République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Anne Mahrer, présidente.

Assistent à la séance: MM. Robert Cramer, Pierre-François Unger et François Longchamp, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, David Hiler et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. David Amsler, Guillaume Barazzone, Luc Barthassat, Antonio Hodgers, Eric Ischi, Claude Marcet, André Reymond et Marie-Françoise de Tassigny, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

La présidente. Je salue à la tribune notre ancien collègue M. Patrick Schmied. (Applaudissements.)

P 1448-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la pétition concernant la suppression du tarif réduit des TPG pour les retraités
Rapport de majorité de M. Jean Rossiaud (Ve)
Rapport de minorité de M. Christian Grobet (AdG)

Débat

La présidente. Le rapporteur de majorité est M. Jean Rossiaud et Mme Schenk-Gottret reprend le rapport de minorité de M. Grobet. Monsieur Rossiaud, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?

M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur de majorité. Je vais rajouter quelques petites choses à ce rapport. La pétition 1448 a été déposée le 8 octobre 2003 par l'AVIVO, Association de défense et de détente de tous les retraités. Cette pétition n'est aujourd'hui plus d'une très grande actualité et elle s'opposait à l'époque «à la suppression du tarif réduit des TPG pour les personnes à la retraite, suppression qui représente une nouvelle atteinte à la qualité de la vie des retraités».

La commission a écouté avec attention les arguments des représentants des retraités, mais, dans sa majorité, que je représente ici, elle n'a pas estimé qu'elle pouvait donner suite à la demande des pétitionnaires d'intervenir pour maintenir la réduction des tarifs des TPG pour les retraités. Ceci principalement pour la raison suivante: la communauté tarifaire entre les TPG et les Chemins de fer fédéraux impose la règle que les tarifs réduits ne doivent être octroyés qu'aux enfants et aux détenteurs de l'abonnement demi-tarif CFF. C'est principalement pour cette raison que la réduction tarifaire pour les personnes retraitées a été supprimée. Je le répète, la commission a voulu dans sa majorité réaffirmer le bien-fondé de la politique de communauté tarifaire avec les CFF.

La suppression de cet avantage tarifaire pose cependant des questions sur le plan social qui ont été relevées par la commission. La majorité des députés a estimé qu'il convient de protéger les personnes les plus défavorisées, quel que soit leur âge. En effet, il lui paraît important de défendre une certaine équité des citoyens et des citoyennes. Les personnes au bénéfice des prestations de l'Office cantonal des personnes âgées paient 5 F leur abonnement mensuel, il faut le rappeler. Si une personne n'est pas bénéficiaire des prestations de l'OCPA, si elle a des revenus suffisants pour payer les transports publics, la majorité de la commission est d'avis qu'il n'y a pas de raison pour qu'elle reçoive un avantage pécuniaire, eu égard au seul bénéfice de l'âge. En d'autres termes, les plus de 65 ans ne constituent pas une catégorie sociale plus vulnérable que, par exemple, les jeunes entre 18 et 30 ans ou les familles monoparentales.

Cependant, la question se pose vraiment pour les personnes frôlant l'OCPA. Mais si l'on estime que ces personnes doivent également recevoir des prestations de l'Etat, il faut alors considérer soit que le barème de l'OCPA n'est pas assez élevé, et l'adapter en conséquence, soit repenser la politique sociale à propos des retraités victimes du revenu limite, ceux parmi les rentiers AVS et AI qui vivent moins bien que les bénéficiaires de l'OCPA. On a traité ce sujet dans la motion 780 en mai dernier.

Dans ces deux cas de figure, nous ne nous trouvons pas dans un débat sur les tarifs des transports publics, mais dans une discussion plus générale sur la politique sociale du canton. En tant que député Vert, je n'exprime plus là l'avis de la commission, il est très clair que nous sommes prêts à revoir les tarifs qui donnent droit à l'OCPA et à prendre en compte les cas limites.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de minorité ad interim. Le nombre impressionnant de signatures recueillies pour cette pétition - plus de 14 800 - est à relever. Ce nombre est digne d'une initiative, moyen d'agir qui aurait été plus efficace. Lors de son audition, l'AVIVO a rappelé le contenu d'une lettre du 22 avril 2004. Deux points principaux sont à relever. Tout d'abord, l'AVIVO se déclare insatisfaite de la proposition de la direction des TPG sur un tarif de 6,50 F pour utiliser les TPG du lundi au vendredi de 9h à 16h. L'AVIVO considère que cet horaire est trop restrictif et elle demande de prolonger le créneau du soir de 19h à 22h ainsi que d'y inclure le samedi, car les retraités ont le droit de sortir le soir et de profiter du samedi sans empiéter sur les heures de pointe. Ensuite, l'AVIVO souligne que la protestation la plus forte concerne sur le billet journalier qui a été augmenté à 8 F, montant trop lourd pour beaucoup de retraités. Ils aimeraient avoir le droit au demi-tarif à 4 F.

Enfin, forte des réactions et des demandes recueillies, l'AVIVO demande qu'un geste d'apaisement soit effectué et que ses propositions soient acceptées pour une meilleure compréhension entre les décideurs politiques et la population.

Le débat en commission montre que les conditions appliquées depuis 2004 sont moins favorables pour les personnes âgées. Le conseiller d'Etat Cramer suggérait que la commission demande une clarification au Conseil d'Etat tout en prétendant que les inquiétudes liées à cette pétition s'étaient atténuées dans l'intervalle.

La minorité des députés regrette qu'on ne tienne pas compte de la pétition de l'AVIVO. Il aurait été préférable qu'elle soit renvoyée au Conseil d'Etat, afin que celui-ci fasse l'inventaire des mesures prises et pour déterminer si d'autres ne devraient pas être envisagées.

La minorité regrette vivement la manière dont la majorité a traité cette pétition qui a recueilli plus de 14 800 signatures. Les pétitionnaires pourront apprécier comment leur démarche a été accueillie ainsi que l'usage fait des droits démocratiques. Aussi, nous demandons à nouveau que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat.

M. Roger Golay (MCG). Comme vous le savez, le Mouvement Citoyens Genevois ne siégeait pas encore au Grand Conseil lorsque la pétition 1448 a été étudiée et débattue en commission parlementaire. En revanche, nous avons pris connaissance du contenu des rapports de majorité et de minorité issus de la commission des pétitions avec une attention toute particulière. Nous sommes dès lors en mesure de vous faire part de notre appréciation dans ce dossier.

Nous pouvons déjà vous dire à quel point nous sommes choqués par le peu de compréhension que l'Entente et les Verts ont manifesté en commission à l'égard des pétitionnaires, soit des aînés. Je reste toutefois persuadé que le vote du représentant des Verts n'a été qu'un égarement passager... (Brouhaha.) Comment pouvons-nous accepter la suppression de la réduction des tarifs des Transports publics genevois pour une couche sociale aussi fragile financièrement que celle des personnes âgées ? Comment peut-on se permettre d'exiger de nos retraités qu'ils prennent un abonnement CFF s'ils veulent bénéficier d'un tarif réduit pour les TPG - soit un abonnement à 150 F par année - ou, désormais, un abonnement à 45 F pour les personnes qui sont à l'AVS ? Comment peut-on supprimer les réductions pour des personnes très âgées qui n'ont pas d'autres moyens de déplacement ?

Dans tous les cas, le rapport de majorité des députés de la commission des pétitions ne répond pas aux pétitionnaires. Bien au contraire ! Alors que la pétition déposée sur le bureau du Grand Conseil a été signée par 12 000 personnes, cette majorité montre un réel mépris pour les retraités du canton.

Quant au MCG, il a le sens de la reconnaissance. En effet, nous ne manquerons pas une seule occasion pour exprimer notre profonde gratitude à tous nos aînés qui ont participé par leur labeur à l'édification du patrimoine public et privé aussi important dans lequel nous vivons confortablement aujourd'hui. En somme, c'est pour eux un retour sur investissement.

D'autre part, en raison de la LHID, soit les obligations fédérales d'harmoniser la perception de l'impôt, nous allons peut-être devoir diminuer le rabais d'impôt des personnes retraitées. Par conséquent, nos anciens risquent encore de devoir passer à la caisse à raison de plusieurs millions de francs par an... Alors, ce soir nous disons stop ! Arrêtons de tondre nos aînés ou, pire, de les prendre pour la nouvelle vache à lait qui permettra d'assainir les finances publiques !

Nous vous demandons donc de renvoyer la pétition 1448 au gouvernement, tout en lui recommandant de rétablir les tarifs réduits pour les retraités qui empruntent les Transports publics genevois.

M. Philippe Guénat (UDC). Nous, groupe UDC, sommes atterrés par l'outrecuidance de la grande majorité des partis politiques de ce parlement...

Une voix. Sauf les libéraux !

M. Philippe Guénat. ...qui ont fermé les yeux sur plus de 15 000 signatures ! Non pas 12 000, mais 15 000 signatures émanant de notre population bénéficiant de l'AVS. Sans me tromper, je peux vous affirmer que nous sommes tous les enfants de bénéficiaires de l'AVS ! Comment pouvons-nous décemment refuser aux bénéficiaires de l'AVS un abonnement des TPG à prix réduit ? Parce que les bénéficiaires nous l'ont eux-mêmes expliqué, nous savons pertinemment que les bénéficiaires de l'AVS sont prêts à changer leurs habitudes de déplacement, qu'ils s'engagent à libérer les places dans les transports publics durant les heures de pointe et à ne les utiliser qu'entre 9h et 12h et 19h et 22h. Alors que risquons-nous ?

Nous dépensons beaucoup de temps, d'énergie et de millions afin d'améliorer les maisons de retraite et les EMS de notre canton pour nos aînés ! Mais par ce simple geste de solidarité, en approuvant un abonnement TPG à prix réduit pour les bénéficiaires des rentes AVS, nous leur prouvons notre respect et notre sincère considération. (Brouhaha.)

C'est pourquoi le groupe UDC soutiendra énergiquement cette pétition et demande son renvoi au Conseil d'Etat.

Mme Virginie Keller Lopez (S). Ce soir, la position du groupe socialiste sur cette pétition sera très nuancée. A l'époque, les trois commissaires socialistes avaient recommandé son renvoi au Conseil d'Etat. Je vais essayer d'expliquer cette position, en regard de tous les autres débats que nous avons sur le même sujet en ce moment.

Evidemment, nous sommes très sensibles et très attentifs à la politique tarifaire pratiqués par les transports publics genevois, et plus largement par la communauté Unireso qui comprend les TPG mais aussi les CFF et la compagnie de navigation Mouettes genevoises.

On l'a vu, cette pétition s'inscrit dans une problématique plus générale aujourd'hui, celle de cette politique tarifaire quand elle s'adresse à des personnes défavorisées. On a vu qu'un certain nombre de groupes de ce parlement ont déposé des textes divers et variés concernant des billets à prix réduit pour les familles, des billets réduits pour les jeunes, etc., et on a largement débattu de l'initiative sur les transports publics gratuits hier soir. Donc, on voit bien qu'il y a actuellement des questions qui se posent sur cette politique tarifaire et il est important de la traiter ce soir. (Brouhaha.)

Que demande cette pétition ? Elle demande la réintroduction d'un tarif privilégié pour tous les retraités. Qui sont-ils, ces retraités ? Quand on entend le groupe MCG ou le groupe UDC, on a l'impression qu'ils font partie de la classe la plus défavorisée de notre canton ! Je vous citerai quelques lignes des statistiques suisses de l'aide sociale de 2004. Même si cela date de 2004, on peut considérer que c'est une courbe qui est encore d'actualité aujourd'hui. D'une manière générale, le pourcentage d'aide sociale octroyée diminue avec l'augmentation de l'âge des personnes concernées. En effet, les retraités ne dépendent que rarement de l'aide sociale, grâce à la prévoyance vieillesse et aux prestations complémentaires allouées dans tout le pays !

Mesdames et Messieurs les députés, ce ne sont plus forcément les personnes âgées qui peuvent être considérées comme des personnes démunies ou comme faisant partie des catégories défavorisées de notre société. Plusieurs études l'ont montré ces dernières années, notamment celle menée par le professeur Yves Flückiger de l'Université de Genève. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Cette étude démontrait qu'aujourd'hui les catégories les plus démunies ou les plus fragiles, ce sont les familles et les familles monoparentales. Donc, il ne faudrait pas se tromper de cible en accordant des réductions à des personnes qui n'en ont pas forcément besoin.

Il est toutefois exact que la problématique de l'effet de seuil reste vraie. On peut avoir une situation personnelle qui, de la même manière pour une famille ou pour une personne âgée, ne permet juste pas de bénéficier de l'aide sociale, mais on peut rester quelqu'un de défavorisé économiquement. Parce que le seuil d'accès à l'aide sociale est bas et qu'on ne vit pas forcément très bien quand on est seulement juste au-dessus. Cette pétition ne répond toutefois pas à la problématique de la réévaluation des aides sociales ou de la réévaluation des seuils à partir desquels on est considéré comme pauvre ou pas.

Parmi les 15 000 signataires de cette pétition il n'y a pas que des personnes qui sont démunies. Aujourd'hui, on peut être bénéficiaire de l'AVS et très bien vivre ! On n'a pas forcément besoin de cette aide ! Proposer aujourd'hui de manière unilatérale une réduction des tarifs à toutes ces personnes alors que certaines n'en ont pas besoin, c'est être inconséquent et, surtout, inégalitaire avec toutes les autres catégories de la population qui sont parfois bien plus démunies.

Pourquoi les socialistes recommanderont-ils tout de même le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat comme l'avaient fait à l'époque les trois socialistes en commission ? Non pas pour que le Conseil d'Etat réponde à ce qui est demandé dans la pétition, mais tout simplement pour qu'il tienne compte, lorsque l'on discute avec les TPG des contrats de prestation, de toutes les problématiques soulevées au sein de ce Grand Conseil sur la question de la politique tarifaire. Il nous semble important de pouvoir relier toutes ces revendications dans les discussions sur le contrat de prestations, que ce soient les revendications liées aux familles, aux jeunes en formation ou celles liées au prix des TPG en général.

Ce soir, les socialistes insisteront tout particulièrement sur quelque chose qu'ils ont déjà dit hier soir: dans les prochains contrats de prestations, ils seront attentifs à la politique tarifaire envers les jeunes générations, notamment les jeunes en formation, qui sont obligés de prendre le bus tous les jours pour se rendre à l'école et pour lesquels il n'y a pas de réductions prévues.

Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce soir cette pétition au Conseil d'Etat, pour information et pour ajout au dossier général.

