République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 16 novembre 2006 à 20h30
56e législature - 2e année - 1re session - 2e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Anne Mahrer, présidente.
Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, Robert Cramer, David Hiler, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Pierre Ducrest, Patricia Läser, Claude Marcet, Guy Mettan, Pierre Schifferli, Louis Serex et Marie-Françoise de Tassigny, députés.
Annonces et dépôts
La présidente. Nous avons reçu la pétition suivante qui est renvoyée à la commission des pétitions:
Pétition pour un budget parascolaire qui réponde aux besoins ! (P-1601)
Le point concernant le tirage au sort de la commission de grâce est reporté à demain soir 20h30. Le point relatif à la nomination de la commission de réexamen en matière de naturalisations est reporté à notre séance de 20h30 du 30 novembre.
De même, aucune candidature n'étant parvenue à la présidence, l'élection 1442 est reportée à l'ordre du jour de la session des 30 novembre et 1er décembre 2006.
La présidente. Sont parvenues à la présidence les candidatures de M. Alberto Velasco (S), M. Alain Gaumann (Ve) et M. Alberto Aliprandi (R).
Ces candidats, désignés chacun par leur parti, sont élus tacitement.
La présidente. Sont parvenues à la présidence les candidatures de Mme Fabienne Bugnon (Ve) et M. Philippe de Boccard (R).
Ces candidats, désignés chacun par leur parti, sont élus tacitement.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de Mme Carole Barbey (R).
Etant seule candidate, Mme Barbey est élue tacitement.
Mme Barbey prêtera serment juste après les points relatifs aux élections.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Jean-Marc Strubin (L).
Etant seul candidat, M. Strubin est élu tacitement.
M. Strubin prêtera serment juste après les points relatifs aux élections.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Jean-Luc Ducret (PDC).
Etant seul candidat, M. Ducret est élu tacitement.
La présidente. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Ernest Greiner (R).
Etant seul candidat, M. Greiner est élu tacitement.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Madame la présidente, je prends la parole juste pour vous remercier des fleurs que vous avez offertes à tous les députés de ce parlement.
La présidente. Mme Carole Barbey et M. Jean-Marc Strubin sont assermentés. (Applaudissements.)
Annonce: Session 12 (octobre 2006) - Séance 60 du 13.10.2006
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 12 (octobre 2006) - Séance 60 du 13.10.2006
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 12 (octobre 2006) - Séance 60 du 13.10.2006
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 12 (octobre 2006) - Séance 60 du 13.10.2006
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 12 (octobre 2006) - Séance 60 du 13.10.2006
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 12 (octobre 2006) - Séance 60 du 13.10.2006
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 12 (octobre 2006) - Séance 60 du 13.10.2006
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 12 (octobre 2006) - Séance 60 du 13.10.2006
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 12 (octobre 2006) - Séance 60 du 13.10.2006
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 12 (octobre 2006) - Séance 60 du 13.10.2006
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 12 (octobre 2006) - Séance 60 du 13.10.2006
Cette interpellation urgente écrite est close.
Annonce: Session 12 (octobre 2006) - Séance 60 du 13.10.2006
Cette interpellation urgente écrite est close.
La présidente. Vous avez trouvé sur vos places les PL 9938 à 9947, portant sur des aliénations de biens immobiliers par la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe.
Premier débat
La présidente. Vous avez trouvé sur vos places le plan du périmètre aéroportuaire qui doit figurer en annexe au projet de loi 9827.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Il est indéniable que l'ampleur des chiffres, la complexité, pour les non-initiés, des mécanismes comptables de l'opération et la méfiance réciproque que se témoignent généralement les acteurs du jeu politique compliquent les choses. Ces facteurs peuvent bien entendu déstabiliser plus d'un citoyen, plus d'un parlementaire et même - à lire la «Tribune de Genève» d'aujourd'hui - plus d'un parlementaire fédéral.
Essayons de ramener à ses fondements l'opération de transfert d'actifs qui nous occupe. En réalité, ils sont très simples. Il faut d'abord noter qu'une partie de l'endettement du canton - environ 150 millions - correspond à la valeur des actifs de l'Aéroport international de Genève que, pour des raisons historiques, l'Etat a conservé dans son bilan jusqu'à aujourd'hui. C'est précisément cette dette et ces actifs qu'il est question de transférer à l'AIG, soit à l'institution qui est à l'origine - on vient de le souligner - de la dette en cause, et qui utilise les actifs dont on parle. Les transferts de cette dette et de ces actifs apparaissent donc comme une simple correction, la correction d'une anomalie historique, en quelque sorte. Le transfert par l'Etat à l'AIG des actifs dont ce dernier a besoin dans l'accomplissement de sa mission n'est rien d'autre que le passage de ces actifs d'un bilan - celui de l'Etat - à un autre bilan - celui de l'AIG, dont l'Etat reste totalement propriétaire.
Le prix auquel ce transfert est effectué n'a pas réellement d'importance, Mesdames et Messieurs, puisqu'il s'agit, je le répète, d'une opération purement comptable, ne coûtant rien à l'Etat, mais favorisant la transparence de sa comptabilité. Ceci, il convient de le souligner également, conformément à la loi votée récemment dans ce parlement, conformément, donc, aux normes IPSAS. Il faut simplement que le prix fixé... (Brouhaha.) ...soit fondé sur des critères objectifs et selon une méthode qui soit réutilisable dans les autres cas de transfert d'actifs envisagés par notre Etat.
Ce transfert prend tout son sens et révèle tout son intérêt quand on le place sous l'éclairage de la gouvernance de l'AIG. Ses dirigeants se trouveront en effet mieux armés pour gérer leur entreprise et ils pourront par conséquent être jugés de manière plus objective et plus réaliste. Cela étant admis, on se demande d'où peut provenir «La Grande Peur dans la Montagne» socialiste... Cette peur, évoquée par le rapporteur de minorité, provient certainement d'une vision quelque peu dépassée de l'Etat, un Etat qui, selon le groupe socialiste, devrait continuer à tout faire, même ce qui peut être effectué - sans subventionnement public, dans le cas de l'Aéroport - de manière plus efficace par une structure autonome gérée dans l'esprit de l'économie de marché. Cette peur provient aussi manifestement de ce qui semble rester le cauchemar des socialistes et de l'extrême gauche genevoise, ainsi que de certains conseillers nationaux, à savoir la privatisation de l'AIG.
Soyons clairs à ce sujet: il n'existe dans ce Conseil - je crois que j'ose m'avancer - aucune majorité pour soutenir la privatisation, même partielle, de l'AIG. Le Conseil d'Etat l'a affirmé de son côté de manière extrêmement claire et à de nombreuses reprises: l'Aéroport n'est pas à vendre, car il fait partie des infrastructures qui, comme l'école publique, comme l'Université, comme le réseau routier, sont vitales pour l'avenir de Genève et aussi pour sa vie de tous les jours.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission des finances vous invite à adopter sans crainte et sans restriction - même mentale - le projet de loi 9827.
Une voix. Bravo !
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Mon préopinant a parlé de la simple correction d'une anomalie historique. Elle est très belle cette phrase, parce qu'il y a toute une histoire derrière tout cela. Il y a eu le jour où on a décidé dans cette République de créer des établissements publics autonomes à partir de certains services de l'Etat ou de certaines institutions ou structures de l'Etat. Effectivement, ce jour-là, on a créé ces établissements autonomes avec la justification suivante: c'est beaucoup plus efficace d'avoir des établissements publics autonomes qui ne sont pas soumis aux mêmes règles que les services de l'Etat, qui n'obéissent pas à la même structure, qui ont une structure plus dynamique, etc.
C'était la première phase. Aujourd'hui, on nous dit qu'il manque une phase pour qu'ils soient vraiment efficaces et qu'il faut qu'on leur donne les actifs. Mon préopinant parle de transfert, alors qu'ici, on le verra tout de suite - j'y reviendrai - on pourrait parler plutôt de vente d'actifs. La deuxième phase est aujourd'hui entamée pour donner à ces entités la pleine autonomie en leur transférant ou en leur vendant les actifs. Cette opération suppose, Mesdames et Messieurs les députés, que ce parlement ait moins d'emprise, de contrôle sur ces entités. Elles ont un conseil d'administration, elles décideront des investissements, qui sont importants, de surcroît.
Nous, vous le savez, Monsieur Kunz, et nous l'avons vu pour l'Université, nous aurons une seule ligne à voter, une seule ligne pour vraiment contrôler, ce qui, il faut le dire, diminue notre capacité - peut-être pas celle de l'Aéroport - mais la nôtre d'agir au niveau du budget de ces institutions.
Je fais une petite digression - en réalité, ce mouvement auquel on assiste avec la Poste, avec Télécom et avec les chemins de fer ne vient pas comme cela, il a un fond extrêmement large, qui dépasse nos frontières. Je dirais même que c'est peut-être un mouvement culturel de la société... (Brouhaha.) ...dans laquelle nous vivons aujourd'hui, avec des principes d'économie libérale qui s'imposent. Nous sommes donc dans ce trend. Monsieur Kunz, toute la question est de savoir ce qu'on peut ou ne peut pas admettre. Je n'ai pas dit jusqu'à présent que les socialistes avaient refusé ou accepté le transfert d'actifs. Pour le moment, je parle de la manière dont les choses se font.
Je considère que ce n'est pas une simple écriture. Une simple écriture aurait été de doter ces établissements des actifs en dotation de capital. Alors, on aurait effectivement fait un changement d'écriture. Ici, il s'agit de leur vendre, puisqu'ils doivent nous payer, les actifs qu'on leur donne. Or d'abord, ce n'est pas moi qui le dit, il y a des écrits - vous avez eu la possibilité de les consulter, n'est-ce pas ? - ces écrits de l'inspectorat cantonal des finances indiquent une autre valeur de ces actifs, qui est bien supérieure à celle des actifs que le Conseil d'Etat est prêt à vendre à l'Aéroport. On parle d'un côté de 840 millions et de l'autre, de 150 millions. La différence est remarquable. Il me semble qu'on aurait pu, puisque le trend est engagé - et nous, les socialistes, en dirons un mot tout à l'heure, dans nos amendements - aller dans le sens de transférer les choses comme il faut. Vendons les choses à leur valeur réelle quitte à affecter leur valeur en dotation de capital. (Brouhaha.)
La deuxième opération à laquelle on assiste, Monsieur Kunz, c'est que ces entités n'ont pas d'argent. Tout comme les TPG, d'ailleurs. Donc, elles doivent aller dans les marchés de capitaux pour emprunter. Emprunter pour quoi ? Pour nous payer ! C'est-à-dire qu'elles vont emprunter de l'argent pour des actifs que leur propriétaire leur vend. Ces emprunts iront donc au propriétaire. En fin de compte, l'opération aura servi à ce que l'AIG ait une dette pour - et je suis tout à fait d'accord avec vous - amortir la dette de l'Etat. (Brouhaha.)
La présidente. S'il vous plaît - excusez-moi, Monsieur le rapporteur - celles et ceux que le débat n'intéresse pas, vous êtes gentils d'aller dans la salle des Pas-Perdus ou ailleurs. Sinon, écoutez les personnes qui interviennent.
M. Alberto Velasco. La question, c'est que les citoyens seront appelés à payer ces actifs. Comment ? Vous savez très bien que l'Aéroport nous reverse une partie des bénéfices. Puisqu'ils auront une dette - peut-être pas, Monsieur le conseiller d'Etat, peut-être qu'ils auront plus de bénéfices, je n'en sais rien - mais enfin le fait est qu'une partie des bénéfices sera grevée pour pouvoir payer cette dette et assumer la charge de cet emprunt. Cela, c'est la réalité à laquelle nous assistons. Voilà comment se passe ce transfert d'actifs.
C'est pour cela que les socialistes ont pensé qu'il valait mieux carrément doter l'AIG en capital de la véritable valeur de ces actifs. Vous parlez des normes IPSAS. Les normes IPSAS, d'après le peu que j'en sais, puisque je ne suis pas spécialiste, indiquent que l'on doit, s'il y a transfert, le faire à la juste valeur, ce qu'indiquent l'inspection cantonale des finances et la loi sur les finances de l'Etat. Mesdames et Messieurs, ce n'est pas à une simple opération comptable que l'on assiste. Cela va au-delà. C'est une opération qui va changer notablement, d'une part, les actifs de l'Etat, c'est clair, et, d'autre part, la structure des actifs de l'AIG, sa situation financière et sa personnalité.
La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le rapporteur.
