République et canton de Genève

Grand Conseil

R 516
Proposition de résolution de Mmes et MM. Jean Rossiaud, Sylvia Leuenberger, Antonio Hodgers, Emilie Flamand, Ariane Wisard-Blum, Pierre Losio, Michèle Künzler, Hugo Zbinden, Catherine Baud, Damien Sidler, Brigitte Schneider-Bidaux, Christian Bavarel, Esther Alder, Alain Etienne, Carole-Anne Kast, Elisabeth Chatelain, François Thion, Anne Emery-Torracinta, Gabrielle Falquet, Mariane Grobet-Wellner, Véronique Pürro, Laurence Fehlmann Rielle, Roger Deneys, Françoise Schenk-Gottret, Christian Brunier, Alain Charbonnier, Virginie Keller Lopez, Henry Rappaz, Sébastien Brunny, Claude Jeanneret, Sandra Borgeaud, Maurice Clairet, Claude Marcet, Eric Leyvraz, Luc Barthassat, François Gillet, Guy Mettan Respect des Conventions de Genève et du droit d'asile dans la ville d'Ashraf

Débat

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Que veut cette résolution ? Cette résolution demande de faire connaître au Conseil fédéral notre inquiétude sur le sort des réfugiés d'Achraf, afin qu'il s'assure auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés que leurs droits de réfugiés sont pleinement respectés.

Certains demanderont pourquoi nous sommes concernés. Parce que des sympathisants réclament depuis le mois d'août, sur notre territoire, la confirmation du statut de réfugiés de 3500 membres de leur mouvement vivant à Achraf en Irak ! Et en cas d'extradition vers l'Iran, on pourrait craindre le pire pour les droits de l'homme. De plus, une pétition signée par des milliers de personnes soutenant ces réfugiés a été déposée à Genève. Enfin, nous sommes concernés parce que la conférence des Nations Unie qui a adopté la Convention relative au statut des réfugiés s'est tenue à Genève en 1951.

Pour toutes ces raisons, il est tout à fait normal que nous nous inquiétions du sort de 3500 personnes réfugiées en Irak qui n'ont pas tout à fait les droits des réfugiés, pour nous assurer que les autorités fédérales veillent à l'application de cette convention que nous avons signée.

Pour nous, il s'agit vraiment d'un soutien et d'une déclaration d'intention. On sait qu'il suffit souvent que plusieurs personnes parlent pour que les grandes causes avancent. Je vous remercie d'avance de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat.

M. Christian Brunier (S). Il y a souvent débat entre nous pour savoir si nous devons traiter ici de sujets de solidarité internationale. Je crois que, de part et d'autre, on a fait attention de ne pas multiplier ces projets juste pour se donner bonne conscience. Néanmoins, de temps en temps, il y a des projets qui sont importants et qui rassemblent les députés au-delà des clivages politiques habituels.

Comme l'a dit Sylvia Leuenberger, on doit être sensible à cette résolution, premièrement parce que Genève est détentrice des conventions de Genève et que nous devons veiller à leur application.

Deuxièmement, nous savons que dans notre région, il y a un grand nombre de personnes qui ont fui la dictature iranienne pour venir s'établir à Genève - je vous rappelle que Kazem Radjavi, l'un des leaders de l'opposition iranienne a été exécuté tout près de Genève. Donc, nous sommes aussi impliqués, parce que de nombreuses manifestations ont eu lieu devant les Nations Unies au cours de ces dernières semaines, pour essayer de défendre les droits des personnes qui ont trouvé asile à Achraf.

Je rappelle qu'Achraf est un endroit où bon nombre de démocrates iraniens qui ont dû fuir l'Iran, des gens qui luttent contre le pouvoir des mollahs, qui luttent pour un pouvoir démocratique et laïque, ont trouvé une terre d'asile sur le territoire irakien à Achraf. Ils vivent là-bas depuis un certain nombre d'années et, aujourd'hui, ils sont persécutés, vraisemblablement parce qu'il y a un accord entre l'Iran et le pouvoir irakien proche des milieux américains pour essayer d'éviter une implication de l'Iran dans ce conflit.

