République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1698
Proposition de motion de Mmes et MM. Anne-Marie von Arx-Vernon, Guy Mettan, Pascal Pétroz, Béatrice Hirsch-Aellen, Mario Cavaleri visant à identifier les bénéficiaires d'indemnité ou d'aide financière qui auraient thésaurisé à l'excès

Débat

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Tout à l'heure, il était question de l'ICF. Voici maintenant une raison tout à fait évidente de parler des rapports de l'ICF. Pour le parti démocrate-chrétien, il a été très important de valoriser le travail fait depuis de nombreuses années par l'inspection cantonale des finances. De manière réitérée, celle-ci a rendu le Conseil d'Etat attentif à des problèmes de thésaurisation qui pouvaient dans certains cas paraître abusives et qui, de toute façon, n'étaient plus légales. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Je connais bien les associations, Madame la présidente; beaucoup d'entre nous ici les connaissent bien. Traditionnellement, on le sait, elles se battent pour continuer leur travail, elles se battent pour bénéficier de subventions bien ciblées et surtout, ces entités subventionnées se battent pour rester crédibles.

Et pour rester crédibles, il faudra peut-être qu'elles osent revoir certains fonctionnements qui ne peuvent plus aujourd'hui simplement être basés sur la tradition. Elles devront appliquer une certaine rigueur pour vérifier qu'il n'y a pas de thésaurisation, qui sont en fait des subventions non utilisées pour venir en aide en cas de mauvaise année. Eh bien, nous ne pouvons plus travailler ainsi. Dans certains cas, il est important de pouvoir annoncer une thésaurisation; il est important d'être en mesure de la rembourser, tout simplement parce que c'est la loi qui le demande. C'est d'autant plus important que, dans certains cas, cet argent - qui est notre argent - n'est pas rémunéré. Il n'est absolument pas juste que de l'argent dorme dans les comptes d'institutions subventionnées alors que le Conseil d'Etat doit dépenser un million de francs par jour pour payer les intérêts de la dette !

Notre proposition de motion a donc pour but de mettre au jour ce qu'il y aurait lieu d'éclaircir. Elle participe également à la volonté d'assainissement des finances publiques. Il n'y a pas de tabou et nous vous invitons à renvoyer cette proposition de motion à la commission des finances pour qu'elle y soit étudiée avec le plus grand soin.

M. Pierre Weiss (L). Madame la présidente, vous me permettrez de ne pas intervenir sur la proposition de motion, mais sur une question qui pourrait permettre au Bureau de notre Grand Conseil de prendre une nouvelle décision forte, après celle qu'il a prise concernant la fumée.

Ce soir, dans cette salle, Madame la présidente, pour ceux qui n'auraient pas encore dîné, la tentation de se rendre dans un café proche est forte. Toutefois, pour ceux qui ont déjà eu cette possibilité, il y a des odeurs qui représentent la fin des haricots ! (Rires.)

Madame la présidente, je vous prie, après l'interdiction de la fumée, l'interdiction des cigares et l'interdiction probable des plaisanteries douteuses, de décréter l'interdiction des odeurs proprement insupportables au poulailler de ce Grand Conseil où nous siégeons. Je parle des gradins, ici ! Peut-être que de votre côté tout va bien ? Prenez des mesures, nous vous suivrons !

La présidente. Monsieur le député, vous n'êtes pas le seul à bénéficier de ces relents de cuisine. Le Bureau traitera ce sujet important en urgence. La parole est à M. le député Edouard Cuendet.

M. Edouard Cuendet (L). Je dois dire que c'est avec une certaine émotion, voire avec une émotion certaine, que je serai appelé à soutenir l'appel à la rigueur que vient de lancer Mme Anne-Marie von Arx-Vernon, qui n'est pas un acte anodin. Je dois donc dire que je suis ému.

La thésaurisation est un véritable problème auquel la commission des finances est confrontée de manière régulière et certains nous disent que la commission des finances ne devrait au fond pas lutter contre cette problématique, au nom de l'autonomie dont jouiraient les entités qui bénéficient d'un subventionnement étatique. Là, je m'inscris en faux contre cet argument, parce qu'une entité qui par hypothèse est subventionnée à 100% doit respecter les règles légales et ne peut pas se prévaloir de son autonomie pour rester assise de manière illégitime sur un tas d'or. Là où certaines entités subventionnées dépassent les limites, c'est que certaines d'entre elles, pour refuser de restituer l'argent thésaurisé, ont même demandé des avis de droit pour s'opposer à l'Etat, mordant ainsi la main qui leur donne à manger ! Je trouve cela particulièrement déplaisant et je m'étonne que l'argent des contribuables soit utilisé par des entités subventionnées pour financer des avis de droit à l'encontre de l'Etat !