Mme Janine Hagmann (L). Je pense que personne n'osera me dire que l'article 24 de notre règlement, Obligation de s'abstenir, m'interdit de parler sur ce sujet. (Rires.) J'interviens uniquement parce que je pense qu'on ne peut pas laisser dire que de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil est un manque de respect aux personnes âgées. Il ne faut pas mélanger tous les problèmes ! Il me semble que dans cette enceinte on doit parfois savoir garder raison.

Hier soir, il y a eu un débat très long et très intéressant. Le conseiller d'Etat M. Cramer a vraiment très bien expliqué à tout le Grand Conseil, qui a voté à l'unanimité, qu'on ne pouvait pas avoir tout et son contraire ! En ce sens que soit on veut des TPG performants, et il ne peut pas y avoir de gratuité, soit - vous l'avez expliqué hier soir, même d'une façon assez amusante - il n'y aurait plus personne dans des bus sans performance si on les rendait tous gratuits.

Pourquoi faire une catégorie d'exclus de toutes les personnes âgées en disant qu'il faut qu'elles obtiennent la gratuité ? Mais non ! Il faut réfléchir, il faut savoir qui a besoin de rabais. C'est quand même vrai qu'actuellement, si vous considérez une jeune famille avec trois enfants dont les deux parents travaillent et ont des bons salaires, ils mériteraient d'avoir des rabais pour utiliser les TPG ! Comparez cette famille avec un couple qui a vécu les belles années et qui peut tout à fait se payer ses déplacements...

Dans cette enceinte, je crois que nous sommes plusieurs qui, à titre personnel, aurions pu demander que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat mais nous ne le voulons pas. Nous estimons qu'il y a une égalité de traitement à garder et que chacun doit faire sa part des choses quand il le faut, si bien que le groupe libéral propose le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. (Applaudissements.)

La présidente. Le Bureau a décidé de clore la liste. Sont encore inscrits Mme et MM. Eric Stauffer, Sandra Borgeaud, Christian Brunier, François Gillet, Roger Golay, Jean Rossiaud, rapporteur de majorité, et le Conseiller d'Etat M. Robert Cramer. La parole est à M. Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer. Je renonce !

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'ai bien écouté tout ce qui a été dit ce soir et pris acte de cette pétition. Première chose: je n'étais pas présente lors de la législature précédente, mais je constate tout de même qu'une large majorité s'est prononcée en faveur d'un dépôt sur le bureau du Grand Conseil et non pas pour un renvoi au Conseil d'Etat.

Deuxième chose: je voue un très grand respect aux personnes âgées. Malgré tout, il est clair que cela me choque qu'une personne âgée riche à millions ait aussi le droit de bénéficier d'un tarif réduit pour prendre le bus, qu'elle n'empruntera pas parce qu'elle circulera certainement en voiture.

Nous avons pu constater que les TPG donnaient systématiquement des abonnements TPG aux bénéficiaires de l'OCPA, mais beaucoup ne les utilisent pas et n'en ont pas besoin. Et l'instauration d'un tarif de 5 F par mois pour l'abonnement permet aux TPG d'économiser des millions. Alors, en ce qui concerne les personnes âgées qui en ont vraiment besoin, je suis la première à vouloir leur accorder un tarif réduit, comme cela existait auparavant. Toutefois, il ne faut pas se tromper de cible, il y a peut-être des personnes plus jeunes qui en auraient plus besoin que certaines personnes âgées qui ont eu la chance d'avoir une vie financièrement privilégiée. Je serai favorable à un dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

La présidente. La parole est à M. le député Christian Brunier.

M. Christian Brunier (S). Je renonce ! (Applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Le PDC ne va pas engager ce soir la guerre des générations. Toutefois, il aimerait soutenir le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et aller dans le sens des propos de Mme Hagmann. Effectivement, les retraités d'aujourd'hui ne sont plus ceux d'il y a 20 ou 25 ans. Ils ne sont plus tous dans le besoin et il convient d'en tenir compte, comme le fait d'ailleurs avec beaucoup de justesse le rapport qui nous est soumis ce soir.

Comme vous le savez aussi, et cela a été dit, le PDC pense par contre que les familles méritent d'être soutenues davantage, que ce soit pour les TPG ou dans d'autres domaines. Le rapport fait aussi allusion à cela et nous pensons que les choses vont dans la bonne direction.

Pour toutes ces raisons, le PDC soutient le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Roger Golay (MCG). Comme je l'ai déjà dit auparavant, il s'agit surtout d'une reconnaissance envers les personnes âgées. Nos aînés ont contribué à ce réseau de transports publics, il faut donc faire un retour sur investissement - cela se pratique au niveau des cinémas et au sein des milieux sportifs, entre autres.

Lorsque l'on dit qu'il faudrait faire un tri, il faut d'abord penser aux personnes qui ne peuvent accéder à ces tarifs réduits parce qu'elles sont, à deux ou trois francs près, dans une situation financière vaguement au-dessus de ce seuil limite, mais juste en dessous duquel on peut accéder à ces aides. C'est le moment de penser autrement et de dire qu'on ne fait pas le tri mais qu'on réalise quelque chose pour l'ensemble des personnes âgées, et l'on revient à des tarifs réduits proposés directement aux distributeurs de billets. Ce serait un geste de reconnaissance envers nos anciens.

M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur de majorité. Je voudrais faire deux remarques. La première, c'est que nous avons auditionné avec énormément de respect les pétitionnaires et nous avons écouté avec grande attention ce qu'ils avaient à nous dire. Et ce n'est pas pour ça qu'on était pour autant d'accord avec eux ! Plusieurs contrevérités ont été dites ce soir.

Deuxième remarque, c'est que les personnes retraitées, les celles de plus de 65 ans, ne sont pas toujours des vieillards. Ce sont des personnes qui restent dans la vie active et qui ont des revenus. (Brouhaha.)

Le respect pour les aînés - et c'est très important, car j'ai vraiment l'impression d'avoir été mis en cause là-dessus - alors le respect, c'est avant tout de traiter les personnes âgées avec dignité ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Et les traiter avec dignité, c'est avant tout les traiter comme n'importe quel citoyen ! Et le citoyen qui a les moyens de payer son billet, il paie son billet ! Celui qui n'a pas les moyens de payer son billet, il faut qu'il soit aidé par la collectivité !

Maintenant, s'il y a un nouveau front, le «FUP» - le «front uni des populismes» - qui est d'accord de naître ce soir pour essayer de retirer tous les votes possibles des personnes de plus de 65 ans, je pense qu'il faut le laisser vivre sa vie ! Nous, nous continuerons à défendre le bon sens. A partir de là, les gens sauront bien si l'Etat ou les TPG doivent investir leur argent pour défendre les plus défavorisés ou si, au contraire, on doit arroser un maximum de catégories sociales.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. On a beaucoup parlé du respect dû aux personnes âgées en traitant cette pétition et parfois avec des accents émouvants. Sur ce point, une ou deux réflexions me sont venues en vous entendant.

La première, c'est qu'il n'y a au fond rien d'exceptionnel à ce qu'une pétition avec 14 000 signatures puisse être déposée sur le bureau du Grand Conseil, si celui-ci a obtenu les explications nécessaires. Je me souviens qu'il n'y a pas très longtemps, une pétition qui avait ramassé 16 000 ou 17 000 signatures et qui parlait, sauf erreur, de stationnement a été déposée sur le bureau du Grand Conseil. Ma foi, les gens que j'entends parler de respect aujourd'hui n'ont rien trouvé à y redire !

Dans le même temps, je pourrais aussi vous dire que le respect c'est peut-être que, lorsqu'une pétition est déposée au mois d'octobre 2003, ce ne soit pas au mois de février 2007 que l'on en parle ! C'est aussi une façon de marquer sa considération pour les gens que d'organiser les travaux du Grand Conseil de sorte que l'on puisse parler de ces pétitions quand elles sont actuelles. Parce que cette pétition était liée à une actualité très précise ! Elle a été lancée exactement au moment où les tarifs ont changé. Evidemment, maintenant, quatre ans plus tard, tout cela est très largement décoloré.

Je n'utiliserai toutefois pas cela comme argument principal, parce que le Grand Conseil a montré du respect. Vous voyez que cette pétition a été examinée très consciencieusement par la commission des transports, comme cela est indiqué dans les propos liminaires du rapport. Elle s'est réunie à cinq reprises pour écouter respectueusement les pétitionnaires, pour examiner de façon très approfondie la situation, et il en est découlé un rapport où toutes les explications possibles sont données. J'ai entendu Mme Keller Lopez nous dire qu'à ce stade on devait renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour information. Malheureusement, la loi portant règlement du Grand Conseil ne prévoit pas ce cas de figure ! Il est clair que si vous voulez nous renvoyer cette pétition, on devra vous répondre, et on vous répondra ce qui a déjà été dit en commission ! Cela ne me semble pas vraiment très respectueux de répéter exactement deux fois la même chose aux personnes qui nous interpellent.

Au-delà de cet aspect, je souhaiterais tout de même évoquer deux éléments... (Brouhaha.) Si M. Weiss pouvait parler peut-être un peu plus doucement, ce serait moins dérangeant ! (Commentaires.) Je souhaiterais encore vous dire deux choses. La première, c'est que techniquement, même si vous voulez donner raison aux pétitionnaires, cela ne serait tout simplement pas possible. Pourquoi ne serait-ce pas possible ? Parce que nous avons décidé d'offrir aux utilisateurs des transports publics cette commodité qui permet de voyager sur le réseau des CFF et sur le réseau des TPG avec un même billet. C'est un grand avantage mais, en même temps, c'est une contrainte parce qu'on doit s'adapter à une logique tarifaire qui est celle des CFF, comme cela se pratique du reste dans tous les cantons de Suisse. Si vous prenez un moyen de transport public à Zurich, à Berne, à Bâle ou à Lausanne, vous ne trouverez pas des tarifs du type de ceux qui sont demandés dans cette pétition et du type de ceux qui étaient pratiqués à Genève, parce qu'ils n'existent plus. Tout le monde s'est adapté au système CFF. Si nous voulions sortir de ce système, ça voudrait dire quoi, concrètement ? ça voudrait dire qu'on devrait dédommager les CFF. Avec quel argent, je l'ignore !

Vouloir donner raison aux pétitionnaires, c'est casser toute la logique d'un système et rentrer dans un système très complexe de subventions à l'égard des CFF. C'est exactement l'inverse de tout ce que le Grand Conseil nous demande de faire depuis des années, c'est-à-dire d'arriver à un système transparent par rapport aux subventions pour les transports publics, qui corresponde à une somme donnée. Une fois cette somme connue, on sait qu'on a acheté l'entier de la prestation «transports publics» plutôt que d'avoir toute une série de rubriques budgétaires - qui en l'occurrence ne pourraient pas être réinscrites au budget. On a un carcan qui est celui du budget et un carcan qui est celui du contrat de prestations. Donc, techniquement, il n'est malheureusement pas possible de donner raison aux pétitionnaires pour cette raison.

Au-delà des arguments techniques, au-delà de ces arguments liés au respect dont je vous ai parlé, il y a bien sûr la considération de fond et Mme Keller Lopez l'a évoquée de façon très précise avec des statistiques. Quand on est une personne âgée, on souffre assurément d'un certain nombre de maux qui sont liés à l'âge, mais faire l'équation consistant à dire «personnes âgées = personnes pauvres», c'est de moins en moins vrai ! Aujourd'hui, les personnes défavorisées économiquement, il y en a à tous les âges. Et même, les vrais constats auquel notre société est confrontée aujourd'hui, ce sont les difficultés dans lesquelles les jeunes se trouvent aujourd'hui du point de vue financier et l'importance économique grandissante de nombre de personnes âgées ! Parce que, Monsieur Golay, c'est le résultat de l'engagement de notre collectivité ! Si aujourd'hui les personnes âgées n'ont pas besoin d'être subventionnées pour prendre un billet de bus, c'est parce que justement il y a tout un système social qui fait qu'elles sont traitées décemment ! Ce système social est un système social qui est très coûteux pour notre collectivité mais nous sommes fiers de l'existence de ce système social.

Toutefois, après, il ne faut pas tout mélanger ! C'est-à-dire que dès l'instant où ce système existe et dès l'instant où les personnes âgées ont la possibilité de mener une vie décente, pour la plupart d'entre elles, il n'y a aucune raison de rajouter des subventions qui sont exclusivement liées à l'âge.

Cela dit, nous ne l'ignorons pas, il y a un certain nombre de personnes âgées qui ont de véritables difficultés financières, notamment toutes celles - et c'est une génération qui existe encore parmi ceux qui bénéficient de leur retraite - qui n'ont pas bénéficié du deuxième pilier et qui, pour vivre, doivent se contenter d'une rente AVS. Du reste, ils sont très souvent représentés efficacement par l'AVIVO, à qui il faut rendre hommage pour la qualité du travail qu'elle fait. Toutefois, ces retraités ont précisément droit à un certain nombre de rabais, concernant les prestations de transports publics. Pour autant qu'ils en remplissent les conditions, il leur suffit d'aller demander une carte; moyennant 5 F par mois, on l'a rappelé, ils peuvent bénéficier d'un abonnement général pour les transports publics. Cela signifie donc que notre collectivité prend en compte la question des personnes âgées qui pourraient être entravées dans leur mobilité en raison du coût des déplacements. Notre collectivité en tient déjà bien compte avec ce qui est fait maintenant.

En revanche, la politique de l'arrosoir n'est pas une bonne politique. Je ne crois pas que ce soit une politique respectueuse des gens que de leur dire qu'on les estime parce qu'on leur donne de l'argent, comme cela a été exprimé tout à l'heure. Je ne crois pas non plus que ce soit une politique qui soit conforme à ce que nous voulons faire pour développer les transports publics.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, si vous voulez épargner à l'administration de devoir vous redire une deuxième fois - pratiquement avec les mêmes mots - ce qui est excellemment signalé dans le rapport de M. Rossiaud, je vous demande, tout en manifestant le respect dont chacun a fait état aujourd'hui, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil qui n'est pas un endroit qui exprime du mépris, bien au contraire.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des transports (dépôt de la pétition 1448 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 53 oui contre 14 non et 6 abstentions.