M. Alberto Velasco. Oui, Madame la présidente, j'y reviendrai plus tard. Vous savez qu'aujourd'hui, on parle de région, on parle du canton de Vaud, de la France voisine... Effectivement, l'Aéroport de Genève est dynamique. Qui dit que, plus tard, d'autres entités ne seront pas appelées à utiliser leur capital pour attaquer des financements beaucoup plus importants, puisque l'Etat de Genève est dans des difficultés financières importantes. Peut-être qu'il faudra faire des ouvertures de capital et nous espérons qu'elles se feront à la valeur réelle. Il faudra alors procéder à des réactualisations.
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Tout d'abord, mes félicitations, Madame la présidente, je suis très heureuse de votre élection ! Je voulais juste annoncer que notre groupe socialiste n'est pas fondamentalement opposé au transfert; il est opposé au transfert à un prix qui n'a rien à voir avec la valeur intrinsèque de ces biens. C'est pour cette raison que nous avons préparé quelques amendements que j'expliquerai tout à l'heure. Ils devraient avoir pour effet de contenter tout le monde. L'Aéroport n'aurait pas à débourser plus que les 154 millions. La dotation de capital de l'Etat à l'Aéroport figurerait aussi bien dans les comptes de l'Etat que dans les comptes de l'Aéroport à sa véritable valeur. Je développerai les arguments tout à l'heure.
La présidente. Je vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits: M. François Gillet, M. Eric Bertinat, M. Jacques Jeannerat, M. Pierre Losio, M. Renaud Gautier, M. Roger Deneys, Mme Keller Lopez... (L'oratrice est interpellée.) C'est une erreur ? Et M. Weiss.
M. François Gillet (PDC). Je m'exprimerai au nom du groupe démocrate-chrétien, mais aussi en tant que rapporteur de la commission de l'économie, qui a consacré trois séances à l'étude de cet objet.
Je tiens d'abord à préciser que la commission de l'économie a largement soutenu ce texte, puisqu'au final il n'y a eu que deux abstentions, pour manifester quelques timides réserves concernant cette nouvelle loi sur le transfert d'actifs de l'AIG. J'aimerais préciser également - et c'est important que tout le monde l'entende, y compris ceux qui nous regardent ce soir - que rien dans cette nouvelle loi, Mesdames et Messieurs, ne facilitera une éventuelle privatisation de l'AIG. Je crois qu'il faut être clair sur ce point: la propriété des terrains restera en main de l'Etat, c'est une garantie essentielle. Il faut rappeler également qu'au niveau du conseil d'administration les collectivités publiques genevoises sont largement majoritaires et rien ne laisse présager, comme certains le prétendent, qu'elles envisagent une privatisation de notre aéroport, qui, comme tout le monde le sait, est essentiel pour notre économie et pour la région genevoise.
Il est important de préciser aussi que ce transfert d'actifs est une suite logique du processus qui a conduit en 1994 à faire de notre aéroport un établissement public autonome. Il est logique aujourd'hui que l'Aéroport intègre dans ses comptes les actifs et les dettes qui s'y rapportent, et que les choses soient enfin clarifiées dans les responsabilités respectives de l'Etat et de l'AIG pour ce qui concerne son outil de travail quotidien, à savoir les bâtiments et les infrastructures au sol.
J'aimerais dire également que, pour nous, groupe PDC, ce projet n'a que des avantages. D'abord, comme je l'ai dit, il permet de clarifier les rôles et responsabilités de l'Etat et de l'Aéroport dans ce domaine. Il permet d'améliorer aussi la gouvernance de cet établissement, ce qui est important. Et, ce qui l'est peut-être encore plus: la transparence des comptes de l'Etat et de l'AIG.
Les droits de superficie qui sont liés aux terrains ne sont pas négligeables pour les comptes de l'Etat. Ce transfert d'actifs contribuera également - même si ce n'est pas son objectif premier - à la réduction de la dette de l'Etat, qui, comme vous le savez, est préoccupante.
Enfin, pour ce qui concerne le débat sur la valeur de transfert des actifs de l'Aéroport, je crois qu'il y a eu un début de polémique sur cette question et, en tant que rapporteur, j'aimerais préciser - et l'exposé des motifs est particulièrement clair sur ce point - que la valeur comptable est la seule valeur possible pour ces transferts d'actifs, et pas seulement pour celui de l'Aéroport. En effet, c'est la seule valeur qui apparaît clairement dans les comptes, qui ne peut pas être contestée. C'est peut-être une valeur inférieure à d'autres, mais qui permet à cet établissement public autonome de ne pas être grevé d'un endettement trop important. Je crois que c'est effectivement la valeur la plus logique, la plus juste et qui préserve à la fois les intérêts de l'Etat et de l'Aéroport international de Genève.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à adopter sans réserve cette loi sur le transfert d'actifs de l'Aéroport international de Genève.
M. Eric Bertinat (UDC). Madame la présidente, permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour votre charmante attention. D'autant plus que, comme je circule à moto, je vais pouvoir la mettre à la boutonnière, ce qui n'aurait pas été le cas si le modèle avait été un peu plus grand. Cela étant dit, vous me permettrez de revenir sur le projet de loi qui nous intéresse et surtout sur les réserves qui ont été faites. Elles sont au nombre de trois. Je les reprendrai dans l'ordre inverse de celui du rapport de majorité, dont la plupart des propos, tenus par mon collègue Pierre Kunz, ont été partagés et adoptés par l'UDC.
La technique utilisée par le Conseil d'Etat pourrait être considérée comme un moyen aisé d'alléger la dette cantonale. Il est vrai que c'est un souci qui nous a animés. Quand on considère le budget tel qu'il est présenté - et les one shots que le Conseil d'Etat privilégie à mon avis parfois un peu trop pour nous présenter des budgets qui ne soient pas trop déficitaires - on peut se demander si les transferts d'actifs qui nous sont proposés ne serviraient pas, pour une année en tout cas, à masquer la réalité du déficit. Ce n'est pas le cas, puisque, sauf erreur, cela va rapporter seulement quelques millions aux caisses de l'Etat.
La deuxième des réserves est le choix de la valeur comptable comme base de transaction. Il a bien fallu choisir. Je crois qu'il est clairement indiqué dans le rapport que la valeur comptable a été privilégiée par rapport à une valeur vénale. C'est, d'après ce que j'ai pu comprendre, un simple passage d'écriture et le choix a toute sa raison d'être.
Enfin, la dernière réserve est la crainte que ce transfert d'actifs ne constitue un premier pas vers une privatisation. J'avoue que je suis un peu plus modéré et que ma position n'est peut-être pas totalement partagée par mon groupe. Pour moi, ce transfert d'actifs, particulièrement pour l'AIG, c'est ce que je pourrais appeler un «ça peut». C'est vrai que «ça peut» conduire à faciliter une éventuelle privatisation de l'Aéroport. Ce n'est pas le cas actuellement. Je le dis de manière tout à fait franche et sans chercher à fausser le débat, sans même faire un procès d'intentions puisque cela demanderait une modification de statut juridique et il n'en est pas question.
Néanmoins, cela peut être un débat. Etant donné la dette que nous avons et les problèmes qui pourraient survenir par la suite et, creusant encore plus la dette, peut-être que l'Etat sera amené à se débarrasser d'objets importants. Ils rapporteraient à ce moment-là - peut-être bien qu'on calculera alors la valeur vénale - une somme permettant de renflouer nos caisses et, surtout, nos finances publiques.
La présidente. La parole est à M. Jacques Jeannerat.
M. Jacques Jeannerat (R). Deux fois merci, Madame la présidente, d'abord pour la petite attention et ensuite pour me donner la parole. Chers collègues députés, avec ce projet de loi, nous aurons une meilleure transparence des comptes et de la gestion administrative de l'Aéroport, transparence réclamée à la fois par ce Grand Conseil, par la commission des finances et par la commission de l'économie. Elle est donc réclamée par de nombreuses entités. Avec ce projet de loi, l'Aéroport devient propriétaire des bâtiments, mais pas des terrains, qui resteront propriété de l'Etat. D'ailleurs, l'Aéroport paiera un loyer annuel pour ces terrains. En devenant propriétaire de ces bâtiments, l'Aéroport pourra enfin les mettre à l'actif de son bilan et sera ainsi à même d'emprunter directement sur le marché des capitaux. Il est important que l'Aéroport puisse emprunter directement sur le marché des capitaux; cela lui permettra de moderniser et de rendre plus performantes les installations dont il a besoin.
Les socialistes nous parlent de valeur intrinsèque de ces installations. J'aimerais bien savoir, au cas où on mettait aux enchères une bande de béton de 300m de large, 2km de long et 50cm d'épaisseur, si vraiment beaucoup d'acheteurs se bousculeraient. Cette bande de béton ne vaut en réalité pas un seul franc. L'Aéroport international est important pour Genève. Il est important pour le tout Genève, il est important pour la Genève touristique, il est important pour la Genève économique, il est important pour la Genève internationale, il est important pour tous les habitants de Genève et de la région. C'est un outil fondamental, suffisamment fondamental pour qu'il reste en main de la collectivité.
Avec ce projet de loi, en effet, l'Aéroport restera entièrement détenu par les pouvoirs publics. Nous avons donc un maintien complet du statut d'établissement autonome de droit privé. Ce projet de loi n'est donc en aucun cas un paillasson menant à la privatisation. Au contraire, il est une porte vers une meilleure gestion, mieux adaptée aux besoins de l'Aéroport. Le groupe radical vous recommande d'adopter ce projet de loi.
M. Pierre Losio (Ve). Ce projet de loi a suscité des questions. Beaucoup de ces questions, et je tiens à le souligner de manière appuyée, ont trouvé des réponses qui ont été relatées de manière extrêmement précise, détaillée et concrète par M. le rapporteur de la commission de l'économie, M. Gillet. Je le remercie pour la qualité de son rapport, qui a éclairé les débats de notre commission des finances. Il s'est avéré que fondamentalement deux problèmes surgissent dans ce projet de loi.
Le premier, c'est le spectre de la privatisation et le deuxième, c'est la façon dont on évalue les actifs qui seront transférés à l'AIG. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi n'a strictement rien de politique. C'est une opération financière, c'est une opération comptable qui vise à donner à l'AIG des comptes qui reflètent véritablement la réalité économique, une indépendance a posteriori pour ses investissements et une saine logique comptable.
Commençons peut-être par la valeur estimée de ces actifs. La première chose qu'il faut dire, c'est que, pour conclure un accord de transfert d'actifs, il faut au moins être deux et il faut au moins que les deux partenaires soient en mesure d'accepter le contenu de l'accord de transfert d'actifs. Il s'agit surtout des charges qui incombent à l'AIG et, d'un autre côté, on doit le reconnaître, des avantages qui vont revenir à l'Etat sous forme de droit de superficie et du bénéfice qui continuera à être octroyé à la collectivité publique Etat de Genève.
Concernant cette valeur de transfert comptable, il a bien fallu se mettre d'accord, ne serait-ce que par souci de cohérence avec les autres transferts d'actifs concernant les TPG et les SIG. Il se trouve que le Conseil d'Etat et les entités publiques autonomes se sont mis d'accord sur la valeur comptable. En ce qui concerne l'AIG, si cette méthode a été choisie, c'est finalement pour qu'elle soit acceptée et vivable par les trois entités autonomes publiques. Il fallait que cette décision de choisir la valeur comptable fût acceptée par tout le monde. Or il se trouve que, notamment en ce qui concerne l'AIG, la valeur comptable est la seule valeur objective de valorisation, parce qu'il s'est avéré impossible de différencier physiquement et comptablement une partie des actifs immobilisés issus des investissements de l'Etat et des investissements effectués par l'AIG.
Finalement, les deux entités ont accepté cette valeur de transfert d'un commun accord. Effectivement, quand on discute d'une valeur de transfert, on peut se dire que, quand on se met d'accord, on peut toujours remettre en cause cet accord pour d'autres motifs.
Les autres motifs, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont des motifs strictement politiques, qui ont été introduits dans cette discussion sur le transfert de l'AIG. Strictement politiques ! Il y fallu que saint Rémi le Preux, chevalier de la gauche toute, fasse une déclaration, ponde un article dans la «Tribune de Genève» pour que tout à coup s'allume un débat politique sur la privatisation.
C'est ce qui va m'amener au deuxième point de mon intervention, Madame la présidente: la privatisation. Serions-nous sur le paillasson, sur le seuil de la privatisation ? Dans ce contexte, il faut prendre en compte le fait qu'il existe dans ce parlement des partis gouvernementaux qui soutiennent le gouvernement et qui, nous semble-t-il, devraient avoir un minimum de confiance en les élus gouvernementaux qu'ils sont censés soutenir. L'attaque qui a été portée sur la privatisation, je crois qu'il faut y répondre de manière très concrète et il me semble, bien que je sois encore assez novice dans ce parlement, que jamais un conseiller d'Etat n'a été aussi clair sur le contenu des déclarations par rapport à la privatisation éventuelle. Privatisation évoquée par les cris d'orfraie d'une partie de la gauche de la gauche et, semble-t-il, une partie de la gauche de ce parlement.