Cela étant dit, pour rassurer aussi les personnes qui se préoccupent de l'autonomie d'action des entités subventionnées, la motion PDC a l'avantage de préciser que seule la thésaurisation à l'excès doit être combattue. Je partage ce point de vue, parce que le but n'est pas d'étrangler financièrement les entités subventionnées. Elles ont forcément besoin d'un petit volet de financement, ne serait-ce que pour assumer leurs charges courantes. Les thésaurisations qui doivent être combattues, ce sont les millions que certaines institutions ont accumulé à travers les années. En toute bonne logique, ces montants doivent revenir à l'Etat. C'est pour cela que je rejoins Mme von Arx-Vernon en demandant le renvoi de cette motion à la commission des finances.

M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts partagent aussi le souci d'éviter des thésaurisations excessives, en accord avec la loi sur les indemnités et les aides financières (LIAF). J'aurais bien un petit différent avec M. Cuendet sur un ou deux aspects, mais je pense qu'il s'agit de choses dont nous pourrons débattre en commission. Il est toujours difficile aujourd'hui, avec cette nouvelle application de la LIAF, de savoir si, lorsqu'une entité fait un effort en organisant un gala ou autre chose, cet effort est fait au service de l'Etat ou au service de l'entité qui est défendue. Nous aurons à ce sujet, je pense, quelques échanges qui serviront à préciser le mode de fonctionnement de ces entités, à définir ce qu'est une thésaurisation et quand est-ce qu'elle est excessive. Nous avons des partenaires dans différentes institutions qui s'inquiètent très fortement aujourd'hui. Ils ont laissé des sommes conséquentes dans des institutions en voulant les soutenir et ils ont aujourd'hui simplement l'impression que le Grand Conseil tente de piquer l'argent qu'ils ont donné à ces institutions.

C'est ce sentiment qu'il faut que nous évitions de répandre dans la population. Cette proposition de motion mérite d'être étudiée sérieusement car elle pose un réel problème. Il faut d'un côté que nous évitions les thésaurisations et de l'autre que nous laissions une marge entrepreneuriale suffisante aux diverses fondations et associations pour qu'elles puissent continuer d'aller chercher des fonds publics pour leur bénéfice. Je pense que nous verrons tout cela en commission et les Verts soutiennent donc le renvoi en commission.

M. Pierre Kunz (R). On ne peut pas dire que cette proposition de motion soit d'une utilité extrême, puisque la LIAF prévoit déjà ce qui nous est demandé ici. Mais enfin, cela dit, la problématique posée est extrêmement délicate. Le traitement de l'interdiction de la thésaurisation est fondamentalement juste et nécessaire, surtout au vu des difficultés que nous rencontrons, mais le problème est que là où elle existe, la thésaurisation s'inscrit parfois dans une gestion parfaitement raisonnable et parfaitement honnête à l'égard de l'Etat.

Le problème est aussi que certaines associations reçoivent des dons, affectés ou non, qu'elles gèrent en toute transparence et dans le cadre du contrat de prestations ou des lois qui régissent leur activité.

Donc, oui à l'idée de la lutte contre la thésaurisation excessive et oui aussi à l'envoi en commission ! Les radicaux soutiendront ce renvoi en commission parce qu'ils entendent y apporter une interprétation nuancée des solutions qui sont possibles parce que manifestement, je l'ai déjà dit, c'est une situation extrêmement délicate que nous abordons ici et elle méritera que nous la traitions avec nuance.

M. Alberto Velasco (S). Effectivement, comme l'a déclaré mon collègue Kunz, aujourd'hui la loi prévoit déjà que toutes les entités subventionnées ne doivent pas thésauriser. En plus, la loi indique que dans certains cas, par exemple pour l'Hôpital et d'autres entités, celles-ci ont le droit de conserver les montants non utilisés pendant quatre années. Au-delà, elles sont obligées de restituer ces montants à l'Etat. J'ai participé à des bouclements de périodes de quatre ans au département de l'économie et de la santé où des retours à la caisse de l'Etat sont effectivement survenus.

Ce que je veux dire par là, c'est qu'aujourd'hui cela se fait déjà normalement. Il y a juste eu un problème de thésaurisation à l'Hôpital pendant les grands travaux en raison du système propre aux avances pour les grands travaux qui permettait à l'Hôpital de thésauriser.

En réalité, ce qui me gêne dans cette proposition de motion, Madame von Arx-Vernon, c'est que ce n'est pas aux grandes entités de l'Etat comme l'Hôpital cantonal qu'elle s'adresse. Celles-ci sont facilement contrôlables. Elle s'adresse aux petites associations et il est malheureusement vrai que celles-ci thésaurisent. Toutefois, j'ai constaté en faisant un petit calcul qu'elles ont parfois besoin d'avoir un fonds de roulement pour six mois pour les salaires, parce que les subventions de l'Etat sont parfois en retard, pour diverses raisons. Donc, vouloir appliquer avec une extrême rigueur ce que vous demandez là risque justement de pénaliser les petites associations que vous défendez d'ailleurs. Je sais que vous les défendez et que vous êtes proche d'elles.

En ce qui nous concerne, nous n'allons pas nous opposer au renvoi de cette proposition de motion à la commission des finances, mais je vous dis d'ores et déjà qu'aujourd'hui la régulation de la thésaurisation existe et il faudra faire attention que cette motion ne s'applique pas aux petites associations de manière discriminatoire.