Donc, cette zone d'Achraf subit aujourd'hui toutes sortes de pressions: il y a eu des bombardements; il y a aujourd'hui un blocage au niveau des médicaments et des vivres, une augmentation sensible des prix de tous les biens de consommation utiles simplement pour vivre. Nous ne pouvons pas tolérer cela, et il y a une vraie menace d'expulsion de ces résistants à la dictature iranienne, une vraie menace d'expulsion vers le territoire iranien où ils seraient bien sûr arrêtés, torturés, condamnés, etc.

Nous devons donc réagir et cette résolution, qui est minimaliste, demande simplement l'application des droits élémentaires de la personne et des réfugiés. Nous invitons l'ensemble des partis politiques représentés au Grand Conseil à la voter dans la dignité et à soutenir ce qui nous rassemble peut-être tous. Quasiment tous les partis ont salué la dynamique lancée par l'abbé Pierre; aujourd'hui, il s'agit des mêmes valeurs ! La défense de l'être humain, des plus défavorisés - qui ne sont pas sur notre territoire, ils sont sur le territoire d'Achraf - et nous devons nous retrouver pour défendre la dignité humaine.

M. Pierre Weiss (L). Peu importe de savoir quelles sont les réelles orientations politiques des personnes concernées par cette résolution, de savoir en particulier s'il s'agit d'islamo-marxistes qui, opposés au régime des mollahs, allaient, avec l'appui de l'ancien dictateur irakien aujourd'hui pendu, frapper ceux auxquels ils s'opposaient avec les mêmes armes que ces derniers. Ce n'est pas ce qui est important. Ce qui est important, c'est effectivement ce qui a été rappelé: c'est l'application des conventions de Genève qui doivent de façon impartiale bénéficier à tous ceux qui pourraient être victimes de situations aussi graves que celle dont il est fait état ici.

Toutefois, la question n'est pas là ! La question, c'est de connaître d'abord, pratiquement, la situation actuelle des personnes dont il est fait état dans cette résolution. En particulier, il nous avait été dit qu'il y avait une date limite qui était celle du 31 décembre, au-delà de laquelle l'expulsion serait effectuée. Cette date est passée, il serait souhaitable de la part de ceux qui ont déposé ce projet de résolution de donner davantage d'informations.

Sans même s'inquiéter des orientations politiques, sans même s'inquiéter de la situation actuelle de ces réfugiés terroristes, la vraie question est de savoir si ce parlement cantonal, au motif que la Croix-Rouge se trouve à Genève, a à débattre davantage que d'autres parlements cantonaux de ce qui est de la compétence du gouvernement fédéral, respectivement du département fédéral des affaires étrangères. De ce point de vue, je crois savoir qu'un certain nombre de parlementaires fédéraux, l'un d'entre eux a d'ailleurs signé cette résolution, sont au courant de cette question et qu'il leur est évidemment tout à fait loisible d'agir dans l'enceinte du palais fédéral.

Je souhaiterais par conséquent que non seulement nous abordions avec réserve dans notre parlement cantonal les questions de ce type, mais que nous les abordions avec une réserve extrême, c'est-à-dire que nous n'entrions pas en matière, le cas échéant que nous nous abstenions, pour ne pas donner un faux message d'un appui qui serait illusoire.

M. Gilbert Catelain (UDC). Nous sommes donc saisis d'une résolution de portée internationale et j'aborderai le sujet sur le plan de la compétence de ce parlement à traiter de cette résolution, voire de la rédiger ou, en tout cas, de la traiter à ce stade.

