République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 4 mai 2007 à 20h45
56e législature - 2e année - 7e session - 35e séance
M 1739
Débat
La présidente. Ce point de l'ordre du jour est classé en catégorie II, mais il a été convenu que le temps de parole serait de quatre minutes par groupe. La parole n'est pas demandée... Si ! La parole est à Mme la députée Anne-Marie von Arx-Vernon.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Il s'agit encore d'une excellente proposition de motion du parti démocrate-chrétien ! (Brouhaha.) Savez-vous, Madame la présidente, qu'il s'agit d'une proposition de motion qui est en fait un investissement pour l'avenir ? Elle permettra d'espérer un retour sur investissement en termes de gestion du personnel. Je crois que c'est une chose particulièrement intéressante pour les milieux économiques.
Aujourd'hui, Madame la présidente, nous savons qu'une politique familiale équilibrée ne concerne pas que les femmes, c'est aussi l'affaire des hommes, des maris et des pères. En proposant cette motion pour un congé paternité, nous savons que cela correspond à des besoins, des besoins dans le domaine des ressources humaines. Si de nombreuses entreprises, tel que Swiss Re, Swisscom, Migros, l'UBS ou la banque Coop, qui ne sont pas que des entreprises philanthropiques, ont décidé de laisser une place au père au moment de la naissance de l'enfant ou de son arrivée, c'est que cela correspond à un changement de mentalité et nous nous en réjouissons.
Cela correspond à un équilibre, à une conciliation des temps entre la vie de famille et la vie professionnelle que Mme Doris Leuthard a mis au point et elle a convaincu de nombreuses entreprises d'entrer dans cette logique, parce que c'est une logique qui rapporte. Elle rapporte bien sûr pour l'équilibre des familles, mais elle rapporte également pour le développement de l'économie.
Alors, nous souhaitons que notre fort modeste proposition de motion soit renvoyée à la commission des finances, puisque c'est un outil que nous souhaitons développer dans le cadre de la gestion des ressources humaines et que, très modestement, elle pourra être testée au niveau de la fonction publique. Nous pensons sincèrement que s'il s'agit peut-être d'un petit pas pour l'homme et pour le père de famille, c'est un grand pas pour l'humanité !
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je soutiens aussi ce projet de motion pour un projet de congé paternité, mais j'aimerais juste ajouter une petite chose. Suite à diverses émissions qui ont été diffusées, il n'y a pas si longtemps que cela, je vais aussi me faire l'avocat des pères, parce que j'estime que les pères ne sont pas des étrangers dans une famille ! Ils souhaitent la plupart du temps avoir des enfants autant que leur épouse et ils ne sont pas là juste pour payer les factures.
J'aimerais donc aussi qu'on en tienne compte, pour qu'ils puissent s'investir dans le rôle de père, participer à l'éducation des enfants et s'occuper d'eux. Je pense qu'un congé paternité a tout à fait lieu d'être parce qu'au jour d'aujourd'hui ce rôle n'appartient pas qu'à la mère, à mon avis. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Je soutiendrai donc le renvoi de cette proposition de motion en commission afin de trouver d'autres pistes, si cela est nécessaire.
M. Pierre Weiss (L). Madame la présidente, Mme von Arx-Vernon a qualifié elle-même cette proposition de motion d'excellente. Je crois qu'on ne parle jamais aussi bien que de ce que l'on a fait soi-même. On peut donc certainement se fier à ses propos.
Cette proposition de motion est au croisement de trois politiques. D'abord, la politique de l'emploi et de la gestion des ressources humaines au sein des entreprises, y compris l'entreprise étatique. Deuxièmement, la politique démographique sous l'angle de la collectivité, de l'Etat, dans la filiation des Etats natalistes, celui en particulier dont Mme von Arx-Vernon est originaire. Enfin, la politique de la famille. Concernant ces différentes politiques, cette proposition de motion pose un problème.