Je voudrais rappeler qu'en 1994 l'AIG est devenu un établissement public autonome et qu'aujourd'hui, dans la loi qui nous est proposée, je ne vois nulle part disparaître la mention «établissement public autonome». Je vais me permettre de citer les déclarations du Conseil d'Etat par la voix du conseiller d'Etat chargé du dossier, M. François Longchamp: «Le statut d'un établissement public autonome ne réserve aucune possibilité de cession de quoi que ce soit à qui que ce soit.» Deuxième citation: «Le Conseil d'Etat réfute toute éventualité relative à un transfert de terrains et rappelle une fois encore que l'Aéroport, en tout ou partie, n'est pas à vendre.» Troisième citation - je la tire d'un quotidien genevois, même si je sais, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il faut se méfier de ce qu'il y a dans les journaux: il semble que cela risquerait d'être vrai - «L'Aéroport, établissement public institué par la loi, reste propriété exclusive du canton de Genève, qui n'entend pas et d'aucune manière, s'en dessaisir. L'Aéroport n'est pas à vendre, car il est trop vital pour Genève.» Alors, Monsieur le conseiller d'Etat Longchamp...
La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Losio. ...ou bien vous êtes un menteur, ou bien vous assumez pleinement ce que vous avez défendu comme projet de loi. Maintenant...
La présidente. Monsieur le député...
M. Pierre Losio. Je voudrais juste terminer par les contorsions politiques...
La présidente. Votre temps de parole arrive à épuisement.
M. Pierre Losio. Est-ce que je pourrais conclure, Madame la présidente ?
La présidente. Oui, volontiers, Monsieur.
M. Pierre Losio. Je voudrais juste citer, à titre d'exemple pour les contorsions politiques, un de nos partenaires politiques qui déclarait: «Le groupe socialiste se déclare favorable à entrer en matière, car cette cession d'actifs était la suite logique de la constitution de l'AIG en tant qu'établissement public autonome. Cette opération contribuera également à une meilleure gestion des actifs. Le groupe exprime aussi sa satisfaction de voir les terrains rester sous l'emprise de l'Etat et se dit rassuré par les propos du chef du département bannissant toute idée de privatisation de l'AIG.» Voilà, Mesdames et Messieurs, ce qui a été déclaré en commission, et voilà ce que nous avons entendu ce soir...
La présidente. Merci...
M. Pierre Losio. ...par le premier rapport de minorité de M. Velasco, mais je vous rappelle...
La présidente. Merci...
M. Pierre Losio. ...qu'il y en a un deuxième dans les journaux, je vous invite à en prendre connaissance. Le groupe des Verts soutiendra fermement ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Renaud Gautier (L). Après le plaidoyer d'un tel musicien, il est difficile d'en rajouter... J'aurais juste peut-être aimé qu'au lieu de dire qu'il fallait être deux pour prendre une décision, on dise qu'il fallait, là aussi, comme pour le tango, être deux !
Je voudrais juste essayer de ramener le débat là où il doit être ce soir: non pas sur les conjectures, les hypothèses, les très éventuels développements qu'il pourrait y avoir, mais sur un projet qui, effectivement, amène deux choses essentielles, à savoir une clarification financière et une meilleure gouvernance. Comment, Mesdames et Messieurs, dans ce parlement, pouvez-vous vous opposer à cela ? Le débat est ici. Il n'est pas ailleurs. Il n'est pas sur la privatisation et, contrairement à saint Rémi le Preux, en ce qui me concerne, je regrette qu'on ne puisse pas très éventuellement à terme parler du problème de l'entrée de capitaux privés, mais, en l'état, ce dont nous avons à parler ici, c'est d'un transfert d'actifs. Point, à la ligne ! Voyant que certains conseillers nationaux, dans les journaux ou ailleurs, arrivent à dire que c'est le début d'un libéralisme galopant et de la privatisation de l'Etat, je crois, fort malheureusement, qu'ils prennent leurs cauchemars pour des réalités, mais ce n'est pas le débat de ce soir.
Ce soir, nous souhaitons une meilleure transparence, une meilleure gouvernance et une clarification financière. Mesdames et Messieurs les députés, si, dans cette législature, nous arrivons, grâce aux TPG et à l'Aéroport, à une meilleure clarification financière, ce parlement pourra s'enorgueillir d'avoir fait un effort qu'il n'est pas arrivé à faire ces très nombreuses dernières années. Raison pour laquelle je vous encourage très vivement à voter pour la clarification et pour la gouvernance.
La présidente. La parole est à M. le député Pierre Weiss.
M. Pierre Weiss (L). Je renonce, Madame la présidente !
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est au rapporteur de majorité, M. Kunz.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. J'attendais la présentation des amendements, excusez-moi !
La présidente. Non, d'abord, il y a M. Deneys !
M. Roger Deneys (S). Merci, Madame la présidente, ce doit être l'émotion qui vous fait sauter une ligne ! Pour le groupe socialiste, j'aimerais revenir sur ce qui a été dit tout à l'heure. Soyons très clairs. J'espère que M. Losio m'écoute...
Une voix. Il n'écoute pas, il l'a lu dans la presse !
M. Roger Deneys. Je ne lis pas les journaux, notamment pas les articles faits par d'anciens députés au Grand Conseil, cela ne m'intéresse pas... (Exclamations.) Je vous parle de la position des socialistes. Les socialistes sont effectivement favorables au principe de ces transferts d'actifs dans une logique économique. C'est le point de départ et c'est la position défendue par les commissaires dans les commissions spécialisées, tant en ce qui concerne l'Aéroport qu'en ce qui concerne les TPG ou les SIG. C'est la logique de la rationalité économique et nous défendons ce point de vue. Nous sommes d'accord là-dessus. Nous ne contestons pas les objectifs de ces projets de lois, il ne faut pas nous faire de procès d'intentions.
Par contre, ce qui vient se greffer là-dessus, c'est évidemment la logique financière. On peut se demander si le prix proposé est le bon et si c'est une juste évaluation des actifs ou non. Dans ce sens, je me permettrai juste de relever le fait que, typiquement, en ce qui concerne l'Aéroport, la commission de l'économie a planché un certain temps sur ce document, certes, mais la commission des finances a voté cela en une seule séance. Il n'y a pas eu de discussion, il n'y a pas eu d'amendement, il n'y a rien eu. En gros, on a dit: le prix est le bon, la commission de l'économie est d'accord et c'est le bon prix. Nous socialistes, aujourd'hui, nous avons des doutes. J'irai même un peu plus loin: nous avons des doutes, parce que - Monsieur Losio, je vous ai bien entendu, mais je ne sais pas depuis combien de temps vous faites de la politique, depuis plus longtemps que moi, depuis très longtemps ! - que voit-on en politique ? La vérité d'un jour, n'est pas la vérité de toujours !
Une voix. Heureusement !
M. Roger Deneys. Heureusement peut-être, et certains vous diront: «Les promesses n'engagent que ceux qui y croient !» Eh bien, c'est cela le problème des socialistes. Aujourd'hui, nous sommes convaincus de la bonne foi du Conseil d'Etat, nous sommes convaincus de la bonne foi des déclarations de M. Kunz, de M. Losio, de M. Jeannerat. Pas de problème ! Nous sommes convaincus aujourd'hui, mais demain, que se passera-t-il demain ? C'est cela, le problème des socialistes: nous sommes d'accord sur le principe du transfert d'actifs, mais nous voulons savoir ce qui va se passer demain, pour la suite. C'est pour cela que nous avons déposé nos amendements, pour essayer de nous prémunir contre d'éventuels changements de conseillers d'Etat, d'éventuels changements de composition du Grand Conseil, d'éventuelles nouvelles lois fédérales qui viseraient à des privatisations plus larges. C'est cela, le souci des socialistes. Nous pensons que l'Aéroport, les TPG et les SIG sont des biens de la collectivité publique genevoise et qu'ils doivent le rester. C'est ce que nous voulons défendre à long terme. Aujourd'hui n'est pas le problème. Nos amendements, ce n'est pas pour aujourd'hui, c'est pour la suite.
Typiquement, Monsieur Kunz, vous avez cité deux exemples dans votre première introduction. Vous avez cité comme exemple de biens publics l'Université et le réseau routier. Concernant l'Université, on voit bien ce qui se passe aujourd'hui: il faut faire des économies, il faut trouver de nouvelles ressources, donc on encourage les partenariats avec les milieux privés. C'est aussi de la privatisation déguisée. Eh bien, nous, les socialistes, on n'en veut pas !
Une voix. Ah, bon !
M. Roger Deneys. C'est donc bien cela notre souci. Votre exemple n'est justement pas un bon exemple !
Et que se passe-t-il avec le réseau routier ? Effectivement, c'est un bien public. Que proposent certains milieux pour la traversée de la Rade ? La privatisation du réseau routier ! De nouveau, nous n'en voulons pas ! Ces solutions ne sont pas acceptables pour les socialistes. Donc, aujourd'hui, il nous semble important de garantir deux choses: ces biens publics, ces biens de la famille, ces biens de la République restent en main de la famille, restent en main de la République. Je n'utilise pas le terme «famille» par hasard: en fait, transférer ces actifs, c'est comme vendre un bien à ses propres enfants. Evidemment, quand vous vendez à vos enfants - je pense, même pour un libéral plus ou moins cupide - en général vous ne faites pas un bénéfice sur votre vente. Vous vendez au prix de la valeur réelle, ce qui est fait en vendant à la valeur comptable, telle qu'elle a été définie par le Conseil d'Etat. En ce qui me concerne, je n'ai pas de problème avec cette valeur de vente aujourd'hui.
Notre problème, c'est la valeur potentielle de revente. Que se passera-t-il si, dans quatre ans, dans six ans, il y a une revente de l'Aéroport à un investisseur privé, après un appel d'offres, par exemple, à un prix six fois supérieur ? L'Etat s'est-il fait gruger ? Les citoyens se sont-ils fait gruger avec cette vente six fois plus cher quelques années plus tard ? De notre point de vue socialiste, oui. Ce n'est pas acceptable. Nous sommes donc à la limite d'accord de dire que le prix de vente, aujourd'hui, c'est ce prix-là, mais ce que nous voulons éviter, c'est que cette revente puisse bénéficier à des investisseurs privés par la suite. Nos amendements visent à mettre la valeur réelle de ces biens et pas simplement la valeur d'amortissement et, en tout cas, au minimum à garantir que ces biens ne puissent pas être revendus sans passer devant notre Grand Conseil. C'est cela l'objectif principal: éviter toute privatisation indirecte de ces biens...
La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. Très volontiers, Madame la présidente. J'en conclus par là: nous, ce qui nous intéresse, c'est demain. Nous vous faisons confiance pour l'immédiat, mais notre souci, c'est demain. (Applaudissements.)
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Moi, Monsieur Losio, je vous trouve très rassuré quant à l'avenir ! Vous avez déjà lu l'avenir, c'est extraordinaire ! Vous savez que cet aéroport ne sera jamais privatisé. Voyez-vous, je ne fais pas de procès d'intentions. J'ai beaucoup de doutes; je pense que le Conseil d'Etat ne contrôle pas l'avenir. Il y a ici deux interventions qui, à mon avis, méritent que nous nous penchions sur elles. C'est celle de M. Gautier, libéral, et celle de M. Bertinat.
Effectivement, Monsieur Bertinat, j'ai trouvé votre intervention très pertinente, parce que vous avez soulevé une question que je m'étais posée également. L'économie genevoise est fragile, nous le savons tous, elle est fondée sur le tertiaire et elle dépend beaucoup de l'extérieur. Or si demain les finances publiques n'étaient pas redressées, si demain, pour X raisons, la dette venait à s'aggraver ou si on n'arrivait pas à la juguler, puisqu'on ne peut pas augmenter les impôts - ce n'est plus un postulat, c'est un dogme, dans notre République - alors, effectivement, on va peut-être demander à l'Etat de faire ce que d'autres pays, notamment la France, ont fait. Vous l'avez relevé, c'est une logique implacable de l'économie, c'est une logique financière implacable. Autour de nous, il y a des exemples de cela tous les jours. Moi, je ne suis pas de ceux qui disent comme un dogme: cela ne se passera jamais.
M. Losio dit que cette bande de terre ne vaut rien. Monsieur Losio, j'ai lu l'autre jour dans le journal «Le Temps», dans la rubrique économique, que l'aéroport de Budapest - qui est à peu près, disons en dimension, comparable à celui de Genève - a été vendu deux fois de suite entre 1 et 1,5 milliard d'euros. Dire, comme vous l'avez fait, que cette bande de terre ne vaut rien, ce n'est pas vrai ! Elle vaut beaucoup plus que vous ne le croyez et il y a aujourd'hui des opérateurs en Europe et ailleurs qui s'intéressent à ces infrastructures et qui vont les gérer avec d'autres optiques que celles de l'Etat de Genève.
