République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 12 octobre 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 12e session - 57e séance
PL 9792-A
Premier débat
Mme Fabienne Gautier (L), rapporteuse. Je serai brève, mais j'aimerais vous faire remarquer, comme l'a fait si justement l'un des auteurs de ce projet de loi, que les pétitions aboutissent pour la majeure partie à un vote consensuel. Elles n'ouvrent que rarement la porte à un rapport de minorité. Les pétitions sont de ce fait traitées à l'ordre du jour des extraits de nos séances plénières du Grand Conseil, elles ne nécessitent dès lors aucun horaire spécial de traitement, comme demandé dans ce projet de loi. En fait, on peut constater que le retard pris vient plus souvent du fait que les rapports ne sont pas déposés par les rapporteurs, qui, pour certains, mettent effectivement du temps à le faire.
C'est pour toutes ces raisons que nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre l'avis de la majorité de la commission et de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. René Stalder (L). Etant membre de la commission des pétitions, j'ai été très surpris de voir ce projet de loi. En effet, la commission s'est donné la priorité, dès réception d'une pétition, d'auditionner les pétitionnaires dans les plus brefs délais possible pour répondre à leur attente. Cela nous permet de mieux cerner leurs préoccupations et d'accélérer la procédure, afin de les diriger vers la commission compétente ou de traiter la pétition directement. Cette façon nous permet à l'heure actuelle d'atteindre une très grande rapidité de traitement des affaires en cours. Il est donc inutile de surcharger l'ordre du jour des points fixes du Grand Conseil, car les débats pour une pétition n'aboutissent pas toujours à un consensus immédiat.
Pour toutes ces raisons, le groupe libéral vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve). S'il s'agit de travailler vite, c'est bien, mais il faut aussi le faire de manière démocratique. L'idée de ce projet de loi, c'est vraiment de donner une visibilité et une réponse rapide aux citoyens qui déposent des pétitions. Parce que cela me choque... Les pétitions sont peut-être traitées rapidement en commission, par contre, en plénière, j'ai l'exemple d'une pétition qui était reportée pour la dix-neuvième fois ! Cela veut dire quoi pour un citoyen ? Après dix-neuf mois, il a enfin une réponse - qui est peut-être un classement. Ce n'est certainement pas une réponse digne de nos citoyens.
Vous l'avez dit: en principe, cela se conclut à l'unanimité. Il n'y a donc pas de débat excessif et l'on pourrait très bien fixer cela au début de notre séance. Et traiter trois ou quatre pétitions à chaque séance, puisqu'il nous en parvient environ trois ou quatre par mois, cela n'empêcherait pas du tout le travail en commission. Il s'agit simplement de donner rapidement la réponse aux citoyens. C'est cela qui est important !
De plus, on ne voit pas très bien comment cela retarderait notre ordre du jour. En effet, qu'on traite ces pétitions au début ou à la fin de la séance, cela revient au même.
Je vous invite donc à voter l'entrée en matière sur ce projet de loi, simplement par respect pour nos citoyens.
M. Jacques Jeannerat (R). Les auteurs du projet de loi expliquent dans l'exposé des motifs, comme vient de le répéter Mme Künzler, qu'au fond les pétitions sont souvent votées par cette assemblée plénière bien après le dépôt du texte. Oui ! Mais les projets de lois aussi peuvent subir le même sort. Il y a des projets de lois qui sont tout aussi importants que certaines pétitions, et le chemin est le même pour les motions.
Les auteurs du projet de loi poursuivent en disant que c'est un peu spécial, parce que les pétitions donnent un accès direct à nos institutions... Oui, mais ce n'est pas le seul moyen. Les initiatives aussi, sont un moyen direct pour les citoyens d'accéder à nos institutions. Si l'on avait voulu être logique, on aurait dû introduire également les initiatives dans ce projet de loi, à côté des pétitions... Donc, on voit qu'à ce moment-là on fait une grande salade et, au fond, on n'aurait plus le temps de procéder au débat sur nos projets de lois et nos motions, qui seraient toujours renvoyés aux calendes grecques.
Par conséquent, les radicaux vous proposent de rejeter ce projet de loi.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mon propos ira dans le même sens que celui de Mme Künzler. Nous vous rappelons effectivement que le droit de pétition est un droit constitutionnel et que, comme nous donnons systématiquement la possibilité aux citoyens de se faire entendre, eh bien, nous pouvons aussi aller au bout de la logique et leur donner la possibilité d'entendre le rapport sur leurs pétitions à une heure qui soit décente et facile d'accès.
Tout comme nous avons institué les extraits, qui comprennent des objets de plus ou moins grande importance, à heure fixe, en général le vendredi après-midi, nous pourrions tout à fait, sans encombrer l'ordre du jour inutilement, fixer les pétitions à 17h; cela deviendrait une habitude et je pense que ce serait quelque chose à rendre aux pétitionnaires. Donc, nous proposons d'entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Eric Leyvraz (UDC). Je suis président de la commission des pétitions. On peut dire que cette dernière travaille en flux tendu: il n'y a pas de retard dans le traitement des pétitions, nous sommes à l'écoute du citoyen, nous recevons chaque pétitionnaire, les réponses données aux pétitions sont relativement rapides, il y a un très bon consensus au sein de cette commission. Donc, ce projet de loi est tout à fait malvenu.
