie et de dépôt de bilan, celles-ci démontreraient mieux que les discours moralisateurs toute la batterie d'ennuis que ces procédures provoquent à l'aube d'une vie d'adulte, et pour longtemps, jusqu'à l'empoisonner.
In fine, ces exercices doivent provoquer une prise de conscience que l'on espère salutaire dans le cadre d'une politique de sensibilisation nécessaire.
L'UDC soutiendra donc le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat. Mais, entre nous, qui à Genève donne l'exemple à ces jeunes ? En 2006, il y a eu 270 000 poursuites et 160 000 saisies. Au cours de ces trois dernières années, on a constaté une augmentation de 30% du nombre des poursuites et de 50% du nombre des saisies. Notons que, pour 40% des cas, il s'agit de poursuites concernant des primes d'assurance ou des dettes résultant des impôts.
Et ce n'est pas davantage le gouvernement qui donne l'exemple: 13 milliards de dette, soit 32 000 francs par habitant, jeunes y compris, et dès leur naissance ! Après pareil exploit, allez donc expliquer aux jeunes qu'il ne faut pas vivre au-dessus de ses moyens ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo, Eric !
M. Pierre Kunz (R). J'ai là dans les mains un livre intitulé «La France prépare mal l'avenir de sa jeunesse». C'est un ouvrage qui a été publié par la très prestigieuse Académie française des sciences morales et politiques, sous la signature d'intellectuels et de chercheurs renommés. On peut résumer les constats de ce livre de la manière suivante: premièrement, à force de réformes partielles contradictoires et incohérentes, segmentées à l'excès, notamment en matière d'emploi, mais dans les autres domaines aussi, la France a brisé la voie de l'intégration de sa jeunesse à une vie d'adulte responsable.
Deuxièmement, à force de prétendre protéger et aider la jeunesse, la France a fini par faire d'une partie d'entre elle une sous-catégorie sociale, convaincue de son impuissance, convaincue de sa discrimination, convaincue aussi que son avenir ne dépend plus d'elle-même mais de l'Etat - et des assistants sociaux - et qui excuse par avance ses ratés. Mesdames et Messieurs, c'est ce que nous avons aussi eu tendance à faire à Genève ! Les résultats, nous le savons tous, sont calamiteux ! Par exemple, nulle part ailleurs en suisse une partie aussi importante des cas sociaux traités par l'Hospice général est constituée par des moins de vingt-cinq ans.
Pourtant, s'agissant de l'endettement des jeunes - qui, il faut le dire, ne constituent pas une catégorie à risque particulière, et ça nous l'avons entendu en commission - certains persistent à prétendre que notre jeunesse est à priori totalement incapable de résoudre, sans l'aide publique, ses problèmes de trésorerie ou d'apprendre à mesurer son train de vie à l'aune de ses moyens financiers. Ceux-là entendent-ils donc faire de cette jeunesse, ou du moins d'une partie d'entre elle, une nouvelle et permanente catégorie d'assistés ? Nos jeunes ne méritent-ils pas plutôt que nous commencions par leur accorder le respect qu'ils méritent et par les responsabiliser, afin qu'ils apprennent par eux-mêmes, même si c'est parfois dans la douleur, le rôle d'adulte ?
Mesdames et Messieurs, il n'est pas impossible qu'il se trouve ce soir une majorité pour soutenir cette proposition de motion ! Mais cette majorité, en toute incohérence, va-t-elle aussi un jour nous demander d'accorder à Genève le droit de vote aux jeunes de 16 ans ?!
Cette proposition de motion est certes pleine de bons sentiments, mais c'est justement pour cela que son message et ses conséquences sont particulièrement dangereux. Ce que les jeunes attendent des adultes, ce qu'ils attendent de nous, ce soir, ce sont des marques de confiance, des encouragements, des exemples, des repères et, par-dessus tout, de l'exigence.
Alors je vous en conjure, Mesdames et Messieurs les députés, rejetons avec courage cette proposition de motion et laissons aux familles, et à l'école qui sait assez ce qu'elle doit faire, le soin d'éduquer leurs enfants et de les éveiller à la problématique de l'endettement. (Applaudissements.)
M. Maurice Clairet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, derrière la proposition de motion 1678, il y a beaucoup d'hypocrisie. D'un côté, on veut sensibiliser les jeunes à lutter contre l'endettement et, de l'autre, on leur fournit des cartes de crédit avant même qu'ils gagnent leur premier sou.
Je peux donc raisonner comme suit: ce qui est important dans notre société, c'est de former des jeunes capitalistes, accros à la consommation et à la surconsommation.
