République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Michel Halpérin, président.

Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, Laurent Moutinot, David Hiler, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Je salue la présence à la tribune de notre ancienne collègue, Mme Mireille Gossauer-Zurcher, et de notre désormais ancien collègue, M. Antoine Droin, qui a un peu de peine à se séparer de nous. (Exclamations. Applaudissements.)

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Robert Cramer, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Luc Barthassat, Mathilde Captyn, Maurice Clairet, Philippe Guénat, Christian Luscher, Pierre-Louis Portier, Véronique Pürro, André Reymond, Pierre Schifferli, Louis Serex et Marie-Françoise de Tassigny, députés.

E 1432
Prestation de serment de la/du successeur remplaçant M. DROIN Antoine, député démissionnaire

Le président. Mme Lydia Schneider Hausser est assermentée. (Applaudissements.)

E 1434-A
Prestation de serment de Prestation de serment de Mme CAHANNES Monique élue Juge assesseure suppléante au Tribunal de Police et Chambre d'accusation

Le président. Mme Monique Cahannes est assermentée. (Applaudissements.)

Annonces et dépôts

Le président. La pétition suivante est renvoyée à la commission des pétitions:

Pétition : Sauvons les rives de l'Arve, le Val d'Arve et le Plateau de Champel; non au tracé pharaonique du CEVA Carouge-Champel-Eaux-Vives (P-1588)

Par ailleurs, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante à la commission de la santé:

Pétition concernant le cancer de la prostate (information et dépistage) (P-1581)

Nous passons à notre ordre du jour, en commençant par les points urgents que vous avez décidés tout à l'heure.

PL 8795-B
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 7'691'046F pour la réalisation d'une passerelle pour piétons et cycles (passerelle des Sports), située entre le carrefour du Bachet-de-Pesay (RC 3) et le complexe Stade de Genève - Centre commercial

Premier débat

M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur de majorité. C'est la seconde fois que ce projet de loi est présenté en plénière. J'allais dire que c'est le pont de la rivière Kwaï, mais c'est une passerelle. Je rappelle très brièvement la nécessité de construire cette passerelle pour trois raisons.

D'abord parce que c'était une promesse et un engagement de l'Etat lors de la construction du centre commercial et du stade. Il s'agissait d'un plan localisé de quartier. Il y avait une promesse de réaliser cette passerelle qui permettrait un cheminement plus doux pour les piétons et les cyclistes dans cette zone qui est extrêmement serrée en matière de circulation. Lors du premier débat, le projet a été renvoyé en commission. Je relève d'ailleurs, sans vouloir polémiquer d'ores et déjà, qu'il y a 18 mois c'était l'Alliance de gauche qui y était opposée et que maintenant je me retrouve en face de l'Union démocratique du centre ! Donc les extrêmes, chers collègues, ne sont pas très éloignés les uns des autres ! (Brouhaha.)

La deuxième raison, c'est l'organisation de l'Euro 2008, qui va entraîner des milliers de déplacements. Il faut, pour la sécurité de cette manifestation, pour la sécurité des spectateurs, que l'ensemble des dispositifs soit garanti.

La troisième raison, c'est la réalisation, en dépit de la pétition qui a pu être déposée aujourd'hui, du projet de CEVA, du train entre Cornavin et les Eaux-Vives. Je vous rappelle que lundi, au Conseil national à Flims, le financement de la part fédérale à ce projet va, selon nos informations, être votée. Le Conseil des Etats l'a votée au printemps par trente-sept voix contre zéro, et lundi le parlement va confirmer le financement fédéral du CEVA. Vous savez que ce dispositif prévoit une gare dans cette région, à la Praille, exactement à l'endroit où la passerelle doit être construite. Dès lors, au sujet de la coordination, j'ai lu le rapport de minorité dans lequel mon collègue s'inquiète de savoir si la coordination de ces projets - donc CEVA, Euro 2008, centre commercial et financement - est assurée et je puis déjà vous dire, chers collègues, qu'effectivement la gare du CEVA à la Praille permettra cette coordination et cette cohérence des transports.

Nous revenons donc devant vous avec ce projet. De plus, il s'agit de développement durable, et Dieu sait si ce Grand Conseil s'est intéressé au développement durable en matière de construction ! Faut-il utiliser du béton, etc. ? La commission, dans sa majorité, a donné sa préférence à une variante en bois ! Le bois, c'est le développement durable. (Exclamations. Brouhaha.)

Pour toutes ces raisons, au nom de la majorité de la commission, je vous invite à voter une fois pour toutes cette passerelle ! Et à passer à autre chose.

M. Olivier Wasmer (UDC), rapporteur de minorité. Je suis heureux de savoir que le seul parallèle qu'a tiré le député Barrillier entre l'UDC et l'Alliance de gauche était le fait qu'elles cherchent à faire des économies. Il est vrai que l'UDC est très soucieuse de faire des économies et aujourd'hui, en période de vaches maigres, alors qu'on a une dette entre 15 et 19 milliards, on peut s'étonner qu'on claque 9 millions - j'ai bien dit «on claque 9 millions» - pour une petite passerelle !

Au début, l'argument de la majorité de la commission, c'était de dire qu'il fallait faire la passerelle avant l'Euro 2008 pour les spectateurs qui voudraient rejoindre le stade de la Praille depuis le Bachet-de-Pesay. On a rappelé à la majorité que l'Euro 2008 qui se déroulera à Genève, c'est trois matchs. Une partie de football dure généralement une heure et demie; on peut compter qu'avec les à-côtés, la mi-temps et les pauses, cela dure largement deux heures. Fois trois, cela fait six heures. Donc, pour six heures de match, on veut faire une passerelle qui coûtera 9 millions.

Les autres arguments de la majorité étaient de dire: «Effectivement, on est conscients qu'il y a un problème vis-à-vis de l'Euro 2008 et que 9 millions pour trois matches de football, c'est un peu cher. Par contre, vous savez, il y aura des cyclistes et des piétons qui vont passer sur cette passerelle.» Je n'ai rien contre les cyclistes, j'en suis un moi-même et on est de plus en plus à être des cyclistes, mais vous savez tous, vous qui êtes cyclistes, qu'on a une certaine indépendance et que, quand on est cycliste, on aime bien, justement, emprunter le chemin des écoliers plutôt que de suivre des pistes cyclables ou des ponts. Alors, aujourd'hui on vient nous dire qu'il faut faire cette passerelle pour les cyclistes, or on n'a aucune statistique - je ne dis même pas «sérieuse», parce qu'il n'y en a pas du tout - qui viendrait démontrer qu'on a besoin d'une passerelle à 9 millions pour faire passer les cyclistes... (L'orateur est interpellé.) ... entre le stade de la Praille et le Bachet-de-Pesay. Bien plus encore, on a parlé du CEVA, le député Barrillier vient de vous dire que tout a été coordonné et que tout est en ordre. Il faut savoir que cette passerelle va passer au-dessus de la gare du CEVA. M. Barrillier a l'habitude de dire des choses qu'il connaît et qu'il a vérifiées: je lui fais entièrement confiance sur ce point et je suis heureux de l'apprendre.

Mais aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, le problème est là: même si on vous fait une passerelle en bois, on n'a jamais devisé les coûts de rénovation de cette passerelle, ni le coût d'entretien. Cette passerelle coûtait un million de moins il y a deux ans. Aujourd'hui, elle est à 9 millions, alors on pense qu'au moment où elle sera construite, d'ici une année, elle coûtera 10 millions et, comme d'habitude, on dépassera largement le crédit que vous allez certainement voter ! Je me permets de le rappeler une dernière fois à cette tribune: on est en période de vaches maigres, pour ceux qui ne le savent pas encore ! Je dis cela surtout à l'égard de nos concitoyens. Et on vient dépenser 9 millions pour une passerelle. Pour toutes ces raisons, l'UDC s'opposera à l'adoption de ce projet de loi.

Mme Loly Bolay (S). Les arguments du rapporteur de minorité sont empreints d'une très mauvaise foi, et c'est un euphémisme. La pertinence de ce projet de loi avait déjà été démontrée lors de notre premier débat qui a eu lieu il y a deux ans, le treize février 2004. Aujourd'hui, les éléments qui plaident en faveur de ce projet de loi se sont encore renforcés. Pourquoi ? Tout d'abord, évidemment, en raison du stade. On en parlera tout à l'heure. Et puis, surtout, en raison du projet SOVALP qui concerne la construction de 800 logements sur le coteau de Lancy, ce qui va ouvrir un nouveau quartier avec une activité extrêmement importante, puisqu'on prévoit la construction d'environ 140 000m2 de bureaux. C'est dire, Mesdames et Messieurs les députés, que l'aménagement de nouvelles voies pour les cyclistes et les piétons est nécessaire dans ce périmètre, parce qu'elles n'existent pas !

Sans oublier - le rapporteur de majorité l'a dit - quelques autres éléments qui avaient été déjà été indiqués lors de notre précédent débat. Premièrement, cette passerelle s'intègre parfaitement dans le plan localisé de quartier. Ensuite, le Conseil d'Etat s'est engagé dans un protocole d'accord avec l'ATE qui, à l'époque, il faut le rappeler, était contre la construction du stade de la Praille et a retiré son recours précisément parce que le Conseil d'Etat s'était engagé à construire cette passerelle. J'aimerais souligner que ce protocole d'accord a été entériné par le Tribunal administratif.

Enfin, l'emplacement de cette passerelle n'a aucune contradiction, mais vraiment aucune, avec le CEVA ! Puisque la visite que nous avons effectuée sur place avec M. Haegler, l'ingénieur cantonal, nous l'a prouvé: cette passerelle s'intègre parfaitement avec le CEVA.

Par ailleurs, nous tenons à relever le choix de la variante bois. Il s'est avéré, après mûre réflexion de la commission qui a demandé des devis, que le bois était effectivement moins coûteux que l'acier. En effet, nous nous sommes rendu compte, et M. le rapporteur de majorité l'explique parfaitement bien dans son rapport, que l'acier est devenu trop cher.

Enfin, j'aimerais conclure avec un autre élément, qu'il est aussi pertinent de relever, sur les mesures aujourd'hui mises en place lorsqu'il y a un événement footballistique important. On l'a vu la dernière fois, la police met tout un dispositif routier en place, qui a un coût extrêmement important. Eh bien, la construction de cette parcelle va réduire ce dispositif et, par voie de conséquence, réduire également les coûts.

C'est dire, Mesdames et Messieurs les députés, que le groupe socialiste vous a donné tous les éléments pertinents qui coupent l'herbe sous le pied au rapporteur de minorité qui, lui, ne parle que de 2008 ! Bien sûr, que c'est pertinent pour 2008, mais ici ce n'est pas seulement pour 2008, c'est pour tout un quartier qui est en train de naître ! C'est la raison pour laquelle, au nom du groupe socialiste, je vous demande votre adhésion à ce projet de loi.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Elisabeth Chatelain (S). J'aimerais ajouter une chose très importante à ce que ma collègue vient de dire et à ce que le rapporteur de majorité a déclaré. J'approuve totalement ce rapport de majorité... (L'oratrice est interpellée. Elle rit.) J'aimerais ajouter quelque chose quant aux raisons de réaliser cette passerelle.

Mme Loly Bolay parle de SOVALP; elle a parfaitement raison. Je crois qu'il faut prendre un petit peu de hauteur et je m'adresse directement au rapporteur de minorité: il faut prendre un peu de hauteur dans ce quartier. Il y a la Chapelle-Les-Sciers, qui va amener plusieurs milliers d'habitants dans la région, il y a la commune de Plan-les-Ouates qui approche des 10 000 habitants et il y a toute la zone de Lancy-Sud qui se développe aussi considérablement. Et ce carrefour de la route de St-Julien avec la route des Jeunes est un endroit parfaitement sinistré au niveau de la mobilité douce. Si, comme le dit le rapporteur de minorité, il n'y a pas beaucoup de cyclistes qui passent à cet endroit actuellement, c'est parce que les cyclistes sont peut-être parfois un peu téméraires, mais ne sont tout de même pas totalement suicidaires. C'est un endroit vraiment très dangereux.