Elle pose un problème par rapport à la politique de gestion des ressources humaines, avec l'affirmation qui est faite que l'on peut, sans coût pour l'entreprise, ôter de l'entreprise un collaborateur pendant deux voire quatre semaines, avec ou sans rémunération. On fait donc l'hypothèse que deux voire quatre semaines de suppression - de soustraction - d'emploi n'accumuleraient pas un travail qui ne serait pas à répartir entre les autres collaborateurs ou on estime encore que les deux à quatre semaines de soustraction de travail n'auraient pas d'incidence sur la qualité des prestations dispensées à la population. Je pense que c'est une invite intéressante mais, déjà, ce premier point mériterait d'être étudié.
L'angle de la politique démographique est aussi un angle sous lequel cette proposition de motion vaut la peine d'être étudiée. Pourquoi ? Parce que l'on peut imaginer qu'il y ait a posteriori un effet d'incitation qui favorisera des naissances ultérieures dans les familles qui bénéficieront de ces mesures. Il est tout à fait imaginable que cela fasse partie des signes positifs permettant de développer, dans le long terme, la natalité à l'intérieur d'un pays et qu'il soit de l'intérêt de ce pays d'accroître sa population. C'est toutefois une conception de ce que j'appelle la politique nataliste, qui mérite discussion.
Enfin, il existe un troisième axe qui est celui de la politique de la famille. Il peut effectivement être prétendu - affirmé - que le partage des responsabilités dans l'éducation et l'accompagnement des enfants - notamment quand ils sont en bas âge - est favorable à leur épanouissement. Je suis prêt à entrer aussi dans cette discussion. Je relève simplement au passage qu'alors que la femme est obligée de prendre son congé maternité dans les semaines qui suivent directement la naissance, une latitude est proposée pour permettre de placer librement le moment du congé paternité dans les deux ans suivant la naissance. Donc, il y a un problème global de cohérence. Compte tenu de cette appréciation de cohérence que l'on peut considérer comme manifeste ou au contraire à démontrer, il nous semble qu'il est à ce stade aventureux de vouloir de but en blanc demander à l'Etat employeur deux voire quatre semaines à ses collaborateurs.
La présidente. Il va falloir conclure !
M. Pierre Weiss. Je vais conclure... De même, du point de vue des recettes fiscales - je vois les oreilles de M. Hiler frissonner - il est aventureux d'offrir aux entreprises la possibilité de déduire la taxe professionnelle. Pensons en particulier à ce que pourraient dire les communes dont le parti démocrate-chrétien est à juste titre si proche.
La présidente. Il faut conclure !
M. Pierre Weiss. C'est la raison pour laquelle, pensant dans l'intérêt même du parti démocrate-chrétien, le parti libéral ne pourra soutenir cette proposition de motion.
M. Damien Sidler (Ve). Pour les Verts, le parti démocrate-chrétien soulève une question extrêmement importante. Malheureusement, il apporte des propositions de solutions qui ne nous semblent pas parfaitement adéquates.
Que demande cette proposition de motion ? D'offrir un congé paternité: là-dessus, nous pouvons tout à fait entrer en matière, c'est même notre souhait. Seulement, nous sommes favorables à un congé paternité que le père devrait prendre directement à la naissance. M. Weiss a relevé cette incohérence dans cette proposition de motion. Nous ne souhaitons pas que ce congé paternité puisse être pris en fonction d'opportunités que le père aurait pour prolonger éventuellement des vacances.
Les Verts vous proposeront dans les prochains mois de revenir sur le projet de loi du congé parental qui est actuellement, sauf erreur, à la commission sociale et qui est figé depuis quelques temps avec des amendements. Si le congé paternité doit être pris à la naissance, le congé parental fait le lien entre la naissance de l'enfant et son entrée à l'école obligatoire. Il faut faire une place aux pères, une place très importante, pour éviter que les mères ne se retrouvent contraintes de rester à la maison pour s'occuper des enfants alors que les pères vont travailler. Aujourd'hui, malheureusement, c'est souvent comme ça. Ce sont les moeurs actuelles de notre société et ce n'est plus souhaitable. A terme, il faut faire une place au père à la maison et permettre aux jeunes mères de ne pas avoir à se sacrifier, leur permettre de travailler au moment où elles débutent leur carrière. Ce n'est pas à ce moment-là qu'il faut qu'elles laissent tomber leur travail.
