République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 février 2007 à 20h30
56e législature - 2e année - 5e session - 25e séance
M 1701
Débat
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Cette motion parle de réinsertion pour les personnes à l'assistance sociale et pour les personnes précarisées. Nous, membres du parti socialiste, trouvons ça très bien ! Ce qui est pourtant étonnant, c'est que cette motion émane des partis de droite. On parle de réinsertion pour des gens que l'on pourrait pourtant réinsérer dans des activités relativement proches d'un plein emploi ou d'un emploi normal. On pourrait se dire qu'il s'agit de personnes qui pourraient être à même de travailler normalement par rapport au marché de l'emploi. Cela montre bien que le marché de la libre concurrence ne propose pas toutes les possibilités d'emplois qui devraient être offertes. Cela montre aussi que les personnes qui sont au chômage, en fin de droit, ou à l'assistance pourraient trouver assez rapidement un emploi si les entreprises privées était tenues d'offrir des postes que l'on pourrait qualifier de précaires ou ne nécessitant pas une formation poussée.
Ce rôle n'est malheureusement pas tenu pour l'instant, vu le tissu économique de Genève, mais cela démontre aussi que nous avons besoin de structures d'accompagnement à l'emploi pour un certain nombre de personnes. Cela prouve l'importance du tissu associatif que souvent la même droite refuse de reconnaître.
Toutefois, il y a effectivement un troisième groupe de personnes qui ne peuvent être insérées ou réinsérées, et ces dernières ont droit à une assistance. Elles ont droit à un encadrement, à un soutien, à un suivi.
En conclusion, le groupe socialiste soutiendra la demande de renvoi de cette motion à la commission de l'économie.
M. Eric Stauffer (MCG). On doit ne s'exprimer que sur le renvoi en commission, si j'ai bien compris ? (Commentaires.) Oui, j'ai bien suivi ! Voilà. Le renvoi en commission: non ! Le texte: non ! Et je vais vous expliquer pourquoi !
Des voix. Ah !
M. Eric Stauffer. Pour la simple et bonne raison que c'est comme les mesures cantonales: vous fabriquez les esclaves du XXIe siècle en les sous-payant. Parce que les mesures cantonales, c'était ça ! Et vous voulez recommencer maintenant que les mesures cantonales ont été abolies, faire une société fictive pour créer et attribuer des emplois fictifs.
Vous voulez vraiment aider les travailleurs les plus défavorisés de ce canton et dynamiser l'Office cantonal de l'emploi, mais, lorsque le Mouvement Citoyens Genevois vous propose un texte à ce sujet, après une enquête extrêmement poussée, vous le refusez ! Evidemment, ça ne vous touche pas, vous qui avez tous des salaires compris entre 60 000 F et 200 000 F par année ! (Huées.) Oui, c'est bien ça, vous avez tous de belles maisons ! (Brouhaha.)
La présidente. S'il vous plaît, Monsieur, exprimez-vous sur le renvoi en commission ! (Brouhaha.)
M. Eric Stauffer. Donc, nous nous opposons au renvoi en commission. Encore une fois, si nous voulons redonner fierté et honneur à ces pauvres gens qui ont perdu leur emploi, ce n'est pas en en faisant des gens socialement téléguidés qu'on les aidera à sortir de l'ornière. Il faut dynamiser l'emploi dans notre canton et favoriser les résidents du canton de Genève - tous les résidents, d'où qu'ils viennent !
Tant que vous n'aurez pas compris cela, Mesdames et Messieurs les députés, le MCG continuera à se battre avec toute l'énergie qu'on lui connaît. Je vous souhaite une bonne soirée. Il est 22h40, je pense que nous allons terminer la séance avec ce sujet.
M. François Gillet (PDC). Même si je ne suis pas le premier à m'exprimer, permettez-moi de vous expliquer, en quelques mots, les intentions de cette motion du groupe démocrate-chrétien.
Monsieur Stauffer, je vous rassure, il ne s'agit pas de recréer des emplois temporaires cantonaux. Je crois que les discussions qui ont lieu actuellement en commission de l'économie, au sujet de la nouvelle loi sur le chômage, le PL 9922, montrent très clairement que l'ensemble des groupes n'en veut plus.