C'est la réalité. Il y a là un outil qui a une valeur marchande. Nous, les socialistes, nous pensons que l'avenir, personne ne peut le contrôler; personne ici ne peut nous garantir que demain, dans cinq, dix ou quinze ans, nous ne serons pas dans telle ou telle éventualité, soit privatisation.
J'aimerais dire, Madame la présidente, que, quand j'avais engagé le débat sur la Poste, au sein de mon parti, les conseillers nationaux, tout le monde m'avait dit: «Mais, Alberto, ce n'est qu'une simple opération financière ! Ce n'est qu'une simple opération de structure juridique. On sépare les deux entités, Poste et Télécoms, et on les dote.» Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, dix ans plus tard... (Brouhaha.) ...je le dis, que se passe-t-il avec la Poste, avec les Télécoms ? On nous dit qu'il y a 600 millions de bénéfices et 800 emplois à faire disparaître... La Poste a été un lien confédéral entre tous les citoyens, dans les villages les plus reculés - il y avait toujours une poste où un citoyen pouvait aller - eh bien, aujourd'hui, elle est mise à mal, justement parce qu'on a adopté cette structure-là. C'est cela, notre doute, aujourd'hui pour le parti socialiste.
Dans le mouvement qui est engendré ici, on ne dit pas, nous, qu'il va y avoir privatisation; on dit que, en regard de ce qui s'est passé ailleurs, et de ce qui s'est passé chez nous, qu'il y a de grands risques que l'on prépare la structure pour que, plus tard, ces mécanismes soient mis en route. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, notre position sur ce projet. C'est la raison pour laquelle nous présenterons nos amendements en espérant qu'ils trouvent grâce à votre coeur et à votre pensée.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Cela a été dit, le projet qui vous est présenté ce soir a un but unique: clarifier la situation comptable et immobilière de l'Aéroport international de Genève et de l'Etat de Genève. Les immeubles qui sont occupés par l'Aéroport de Genève seront transférés à l'entité qui les exploite, et les terrains resteront propriété de l'Etat de Genève. De quels immeubles s'agit-il ? Des immeubles d'exploitation de l'Aéroport à la valeur qu'ils avaient en 1994, lorsque ce parlement a voté la constitution d'un établissement public, celui de l'Aéroport international de Genève.
Depuis, il a connu son histoire, a connu son développement et a procédé à un certain nombre d'investissements, à hauteur de 585 millions au total, qui ont été tous pris en charge par l'Aéroport. Les 154 millions restant, c'est-à-dire la valeur résiduelle de ces immeubles, sont restés dans les comptes de l'Etat pour une raison historique toute simple: votre Conseil et l'Etat de Genève n'avaient pas la possibilité à l'époque, dans les circonstances de 1994, de doter l'Aéroport d'un capital de dotation qui lui aurait permis d'acquérir ces installations. Cette situation inédite dans la constitution d'un nouvel établissement a été contournée par le fait que, précisément, les immeubles sont restés depuis cette date propriété de l'Etat. Ce que vous propose aujourd'hui le gouvernement, c'est d'y remettre bon ordre dans l'intérêt de l'Aéroport et dans l'intérêt de l'Etat, dans un souci de clarification et de transparence.
Quel est, Mesdames et Messieurs, la valeur de l'Aéroport ? Cent cinquante-quatre millions ? Huit cents millions ? Un milliard ? Je ne le sais pas. Ce que je vais vous dire, c'est que la valeur de l'Aéroport est inestimable. Mesdames et Messieurs, il y a quatre-vingts ans, dans cette même salle, un conseiller d'Etat qui s'appelait Louis Casaï a pris la décision du siècle, qui a permis à Genève d'être ce qu'elle est aujourd'hui, comme, un siècle auparavant, James Fazy avait pris l'autre décision qui a permis à cette République d'être ce qu'elle est. Cette décision, elle demandait beaucoup d'audace.
Elle consistait à dire que, dans un continent où il n'existait pas d'avions, il fallait faire le pari qu'un jour il y en aurait et qu'un jour le mode de transport principal dans le secteur international serait l'aviation. Grâce à cet homme et grâce à ceux qui l'ont accompagné, Genève a pu devenir ce qu'elle est: une capitale internationale, une capitale diplomatique. Qui imagine aujourd'hui que les organisations internationales pourraient se passer d'un aéroport ? Genève est aussi devenue une capitale multinationale, avec des entreprises qui font notre richesse. Elle a pu rester un centre financier, un centre bancaire; elle a pu devenir le principal centre de trading pétrolier du monde. C'est ce qu'est Genève aujourd'hui. Sans cet aéroport et sans cette décision, sans doute la plus structurante qu'un parlement ait jamais prise, sous l'impulsion de Louis Casaï, Genève n'aurait pas été ce qu'elle est.
Mesdames et Messieurs, pour que vous preniez conscience de cette réalité-là, il faut que vous ayez conscience de ce qu'est normalement un aéroport dans une ville de 450 000 habitants. Mesdames et Messieurs, Grenoble a une agglomération qui compte plus d'habitants que n'en compte Genève. Il y a 6 compagnies aériennes qui desservent l'aéroport de Grenoble; il y en a 51 qui desservent l'aéroport de Genève. Mesdames et Messieurs, on peut aller de Grenoble une fois par jour à Londres. On peut y aller une vingtaine de fois depuis Genève. Mesdames et Messieurs, il y a des villes qui sont plus grandes dans leurs agglomérations que ne l'est Genève. C'est le cas de Metz, qui a 8 dessertes aériennes en tout et pour tout, dont aucune n'est internationale. Nous avons 116 destinations qui sont desservies par des lignes régulières, auxquelles il faut encore ajouter 31 lignes de charter. Mesdames et Messieurs, cela suppose que nous en ayons conscience et que nous puissions permettre à l'Aéroport d'avoir une transparence, d'être géré selon des situations qui correspondent à la réalité d'aujourd'hui.
La réalité d'aujourd'hui, c'est précisément de permettre à l'Aéroport de devenir propriétaire de ces immeubles, pour qu'il puisse assumer son développement. Car, d'un développement, nous en aurons besoin; les installations doivent constamment s'adapter complètement. Nous allons aujourd'hui atteindre à Genève 10 millions de passagers en un an, en progression de 800 000 par rapport à l'année dernière. Dix millions de passagers dans une ville qui compte à peine 500 000 habitants, en comptant large, un million en prenant une région très très large, cela veut dire que cinq fois dans l'année, chaque habitant du pays fait un aller-retour, qu'il soit bambin ou vieillard ou qu'il fasse partie de la population active.
Mesdames et Messieurs, c'est un privilège exceptionnel d'être dans une ville qui a cet avantage et il faut le préserver. Le projet qui vous est proposé permet précisément, par la clarification, à l'Aéroport d'avoir une visibilité, une lisibilité, une transparence vis-à-vis de ses bailleurs de fonds, qui lui permettront d'assumer ce développement selon les règles qui sont aujourd'hui les siennes.
Y aura-t-il, Monsieur Velasco, moins d'emprise du parlement sur l'Aéroport ? Non, rien ne changera, Monsieur Velasco, l'Aéroport restera un établissement public, le statut qui a été conçu dans la loi de 1994 restera scrupuleusement celui-là. Si vous voulez en changer, il conviendra de changer la loi, cette loi sera soumise à un référendum, ce référendum permettra au peuple d'en décider, si vous aviez l'intention de le faire.
Quelle est, sur la privatisation, la position du Conseil d'Etat unanime ? Monsieur Losio, vous avez eu l'amabilité de citer mes propos; ils n'ont jamais figuré dans un Mémorial, ils ont figuré dans des quotidiens. Je viens ici, pour le Mémorial, vous dire officiellement que le Conseil d'Etat n'a pas l'intention de privatiser l'Aéroport de Genève, précisément parce qu'il est vital pour Genève, parce qu'aucune autre ville au monde n'a une pareille dépendance et un pareil succès dans sa politique aérienne et qu'il convient à tout prix de préserver cela.
C'est la seule chose qui permettra à Genève d'avoir un avenir et de ne pas commettre les erreurs qu'ont connues d'autres aéroports suisses, qui se sont lourdement endettés et qui doivent aujourd'hui afficher des taxes d'aéroport qui sont beaucoup trop élevées face à la nouvelle donne du marché, qui est un marché low cost, comme vous le savez. Les taxes d'aéroport à Genève sont de 19 francs. Elles sont de 36 francs à Zurich, elles sont de 56 francs à Paris, qui est un aéroport privatisé. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que nous vous proposons aujourd'hui. C'est une clarification, ce n'est pas une privatisation. Le Conseil d'Etat n'entend pas et d'aucune manière y accéder. Je n'entends pas vous proposer, tant et aussi longtemps que je siégerai dans ce Conseil et tant et aussi longtemps que je serai à la tête du département de tutelle de cet aéroport, une décision aussi hasardeuse que celle-là face à un capital qui a tant de valeur.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite, dans un souci de transparence, dans l'intérêt de l'Etat, dans l'intérêt de l'Aéroport, dans l'intérêt de Genève, dans l'intérêt de ses habitants, à voter ce transfert d'actifs et à ne pas vivre sur des fantasmes idéologiques qui n'ont aucune réalité. (Applaudissements.)
Mis aux voix, le projet de loi 9827 est adopté en premier débat par 76 oui et 8 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement concernant l'article 1. Vous l'avez reçu; je vais vous le lire:
«1. L'Etat de Genève cède à l'Aéroport international de Genève (ci-après AIG) des bâtiments, installations et aménagements extérieurs, compris dans le périmètre aéroportuaire tel que défini dans le plan figurant en annexe de la présente loi sous forme d'une dotation de 1 milliard, correspondant à la valeur intrinsèque des biens cédés.
»2. Ce capital de dotation fait l'objet d'une rémunération par l'AIG selon des conditions fixées par le Conseil d'Etat.
»3. L'AIG reste débiteur du montant de Frs 154'250'269 correspondant à la valeur comptable, au bilan de l'Etat, des biens cédés.»
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Je commente ici brièvement les propositions d'amendements faites par le groupe socialiste.
Article 1, alinéa 1. Le projet de loi qui vous est soumis est contraire à la loi en vigueur. En d'autres termes, il est tout simplement illégal. Je m'explique: la LGAF interdit un transfert d'actifs à la valeur comptable, car il constitue une subvention tacite. Au moment où ce parlement, à juste titre, fait la chasse aux subventions tacites, il est pour le moins mal inspiré de vouloir voter un projet de loi qui a pour conséquence d'octroyer une subvention tacite de taille, à savoir de près de 850 millions. La valeur des biens transférés s'élève à 1 milliard; c'est la valeur qui figure dans cet amendement. Cette valeur repose sur des bases solides.
Je m'excuse déjà auprès du chef du département de ne pas lui avoir, par courtoisie, fait part de ces amendements avant la séance, mais j'ai dû faire des recherches qui m'ont pris passablement de temps, de sorte que je viens de le terminer, il y a quelques heures.
Une expertise financière sur la valeur intrinsèque des installations et bâtiments de l'Aéroport, à l'exception des terrains qui sont en droit de superficie, a été faite à la fin des années 1990. Un mandat a ensuite été donné à l'ICF pour valider ces valeurs, mettre à plat le coût pour l'Etat et évaluer les conséquences de ce transfert d'actifs. Ce qu'il est important de savoir est que les experts de l'ICF se sont mis d'accord sur une valeur intrinsèque des installations et des bâtiments de l'Aéroport. Ils les ont estimés à 1 milliard de francs. Concernant la méthode utilisée, tout le monde - y compris l'Aéroport - s'est mis d'accord sur le choix des experts et de la procédure et il n'y a pas eu de contestation quant à l'estimation de la valeur intrinsèque. Afin que l'Etat ne perde pas dans l'opération, il est essentiel que sa dotation figure non pas à la valeur résiduelle comptable, mais à la valeur intrinsèque.
L'alinéa 2 du même article prévoit que la rémunération de ce capital de dotation est à déterminer par le Conseil d'Etat. Tel est actuellement le cas par exemple avec Orgexpo suite au transfert d'actifs. Le Conseil d'Etat pourra tenir compte de la reprise dans les comptes de l'AIG de la dette attribuée à la valeur résiduelle comptable de la dette indiquée dans l'alinéa 3, de 154 250 269 francs.