P 1595-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant le trafic routier
Rapport de Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC)

Débat

Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC), rapporteuse. J'ai juste une petite remarque à faire. Depuis la fin des travaux en commission, à la fin de l'année dernière, le Conseil d'Etat a pu rassurer les habitants de Châtelaine en expliquant que l'augmentation du trafic constatée dans l'avenue de Châtelaine était surtout liée au chantier d'assainissement de l'autoroute et non à celui du tram. En effet, certaines présélections avaient été supprimées à la jonction de Vernier. Ces mesures ont maintenant été levées et la majorité de la commission vous recommande de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Les commissaires socialistes membres de la commission des pétitions se sont opposés au dépôt sur le bureau du Grand Conseil parce que, même si, comme l'a dit la rapporteuse de majorité, l'augmentation de trafic qu'il va y avoir à l'avenue de Châtelaine, entre l'avenue Henri-Golay et le pont de l'Ecu ne sera que temporaire et sera effectivement lié à une construction; même si c'est à la commune de Vernier de réaliser le plan directeur cantonal dans ce secteur; même si plusieurs des requêtes des pétitionnaires sont du ressort de cette même commune de Vernier - comme les sites propres pour les TPG et les passages piétons - il est primordial que le canton, en l'occurrence le Conseil d'Etat, soit alerté par la situation de cette communauté villageoise - alerté, afin que tout soit mis en oeuvre au niveau du Canton, pour que les habitants établis de chaque côté de cette énorme avenue puissent, le plus rapidement possible, vivre dans un environnement un peu plus humain.

Si l'on regarde de l'autre côté du lac, à Vésenaz, village qui est aussi coupé en deux par une route, on parle d'un pont, on parle d'un tunnel. Mais est-ce normal, à Châtelaine, d'attendre plus de cinq minutes pour traverser la route d'un côté à l'autre du village ? La question reste posée; je pense que la réponse est non !

C'est pourquoi nous nous proposions de déposer cette pétition sur le bureau du Conseil d'Etat, afin que les habitants et la commune de Vernier puissent être soutenus au maximum dans leurs démarches d'aménagement.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Pour les raisons invoquées par Mme Schneider Hausser, nous avons effectivement soutenu le renvoi au Conseil d'Etat, tout en sachant que la commune répondra aux pétitionnaires. Les choses sont déjà faites.

Toutefois, on l'a vu au cours des séances de ce Grand Conseil, je crois qu'il y a quantité de problèmes de bruit et de pollution récurrents dans toutes les communes, pas seulement à Vernier. On sait qu'il n'y a pas de solution miracle; quand on construit une voie de tramway, il y a un report du trafic sur d'autres communes et les gens sont dérangés momentanément.

Finalement, on voit qu'on tourne en rond à propos de ces problèmes. Si l'on prend des mesures très «anti-voitures», les gens hurlent ou proposent éventuellement la réalisation d'une traversée de la Rade, ce qui ne nous satisfait pas.

Ne serait-il alors pas temps, Messieurs les conseillers d'Etat, d'organiser des assises sur les questions de circulation, pour que tous ces problèmes puissent être réglés et que des solutions proposées ? Finalement, motions et pétitions vous sont renvoyées et vous devez répondre à de multiples petites choses éparses. Ne pourrait-on pas se réunir autour d'une table et chercher les meilleures solutions, avant que les TPG soient mis en place ? C'est une des meilleures solutions, mais cela prend beaucoup de temps et, dans l'intervalle, des personnes sont inquiètes à propos de la sécurité, du bruit et de la pollution, etc.

J'ai l'impression qu'on fait les choses petit à petit et pense qu'on devrait vraiment prendre le temps de mener une réflexion plus globale. C'est pour cela que nous avons soutenu le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Fabienne Gautier (L). Cette pétition relative à la construction du Tramway Cornavin-Meyrin-CERN (TCMC) n'est pas la première et elle ne sera certainement pas la dernière qui saisit notre Grand Conseil. Il est tout à fait concevable qu'un chantier d'une telle importante suscite des inquiétudes chez les habitants et commerçants voisins de ces gigantesques travaux.

Depuis la construction du tram de la rue de Lausanne où il avait été difficile, il est vrai, pour les habitants et les commerçants de se faire entendre des autorités, le département du territoire et les TPG ont enfin compris qu'il était plus utile d'entreprendre de tels chantiers en partenariat, afin que les travaux se déroulent en harmonie, avec une concertation et une planification commune publique et privée, plutôt que de se retrouver bloqués par moult oppositions. Un partenariat a ainsi eu lieu lors de la construction du tram Lancy-Acacias. Il en est de même pour la réalisation du TCMC. Cela nous a été confirmé par une conseillère administrative de la commune de Vernier.

En général, plusieurs séances d'information ont lieu dans les quartiers concernés. Malheureusement, on sous-estime à tort ces rencontres qui permettent le dialogue, et les habitants se retrouvent au coeur des débats seulement lorsqu'ils sont au coeur des travaux ! Sans des mesures complémentaires dans le respect du libre-choix du mode de transport ancré dans la constitution, la construction d'un tram engageant de facto un immense chantier suscitera toujours des oppositions.

Le rapport est clair, Mesdames et Messieurs les députés: la commune de Vernier, par la création d'une commission intercommunale, a le dossier en main et elle a déjà prévu de futurs aménagements au niveau de Châtelaine, qui garantiront la sécurité des habitants en créant des sites propres. Cette même commune travaille avec les maîtres de l'ouvrage qui ont confirmé avoir tenu plusieurs séances d'information.

En conclusion, la volonté de la commune de Vernier, de respecter la fluidité du trafic tout en tenant compte de la sécurité des habitants et des riverains, nous a été confirmée par la conseillère administrative. C'est pour toutes ces raisons que le groupe libéral soutiendra le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Claude Aubert (L). Les deux discussions sur ces pétitions me laissent un peu perplexe. En effet, si la loi portant règlement du Grand Conseil indique qu'on doit envoyer une pétition au Conseil d'Etat pour examen, cela signifie qu'on estime que le Conseil d'Etat n'a pas fait l'examen nécessaire auparavant.

Or, l'administration est auditionnée au sujet de la plupart des pétitions et j'aimerais souligner le fait qu'on fait travailler deux fois l'administration quand on envoie une pétition au Conseil d'Etat. Parce que cela signifie que le Conseil d'Etat n'est pas capable de lire l'information nécessaire lorsqu'on dépose une pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Déposer une pétition sur le bureau du Grand Conseil revient à informer tout le monde et c'est seulement dans les cas où l'on pense que l'administration ou le Conseil d'Etat n'ont pas pu examiner un problème qu'on devrait envoyer une pétition au Conseil d'Etat. Sinon, on lui fait simplement faire un double travail.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Merci infiniment pour cette intervention, Monsieur Aubert ! Pourquoi est-ce que je prends la parole ? Pour vous dire qu'il faut déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil ! Simplement parce que je préférerais que les collaborateurs de l'administration consacrent leur temps précisément à faire le genre de choses qui nous sont demandées dans cette pétition: prendre contact avec les gens, être sur le terrain et essayer de réguler au mieux les questions qui sont liées à la circulation plutôt que de répondre des choses que vous connaissez déjà. Vous les connaissez, les réponses à vos questions !

Madame Leuenberger, vous demandez que l'on organise des assises pour parler de la circulation; cela permettrait de mettre tout le monde d'accord. J'en suis totalement convaincu. Je participe personnellement aux séances du Conseil des déplacements, le CODEP, voulu par une loi votée par ce Grand Conseil pour remplir ce rôle - alors que des présidents d'associations ne se donnent pas la peine de venir et envoient leurs collaborateurs à leur place. Evidemment, le temps d'un conseiller d'Etat est nettement moins important que le temps de ces prestigieux présidents d'association ! Nous nous réunissons plus d'une fois par mois au sein du CODEP et nous étudions les différents problèmes qui sont liés à la mobilité dans ce canton. Plus précisément, lorsque l'on fait des travaux plus importants, comme les lignes de tram - c'est Mme Gautier qui l'a relevé - des concertations intenses sont organisées qui durent pendant des années. Le Tramway Cornavin-Meyrin-CERN, c'est deux ans de concertation, avec la population, avec la commune, avec les commerçants, avec tous les intéressés et chaque propriétaire riverain du chantier ! Cela vous le savez, parce que le rapport succinct - il compte 4 pages - rédigé à l'intention du Grand Conseil mentionne à la deuxième page que vous avez auditionné Mme Leuliet et M. Marti, de l'Office cantonal de la mobilité, qui vous ont dit à quel point ils ont été surpris par cette pétition, alors que quatre séances ont été organisées avec la population de la commune. Vous avez aussi entendu Mme Nelly Buntschu, conseillère administrative de la commune de Vernier, dont vous savez l'importance qu'elle attache à la concertation.

Cela, pour expliquer l'importante concertation qui a été mise en place et accompagne encore maintenant ces travaux à Vernier. Ce que vous demandez - avoir des contacts avec la population - ce sont des choses mises en pratique.

On ne peut pas vous le dire en d'autres termes ! On peut, bien sûr, demander à un collaborateur de faire un rapport pour vous redire une deuxième fois ce que le rapport rédigé par votre collègue indique, mais je crois franchement que faire cela, c'est demander à l'administration d'effectuer un travail qui n'est pas extrêmement utile.

Les personnes qui ont été auditionnées ont eu une réponse à travers le rapport. Si cela était nécessaire, elles ont obtenu une réponse complémentaire par le biais de ce débat, réponse certainement d'ailleurs beaucoup plus médiatisée que ne peut l'être un rapport du Conseil d'Etat. Au-delà de cela, je crois que nous avons montré l'importance que nous attachons à cet objet et que l'on peut aller de l'avant.

Encore un mot: si l'on veut attacher une importance totalement excessive à chaque personne qui subit des inconvénients quand on réalise des travaux, la bonne solution, c'est d'arrêter, tout simplement ! Si l'on veut aller de l'avant, il faut admettre que ce genre de travaux sont assurément une source d'inconvénients que l'on doit s'efforcer de minimiser au maximum ! Et je vous garantis qu'on fait le maximum pour les minimiser, parce qu'on sait que c'est la condition obligatoire pour que nous puissions poursuivre ces importants travaux de transports publics !

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1595 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 47 oui contre 23 non et 3 abstentions.

Une voix. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Mme Hagmann, qui est en train de partir.

La présidente. Bon anniversaire, Madame Hagmann ! (Applaudissements. Des députés chantent «Joyeux anniversaire».)

PL 9390-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Christian Grobet, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Jeannine De Haller, Rémy Pagani modifiant la loi sur l'assurance-maternité (J 5 07)

Premier débat

M. Pierre Weiss (L), rapporteur. La brièveté du rapport induit la brièveté du rapporteur. Une seule phrase suffira donc pour dire que ce projet caduc est devenu sans objet du fait de la modification de la loi fédérale.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Effectivement, ce projet de loi est sans objet, mais il y a plusieurs projets de lois et plusieurs motions pendantes sur le sujet du congé de maternité et du congé de paternité qui sont des choses absolument importantes. Tout le monde le sait et toutes les publications de puériculture et autres le disent, la relation parents-enfant se crée dans les premiers mois de la vie mais aussi dans toute la première année, qu'il faut du temps pour cela et qu'il faut laisser du temps aux parents.

Le congé de maternité de seize semaines - deux semaines de plus que le nombre prévu par le congé de maternité fédéral - que nous avons arraché après une longue lutte est une très bonne chose, mais cela ne suffit pas ! Des propositions arriveront devant ce parlement pour obtenir un congé de maternité plus long et un congé parental. Pour les Verts c'est une chose extrêmement importante, et je tenais à le souligner.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). La brièveté du rapport de M. le rapporteur ne veut pas dire pour autant que ce projet est totalement dénué de sens. Suite à l'adoption en votation de la loi d'application fédérale concernant l'assurance-maternité sur le plan fédéral, nous avons la satisfaction de pouvoir conserver les acquis de l'assurance-maternité genevoise qui était plus généreuse et nous nous en félicitons.

Néanmoins, ce projet-là est encore plus généreux puisqu'il prévoit une extension des allocations-maternité sur plusieurs semaines. Il est vrai aussi que, d'une façon pragmatique, nous pensions que, juste à ce moment-là, il n'était peut-être pas opportun de promouvoir encore une extension de ces allocations-maternité.

Même s'il est un peu touffu et un peu bancal, ce projet de loi contient un certain nombre d'idées, dont une sorte de genèse de congé parental, comme l'a dit Mme Schneider-Bidaux. Il prévoit en effet que le père pourrait bénéficier de cette allocation-maternité, pour autant que la mère reprenne son activité professionnelle à 50%. Un projet des Verts concernant le congé parental est pendant à la commission des affaires sociales et je pense qu'il sera vraiment très utile de se pencher dessus et de pouvoir en sortir quelque chose d'utile. C'est pour cela que, malgré les bonnes idées qu'il contient, nous pensons néanmoins qu'il convient de rejeter ce projet de loi.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Comme vous avez pu le voir, c'est donc à l'unanimité que l'entrée en matière a été refusée. Bien sûr, pour les démocrates-chrétiens, il ne s'agissait pas de balayer ce projet d'un revers de la main. Il ne correspondait simplement plus à la réalité. Nous faisons encore mieux à Genève que ce qui a été proposé dans cette motion.

Nous tenons à dire que nous serons particulièrement attentifs à toutes les propositions qui pourront être faites en faveur des parents. Le congé parental a été évoqué à propos d'un projet des Verts, mais je tiens également à dire que si Genève a été et reste pionnière en la matière, nous, parti démocrate-chrétien, revendiquons ce statut de pionniers et de pionnières, ne serait-ce que parce que avons déposé une motion sur le congé de paternité !

M. Pierre Weiss (L), rapporteur. Je serai plus bref que mes collègues, mais je voulais tout simplement les remercier d'avoir répété qu'il n'y avait effectivement rien à redire pour ce rapport mais qu'on pouvait parler de beaucoup d'autres choses, notamment du congé de paternité et se disputer pour la paternité du congé de paternité !

Mis aux voix, le projet de loi 9390 est rejeté en premier débat par 65 non et 4 abstentions.

PL 9626-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Rémy Pagani, Jocelyne Haller, Jacques François, Jean Spielmann instituant une assurance obligatoire perte de gain maladie
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (L)
Rapport de minorité de M. Antonio Hodgers (Ve)

Premier débat

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Genève souffre actuellement d'un taux de chômage deux fois supérieur à la moyenne suisse. Actuellement, la commission de l'économie travaille sur un projet de loi destiné à combattre ce fléau en encourageant les entreprises - et tout particulièrement les PME - à engager des collaboratrices et des collaborateurs. Dans ce contexte, le débat porte notamment sur les charges sociales. Or, le projet de loi 9626 dont il est question ce soir va totalement à sens contraire, puisqu'il prévoit une augmentation massive des charges sociales pour les entreprises afin de financer une «assurance obligatoire perte de gain maladie». Les rédacteurs du projet de loi eux-mêmes tablent sur un taux de cotisation de 6%, ce qui est absolument considérable !