M. Eric Stauffer (MCG). On n'arrête pas d'entendre qu'il faut respecter le citoyen par rapport aux pétitions... J'aimerais juste vous rappeler qu'il y a moins de quinze minutes, on vous a proposé une motion qui allait aller plus vite encore... (Protestations.) ... que la pétition, puisqu'il y avait 34 000 signatures, et que vous l'avez refusée ! (Protestations.) Alors, Mesdames et Messieurs d'en face, j'aimerais juste que, quand vous parlez de respect, ce ne soit pas valable seulement en paroles mais aussi dans les faits.
Concernant l'excellent travail qui est réalisé, notamment par notre collègue Sandra Borgeaud, à la commission des pétitions, eh bien... Non, excusez moi, c'est Roger Golay ! (Brouhaha.) Eh bien, je dois dire que cela fonctionne effectivement très bien - elle m'a troublé, Monsieur le président, vous m'excuserez. Donc, cela fonctionne très bien et je suis parfaitement d'accord avec le président de la commission des pétitions. Je voulais juste que les voisins d'en face se rendent bien compte des propos qu'ils tiennent dans cet hémicycle, raison pour laquelle on avait demandé si c'était possible de rajouter un peu de bon sens dans le projet de loi précédent.
Le président. Monsieur le député, pour le bon ordre, je voulais juste vous signaler que, tout à l'heure, nous n'avons pas refusé la motion, mais son adjonction à l'ordre du jour. Nuance !
M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien ne votera pas l'entrée en matière de ce projet de loi. S'il ne fallait donner qu'une seule démonstration des raisons de ne pas voter cette entrée en matière, c'est ce que nous venons de voter tout à l'heure. Il y a une dizaine de minutes, nous avons voté un projet parfaitement miraculeux qui, par la célérité qu'il va donner à nos travaux, nous permettra de tout traiter lors de nos sessions, d'arriver à épuiser notre ordre du jour à l'occasion de chaque session et, par conséquent, de traiter les initiatives, les projets de lois et les pétitions. Le problème est par conséquent réglé, de sorte que ce projet de loi n'a plus d'objet. Il convient donc de ne pas le voter.
Le président. J'observe que vous avez toute l'autorité, comme député PDC, pour qualifier de «miraculeux» ce qui s'est produit tout à l'heure.
M. Antonio Hodgers (Ve). Je me permets de reprendre brièvement la parole après ma préopinante, parce qu'il semble que certains députés qui commentent ici ce projet de loi ne l'ont pas lu. Nous ne remettons pas en cause la célérité avec laquelle la commission des pétitions traite ses objets et conduit ses travaux, cela fonctionne très bien.
Le problème se présente lorsqu'une pétition n'est pas consensuelle et n'est donc pas mise à l'ordre du jour des extraits. Elle se retrouve dans l'ordre du jour normal. Et, Monsieur Pétroz, le nouveau projet de loi que nous venons de voter n'empêchera pas ce parlement d'avoir quand même cent ou cent cinquante points à l'ordre du jour. C'est bien là le problème !
Pour tout vous dire, pour vous expliquer un peu l'origine de ce projet de loi, mon ancien collègue libéral Jean-Rémy Roulet et moi étions invités à un débat dans un collège - un débat politique général. Au bout d'un moment, un étudiant nous interpelle en disant: «Vos travaux sont longs, les choses prennent beaucoup de temps !» Effectivement, le professeur nous a expliqué que des étudiants de ce collège avaient adressé une pétition à notre parlement - je ne sais plus sur quel objet. Ces étudiants, qui étaient au début de leur quatrième année, n'ont pas eu de réponse avant la fin de leurs études ! La réponse est venue même trois ans après. Et c'est le professeur qui a dû adresser la réponse du Grand Conseil au domicile des étudiants qui avaient quitté le collège.
En l'occurrence, ceci illustre parfaitement le problème que nous soulevons avec notre projet de loi: les citoyens, quand ils s'adressent à une autorité, sont en droit d'attendre d'elle une réponse rapide. La commission des pétitions fonctionne très bien, il faut la laisser telle quelle, c'est bien le traitement au niveau de la plénière qui pose problème.
C'est pourquoi nous vous proposons de créer ce petit moment citoyen au début de nos travaux, qui ne prendra pas beaucoup de temps, mais qui aura au moins la visibilité nécessaire pour satisfaire nos concitoyens. Je regrette que vous n'ayez pas compris ce projet de loi.
Mme Fabienne Gautier (L), rapporteuse. Je suis très satisfaite de voir que le travail que nous effectuons en commission des pétitions, puisque j'en fais également partie, satisfait mes collègues. Mais j'aimerais quand même souligner ce qu'a dit son président, M. Leyvraz: cette commission des pétitions s'est donné pour mission d'entendre tous les pétitionnaires. Alors, les pétitionnaires ne sont pas oubliés, ils voient que l'on s'occupe d'eux.
Par ailleurs, j'aimerais souligner aussi le travail que nous réalisons grâce à notre excellent président actuel, qui nous a permis, durant l'année écoulée, de régler énormément de points qui figuraient à l'ordre du jour et aussi aux extraits de nos séances plénières. Je pense qu'avec le projet de loi que nous venons de voter, qui va aussi écourter certains débats, nous gagnerons encore du temps et je ne peux que continuer à vous inviter à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 9792 est rejeté en premier débat par 50 non contre 28 oui.