Lorsque ce parlement a décidé de renvoyer au Conseil d'Etat la résolution 491 concernant l'édification d'une barrière de sécurité en Cisjordanie, Mme la conseillère fédérale a dû faire profil bas en arrivant en Israël et les autorités israéliennes ont clairement indiqué à Mme la conseillère fédérale qu'il fallait remettre au pas le parlement genevois, puisqu'il agissait en dehors de ses compétences. En date du 23 février 2005, dans le cadre d'un déjeuner de travail, le Conseil d'Etat a d'ailleurs tancé les chefs de groupes sur le traitement des résolutions en rappelant les compétences du pouvoir exécutif d'une part et du pouvoir législatif d'autre part. (Brouhaha.) Lorsque ce point est arrivé à l'ordre du jour, j'ai donné copie de toute la correspondance qui a été échangée entre le Conseil d'Etat et le Bureau et chefs de groupe, notamment en annexant la note rédigée par la Chancellerie fédérale à l'intention du Chancelier M. Robert Hensler. Dans ce courrier du 21 février 2005, la Chancellerie fait toute une analyse juridique des compétences de ce parlement en matière de politique étrangère. Ceci n'a servi à rien parce que le Bureau, pour une raison que j'ignore, a décidé de maintenir à l'ordre du jour cet objet qui, force est de constater, n'aurait jamais dû y être inscrit.

Je vais donc juste vous lire deux citations de cette note du 21 février 2005 qui a été transmise au Bureau du Grand Conseil et aux chefs de groupes: «Relations extérieures. Article 128 de la constitution. Le Conseil d'Etat est chargé des relations extérieures dans les limites de la constitution fédérale. Dans tous les cas où le Grand Conseil est appelé à statuer sur les relations extérieures et les affaires fédérales, le préavis du Conseil d'Etat est nécessaire». Le commentaire de la Chancellerie est le suivant: «De manière tout à fait traditionnelle et à l'instar de ce qui se passe en droit fédéral, c'est en droit le pouvoir exécutif et non législatif qui est très généralement chargé des relations extérieures. Il apparaît en outre très clairement qu'avant d'adopter la résolution considérée - donc, on parle de la résolution sur la barrière en Cisjordanie - qui a trait de manière évidente aux relations extérieures du canton, le Grand Conseil aurait dû demander l'avis du Conseil d'Etat, ce qui n'a pas été fait.» Et il est ajouté: «Ce défaut ne constitue pas dès lors pas une simple informalité, mais bien un vice procédural rendant à lui seul la résolution 491 inconstitutionnelle.»

Nous sommes dans le même cas de figure aujourd'hui. Si nous devions voter cette résolution, nous nous assiérions sur le droit alors que nous devons montrer l'exemple à la population. Nous sommes l'exemple et non pas l'inverse ! Donc, nous négligerions aussi les compétences du Conseil d'Etat.

A la page 7 il est indiqué: «En l'espèce, la résolution 491 entend condamner les agissements d'un Etat étranger n'ayant aucune frontière commune avec la Suisse et encourager les efforts du canton en faveur de la paix au Proche-Orient. On se trouve donc indubitablement dans le cas de ce qu'il est convenu d'appeler «les grandes affaires étrangères» et il ne s'agit aucunement d'une question transfrontalière que les cantons pourraient traiter directement avec les autorités étrangères de niveau inférieur au sens de l'article 56 de la Constitution. Force est donc de constater que le Canton de Genève n'est pas habilité à intervenir dans ce domaine, ce qui signifie non seulement qu'il ne doit pas prendre contact lui-même avec les autorités israéliennes, mais également que le simple fait que l'un de ses organes politiques prenne publiquement et officiellement position sur ce type de questions constitue une violation de la répartition des compétences telle qu'elle résulte de la Constitution fédérale.»

Mesdames et Messieurs, sur la base de cette note de la Chancellerie, sur le fait que ce parlement n'a pas respecté la répartition des compétences entre le Conseil d'Etat et le parlement, qu'il n'a pas demandé le préavis du Conseil d'Etat, je vous invite à ne pas entrer en matière sur cette résolution.

M. Luc Barthassat (PDC). J'ai signé cette résolution, donc je la soutiens. Je vous rappelle quand même que cette population d'Achraf est composée d'à peu près 3500 personnes qui ont reçu un ultimatum d'expulsion. Si elles sont expulsées, c'est une mort certaine qui les attend. Je vous rappelle que 25 000 Genevois ont signé cette pétition de soutien. Je vous rappelle encore que, même si la manière de faire n'est pas toujours très positive par rapport à ce qui se fait d'habitude dans ce parlement, nous soutenons ces gens de manière humanitaire parce que nous sommes quand même dans le canton où se trouve le siège des Nations Unies, ce qui est quand même une chose importante, même quand on siège à Berne.