Bien entendu, la situation des personnes souffrant d'une maladie de longue durée méritent une attention toute particulière. Toutefois, à l'heure actuelle déjà, l'immense majorité des employés genevois bénéficie d'une couverture pour «perte de gain maladie», soit sur la base d'une convention collective pour la grande majorité, soit sur la base de contrats d'assurance particuliers. Il n'existe en outre aucun chiffre crédible pour déterminer le pourcentage d'employés non couverts; le pourcentage de 15% évoqué par les syndicats lors des auditions ne se fonde sur aucune donnée statistique fiable. A cela s'ajoute encore que le filet social actuellement en place à Genève permet d'appréhender les situations dramatiques avec efficacité.

Il ne se justifie donc nullement de mettre en place une assurance obligatoire qui entraînerait des charges financières et administratives colossales, évidemment en grande partie à la charge des entreprises. D'ailleurs, lors des auditions, tous les intervenants - qu'ils soient les représentants de l'Etat, des syndicats patronaux et même les syndicats des employés - ont souligné que le projet allait à l'encontre du dialogue paritaire entre partenaires sociaux. En fait, ce projet court-circuite le dialogue paritaire !

Ensuite, les auditions ont également fait ressortir le caractère incompatible du projet de loi avec le droit supérieur, le droit fédéral, sur plusieurs aspects. Il est en plus totalement inconcevable de soumettre à une assurance perte de gain obligatoire pour maladie les indépendants qui ont, librement et en pleine connaissance de cause, opté pour une gestion indépendante de leurs risques en dehors de l'application des conventions collectives et de l'intervention étatique. C'est donc une absurdité ! Aucun pays à économie de marché et aucun autre canton suisse ne connaît une telle assurance ! D'ailleurs, en son article 324a du code des obligations, le droit fédéral prévoit l'obligation pour l'employeur de couvrir l'intégralité du salaire pendant une période déterminée par le barème dit de «l'échelle bernoise».

Pour tous ces motifs, je vous invite à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, qui est néfaste pour l'emploi dans notre canton car il dissuadera beaucoup d'entreprises, surtout les PME, à créer des emplois pourtant nécessaires pour résorber le chômage endémique qui gangrène notre économie.

Je vous invite également, si par impossible ce parlement devait entrer en matière sur le projet de loi, à refuser avec la dernière énergie l'amendement général proposé par les Verts qui persistent à vouloir mettre à la charge des entreprises des cotisations sociales supplémentaires sous une forme un peu déguisée, mais qui n'en restent pas moins très lourdes pour les entreprises. Les Verts persistent aussi, contre toute logique, à vouloir soumettre les indépendants à une couverture sociale qu'ils ne demandent pas. Pour tous ces motifs, je vous invite donc à ne pas entrer en matière.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve), rapporteuse de minorité ad interim. Le projet de loi de l'Alliance de gauche met le doigt sur les vrais problèmes: c'est l'inégalité de traitement face à la maladie de longue durée et la prise en compte de l'incapacité de travail en cas d'accident. Une maladie comme un accident peuvent malheureusement arriver à chacun. Pourquoi la victime d'une maladie serait-elle moins protégée que celle d'un accident ? Heureusement, pour la grande majorité des personnes, les conventions collectives de travail, pour la plupart, comprennent une assurance de ce type. Les employés de la fonction publique et des grandes multinationales sont également couverts par des prestations statutaires

Ce projet concerne les plus démunis d'entre nous, et c'est justement pour cela qu'il est important. En fait, nous sommes ici dans un cas de figure comparable à celui de l'élargissement d'une convention collective. Il convient de légiférer afin d'éviter que les personnes passent entre les mailles du filet et tombent finalement à la charge de la collectivité.

Au sens des Verts, et contrairement au projet initial de l'Alliance de gauche, il ne s'agit pas de suppléer aux assurances privées, mais il faut agir de manière subsidiaire pour les personnes qui ne sont pas encore protégées. (Brouhaha.) C'est pourquoi nous proposons un amendement général au projet de loi 9626 initial. Afin de ne pas alourdir de façon trop importante les charges pour les employés et les employeurs, tout en introduisant un principe d'assurance perte de gain maladie, les Verts proposent une obligation d'assurance perte de gain à raison de 80% du salaire dès le 31e jour de la maladie durant 730 jours sur une période de 900 jours - pour le reste des détails, vous lirez l'amendement. Donc, c'est ce qui se passe d'habitude dans les conventions collectives et dans les assurances de l'Etat.

D'après nos informations, la charge représenterait un taux de prime paritaires entre 1% et 2%, ce qui est une charge tout à fait acceptable pour les PME.

En ce qui concerne les indépendants, nous pensons que, bien qu'ils aient choisi une activité comportant un risque économique, ils doivent également être protégés du risque que représente la maladie, au même titre qu'ils doivent l'être des accidents. Car si la gestion des aléas d'une entreprise fait effectivement partie du choix individuel que l'entrepreneur doit assumer, il serait faux de croire qu'il en va de même pour la maladie. Toutefois, afin de ne pas alourdir les charges des indépendants au moment du démarrage de leur activité, les Verts proposent que l'obligation d'assurance perte de gain ne soit valable qu'après un an d'activité.

Je vous invite donc, après toutes ces explications, à entrer en matière sur le projet de loi 9626 et à adopter les dispositions proposées par les Verts.

La présidente. Le Bureau a décidé de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits: Mme et MM. Philippe Guénat, Laurence Fehlmann Rielle, Pierre Kunz, Eric Stauffer, Pierre Weiss, Christian Brunier, Christian Bavarel et François Gillet.

M. Philippe Guénat (UDC). Le groupe UDC et moi-même, qui suis artisan hôtelier, nous tenons à vous rappeler que le tissu économique de notre canton est composé à 98% de petites et moyennes entreprises; que cette assurance n'est pas obligatoire au plan fédéral - on peut donc se demander sur quel droit nous pouvons nous appuyer pour la rendre obligatoire chez nous; que près de 65% de nos entreprises possèdent déjà une assurance couvrant ce risque. Selon nous, une telle augmentation - c'est bien de 6% que l'on parle - serait un fardeau supplémentaire pour les entrepreneurs déjà ensevelis sous des taxes multiples et pourchassés pour beaucoup par le fisc !

De plus, ce n'est pas aux employeurs de prendre en charge une assurance telle que celle-ci, qui n'a aucun rapport avec la vie de l'entreprise mais qui touche la vie privée de l'employé. Donc, laissons à l'employé la liberté de faire le choix !

Je finirai en disant qu'il est aberrant et grotesque, voire même déplacé, de vouloir imposer une telle assurance à des entrepreneurs indépendants !

Une voix. Voilà !

M. Philippe Guénat. Car ces derniers ont justement fait le choix libre et délibéré d'être indépendants ! Alors, Messieurs et Mesdames, laissons-les en paix ! (Commentaires.) Le groupe UDC rejettera énergiquement ce projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Ce projet de loi est une excellente idée mais la solution qu'il préconise, à savoir une sorte de caisse de l'Etat pour ces indemnités perte de gain en cas de maladie, n'est peut-être pas la solution idéale, en effet. Il faut quand même rappeler qu'en commission les représentants des syndicats nous ont dit que les personnes qui n'étaient pas au bénéfice d'une telle assurance perte de gain en cas de maladie représentaient à peu près 20% de l'ensemble des travailleurs. Il s'agit souvent des travailleuses et des travailleurs qui sont les plus menacés, qui ont les emplois les plus précaires et risquent la paupérisation en cas de chômage ou de maladie, précisément.

Alors, 20% c'est déjà trop, mais ça veut aussi dire que 80% des travailleurs sont au bénéfice d'une telle assurance. Et je ne vois pas pourquoi tout le monde ne pourrait pas en bénéficier. Cela ne serait pas si écrasant pour les entreprises qui sont déjà au bénéfice d'une telle assurance.

D'autre part, il est incohérent d'avoir une assurance perte de gain en cas d'accident et de ne pas avoir une assurance parallèle en cas de maladie. C'est pourquoi nous avons soutenu ce projet de loi, et plus précisément l'amendement des Verts, avec quelques modifications. Nous avions discuté en commission de l'économie de ce qu'il serait peut-être préférable de plutôt déposer un autre projet de loi, qui proposerait non pas une caisse d'Etat mais une solution un peu moins lourde que l'obligation pour les employeurs de s'affilier à des assurances qui soient reconnues par l'Etat.

C'est pourquoi le groupe socialiste a déposé un projet de loi, qui n'a pas abouti à la commission de l'économie mais qui est actuellement pendant à la commission des affaires sociales. Si bien que nous vous proposons d'entrer en matière sur ce projet de loi et, le cas échéant, de le renvoyer à la commission des affaires sociales pour pouvoir examiner à la fois l'amendement général des Verts et le projet de loi déposé par les socialistes, qui mérite vraiment toute notre attention étant donné qu'il y a quand même un certain nombre de travailleurs et de travailleuses qui ont besoin de ce type d'assurance. Je vous remercie donc d'entrer en matière sur ce projet de loi.

M. Pierre Kunz (R). Vous vous en souvenez, le mois dernier il a beaucoup été question de l'abbé Pierre. Permettez-moi de continuer à m'en inspirer à l'occasion de ce point de l'ordre du jour - et du suivant d'ailleurs, si nous le traitons. Vous le savez probablement, l'abbé Pierre a été pendant quelques années député à l'Assemblée nationale française. Il a fait le bilan de son expérience en la concluant par ces mots: «J'ai vite compris une chose simple: le travail des acteurs politiques consiste essentiellement à décider à qui prendre de l'argent pour le redistribuer.» Sous entendu: en vue d'alimenter leur fonds de commerce et leur clientèle électorale, bien sûr !

Alors, le projet de loi 9626 s'inscrit parfaitement dans ce jugement. M. Pagani et Cie entendent puiser dans la poche des uns pour plaire à d'autres ! Démarche qui n'est pas nouvelle et peu surprenante quand on sait de qui elle provient ! Par contre, ce qui est vraiment surprenant, c'est la proposition des Verts, qui vise, elle aussi, sous une autre forme, à rendre obligatoire l'assurance indemnités journalières en cas de maladie. N'ont-ils pas encore détecté, ces Verts, les ravages découlant de la décision de nos autorités fédérales de rendre l'assurance-maladie obligatoire, voici une vingtaine d'années, si je me souviens bien ? Là aussi, sous prétexte que pratiquement tout le monde à l'époque était assuré ! Car, si on y réfléchit, c'est bien dans cette obligation que se cachent largement tous les malheurs actuels de la LAMAL ! Nos collègues Verts n'ont-ils pas encore compris que le mal profond de notre société réside dans l'infantilisation que le monde politique et l'Etat-providence ont infligé à leurs membres ? N'ont-ils pas saisi que le monde politique doit cesser de faire de nos concitoyens des zombies ? Qu'il doit, au contraire, entreprendre de leur faire retrouver leur liberté et leur sens des responsabilités individuelles ?!

Mesdames et Messieurs, le projet de loi 9626 et l'amendement général des Verts sont des anachronismes. Les radicaux les refuseront...

Une voix. Les libéraux aussi !

M. Pierre Kunz. ...et vous recommandent sincèrement et fermement d'en faire de même ! (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG va également s'opposer à ce projet de loi. Il me vient tout de même une question... Quel est le premier employeur de ce canton ? Eh bien, ce sont les PME ! A force de leur taper dessus et en leur imposant des taxes de tous les côtés, vous faites en sorte que tout le monde deviendra socialisé ! Cela n'est pas normal !

Nous nous opposons donc avec fermeté à ce projet de loi, et si vous voulez vraiment aider les travailleurs de ce canton, eh bien, il faut leur fournir un travail ! Il faut leur donner les moyens de lutter contre la concurrence dont Genève est victime. C'est là où l'on pourra redonner dignité et fierté à nos résidents genevois, en favorisant l'engagement des résidents. Oui, Messieurs ! Là, nous vous suivrons ! Sinon, s'il s'agit d'instaurer des taxes et encore des taxes, on ne vous suivra pas. Et pour finir, vous savez que les taxes tuent les taxes !

M. Pierre Weiss (L). Mon collègue Pierre Kunz a défendu un point de vue totalement orthodoxe en ce qui concerne la députation libérale et je me rallie par avance à ses conclusions.

J'aimerais ajouter certains points. D'abord, le fait qu'aucune économie de marché ni aucun canton en Suisse ne connaît pareille réglementation. L'article 324a du code des obligations règle la question. Toutefois, au-delà des aspects légaux, il y a plus important. Pourquoi voudrait-on, par cette proposition, couvrir quelque chose qui relève non pas de la vie de l'employé dans l'entreprise, mais de la vie de l'individu dans la société ? Aux frais de l'entreprise ! Voilà le problème ! Au-delà de l'infantilisation, il s'agit d'un report de charges sur ceux qui ne sont pas responsables de ce que font les individus ! Il s'agit par conséquent de ne pas se tromper de cible et de demander à chacun d'être responsable pour son comportement tant qu'il est là où il est, mais pas de demander à l'entreprise A de s'occuper de l'individu B, là où elle n'est pas. C'est un point qui me semble fondamental.

Pour le reste, la position défendue par le Conseil d'Etat coule de source et devrait emporter notre conviction. Le conseiller d'Etat Longchamp a exprimé avec clarté dans les auditions qui nous ont permis d'examiner ce projet de loi les raisons pour lesquelles il convenait de rejeter celui-ci. Notamment le fait que l'Etat - notre Conseil d'Etat - considère que la façon dont les partenaires sociaux gèrent cette question doit l'emporter sur une gestion étatique. Voilà une saine conception de la subsidiarité qui devrait je croire plaire à ceux - je crois qu'ils sont nombreux sur les bancs socialistes - qui sont attachés à la puissance du mouvement syndical et à sa force de conviction lors de la négociation de conventions collectives, ceux qui sont attachés à leurs convictions, pour ne pas soutenir un projet de ce type qui précisément aurait pour conséquence de dénaturer et d'enlever du pouvoir de négociation aux syndicats dont certains sont si proches. Pour le mouvement syndical et pour le partenariat social, il convient donc de refuser ce projet de loi ! Et puis, évidemment, il y a d'autres difficultés pratiques qui ont été mises en évidence, je n'y reviendrai pas.