Alors, cette passerelle complète le dispositif qui existe actuellement, qui est un passage sous la route de St-Julien, et permettra à toute une zone vraiment large de Genève-Sud de pouvoir accéder à Carouge ou à la ville avec la mobilité douce, que ce soit à vélo ou à pied.

C'est pour cela que le groupe socialiste, qui a toujours soutenu ce projet, continue à le faire et vous demande, Mesdames et Messieurs, de le soutenir également. (Applaudissements.)

M. Hugues Hiltpold (R). Je crois qu'il n'est pas inutile de faire un bref historique de ce projet de loi puisque, vous le savez, il a été déposé en 2002, il y a plus de quatre ans. Il a été renvoyé en commission par une alliance un peu particulière: d'une part, l'Alliance de gauche qui le renvoyait en commission parce que c'était un projet qui touchait de près le stade et que tout ce qui touchait de près le stade était à ne pas traiter, et, d'autre part, les partis de droite, pour une question de coût. Mais jamais il n'a été question du bien-fondé de cette passerelle, que personne ne remettait en cause.

Il est également important de rappeler qu'il a été conclu un accord entre le Conseil d'Etat et l'ATE au moment de la construction du stade. Il y avait à l'époque un recours, qui a été retiré par l'ATE moyennant, notamment, la construction de cette passerelle. Je crois que c'est un élément très important, à prendre en considération lors du traitement de ce projet de loi.

Maintenant, la question du coût. Il y a quatre ans: ce projet a été devisé. Bien évidemment, quatre ans ont passé, donc il y a eu un surcoût de par la hausse du prix de l'acier. Mais il faut voir le bon côté des choses. Finalement, le surcoût engendré par l'acier a donné lieu à une variante en bois. Ce sera plus plaisant dans ce contexte assez industriel. Donc, le fait d'avoir attendu n'est peut-être pas une si mauvaise chose.

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, je vous encourage à voter ce projet parce que, dans ce contexte, on a bien besoin de cette passerelle pour le CEVA, ce qui a été mis en évidence par M. Barrillier et par Mme Bolay. Et puis, le fait d'avoir attendu a également donné une impulsion par rapport à la qualité de ce projet, qui est de faire une construction en bois.

M. Roger Deneys (S). J'aimerais revenir sur un propos que je lis dans le rapport de minorité de M. Wasmer: «Faut-il rappeler d'ailleurs l'indépendance des cyclistes qui n'ont pas besoin d'une passerelle sur leur itinéraire en constatant tous les jours qu'ils empruntent n'importe quel accès le plus court pour arriver à leur lieu de destination !» En tant que membre du comité de l'Aspic et président de l'Aspic pendant de nombreuses années, j'aimerais m'opposer fermement à ces propos.

Certes, il est vrai qu'une partie des cyclistes ont tendance à passer peu près partout, mais il ne faut pas oublier en même temps - et cela a été relevé récemment par la «Tribune de Genève» de façon inexacte - que pour de nombreuses personnes, faire du vélo à Genève, c'est dangereux. Ce n'est pas forcément dangereux réellement, parce qu'il y a peu d'accidents, mais le sentiment de danger est important et c'est un frein important à l'utilisation du vélo sur le canton de Genève. C'est un facteur extrêmement important qui milite en faveur d'aménagements cyclables continus, y compris jusque dans les banlieues proches ou plus lointaines telles que Plan-les-Ouates - on peut même aller jusqu'à Bernex à vélo, ce n'est pas un problème.

J'insiste, Mesdames et Messieurs les députés: il est extrêmement important de garantir des itinéraires sûrs sur de longues distances à vélo. J'en veux pour preuve un récent voyage que l'Aspic vient d'organiser à Copenhague: à Copenhague, 35% des pendulaires vont au travail à vélo contre 27% en voiture. Alors, Mesdames et Messieurs les députés - et en l'occurrence, Monsieur Wasmer et l'UDC - je vous invite à essayer de réfléchir à plus long terme ! Vous dites que 9 millions, c'est trop cher... 9 millions, c'est amorti sur cinquante ans, cela fait environ 300 000 francs par année. Si vous estimez la baisse des coûts grâce aux voitures supprimées, parce que des gens iraient à vélo au lieu d'aller en voiture, et si vous pensez en termes de santé publique, parce que des gens font un effort physique parce qu'ils peuvent aller de façon agréable et pratique à leur travail sans passer par des endroits absolument suicidaires, ce sont des arguments qui militent en faveur d'une vision à plus long terme en matière de mobilité. Le vélo, c'est un vrai moyen de déplacement quotidien ! Et 300 000 francs par année sur cinquante ans, c'est rien, Monsieur Wasmer ! Je dirais même que je trouve votre argument relativement honteux parce que le coût humain - je ne sais pas si vous êtes déjà passé à vélo à côté du centre commercial de la Praille, c'est effectivement un endroit suicidaire pour les cyclistes... Donc le coût humain, s'il y a le moindre accident aujourd'hui, serait totalement scandaleux ! Quand on réalise des aménagements aujourd'hui, le vélo doit être intégré comme un véritable moyen de transport et pas comme un gadget !

J'ai donc trouvé fort regrettable que ce projet de loi soit renvoyé en commission à l'époque, parce qu'on a pris deux, presque trois ans de plus pour réaliser cette passerelle. Et quelque part, on a mis en danger la vie des cyclistes pendant tout ce temps supplémentaire. En tout cas, je remercie le département, peut-être que c'est parce qu'il y a l'Euro 2008, mais tant mieux si cela peut favoriser les aménagements cyclables... (L'orateur est interpellé.) ... et favoriser la mobilité douce à long terme. (Applaudissements.)

M. David Amsler (L). Comme l'a dit Mme Bolay tout à l'heure, la commission des travaux s'est rendue sur place. On a effectivement constaté qu'à l'heure actuelle cette passerelle n'était pas indispensable à la desserte du quartier. J'ai bien dit «à l'heure actuelle». Cette passerelle est parallèle à un pont existant et aujourd'hui les piétons et les cyclistes utilisent ce pont.

Par contre, la commission a été très sensible aux engagements pris par le Conseil d'Etat dans le cadre du plan localisé du stade de la Praille, et nous sommes bien conscients qu'à terme le quartier de la Praille va se développer. Après cette visite des lieux, après l'analyse du dossier, j'ai été personnellement convaincu de la nécessité de la réalisation de ce projet à long terme.

Notre groupe s'est opposé tout à l'heure à l'urgence parce qu'en effet, par rapport à ce que j'ai dit tout à l'heure, il n'y a pas vraiment d'urgence à la construction de cette passerelle, si ce n'est le fait que les travaux soient terminés avant l'Euro 2008, ce qui nous a été bien expliqué pendant les séances de commission. L'Euro 2008 n'est pas la raison principale de l'urgence de ce projet puisque, lors de ces grands matches internationaux, tout le quartier sera bouclé et les piétons utiliseront bien plus les voiries existantes que la nouvelle passerelle. Mais pour la raison de l'engagement du Conseil d'Etat et pour la vision à terme du développement du quartier, qui sera aussi lié à l'échange multimodal qui aura lieu à l'endroit de la future gare du CEVA, il est important de réaliser cette passerelle.

Le dernier point qui nous a fait refuser l'urgence était la question de la construction de la gare du futur CEVA. Cette passerelle devra être partiellement démontée pendant les travaux de construction, d'où la position de notre groupe qui suggérait que cette passerelle soit réalisée après les travaux du CEVA. Notre groupe est un peu partagé sur le sujet, mais personnellement je soutiendrai le projet par rapport à la vision du développement du quartier à terme.

M. Damien Sidler (Ve). Les Verts soutiendront ce projet pour une passerelle au Bachet-de-Pesay, devisée à près de 9 millions. Si l'on peut s'entendre sur un point avec le rapport de minorité, c'est qu'effectivement cette passerelle n'est pas faite pour les trois matches de l'Euro 2008, mais en effet pour des questions de contingences: il faut qu'elle soit faite avant l'Euro 2008, ou alors après - comme l'a dit M. Amsler - mais en tout cas pas pendant, ce n'est pas concevable.

Avec ce lieu, nous avons affaire à un point névralgique actuel mais surtout futur de la mobilité douce pour tout le secteur situé en aval, les communes de Plan-les-Ouates et de Lancy, notamment, en lien avec la commune de Carouge. On peut penser au développement massif de la zone industrielle de Plan-les-Ouates, qui continue d'ailleurs de se développer, à la densification qui est proposée sur la commune de Lancy en deux points, au collège de Staël et au futur cycle de Drize que nous étudions actuellement à la commission des travaux, sans oublier bien entendu le centre commercial ainsi que les espaces de loisir liés à ce centre commercial et le stade de Genève, qui accueille, je vous le rappelle, pas mal de manifestations pour les jeunes en dehors des matches de foot.

Concernant la fréquentation de cette semi-autoroute par les cyclistes, je peux comprendre que M. Wasmer n'en ait pas vu beaucoup. Je crois qu'il faut être bien clairs sur un point: il faut mener dans ce domaine une politique volontariste si l'on veut arriver à quelque chose. On en a d'ailleurs la preuve tous les jours en ville de Genève, puisque le nombre de cyclistes recensés sur les ponts augmente grâce à la politique volontariste de la Ville de Genève. Un autre exemple figurait dans un journal cette semaine, c'est celui de la ville de Lyon où, par d'autres méthodes, mais avec une politique volontariste aussi, on arrive à développer le transfert modal vers le vélo et la mobilité douce.

Je voudrais encore ajouter une remarque pour ce qui est de l'entretien. M. Wasmer a parlé du fait que les coûts d'entretien n'étaient pas compris dans ce projet de loi; j'ai rarement vu des projets de lois dans lesquels on avait déjà devisé tous les frais d'entretien. C'est peut-être une proposition à faire, mais, a priori, on ne vote pas les projets de lois avec les coûts d'entretien. Cependant, nous retenons cette proposition.

Quant à l'augmentation des coûts, le prix de l'acier a effectivement augmenté en quelques années, ce qui fait qu'on a les quelques millions supplémentaires qui sont proposés aujourd'hui pour pouvoir réaliser cette passerelle. Nous avions, à l'époque déjà, voté la première proposition. En ce qui nous concerne, nous espérons que ce projet ne sera pas renvoyé une deuxième fois en commission et que nous pourrons nous en tenir à ces 9 millions. Enfin, je dirai que, pour les Verts, ces 9 millions ne sont pas galvaudés; nous pensons que c'est un investissement absolument nécessaire. Je pense à une autre passerelle, absolument nécessaire également, c'est celle qui va relier les deux rives pour le pont du Mont-Blanc. C'est aussi un investissement nécessaire, et aussi devisée à quelque 10 millions ou plus. Donc, nous vous recommandons de voter ce projet de loi afin de permettre au Conseil d'Etat d'honorer les promesses qu'il avait faites lors des accords liés à la construction du centre commercial de la Praille.

M. Gilbert Catelain (UDC). Cette passerelle des sports sur laquelle nous devons nous prononcer est une épreuve d'endurance, puisque nous la traitons depuis passablement de mois, voire d'années. L'auteur du rapport de majorité nous a vanté trois arguments auxquels se sont greffés d'autres, venant des bancs d'en face notamment.

Le premier, c'est une promesse. Promesse au sujet de laquelle ce parlement n'est pas du tout engagé; il n'est pas du tout redevable de quoi que ce soit vis-à-vis de la Ville ou d'une commune. Le deuxième est la mobilité par rapport à l'Euro 2008. Le troisième est l'emplacement de la gare CEVA et, finalement, le quatrième, qui a été présenté par certains d'entre vous, est le développement d'un quartier.

En préambule, j'aimerais quand même m'étonner de ce que le rapporteur de majorité soit un représentant qui défend certains milieux, ceux de la construction, et... (Protestations.) ... on pourrait même se demander si l'on n'enfreint pas l'article 24 de notre règlement, puisque le boulot journalier de M. Barrillier est de trouver du travail pour les entreprises, ce qui est tout à fait honorable. Mais il aurait peut-être été préférable ou plus judicieux qu'un autre député, radical si possible, pas un architecte non plus, soit rapporteur dans ce projet. (Exclamations.)