Avec ce principe, les jeunes perdent tout repère de la réalité de la vie. C'est ainsi que les enfants ne se sentent plus encadrés; ils franchissent donc les barrières impunément et imitent les adultes et leur logique capitaliste, parfois pour le pire. Il ne faut pas se leurrer: un jeune de quatorze ans de notre époque sait plus de choses qu'un jeune de dix-huit ans dans les années cinquante, par l'utilisation intensive d'internet, de la télévision et de la médiatisation de la société.
Quand on veut sensibiliser un jeune sur le risque de l'endettement, il nous rit presque au nez, en nous faisant comprendre qu'il est au courant des rouages des poursuites. Ou alors, il joue à l'ignorant. De toute façon, j'ai constaté chez les jeunes que l'attrait de consommer est beaucoup plus fort que le risque d'une poursuite.
Le groupe MCG est donc pour le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Pascal Pétroz (PDC). Merci à tous les groupes qui viennent d'exprimer leur soutien à cette proposition de motion. J'aimerais tout de même faire quelques observations au sujet de ce qui a été dit, en particulier par M. Kunz.
Monsieur Kunz, ce que vous nous avez indiqué à propos du livre que vous avez cité était éminemment intéressant, mais peut-être auriez-vous pu lire aussi les invites de cette proposition de motion, car cela vous aurait permis de vous rendre compte qu'il ne s'agit pas du tout de stigmatiser une catégorie particulière de la population, les jeunes ou moins jeunes, mais simplement, si vous me passez l'expression, de prendre le problème à la racine.
Il y a un constat très simple: l'endettement des gens, et celui des jeunes en particulier, est tout à fait préoccupant. Alors par quel biais peut-on régler ce problème-là ? Par l'éducation. C'est ainsi que nous pourrons apporter des solutions adéquates à cette véritable problématique.
D'autre part, Monsieur Kunz, vous avez indiqué que cette proposition de motion était dangereuse et j'ai un peu de peine à comprendre pourquoi ! Une proposition de motion est un instrument qui est envoyé au Conseil d'Etat, lequel est tenu dans les six mois de rendre un rapport. Ce que nous allons voter vraisemblablement ce soir, c'est la possibilité, pour le Conseil d'Etat, de nous offrir des orientations visant à lutter contre l'endettement des jeunes.
Mais si vous estimez que la lutte contre l'endettement des jeunes est dangereuse, alors il ne faut effectivement pas que vous votiez en faveur de cette proposition de motion. Or les auditions auxquelles nous avons procédé en commission nous ont convaincus, en particulier celles de Caritas et du Centre social protestant, qu'il s'agissait d'un véritable problème de société. Vous avez d'ailleurs pu voir dans le rapport que 600 nouveaux dossiers étaient ouverts par Caritas en matière d'endettement des jeunes !
Donc, dire que notre proposition de motion est dangereuse et que c'est un faux problème est totalement fallacieux, et c'est la raison pour laquelle nous voterons avec enthousiasme ce texte.
M. Georges Letellier (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, je tiendrai un langage quelque peu différent de mes collègues. C'est le système de consommation dans lequel nous vivons qui amène les jeunes à consommer et à s'endetter. Et comme l'éducation parentale et scolaire sont les deux mamelles de la formation de nos jeunes, commençons donc par bien former les éducateurs et le problème sera en partie résolu.
Il y a par conséquent un problème de fond à résoudre, qui dépend entièrement de notre système politique.
La présidente. La parole est à M. Eric Stauffer, à qui il reste une minute et trente-et-une secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). C'est largement suffisant ! En fait, je voulais simplement réagir aux propos de nos amis libéraux parce que je suis quand même étonné que vous vous opposiez à ce texte, même s'il vient du PDC, qui prône l'adage «faites ce que je dis mais pas ce que je fais» - j'en veux pour preuve une certaine campagne électorale dans une commune genevoise - donc je suis étonné, Mesdames et Messieurs les libéraux, parce que c'est un problème qui est important.
Aujourd'hui, vous ne pouvez plus occulter que c'est un phénomène de société qui a pris une importance absolument dramatique. Quand on regarde les chiffres, on voit 270 000 commandements de payer en 2006. Mais non, Mesdames et Messieurs les libéraux, pas tous les citoyens de Genève gagnent un demi-million par année, pas tous les jeunes citoyens de Genève sont des fils à papa, à qui on va éponger les dettes et acheter la dernière voiture décapotable ! Cela ne marche pas comme ça ! Et je trouve désolant que vous ne souteniez pas un tel projet. J'en ai terminé, Madame la présidente.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Qui, Madame la présidente... (Rires.) ...vient de se camoufler. De telle manière que je vais surseoir à son absence momentanée pour vous dire que l'endettement est, à l'évidence, un vrai problème - on ne peut pas le nier, Monsieur le député Kunz - parce qu'il existe et qu'il entraîne effectivement dans une spirale très particulière.