Je crois donc qu'il y a d'une part essentiellement la responsabilité de bien centrer l'intervention et, d'autre part, le respect du partenariat social qui doivent faire en sorte que ce projet de loi, au fond, soit pour nous l'objet d'un doux oubli par un refus net.

M. Christian Brunier (S). Je crois que nous sommes face à une question difficile. En fait, nous sommes à la recherche de l'équilibre - l'équilibre entre la dignité et les droits des employés - et les possibilités de contribution d'une entreprise. Je crois qu'il n'y a personne ici, tant à droite qu'à gauche, qui puisse se réjouir de la situation d'un employé gravement malade et qui n'aurait pas d'assurance perte de gain... Cet employé cumulerait de graves problèmes de santé et une situation financière personnelle dramatique. Je crois que nous sommes tous sensibles à de tels drames humains, quelle que soit notre idéologie.

D'un autre côté, il est vrai que, là aussi, on peut être inquiet - que l'on soit de droite ou de gauche - de faire porter un fardeau trop lourd aux entreprises, et spécialement aux PME et PMI, puisqu'on sait qu'il s'agit du tissu économique de ce canton. C'est donc bien une question d'équilibre entre le social et le développement économique.

En ce qui concerne le social, on l'a dit, personne ne se réjouit de voir quelqu'un malade et sans moyens de subvenir à ses besoins parce qu'il n'a pas d'assurance perte de gain. Il faut donc que l'on fasse quelque chose ! Quelle que soit notre pensée aujourd'hui, on voit qu'il y a des gens - on peut se battre sur les chiffres, mais cela concerne entre 15 et 20% des employés - qui ne sont pas couverts par une assurance perte de gain, et ça n'est pas normal !

Alors, est-ce une charge trop lourde pour les entreprises ? Peut-être est-ce la question ? Ce qui est étonnant, c'est que toutes les entreprises de ce canton qui sont des grandes entreprises - les entreprises publiques, les PME et PMI qui ont une convention collective - assument aujourd'hui cette assurance perte de gain. Elles ne l'assument toutefois pas toutes seules ! Personne ne l'a dit jusqu'à présent, mais ce ne sont pas uniquement les entreprises qui assument cette assurance: ce sont aussi les employés ! Le projet de loi l'indique clairement, à l'article 2, alinéa 3: «Les salariés et les employeurs cotisent à parts égales.» C'est important ! Parce qu'on nous donne l'impression que toute la charge reposera sur les entreprises ! Sur quelques nouvelles entreprises, puisque, je le rappelle, la plupart des entreprises à Genève, aujourd'hui, assument leur responsabilité sociale et ont des assurances perte de gain. Nous parlons donc uniquement de quelques entreprises ! Et, comme par hasard, il y aurait des secteurs d'activité qui ne pourraient pas assumer cette charge !

Monsieur Cuendet, vous m'étonnez ! Vous reconnaissez l'existence de situations dramatiques, mais vous estimez qu'il n'y a pas de souci, que ce n'est pas très grave, et que les personnes qui vivent de telles situations doivent recourir à l'aide sociale... Alors que vous nous dites continuellement ici qu'il faut limiter l'Etat social et que les gens doivent prendre leurs responsabilités ! Eh bien, ce projet de loi appelle justement à la responsabilité, à la responsabilité sociale des entreprises ! C'est peut-être un concept relativement neuf pour vous, néanmoins, pour les entreprises, il l'est de moins en moins ! Je peux vous dire que la plupart d'entre elles ont aujourd'hui une vocation sociale bien plus grande que les partis qui disent les représenter !

Autre élément: les employés assument leur rôle en payant eux-mêmes la moitié de la cotisation d'assurance perte de gain. Alors, ils se prennent en charge eux-mêmes et ne s'adressent pas aux services sociaux de l'Etat, comme vous les incitez à le faire ! Aujourd'hui, vous mettez vos théories politiques habituelles au panier, parce que ça vous arrange conjoncturellement et parce que vous avez peu d'arguments ! Vous savez très bien que, dans un Etat social responsable qui se respecte, tous les collaborateurs et collaboratrices doivent avoir une assurance perte de gain, dans le public comme dans le privé ! C'est un effort que l'on demande aux employés et aux entreprises: la plupart des employés et des entreprises l'assument aujourd'hui. Ce projet de loi ne demande qu'une seule chose, c'est de généraliser cela pour l'appliquer à des entreprises qui ont peut-être un peu moins de conscience sociale que la grande majorité d'entre elles.

M. Kunz a fait appel à l'abbé Pierre, mais je ne sais pas comment il interprète l'abbé Pierre ! Si certains essayent de récupérer l'abbé Pierre, nous, nous voulons juste appliquer ses idéaux sociaux ! (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). Je suis quelque peu surpris par ce débat. En tout cas 15% des travailleurs, selon certains chiffres, n'ont pas de couverture d'assurance perte de gain. Cela veut dire que 85% des travailleurs en ont une. Cela veut aussi dire qu'une petite minorité des entreprises et des employés n'assument pas les responsabilités qui sont les leurs. En refusant ce projet de loi, qu'est ce que vous demandez ? Vous demandez simplement à l'Etat d'assurer ces charges en cas de catastrophe et vous refusez aux entreprises et aux employés la possibilité d'assumer leurs responsabilités individuelles. Vous refusez la responsabilisation du secteur privé !

On pourrait bien évidemment insister sur l'élargissement des conventions collectives, ce qui me semblerait quelque chose de tout à fait positif. Toutefois, à partir d'un certain moment, quand on voit que les gens ne veulent pas faire cet effort, que les mailles du filet social sont encore trop larges et qu'on demande à la collectivité publique d'intervenir systématiquement parce que le secteur privé ne veut pas faire son travail et parce que la responsabilité individuelle ne joue pas, je pense qu'il faut légiférer. Nous vous appelons donc à légiférer !

Les Verts vous ont fait une proposition d'amendement général que vous avez refusée en commission. Nous étions prêts à discuter, mais cette proposition a été rejetée, je trouve cela quelque peu regrettable. Malgré ce que vous prétendez, ce n'est pas la responsabilité individuelle et la responsabilité du secteur privé que vous défendez ! Vous voulez simplement socialiser ces pertes et nous trouvons cela inadmissible, surtout au vu de l'état des finances de notre canton en ce moment.

Nous vous demandons d'avoir un peu plus le sens des responsabilités et nous vous appelons à accepter ce projet de loi !

M. François Gillet (PDC). Que tous les travailleurs de ce canton puissent être au bénéfice d'une assurance perte de gain est certes un objectif louable. De là à rendre cette assurance obligatoire, de plus dans un cadre et dans des structures étatiques fort complexes et très coûteuses... Cela ne convient pas au groupe démocrate-chrétien qui refusera ce projet de loi !

Quant à l'amendement général des Verts, il propose certes une structure moins complexe, mais, comme nous l'avons dit en commission, nous aurions préféré pouvoir repartir sur des bases réellement nouvelles, avec un nouveau projet de loi.

Le groupe démocrate-chrétien refusera donc également cet amendement général, mais il est prêt à examiner toute autre proposition, moins complexe, moins lourde et moins coûteuse qui s'appuiera sur les compagnies qui assurent déjà aujourd'hui la majeure partie des risques des employés de ce canton.

Mis aux voix, le projet de loi 9626 est rejeté en premier débat par 44 non contre 27 oui.

PL 9676-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'aide sociale individuelle (J 4 04)
Rapport de majorité de Mme Christiane Favre (L)
Rapport de première minorité de Mme Anne Emery-Torracinta (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Gilbert Catelain (UDC)
P 1573-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la pétition CASI : impossible
Rapport de majorité de Mme Christiane Favre (L)
Rapport de première minorité de Mme Anne Emery-Torracinta (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Gilbert Catelain (UDC)

Premier débat

Mme Christiane Favre (L), rapporteuse de majorité. Ce projet de loi touche à quelque chose de fondamental: l'aide et l'assistance que l'on doit aux plus démunis d'entre nous. L'aide financière, bien sûr, mais aussi et surtout l'aide à l'insertion et à la réinsertion dans un environnement social et professionnel. Cette aide à l'insertion et à la réinsertion se matérialise notamment par la proposition d'un CASI, c'est à dire un contrat d'aide sociale individuelle, passé entre la personne qui est au bénéfice de l'aide sociale et l'Hospice général, c'est à dire l'assistant social qui s'occupe du dossier.

Pour certains, ce CASI est trop contraignant. Pour d'autres il ne l'est pas assez. Le respect de ce contrat, qui implique d'atteindre des objectifs de réinsertion fixés par étapes, donne droit à un supplément d'intégration, un bonus qui correspond à un montant pouvant aller de 100 F à 300 F. Certains, qui partent un peu perdants, voient cela plutôt comme une possibilité de malus. Pour d'autres, ce bonus est une manière facile de faire monter les enchères.

La majorité de la commission a reconnu dans le CASI et dans cette somme accordée en supplément un outil intéressant, une forme de coaching utile sinon indispensable pour atteindre les buts poursuivis par cette loi que je vous rappelle: il s'agit de prévenir l'exclusion sociale et aider ceux qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel.

La majorité de la commission a jugé que ce projet de loi, tel que ressorti de ses travaux répondait à cet objectif. Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre les conclusions de la commission.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. La rapporteure de majorité l'a bien dit: avec ce débat sur l'aide sociale individuelle, on touche à l'essentiel. Il ne s'agit pas seulement d'un débat technique, nous parlons de ce qui touche à l'essentiel de la société, c'est à dire la vision que chacun peut se faire de la réussite mais aussi de la pauvreté et de la distribution des richesses dans ce monde.

Les socialistes ont trouvé qu'il y avait des aspects tout à fait positifs dans cette loi, mais qu'il y avait également un certain nombre de points qui posaient problème parce que, justement, ils touchent à l'essentiel de ce qui constitue nos valeurs. Je ne reprendrai pas ici tous les points de mon rapport de minorité mais les aspects principaux qui ont au bout du compte amené les socialistes à refuser ce projet de loi.

Tout d'abord, rappelons que cette loi est en quelque sorte entachée par ce que j'ai appelé dans mon rapport «un péché originel». Ce péché originel, c'est qu'il s'agit de la formalisation légale à Genève des normes CSIAS, qui sont des normes qui ont abouti dans le concret à une baisse des prestations sociales pour les bénéficiaires. Je vous rappelle que l'Hospice général a estimé que cette baisse était de l'ordre de 9% par dossier.

Le deuxième point qui pose problème aux socialistes, c'est qu'il y a derrière cette loi quelque chose qui relève du principe de l'aide au mérite. Il y a très nettement, notamment avec l'article 20, une logique qui est celle du bonus et du malus. On encourage effectivement les «bons pauvres» - je mets des guillemets - pour qu'ils puissent se réinsérer ou tenter de se réinsérer et obtenir ainsi un supplément d'intégration.

En même temps, derrière cette logique, il y a aussi l'idée des abus. On sous-entend bien évidemment que, si certaines personnes ne veulent pas se réinsérer, c'est bien qu'il y a abus et qu'il y a des gens qui profitent de l'aide sociale. Nous sommes là, Mesdames et Messieurs les députés, dans quelque chose qui est sans doute bien loin de la réalité pour la majorité des bénéficiaires. Parce que parler d'abus dans l'aide sociale, c'est mettre en opposition deux hypothèses qui sont au fond totalement contradictoires: d'une part, les bénéficiaires seraient des gens en fait suffisamment malins et suffisamment actifs pour abuser et tromper la société; d'un autre côté, puisqu'il faut à tout prix les aider à se réinsérer, ils ne seraient pas assez actifs par eux-mêmes pour tenter de faire quelque chose pour s'en sortir.

Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de rencontrer des bénéficiaires de l'aide sociale. Si tel est le cas, vous avez certainement vu qu'il s'agissait de gens qui, pour l'essentiel d'entre eux, sont bien incapables de tenter de nous abuser systématiquement. Pourquoi ? Parce que souvent ils ne comprennent tout simplement pas ce qu'on leur demande, ils se sentent submergés par les papiers administratifs et ce qu'ils veulent en général, c'est simplement de pouvoir travailler.

Ce qui nous dérange aussi, c'est que derrière cette logique de bonus et de malus il y a un jugement moral: il y aurait des bons pauvres et il y aurait des mauvais pauvres ! On est donc très loin de ce qui est dit dans l'exposé des motifs, à savoir l'idée que l'on réaffirme un droit à l'assistance. Si c'est un droit, alors il n'y a rien à prouver !

J'aimerais aussi que les partisans de l'aide au mérite réfléchissent à un point qui me paraît essentiel. Quand on parle de mérite, on parle de responsabilité individuelle: on dit au fond que l'individu doit être capable de faire l'effort nécessaire à sa réinsertion. Mais lorsque l'on regarde d'un peu plus près ce qui amène les gens à l'aide sociale, on s'aperçoit que ce sont des facteurs divers et variables qui ont moins à voir avec les personnes concernées qu'avec ce que la société a prévu en amont pour éviter que ces personnes soient amenées à demander de l'aide. Le fait d'aller à l'aide sociale va dépendre, par exemple, du marché de l'emploi. Y a t-il ou pas du chômage ? Cela dépend aussi des salaires. Je vous rappelle que l'essentiel des bénéficiaires d'aides sociales sont souvent des working poors lorsqu'ils travaillent. Cela dépend encore du système de sécurité sociale mis en place. Par exemple, on sait aujourd'hui que l'assurance-invalidité refuse toujours plus de monde et que les personnes concernées se retrouvent au bout du compte à l'aide sociale.

J'aimerais, à titre d'exemple, vous faire partager une situation: pensez au cas d'une femme d'une quarantaine d'année et sans formation professionnelle. Cette femme est mariée, elle devient veuve. Elle bénéficiera de l'AVS et vraisemblablement aussi de la rente que versera l'employeur de son mari. Cette femme n'aura donc pas besoin de l'aide sociale. Vous imaginez maintenant la même femme, qui ne perd pas son mari mais en divorce. Elle n'avait pas de formation professionnelle, ou alors une formation simple. Elle est sans travail, elle risque de se retrouver à l'aide sociale. Eh bien, la même personne sera soit à l'aide sociale, soit protégée par la société, selon les circonstances, tout simplement parce que nous avons décidé dans cette société que le veuvage était moralement acceptable et donc financièrement rétribué - si j'ose dire - alors que ce n'est pas le cas pour le divorce. Quand on prend cet exemple, on se rend bien compte que cela relativise singulièrement la responsabilité individuelle et que cela devrait nous faire réfléchir par rapport à l'aide au mérite.