Je me suis exprimé sur la promesse, venons-en à la mobilité ! L'Euro 2008 n'est pour moi pas un argument pour la création d'une passerelle. Nous avons déjà vécu des matches tests, ce sont les matches qui ont eu lieu ce printemps, notamment le match Angleterre/Argentine ou le match Brésil/Nouvelle-Zélande, pendant lesquels l'ensemble du périmètre était fermé, l'autoroute était fermée au trafic. Il y a de fortes probabilités aussi que tout ce périmètre soit fermé lors des matches pour permettre un transport public rapide et efficient et pour que les piétons puissent rejoindre les emplacements desservis par les transports publics. Donc, cet élément à lui seul ne suffit pas, il n'est pas une justification pour investir 9 millions dans ce projet.

Concernant la gare CEVA, le rapport de majorité ne nous indique rien au niveau de plans sur l'emplacement de cette gare. Y a-t-il une rupture de trafic au niveau des transports publics entre le Bachet-de-Pesay, la gare CEVA, le stade de la Praille et le centre commercial de la Praille ? Je n'en sais rien, mais s'il y a une rupture de trafic sur un noeud de transports publics c'est une lacune grave, qu'il faut combler par une desserte en transports publics et non pas par une passerelle pour vélos. Il faut savoir si nous parlons de liaisons de transports publics ou si nous parlons de piétons ou de vélos.

Concernant l'argument de la sécurité, qui a été développé par M. Deneys notamment, par rapport aux cyclistes, moi j'ai très bien entendu ce qu'a dit M. Deneys: il a dit que circuler à vélo à Genève n'est pas réellement dangereux. Donc, j'en déduis que ce n'est pas réellement dangereux de circuler à vélo à Genève ! (Remarques.) Si ce n'est pas dangereux, puisqu'il ne s'agit que d'un sentiment... Ici, il n'y a pas un sentiment de dangerosité de circuler à vélo. Alors, il n'y a pas de nécessité non plus à construire une parcelle ! Je fais aussi du vélo, accessoirement, et je peux vous dire que si je peux éviter une côte pour monter sur une passerelle, et être confronté à des piétons sur la passerelle... eh bien, je préfère prendre la route, quitte à monter sur un trottoir. Je suis indiscipliné à vélo, je le reconnais parce que le vélo est l'exemple même de la liberté, et si l'on peut se libérer de certaines contraintes au niveau LCR, on le fera ! (Remarques. Brouhaha.) Et je ne crois pas que cette passerelle sera réellement utilisée par les vélos.

Par contre, l'argument de sécurité développé par M. Deneys a un sens pour moi: un accident coûte cher; il coûte cher aussi à la société, il coûte cher aux assurances. Raison pour laquelle on pourrait imaginer que ce type de projet où l'argument sécurité est mis en avant bénéficie d'un subventionnement privé de la part des assurances - puisqu'un motard qui est équipé d'une combinaison de cuir intégrale connaît une réduction sur sa prime d'assurance moto. On pourrait très bien imaginer à l'avenir que ce type de projets, qui sont justifiés sur des bases sécuritaires, soient aussi financés par des fonds privés.

Comme il s'agit finalement d'une infrastructure plutôt communale que régionale qui concerne essentiellement la ville de Lancy, par rapport à un ensemble de quartiers on pourrait aussi imaginer un financement communes-Etat - ce qui n'est absolument pas le cas. Il me semblerait donc qu'un renvoi en commission pour étudier le financement serait... (L'orateur est interpellé.) Serait judicieux ! Parce que M. Barrillier, qui défend effectivement les intérêts dont j'ai parlé - je ne vais pas me répéter - n'a que faire du financement ! Ce n'est pas son problème, le financement ! Ce n'est en tout cas pas son problème... Par contre, c'est le mien, comme représentant du peuple...

Des voix. Ah ! (Rires.)

M. Gilbert Catelain. ... et des contribuables !

Une voix. Pauvre peuple !

M. Gilbert Catelain. Donc, au niveau de la passerelle, on peut très bien estimer pour différentes raisons qu'elle est utile, moyennement utile ou inutile, et il faudra la faire parce que le Conseil d'Etat a un engagement. Le problème n'est pas vraiment à ce niveau-là, le problème est de construire cette passerelle pour un coût de 9 millions. Et pour l'UDC, 9 millions, c'est manifestement trop, c'est 30 000 francs le mètre ! Pour faire passer trois vélos et quatre piétons ! (Remarques. Brouhaha.) Dans ce sens-là, il me semblerait logique de prévoir un financement croisé: commune et canton.

Le président. Il vous faut conclure, M. le député !

M. Gilbert Catelain. J'ai terminé.

Le président. Bien, c'est fait. La liste est close. Sont inscrits: M. Mario Cavaleri, M. Alain Meylan, M. Roger Deneys, M. François Thion et M. Eric Stauffer.

M. Mario Cavaleri (PDC). M. Catelain m'a un peu coupé l'effet de début de mon intervention... Il est évident que 9 millions divisés par 300 mètres, c'est 30 000 francs le mètre linéaire. Je vais comparer ces 9 millions à une somme de 10 millions qui consiste dans le réaménagement de la route Suisse depuis le rond-point de Bellevue jusqu'au rond-point de Mies, qui comprend le revêtement phonique de la chaussée, les ronds-points dont j'ai parlé - il y en a quand même plusieurs depuis Bellevue jusqu'à Mies - et puis l'éclairage. Alors franchement, 9 millions dans ces circonstances, c'est une dépense somptuaire !

Bien entendu que les engagements dont on nous a parlé ont été pris par le Conseil d'Etat, en tout cas par le conseiller d'Etat en charge du département concerné. Mais avec le couteau sous la gorge, il faut le dire ! On a entendu les tenants de la petite reine.

C'est vrai, on a fait un transport sur place qui était typiquement intéressant, parce que, voyez-vous, l'un des rares commissaires qui soit arrivé avec les transports publics, c'était votre serviteur... Les autres sont arrivés comment ? Je vous laisse deviner.

Le problème ici, c'est qu'en effet cette construction, si elle était effectuée avant la réalisation du CEVA, implique - et M. Amsler l'a dit tout à l'heure - un démontage à peine aura-t-elle été montée. Franchement, est-ce vraiment sérieux ? Mais on a besoin de ces 9 millions pour des projets prioritaires, pas pour un gadget qui convient à certaines associations ! Cela fait certes partie d'un plan, mais on n'a jamais dit quand cela devait être réalisé ! Compte tenu de l'aménagement de l'ensemble du périmètre, je vous laisse penser quelle est l'échéance la plus favorable.

C'est la raison pour laquelle les deux commissaires démocrates-chrétiens se sont abstenus, pour ne pas fusiller un projet qui a été promis, mais dont la réalisation est tout sauf opportune ! (Applaudissements.)

Le président. Je rappelle qu'il y a une demande de renvoi en commission et que c'est le sujet des interventions jusqu'à ce qu'on le vote.

M. Alain Meylan (L). Sur la position du groupe libéral, je crois que M. Amsler a précisé notre vue et notre liberté de choix dans ce dossier - pour toutes sortes de raisons qu'il n'est pas utile de rappeler ici, M. Amsler l'a très bien fait tout à l'heure. Mais j'aimerais juste relever deux points.

J'entends les uns et les autres faire référence aux accords quant à cette passerelle... Il y a quelques années, j'aurais aimé que les mêmes personnes qui se réclament de ces accords, et notamment le groupe des Verts, se réfèrent aussi aux accords dans l'affaire de la place Neuve et du développement du centre ville en ce qui concerne les places piétonnes. C'est quand même de leur initiative qu'ils ont, permettez-moi l'expression, «fusillé» ce développement qui aurait permis d'avoir des places piétonnes au centre ville, ce qui aurait été beaucoup plus agréable. Ils ont carrément, aussi, «enterré le parking», si je peux me permettre encore cette expression. Donc, j'aimerais bien que l'on s'en souvienne.

Personnellement, je vais - je vous le dis - voter cette passerelle: au nom des accords, au nom de la complémentarité des moyens de transports, et surtout parce qu'on a voté un stade qui comprend cette passerelle et qui est fait pour jouer au football, pour vivre et pour être utilisé. Et j'aimerais bien que tous ceux qui ont dit qu'il faut réaliser cette passerelle maintenant, notamment les Verts, s'en souviennent dans quelques mois, quand il faudra soutenir l'Euro 2008 ! J'aimerais que vous soyez là également ! En sachant que vous avez votre passerelle, oui, mais... (L'orateur est interpellé.) ... vous avez votre passerelle parce qu'on a aussi un stade et qu'on développe cette région ! Donc, à un moment donné, il faut être cohérent dans l'action politique ! Merci. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Pour répondre à MM. Cavaleri et Catelain, je voudrais rappeler une chose importante: le vélo à Genève, ce n'est pas dangereux en termes d'accidents, par contre le sentiment d'insécurité est très fort aujourd'hui et c'est un obstacle majeur à ce que davantage de monde prenne son vélo pour se déplacer, pour aller au travail, pour sortir le soir, etc.

Si l'on pense en termes d'avenir, en termes de développement de la région, d'accroissement de la mobilité, je vous dis juste qu'on va droit dans le mur. Parce qu'avec 30% de voitures en plus malgré le développement des transports publics, je ne sais pas comment vous imaginez la région genevoise de demain, mais cela va être en gros la catastrophe... Tout cela pour avoir une crise pétrolière et des kilomètres de routes qui ne seront plus utilisés !

Je pense qu'il faut anticiper et voir le vélo comme un vrai moyen de transport d'avenir, complémentaire aux transports publics. Dans ce sens-là, le coût de 9 millions, Monsieur Cavaleri, est absolument raisonnable. Et à nouveau, le PDC est le parti roi de la girouette, qui compare tout et n'importe quoi ! Vous ne pouvez pas comparer du bitume et des giratoires avec une passerelle qui passe par-dessus un carrefour important... (Remarques. Brouhaha.) Vous comparez tout, Monsieur Cavaleri, et ce n'est pas possible de faire ce genre de comparaison à tort et à travers !

Maintenant, je vous rappelle que si, grâce à cette passerelle, nous évitons un accident grave, un accident mortel, et si nous encourageons les parents de cette région à envoyer leurs enfants à l'école à vélo plutôt qu'à boguet ou en scooter, on fait une oeuvre de santé publique nécessaire ! L'activité physique est aujourd'hui un vrai problème de société et, de façon générale, il faut encourager la pratique du vélo. Ce n'est pas pour servir des intérêts associatifs quelconques, c'est une question de vision d'avenir. Il faut se préoccuper de notre société à long terme, et le vélo fait partie de ce développement durable que vous prônez aussi, Monsieur Cavaleri !

M. Eric Stauffer (MCG). Le Mouvement Citoyens Genevois ne soutiendra pas la construction de cette parcelle. Il ne soutiendra pas non plus le renvoi en commission. Cette passerelle n'est pas, selon nous, prévue au bon endroit. Il aurait été beaucoup plus judicieux, pour désengorger le trafic, de faire une passerelle reliant directement l'avenue Eugène-Lance au stade de la Praille par-dessus les voies CFF. Nous nous opposerons donc au projet de loi et à son renvoi.

Mis aux voix, le renvoi de ce projet de loi à la commission des travaux est rejeté par 54 non contre 23 oui et 2 abstentions.

M. François Thion (S). Je voudrais juste faire un petit témoignage par rapport à ce quartier. Je dois dire qu'à vélo j'évite tout le quartier du centre commercial et du stade de football de la Praille parce que c'est un véritable danger. Je vais régulièrement aux matches et, comme je ne suis pas un cycliste téméraire, je suis obligé de laisser mon vélo environ un kilomètre avant. Et même à pied, c'est dangereux d'aller jusqu'au stade quand on vient depuis le Bachet ! Je peux témoigner ici qu'il n'y a pas un cycliste qui ose se lancer pour aller au stade à vélo. Cette passerelle va donc être très utile.

Le président. La parole est encore au rapporteur, puis au conseiller d'Etat. Je rappelle que la liste était close.