Cette motion est à prendre en considération dans le cadre des réflexions en cours sur la nouvelle loi sur le chômage. Le type de structure proposé correspond parfaitement aux dispositions qui sont actuellement à l'étude dans celui de cette nouvelle loi et en particulier celles qui concernent le programme d'emplois de solidarité sur le marché secondaire.
Lors des auditions menées par la commission de l'économie, nous avons eu l'occasion d'entendre un certain nombre de personnes actives sur ce marché. Il apparaît qu'il existe à Genève de nombreuses entités - qu'elles soient structurées en associations, en fondations ou même en entreprises sociales - qui sont actives dans ce secteur. Toutefois, il apparaît aussi que les besoins vont être considérables pour mener à bien ce programme de la nouvelle loi qui, nous l'espérons, sera largement adoptée par ce parlement, puis par le peuple, s'il devait y avoir référendum. Cependant, nous pensons que l'offre actuelle sera insuffisante dans ce domaine de l'économie sociale et solidaire.
Par conséquent, nous considérons qu'il est utile d'étudier en commission de l'économie l'opportunité de mettre sur pied de nouvelles structures qui seraient complémentaires de celles qui existent déjà à Genève et nous pensons que le projet «Re-Integra», qui se rapproche de structures existant déjà dans d'autres cantons, mérite d'être étudié, et nous vous demandons de renvoyer cette motion en commission de l'économie.
M. Pierre Kunz (R). Le concept des entreprises dites de réinsertion destinées aux chômeurs de longue durée est à la mode ! Je vous l'apprends peut-être, il a même été créé un Conseil Romand des entreprises d'insertion ! S'agit-il d'une nouvelle mystification ? S'agit-il d'une formule vraiment réaliste ? Est-il réellement possible de faire fonctionner une entreprise comme celle que nous proposent nos collègues du PDC ?
En effet, Mesdames et Messieurs les députés, comment prétendre poursuivre simultanément au sein d'une entreprise des buts aussi contradictoires ? Premièrement, il s'agirait de créer une PME soumise aux lois du marché, donc, par définition, non subventionnée. Deuxièmement, une PME qui engagerait prioritairement des personnes fragilisées. Troisièmement, cette PME verserait des salaires qui seraient payés par les entreprises concurrentes. Quatrièmement, cette PME offrirait à ses employés un encadrement professionnel qui serait nécessairement plus coûteux que dans la norme. Cinquièmement, enfin, comment cette PME ne constituerait-elle pas une source de concurrence déloyale pour les entreprises actives dans le même secteur ?
L'exposé des motifs de la motion est assez le reflet de ses buts contradictoires que nous venons d'énumérer. On nous dit, pêle-mêle, qu'il s'agit de créer une véritable PME; que les employés seront rémunérés aux conditions des conventions collectives de la branche; que des rabais pourront néanmoins être appliqués à certains clients. Les salaires, enfin, seront pris en charge au moins en partie par l'assurance-chômage ou par l'Hospice général. Le directeur, lui, sera salarié par la fonction publique.
Mesdames et Messieurs, lorsqu'on analyse ce texte, il apparaît clairement qu'il manque cruellement de réalisme et, donc, de faisabilité. La motion 1701 reste dans les schémas d'emplois fictifs et dans les broderies argumentaires. Il existe pourtant des secteurs où la réinsertion des personnes très fragilisées est possible: Emmaüs constitue un bon exemple de ce secteur. (Commentaires.) D'autres secteurs méritent d'être explorés ! Toutefois, ceux qui entendent procéder à cette exploration doivent absolument cesser de prétendre poursuivre des objectifs aussi contradictoires que ceux que nous venons d'énumérer ! Ce scepticisme de la part des radicaux étant noté, ceux-ci sont prêts à étudier en commission de l'économie des formules réalistes plutôt que le genre de mirage qui nous est proposé ici.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Après le postulat de M. Kunz contre l'économie sociale et solidaire - c'est en tout cas comme ça que j'ai compris votre intervention...
M. Pierre Kunz. Ce n'est pas du tout ça ! Vous n'avez pas bien écouté !
Mme Brigitte Schneider-Bidaux. Merci pour vos explications ! La proposition de motion émanant du PDC est extrêmement intéressante parce qu'elle s'inscrit justement dans ce qu'on est en train de discuter en commission de l'économie avec la proposition de nouvelle loi sur le chômage. Je trouve donc extrêmement important que cette motion soit renvoyée à la commission de l'économie pour que nous puissions approfondir le sujet.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je tiens à remercier le PDC d'avoir essayé de trouver une piste pour trouver une solution qui permettra de réduire le taux de chômage. Mais, après avoir lu la motion telle quelle, je vais soutenir son renvoi en commission de l'économie, pour la simple et bonne raison que nous avons depuis quelque temps admis que les emplois temporaires pour chômeurs n'étaient pas une situation qui pouvait durer indéfiniment.