Autre point important, le CASI, le fameux contrat mentionné par la rapporteure de majorité. Ce contrat nous inquiète parce qu'il induit des risques d'arbitraire. En vertu de quoi, telle personne, dans tel centre d'action sociale et de santé (CASS), obtiendra-t-elle un supplément financier d'intégration et peut-être pas telle autre personne, ailleurs, dans un autre CASS ?

En définitive, Mesdames et Messieurs les députés, nous estimons que cette loi va à l'encontre de ce qu'elle prétend être ! L'exposé des motifs parle d'une aide moderne et dynamique. Dynamique parce qu'efficace et à même de lutter contre la pauvreté. Eh bien non ! Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas avec l'aide sociale que l'on lutte contre la pauvreté !

Ce n'est pas non plus une aide moderne: je vous rappelle que le principe même de l'aide au mérite, l'idée qu'il y a des vrais ou des faux pauvres - des bons ou des mauvais pauvres - est une idée très ancienne, puisqu'en Occident elle remonte à la fin du Moyen-Age, au moment où le paupérisme a augmenté. J'ai même retrouvé, en faisant une recherche historique, un texte bâlois du XVe siècle, distinguant vingt-six sortes de pauvres et de mendiants, qui avait pour objectif de montrer aux autorités quels étaient les pauvres qui trompaient la population et quels étaient ceux qui méritaient d'être aidés.

Etre moderne, Mesdames et Messieurs les députés, si je prends le Petit Robert, c'est être du temps de celui qui parle ou d'une époque relativement récente. Malheureusement, dans cette loi, il y a des aspects qui marquent un retour en arrière. En politique, Mesdames et Messieurs les députés, cela signifie être réactionnaire ! Eh bien, Mesdames et Messieurs de la majorité parlementaire, j'ose le dire aujourd'hui, restez conservateurs et maintenez ce qui existe actuellement en refusant ce projet de loi ! (Applaudissements.)

La présidente. Le Bureau a décidé de clore la liste. Sont encore inscrits: Mmes et MM. Christian Bavarel, Laurence Fehlmann Rielle, Gilbert Catelain, Pierre Kunz, Eric Bertinat, Pierre Weiss, Renaud Gautier, Esther Alder, Gabrielle Falquet, Anne-Marie von Arx-Vernon, Lydia Schneider Hausser. Avant cela, la parole est au rapporteur M. Gilbert Catelain.

M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Nous sommes saisis d'un projet de loi dont l'objectif est davantage un toilettage de la loi - qui reprend les révisions proposées par la Conférence suisse des institutions d'action sociale - qu'une réforme volontariste du Conseil d'Etat pour rendre plus efficiente l'aide sociale. En 2005, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales a pris connaissance des résultats de la consultation et recommandait à ses membres d'appliquer «les concepts et normes de calculs de l'aide sociale» que vous pouvez trouver sur le site internet de la Conférence suisse des institutions suisses d'action sociale.

Pendant tout ce processus, le parlement a largement été tenu à l'écart, de sorte que les normes intercantonales que vous vous apprêtez à voter souffrent d'un large déficit démocratique.

Dans les faits, le canton de Genève est le canton de Suisse qui consacre le plus d'argent public à l'aide sociale, avec un budget de 187 millions de francs par an pour l'Hospice général en 2006, alors qu'il n'était que de 100 millions en 2003. Notre système social, qui a pour objectif principal de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer, échoue lamentablement ! Même en période de haute conjoncture, le nombre de bénéficiaires ne cesse d'augmenter. La situation est particulièrement préoccupante chez les jeunes adultes de 18 à 25 ans. Entre le 31 décembre 2004 et le 30 juin 2005, le nombre de dossiers concernant des jeunes adultes a bondi de 11%, contre 5% d'augmentation pour le reste de la population. (Brouhaha.)

La situation est encore plus dramatique pour la période comprise entre 1999 et 2004. Pour cette même population de jeunes adultes, le nombre de dossiers est passé de 829 à 1502 dossiers. Rien ne permet de penser que le projet de loi que vous vous apprêtez à voter ce soir permettra d'inverser la tendance et d'atteindre réellement l'objectif de base qui consiste à réinsérer les bénéficiaires dans un environnement social et professionnel.

La question de fond que nous voulons nous poser est celle du rôle de l'Etat. Selon Walter Schmid, président de la CSIAS, l'aide sociale est impuissante dans de nombreux cas, car elle intervient à un moment où les chances de l'individu sont passablement compromises. Pour les 18-25 ans, il préconise l'allongement de deux ans de la scolarité obligatoire. Même la candidate socialiste aux élections présidentielles françaises a remis en cause le modèle français, pas plus tard que le 19 février 2007 à 22h, en déclarant sur TF1 qu'elle était contre l'assistanat et que l'assistance sociale ce n'était pas la dignité humaine. Etre contre cette loi ne signifie pas que nous ne puissions pas nous identifier au sort des plus fragiles !

Il n'est pas question ici de contester que l'aide sociale soit indispensable à la cohésion d'un corps social et à la santé des valeurs morales. Il nous importe bien davantage de recadrer le rôle de l'Etat, afin que les bénéficiaires passent du statut d'assistés à celui de citoyens intégrés socialement et professionnellement.

Pour l'UDC, l'Etat doit promouvoir une aide sociale moderne qui passe par des objectifs de réinsertion que le bénéficiaire et l'Etat s'engagent à atteindre. Il s'agit de convertir les moyens pécuniaires en mesures dynamiques soutenues par de solides moyens matériels, structurels et organisationnels.

L'aide au mérite doit redevenir le fondement de l'octroi de la poursuite de l'aide sociale. Si l'aide sociale aux premier, troisième et quatrième âges n'a pas à être remise en question dans son principe, puisqu'elle touche une catégorie de la population qui est fragilisée, il n'en va pas de même pour la catégorie des bénéficiaires adultes. La philosophie de l'aide sociale que vous vous apprêtez à soutenir manque de courage social ! Elle ne permet pas de restaurer la dignité humaine. L'aide sociale ne doit pas non plus devenir une rente de situation à vie. Or, la majorité de la commission a décidé d'aller au-delà de la garantie de l'article 12 de la Constitution fédérale en élargissant le champ du droit d'accès à de nouveaux bénéficiaires.

Concernant le CASI, nous y reviendrons certainement. Dans ces accords convenus avec la CSIAS, il est prévu que le Conseil d'Etat s'apprête simplement à mettre en application ces normes. Il ne s'agit pas forcément ici de réinsérer des personnes dont on sait pertinemment qu'elles sont dans une situation de fragilité qui ne leur permettra évidemment pas de se réinsérer dans le marché de l'emploi.

Concernant l'amendement socialiste qui consiste à vouloir réintégrer un abonnement annuel Unireso en plus du forfait pour l'entretien, je tiens à rappeler que les normes CSIAS prévoient dans le forfait d'entretien les postes suivants: nourriture, boissons et tabac, vêtements et chaussures, consommation d'énergie sans les charges locatives, entretien courant du ménage, nettoyage, entretien de l'appartement et des vêtements, y compris taxe pour ordures, achat de menus articles courants, frais de santé sans franchise ni quote-part, frais de transports, y compris abonnement demi-tarif, transports publics locaux, entretien vélo-vélomoteur, communications à distance, téléphone, frais postaux, loisirs et formation - par exemple, concession radio et télévision, sports, jeux, journaux, livres, frais d'écolages, cinéma, animaux domestiques; soins corporels - par exemple, coiffeur et articles de toilette; équipement personnel - par exemple fournitures de bureau; boissons prises à l'extérieur et autres - par exemple, cotisations d'associations et petits cadeaux. Donc, l'amendement qui nous est proposé par le groupe socialiste est déjà intégré dans le forfait d'entretien prévu par les normes CSIAS !

Nous nous étonnons aussi que le parti libéral, qui a fait campagne pendant les élections pour le Grand Conseil...

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le rapporteur !

M. Gilbert Catelain. Je conclus ! Pendant cette campagne, le parti libéral s'est fendu d'un tout-ménage qui condamnait cette politique sociale à Genève qu'il s'apprête pourtant à soutenir aujourd'hui ! Pour tous ces motifs et en l'absence de cautèle, notamment financière, je vous invite à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.

M. Christian Bavarel (Ve). RDU, CSIAS, CASI, RPT... Si vous ne suivez pas assidûment le travail de nos commissions parlementaires, vous pouvez croire que c'est à peu près tout la même chose !

Reprenons donc tranquillement ce qui est en train de se passer. Le revenu déterminant unifié - RDU - qui est le mode de calcul vous permettant de savoir si vous avez droit ou pas à l'aide sociale est en train de se mettre en place. C'est quelque chose qui se fait progressivement, on commence petit bout par petit bout, on est en train de le faire !

Les normes de la Conférence suisse des institutions d'action sociale - CSIAS - sont aussi quelque chose qui vient d'être mis en place et qu'on commence à peine à appliquer. Pour les personnes qui vont - ou peut-être pas - toucher l'AI, on se retrouve avec un transfert de charges de la Confédération vis-à-vis des cantons, une répartition des tâches nommée RPT. Avec ces changements, quand vous êtes utilisateur de l'aide sociale ou travailleur social aujourd'hui, vous êtes sur un terrain mouvant... Nous sommes en train de dire à tous ces gens: «Tiens-toi au pinceau, j'enlève l'échelle !» On est dans quelque chose qui est irréaliste !

Mesdames et Messieurs les députés, prenons le temps de voir ce qui se passe ! Nous sommes dans un paysage brouillé par un écran de fumée ! Nous sommes dans des sables mouvants ! Et là-dedans, on tente de légiférer, certes avec de bonnes intentions, mais qui, pour finir, posent plus de questions qu'elles n'apportent de solutions.

Aujourd'hui, les Verts sont d'accord sur le fait que l'aide sociale doit servir à réinsérer; nous sommes d'accord de dire que, si une personne travaille, elle doit en retirer un bénéfice; nous sommes d'accord de dire qu'un contrat d'aide sociale individuelle peut être un bon outil pour les travailleurs sociaux. Avant de légiférer, nous voulons simplement aujourd'hui pouvoir évaluer ce qui se passe !

Mesdames et Messieurs les députés, il est donc urgent d'attendre car, face à cette situation, nous ne pouvons pas faire les choses sereinement. La loi que nous nous apprêtons à voter ce soir va devoir être modifiée très rapidement, car nous ne savons aucunement dans quelles eaux nous naviguons !

Vous constaterez que le groupe des Verts partira un petit peu en ordre dispersé sur ce sujet-là parce que, s'il y a de bonnes raisons de dire que le projet de loi va dans le bon sens, il subsiste cependant beaucoup de questions et beaucoup d'inquiétudes. Cela explique notre abstention en commission.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le débat qui nous occupe ce soir ne porte pas sur une simple révision de la loi sur l'assistance publique au profit d'une aide sociale rajeunie qui se voudrait nouvelle et dynamique. Ce n'est pas banal, ce n'est pas une simple formalité ! C'est un vrai débat de société qui porte sur la place que nous entendons donner aux personnes les plus fragilisées de la société, celles qui se retrouvent à l'assistance en raison des circonstances de la vie. Je ne sais plus qui a dit que l'état d'une société se mesure à la place qui est faite à ceux qui sont les plus démunis. C'est vraiment de cela qu'il s'agit !

Cette réforme de l'assistance intervient dans un contexte difficile, malgré la soudaine embellie des finances publiques, et la plupart des débats politiques sont conditionnés par des impératifs d'assainissement, d'efficacité, d'efficience, et j'en passe. Il s'agit d'en faire plus avec moins et cette réforme n'y échappe pas ! Les récentes réductions des prestations auxquelles ont été soumis les bénéficiaires de l'assistance montrent qu'on a fait passer à la caisse les plus démunis sans demander en parallèle des sacrifices à ceux qui sont les plus fortunés. L'assainissement des finances publiques s'est fait au détriment des personnes qui sont les plus fragiles dans notre société, celles qui ne disposent pas d'un lobby très fort pour les défendre. C'est donc un premier point que les socialistes ne peuvent pas accepter !

Le second point que je souhaiterais mettre en évidence, c'est que cette nouvelle loi introduit tout simplement une aide au mérite par le biais du CASI et des obligations qui en découlent. Nous n'avons jamais contesté le fait qu'il était éventuellement possible de dynamiser la relation d'aide, mais le système qui est mis en place revient à faire entièrement reposer la responsabilité sur la personne qui est justement bénéficiaire de l'assistance. Il y a dans cette conception de l'assistance qu'on veut nous imposer une sorte de jugement moral, une sorte de retour à la charité publique, nouvelle formule. En fait, avec des vieux principes on veut faire du neuf, mais tout cela n'est qu'un vernis !

Le surplus d'intégration tel que prévu dans cette loi ouvre aussi la porte aux inégalités de traitement selon les appréciations des personnes qui seront en charge de l'application de ce contrat d'aide sociale individuelle.

En plus, dans son rapport de minorité, Mme Emery-Torracinta montre très bien que le contexte économique, aussi bien que le niveau socioculturel, a une grande influence sur les catégories des personnes qui se retrouvent à l'assistance. De par ce fait, la responsabilité individuelle des personnes à l'assistance s'en retrouve très largement relativisée.

Toujours concernant le contrat d'aide sociale individuelle, maintenant couramment appelé le CASI, nous avons beaucoup de doutes sur sa faisabilité, tel qu'il est envisagé. Quand on connaît la surcharge de travail des assistants sociaux, on se demande comment ceux-ci vont pouvoir faire face à toutes les consignes qui leur sont données ! Il faudra faire toujours plus. Or, il n'est pas prévu d'attribuer plus de moyens aux assistants sociaux. Tout cela pour essayer de faire en sorte que les personnes concernées puissent être réinsérées socialement, voire professionnellement.

Autre chose qui nous choque aussi, c'est finalement que ce CASI est appliqué depuis plus de six mois alors que la loi est discutée seulement ce soir. Est-il vraiment correct, une fois de plus, d'anticiper sur quelque chose qui n'a même pas été voté ? Si on lit l'exposé des motifs, malgré les prémices qui étaient assez intéressantes, le résultat final ne correspond pas à la vision qu'ont les socialistes de l'aide sociale, qui devrait respecter la dignité humaine et être basée sur des principes de solidarité qu'une société digne de ce nom devrait pouvoir appliquer.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste vous propose de refuser la prise en considération de ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Pierre Kunz (R). Nous les radicaux, nous voulions vous expliquer pourquoi le projet de loi 9676 est moderne, pourquoi il est tellement important et dans quel sens il marque une avancée considérable - très importante - dans notre conception de l'aide sociale dans ce canton !