Je commente également l'alinéa 3: le Conseil d'Etat ayant pris l'engagement de diminuer la dette de l'Etat par une écriture comptable, il est prévu dans cet alinéa que l'AIG reste débiteur de ce montant. Il s'agit bien entendu - je reprends l'expression de mon estimé collègue Edouard Cuendet dans la «Tribune de Genève» - d'un pur feu d'artifice. Je rajoute «comptable», mais, puisque le Conseil d'Etat y tient, afin de pouvoir réduire la dette et tenir parole, nous proposons d'aller dans son sens.
En ce qui concerne l'article 10 souligné, je reprendrai la parole quand vous arriverez à ce point, Madame la présidente.
M. Christian Bavarel (Ve). Pour les Verts, ce dont il s'agit dans ce transfert d'actifs, c'est, d'un certain côté, de prendre dans une poche pour mettre dans l'autre; de changer le statut de l'Aéroport. Il faut que notre aéroport reste viable, il faut qu'il supporte les charges qui lui incombent. Il ne s'agit pas de faire du bénéfice ou de mettre à mal une des entités qui nous appartient, il s'agit simplement de lui donner la véracité de ses coûts. Sa forme juridique et sa fortune propre, ce n'est pas très important en soi. Ce qui est important, c'est que la véracité des coûts apparaisse.
Par ce transfert de charges tel qu'il a été prévu par le Conseil d'Etat, nous arrivons à cette véracité des coûts. Faire autrement, demander plus à l'Aéroport, c'est plomber les comptes de l'Aéroport et lui faire supporter plus que sa charge économique ne peut le permettre. Nous cherchons à avoir un aéroport qui reste sain, nous cherchons à avoir des comptes qui soient le plus clairs possible et nous cherchons à garder tout cela en main de l'Etat, avec simplement une lisibilité comptable accrue. C'est bel et bien ce projet-là que nous soutenons, nous, les Verts et c'est pour cela que nous vous proposons de refuser cet amendement.
M. Christian Brunier (S). Juste pour éclaircir notre position par rapport à ce qu'a dit M. Bavarel. Au parti socialiste, vous l'aurez compris, nous sommes divisés sur la question. Néanmoins, le mot d'ordre du comité directeur et du groupe est clair: nous sommes favorables au principe des transferts d'actifs.
Nous sommes favorables au principe des transferts d'actifs pour deux bonnes raisons: premièrement, parce que la logique veut que lorsqu'une entreprise publique exploite une installation elle en soit propriétaire. C'est de la bonne gestion et je crois que personne, dans ce parlement, ne s'y oppose. Je crois que c'est une question d'efficacité et de transparence. Deuxièmement, tout ce que nous allons gagner au niveau de l'Etat grâce aux transferts d'actifs, c'est tout ce que nous n'irons pas chercher ailleurs. Aujourd'hui, les socialistes, en tout cas dans leur majorité, préfèrent un transfert d'actifs de l'Etat à une entreprise publique plutôt que des coupes qui pourraient être très douloureuses, par exemple, dans des domaines qui nous sont chers.
Nous sommes pour le principe de ce transfert. Néanmoins - et je crois que beaucoup de gens partagent ce point de vue là - il faut fixer un certain nombre de conditions. Elles peuvent porter sur le prix; l'amendement va dans cette direction. M. Bavarel nous dit que l'amendement n'est pas supportable au niveau économique, mais il faut qu'il le lise, parce qu'au niveau économique le montant qui serait payé par l'Aéroport serait le même que celui prévu dans le projet de loi. Tout simplement, nous sommes en train de jouer avec le capital de dotation. Je crois qu'il est important de comprendre ce mécanisme: garantir une plus grande participation de l'Etat, un plus grand contrôle - à ce que j'ai entendu aujourd'hui, du ministre chargé de l'Aéroport en particulier, personne ne nie ce contrôle - pour se prémunir contre la privatisation. On a eu des garanties très fortes du Conseil d'Etat et je l'en remercie.
Néanmoins, il ne faut pas être naïf: il y a aussi des gens, dans cet hémicycle et ailleurs, qui n'attendent qu'une chose, c'est de privatiser un certain nombre d'activités de l'Etat, que ce soit l'Aéroport ou d'autres domaines. Il y a des modes de privatisation et certains sont des experts en la matière. Certains députés qui sont assis ici aujourd'hui et qui disent qu'il n'y a aucun risque de privatisation ont pourtant déposé des projets de lois qui vont dans cette direction. Soyez clairs: si vous êtes vraiment pour que l'Aéroport reste public, retirez ces projets de lois. Vous serez beaucoup plus crédibles. Nous devons donc mettre des garde-fous en place pour prémunir la collectivité publique, qui a payé ces biens. Si l'Aéroport - vous l'avez dit, Monsieur le conseiller d'Etat - est une richesse pour Genève, c'est bien la collectivité publique, la population qui l'a payé. Si d'autres institutions prestigieuses de l'Etat fonctionnent bien aujourd'hui, c'est bien parce que la collectivité les a payées... La seule vocation de l'amendement socialiste, c'est d'essayer de se prémunir contre cela.
Puisque nous sommes en grande majorité favorables au transfert d'actifs, il faut se prémunir aussi contre les risques de référendum. Plus on mettra de garanties pour préserver les biens publics, moins il y aura de chances d'avoir un référendum et une défaite du parlement largement partagée au niveau de la population. Vous savez que, avec des arguments peut-être populistes - certains les ont qualifiés comme cela - il n'est pas impossible qu'il y ait référendum et, pourquoi pas, une victoire de ce camp-là. Je pense que nous devons justement mettre des garanties pour freiner cela. Par rapport à tout ce qui a été dit ce soir, cet amendement me semble tout à fait acceptable pour tout le monde. Je ne crois pas qu'il va à l'encontre du transfert d'actifs. Je ne crois pas qu'il va à l'encontre des intérêts de l'Aéroport et des intérêts de Genève.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits: M. Cuendet, M. Nidegger, M. Gillet, Mme Grobet-Wellner, et les deux rapporteurs.
M. Edouard Cuendet (L). J'avoue humblement que je suis extrêmement flatté d'être cité par ma collègue Mme Grobet-Wellner en ce qui concerne mon modeste article sur le feu d'artifice. La citation est exacte, mais prise un peu hors contexte. Dans ce débat, il faut bien séparer deux éléments. D'abord, l'élément purement budgétaire; je le réaffirme haut et fort: le transfert d'actifs à l'Aéroport est un artifice comptable pour sauver un budget qui serait autrement dans une situation absolument désespérée. Il est vrai que le parti libéral est plus que réticent par rapport à cette manoeuvre que le Conseil d'Etat, son grand argentier en tête, nous avait promis de ne plus répéter, puisqu'il s'agit d'un expédient qu'il avait critiqué pour le gouvernement précédent. C'est donc une belle illustration.
En revanche, l'autre aspect que je voulais aborder ici, c'est l'aspect économique. J'avoue que je suis absolument stupéfait que le parti socialiste, qui se prétend favorable à l'économie genevoise, à l'économie locale, ose même imaginer mettre dans un projet de loi un transfert d'actifs à 1 milliard, dont l'effet premier serait de couler l'Aéroport, qui n'aurait plus les moyens de financer son activité. Un tel transfert porterait un coup fatal à l'économie qui, vous semblez l'ignorer, vit essentiellement sur ses activités d'échanges internationaux et non pas uniquement sur le marché local. Cela me paraît donc totalement absurde.
En plus, j'ajouterai un élément supplémentaire, qui est un élément ni budgétaire ni économique, mais un élément légal: je vous rappellerai ici qu'il existe un article 36 de la LAIG qui prévoit que l'Aéroport doit rembourser les amortissements. C'est prévu par la loi. Donc, par la proposition d'inclure un montant de 1 milliard dans le projet de loi, on ne demande rien d'autre à l'Aéroport que de payer deux fois les mêmes sommes. C'est donc absolument absurde et insoutenable.
Au fond - si ce projet devait, dans la pire des hypothèses, être adopté avec cet amendement - on pourrait même imaginer, pour pousser le raisonnement jusqu'au bout, que l'Aéroport vienne demander le remboursement des amortissements qu'il a opérés durant toutes ces années, ce qui représente quelques grosses centaines de millions de francs. Je vous invite donc à rejeter cet amendement le plus fermement du monde, surtout sur son volet économique, qui mettrait à mal un des outils les plus importants pour l'économie genevoise. Je m'étonne que le parti socialiste veuille porter un coup fatal à cette institution indispensable. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Yves Nidegger (UDC). Une partie de ce que j'avais l'intention de dire a déjà été dite par M. Cuendet.
Une voix. Oh ! Dommage !
M. Yves Nidegger. Il est clair que la décision de ces transferts d'actifs, qui vaut ce qu'elle vaut, est une décision prise en opportunité. Il s'agit, dit-on, d'améliorer la gestion. Il s'agit surtout d'améliorer le budget de l'Etat et il est admis par tout le monde que la seule chose dont on puisse être certain à propos de la valeur comptable, c'est qu'elle ne correspond pas à la valeur réelle de ce qui est transféré. Mais cela nous met d'accord au moins sur un point. Il faut bien choisir une valeur et puis, on voit cela dans les regroupements de sociétés, lorsque l'on transfère d'une maison mère à une filiale, on utilise la valeur comptable, sachant qu'elle n'est pas forcément la valeur du marché, mais que ce n'est pas grave, puisqu'au fond c'est un rapport de société mère à société fille.
Evidemment, l'idée de doter l'Aéroport d'un capital d'un milliard supplémentaire va, à cause du jeu des amortissements auquel est soumis l'Aéroport avec les nouvelles normes, probablement manger la part qui revient au canton dans le bénéfice d'exploitation. Déjà pour ce motif, puisque le tout est une meilleure gestion, la chose paraît relativement absurde. Lorsque, par ailleurs, on ne ferait figurer comme dette de l'Aéroport qu'un montant inférieur, de deux choses l'une. Soit on veut véritablement - cela aurait été une méthode - réévaluer les actifs que l'on transfère avant leur transfert à une valeur qui serait objective, sur la base d'une expertise, et, ayant fait cela, transférer à leur prix ces actifs et se les faire payer. Soit on les transfère à une valeur que l'on sait être fausse, mais il s'agit simplement d'une redistribution. Faire les deux à la fois, c'est-à-dire, augmenter la valeur à ce qu'elle pourrait être objectivement mais ne faire figurer qu'une dette d'un montant inférieur tout en imposant par ailleurs - parce que là, on n'a pas le choix - des amortissements à plein pot, cela n'a tout simplement aucun sens. Nous vous demandons donc également de rejeter cet amendement quelque peu échevelé.
M. François Gillet (PDC). Je dois dire que j'ai un peu de peine à comprendre le sens de l'amendement proposé par le groupe socialiste. Je crois que M. Deneys a dit tout à l'heure qu'il souhaite se prémunir quant à l'avenir. Mais, M. Longchamp l'a rappelé: si, par hypothèse, un jour, certains d'entre nous dans ce parlement, au Conseil d'Etat ou au Conseil d'administration de l'AIG en venaient à prendre la décision - à mon avis irresponsable - de privatiser notre aéroport, ce jour-là, mais ce jour-là seulement, il s'agirait, pour des privés, de déterminer la valeur vénale de ces actifs, afin de les vendre au meilleur prix.
Mais aujourd'hui, nous ne vendons pas l'Aéroport à des privés, nous transférons les actifs de l'Etat à un établissement public autonome. Ce n'est pas du tout la même démarche et ce ne sont évidemment pas les mêmes conditions de transfert. De plus, M. Longchamp l'a rappelé: hypothétiquement, le jour où certains voudraient privatiser l'Aéroport, la loi devrait être modifiée. Ce jour-là, un référendum pourrait être lancé et éventuellement suivi d'effet. N'anticipons pas sur des fantasmes qui n'ont pas lieu d'être aujourd'hui.
Par ailleurs, je rappellerai également - et nous aurons peut-être le temps de parler des TPG tout à l'heure - que ce transfert d'actifs doit se comprendre comme faisant partie d'un ensemble de trois projets de lois, qui concernent également les TPG et les SIG. J'aimerais souligner que, si l'AIG est aujourd'hui un établissement public autonome bénéficiaire, ce n'est pas le cas des TPG, qui, comme vous le savez, sont largement subventionnés. Or nous devons, c'est logique, choisir la même valeur de transfert pour les trois établissements publics autonomes. Ce qui pourrait éventuellement se comprendre pour l'AIG ne serait pas du tout adapté aux TPG.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien vous invite à ne pas soutenir l'amendement socialiste.
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Je crois - je ne sais pas si c'est dû à l'émotion d'avoir été cité par moi... - que mon collègue Cuendet n'a pas tout à fait saisi le sens de cet amendement... (L'oratrice est interpellée. Elle rit.) Il ne s'agit absolument pas de couler l'Aéroport, mais de respecter des règles élémentaires. Je dirais qu'on se doit de les respecter. Je citerai entre autres la transparence, l'intégralité et la vérité, dans les comptes de l'Aéroport comme dans ceux de l'Etat. Je comprends que ce n'est pas évident, ce n'est pas facile. J'ai pris passablement de temps pour essayer de trouver quelque chose qui, à mon avis, va dans le sens de tout le monde: l'Aéroport, l'Etat, le parlement.