Vous avez parlé d'allègements fiscaux pour des entreprises. Là aussi, nous pensons que ça pourrait éventuellement être un bon outil pour le congé parental. Par contre, pour les quelques semaines que représentent le congé paternité, nous pensons que ce n'est pas forcément nécessaire.
Dans votre exposé des motifs, vous évoquez les naissances multiples. Nous relevons cependant un problème dans le texte même de la proposition de motion: des parents qui ont un enfant ont droit à deux semaines de congé et, d'après votre projet, des parents qui auraient des jumeaux ou des triplés ont aussi droit à deux semaines. Pourtant, on sait tous que la charge de travail est forcément doublée ou triplée lors d'une naissance multiple. Je pense qu'il faudra travailler là-dessus pour que les parents de jumeaux ou de triplés obtiennent un congé paternité un peu plus long.
Les Verts vous invitent donc à renvoyer cette proposition à la commission des finances pour étudier cela en détail.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Vous allez entendre la partie humaniste mais réaliste du parti radical; vous en entendrez une autre après, je vous préviens. (Rires et Applaudissements.) Mesdames et Messieurs les députés, un article récent de la revue française «Population et société» - une revue très sérieuse de l'Institut national d'études démographiques - est intitulé «Vie professionnelle et naissance: la charge de la conciliation repose essentiellement sur les femmes». C'est une évidence qu'il est parfois nécessaire de rappeler ! En effet, dans cette étude, il est relevé que les changements dans la situation professionnelle des parents, lors d'une naissance, ne touchent que 6% des pères.
Cette proposition de motion, dans une vision prospective, a pour ambition d'inviter le Conseil d'Etat à faire un exemple en accordant à ses collaborateurs un congé de paternité de deux semaines afin de faciliter son adoption par les entreprises privées en accordant - si cela est possible - des allègements fiscaux. C'est un voeu ambitieux, mais peut-être envisageable au regard de la diminution de l'absentéisme des pères pour cause de service militaire. Que sont dix jours d'absence au travail pendant les deux premières années de la vie d'un enfant ? Cela évitera qu'il y ait trop d'absentéisme féminin dans les entreprises. N'est-ce pas aussi important pour les carrières des femmes ? Toutefois, soyons bien sûr réalistes, tout cela a un coût et le parti radical - en tout cas dans sa version humaniste - propose d'envoyer ce projet de motion à la commission des finances. (Applaudissements.)
M. François Thion (S). Je crois que le parti socialiste est un groupe qui est humaniste dans son ensemble; je vais essayer d'être son porte-parole. D'abord, en termes de politique familiale, la présence du père, au moment de la naissance d'un enfant, je crois que c'est vraiment exceptionnel. C'est vraiment superbe, c'est un moment qu'il faut partager avec la mère de l'enfant, qu'il faut partager aussi dans les tout premiers jours avec l'enfant. Et ces cinq jours qui sont donnés dans la fonction publique actuellement sont très appréciables mais nettement insuffisants. Nous sommes donc contents que vous proposiez en fait de doubler la durée de ce congé; cela ferait donc deux semaines au total.
Maintenant, vous donnez dans votre exposé des motifs des exemples étrangers. C'est intéressant, parce que c'est vrai qu'il y a une situation qui est assez grave en Suisse: on n'a plus, à peu près, et en moyenne, qu'environ 1,4 enfant par femme, ce qui est nettement insuffisant. Cela signifie non seulement que la population va vieillir, mais aussi qu'à long terme, d'ici à quelques décennies, la population va diminuer, surtout avec l'actuelle politique d'accueil des étrangers: les frontières sont presque complètement fermées. Il faut donc faire un effort du point de vue de la politique familiale, du point de vue de la politique nataliste. Je pense que le congé paternité est une bonne chose.