Malheureusement, un front anachronique s'est constitué dans ce parlement autour de l'amendement prétexte hasardeux de Mme Pürro. Cet amendement et ce front anachronique nous désolent, comme ils désolent d'autres groupes de ce parlement parce que cet amendement déséquilibre gravement le projet de loi qui nous est présenté et qui a été travaillé si longuement en commission ! C'est un mauvais coup qui nous est fait là ! Nous renonçons donc à poursuivre ce débat et demandons le renvoi en commission.

La présidente. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons donc une demande de renvoi en commission. Chaque groupe pourra s'exprimer trois minutes sur le renvoi en commission. La parole est à M. le député Pierre Weiss.

M. Pierre Weiss (L). Je tiens à remercier pour sa collaboration digne de l'union libérale-radicale mon collègue Pierre Kunz qui vient de vous demander le renvoi en commission, point sur lequel j'entends aussi intervenir. Parce qu'à lire la teneur de cet amendement, pour autant d'ailleurs que je le comprenne, on doit imaginer que des coûts considérables en découleront pour l'Etat.

Il faut compter environ 15 000 bénéficiaires de l'aide sociale. Sur ces 15 000 bénéficiaires de l'aide sociale, il y a certainement entre 3000 et 5000 enfants. 3000 à 5000 enfants auxquels on entend donner de façon inconditionnelle un abonnement de transports publics. Au passage, par un lapsus significatif, on parle dans l'amendement d'«Uniresco». Je ne sais pas si le «Uniresco» est un mot-valise dans lequel on met l'«uni» et l'Unesco ou bien l'«uni» et la resquille mais je préfère le terme «Unireso».

Dans cette proposition de dernière heure, qualifiée d'anachronique tout à l'heure - moi je dis qu'elle hétéroclite - on a non seulement une tentative de déséquilibrage, on a aussi une tentative de sabordage des longs travaux de commission sur un projet qui était né du temps où M. Unger était au Conseil d'Etat et avait déposé ce projet de loi. Et j'ai de la peine à comprendre les démocrates-chrétiens sur ce point ! J'ai de la peine à comprendre qu'ils veuillent refuser l'entrée en matière la plus rapide possible de cette importante modification législative continuée par son successeur à la tête du département responsable.

Raison pour laquelle les libéraux voteront en faveur du renvoi en commission pour que l'on étudie attentivement le coût de cette manoeuvre de dernière minute.

Mme Esther Alder (Ve). Les Verts soutiendront bien évidemment un renvoi en commission. La question des transports est une question importante et pourra ainsi être examinée sereinement. Par ailleurs, la minorité de ce parlement trouve que ce projet de loi présente un certain nombre d'imperfections et ce sera l'occasion de retravailler sur les différents points qui sont chers aux Verts et au groupe socialiste.

La présidente. La parole est à Mme la députée Gabrielle Falquet.

Mme Gabrielle Falquet. Je renonce.

La présidente. Bien, la parole est à Mme Anne-Marie von Arx-Vernon.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, ce projet de loi mérite certainement d'être réexaminé. Nous relevons toutefois qu'il apporte un changement d'épistémologie, un changement de regard sur l'aide sociale, et c'est vrai que c'est aussi un choix de société.

Il est vrai que trop longtemps nous nous sommes laissé enfermer dans une définition de l'aide sociale destinée à des personnes en grande difficulté, en oubliant parfois leurs compétences et leurs ressources. A partir de ce moment-là, leur difficulté à se réinsérer est devenue la mesure étalon de l'aide sociale au lieu de leur capacité à se réinsérer.

Cette aide est devenue tellement stigmatisante pour celles et ceux qui la reçoivent qu'elle a engendré des fantasmes d'abus, voire de magouilles, et le parti démocrate-chrétien s'est toujours opposé, par rapport à cette vision qui stigmatise les gens qui bénéficient de l'aide sociale. Cette vision, d'aucuns voudraient la rendre banale, pour exclure encore plus une partie de la société qui ne leur ressemble pas ! (Brouhaha.) Ce projet de loi nous ramène à une réalité sociale qui se modifie régulièrement et plus vite que nous le souhaiterions. Nous en avons la preuve ce soir !

Pour commencer, dans cette loi il y a un élément important à retenir qui semble tout à fait pragmatique et applicable, le contrat d'aide sociale individuelle. Ce contrat est une bonne chose, il est déjà en expérimentation et il fonctionne ! Aujourd'hui, en ce 23 février, à la minute, nous ne savons pas combien ce projet engendrera de frais, en regard de la mise en place du revenu déterminant unifié et des normes CSIAS. (Brouhaha.) De plus, nous voulons revenir...

La présidente. Exprimez-vous sur le renvoi en commission, Madame la députée ! (Brouhaha. Mme Anne-Marie von Arx-Vernon est interpellée.)

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Oui ! Je suis justement en train de dire pourquoi nous allons répondre favorablement à la demande de renvoi en commission ! De plus, l'amendement socialiste a le mérite de relever quelque chose qui nous intéresse, c'est l'aide aux enfants. Pour toutes ces raisons, nous allons absolument demander le renvoi en commission.

Mme Véronique Pürro (S). Je m'étonne un petit peu qu'un amendement tel que celui que j'ai proposé, qui devrait être discuté au cours de la discussion article par article, déclenche un tel cataclysme ! Parce qu'il n'y a franchement pas de quoi. Je ne retirerai cet amendement en aucun cas, Monsieur Weiss, et j'espère que le PDC, qui l'a signé, continuera à défendre cette idée qui est inscrite dans son programme ! Dans le programme PDC, priorité est donnée aux familles. (Remarques.) Aux familles en situation de précarité en premier lieu ! J'espère qu'au sortir des travaux de commission cet amendement sera accepté et peut-être même renforcé !

Parce que, comme l'a dit très justement ma collègue Virginie Keller Lopez dans le cadre d'un autre débat qui concernait l'abonnement TPG pour les aînés, aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, les personnes les plus fragilisées financièrement, ce sont les familles ! Et quand il y a des enfants, quand on est dans la précarité, c'est d'autant plus difficile de sortir de cette précarité !

Donc, l'idée d'introduire la gratuité de l'abonnement TPG pour les enfants, comme c'est le cas pour les bénéficiaires des prestations de l'Office cantonal des personnes âgées, est, je crois, une idée qui tombe sous le sens - et qui ne va pas concerner les 15 000 bénéficiaires de l'assistance publique. La commission étudiera de toute façon l'impact financier de cette mesure.

J'espère que la commission qui étudiera cette proposition intégrera cet amendement dans la loi et je m'étonne, une fois de plus, qu'on demande un renvoi en commission pour un simple amendement, mais c'est bien volontiers que le PS suivra cette proposition de renvoi en commission.

M. Eric Bertinat (UDC). Bien que nous refusions l'entrée en matière sur ce projet de loi, nous soutiendrons le renvoi en commission. Plus que la question de son coût lui-même, cette proposition d'amendement pose la problématique de l'application de normes CSIAS qui, entre parenthèses, prévoyant déjà des frais de transports - dont l'abonnement demi-tarif - au niveau des forfaits pour l'entretien.

On constate donc premièrement que la volonté d'appliquer les normes CSIAS est remise en question, puisque Genève va encore faire quelque chose de particulier, en introduisant une nouvelle dépense qui n'a pas lieu d'être.

Deuxièmement, c'est l'occasion pour moi de dénoncer le tourniquet perpétuel du PDC, qui en commission adopte une position et qui, quand on arrive en séance plénière, retourne sa veste et nous pose à nouveau des problèmes. Alors, nous rediscuterons de tout ça en commission.

M. Eric Stauffer (MCG). On va soutenir ce projet de loi, mais j'aimerais quand même vous dire, Mesdames et Messieurs les députés...

La présidente. Sur le renvoi en commission !

M. Eric Stauffer. Sur le renvoi en commission... On s'y opposera puisqu'on vient de dire qu'on va soutenir ce projet, mais j'aimerais quand même relever que la dignité commence par un emploi. Et pour avoir un emploi, Mesdames et Messieurs les députés, eh bien, il faut, encore une fois, aider nos concitoyens ! Et ce n'est pas en prônant cette ouverture, à se demander si des fois vous êtes élus par les départements français voisins, qui fera... (Huées.) Vous pouvez dire ce que vous voulez, Mesdames et Messieurs les députés, c'est la réalité ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

La présidente. Monsieur le député, adressez-vous à la présidence !

M. Eric Stauffer. Et c'est ça qui est dramatique dans ce parlement ! C'est par là que ça doit commencer ! C'est par là, Mesdames et Messieurs ! Je vous rappelle qu'il y a 67 000 frontaliers à Genève... (Huées.) Qu'il y a 17 000 chômeurs et 10 000 demandeurs d'emploi ! (Exclamations. Brouhaha.)

La présidente. Monsieur le député, on avait compris que vous étiez contre le renvoi en commission. Il suffisait de le dire et de ne pas répéter encore et toujours la même chose ! Merci. La parole est à Mme la rapporteure Anne Emery-Torracinta.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de première minorité. Si c'est au sujet du renvoi en commission, je ne vais pas reprendre la parole, Mme Pürro a déjà parlé.

La présidente. comme vous étiez inscrite, je ne savais pas si vous aviez quelque chose à ajouter.

Mme Anne Emery-Torracinta. Oui, à mon rapport, mais pas quant au renvoi en commission.

La présidente. D'accord. Monsieur Catelain, avez-vous quelque chose à ajouter par rapport au renvoi en commission ?

M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Mon groupe s'étant déjà exprimé, je renonce à prendre la parole. (Commentaires.)

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Si l'examen en commission de ce projet avait été hasardeux, rapide, furtif, j'eusse pu comprendre que nous débattions d'un certain nombre d'amendements fondamentaux en séance plénière.

Nous avons consacré vingt-cinq séances de commission à parler de la nouvelle loi sur l'aide sociale individuelle et il a fallu qu'à la faveur d'une lecture - que j'ai faite il y a environ un quart d'heure - je découvre un amendement dont je suis bien incapable ici de vous dire le coût, si ce n'est qu'il ne doit pas être minime. Puisqu'il y a 15 000 personnes à l'aide sociale, il y a donc probablement quelques milliers d'enfants qui sont concernés. L'abonnement annuel pour un enfant coûte à ma connaissance 450 F. On parle donc très vraisemblablement ici d'une somme qui serait importante.

Vous le savez, mon collègue Robert Cramer vous l'a dit par rapport à d'autres propositions analogues à propos des TPG pour d'autres catégories sociales de citoyens, il n'y a pas de dépense qui soit aujourd'hui anodine dans l'esprit du Conseil d'Etat. Il n'y a pas non plus de raisons pour que cette proposition ne soit pas chiffrée tout à fait correctement.

C'est pour cela que, bien à regret, nous devons nous satisfaire de devoir retourner en commission, alors que je m'apprêtais à vous dire combien cette nouvelle loi était une réelle avancée pour l'insertion sociale dans notre canton. Pour que je puisse vous chiffrer exactement le coût de cet amendement et les problèmes de principe qu'il risque de poser et qu'en toute connaissance de cause nous puissions - que vous puissiez - prendre les décisions qui s'imposent, je vous invite donc à appuyer le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9676 et la pétition 1573 à la commission des affaires sociales est adopté par 78 oui contre 1 non.

M 1701
Proposition de motion de Mmes et MM. Anne-Marie Arx-Vernon von, Véronique Schmied, Béatrice Hirsch-Aellen, Luc Barthassat, Jacques Baudit, Guillaume Barazzone, Mario Cavaleri, Michel Forni, François Gillet, Guy Mettan, Pascal Pétroz visant à lutter contre le chômage de longue durée en créant une entreprise «Re-Integra» qui offre des emplois à des chômeurs en fin de droit ou à des bénéficiaires de l'assistance publique

Débat

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Cette motion parle de réinsertion pour les personnes à l'assistance sociale et pour les personnes précarisées. Nous, membres du parti socialiste, trouvons ça très bien ! Ce qui est pourtant étonnant, c'est que cette motion émane des partis de droite. On parle de réinsertion pour des gens que l'on pourrait pourtant réinsérer dans des activités relativement proches d'un plein emploi ou d'un emploi normal. On pourrait se dire qu'il s'agit de personnes qui pourraient être à même de travailler normalement par rapport au marché de l'emploi. Cela montre bien que le marché de la libre concurrence ne propose pas toutes les possibilités d'emplois qui devraient être offertes. Cela montre aussi que les personnes qui sont au chômage, en fin de droit, ou à l'assistance pourraient trouver assez rapidement un emploi si les entreprises privées était tenues d'offrir des postes que l'on pourrait qualifier de précaires ou ne nécessitant pas une formation poussée.

Ce rôle n'est malheureusement pas tenu pour l'instant, vu le tissu économique de Genève, mais cela démontre aussi que nous avons besoin de structures d'accompagnement à l'emploi pour un certain nombre de personnes. Cela prouve l'importance du tissu associatif que souvent la même droite refuse de reconnaître.

Toutefois, il y a effectivement un troisième groupe de personnes qui ne peuvent être insérées ou réinsérées, et ces dernières ont droit à une assistance. Elles ont droit à un encadrement, à un soutien, à un suivi.

En conclusion, le groupe socialiste soutiendra la demande de renvoi de cette motion à la commission de l'économie.

M. Eric Stauffer (MCG). On doit ne s'exprimer que sur le renvoi en commission, si j'ai bien compris ? (Commentaires.) Oui, j'ai bien suivi ! Voilà. Le renvoi en commission: non ! Le texte: non ! Et je vais vous expliquer pourquoi !

Des voix. Ah !

M. Eric Stauffer. Pour la simple et bonne raison que c'est comme les mesures cantonales: vous fabriquez les esclaves du XXIe siècle en les sous-payant. Parce que les mesures cantonales, c'était ça ! Et vous voulez recommencer maintenant que les mesures cantonales ont été abolies, faire une société fictive pour créer et attribuer des emplois fictifs.

Vous voulez vraiment aider les travailleurs les plus défavorisés de ce canton et dynamiser l'Office cantonal de l'emploi, mais, lorsque le Mouvement Citoyens Genevois vous propose un texte à ce sujet, après une enquête extrêmement poussée, vous le refusez ! Evidemment, ça ne vous touche pas, vous qui avez tous des salaires compris entre 60 000 F et 200 000 F par année ! (Huées.) Oui, c'est bien ça, vous avez tous de belles maisons ! (Brouhaha.)