M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur de majorité. J'aimerais faire quelques remarques sur cette passerelle qui échauffe la République... Heureuse, la république qui peut s'échauffer à propos d'une passerelle !

Je souhaite apporter quelques précisions quant à l'intervention de quelques uns de mes collègues. D'abord, Monsieur Catelain, vous savez, un député peut s'élever et avoir une conception générale de la politique. Comme le disent les Allemands: une Weltanschauung. Il n'est pas attaché à des intérêts privés, directs, égoïstes. J'aimerais que vous compreniez que si je suis rapporteur de ce projet, petit projet modeste, c'est parce que j'ai une conception globale des transports et de l'avenir de notre société. Je vous remercie donc d'admettre que, dans certains cas, on peut s'élever au-dessus de ses intérêts professionnels ou personnels. Comme d'ailleurs vous le faites vous-même ! C'est une chose que je voulais vous rappeler.

En ce qui concerne ce projet bien modeste, qui coûte cher d'après mes collègues, il est à inscrire dans une vision globale des transports.

Une voix. Weltanschauung ! (Rires.)

M. Gabriel Barrillier. Aux imbroglios de transports qu'il y a dans cette région de la Praille, on va ajouter la gare d'un RER et je puis confirmer, je ne l'ai pas mis dans mon rapport, que cette gare sera coordonnée avec les autres modalités de transports. Tout est prévu !

En troisième lieu, mon cher collègue, j'aimerais vous dire - et cela tombe très bien - que lundi, à Flims, dans les Grisons, il va y avoir un vote très important qui peut soit instaurer la paix des transports - comme il y a la paix sociale - ou bien la guerre ! Et dans ce vote du Conseil national sur le fonds d'infrastructure, il va y avoir une décision importante pour ces vingt prochaines années. Alors, je pense que ces décisions, que ce soit la passerelle ou d'autres projets, procèdent de cette volonté commune que nous devons avoir d'instaurer une collaboration: une paix. Je ne veux pas politiser outre mesure mais je constate que, lors de ces exercices, l'UDC est toujours en pointe et ne veut pas la paix: ou c'est trop cher, ou ce n'est pas le bon moment, ou il faut ceci ou cela... Moi je pense que dans les transports, dans la paix sociale, dans les relations du travail, il faut de temps en temps manifester son désir et sa volonté de trouver des solutions qui aboutissent à la paix et à des choses constructives ! (Applaudissements.)

Le président. Voilà qui était dit avec une fermeté digne de tous les éloges !

M. Olivier Wasmer (UDC), rapporteur de minorité. J'aimerais tout simplement souligner que la minorité n'était pas l'UDC, mais trois députés d'autres partis. Aujourd'hui l'UDC, bien entendu, est très intéressée à sauvegarder les intérêts du citoyen, notamment au niveau financier. Cette passerelle, comme l'a dit tout à l'heure un député, coûte 30 000 francs le mètre sur la distance de Bellevue jusqu'à Mies. Je crois qu'il faut garder cela à l'esprit. Actuellement, au vu des finances de l'Etat, ce dernier ne peut en aucun cas se permettre des dépenses aussi somptuaires, comme les a qualifiées un député tout à l'heure. Par ailleurs, l'intérêt public supérieur n'est pas du tout évident ! Il y a un intérêt public, certes, mais il n'est pas supérieur.

Pour tous ces motifs, la minorité vous propose donc de rejeter ce projet de loi, en tout cas en l'état.

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Vous avez accepté l'urgence pour ce projet dans la perspective de l'Euro. J'aimerais tout de suite vous dire une chose: ce n'est pas pour l'Euro que nous devons construire cette passerelle. En revanche, nous souhaitons pouvoir la construire et la terminer avant l'Euro, tout simplement pour qu'il n'y ait pas de chantiers ouverts autour du stade de Genève pendant l'Euro. Cela a été dit: effectivement, cette passerelle ne devrait en principe pas être ouverte à l'occasion des trois matches qui auront lieu à Genève pendant l'Euro, parce que cela pourrait poser des problèmes de sécurité s'il y a trop de monde en même temps sur cette passerelle. (Rires. Applaudissements.)

Cependant, cette passerelle est néanmoins nécessaire, pour trois raisons importantes. La première, cela a été évoqué, c'est tout simplement la crédibilité du Conseil d'Etat lorsqu'il négocie avec des opposants ou des partenaires à l'occasion de l'élaboration de projets, qu'il s'agisse de projets urbanistiques ou de tout autre type de négociation. Le Conseil d'Etat s'est engagé à réaliser cette passerelle et dès lors que cet engagement a été pris, le Conseil d'Etat doit l'assumer. Je ne crois pas que l'on puisse remettre cela en question.

La deuxième raison, Mesdames et Messieurs, c'est que l'avenir urbanistique de Genève est très largement situé dans cette partie du canton. Il y a deux très grands projets de développement qui sont prévus à cet endroit-là, ils en sont à des stades d'avancement différents. Le premier est celui de la Chapelle-Les-Sciers, qui a été évoqué tout à l'heure, et qui est très avancé. Il y en a un deuxième, dont on parle beaucoup et qui a été évoqué dans le discours de St-Pierre, c'est le développement très important de tout le secteur la Praille-Acacias dans lequel nous nous trouvons avec ce projet d'ouvrage. C'est un endroit, Mesdames et Messieurs, où des milliers de logements vont sortir de terre et où nous devons veiller à mettre en place les infrastructures de transport de tout type, qu'il s'agisse de transports en commun, de transports routiers ou de moyens de transport pour la mobilité douce. Nous avons le tram à cet endroit, nous avons une sortie d'autoroute toute proche, une grande pénétrante qui est la route de St-Julien, mais, il faut bien le dire, aujourd'hui les transports doux, pour les piétons ou les cyclistes, sont négligés dans cette partie du canton.

Le dernier élément que j'aimerais citer, et je terminerai par ce avec quoi j'ai commencé, c'est le stade: si cette passerelle ne sera pas directement utile pour l'Euro, elle est une des mesures d'accompagnement du stade lui-même. Il n'y a pas que ces trois matches de l'Euro qui vont se dérouler dans ce stade. Vous le savez bien et nous le souhaitons tous: nous souhaitons qu'il y ait de plus en plus de matches, mais en moyenne, les matches qui se déroulent au stade de Genève n'attirent pas 30 000 spectateurs. Qui sait, peut-être qu'à l'avenir le Servette aura tellement progressé, fait de si bons résultats et présentera un si bon spectacle qu'il y aura des dizaines de milliers de spectateurs à la Praille pour le regarder jouer ? Mais pour l'instant, nous sommes plutôt dans un ordre de grandeur de 5000, 6000 ou 7000 spectateurs et, dans cas de figure, oui, la passerelle sera extrêmement utile pour permettre aux spectateurs de se déplacer de l'arrêt du tram du Bachet-de-Pesay jusqu'au stade de Genève.

La nécessité de cette passerelle ne peut donc pas être mise en question. On peut effectivement discuter sur le calendrier, on peut effectivement se poser des questions sur le coût, mais sur le principe cet ouvrage est nécessaire.

Pour terminer, j'aimerais simplement reprendre le rapporteur de minorité qui a déclaré tout à l'heure qu'il fallait bien évidemment s'attendre à un dépassement de crédit, comme d'habitude. Je vous invite à regarder le point 137 de notre ordre du jour où le Conseil d'Etat vous présente neuf projets de bouclements de crédits. Sur les neuf projets, il n'y en a qu'un qui présente un dépassement de crédit. Et, de façon globale, l'Etat rend plusieurs centaines de milliers de francs sur l'ensemble de ces projets. Sachez que l'Etat ne dépasse pas les crédits qui sont votés par le Grand Conseil ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mis aux voix, le projet de loi 8795 est adopté en premier débat par 47 oui contre 17 non et 13 abstentions.

La loi 8795 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 8795 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 47 oui contre 19 non et 12 abstentions.

Loi 8795

PL 9736-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 1'170'000F pour financer le programme de renouvellement (2006-2008) de l'équipement scientifique du service de protection de la consommation

Premier débat

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse. Permettez-moi juste de rendre ce Grand Conseil attentif au fait que les travaux de la commission sur ce projet de loi 9736 ont pu dégager au moins une majorité, voire une unanimité sur l'importance des procédures à mettre en place systématiquement... (Brouhaha.) Je voudrais bien qu'on m'écoute, surtout les milieux attentifs aux finances, parce que c'est très important ! En exigeant que, lors de l'étude de projets de lois, il soit dégagé clairement ce qui est de l'ordre de l'investissement et ce qui est de l'ordre du fonctionnement. De plus, les procédures AIMP ne doivent plus être seulement du ressort du seul service concerné, mais la mention du caractère obligatoire d'un appel d'offre devrait figurer dans tous les préavis techniques.

C'est avec la plus grande rigueur que la commission des finances a travaillé et ce projet de loi a été accepté par une large majorité. Je vous recommande d'en faire autant.

Mis aux voix, le projet de loi 9736 est adopté en premier débat par 43 oui contre 18 non et 4 abstentions.

La loi 9736 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9736 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 44 oui contre 17 non et 4 abstentions.

Loi 9736

M 1709
Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Brunier, Mariane Grobet-Wellner, Laurence Fehlmann Rielle, Véronique Schmied, Anne-Marie von Arx-Vernon, Michèle Künzler, Antoine Droin, Alain Charbonnier, Elisabeth Chatelain, Ariane Wisard-Blum, Mathilde Captyn, Alain Etienne, Eric Stauffer, Sandra Borgeaud, Thierry Cerutti, Jean Rossiaud, François Gillet, Carole-Anne Kast, Catherine Baud, Caroline Bartl, Sébastien Brunny, André Reymond, Gabrielle Falquet, Roger Golay pour des logements d'étudiant-e-s au 32, chemin des Maisonnettes à Lancy

Débat

M. Christian Brunier (S). Dans les années quarante, l'Etat a construit un petit immeuble au 32, chemin des Maisonnettes à Lancy pour loger des jeunes en formation. Ensuite, l'Etat a mis cet immeuble en location; c'est l'Institut Florimont qui a loué cette petite maison pendant de nombreuses années. Elle contient vingt-cinq chambres pour loger des étudiants et quelques lieux communs, une cuisine et un salon. Aujourd'hui, Florimont est arrivé au terme de son bail. Depuis quelques mois, cette maison est totalement vide. On sait qu'aujourd'hui, à Genève, le besoin de logements est immense. Et le besoin de logements pour étudiants est important, puisqu'on estime le nombre de demandes non honorées à environ mille.

Nous demandons quelque chose de très simple: nous demandons au département d'agir le plus vite possible pour permettre à vingt-cinq étudiants de trouver un logement. C'est simple, c'est facile, et il n'y a pas beaucoup d'autres solutions. Il n'y a pas de projet d'aménagement dans le secteur, des échanges fonciers paraissent difficiles, puisque c'est une maison peu adaptée à d'autres types de logements: vingt-cinq chambres, une cuisine... Vous voyez les conséquences. Nous pensons donc qu'il y a urgence de redonner aux étudiants vingt-cinq chambres pour se loger.

Nous demandons donc au département, qui a visiblement de la peine à agir, de s'activer au plus vite et nous demandons le renvoi immédiat de cette motion au Conseil d'Etat.

M. Gilbert Catelain (UDC). Cette motion du groupe socialiste, à laquelle se sont ralliés pas mal de députés dans cette enceinte, part d'un constat qui est tout à fait juste. Effectivement, ce bâtiment était destiné au logement d'étudiants et il est actuellement vide. Il y a un potentiel de développement dans cet immeuble; la question est de savoir si on a la même philosophie de la notion de développement pour ce bien et si c'est le rôle de l'Etat d'endosser une tâche supplémentaire et de se transformer en bailleur pour des étudiants.

Le groupe UDC a une philosophie différente, plus libérale, qui vise à laisser à l'Etat les domaines dans lesquels il excelle, dans lesquels c'est son rôle d'agir, et de confier à d'autres acteurs ce type d'activité, à des gens parfaitement équipés pour le faire et qui le font professionnellement, pour rendre le même service sans que cela coûte forcément à l'Etat.