Il faut aussi ne pas oublier de développer considérablement les crèches. Je crois aussi qu'il y a des efforts à faire au niveau des allocations familiales, qui sont encore nettement insuffisantes. En additionnant toutes ces mesures, on peut arriver à un taux moyen d'enfants par femme bien supérieur, comme dans certains pays nordiques où le congé parental peut aller jusqu'à un an à partager entre la mère et le père. De ce côté là, la France est aussi un exemple, puisqu'elle arrive à 1,9 enfant par femme.
Cependant, j'ai un tout petit souci avec cette proposition de motion puisqu'en ce qui concerne la fonction publique on nous dit que les gens ne seront pas remplacés. Je ne sais pas ce que ça va donner, par exemple avec les enseignants qui font partie de la fonction publique. Il faudra bien trouver des remplaçants, sinon on laissera des élèves à la rue. Deuxième chose, si les fonctionnaires ne sont pas remplacés, cela veut dire qu'il faudra à un moment donné qu'ils rattrapent le travail qui n'aura pas été fait. Cela veut dire qu'ils feront des heures supplémentaires et abandonneront leurs familles pendant de longues soirées pour rattraper les heures qu'ils auront perdues. Là aussi, je crois qu'il y a un problème avec cette proposition de motion. Il faudra trouver une solution et nous proposons aussi de renvoyer cette proposition de motion à la commission des finances.
M. Gilbert Catelain (UDC). Cette proposition de motion, humaniste au fond, pose de graves problèmes d'application qui ne sont pas simples à résoudre. Je conviens avec ses auteurs que le devoir des pères doit être accru. La plupart d'entre eux souhaitent d'ailleurs s'investir davantage dans leur fonction de père. Il n'est effectivement pas du tout évident, pour certains en tout cas, de le faire. Cela n'a d'ailleurs pas forcément de lien avec le taux de natalité d'un pays à l'autre.
Au sein de l'UDC, ce qui nous dérange le plus dans cette proposition de motion, c'est d'abord qu'elle est inique. Elle introduit une inégalité de traitement non seulement entre salariés du secteur privé et du secteur public, mais aussi entre salariés du secteur public puisqu'une collaboratrice du secteur public dont le père des enfants travaillerait dans le secteur privé n'aurait pas droit à ce congé paternité et qu'au contraire un collaborateur du secteur public mâle aurait droit à ce congé maternité, même si sa femme est dans le secteur privé. Donc, on a un grand problème d'égalité de traitement qui n'est pas gérable.
Il aurait à la rigueur été préférable de faire l'inverse, de demander au secteur privé de voir si ce projet serait effectivement réalisable et à quel coût. On aurait effectivement obtenu une incidence économique, mais il est beaucoup plus facile de dire qu'on va d'abord le faire à l'Etat. La troisième invite nous demande simplement d'étudier sa faisabilité dans le secteur privé, alors qu'on sait pertinemment le peu de chances d'y parvenir. On maintient donc une inégalité de traitement entre deux catégories de travailleurs.
Etre père ou mère, je dirais que c'est une forme de sacerdoce. C'est d'abord un engagement personnel. C'est un engagement personnel, c'est un choix de vie. Oui, c'est un choix de vie ! Et, effectivement, on ne peut pas forcément demander à la société de tout payer. La société doit effectivement aménager le temps de travail, c'est pour cela qu'on peut très bien être d'accord avec la deuxième invite de la proposition de motion. Je rappelle que la société a décidé d'accorder le congé maternité de 14 ou 16 semaines. En tout cas, à Genève, ce congé est de 16 semaines, donc deux semaines de plus qu'ailleurs.