La présidente. S'il vous plaît, Monsieur, exprimez-vous sur le renvoi en commission ! (Brouhaha.)

M. Eric Stauffer. Donc, nous nous opposons au renvoi en commission. Encore une fois, si nous voulons redonner fierté et honneur à ces pauvres gens qui ont perdu leur emploi, ce n'est pas en en faisant des gens socialement téléguidés qu'on les aidera à sortir de l'ornière. Il faut dynamiser l'emploi dans notre canton et favoriser les résidents du canton de Genève - tous les résidents, d'où qu'ils viennent !

Tant que vous n'aurez pas compris cela, Mesdames et Messieurs les députés, le MCG continuera à se battre avec toute l'énergie qu'on lui connaît. Je vous souhaite une bonne soirée. Il est 22h40, je pense que nous allons terminer la séance avec ce sujet.

M. François Gillet (PDC). Même si je ne suis pas le premier à m'exprimer, permettez-moi de vous expliquer, en quelques mots, les intentions de cette motion du groupe démocrate-chrétien.

Monsieur Stauffer, je vous rassure, il ne s'agit pas de recréer des emplois temporaires cantonaux. Je crois que les discussions qui ont lieu actuellement en commission de l'économie, au sujet de la nouvelle loi sur le chômage, le PL 9922, montrent très clairement que l'ensemble des groupes n'en veut plus.

Cette motion est à prendre en considération dans le cadre des réflexions en cours sur la nouvelle loi sur le chômage. Le type de structure proposé correspond parfaitement aux dispositions qui sont actuellement à l'étude dans celui de cette nouvelle loi et en particulier celles qui concernent le programme d'emplois de solidarité sur le marché secondaire.

Lors des auditions menées par la commission de l'économie, nous avons eu l'occasion d'entendre un certain nombre de personnes actives sur ce marché. Il apparaît qu'il existe à Genève de nombreuses entités - qu'elles soient structurées en associations, en fondations ou même en entreprises sociales - qui sont actives dans ce secteur. Toutefois, il apparaît aussi que les besoins vont être considérables pour mener à bien ce programme de la nouvelle loi qui, nous l'espérons, sera largement adoptée par ce parlement, puis par le peuple, s'il devait y avoir référendum. Cependant, nous pensons que l'offre actuelle sera insuffisante dans ce domaine de l'économie sociale et solidaire.

Par conséquent, nous considérons qu'il est utile d'étudier en commission de l'économie l'opportunité de mettre sur pied de nouvelles structures qui seraient complémentaires de celles qui existent déjà à Genève et nous pensons que le projet «Re-Integra», qui se rapproche de structures existant déjà dans d'autres cantons, mérite d'être étudié, et nous vous demandons de renvoyer cette motion en commission de l'économie.

M. Pierre Kunz (R). Le concept des entreprises dites de réinsertion destinées aux chômeurs de longue durée est à la mode ! Je vous l'apprends peut-être, il a même été créé un Conseil Romand des entreprises d'insertion ! S'agit-il d'une nouvelle mystification ? S'agit-il d'une formule vraiment réaliste ? Est-il réellement possible de faire fonctionner une entreprise comme celle que nous proposent nos collègues du PDC ?

En effet, Mesdames et Messieurs les députés, comment prétendre poursuivre simultanément au sein d'une entreprise des buts aussi contradictoires ? Premièrement, il s'agirait de créer une PME soumise aux lois du marché, donc, par définition, non subventionnée. Deuxièmement, une PME qui engagerait prioritairement des personnes fragilisées. Troisièmement, cette PME verserait des salaires qui seraient payés par les entreprises concurrentes. Quatrièmement, cette PME offrirait à ses employés un encadrement professionnel qui serait nécessairement plus coûteux que dans la norme. Cinquièmement, enfin, comment cette PME ne constituerait-elle pas une source de concurrence déloyale pour les entreprises actives dans le même secteur ?

L'exposé des motifs de la motion est assez le reflet de ses buts contradictoires que nous venons d'énumérer. On nous dit, pêle-mêle, qu'il s'agit de créer une véritable PME; que les employés seront rémunérés aux conditions des conventions collectives de la branche; que des rabais pourront néanmoins être appliqués à certains clients. Les salaires, enfin, seront pris en charge au moins en partie par l'assurance-chômage ou par l'Hospice général. Le directeur, lui, sera salarié par la fonction publique.

Mesdames et Messieurs, lorsqu'on analyse ce texte, il apparaît clairement qu'il manque cruellement de réalisme et, donc, de faisabilité. La motion 1701 reste dans les schémas d'emplois fictifs et dans les broderies argumentaires. Il existe pourtant des secteurs où la réinsertion des personnes très fragilisées est possible: Emmaüs constitue un bon exemple de ce secteur. (Commentaires.) D'autres secteurs méritent d'être explorés ! Toutefois, ceux qui entendent procéder à cette exploration doivent absolument cesser de prétendre poursuivre des objectifs aussi contradictoires que ceux que nous venons d'énumérer ! Ce scepticisme de la part des radicaux étant noté, ceux-ci sont prêts à étudier en commission de l'économie des formules réalistes plutôt que le genre de mirage qui nous est proposé ici.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Après le postulat de M. Kunz contre l'économie sociale et solidaire - c'est en tout cas comme ça que j'ai compris votre intervention...

M. Pierre Kunz. Ce n'est pas du tout ça ! Vous n'avez pas bien écouté !

Mme Brigitte Schneider-Bidaux. Merci pour vos explications ! La proposition de motion émanant du PDC est extrêmement intéressante parce qu'elle s'inscrit justement dans ce qu'on est en train de discuter en commission de l'économie avec la proposition de nouvelle loi sur le chômage. Je trouve donc extrêmement important que cette motion soit renvoyée à la commission de l'économie pour que nous puissions approfondir le sujet.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je tiens à remercier le PDC d'avoir essayé de trouver une piste pour trouver une solution qui permettra de réduire le taux de chômage. Mais, après avoir lu la motion telle quelle, je vais soutenir son renvoi en commission de l'économie, pour la simple et bonne raison que nous avons depuis quelque temps admis que les emplois temporaires pour chômeurs n'étaient pas une situation qui pouvait durer indéfiniment.

Aujourd'hui il faut responsabiliser les gens, et ce n'est pas en leur donnant du travail pour une année seulement qu'on va améliorer leur qualité de vie; cela leur permettra juste de retourner au chômage ou à l'Hospice général. Beaucoup de personnes attendent énormément d'un emploi: pour pouvoir construire leur vie, fonder une famille, avoir une possibilité de carrière ou, tout simplement, se sentir utile et trouver leur place dans la société. Il est évident qu'une personne qui a un travail pendant une année retrouve un certain équilibre; or cet équilibre est trop précaire, parce que cette personne sait déjà ce qui l'attend. On constate que les personnes qui ont des emplois, ne serait-ce que pour six mois ou une année, donnent le maximum d'elles-mêmes et y placent tous leurs espoirs dans le but de trouver un travail ensuite. Malheureusement, dans la majorité des cas, ce n'est pas ce qui se produit finalement.

Je préférerais qu'on trouve une solution pour que toute personne avec des compétences puisse enfin trouver un travail avec un contrat de durée indéterminée. Parce que la retraite est loin et une personne qui est au chômage ou à l'Hospice général ne peut pas participer à l'économie de ce canton, ce qui est aussi une perte financière.

C'est pourquoi j'aimerais que vous puissiez trouver des solutions en continuité avec le projet de loi à l'étude en commission de l'économie, et cela en concertation avec le Conseil d'Etat. Une solution qui explorerait toutes les pistes et miserait sur le long terme - en arrêtant de toujours travailler dans l'urgence. C'est vraiment pour le bien de toutes celles et ceux qui ont besoin d'un travail et cela concerne des milliers de gens dans le canton de Genève.

M. Pierre Weiss (L). Mon collègue Pierre Kunz, mon alter ego si j'ose dire, a fait une analyse parfaitement exacte et approfondie de cette proposition de motion. Je pense qu'à un certain moment il faut être logique. Si cette proposition de motion présente autant de défauts - et Pierre Kunz a justement souligné quels sont ces défauts - il ne faut pas la renvoyer à la commission de l'économie, il faut la refuser ! En d'autres termes, voilà la proposition que je ferai, voilà le non que nous allons opposer à cette motion.

Parce qu'il faut quand même aussi avoir un minimum de réalisme et un minimum de respect pour les travaux que mène ce parlement. Nous étudions en commission de l'économie un projet de loi sur le chômage, le PL 9922. Ce projet de loi sur le chômage, certains s'acharnent à vouloir le torpiller ! Avant même qu'il ne soit adopté, le référendum est annoncé ! On prend n'importe quel prétexte pour démolir les efforts que mènent le conseiller d'Etat Longchamp et le Conseil d'Etat pour améliorer la situation du canton sur le plan du chômage. Et l'on vient nous présenter ce soir des objets qui sont, au fond, de simples hochets mis à notre disposition, qui n'auront qu'une efficacité dérisoire et nous sont présentés à des fins purement électoralistes ! Nous voterons non à cette proposition de motion.

J'aimerais ajouter, Madame la présidente, que tout à l'heure l'un des nôtres a insulté la plupart des membres de ce parlement au sujet de leur revenu. Cette accusation lancée par M. Stauffer est inacceptable ! Il a visé les bancs socialistes et j'aimerais les assurer de ma parfaite estime quant à l'honnêteté de leurs revenus. Il n'est pas concevable que ce député se prononce de la sorte quand des listes évaluant le montant de ses dettes - notamment à l'égard de l'Etat - circulent dans ce parlement ! Il faudra à un certain moment que la vérité soit faite sur ce vilain monsieur ! (Applaudissements.)

La présidente. La parole est à M. le député Renaud Gautier à qui il reste une minute cinquante-trois secondes.

M. Renaud Gautier (L). Oui, c'est la difficile charge que j'ai d'avoir un temps de parole limité en prenant régulièrement la parole après notre chef de groupe, c'est le moins que je puisse dire.

Ce que je voudrais relever à propos de cette motion et du projet de loi que nous avons traité tout à l'heure, c'est que je suis frappé par la confusion qui existe entre l'avoir et l'être. L'utilisation du vocabulaire, qui a été évoquée, sur la faute originelle et sur la notion du bien et du mal n'est probablement pas totalement innocente au vu de la confusion qui règne dans ce parlement quant aux buts que l'on entend atteindre par rapport à une classe de la population qui peut être momentanément défavorisée mais qu'on ne saurait en aucun cas stigmatiser en lui attribuant une étiquette définitive.

S'il fallait une démonstration de cette proposition, je dirais que cette motion 1701 est probablement le plus parfait exemple d'une bonne intention totalement inapplicable. Elle part d'un bon sentiment, mais les sentiments ne constituent pas une valeur économique; il faut appliquer des critères économiques. Il y a donc une confusion entre l'être et l'avoir qu'il nous faudra une bonne fois pour toutes traiter, si l'on veut effectivement arriver à mettre en place les structures que nous souhaitons appliquer pour ceux d'entre nous qui sont les moins favorisés. Ce n'est en tout cas pas cette motion 1701 qui le permettra !

M. Gilbert Catelain (UDC). Cette motion est datée du 30 juin 2006. Elle a un peu vieilli et on peut dire aujourd'hui qu'elle est périmée dans la mesure où le projet de loi déposé par le Conseil d'Etat et traité en commission de l'économie aborde parfaitement le sujet. Il est totalement inutile de renvoyer cette motion en commission, puisque ce projet de loi prévoit la base légale pour créer ce type d'entreprise. Et j'invite les PDC qui souhaitent se lancer dans l'aventure en respectant leur exposé des motifs à oeuvrer le plus activement possible au vote de ce projet de loi et, ensuite, à s'investir dans la création de ce type d'entreprise.

Cela étant, j'en profite aussi pour rappeler que les entreprises suisses sont à la recherche de main-d'oeuvre. Un sondage effectué par Manpower, publié l'an dernier, indique que les entreprises suisses ont un mal fou à trouver des ouvriers pour la production, des ouvriers qualifiés, des gestionnaires d'entreprises, du personnel pour l'hôtellerie et la restauration, des collaborateurs au service extérieur, des spécialistes, des jardiniers paysagistes, des comptables et des ingénieurs. Nous sommes dans une période économique particulièrement favorable, qui devrait permettre à chacun d'entre nous de trouver un emploi, encore faut-il que la formation soit adaptée, mais elle ne passe pas forcément par ces entreprises relais. Le projet de loi du Conseil d'Etat le permet, il est donc tout à fait inutile d'étudier cette motion et d'inviter le Conseil d'Etat à y réfléchir, puisqu'il y a déjà réfléchi en déposant son projet de loi.

Pour ces motifs, le groupe UDC s'opposera au renvoi de cette motion en commission.

La présidente. Monsieur le député Eric Stauffer, vous avez la parole: il vous reste cinquante-huit secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Je vais simplement répondre, puisque j'ai été mis en cause par M. le député Weiss ! J'aimerais juste lui répondre que j'ai été un entrepreneur toute ma vie- il est vrai que j'ai trébuché à l'âge de 35 ans, comme cela peut arriver à n'importe qui d'entre nous. A la différence de M. Weiss, je ne suis pas un fils à papa né avec une «cuillère d'or» dans la bouche ! (Exclamations.) Mon grand-père était cantonnier sur la plaine de Plainpalais ! Je suis Genevois, fier de l'être et fier de défendre les Genevois qui comme moi ont rencontré des problèmes ! Voilà, Monsieur Weiss, je vous souhaite une bonne soirée !

La présidente. Madame Anne-Marie von Arx-Vernon, vous avez la parole - il vous reste cinquante et une secondes.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Je serai tout à fait brève, comme à mon habitude ! Je crois qu'il est tout à fait intéressant de renvoyer ce projet de motion à la commission de l'économie, ne serait-ce que pour permettre à ceux que la démarche intéresse de faire une comparaison avec ce qui existe dans ce domaine à Berne, à Fribourg ou à Bâle. Ce type de projet fonctionne et nous nous permettons de dire qu'il est important de l'étudier en même temps que l'excellente loi sur le chômage que nous examinons actuellement à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1701 à la commission de l'économie est adopté par 32 oui contre 29 non.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons traité durant cette session septante-six objets. Soixante sont reportés.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

La présidente. La séance est ainsi levée ! Je vous souhaite une bonne rentrée.

La séance est levée à 23h.