Donc, le groupe UDC va déposer une motion et invite ceux qui veulent se joindre à lui à la signer. Cette motion invite le Conseil d'Etat à initier dans les meilleurs délais la mise en valeur de cet immeuble, si elle est possible, à faire ensuite estimer sa valeur, à rechercher si un acquéreur est susceptible d'exploiter l'aménagement existant pour l'exercice même de son but statutaire. Il faudrait un investisseur à long terme davantage, intéressé par la capitalisation foncière que par le retour sur investissement à court terme. La motion invite également le Conseil d'Etat à imposer, dans le cadre de ce contrat de vente avec un investisseur à long terme, une condition contractuelle de destination de l'immeuble, pour qu'une population déterminée, en l'occurrence des étudiants, puisse occuper ce bâtiment. C'est donc une philosophie différente, selon laquelle l'Etat, finalement, aurait la possibilité de valoriser ce bien, puisqu'il en a actuellement grand besoin. Il a des biens, autant qu'il les valorise ! Cela permettra de loger des étudiants par le biais d'une clause contractuelle.

C'est pourquoi nous vous proposons de ne pas renvoyer directement la motion qui nous est proposée ce soir au Conseil d'Etat, mais de la renvoyer, au contraire, en commission, afin qu'elle puisse être traitée de manière conjointe avec la motion de l'UDC qui sera déposée d'ici au 26 septembre.

Le président. A quelle commission, Monsieur le député ?

M. Gilbert Catelain. La commission du logement.

Le président. Merci. Sont inscrits: M. Pierre Weiss, M. Hugues Hiltpold, M. Eric Stauffer, Mme Véronique Schmied, Mme Michèle Künzler et Mme Carole-Anne Kast. Autant dire que tous les groupes se seront exprimés. Par conséquent, la liste est close.

M. Pierre Weiss (L). Les considérants de cette motion sont apparemment pertinents. Tous, sauf un. Ils sont tous pertinents: le premier, le deuxième, le troisième, le quatrième, le cinquième. Malheureusement, je ne suis pas certain que l'on puisse déjà affirmer que l'Etat ne semble pas avoir de projet de densification et de construction sur cette parcelle. C'est précisément parce que l'on ne peut pas être certain de ce fait qu'il nous semble nécessaire de renvoyer cette proposition de motion en commission pour connaître la position du Conseil d'Etat. J'avoue, non pas être ému, mais avoir un certain attachement à ce bâtiment, puisque je l'ai connu du temps de ma jeunesse...

Des voix. Ah !

M. Pierre Weiss. ... et je souhaiterais effectivement que des étudiants puissent s'y trouver un jour. Mais ce n'est pas nécessairement par nostalgie que l'on doit prendre des décisions. Il y a peut-être des choix qui sont plus sages, et la commission sera certainement à même d'en décider. Le groupe libéral se prononcera en ce sens.

M. Hugues Hiltpold (R). Le groupe radical soutient le renvoi de cette motion à la commission du logement pour traiter non seulement de cette motion, mais aussi, d'une façon beaucoup plus générale, la problématique du logement pour étudiants.

Je voudrais vous rappeler à tous que notre Grand Conseil a voté il y a deux ans un projet de loi qui visait à doter de 10 millions une fondation de droit public pour la réalisation de logements pour étudiants. C'est la raison pour laquelle il est tout à fait opportun de renvoyer cette motion en commission du logement. D'une part, pour voir si cette fondation pourrait s'intéresser à cet immeuble particulier et, d'autre part, pour traiter de façon plus générale la problématique du logement et voir ce qui a été réalisé pendant ces dernières années.

M. Eric Stauffer (MCG). Le MCG va s'opposer au renvoi en commission et voter ce projet pour le renvoyer directement au Conseil d'Etat, puisque nous sommes très sensibles au nombre de logements pour les étudiants. Mais, à écouter les propos qui ont été tenus ici, nous constatons, Monsieur le président, que certains députés sont en contradiction avec leur groupe.

Le président. Ce sont des choses qui arrivent, Monsieur Stauffer.

Mme Véronique Schmied (PDC). Je crois que, le temps que tout le monde ait réfléchi sur ce qu'on veut faire de cette maison sur cette parcelle, on aura avantageusement, pour l'année qui vient, loué vingt-cinq chambres à vingt-cinq étudiants qui seront très contents ! C'est pourquoi le PDC va demander le renvoi au Conseil d'Etat de cette motion. (Applaudissements.)

Mme Michèle Künzler (Ve). Je pense exactement comme ma préopinante. Je ne vois pas pourquoi on perd du temps en débat. Ces jeunes ont déjà demandé cette maison; l'administration n'a pas répondu. Il y a des associations d'étudiants, notamment la Ciguë, qui peuvent très bien l'occuper pendant une année en s'engageant à partir après. Je ne vois pas pourquoi on réfléchit des heures avant de savoir ce que l'on va faire ! Louons ! C'est un scandale que cela reste inoccupé.

Nous sommes contre le renvoi en commission, parce que, franchement, pour une maison où il y a vingt chambres, on ne va pas faire une séance de commission qui nous coûte 1500 francs pour rien. Réfléchissons à des choses un peu plus concrètes !

Mme Carole-Anne Kast (S). Je crois qu'effectivement, il faut se rendre compte que cette motion demande une affectation directe de ces locaux vides. On a une maison qui est exploitable immédiatement, qui ne procure aucun rendement à l'Etat - je le rappelle pour ceux qui sont particulièrement soucieux de cette question - et qui, de plus, ne permet de loger personne... C'est une situation absurde ! C'est une situation ponctuelle, on en est bien conscients, mais c'est une situation absurde.

Alors, il y a une solution qui a été proposée par une association dont le but est de loger des personnes en formation... La solution ne va peut-être pas durer cinquante ans, mais en attendant, plutôt que de tergiverser, d'envoyer une motion en commission, d'en parler pendant trois semaines, qu'elle revienne à l'ordre du jour - elle ne passera probablement pas aux extraits parce que, pour des raisons dogmatiques, il n'y aura pas d'unanimité à ce propos - et qu'elle soit votée dans six mois, eh bien, pendant ce temps cette maison sera vide ! Moi je vais vous dire un truc: avec le débat qu'on a eu ce soir, j'espère bien que les squatteurs de la place se seront donné le mot. Parce que ce serait quand même difficile de ne pas profiter d'une telle aubaine !

Un bail, c'est résiliable, on ne le sait que trop bien. Pourquoi ne pas affecter ce soir cette maison au logement étudiant ? En faisant un bail de location avec la Ciguë ? La Ciguë, elle, établit des contrats de sous-location avec les étudiants. Et puis le Conseil d'Etat, en fonction de l'avancement de divers projets et de certaines choses qu'il pourrait avoir envie de faire avec cette parcelle, dialogue avec la Ciguë et voit comment on peut utiliser ces logements. Parce que ce n'est pas une solution qui est destinée à être définitive. Et pendant qu'on parle, des gens sont à la rue alors qu'il n'y a personne dans cette maison, et elle ne nous procure aucun rendement. C'est une situation aberrante.

C'est la raison pour laquelle on vous demande de voter cette motion, et de la voter ce soir, sans renvoi en commission.

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accepte la demande de renvoi en commission...

Une voix. Ah ! (Brouhaha.)

M. Mark Muller. ... pour la simple et bonne raison que le sort de cette maison n'est pas encore définitivement arrêté. Un certain nombre de pistes sont actuellement à l'étude. L'une d'elles est le relogement des personnes qui habitent actuellement les baraquements de Prébois, près de l'aéroport, lieu où devrait être construit un airpark à brève échéance. Les baux de ces baraquements à Prébois ont été résiliés et nous cherchons activement à reloger ces personnes. Cette maison pourrait être une solution de relogement, ce qui permettrait ensuite à cet airpark de se réaliser. Vous voyez bien l'intérêt qu'il y a, en termes économiques, en termes d'emploi notamment, à construire cet ouvrage.

Dans l'intervalle, on pourrait effectivement imaginer le logement temporaire et provisoire d'étudiants dans cette maison, mais il me paraît plus sage de renvoyer cette motion en commission, pour étudier la situation calmement et éviter de mettre le Conseil d'Etat sous pression avec cette motion.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1709 à la commission du logement est rejeté par 35 non contre 26 oui et 3 abstentions.

Mise aux voix, la motion 1709 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 41 oui contre 25 non.

Motion 1709

M 1688
Proposition de motion de Mmes et MM. Guy Mettan, Luc Barthassat, Anne-Marie Arx-Vernon von, Véronique Schmied, Béatrice Hirsch-Aellen, Jacques Baudit, Guillaume Barazzone, Mario Cavaleri, Michel Forni, François Gillet, Pascal Pétroz, Pierre-Louis Portier : Assurances-maladie et solidarité

Débat

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Cette motion a le mérite de poser un vrai problème, celui de la prise en charge des médicaments et des prises en soin pour les personnes qui ne peuvent plus payer leurs cotisations d'assurance-maladie. Ce qui a été fait, c'est que le Conseil d'Etat a déjà répondu à cette motion dans l'urgence, il y a déjà plus de trois mois. Donc, cette motion est - heureusement - sans objet et je vous demande de la retirer.

M. Michel Forni (PDC). A la lecture d'une motion de ce type, vous avez probablement été choqués par une mesure qui, il faut le dire, est inacceptable et honteuse. Parce que malheureusement, d'une part, elle s'applique à Genève - et je rappelle que Genève est une ville qui a un certain prestige, notamment par l'OMS - et qu'elle a, d'autre part, aboutit à suspendre les frais de prestations, c'est-à-dire en non-remboursement des frais de traitement de patients chroniques.

Il est vrai qu'il y a eu des abus et que certaines démarches ont été faites à Berne. Mais derrière ce type de démarches, il faut bien comprendre qu'il y a trois conséquences. La première est que c'est une menace pour la santé du patient, puisqu'on aboutit à une interruption dans le plan thérapeutique et, vu son non-remboursement, elle frappe bien sûr les patients les plus vulnérables, c'est-à-dire, ceux qui ont besoin d'un traitement et qui, dans un combat quotidien, franchissent les limites d'une maladie et de complications sévères. Et malheureusement, on frappe une seconde fois des gens qui sont victimes de leur précarité.

Le deuxième problème, c'est le transfert des charges par l'assurance maladie à l'Etat, Etat bienveillant par certains côtés, mais aussi providence par d'autres côtés. Et ce genre de raté coûte très cher sur le plan économique, sur le plan médical et sur le plan social. Cette stratégie, il faut bien le comprendre, a aussi d'autres répercussions. Elle met en cause d'autres partenaires de la santé, notamment des médecins et des pharmaciens qui, à cause de ce type de traitements, éprouvent très souvent les mêmes difficultés que les patients, puisqu'ils ne sont pas remboursés et qu'ils se retrouvent dans une galère économique de plus en plus dangereuse.

Le troisième problème qui découle de l'absence de prise de position de la Confédération reflète visiblement une panne de fonctionnement de la LAMal, qui traduit probablement un grave malaise, puisque le principe de solidarité qui est à la base de la LAMal est trahi et que le temps des indigences est peut-être difficile à défendre ou à justifier aujourd'hui. Il est quand même assez symptomatique de voir que les premiers qui ont été ciblés étaient des patients qui souffraient du SIDA. Je rappelle qu'à ce jour 25 millions de personnes sont mortes de cette maladie et que nous avons une certaine chance en Suisse de pouvoir faire en sorte que cette maladie soit relativement neutralisée. A l'opposé, il faut le signaler, il y a une généreuse et courageuse démarche de l'Etat de Genève et de ses autorités pour poursuivre le traitement de ces patients et leur permettre simplement de survivre. Bien sûr, cette procédure se fait sur le compte des deniers publics, il faut être franc. Elle peut être associée à une escalade financière et elle représente inévitablement une forme d'injustice pour les autres patients, qui assument une part importante de leur traitement onéreux.