Par contre, on pourrait très bien imaginer qu'on se tienne déjà au congé non rémunéré dans ce cadre-là, puisque Genève en fait déjà plus que les autres cantons en matière de politique familiale. Ce qui résoudrait pas mal de problèmes dans la fonction publique et en particulier les problèmes de remplacement qui ont été évoqués. J'ajoute qu'au sein même de la fonction publique, il n'est pas nécessaire d'accorder deux semaines, pour autant qu'on veuille les accorder à l'ensemble du personnel de la fonction publique, puisque certains collaborateurs de cette fonction publique ont déjà 20 semaines de congé par année et que pour ces collaborateurs-là, il n'est pas forcément nécessaire d'en ajouter deux voire quatre autres au cas où ils décideraient de prendre deux semaines de congé non payé.
Sur le fond, on peut aussi se poser la question de l'incidence des politiques publiques familiales sur le taux de natalité. Ça, ça mériterait un vrai débat en commission: ce qui est vrai pour la Finlande n'est pas forcément vrai pour la Suisse, ce qui est vrai pour la France n'est pas forcément vrai pour la Suisse et ce qui est vrai pour la France n'est pas du tout vrai pour toutes les catégories sociales de la France, puisqu'on sait que le taux de natalité en France varie du simple au double selon la communauté d'origine des personnes, avec la même politique familiale.
En résumé, le groupe UDC ne soutiendra pas cette proposition de motion, il ne soutient même pas son renvoi en commission et il demande à ses auteurs de reformuler une proposition de motion peut-être moins ambitieuse mais plus pragmatique.
La présidente. La parole est à M. Roger Deneys à qui il reste 1 minute et 21 secondes.
M. Roger Deneys (S). J'aimerais, sans reprendre tous les propos de l'UDC, relever le fait qu'avec vos théories sur la famille et les enfants qui sont un libre choix, avec les contraintes économiques que nous connaissons, vous risquez d'avoir encore plus de gens inféconds et aisés ! (Rires.) Il me semble que ce n'est pas tout à fait ce que vous souhaitez, il y a donc un petit problème, là ! Monsieur Weiss, j'aimerais dire que ce n'est pas étonnant que le groupe libéral disparaisse des villes pour se retrouver dans des campagnes de plus en plus reculées et de plus en plus protégées par des barbelés, parce que vous ignorez fondamentalement la réalité socio-économique des gens. Parce qu'on ne peut pas tourner, si on a envie de constituer une famille avec des enfants et qu'on n'a pas des solutions pour s'en occuper, ne serait-ce que pour cela, indépendamment même des liens que l'on peut créer parce qu'on a un congé. Rien que pour cela il faut que les deux conjoints puissent s'occuper des enfants. En plus, comme vous soutenez l'éducation, que vous voulez que l'on s'occupe bien des enfants, c'est extrêmement important. Je voudrais quand même rappeler que la Suisse n'est pas un pays pauvre, c'est un des pays les plus riches du monde ! Ça marche dans d'autres pays, vous n'allez pas me dire que la Suisse ne peut pas se payer un congé paternité: c'est juste complètement aberrant ! C'est une question de priorité, effectivement. Pour vous il est prioritaire de mettre partout des policiers, des militaires, de faire des dépenses militaires importantes...
La présidente. Il va falloir conclure !
M. Roger Deneys. La Suisse n'aurait pas les moyens d'instaurer un congé paternité ? C'est totalement ridicule ! Une fois de plus, la Suisse est totalement ringarde en ne faisant pas ce pas ! Nous soutenons cette proposition de motion. (Applaudissements.)
La présidente. La parole est à M. le député Pierre Kunz à qui il reste 2 minutes et 12 secondes.
M. Pierre Kunz (R). Chers collègues, vous avez entendu tout à l'heure une version radicale charitable et humanitariste. Vous allez maintenant entendre la version humaniste d'un père et d'un grand-père. Une version qui est aussi celle des radicaux qui, en matière familiale, font confiance - eux - aux institutions existantes d'abord et aux familles - aux pères et aux mères de familles.