Aujourd'hui il faut responsabiliser les gens, et ce n'est pas en leur donnant du travail pour une année seulement qu'on va améliorer leur qualité de vie; cela leur permettra juste de retourner au chômage ou à l'Hospice général. Beaucoup de personnes attendent énormément d'un emploi: pour pouvoir construire leur vie, fonder une famille, avoir une possibilité de carrière ou, tout simplement, se sentir utile et trouver leur place dans la société. Il est évident qu'une personne qui a un travail pendant une année retrouve un certain équilibre; or cet équilibre est trop précaire, parce que cette personne sait déjà ce qui l'attend. On constate que les personnes qui ont des emplois, ne serait-ce que pour six mois ou une année, donnent le maximum d'elles-mêmes et y placent tous leurs espoirs dans le but de trouver un travail ensuite. Malheureusement, dans la majorité des cas, ce n'est pas ce qui se produit finalement.
Je préférerais qu'on trouve une solution pour que toute personne avec des compétences puisse enfin trouver un travail avec un contrat de durée indéterminée. Parce que la retraite est loin et une personne qui est au chômage ou à l'Hospice général ne peut pas participer à l'économie de ce canton, ce qui est aussi une perte financière.
C'est pourquoi j'aimerais que vous puissiez trouver des solutions en continuité avec le projet de loi à l'étude en commission de l'économie, et cela en concertation avec le Conseil d'Etat. Une solution qui explorerait toutes les pistes et miserait sur le long terme - en arrêtant de toujours travailler dans l'urgence. C'est vraiment pour le bien de toutes celles et ceux qui ont besoin d'un travail et cela concerne des milliers de gens dans le canton de Genève.
M. Pierre Weiss (L). Mon collègue Pierre Kunz, mon alter ego si j'ose dire, a fait une analyse parfaitement exacte et approfondie de cette proposition de motion. Je pense qu'à un certain moment il faut être logique. Si cette proposition de motion présente autant de défauts - et Pierre Kunz a justement souligné quels sont ces défauts - il ne faut pas la renvoyer à la commission de l'économie, il faut la refuser ! En d'autres termes, voilà la proposition que je ferai, voilà le non que nous allons opposer à cette motion.
Parce qu'il faut quand même aussi avoir un minimum de réalisme et un minimum de respect pour les travaux que mène ce parlement. Nous étudions en commission de l'économie un projet de loi sur le chômage, le PL 9922. Ce projet de loi sur le chômage, certains s'acharnent à vouloir le torpiller ! Avant même qu'il ne soit adopté, le référendum est annoncé ! On prend n'importe quel prétexte pour démolir les efforts que mènent le conseiller d'Etat Longchamp et le Conseil d'Etat pour améliorer la situation du canton sur le plan du chômage. Et l'on vient nous présenter ce soir des objets qui sont, au fond, de simples hochets mis à notre disposition, qui n'auront qu'une efficacité dérisoire et nous sont présentés à des fins purement électoralistes ! Nous voterons non à cette proposition de motion.
J'aimerais ajouter, Madame la présidente, que tout à l'heure l'un des nôtres a insulté la plupart des membres de ce parlement au sujet de leur revenu. Cette accusation lancée par M. Stauffer est inacceptable ! Il a visé les bancs socialistes et j'aimerais les assurer de ma parfaite estime quant à l'honnêteté de leurs revenus. Il n'est pas concevable que ce député se prononce de la sorte quand des listes évaluant le montant de ses dettes - notamment à l'égard de l'Etat - circulent dans ce parlement ! Il faudra à un certain moment que la vérité soit faite sur ce vilain monsieur ! (Applaudissements.)
La présidente. La parole est à M. le député Renaud Gautier à qui il reste une minute cinquante-trois secondes.
M. Renaud Gautier (L). Oui, c'est la difficile charge que j'ai d'avoir un temps de parole limité en prenant régulièrement la parole après notre chef de groupe, c'est le moins que je puisse dire.