Par ailleurs, il n'est pas forcément stupide de penser que ceux qui sont à l'origine de cette mesure en développeront d'autres ciblant également des patients à haut risque qui peuvent générer des frais thérapeutiques importants. Dans le catalogue des autres futures victimes, dans un délai bref, on peut facilement voir les cancéreux, les psychiatriques, les patients souffrant du cardio-vasculaire et j'en passe. Faut-il redouter que ces patients soient traités en coupables ou en victimes ? Trop de bienveillance permet d'imposer la loi du plus fort, à laquelle s'associent causes perdues d'avance et mises en danger de la vie de ces démunis.

Dans ce contexte, il est faux de supposer qu'on a essayé tout ce qui ne marche pas, qu'on a célébré et cultivé les dépenses et, finalement, ignoré le déficit au profit des bénéfices. Pire encore, les experts de l'inégalité issus du monde de l'assurance-maladie ont mis au point des subtiles modèles mathématiques pour saisir au franc près les écarts entre citoyens. Nous en observons déjà les premières répercussions.

C'est la raison pour laquelle nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil à cette motion des démocrates-chrétiens, qui va permettre non seulement de clarifier l'obscurité du positionnement de Berne, mais aussi de bien laisser la marge de manoeuvre au Conseil d'Etat pour négocier à Berne.

Si vous avez eu le temps de lire une ancienne motion qui est présentée ce soir, la M 865, vous verrez que la réponse de M. Couchepin n'est pas tout à fait claire et qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour arriver à une situation plus compréhensible. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à faire en sorte que cette motion puisse être renvoyée à la commission de la santé.

M. Claude Aubert (L). Si vous me permettez de faire un tout petit peu d'humour dans un sujet aussi compliqué, on pourrait envisager une modification d'un article de la LAMal en indiquant qu'il est conseillé de payer ses primes, par opposition au fait qu'il est obligatoire de payer des primes. Jusqu'à présent, comme vous le savez, lorsque quelqu'un ne payait pas ses primes, l'assurance payait les traitements jusqu'au moment où l'Etat les prenait en charge. Maintenant, le sujet est un peu différent: la caisse maladie peut refuser de payer et l'Etat prend plus rapidement en charge ces questions. Par conséquent, il y a un problème de cohérence: ou on paie des primes, ou on n'en paie pas, et si on ne paie pas de primes, il faut quand même qu'il y ait une conséquence quelque part, sinon on doit modifier l'article de la LAMal en disant qu'il est simplement conseillé de payer ses primes.

Par ailleurs, comme il est dit très clairement que le Conseil d'Etat a déjà pris ce problème en main, il nous semble difficile d'envoyer une motion à un Conseil d'Etat qui a déjà oeuvré. Nous avons dans quelques minutes à aborder une motion qui a été déposée il y a vingt ans auprès du Conseil d'Etat; il serait dommage que, maintenant, nous déposions des motions qui engagent le Conseil d'Etat à effectuer ce qu'il est en train de faire. Par conséquent, nous pensons aussi que cette motion est sans objet. Message terminé.

Le président. Merci pour ce message laconique, mais percutant.

M. Eric Stauffer (MCG). Nous allons soutenir le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Il n'est pas normal de condamner une partie de la population qui est défavorisée et de lui supprimer les soins. C'est totalement inadmissible dans une ville comme Genève et en 2006. Cela ne doit juste pas exister.

Le président. La parole est encore à M. Alain Charbonnier.

M. Alain Charbonnier (S). Ce n'est pas «encore», c'est la première fois de la soirée ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, cette motion a tout son sens. Il n'est pas normal que des patients, des personnes souffrantes, et pas seulement de SIDA et de cancer, je tenais à le dire, Monsieur Forni, mais tout un chacun qui voudrait se faire soigner et qui, malheureusement, n'a pas pu payer ses primes, ne puisse pas se faire traiter ou vienne avec grande réticence.

Je parle avec mon expérience de physiothérapeute: il y a des patients qui viennent avec grande réticence, il se demandent s'ils peuvent venir se faire traiter en sachant qu'ils ont ce genre de problème avec leur assurance. Evidemment que s'ils n'ont pas payé leurs primes, ils ne vont pas, non, plus pouvoir payer de leur poche les traitements de physiothérapie qui viennent en deuxième plan, après la visite chez un médecin. (L'orateur est interpellé.) C'est peut-être trop cher, d'après M. Gros, toujours est-il que c'est un traitement qui vient après un autre traitement, celui du médecin qui pose son diagnostic et envoie le patient chez d'autres prestataires de soins.

Cette motion a donc tout son sens, mais sa forme est peut-être à revoir, parce qu'il semblerait que le Conseil d'Etat a fait sa part de travail sur le sujet relativement rapidement en début d'année. Et le président Unger et moi - en tant que président de la commission de la santé - avons précisément été auditionnés dernièrement, à propos des ambulances, à la commission de la santé du Conseil des Etats. On pourrait imaginer de renvoyer cette motion en commission sous forme de résolution afin de déterminer quelle forme est la plus utile pour aller éventuellement un peu plus loin et l'envoyer sous forme de résolution aux Chambres fédérales. Nous aurions peut-être ainsi une chance d'être auditionnés là-bas et de faire entendre notre voix - Monsieur Forni, je suis désolé, mais c'est à vos collègues de parti qu'il faut que nous nous adressions en particulier. Parce que, lors de notre audition, nous avions en face de nous une brochette de conseillers aux Etats PDC qui sont bien placés dans les plus grandes assurances-maladie, qui sont dans les conseils d'administration, présidents ou vice-présidents. Eux semblent manier habilement ces arguments sur la LAMal et contre les patients qui ne paient malheureusement pas leurs primes d'assurance-maladie. Alors, je pense qu'il y aurait un effort à faire, peut-être directement au sein de vos partis - je regarde tous les bancs de la droite... Il y a fort à faire au niveau du lobbyisme de ce côté-là, sans forcément passer par les voies parlementaires pour arriver à un bon résultat.

Le président. Vous aurez compris que l'utilisation de «encore» n'était pas la manifestation d'une lassitude quelconque à votre endroit et s'il était nécessaire que je vous rassure, je le fais maintenant. C'était pour dire que vous étiez le dernier intervenant inscrit, mais vous avez stimulé les compétences et la parole est maintenant à M. Jacques Follonier.

M. Jacques Follonier (R). Lorsque la décision est tombée, de ne plus accepter tous les traitements comme c'était le cas auparavant, le département a effectivement fait un travail excellent et très rapide. Je tiens à le remercier, puisque nous, les pharmaciens, étions en première ligne de ce genre de problèmes, notamment par rapport à certains médicaments destinés au traitement de maladies particulièrement difficiles, qui coûtent extrêmement cher.

Là où j'aimerais quand même intervenir, et je pense que cette motion a tout son sens, c'est à cause de la dérive que l'on perçoit. Je crois qu'il est important que vous soyez mis au courant de certains problèmes que nous rencontrons quotidiennement. Par rapport au fait que certaines personnes n'ont pas payé leurs primes, qu'elles ne peuvent peut-être plus le faire et qu'elles ont un retard important, vous devez savoir qu'aujourd'hui certaines caisses maladie ont pris des décisions relativement malsaines. Pas plus tard qu'hier, j'ai eu une personne qui s'est vu refuser entièrement son traitement médical, simplement parce qu'elle avait un retard de prime de vingt francs, qui datait de l'année 2005... Et sur ce simple fait, une caisse maladie a refusé de payer ses médicaments. Je pense que ça, c'est une dérive de plus en plus grave ! Dès lors qu'on permet aux caisses maladie de mettre le doigt dans cet engrenage, elles vont s'engouffrer de plus en plus dans ces possibilités qu'on leur a offertes... Et je pense que dans ce cadre-là cette motion a tout son sens.

Il faut effectivement envoyer cette motion à la commission de la santé, pour pouvoir aller au fond de ce problème, peut-être ressortir les petites malveillances qu'on voit arriver, de manière que ces dérives ne se produisent pas trop longtemps.

M. Gilbert Catelain (UDC). Vu l'importance du sujet que le groupe PDC a présenté dans cette motion, il me semble qu'elle mérite un vrai débat en commission afin que les députés concernés puissent se forger une vraie opinion et prendre conscience des problèmes qui se posent aujourd'hui avec les différentes révisions de la LAMal. Nous avons d'ailleurs un certain nombre d'objets concernant les coûts de la santé qui sont pendants en commission.

La question est encore de savoir à quelle commission renvoie cette motion, si c'est plutôt la sociale ou la santé. En principe, ce qui concerne les assurances sociales devrait plutôt aller à la commission sociale, qui gère d'ailleurs d'autres problèmes tels que les normes SIAS ou la prise en charge des soins médicaux. Cette commission me semblerait plus habilitée à traiter ce sujet.

Quoi qu'il en soit, cette demande de renvoi en commission ne vise pas à plomber la motion qui nous est présentée ce soir, mais bien à l'appuyer et à comprendre l'intégralité du problème qui nous est présenté, puisque, sur la base du seul exposé des motifs, il est difficile de se forger une opinion objective sans avoir des connaissances préalables. Je vous propose, Monsieur le président, de soumettre au vote le renvoi de cette motion à la commission sociale.

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Vous êtes abondamment revenus sur les circonstances dans lesquelles mon collègue François Longchamp et moi-même sommes allés à Berne prendre des décisions très rapides; il s'agissait ni plus ni moins que de la vie de quelques personnes qui était menacée. Cette motion était évidemment adaptée. Elle date du mois de mai et c'est vrai que depuis le mois de mai, votre invite a été remplie.

Nous avons non seulement pris contact avec la conférence des directeurs sanitaires, mais nous nous sommes également réunis pour cela, nous avons rencontré M. Couchepin pour cela, et j'ai reçu avant-hier une consultation concernant la modification de l'ordonnance d'application de la LAMal sur ce sujet. M. Couchepin a été sensible à nos arguments. Il pensait d'abord qu'ils étaient purement genevois, mais il a très vite pu s'apercevoir que les vingt-six cantons avaient été concernés par des situations du même ordre.

Cela ne doit pas vous empêcher de renvoyer cette motion en commission de la santé pour qu'on puisse vous donner toutes ces explications et pour qu'on puisse les compléter avec l'exposé qu'on vous fait chaque année sur la hausse des coûts, sur les causes, sur ce qui va mieux et ce qui va moins bien. Vous verrez ensuite s'il est indispensable de la garder tout en évitant, le cas échéant, de donner trop de travail à des fonctionnaires pour répondre à une motion dont l'invite est déjà remplie, ce qui ne vous empêche pas de la joindre à la cohorte des autres sujets qui touchent aux coûts de la santé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1688 à la commission de la santé est adopté par 34 oui contre 28 non.

M 1694
Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Brunier, Mathilde Captyn, Alain Etienne, Laurence Fehlmann Rielle, Elisabeth Chatelain, Françoise Schenk-Gottret, Roger Deneys, Sylvia Leuenberger, Catherine Baud, Brigitte Schneider-Bidaux, Carole-Anne Kast, Ariane Wisard-Blum, Anne Mahrer, Esther Alder contre l'excision

Débat

M. Christian Brunier (S). Je crois, je l'espère en tout cas, que l'ensemble de ce parlement condamne l'excision, qui est un acte inacceptable, assimilable bien entendu à une torture. Je rappelle que ces mutilations sexuelles sont illégales dans notre pays au sens de l'article 22 du code pénal suisse, qu'elles sont bien sûr contraires aussi à la Convention européenne des droits de l'homme et que, alors que beaucoup ont l'impression que l'excision, cela ne se fait qu'ailleurs, l'Unicef considère qu'il y a près de sept mille femmes et jeunes filles excisées qui vivent aujourd'hui en Suisse. Que des femmes excisées vivent sur notre territoire, c'est évident, mais il est fort probable que l'excision se pratique aussi sur notre territoire ou dans des territoires très proches de Genève... (Commentaires.) Monsieur Weiss, c'est un sujet très important !

Une voix. On n'a rien dit ! Vous avez probablement de mauvaises oreilles !

Le président. Est-ce que je peux vous demander d'éviter les apartés ? Je vous rappelle, Monsieur le député, que c'est à la présidence que vous vous adressez.