Pour commencer, le PDC, les Verts, les socialistes, ont-ils déjà interrogé la population sur cette question ? Où sont les chiffres ? Où sont les chiffres ! (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion constitue une nouvelle manifestation d'un certain état d'esprit, celui qui a déjà conduit Genève à la ruine partielle de son capital social. (Brouhaha.) Ecoutez ce que je dis, je vous parle du capital social de notre république, celui qui a déjà conduit les Genevois à perdre une partie de leurs repères moraux et familiaux, à perdre une partie de leurs valeurs. Celui qui de surcroît a poussé nos finances dans le rouge vif et qui, par-dessus le marché, a conduit les entreprises dans des difficultés inutiles, surtout les petites entreprises que certains ici ne manquent jamais une occasion de défendre, prétendument.
Cet état d'esprit, Mesdames, Messieurs, c'est celui du «toujours plus», du «jamais assez» ! Celui qui consiste à distribuer sans compter l'argent qu'on va piquer dans la poche des autres. Eh bien, Mesdames et Messieurs, les radicaux humanistes, ceux qui font confiance aux humains, refuseront cette proposition de motion. Et si par mégarde ce Grand Conseil devait l'envoyer en commission, eh bien c'est la vision des humanistes que les radicaux défendront.
Une voix. Bravo !
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Vous savez, je crois qu'il est quand même important de remettre les choses à leur juste place. Notre proposition de motion est profondément réaliste et ancrée dans la réalité du terrain et des entrepreneurs. Contrairement au parti libéral, le parti démocrate-chrétien fait confiance aux entrepreneurs, il fait confiance à l'économie puisque Swiss Re, UBS, Swisscom - je le redis - ont déjà mis en place ces mesures parce qu'ils se sont rendu compte que cela renforçait la motivation du collaborateur, que cela renforçait la loyauté du collaborateur et que cela faisait diminuer de façon tout à fait mesurée l'absentéisme.
Je crois donc que nous avons là quelque chose de totalement équilibré dans cette proposition de motion alors qu'elle est extrêmement modeste. Madame la présidente, vous savez, ça m'amuse toujours d'entendre des personnes autorisées, qui vont trouver extrêmement dommageable qu'un collaborateur manque peut-être pendant deux fois cinq jours, deux semaines. Mais que le même s'absente pendant trois ou cinq semaines pour le service militaire, ça ne dérange personne ! (Vifs applaudissements des socialistes et des Verts.) Les entreprises ne sont pas dérangées par cela ! C'est simple, Madame la présidente, je propose quelque chose qui rapportera beaucoup plus aux entreprises parce que les faits, c'est que les pères ne manqueront que deux semaines ! (Brouhaha.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Nous avons ici en réalité deux dossiers. Le dossier sous-jacent, qui a été évoqué par certains, est celui d'un véritable congé parental, tel que le connaissent un certain nombre de pays. Congé parental dont je tiens à dire qu'il doit forcément être applicable à l'ensemble de la société. On ne pourrait pas imaginer que les uns aient, en fonction de leur employeur, quatre voire six mois de congé, comme cela existe dans certains pays, et d'autres rien ! Vous devrez aussi aborder ce sujet, puisqu'à ma connaissance il y a un projet de loi toujours pendant concernant le congé parental. Je l'avais sauf erreur signé et je n'ai pas particulièrement changé d'avis à ce propos.
C'est une des problématiques, l'autre problématique qui est mise sur la table par la motion se pose en termes de politique des ressources humaines. L'Etat doit-il emboîter le pas à certaines entreprises privées et accorder le même nombre de jours de congé aux pères que ce qu'octroient ces entreprises à leurs employés ? Il est intéressant de constater que dans la liste que vous, motionnaires, avez fournie, on trouve Swisscom et on trouve Migros. Comme il m'arrive tout de même de regarder la télévision, je crois me rappeler que ce sont les deux entreprises qui ont gagné le prix de la meilleure entreprise suisse décerné par le public suisse romand au suffrage exprimé par «sms». De tête, c'est Swisscom qui a été désignée, devant la Migros. Donc, je crois qu'il serait extrêmement intéressant qu'on étudie cette question, assez rapidement si possible, d'abord en auditionnant les responsables de ces entreprises pour qu'ils nous communiquent leurs résultats. Pour le reste, il serait non moins intéressant que nous réfléchissions en tenant compte du dispositif que nous connaissons déjà, parce qu'il en existe tout de même un.