Je vous rappelle aussi qu'à l'époque, quand elle siégeait encore dans ces rangs, notre présidente de la Confédération, Mme Calmy-Rey, en charge du département fédéral des affaires étrangères, a soutenu ce genre de résolution, même si la manière de faire prêtait parfois un petit peu à confusion.

Je ne vais pas trop m'étendre et redire ce que les autres ont raconté, mais il est quand même un petit peu de notre devoir de soutenir des gens qui n'ont aucune réponse à leurs demandes, à leurs courriers, et qui n'ont aucun statut - ils n'ont même pas le statut de réfugiés. Le CICR, le HCR, la communauté internationale et Mme Calmy-Rey et ses services n'ont jamais daigné répondre à leurs demandes de statut de réfugiés.

Alors, la question qui se pose est de savoir à quoi sert le HCR dans cette région du monde ? La question est donc posée et nous attendons toujours une réponse nette, claire et précise, car la situation est urgente et nous nous devons, en tant que Genevois, en tant que siège des Nations Unies, de soutenir quand même ces gens-là, même si la manière ne plaît pas à tout le monde. (Applaudissements.)

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je voulais quand même répondre à M. Catelain parce que j'ai aussi le courrier qu'il mentionne. Je crois qu'on peut faire dire au texte un peu ce qu'on veut. Moi, je lis à la page 4: «Une résolution peut en revanche indiscutablement être une déclaration, une prise de position du Grand Conseil sans effets obligatoires.» Plus loin, on voit qu'il y a eu douze résolutions envoyées au Conseil d'Etat et transmises par ce dernier au Conseil fédéral, sans aucun préavis du Conseil d'Etat depuis 2001. Même la Ville de Genève l'a fait, elles ont été votées !

Et il faut encore savoir lire la résolution, Monsieur Catelain ! Que demande-t-elle ? Elle ne demande pas de s'ingérer dans l'histoire d'un pays étranger, elle demande de relayer une inquiétude auprès des autorités fédérales pour savoir si la convention signée à Genève est respectée. C'est tout ! (Brouhaha. Commentaires.)

Donc, c'est notre droit de résolution et ça veut dire que nous sommes soucieux de gens qui ont un statut précaire. Et si vous n'êtes capable que d'être procédurier et de faire parler votre raisonnement, il serait temps d'ouvrir votre coeur ! D'ailleurs, l'abbé Pierre, personnalité mondialement reconnue, a dit qu'on n'est jamais illégal lorsque l'on veut faire respecter les droits humanitaires. (Applaudissements.)

M. Christian Brunier (S). Je pense que notre débat ne doit pas tourner au ridicule. Le débat de procédure n'a aucun sens et si d'aucuns évoquent des résolutions qui ont pu déplaire à certains Etats, il y aussi des points qui ont été excessivement positifs dans ce parlement.

Je vous rappelle que quasiment tous les partis avaient signé une résolution contre les violations des droits de l'homme en Birmanie, qu'une délégation interpartis composée de gens de droite et de gauche s'était rendue à Berne pour une rencontre avec la commission des affaires étrangères du Conseil des Etats, et que cette résolution a eu un certain poids dans la politique suisse. D'ailleurs, lorsqu'il y a eu une rencontre avec l'opposition birmane, une année après, ses représentants nous avaient dit leur reconnaissance. Le poids d'une résolution du parlement d'une ville internationale avait été très important pour cette opposition démocratique en Birmanie, une opposition qui regroupe des courants de droite et de gauche. La même chose après l'attentat terroriste du 11 septembre 2001 contre les deux tours à New York: une résolution a été votée - à l'unanimité, je crois - par ce parlement, et heureusement ce jour-là personne ne s'est posé la question de savoir si nous avions le droit ou pas de voter cette résolution. Il y a des moments où la défense de la liberté et la défense des droits de l'homme doivent sortir du débat de règlement ou de procédure pour ne pas tomber dans le ridicule.