M. Christian Brunier. Tout à fait, Monsieur le président, mais je crois que c'est un sujet suffisamment grave pour qu'on ait un climat serein dans ce parlement.

Dans une ville internationale comme Genève, on ne peut pas rester les yeux fermés et se dire que ce n'est qu'un problème qui se passe ailleurs. S'il y a potentiellement problème, nous devons le savoir et agir. Il y a d'ailleurs eu un certain nombre de témoignages ces dernières semaines dans les médias. Les femmes qui ont subi cet acte de torture commencent à parler et il faut les féliciter pour leur courage.

Il faut dire également qu'un colloque a été organisé par le service de l'Etat de Genève pour la promotion de l'égalité entre hommes et femmes. Il y a été dit clairement que l'Etat devait s'engager dans la lutte contre ce fléau. C'est dans cette perspective que cette motion s'inscrit. Je crois que c'est le devoir des autorités d'agir, et c'est là l'impulsion que nous voulons donner.

Je rappelle aussi, et c'est important, que cette mutilation n'a rien à voir avec un fait culturel ou avec un rite religieux, comme certains le prétendent de temps en temps. Dernièrement le secrétaire général de l'association des imams du Sénégal, un pays très touché par ce drame, a déclaré: «Il n'y a rien dans le Coran qui impose l'excision».

Que demande cette motion, qui est très simple ? Elle demande d'essayer d'enquêter pour savoir exactement, en toute transparence, ce qui se passe à Genève et dans les zones voisines, je le redis, mais aussi dans les lieux de vacances des jeunes filles vivant à Genève, qui partent des fois dans des pays étrangers et reviennent excisées. Nous devons connaître la vérité pour savoir comment agir contre ce fléau.

Bien sûr, il faut faire appliquer la loi strictement; s'il y a des actes d'excision à Genève, il faut que les bourreaux soient arrêtés et, bien entendu, condamnés. Il faut prendre des mesures de prévention, notamment par rapport aux personnes cibles, aux victimes potentielles, c'est-à-dire les jeunes filles qui sont à l'école primaire. Il doit y avoir des campagnes d'information auprès des personnes susceptibles d'être touchées par ce drame, auprès des familles aussi, puisqu'il y a des croyances, des mythes qui poussent les familles à continuer de faire pratiquer cet acte sur leurs filles. Et puis, il faut former les professionnels de la santé, du social et de la psychologie, car ils sont aujourd'hui mal armés pour répondre à cette problématique. J'ai eu à ce sujet des échanges avec M. Unger, par rapport à la chirurgie de reconstruction.

Genève, capitale des droits de la personne, doit agir au niveau de la solidarité internationale. La Suisse s'est engagée dans certains programmes pour lutter contre l'excision dans des pays qui sont très touchés par ce fléau et il faut que Genève participe à cette dynamique tant au niveau local qu'international. C'est pour cela que nous vous proposons d'envoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, je ne pense pas qu'une commission améliorera le texte... (Protestations.) ... je crois qu'il faut vraiment l'envoyer directement au Conseil d'Etat pour qu'il puisse agir et je vous invite toutes et tous à dire unanimement stop à ce genre de cruauté.

Mme Beatriz de Candolle (L). Fort de la défense des droits de l'homme et de la femme, le groupe libéral soutient cette proposition de motion. L'excision est une pratique révoltante dont les conséquences sont terribles tant du point de vue psychologique que physique. C'est une pratique qui doit être interdite puisqu'il s'agit d'une mutilation. Elle doit disparaître du globe.

Si vraiment cela se passe à Genève ou dans la région, nous devons le savoir pour pouvoir sanctionner. Toutefois, il faut évoluer avec une grande prudence afin d'éviter de créer à ces jeunes filles des problèmes d'intégration dans leur milieu d'origine. Il faudra faire un travail d'information auprès des communautés concernées et demander l'avis des professionnels, notamment des ethnopsychiatres, pour prévenir et supprimer cet acte ignoble.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je vais être relativement brève. L'excision s'inscrit dans l'oppression des femmes. C'est un acte inhumain qui se pratique sur des enfants. Comme vous le savez, les mutilations sexuelles, cela a déjà été dit, sont illégales en Suisse et dans la plupart des pays du monde. Même si ces mutilations sont pratiquées, on le sait, elles sont illégales dans presque tous les pays. Ceci pose un problème, comme cela a été dit par M. Brunier, par rapport aux personnes qui rentrent dans leur pays pour les vacances.

Il y a effectivement des jeunes filles qui sont contraintes à subir ces mutilations. Même si on le sait, on ne peut actuellement pas agir pour les protéger contre ces actions. Cette motion est donc extrêmement importante pour faire un état des lieux et voir quels sont les moyens possibles pour les protéger et pour défendre et les droits de l'homme, les droits de l'humain, les droits de l'enfant.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Bien sûr, le parti démocrate chrétien soutiendra cette motion. Je peux en profiter pour rendre hommage à Mme Martine Brunschwig Graf qui, le 25 novembre 2005, dans le cadre du colloque sur les mutilations génitales féminines auquel M. Brunier a fait référence, s'est engagée officiellement en tant que présidente du Conseil d'Etat, en tant que conseillère nationale, à ouvrir un vaste chantier avec l'Unicef et avec toutes les forces politiques pour lutter contre ces horreurs faites aux femmes et aux petites filles.

Je crois qu'il est très important de dépasser les clivages politiques. A l'occasion de ce 25 novembre, qui a été un moment déterminant, Mme Anne Mahrer et moi avons pu rencontrer des jeunes filles de la communauté somalienne qui s'engageaient contre l'excision. Il y a donc des ressources ici à Genève, des personnes qui sont prêtes à s'engager et qui n'auront plus peur si elles se savent soutenues par nous, surtout si nous les soutenons au-delà de tous les clivages politiques.

M. Pierre Weiss (L). Comme l'a dit ma collègue, c'est plein de conviction que le groupe libéral va soutenir cette proposition de motion. Nous avons tout de même un regret: que lorsque l'on proclame vouloir dépasser les barrières de partis, l'on ne propose pas à l'ensemble des partis de ce Grand Conseil, à l'ensemble des députés, de signer la motion lorsqu'elle est rédigée.

Il y a eu d'autres circonstances où des propositions de motions ont circulé dans tous les groupes. Il est étonnant que dans ce cas-ci, précisément puisque l'auteur a indiqué d'emblée qu'il voulait se situer au-dessus des partis, il n'ait pas eu cette courtoisie, ni la volonté de nous réunir tous dans la lutte contre une pratique barbare. Je ne saurais y voir une intention maligne. Je me permets toutefois de le regretter.

M. Gilbert Catelain (UDC). L'objet de cette motion traite un thème grave, extrêmement grave, puisqu'il ne s'agit pas de savoir si cela ne devrait pas se passer ou si cela se passe ou si cela doit se passer, mais qu'il s'agit tout simplement au minimum d'un délit, voire d'un crime. En effet, le code pénal suisse réprime les lésions corporelles et la mise en danger de la vie.

Ce type d'opération, faite contre la volonté des jeunes filles, est une infraction pénale poursuivie par la loi en Suisse et pour des ressortissants de Suisse qui commettraient cet acte à l'étranger. Cela peut être le cas si ces personnes ont été naturalisées, parce qu'effectivement des personnes bien intégrées ont obtenu la naturalisation et le feraient à l'étranger. Nous avons donc un outil qui est le code pénal qui permet déjà aujourd'hui de réprimer ce type d'infraction. Encore faudrait-il que le personnel qui observe ces crimes les dénonce !

Cette motion part d'un article de journal paru dans «20 Minutes», qui dénonce des choses effectivement graves. Elle part aussi d'une hypothèse: on nous dit que l'excision «serait» aussi pratiquée à Genève. On n'a donc aucune certitude. On nous donne ce commentaire d'une jeune fille qui dit: «A 4 ans, j'ai commencé à étudier le Coran, et j'ai vite compris que ce que l'on faisait à mes soeurs n'était écrit nulle part. A 7 ans, mon tour était venu d'être excisée. J'ai refusé. Mais ma mère, contre l'avis de mon père et cédant à la pression sociale, a fait appel à un homme qui a procédé à une excision pharaonique - ablation du clitoris, coupure des petites lèvres et sutures entre elles - après que mon cousin et mon frère eurent été circoncis avec le même ustensile.» C'est la citation qui figure dans la motion et, à la fin de cet article, on nous dit que le docteur des Hôpitaux universitaires de Genève confirme en avoir observé, mais, selon lui, elles auraient été pratiquées à l'étranger. Selon lui ! Aucune preuve ! Peut-être qu'elles ont été faites à Genève, on n'en sait rien. Mais ces cas-là devraient être dénoncés par le personnel soignant qui observe ce genre d'ablation ! C'est là que quelque chose ne fonctionne plus dans notre société.

La motion prévoit un certain nombre d'invites sur lesquelles on est d'accord. Il y a juste un problème juridique qui se pose à la deuxième invite, parce que je ne vois pas, même si ce serait souhaitable, comment le Conseil d'Etat pourrait investiguer sur les mutilations sexuelles qui pourraient se pratiquer sur des jeunes filles qui résident dans des zones voisines où à l'étranger. Je parle donc des zones à l'étranger ou des camps de vacances qui pourraient avoir lieu à l'étranger. Je ne vois pas quelle est la base légale qui va permettre au Conseil d'Etat d'investiguer sur ce type d'opération qui se fait à l'étranger, puisqu'il s'agirait d'une violation de souveraineté.

Pour le reste, effectivement, il n'y a pas forcément d'amendement à apporter. Il serait quand même, à mon avis, sain d'avoir un point de la situation sur la question de l'excision, sur les observations du département par rapport à cet objet-là, puisque, de toute manière, les hôpitaux dépendent du département de l'économie et de la santé. Cela permettrait au Conseil d'Etat de nous brosser un topo de la situation puisque ces faits sont connus du département. Cela permettrait déjà au Conseil d'Etat d'agir !

Ensuite seulement, on pourrait renvoyer cette motion éventuellement amendée au Conseil d'Etat, de façon qu'elle recueille un très large soutien. Je vous propose le renvoi de cette motion en commission de la santé.

Mme Michèle Ducret (R). Permettez-moi d'exprimer ici l'avis du groupe radical qui, naturellement, s'oppose totalement à ce genre de pratiques inhumaines. Permettez-moi aussi d'exprimer un regret: j'aurais aimé signer moi aussi cette motion. Malheureusement, personne ne me l'a proposé. C'est dommage parce qu'on aurait pu être encore plus unis autour du combat contre l'excision.

Une voix. Il y a peut-être une raison !

Mme Sandra Borgeaud (MCG). Le groupe MCG va soutenir cette motion car il est bien évidemment inacceptable de tolérer ces cruautés, ces mutilations faites aux jeunes filles. Cela se passe souvent dans la famille même. Ce sont les parents proches qui procèdent eux-mêmes à cette mutilation. Il y a donc souvent des problèmes très importants par la suite, des infections et autres, et il faut que cela s'arrête. Nous avons un code pénal, il faut l'utiliser et respecter les droits de l'homme, de la femme et de l'enfant.

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. C'est bien entendu volontiers que le Conseil d'Etat acceptera cette motion qui aborde un sujet absolument cardinal sur des mutilations faites dans des conditions réellement effroyables. Ce problème n'a rien perdu de son acuité ni de son actualité.

Néanmoins, nous ne pourrons pas répondre à l'ensemble des invites. M. Catelain a soulevé à juste titre le problème pour nous, le cas échéant, d'aller enquêter à l'extérieur, ce qui sera tout simplement d'une certaine vanité. Nous interrogerons le département de l'instruction publique sur l'opportunité de faire de la prévention à l'école primaire à Genève.

En revanche, il est fondamental de trouver un moyen - ce n'est probablement pas le cas maintenant, et c'est un comble - d'au moins considérer que l'excision est une maltraitance. J'en veux pour preuve les moyens qu'il y a non pas de court-circuiter le secret médical, mais de passer au-delà de lui, dans un certain nombre de circonstances qui imposent la protection de l'enfant. C'est typique pour les maltraitances «de chez nous», et pour celles-ci, au prétexte qu'elles sont curieuses, insolites, peut-être rituelles ou religieuses, on ne franchirait pas ce pas !