Pour le reste, on a bien sûr parlé des militaires. On peut aussi évoquer le Plan d'encouragement aux départs anticipés (PLEND) tel qu'il est prévu actuellement, qui propose aux employés de 55 ans de se retirer le plus vite possible et bloque ensuite la réattribution du poste libéré pendant six mois. Cela résoudrait le problème du financement mais ce n'est peut-être pas non plus une utilisation complètement rationnelle des deniers publics. De ce point de vue, la présente demande est très raisonnable et apparaît comme nettement moins désorganisatrice que toute une série de systèmes que nous avons déjà.
C'est la raison pour laquelle nous pouvons faire bon accueil à cette proposition. A condition qu'elle s'inscrive clairement dans une politique de ressources humaines et que l'on considère aussi qu'il s'agit là de compensations du fait que dans certains secteurs - commerciaux et financiers notamment - la rémunération de nos cadres n'est plus égale à celle octroyée dans les secteurs pilotes de l'économie, comme vous le savez.
Reste la question des allègements fiscaux. Je vous le dis en toute franchise, Madame von Arx-Vernon, s'il faut faire des allègements fiscaux, je ne crois pas qu'il faut accorder ces allègements aux entreprises mais aux familles. Je ne crois pas que vous obtiendrez un effet de levier efficace. Les entreprises que vous avez citées ont réfléchi: elles ont une politique de ressources humaines - nous savons tous ici qu'elles ont bien des années d'avance sur notre politique de ressources humaines et elles ne l'ont pas fait pour obtenir tel ou tel avantage fiscal. Nous allons devoir, Madame von Arx-Vernon, vous le savez, discuter assez longuement de fiscalité au sujet des familles, ces prochains temps. Honnêtement, si la situation de notre Etat le permet, ce que je souhaite à l'avenir, c'est de favoriser les familles vivant en milieu urbain avec plus d'un enfant. On sait que les familles avec deux enfants peuvent facilement se retrouver dans une situation financière inconfortable, même avec un bon revenu. Ça, c'est un phénomène qui est documenté - je le dis pour M. Kunz. Des études du Crédit suisse qui ne concernent pas seulement Genève mais aussi Zürich en attestent.
Donc, ces questions nous devrons les poser. Nous devrons les poser parce qu'il est vrai qu'à l'avenir les enfants risquent de ne pas être très nombreux dans notre ville. Je vous rappelle également qu'aujourd'hui le marché du travail n'est plus, pour l'essentiel, «garni» - si je puis m'exprimer ainsi - par des migrants et des jeunes migrants qui, à terme, font des enfants. Le marché du travail est plutôt alimenté par des gens qui habitent hors de notre territoire, de sorte que le nombre de naissances a bel et bien tendance à diminuer depuis quelques années. La question est extrêmement sérieuse. Vous n'avez pas l'ambition de la résoudre, mais c'est un pas en avant, comme il y a déjà eu d'autres pas en avant. C'est pour cette raison que nous essaierons de convaincre les motionnaires que le Conseil d'Etat pourrait leur emboîter le pas sur ces questions de congés, vraisemblablement dans le cadre d'une révision d'ensemble de la politique des ressources humaines.
Toutefois, en ce qui concerne les allègements fiscaux, il faudrait que l'Etat renonce à tant de ressources pour obtenir un effet de levier dont on peut raisonnablement se demander s'il n'aurait pas des répercussions négatives dans d'autres secteurs tels que l'éducation qui, ma foi, doit aussi être financée. De ceci nous discuterons en commission et le Conseil d'Etat est heureux qu'un débat puisse continuer à s'engager sur ces intéressantes questions de société par le biais de ces projets, qu'ils soient fiscaux, du domaine des ressources humaines ou plus globaux, comme c'est le cas du congé parental.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1739 à la commission des finances est adopté par 42 oui contre 32 non et 1 abstention. (Applaudissements.)