Je le dis, ou le redis, aujourd'hui les droits de l'homme n'ont pas de couleur politique, n'ont pas d'idéologie. Il y a des gens, heureusement, qui ont des avis complètement différents en politique, qui ont des valeurs philosophiques différentes, mais qui défendent en commun les droits de l'homme. Et ici, je crois qu'il y a des gens de droite comme de gauche qui ont les mêmes valeurs en ce qui concerne la défense des droits de la liberté et des droits de l'homme.

J'ai été l'auteur de la résolution condamnant le mur en Israël; je suis aujourd'hui partisan de condamner le pays qui veut détruire Israël, c'est-à-dire l'Iran. Nous sommes en train de défendre les droits démocratiques de l'opposition iranienne, qu'elle soit de droite ou de gauche. L'important, c'est de défendre des valeurs démocratiques et des valeurs laïques, et c'est pour défendre la démocratie dans cette région du monde qui est très tourmentée qu'on vous demande de voter cette résolution dans la dignité et la sérénité.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Le Bureau a décidé de clore la liste. Sont encore inscrits: MM. Weiss et Leyvraz, ainsi que le conseiller d'Etat M. Laurent Moutinot.

M. Pierre Weiss (L). C'est précisément parce qu'il s'agit de défendre aussi, et peut-être d'abord, ceux qui en Iran sont en faveur des valeurs laïques et démocratiques qu'il convient de faire preuve d'un peu d'esprit critique ! Qui, parmi vous, s'est informé auprès de représentants, en Iran ou ici, non pas du régime des mollahs mais des représentants des courants - par exemple, de gauche marxiste ou des courants des bazaris ? Je ne sais pas combien parmi vous l'ont fait, moi je l'ai fait à titre personnel. Ces deux courants, vraiment très différents, sont l'un et l'autre fortement opposés à un soutien qui serait manifesté par Genève à cette résolution. Parce que les gens qui sont visés par cette résolution, qui sont concernés par cette résolution, sont précisément des gens qui ne soutiennent pas les valeurs démocratiques, républicaines, laïques et démocratiques. Ce sont, je l'ai dit tout à l'heure, des islamo-marxistes terroristes ! (Exclamations.) C'est le premier point.

Le deuxième point: nous nous sommes couverts de ridicule, ou plus exactement certains se sont couverts de ridicule à d'autres occasions. Monsieur Brunier, vous vous en rappelez parfaitement ! Non seulement avec l'affaire du mur, mais plus encore avec l'affaire du tram à Jérusalem, en allant soutenir une résolution qui, dans les faits, a été complètement démolie dans son argumentation. Piteusement, certains ont eu le courage néanmoins de faire machine arrière, d'autres, pour des raisons que je laisse à leur conscience, n'en ont rien fait. Aujourd'hui, avec le même aveuglement dû à l'éloignement des terrains, certains ici s'apprêtent à refaire la même chose ! Raison pour laquelle je crois qu'il convient de faire preuve d'esprit critique, de discernement, de savoir quelles sont nos priorités et de ne pas agir en matière de politique étrangère comme certains aimeraient le faire, confondant les bons sentiments avec une réalité du terrain qui est un peu plus complexe que celle que certains bons esprits genevois croient connaître !

M. Eric Leyvraz (UDC). Je pense que mon collègue M. Catelain a tout à fait raison quand il dit que la politique étrangère est la prérogative de la Confédération. Je serai extrêmement bref: là, il ne s'agit pas d'un mur, il ne s'agit pas d'un tram, il s'agit de la vie de 3500 personnes ! Et c'est pour cela que j'ai signé cette pétition !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, M. le député Catelain a eu raison de rappeler que le parlement genevois n'a pas de compétences en politique étrangère. En revanche, le parlement genevois a évidemment des compétences en matière de politique interne et notamment celle de faire prévaloir, cas échéant, son point de vue auprès de la Confédération, à condition que cela ne soit pas une ingérence dans la sphère de compétence des affaires étrangères fédérales. Or, à lire avec attention la résolution qui vous est soumise, il n'est demandé aux autorités fédérales qu'une et une seule chose: vérifier que le droit international est respecté, et en particulier les dispositions protectrices des réfugiés, dont l'interdiction du refoulement.