Il y a un élément qui n'a pas été évoqué dans vos discussions et qui m'étonne un peu, c'est que, pour être endetté, il faut que quelqu'un ait été d'accord d'être votre créancier.
Qui sont les créanciers des jeunes endettés en Suisse ? Une étude, commanditée par M. Couchepin, il y a un peu plus d'une année, est assez claire à cet égard et montre que les créanciers des gens endettés, notamment des jeunes endettés, sont de trois catégories: les banques, les proches ou les parents, et les impôts. Il n'y a qu'un seul créancier féroce, c'est l'Etat, et vous l'avez vu à travers les auditions que vous avez faites. En effet, si mes souvenirs sont exacts, M. Levrat avait dit très clairement que le plus fort taux d'endettement était celui des gens qui devaient de l'argent aux impôts. C'est probablement la preuve que soit les gens s'arrangent mieux avec les privés, soit les créanciers privés renoncent plus facilement à leur argent au moment où ils se rendent compte de l'endettement de leurs débiteurs.
Et puis, il y a les parents. Vous m'excuserez, sans doute suis-je un peu simple, mais si, comme parents, vous prêtez à un enfant de l'argent et qu'il n'est pas capable de vous le rendre, soit vous avez mal évalué la situation, soit vous renoncez. Car imaginer qu'on reste le créancier de ses enfants, c'est un peu singulier.
Les banques, elles, semblent relativement bien le comprendre; on parle là d'endettement de petites gens, si j'ose dire - en l'occurrence de jeunes - pas d'endettements faramineux. Quand les banques acceptent un leasing et qu'il ne fonctionne pas, les poursuites qu'elles engagent ne vont pas très loin, pour le simple motif qu'elles se rendent bien compte qu'au fond elles sont largement coauteurs de la situation dans laquelle elles se retrouvent.
Ce partenariat du mandat que l'on se donne les uns aux autres, lorsque l'on se prête de l'argent - et qu'on le revoit, cas idéal; ou qu'on ne le revoit pas, cas moins idéal - c'est en quelque sorte un partenariat entre deux personnes. Et, jusqu'à preuve du contraire, à ce moment-là il ne faut pas s'en mêler. Si je vous dis cela, ce n'est pas pour combattre la proposition de motion, mais pour vous indiquer qu'on ne trouvera pas de solution si on n'analyse pas la nature des créanciers dans le phénomène de l'endettement.
De plus, cet endettement, vous l'avez dit, est parfois dû à une consommation effrénée, voire à un phénomène de mode. Il est très frappant de voir que notamment des familles assez démunies dépensent de l'argent pour que leur enfant - et là ce sont des endettements de jeunes parents - puisse avoir le même code vestimentaire - absurde ! - que les autres élèves de la classe. Et ces mêmes parents vont jusqu'à accepter de payer 400 francs pour une paire de jeans, au motif que si l'on n'a pas cette marque-là on n'a plus le code d'entrée dans la classe. Ce sont des éléments qu'on a déjà eu l'occasion d'évoquer dans ce parlement et qui sont particulièrement perturbantes - en tout cas, ces éléments me perturbent bien plus au niveau du comportement des parents que de celui des enfants.
Je conclurai en disant - et ce n'est pas par plaisir, à vrai dire, Monsieur Bertinat, que je soufflerai pour une fois dans une trompette parallèle à la vôtre - que lorsque l'on veut rétablir l'autorité de l'Etat et rendre les gens responsables, il convient de savoir donner l'exemple. Et cela, quelles que soient nos appartenances politiques, parce que nous sommes tous responsables du fait qu'en 1990 nous possédions un milliard en banque et que nous avons en 2007 une dette de 13 milliards. Je pense que charité bien ordonnée commence par soi-même, et nous, Conseil d'Etat, nous engageons très fermement à restaurer les finances publiques puis à se désendetter.
Et pour cela, nous avons besoin de votre aide, puisque vous votez les lois et les budgets, mais ça ne nous empêchera pas du tout, au demeurant, de répondre aux invites de la proposition de motion que vous allez nous renvoyer. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le Conseiller d'Etat. Je suis désolée que votre intervention n'ait pas débuté dans les règles, mais je vous signale que lorsque vous appuyez sur le bouton situé à la place de M. Moutinot, c'est son nom qui s'affiche à l'écran.
Mise aux voix, la motion 1678 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 50 oui contre 21 non et 3 abstentions.