Les propositions d'amendement faites par le parti socialiste ont pour conséquences, premièrement, d'aller dans le sens du souhait de l'AIG, à savoir de ne pas devoir débourser plus que la valeur résiduelle comptable des biens transférés, c'est-à-dire 156 millions. Deuxièmement, de permettre au Conseil d'Etat de diminuer la dette comme il a promis de le faire dans les comptes de l'Etat en transférant 156 millions de la dette dans les comptes de l'AIG. Troisièmement - et là, on est dans la transparence, l'intégralité et la vérité - de faire figurer aussi bien dans les comptes de l'Etat que dans ceux de l'AIG la valeur réelle de la dotation en capital de l'Etat à l'AIG. On se conforme ainsi aux lois en vigueur dont nous demandons qu'elles soient respectées et que nous nous devons de respecter également.
J'espère me tromper si j'ai eu l'impression de voir une espèce de réflexe pavlovien de mes collègues face à ces propositions d'amendement. Il n'y a pas d'astuce cachée. Cela permettra à l'Aéroport de débourser le montant de 156 millions qu'il estime pouvoir débourser et, à l'Etat, de faire figurer la participation sous forme de capital de dotation à l'Aéroport à sa véritable valeur. Je rappelle que cette valeur de 1 milliard, je ne l'ai pas inventée; elle n'a été contestée ni par l'Aéroport ni par le Conseil d'Etat de l'époque. Elle est issue du travail d'un groupe d'experts nommé par l'Aéroport et dont le résultat a été de donner mandat à l'ICF de vérifier. Ils se sont mis d'accord sur le fait que la valeur intrinsèque des biens transférés hors terrains est bel et bien de 1 milliard. J'espère avoir rassuré en tout cas une partie de mes collègues sur les intentions du parti socialiste. (Applaudissements.)
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Ce soir, nous constatons que les socialistes ont peur. Ils ont peur de la privatisation. Nous le savons tous: la peur est mauvaise conseillère, elle est paralysante et elle conduit à l'obscurantisme. J'aimerais sans aucune animosité les inviter à relire certains de leurs classiques ou des classiques que certains ici connaissent en tout cas, notamment Denis de Rougemont, qui disait: «Nous ne sommes pas là pour prédire l'avenir, mais nous sommes là pour le faire.» Ce projet de loi est là pour faire l'avenir de Genève. C'est le premier point.
Le prix de 1 milliard que vous invoquez est non seulement contestable, mais il est contesté, en tout cas par ceux qui défendent la valeur de 154 millions. J'aimerais vous dire que ce stylo, que vous voyez là, je peux faire dire à un expert qu'il a la valeur de 50 000 francs suisses...
Une voix. Il est tenu par Pierre Kunz !
M. Pierre Kunz. Oui, notamment parce qu'il est tenu par Pierre Kunz, exactement. Rien ne pourra contester cette vision des choses tant que je ne le mettrai pas en vente pour ce prix. Le prix de 1 milliard est le fruit d'une rêverie, qui est établi par des pseudo-experts ou en tout cas par des experts qui ne sont pas dans le contexte dans lequel nous sommes aujourd'hui, et par des députés qui n'ont pas d'objectif pour Genève, mais qui se contentent de défendre un certain nombre de critères prétendument objectifs, prétendument comptables. Le prix de 1 milliard n'a aucune justification objective supérieure à celui de 154 millions. Le prix de 154 millions, je vous le rappelle, n'est pas inventé, contrairement au prix de 1 milliard. Il est simplement celui qui est tiré des livres de l'Etat.
Parlons du fameux risque de privatisation. Cela a été dit par M. Gillet: s'il y avait une volonté même de privatisation partielle, qu'est-ce qu'il faudrait ? Que quelqu'un ait envie de vendre, et ni le Conseil d'Etat ni ce parlement ne veulent le faire. Il faudrait ensuite - beaucoup plus difficile encore - un acheteur, puis il faudrait fixer un prix. Ce prix, de quoi dépendrait-il ? Il dépendrait - au même titre que l'estimation que nous sommes en train de faire à Genève des immeubles de l'Etat - de la détermination d'une valeur objective. C'est ce prix-là qui serait pris en considération si nous devions privatiser. Ce prix de 1 milliard, que vous invoquez ici, je le répète, n'est pas invoqué pour autre chose que pour saboter l'opération qui vous est soumise.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Vous savez, Monsieur Kunz, vous dites qu'on ne va pas privatiser... Des fois, on vend ses objets malgré soi...
Une voix. Et alors ?
M. Alberto Velasco. Laissez-moi finir ! Je dois dire que je ne présume pas de la santé des finances publiques parce qu'on peut assister à de nouvelles baisses d'impôts plus tard. Je n'ai donc pas de certitude là-dessus.
Revenons au milliard. Vous avez dit que ce n'est pas une valeur objective. Tout à l'heure, Monsieur Kunz, j'ai donné la valeur d'une transaction financière qui a eu lieu avec l'aéroport de Budapest, qui a été d'entre 1 et 1,5 milliard d'euros. La valeur que ma collègue Mariane Grobet-Wellner a donnée se situe en dessous de cette marge. De plus, elle dit qu'elle a mis du temps à trouver cette valeur et elle l'a trouvée dans des documents qui proviennent de l'Etat, dans une étude commandée par l'Aéroport. Et cela, ce n'est pas objectif ? Par contre, ce que j'entends ici ce soir, cela, c'est objectif ! Vous avez une députée qui vous amène des preuves palpables, documents et études à l'appui, mais ce n'est pas objectif ! Par contre, quand des députés disent: «moi, parti X, je dis que ce n'est pas objectif,» cela, c'est objectif ? Bravo ! Bravo pour l'esprit scientifique qui anime ce parlement. C'est magnifique !
Sur la véracité du coût, ici, on entend tout et rien ! Je vois qu'il y a ici un entrepreneur. Mesdames et Messieurs les députés, je m'excuse, on peut ne pas posséder ses locaux, les louer, et avoir une vérité des coûts ! Au nom de quoi faut-il posséder des locaux pour avoir une bonne gestion et une vérité des coûts ? Je connais beaucoup d'entreprises qui louent leurs locaux, qui louent leurs machines et qui ont la vérité des coûts. On ne peut donc pas dire que l'Aéroport doit posséder ses bâtiments et ses instruments de travail pour avoir la vérité des coûts. Non, Messieurs ! Le problème, c'est que l'on facture, si c'est le cas, le véritable coût de ces bâtiments pour l'Etat. Là-dessus, il y a eu des erreurs par le passé et peut-être qu'effectivement, par le passé, la gestion n'a pas été conforme. Cela, je peux l'admettre, mais enfin, ne dites pas des choses qui n'ont rien à voir avec la gestion ! On entend tout ici ce soir !
Mesdames et Messieurs, on peut refuser l'amendement de ma collègue Mme Grobet-Wellner, parce que... (L'orateur est interpellé.) Non ! Parce que son parti a pris des options, comme nous avons pris ce soir l'option d'entrer en matière puis de peut-être - peut-être ! - voter ou nous abstenir. Ce sont des options de parti. Mais il faut par contre avoir l'honnêteté intellectuelle de reconnaître que ce que dit Mme Grobet-Wellner, elle le dit pour le bien de la République, parce qu'elle est convaincue que c'est bien, pour le bien public et pour les citoyens, et que ce n'est pas farfelu. (Applaudissements.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Un certain nombre de choses ont été déclarées de part et d'autre, que notre gouvernement ne peut définitivement pas laisser dire. Je peux concevoir que certains, ayant vu les leurs - et là, on peut le prouver, par contre - procéder qui à des amortissements, qui à des comptabilisations discutables - on en reparlera d'ailleurs - par le passé, prêtent aux autres des attitudes qu'ils ont vues dans leur propre monde. Pour le moment, il va falloir démontrer et cesser de calomnier et de dénigrer, Monsieur Cuendet. Cessez de calomnier le gouvernement, les sept personnes qui sont ici !
Quelle a été l'intervention - vous pourrez le vérifier - du ministre des finances, grand argentier, dites-vous, dans cette affaire ? Elle a été de demander à Robert Cramer de baisser les prix pour les SIG et les TPG - Oh, le beau feu d'artifice ! - de manière à pouvoir adopter une seule méthode sur le transfert. Les chiffres qui seraient sortis d'un accord à l'amiable entre les parties, l'Aéroport, les SIG et les TPG, étaient supérieurs à ceux qui vous sont proposés. C'est donc assez clairement la volonté d'avoir une seule norme - que l'on peut critiquer - qui a conduit le Conseil d'Etat à penser que, quoi qu'il fasse, il allait avoir une difficulté, et qu'il valait donc mieux prendre la valeur historique.
J'aimerais dire en deuxième lieu que l'on peut adopter la démarche de Mme Wellner, comme on aurait pu en adopter d'autres. C'est «kif-kif bourricot». Tout à la fin, c'est exactement la même chose, mais cela a quelques inconvénients et, surtout, c'est inutile. Mettre un milliard de dotation, je le comprendrais dans le cas d'une société anonyme publique, pour indiquer ce qu'on attend en termes de redistribution des bénéfices, mais nous sommes ici dans un établissement public autonome où la règle de distribution du bénéfice est fixée - par qui donc ? Par le Conseil d'Etat. C'est le Conseil d'Etat qui dit la part qu'il va prendre. Il n'y a donc aucune nécessité ni économique ni politique de faire un monstrueux capital de dotation pour tirer le bénéfice que l'on entend.
J'ajouterai que, si l'on voulait vous suivre - j'expliquerai pourquoi je pense qu'il est difficile à l'heure où vous venez avec cet amendement, de vous suivre - il aurait fallu faire encore autre chose. Il aurait fallu partir de la valeur intrinsèque, d'accord, mais comptabiliser dans cette valeur intrinsèque l'ensemble des travaux qui ont été payés directement par l'Aéroport et il aurait fallu se mettre d'accord sur l'actualisation de la valeur payée, au moins au titre des amortissements. Evidemment, on peut convoquer Price, on peut convoquer Ernst & Young, on peut convoquer Deloitte, et on aura trois prix. On aura dépensé 15 millions de francs et on aura la satisfaction d'avoir sophistiqué comptablement encore un peu plus l'affaire. Tout à la fin, tout cela pourrait se justifier si nous travaillions avec un privé. Ce serait d'ailleurs la bonne manière de connaître le coût.
J'ai été approché, par une compagnie qui voulait non pas acheter, mais qui aurait bien aimé peut-être constituer le dossier pour vendre. Elle au moins aurait été sûre de toucher des honoraires. On n'aurait vraisemblablement pas trouvé d'acheteur, mais qu'importe, elle aurait touché les honoraires ! Il aurait été intéressant d'aller sur le marché pour connaître la valeur. Qui verserait quoi aujourd'hui pour des installations construites sur un sol qui resterait la propriété de l'Etat - cet élément est assez important ? Combien les gens seraient-ils prêts à mettre ? Evidemment, ce serait plus que 154 millions. Par contre il n'y aurait plus les 30 à 40 millions de bénéfices annuels. On ne peut pas tout avoir !
Ce n'est pas l'intention du Conseil d'Etat de vendre l'Aéroport. Vous avez compris pourquoi, c'est pour deux raisons: premièrement, parce que c'est trop important pour le faire, M. Longchamp vous l'a expliqué assez longuement. La deuxième raison est claire aussi: c'est que si, comme on peut s'y attendre, la société privée fait tôt ou tard faillite, l'Etat paiera le tout. Inutile, donc, de payer deux fois le prix. Pour cette raison, notre Conseil est absolument persuadé qu'il faut garder dans nos mains l'Aéroport.
A partir de là, Mesdames et Messieurs, l'Aéroport n'est qu'une filiale de l'Etat. Aussitôt que les techniciens seront capables de le faire de part et d'autre, il va entrer dans les comptes consolidés. Entrer dans les comptes consolidés signifie clairement qu'il y a un rapport de dépendance stricte. Ce n'est pas associé. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que c'est un établissement public autonome, qu'on ne peut le vendre qu'en changeant la loi, que c'est le Grand Conseil qui décide la manière de nommer le Conseil d'administration, que, par ailleurs, nous pouvons le révoquer... Il y a deux ou trois autres bricoles qui renforcent le constat. Nous avons le contrôle.