En soi, c'est une résolution qui n'est pas comme certaines qu'on a connues, où il était demandé de publier dans «La Vanguardia», le «New York Times» et «Le Monde» un petit cri de protestation. On n'est pas dans cette situation-là, on est dans la situation où le Grand Conseil - s'il accepte cette résolution - entend que le Conseil d'Etat s'adresse aux autorités fédérales pour leur demander leur appréciation et de veiller à l'application du droit. Là aussi, avec une prudence évidente, les auteurs de la motion invitent le Conseil d'Etat «à relayer cette inquiétude auprès des autorités fédérales compétentes». Je ne pense pas que ce soit sortir de la sphère de compétence du Grand Conseil que de demander au Conseil d'Etat de se faire ce relais, ce d'autant moins que, ce relais, nous n'allons pas le faire par voie de presse, nous n'allons pas le faire avec fifre et tambour, mais évidemment d'une manière telle qu'elle évite que l'on puisse vous reprocher - ou nous reprocher - de sortir de nos domaines de compétence.

Nous allons donc, si vous acceptez cette résolution, la suivre dans tout ce qu'elle demande, de manière extrêmement nuancée. Effectivement, Monsieur Catelain, c'est vrai que nous n'aurions pas pu l'exécuter, nous n'aurions tout simplement pas eu le droit de l'exécuter, s'il s'était agi de condamner un Etat étranger, par exemple. Cela n'est ni de notre compétence, ni de la vôtre.

La situation des personnes qui se trouvent à Achraf est extrêmement préoccupante. Vous avez, Monsieur Weiss, exposé que quelques critiques pouvaient être faites à leur égard. Il ne m'appartient pas, pour les raisons rappelées par M. Catelain, de dire si vous avez tort ou raison. Toutefois, en toute hypothèse, quel que soit l'être humain, ses droits sont les mêmes, qu'il se trouve à Guantanamo, à Achraf ou à Goumoens-le-Jux. Nous avons tous les mêmes droits en tant qu'être humains.

M. Roger Deneys. Ou à Champ-Dollon !

M. Laurent Moutinot. Oui, Monsieur Deneys, à Champ-Dollon aussi ! Je saisis l'occasion de vous dire aussi, s'agissant des manifestations, que le Conseil d'Etat est fermement attaché au droit de manifester garanti par notre ordre juridique, mais qu'il y a un moment où une manifestation ne peut pas arriver à la situation d'accaparement exclusif d'un lieu public sans limitation de durée. J'ai eu l'occasion de le dire aux manifestants qui se réunissent devant le HCR; ils ont accepté à ce moment-là de se déplacer sur un terrain privé de l'Etat et de ne venir qu'à intervalles raisonnablement réguliers devant le HCR, ne serait-ce que parce que ce domaine public-là peut être utilisé - est utilisé dans la pratique par d'autres groupes, d'autres personnes, qui entendent aussi à cet endroit-là faire valoir des revendications - qu'ils ont le droit d'exposer à raison du droit à manifester.

Cela pour qu'on ne vienne pas me dire un jour que j'ai brimé ces manifestations ! Non ! Nous faisons en sorte que les espaces destinés à manifester, qui sont toujours les mêmes pour des raisons de visibilité évidente, ne soient pas accaparés sans limite de temps ou sur des durées trop longues par un et un seul groupe.

Il est possible que l'un ou l'autre d'entre vous en entende parler, je vous aurai à l'avance prévenu de notre doctrine qui me paraît parfaitement conforme, et au droit de manifester, qui n'est pas un droit d'appropriation du domaine public, et au droit de tout un chacun d'utiliser ledit domaine public. Voilà, Mesdames et Messieurs, sur ce sujet délicat, ce que le Conseil d'Etat peut vous dire.

Mise aux voix, la résolution 516 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 46 oui contre 31 non et 3 abstentions.

Résolution 516