Ce que je voudrais relever à propos de cette motion et du projet de loi que nous avons traité tout à l'heure, c'est que je suis frappé par la confusion qui existe entre l'avoir et l'être. L'utilisation du vocabulaire, qui a été évoquée, sur la faute originelle et sur la notion du bien et du mal n'est probablement pas totalement innocente au vu de la confusion qui règne dans ce parlement quant aux buts que l'on entend atteindre par rapport à une classe de la population qui peut être momentanément défavorisée mais qu'on ne saurait en aucun cas stigmatiser en lui attribuant une étiquette définitive.
S'il fallait une démonstration de cette proposition, je dirais que cette motion 1701 est probablement le plus parfait exemple d'une bonne intention totalement inapplicable. Elle part d'un bon sentiment, mais les sentiments ne constituent pas une valeur économique; il faut appliquer des critères économiques. Il y a donc une confusion entre l'être et l'avoir qu'il nous faudra une bonne fois pour toutes traiter, si l'on veut effectivement arriver à mettre en place les structures que nous souhaitons appliquer pour ceux d'entre nous qui sont les moins favorisés. Ce n'est en tout cas pas cette motion 1701 qui le permettra !
M. Gilbert Catelain (UDC). Cette motion est datée du 30 juin 2006. Elle a un peu vieilli et on peut dire aujourd'hui qu'elle est périmée dans la mesure où le projet de loi déposé par le Conseil d'Etat et traité en commission de l'économie aborde parfaitement le sujet. Il est totalement inutile de renvoyer cette motion en commission, puisque ce projet de loi prévoit la base légale pour créer ce type d'entreprise. Et j'invite les PDC qui souhaitent se lancer dans l'aventure en respectant leur exposé des motifs à oeuvrer le plus activement possible au vote de ce projet de loi et, ensuite, à s'investir dans la création de ce type d'entreprise.
Cela étant, j'en profite aussi pour rappeler que les entreprises suisses sont à la recherche de main-d'oeuvre. Un sondage effectué par Manpower, publié l'an dernier, indique que les entreprises suisses ont un mal fou à trouver des ouvriers pour la production, des ouvriers qualifiés, des gestionnaires d'entreprises, du personnel pour l'hôtellerie et la restauration, des collaborateurs au service extérieur, des spécialistes, des jardiniers paysagistes, des comptables et des ingénieurs. Nous sommes dans une période économique particulièrement favorable, qui devrait permettre à chacun d'entre nous de trouver un emploi, encore faut-il que la formation soit adaptée, mais elle ne passe pas forcément par ces entreprises relais. Le projet de loi du Conseil d'Etat le permet, il est donc tout à fait inutile d'étudier cette motion et d'inviter le Conseil d'Etat à y réfléchir, puisqu'il y a déjà réfléchi en déposant son projet de loi.
Pour ces motifs, le groupe UDC s'opposera au renvoi de cette motion en commission.
La présidente. Monsieur le député Eric Stauffer, vous avez la parole: il vous reste cinquante-huit secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Je vais simplement répondre, puisque j'ai été mis en cause par M. le député Weiss ! J'aimerais juste lui répondre que j'ai été un entrepreneur toute ma vie- il est vrai que j'ai trébuché à l'âge de 35 ans, comme cela peut arriver à n'importe qui d'entre nous. A la différence de M. Weiss, je ne suis pas un fils à papa né avec une «cuillère d'or» dans la bouche ! (Exclamations.) Mon grand-père était cantonnier sur la plaine de Plainpalais ! Je suis Genevois, fier de l'être et fier de défendre les Genevois qui comme moi ont rencontré des problèmes ! Voilà, Monsieur Weiss, je vous souhaite une bonne soirée !
La présidente. Madame Anne-Marie von Arx-Vernon, vous avez la parole - il vous reste cinquante et une secondes.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Je serai tout à fait brève, comme à mon habitude ! Je crois qu'il est tout à fait intéressant de renvoyer ce projet de motion à la commission de l'économie, ne serait-ce que pour permettre à ceux que la démarche intéresse de faire une comparaison avec ce qui existe dans ce domaine à Berne, à Fribourg ou à Bâle. Ce type de projet fonctionne et nous nous permettons de dire qu'il est important de l'étudier en même temps que l'excellente loi sur le chômage que nous examinons actuellement à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1701 à la commission de l'économie est adopté par 32 oui contre 29 non.