De toute façon, où que l'on mette les choses, à un moment donné, dans quatre ou cinq ans, nous en aurons fini avec les normes IPSAS. Les normes IPSAS nous donnent sur un point et un seul la possibilité de faire les choses en cinq ans, c'est précisément la valeur des immobilisations corporelles. Cela va être une affaire assez délicate à tous niveaux. Nous allons nous en occuper et nous allons demander, comme nous l'avons fait aux TPG - c'était une des conditions de l'accord - que l'on fasse les choses en même temps dans les entités qui reçoivent des transferts d'actifs.
Reste la question des subventions tacites. Je dois dire que je trouve extraordinaire que l'on critique cela alors qu'on supporte sans mot dire des subventions tacites d'un montant extraordinaire aux SIG, et des subventions tacites à presque tout le monde qui travaille avec nous. En effet, jusqu'à maintenant, la pratique est de donner des subventions tacites par toutes sortes de moyens, par exemple des locaux, particulièrement dans le domaine des établissements publics dont le statut du personnel est parfois réglé par la loi B 5 05, comme pour l'Université et les Hôpitaux.
Oui, on va faire apparaître ces coûts. On va les faire apparaître, mais on ne peut pas, comme vous le proposez, Madame Grobet-Wellner, gommer l'historique. Ce que vous êtes en train de proposer, c'est pratiquement de faire, pour l'ensemble des opérations, la somme des subventions tacites reçues et de les transformer, d'un seul coup, parce qu'on change les règles du jeu, en une dotation en capital. Au demeurant, je le répète, cette dotation en capital nous fait une belle jambe, parce que, de toute façon, c'est nous qui décidons ce qui est de notre avantage entre prendre 40 millions à l'Aéroport, mais risquer de voir les installations tomber en désuétude ou n'en prendre que 30 et voir un entretien régulier. C'est une politique d'Etat. Elle incombe au Conseil d'Etat et, de ce point de vue
là, la valeur n'y change rien. On aurait pu bien sûr travailler sur le scénario de Mme Grobet-Wellner, mais quelqu'un l'a dit: il faut recommencer pour tout, si on fait cela, pour les SIG...
La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat...
M. David Hiler. ...pour les TPG...
La présidente. ...il va falloir conclure.
M. David Hiler. ...il faut recommencer pour les SIG, il faut recommencer une ultime fois pour l'Hôpital et est-ce ce que vous voulez ? Enfin, Monsieur Cuendet, le feu d'artifice, je vous redonne la note - je vais vous l'apporter, comme cela je n'ennuierai pas tout le monde avec - le feu d'artifice sur le budget de fonctionnement du transfert d'actifs de l'Aéroport vous a été distribué trois fois ! Je vous le donne une quatrième fois. Il se monte, Monsieur Cuendet, à trois millions ! (M. Hiler quitte sa place en continuant à parler et remet un document à M. Cuendet.) Trois millions de gain sur le budget de fonctionnement ! (L'orateur est interpellé.) C'est le plaisir que vous aurez, pour votre prochain article, de dire que sur six milliards et 700 millions... (L'orateur est interpellé.) ...nous avons, par ce transfert d'actifs, manipulé ces comptes de trois millions... (L'orateur est interpellé.) Cessez, cessez, c'est injurieux !
La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, il va falloir conclure...
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Edouard Cuendet (L). J'essaierai de ne pas perdre mes moyens, contrairement à notre conseiller d'Etat, ce qui est un peu inquiétant pour les finances de l'Etat, je trouve ! (Rires.)
M. David Hiler. Monsieur, depuis le début, vous m'injuriez !
M. Edouard Cuendet. Mais je ne perds pas mes moyens, contrairement à vous ! M. le conseiller d'Etat a déjà essayé de faire taire certains contribuables qui s'exprimaient. Maintenant, il veut essayer de faire taire des députés sur la question budgétaire... (L'orateur est interpellé.) Je vous ai laissé parler, vous me laissez parler, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est insupportable !
Une voix. C'est la banque qui commande à Genève ?
M. Edouard Cuendet. Pas du tout, la banque paie des impôts, notamment, et vous êtes grotesque ! Bon, Madame la présidente, je vous prie de ramener le conseiller d'Etat à l'ordre, s'il vous plaît !
La présidente. Adressez-vous à la présidente !
M. Edouard Cuendet. Je m'adresse à vous pour que vous fassiez régner l'ordre au niveau du Conseil d'Etat également. (Exclamations.) Déjà, M. Hiler voulait faire taire les contribuables. Maintenant, il veut faire taire les députés et, dans son excès d'humeur, il oublie d'évoquer un petit détail: les treize milliards de dette qui grèvent les finances de l'Etat et que les transferts d'actifs sont censés - d'après les dires même du Conseil d'Etat - maintenir en l'état, pour éviter une augmentation supplémentaire. De là à se faire insulter ! Je trouve cela inadmissible. Je trouve que cette perte de maîtrise est scandaleuse et inquiétante.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Monsieur Cuendet, essayons de revenir effectivement à quelque chose de sensé. Le Conseil d'Etat a écrit noir sur blanc qu'il pouvait parvenir à maintenir la dette à treize milliards à condition qu'il y ait les transferts d'actifs. Il n'a pas dit autre chose; il a été clair, transparent ! Il n'y a pas de manipulation. Vous dites sans arrêt partout qu'il y a manipulation. Trois millions, c'est l'impact sur le budget de fonctionnement. C'est là-dessus, vous le savez, que cela pourrait nous poser des problèmes si la somme était de 200 millions. L'impact d'investissement, vous l'avez dit, c'est celui sur la dette, mais, Monsieur Cuendet, il faut remettre la pyramide à l'endroit: est-ce que c'est normal que nous portions la dette de toutes les filiales de l'Etat ? Est-ce que vous croyez que c'est comme cela que cela se passe ailleurs ? Les banquiers, Monsieur Cuendet, quand ils font de la banque, c'est-à-dire quand je les rencontre pour faire des affaires avec eux, et pas quand ils font de la politique...
Une voix. Ils ont le droit !
M. David Hiler. Oui, ils ont le droit, mais généralement leur compétence est extrême en banque et tous nous disent, y compris les sociétés spécialisées en Europe sur les collectivités publiques: «Oui, c'est beaucoup mieux de faire comme cela, oui, c'est beaucoup mieux.» Vous l'avez dit pendant tout le débat: l'important, c'est que chacun ait ses installations et sa dette. La clarification est juste, donc il ne faut pas nous dire - et c'est cela qui est insultant, à la longue - que ce sont des effets de manche, des manipulations. Oubliez ces termes ! C'est tout simplement que chaque entité - et vous le savez - aura les actifs et la dette qui lui correspondent et par ailleurs - vous le savez aussi, Monsieur Cuendet - on aura une vision globale qui manque totalement: celle du périmètre consolidé.
Depuis des mois, maintenant, dans les couloirs, on dit: le Conseil d'Etat fait des opérations malhonnêtes sur les provisions, fait ceci, fait cela, alors que tout est écrit dans l'exposé des motifs, alors que tout est justifiable. C'est pour cela que, à force, nous en avons assez. Pourquoi voulez-vous nous décrédibiliser systématiquement ? Dites-nous - et cela, je l'accepterais - que nous nous y prenons mal, que nous devrions déjà en avoir fini avec le déficit, que si nous avions coupé telle ou telle chose, alors nous serions des hommes, des vrais. Dites-nous tout cela. Je peux l'entendre, c'est une divergence politique. Mais cessez, je vous en supplie, de dire «vous et vous amis», de sous-entendre que nous manipulons, alors que vous avez tous les éléments à longueur de temps sur vos places de commissaires des finances. C'est vrai ou non ? C'est ce respect que je vous demande. Alors, j'éviterai non pas de m'énerver, mais quelques effets de manche... (Applaudissements.)
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 22 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 9.
La présidente. Nous sommes saisis d'un nouvel amendement, concernant l'article 4, alinéa 1, de l'article 10 (souligné). Vous l'avez reçu. La fin de l'alinéa est modifiée comme suit: «Toute aliénation de tout ou partie de ces biens est soumise à l'approbation du Grand Conseil sous forme de loi. Ces biens ne peuvent pas être gagés sans l'autorisation du Conseil d'Etat.»
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Nous estimons qu'afin d'éviter toute aliénation ou mise en gage des biens transférés qui serait contraire aux intérêts de la République - il pourrait donc y en avoir qui ne le seraient pas - ces aliénations doivent être soumises à l'approbation du Grand Conseil sous forme de loi. Nous ne mettons aucunement en doute - je tiens à le dire - les affirmations des membres du Conseil d'Etat aujourd'hui, qui déclarent s'opposer à toute privatisation de notre aéroport. J'attire cependant leur attention sur le fait qu'ils ne seront pas forcément en mesure de l'empêcher.
M. Roger Deneys (S). Pour compléter les propos de ma collègue, j'aimerais insister sur cet amendement, par rapport à ce qui a été déclaré tout à l'heure par M. le conseiller d'Etat Longchamp et par quelques députés, dont M. Kunz et d'autres, sur les bancs libéraux, M. Cuendet, notamment. J'aimerais insister sur le fait que, je le rappelle, les socialistes ne sont pas opposés à ce transfert d'actifs. Ils s'inquiètent pour l'avenir. Cet amendement propose que... (Brouhaha.) ...les biens transférés aujourd'hui à l'Aéroport ne puissent pas être revendus à un tiers sans que l'on repasse par une loi du Grand Conseil.
Monsieur le conseiller d'Etat Longchamp - il ne m'écoute pas, mais peut-être que plus tard, il aura l'occasion - Monsieur le conseiller d'Etat Longchamp, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit tout à l'heure. Ce qui me dérange profondément, c'est qu'au lieu d'argumenter contre nos propositions vous avez mis en doute nos personnes, nos positions politiques en disant que c'est de l'idéologie alors que nous essayons depuis maintenant plus d'une heure... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...d'argumenter sur le fond. On vous dit qu'on n'estime pas avoir des garanties suffisantes. Essayez de lire l'amendement. Vos propos, j'en prends acte, j'y suis très sensible, je ne dénigre pas votre personne ni votre travail, contrairement à M. Cuendet par rapport à M. Hiler, d'ailleurs. Je suis prêt à accepter la valeur fixée par le Conseil d'Etat, je partage le souci du Conseil d'Etat de suivre la même démarche pour tous les objets soumis au transfert d'actifs, et les socialistes sont tout à fait d'accord avec cela. Nous estimons cependant qu'il nous manque une garantie quant à la suite.
C'est très clair aujourd'hui: les actifs sont propriété de l'Etat. Demain, ces actifs seront propriété de l'Aéroport, dans ce cas précis. La question, pour demain, c'est que ce sera une propriété de l'Aéroport, et tout ce que nous pouvons faire au niveau du Grand Conseil, c'est nous opposer à une privatisation de l'Aéroport. Nous ne pouvons pas nous opposer à la revente des biens de l'Aéroport par l'Aéroport, parce que ce sont ses propres biens.
Monsieur le conseiller d'Etat Longchamp, si vous êtes cohérent avec ce que avez dit tout à l'heure, avec toutes les garanties que vous avez bien voulu donner à la population genevoise et aux députés ici présents, je pense que l'amendement socialiste qui vise à dire que toute aliénation repasse devant le Grand Conseil devrait avoir votre accord, parce que c'est une garantie pour l'avenir, c'est une garantie pour le peuple, c'est une garantie pour les citoyens de ce canton qu'il n'y aura pas de décision de vente sans repasser devant notre Grand Conseil. Nous vous invitons donc à soutenir cet amendement.
La présidente. Je vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits: M. Charbonnier, M. Nidegger, M. Brunier, M. Losio, M. Velasco et M. le conseiller d'Etat François Longchamp.
M. Alain Charbonnier (S). Je serai très court. Juste pour démontrer que l'on peut avoir des craintes par rapport à une éventuelle privatisation, je rappellerai ce qui a déjà été dit par certains préopinants: il y a un projet de loi de l'Entente au grand complet sur la privatisation de l'Aéroport, qui demande la création d'une société d'économie mixte. Un de nos collègues chef de groupe libéral l'a rappelé il n'y a pas très longtemps dans la presse en disant que, finalement, ce projet de loi n'avait rien à faire avec le transfert des actifs, qu'on pouvait être tranquilles quant au fait que l'Aéroport ne serait pas privatisé. Ce n'est pas le cas sous la menace de ce projet de loi. Si vous voulez être cohérents, retirez-le.
Je vous donnerai juste deux passages de l'exposé des motifs de ce projet de loi de l'Entente sur la privatisation de l'Aéroport, qui est toujours en suspens devant la commission de l'économie. Je cite: «Sur le plan cantonal, une modification législative du paysage aéronautique suisse est intervenue en avril 2000 dans le canton de Zurich. Elle est, de notre avis, majeure. Elle constitue un précédent dans la compétition que se livrent à distance Zurich-Kloten et Genève-Cointrin. En effet, ce printemps, le peuple zurichois, à une large majorité, s'est exprimé en faveur d'une autonomie accrue de l'Aéroport Zurich-Kloten, rebaptisé Unique Zurich Airport. A noter que cette votation portait sur un projet de loi émanant du Conseil d'Etat zurichois, appuyé par son Parlement.»