La présidente. La parole est à Mme la députée Schneider Hausser à qui il reste une minute.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Madame la présidente, ce sera rapide. Comme nous nous orientons vers un renvoi en commission, j'aimerais juste rappeler que dans plusieurs services de l'Etat on parle des normes comptables IPSAS (International Public Sector Accounting Standards) qui sont le petit frère des normes IAS (International Accounting Standards). Ces normes comptables parlent de dépenses engagées, pas uniquement de dépenses effectives.

Je crois que les petites associations ont besoin de cette différence. Quand on a un ou plusieurs employés et des salaires à payer, il faut effectivement pouvoir thésauriser. Non pas à l'excès, mais juste avoir une réserve qui permette de répondre à l'engagement qu'on a par rapport aux salariés, c'est-à-dire soit le temps de dédite soit le temps nécessaire au paiement de salaires corrects aux gens qu'on engage.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Permettez-moi juste de rassurer M. Velasco. Ce ne sont pas de petites associations qui sont évoquées quand l'ICF parle de dizaines de millions de francs qui pourraient être exigibles. Il est évident qu'il faut être souple pour les petites associations. Vous savez, Monsieur Velasco, que je serai toujours attentive à ce qu'il y ait cette souplesse et ce respect pour les petites associations !

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Oui, Mesdames et Messieurs les députés, comme beaucoup d'orateurs et d'oratrices, je souhaiterais en effet que nous arrivions à une solution qui permette d'éviter des abus mais aussi qu'on puisse faire montre de la souplesse nécessaire tant pour la gestion des petites associations que pour celle d'autres entités nettement plus imposantes.

Au niveau du règlement d'application de la LIAF, que nous aurons l'occasion de présenter sur ce point précis lors des séances en commission, dans quelle direction sommes-nous partis ? D'abord, nous avons estimé que, pour les petites associations, il était évident qu'il convenait de leur laisser une trésorerie permettant de couvrir un certain nombre de mois. Je ne me rappelle plus si le groupe des référents a opté pour deux ou trois mois. Il serait effectivement impossible pour l'Etat de s'imaginer financer le 2 janvier l'ensemble des associations de façon catégorique, au vu du réseau très abondant des associations, de sorte que celles-ci n'aient aucun souci de trésorerie pour payer les salaires. Ce ne serait par ailleurs pas une solution très rationnelle que de forcer les associations à emprunter à un taux situé entre 8% et 11%. Je peux vous assurer que nous avons été attentifs à la situation des petites associations.

Nous devrons aussi être attentifs au statut des fondations - cela je le dis un peu pour M. Cuendet - notamment afin de ne pas mettre dans le même panier les fonds thésaurisés et les fonds propres des fondations ! Oui, c'est un peu ce qui s'est passé dans l'exemple que vous avez donné puisqu'outre le fait que les fondations ont demandé des avis de droit, le service de surveillance des fondations que garantit une loi fédérale s'est également opposé à la restitution. Ce qui montre que les choses peuvent parfois être un tout petit peu plus compliquées.

Il y a aussi la question des très grandes institutions, l'Hôpital, par exemple, pour lequel des règles avaient été fixées. L'une d'entre elles - il s'agit de règles non dites - était que l'on soldait les comptes à peu près tous les quatre ans. Or, en réalité, selon le Conseil d'Etat, ceci devra être traité un peu différemment. Il faudrait traiter ces comptes par le biais du «cash pulling» (mode de virements internes) et avec la mise en place du projet de caisse centralisée parce que, en fin de compte, peu importe que l'Hôpital ait à certains moments une trésorerie un peu plus importante que celle nécessaire, et ce y compris au 31 décembre. Bien sûr, on ne contrôle pas parfaitement ce qui entre et ce qui sort pour tomber pile-poil sur un chiffre. Au fond, cela importe peu, si les excédents qui se trouvent à un moment sur un compte compensent des insuffisances dans d'autres comptes de l'Etat: c'est le principe du «cash pulling».

Nous avançons sur ce projet, avec la signature d'une première convention, notamment avec l'Hôpital qui a une trésorerie très importante, mais j'ai vraiment entendu avec plaisir que chacun cherchait une solution qui évitera que l'Etat et derrière lui le contribuable se fassent gruger. Il s'agit d'autre part de ne pas imposer des règles qui aillent au-delà de ce qui est nécessaire et qui paralysent ou renchérissent l'action de certaines structures. Donc, je compte sur ce parlement et sur la sagace commission des finances pour raison garder. Vous aurez l'occasion de vous exprimer sur le règlement d'application pour faire des suggestions et, le cas échéant, de les formaliser dans un projet définitif de motion peut-être un peu plus précis que celui-ci, si vous entendez d'une façon ou d'une autre influer quelque peu sur les règles que le Conseil d'Etat a déjà définies et qui figurent dans le règlement d'application de la LIAF.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1698 à la commission des finances est adopté par 52 oui (unanimité des votants).