Il y a un deuxième passage dans la conclusion de l'exposé des motifs. «Ce projet de loi donne à notre aéroport toutes les chances pour son développement futur, chances que nos collègues zurichois n'ont pas hésité à saisir et qu'ils ont eu la sagesse de soumettre au verdict populaire. Vous l'aurez compris : c'est un signal clair que nous voulons donner aux utilisateurs de notre aéroport, c'est un signal clair que nous donnons à Swissair, c'est un signal clair que nous voulons donner à la population genevoise, aux cantons voisins et à la France voisine...», etc. Si vous voulez être cohérents, Mesdames et Messieurs de l'Entente, retirez tout de suite ce projet de loi et on vous suivra sans problème pour le transfert de ces actifs.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Yves Nidegger (UDC). Je crois que le parti socialiste joue ce soir à se faire peur avec la privatisation rampante, peut-être parce que cela fait des voix, mais certainement pas parce que c'est utile. Il y a une raison qui fait que l'on ne peut pas aliéner un immeuble et c'est une raison qui est juridique, qui tient au droit réel. Le propriétaire du terrain est de fait le propriétaire de ce qui se trouve sur le terrain. Ainsi, de fait, l'Aéroport, qui n'a de toute façon pas l'autonomie voulue, ne peut pas se mettre à vendre des murs à quelqu'un pour faire un transfert immobilier.
J'ouvre une parenthèse à ce sujet, parce que c'est aussi un argument qui contredit ceux du Conseil d'Etat. Il est des bailleurs de fonds qui, lorsqu'ils prêtent de l'argent à des établissements autonomes, s'intéressent de très près à la question de savoir si ces établissements autonomes sont véritablement propriétaires au sens des droits réels des actifs qui figurent dans leur bilan. Il est des bailleurs de fonds internationaux qui, par exemple, ne considèrent pas, quand bien même un immeuble figure au bilan, qu'il soit véritablement propriété de l'entité autonome qui dit l'avoir dans son périmètre en tant qu'actif qu'elle pourrait éventuellement gager à l'appui d'une garantie pour une créance. Ils ne considèrent simplement pas que cet artifice comptable - je ne voudrais pas répéter ce qu'a dit M. Cuendet...
Une voix. Non, c'est insultant ! (Rires.)
M. Yves Nidegger. ...tienne la route. Ceci pour dire que l'amendement socialiste me paraît dénué de tout fondement et qu'il faut admettre ce qui est: il s'agit d'un arrangement comptable à fin de gestion et à fin d'une certaine transparence, il ne s'agit pas véritablement d'un transfert au sens où on l'entendrait juridiquement, avec les dangers qui pourraient y être attachés si c'était un vrai transfert. Il faut donc rejeter cet amendement qui est tout simplement inutile.
M. Christian Brunier (S). Avant de commenter cet amendement, je rappellerai à M. Cuendet, qui prétendait qu'aujourd'hui les contribuables genevois n'avaient plus droit à la parole par rapport aux finances publiques, que le service au contribuable est aujourd'hui en forte amélioration. Il y a une centrale d'appel qui commence à porter ses fruits et je pense que ce n'est pas au moment où la fonction publique fait des efforts considérables dans ce secteur qu'il faut l'insulter et la discréditer. Je pense que l'on doit plutôt saluer les progrès qu'il y aujourd'hui à l'hôtel des finances en matière de fonctionnement plutôt que de les dénigrer de manière un peu simpliste.
Pour revenir à l'amendement, je pense qu'il y a deux visions aujourd'hui au Grand Conseil et je ne suis pas sûr qu'elles soient bonnes. Il y a une vision peut-être un peu paranoïaque, d'avoir trop peur de la privatisation. C'est vrai que les risques sont minimes, je le reconnais. Du fait que l'Etat est propriétaire du terrain, il y a peu de risques qu'il y ait des ventes d'actifs. Néanmoins, à la différence de ce que dit le député de l'UDC M. Nidegger, il pourrait y avoir une vente partielle de l'Aéroport. Il est vrai qu'aujourd'hui le risque de privatisation n'est pas nul. Ceux qui disent - alors qu'ils ont, comme l'a dit mon collègue Charbonnier, déposé des projets de lois pour ouvrir un peu l'Aéroport au privé - qu'il n'y a aucun risque, font un peu le grand écart.
Le risque existe, il ne faut pas tomber non plus dans l'angélisme ! Entre la paranoïa et l'angélisme, il y a peut-être un juste milieu. Le juste milieu, c'est de dire que, s'il y a un jour une tentative de privatisation, il faut donner la voix à la démocratie. La voix de la démocratie, c'est l'avis du Grand Conseil puis, éventuellement, un référendum avec un vote populaire. Je pense que personne ici ne peut être contre le fait de donner la parole aux citoyens en cas de privatisation. Je suis heureux d'entendre enfin qu'il y a une large majorité de ce parlement qui est opposé à la privatisation, cela n'a pas toujours été le cas. J'espère juste que les parlementaires sont honnêtes et que ce n'est pas la manipulation du jour, mais renoncer à donner la parole au peuple en cas de risque de privatisation, c'est tout à fait antidémocratique.
Je pense qu'on est une grande majorité de démocrates dans ce parlement. Je pense qu'il faut voter cet amendement pour simplement donner la parole à ceux qui doivent l'avoir en cas de privatisation, c'est-à-dire la population. (Applaudissements.)
M. Pierre Losio (Ve). Avant de m'exprimer sur l'amendement de nos collègues socialistes, je voudrais faire une petite incise sur l'intervention du préopinant libéral, qui reprochait à ce Conseil d'Etat le poids de la dette. Je voudrais juste lui rappeler que, depuis la fin de la guerre, à l'exception d'une législature, ce parlement a été d'une majorité de droite. Je ne vois pas comment on pourrait aujourd'hui imputer à ce gouvernement le poids de la dette qui a été assumée par des majorités qui ne sont peut-être pas celles d'aujourd'hui, si encore elles sont définitives.
Concernant l'amendement du parti socialiste, je voudrais juste leur rappeler la constitution genevoise: je ne suis pas un grand juriste, mais il me semble que leur amendement est redondant, puisqu'à l'article 80 de la constitution, comme l'a fait remarquer ma collègue Michèle Künzler, il est dit: «L'aliénation des immeubles qui sont propriété privée de l'Etat, de collectivités publiques, d'établissements publics, ou de fondations de droit public à des personnes morales ou physiques autres que des collectivités publiques, des établissements publics ou des fondations de droit public est soumise à l'approbation du Grand Conseil.» Je trouve donc que cet amendement est tout simplement redondant, puisque son sujet même est garanti par la constitution. En conséquence, je vous invite à refuser cet amendement.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. J'ai pu comprendre les arguments que M. Hiler nous a donnés tout à l'heure au sujet du fameux milliard de la proposition de ma collègue. Je comprends très bien pourquoi le Conseil d'Etat peut s'engager dans cette voie qui est différente de la nôtre. Il y a une justification à cela, ces entreprises n'ont pas les moyens de payer le véritable coût.
Quant à l'amendement dont il est question maintenant, écoutez, s'il existe déjà dans la constitution, rien n'empêche de le rajouter dans une loi ! Qu'est-ce qui empêche de rajouter dans une loi qui vise justement à faire des transferts d'actifs un article qui ne fait que rappeler cela ? (Brouhaha.) Puisque vous êtes tous si convaincus que cela n'a pas d'incidence et que vous êtes tous si convaincus qu'il n'y aura pas de privatisation, vous n'avez qu'à voter cet article, qui ne porte pas à conséquence.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Cet amendement me paraît un peu particulier. Je vous rappelle que les terrains restent propriété de l'Etat et, quand bien même l'Etat voudrait les aliéner, il devrait passer par une loi devant votre Conseil. Votre amendement est donc redondant sur ce point, et si vous parlez de l'aliénation des bâtiments, c'est-à-dire des murs sans le terrain, vous parlez de briques, de fenêtres, de tuiles. Quand bien même l'Aéroport en viendrait à avoir l'idée saugrenue de démonter le terminal d'accueil pour vendre les carrelages à quelqu'un qui serait intéressé à les racheter, effectivement, nous pourrions demander l'autorisation du Grand Conseil pour cela. Cela me paraît quelque peu curieux.
C'est la raison pour laquelle je vous invite à être raisonnables et à refuser cet amendement qui n'a pas de sens si l'on parle du terrain et qui en a encore moins si l'on parle de l'exploitation des différents bâtiments. Les droits du Grand Conseil sont parfaitement assurés dans cette affaire et je vous rappelle qu'il y a également - si, par hypothèse, l'Aéroport avait l'idée saugrenue de se dissoudre - une disposition dans l'actuelle loi, qui n'est pas touchée par ce projet de loi, qui indique que la dissolution de l'Aéroport ne peut être décidée que par votre Grand Conseil. Je vous invite donc à refuser cet amendement. C'est l'article 39, Monsieur Deneys, si vous voulez le relire.
La présidente. Je vais vous faire voter... (L'oratrice est interpellée.) Le vote nominal est-il soutenu ? Oui, il l'est.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 60 non contre 23 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 10 (souligné) est adopté.
Troisième débat
M. Roger Deneys (S). Puisque je n'ai pas pu m'exprimer une seconde fois sur l'amendement précédent, j'aimerais quand même dire une chose: d'accord, le transfert d'actifs va vraisemblablement être voté ce soir sans garantie supplémentaire accordée aux citoyens genevois. Le parti socialiste le déplore. Evidemment, cela augmente aussi les chances d'aboutir d'un référendum... (Exclamations.) ...tant au niveau de la récolte de signatures que de la votation populaire. Nous le déplorons, parce que nous partageons le souci d'efficience économique des objets en question.
J'aimerais reprendre un argument - je pense que le Conseil d'Etat n'a peut-être pas compris ce que nous avons voulu dire - ce qui nous inquiète, c'est que justement, quand ces bâtiments seront propriété de l'Aéroport, nous ne souhaitons pas que l'Aéroport puisse décider souverainement de les vendre de lui-même sans repasser devant le Grand Conseil. Ce n'est donc pas la privatisation de l'Aéroport qui nous inquiète ici, mais la revente des bâtiments. Notre amendement garde donc tout son sens. J'irai même un peu plus loin: Monsieur Nidegger, vous n'avez peut-être pas lu la loi dans son ensemble. Si vous lisez, quelques chiffres plus loin, dans l'article 2, vous avez: «Droits au second degré, chiffre 4. Sous réserve de l'accord du Conseil d'Etat, l'AIG peut constituer des droits de superficie ainsi que des droits de propriété par étage en faveur de tiers.» Voilà. C'est déjà dans la loi. Nous, ce qui nous inquiète, c'est bien que cela soit généralisé sans passer devant notre Grand Conseil. C'était le sens de notre amendement. Manifestement, vous ne l'avez pas bien lu, pas bien compris. C'est dommage et on verra bien ce que cela donnera.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Je dois dire que, dans ce débat, nous avons d'entrée affirmé la position du parti socialiste en ce qui concerne le transfert d'actifs... (L'orateur est interpellé.) Vous permettez, Monsieur le rapporteur de majorité ? Mes collègues ont annoncé quelle était la position de notre parti, je dis bien de notre parti, puisque nous sommes un parti démocratique.
Nous avions deux amendements qui n'étaient absolument pas extrémistes, qui allaient justement dans le sens des intérêts de la République et il y avait un dernier amendement, qui, vous l'avez tous dit, à la limite, ne mangeait pas de pain, que vous auriez facilement pu voter. Mais non, l'arrogance, toujours, parce qu'il faut être très arrogant dans ce parlement à majorité de droite !
Je vous informe, Mesdames et Messieurs les députés: je ne voterai pas ce transfert d'actifs, non pas parce que je suis totalement contre, mais parce qu'il y a une attitude tellement arrogante et autiste de votre part... (Protestations.) ...que cela ne mérite pas qu'on vote ce transfert d'actifs, même en cas de doute !
Une voix. C'est pas croyable !
La loi 9827 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9827 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 3 non et 25 abstentions.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, s'il vous plaît ! Je vous propose d'arrêter là, par rapport à notre ordre du jour. Nous avons encore cinq minutes à consacrer à des naturalisations. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Je n'ai pas levé la séance et je vous remercie d'être encore cinq minutes attentives et attentifs. Le point suivant sera traité à huis clos.
La séance publique est levée à 22h45.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.
Le rapport divers 632-A est clos.
La séance est levée à 23h.