Ne serait-ce que pour cela, nous aimerions recevoir cette motion pour vous dire que nous mettrons en oeuvre, au-delà du dépistage des différentes invites qui nous sont faites, les moyens de laisser les professionnels agir au moins comme pour les maltraitances, puisqu'il semble que ce n'est pas le cas maintenant.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1694 à la commission de la santé est rejeté par 57 non contre 6 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la motion 1694 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 65 oui (unanimité des votants).

Motion 1694

PL 9625-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Rémy Pagani, Jocelyne Haller, Nicole Lavanchy, Salika Wenger, Jacques François, Jean Spielmann modifiant la loi en matière de chômage (J 2 20) (Obligation exceptionnelle et temporaire pour l'administration et les secteurs subventionnés d'engager du personnel correspondant à un minimum de 3% supplémentaire des postes de travail sous contrat d'emploi temporaire cantonal)
Rapport de majorité de M. Pierre Kunz (R)
Rapport de minorité de M. Rémy Pagani (AdG)

Premier débat

Le président. Le rapport de minorité est repris par M. Deneys. La parole n'est pas demandée... Ah si ! Monsieur le rapporteur de minorité, vous la demandez: vous l'avez !

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Vous n'avez pas entendu M. Kunz dire qu'il souhaitait que je m'exprime en premier.

Ce projet de loi consiste à introduire une mesure spéciale en termes d'emplois temporaires cantonaux pour les chômeurs de longue durée. Il faut bien comprendre ici de quoi nous parlons: il s'agit des personnes qui ont déjà effectué deux ans de chômage fédéral et qui rentrent dans le dispositif du chômage cantonal, spécificité genevoise qui permet d'occuper un emploi pendant une année au sein d'une administration, au sein d'une association ou d'un autre organisme.

Ce projet de loi a été déposé à l'époque par l'Alliance de gauche. Il visait à ce que, en cas de chômage élevé à Genève, un minimum de 3% des postes de travail soit accordé à des emplois temporaires dans les administrations publiques. C'était un objectif ambitieux et généreux - je mets cela à l'imparfait. Fondamentalement, le problème de soutenir ou non ce projet de loi s'est posé au groupe socialiste parce que tout le monde, je dois le dire, souhaite réformer les emplois temporaires cantonaux. «Réformer les emplois temporaires cantonaux», est-ce que cela veut dire les supprimer, comme le souhaite M. Kunz ? Est-ce que cela veut dire les transformer, essayer de les rendre plus efficaces et plus pertinents ? C'est la position qui est défendue par les socialistes. Et c'est certainement le rapport de majorité de M Kunz qui a incité les socialistes à reprendre ce rapport de minorité, je vais vous expliquer pourquoi.

D'abord, ce projet de loi a été traité en commission de l'économie en septembre et en octobre 2005. Il y a eu un certain nombre d'auditions. Si je lis le rapport de M. Kunz, je vois qu'il y a eu onze auditions par rapport à cet objet. Le problème, c'est que M. Kunz, opposé aux emplois temporaires cantonaux, fait son rapport de majorité en résumant cela sur deux pages. Alors, je trouve que ce n'est pas très respectueux du travail qui a été fourni par la commission de l'économie, d'une part, et des chômeurs, des demandeurs d'emploi, d'autre part. Quand plus de 20 000 personnes sont concernées par une problématique, il me semble léger de résumer l'opposition de M. Kunz en particulier à cinq citations de personnes qui ont été auditionnées alors qu'elles sont onze à avoir été entendues.

Il y a peut-être des arguments pour et des arguments contre cette proposition. M. Kunz est bien entendu libre d'y être opposé, mais son rapport n'est fondamentalement pas objectif. J'en veux pour preuve ce qu'il affirme à la page 3: «Plus personne de raisonnable à Genève ne défend encore les OTC dans leur forme actuelle.» Ce n'est pas vrai: les emplois temporaires, ce n'est peut-être pas la meilleure mesure, la mesure la plus efficace que l'on peut prendre, il n'empêche que, si l'on pense en termes de personnes au chômage, il faut bien se rendre compte que, pour la majorité de ces personnes, c'est quand même la première occasion de se remettre au travail après deux ans d'inactivité. Bien entendu, c'est beaucoup trop tard; bien entendu, des mesures auraient dû être prises avant ! Mais de là à dire que c'est inutile ! C'est peut-être trop cher pour l'Etat, ce n'est peut-être pas la meilleure mesure, mais pensez aux personnes concernées !

Je trouve que ce n'est pas les respecter que de formuler ainsi cette remarque sur les emplois temporaires. D'autant moins que le peuple, Monsieur Kunz, vous le savez très bien, avait justement refusé le 24 avril 2005 la proposition qui consistait à réduire ces emplois temporaires à six mois. C'est pourquoi je pense que ce raisonnement ne tient pas la route.

Pour le reste, c'est vrai qu'on a un autre problème, c'est qu'il n'y a pas eu d'entrée en matière de la commission de l'économie. Les socialistes n'étaient pas forcément acquis à l'idée qu'il fallait augmenter à 3% stricto sensu les emplois temporaires cantonaux dans les administrations publiques en cas de chômage élevé. Par contre, ce qu'il y a de vrai, c'est que, du point de vue de la pratique parlementaire, on peut se dire que, pour les socialistes, il était en tout cas intéressant d'étudier cette piste, dans la mesure où les collectivités publiques doivent, elles aussi, fournir un effort quand le taux de chômage est élevé. Il ne s'agit pas de dire que c'est forcément 3%, il s'agit de savoir si la collectivité peut faire un effort supplémentaire pour remettre des personnes dans un dispositif de travail au sein des administrations publiques ou des associations après deux ans de chômage !

Qu'est-ce qu'on peut faire ? Est-ce que, moralement, c'est nécessaire de faire un effort supplémentaire ? Pour nous, socialistes, oui, bien entendu. Les chômeurs sont des personnes exclues du travail pour des raisons très diverses et bien entendu, après deux ans de chômage, retrouver du travail, c'est extrêmement difficile. On sait bien que plus on est inactif longtemps, plus il est difficile de retrouver du travail. C'est pourquoi, pour nous, c'est en tout cas raisonnable d'étudier cette proposition.

Alors, pour les socialistes, la démarche qui consistait à refuser l'entrée en matière est fort dommageable. On ne partage pas le point de vue de M. Kunz, qui souhaite supprimer les emplois temporaires, par contre les socialistes ont toujours soutenu le principe de les réformer, de les faire évoluer. Déjà, à l'époque, il aurait été possible de trouver des solutions, qui ne duraient pas automatiquement une année, mais le principe parlementaire de base aurait consisté à entrer en matière et à amender ce projet de loi, à essayer de voir comment on pouvait le rendre pertinent par rapport aux remarques qui ont été faites. Et cela n'a pas été le cas. Ce projet de loi a donné lieu à des auditions et cela n'a débouché sur rien. Cela, pour nous, ce n'est absolument pas acceptable.

Je vous demande donc de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'économie, cela ira compléter d'ailleurs les nouvelles propositions de M. Longchamp. De toute façon, il va falloir parler de l'évolution des emplois temporaires cantonaux.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je serai brève, parce que M. Deneys a été très complet. Les Verts partagent tout à fait son analyse. En effet, les mesures proposées par ce projet n'étaient peut-être pas la meilleure solution, mais elles avaient au moins le mérite d'être une proposition.

Les emplois temporaires, qui sont fort souvent critiqués, ont quand même aidé des centaines de personnes à retrouver une dignité par le travail et à ne pas tomber dans l'exclusion sociale. C'est vrai, par ailleurs, comme l'a dit M. Deneys, le ton et la forme du rapport étaient méprisants par rapport au problème soulevé: la problématique du chômage.

Les Verts se seraient de toute façon abstenus, vu qu'on attend un projet de loi sur le chômage, qui a été promis par le Conseil d'Etat, et que cette solution ne sera peut-être pas reprise telle quelle. La voter ainsi ne serait peut-être pas la bonne solution, mais, puisque M Deneys propose de renvoyer le projet de loi en commission de l'économie, je pense que ce serait une bonne idée de le faire, pour alimenter le débat sur le chômage. Nous soutiendrons le renvoi à la commission de l'économie.

M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG va s'opposer à ce projet...

Une voix. Sur le renvoi en commission !

M. Eric Stauffer. Il va s'opposer au renvoi en commission ! Il va s'opposer à ce projet pour un motif très simple: les mesures cantonales, c'est une nouvelle forme d'exploitation. Parce qu'on crée des emplois et l'administration elle-même en profite en payant 80% de la dernière indemnité chômage reçue. Donc, c'est vraiment un nivellement qui paupérise les employés.

Partant de ce principe, nous nous sommes aperçus dans différentes commissions que certains départements de l'Etat employaient jusqu'à 25 «chômeurs» en mesures cantonales et qu'ils comptaient dessus. Aujourd'hui, cette réforme arrive, et c'est sain de supprimer ces mesures cantonales, mais le problème se pose de qui va les remplacer. Vous voyez l'effet pervers, Mesdames et Messieurs les députés: on devrait augmenter les budgets dans certains départements de l'Etat, parce qu'ils ont besoin de personnel, et ils se sont appuyés sur ces mesures cantonales. Et cela, ce n'est pas sain.

Ce n'est pas sain, parce que vous parlez de dignité. Et le Mouvement Citoyens Genevois est ô combien sensible à la dignité des chômeurs ! Comme je l'ai dit précédemment, nous nous battrons contre vents et marées pour les défendre et faire en sorte qu'ils retrouvent un emploi. Mais un vrai emploi, pas des mesures cantonales fictives ! Où on les place dans un département... Pour faire parfois du travail très astreignant et en les sous-payant... Non, Mesdames et Messieurs les députés !

Il aurait fallu accepter précédemment la motion du MCG pour le renvoi en commission, pour dynamiser l'office cantonal de l'emploi. Parce que c'est au départ qu'il faut intervenir et mettre toute notre énergie, ce n'est pas après.

Ensuite, j'inviterais nos conseillers d'Etat à revoir certains budgets dans certains départements, où ces employés en mesures cantonales sont très fortement mis à contribution. Ces sont les raisons pour lesquelles, avec tout le respect qui est dévolu à nos chômeurs, nous nous opposerons à ce projet défendeur de cette nouvelle forme d'exploitation.

M. Edouard Cuendet (L). J'aimerais évoquer trois points par rapport à ce projet de loi. Tout d'abord, l'inefficacité des emplois temporaires a été reconnue par toutes les personnes auditionnées. Je m'étonne donc que M. Deneys ose encore parler de ces emplois-là, qui ont prouvé qu'ils stigmatisaient les chômeurs plutôt que d'aider à leur réinsertion. C'est un premier élément.

Deuxième élément, on constate qu'on propose 3% supplémentaires de postes de travail dans l'administration: cela va clairement à l'encontre des plans du Conseil d'Etat pour tenter de restaurer les finances cantonales. Pour ma part, je les trouve très modestes, mais en plus, si on les grève de la sorte, on n'arrivera jamais au but atteint.

Enfin, jusqu'à présent, je n'ai entendu personne évoquer l'article 2 du projet de loi en question, qui parle du financement. Comme couverture financière, on veut introduire un nouvel impôt pour toute entreprise qui réalise un million de francs de bénéfices ou plus. C'est incroyable ! D'une part, on augmente les emplois inefficaces en matière de réinsertion dans l'administration et, d'autre part, on ponctionne les entreprises qui, elles, sont en mesure de créer de vrais emplois qui peuvent amener la réinsertion ! Donc, je vous invite à rejeter ce projet avec la plus grande vigueur.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Pour le parti démocrate chrétien, ce projet de loi n'est pas d'actualité dans cette forme-là. Bien sûr que nous n'entrerons bien sûr pas en matière, et nous ne souhaitons pas qu'il soit renvoyé à la commission de l'économie. Parce que, sans aucune arrogance et sans aucun mépris pour les auteurs du projet de loi, il n'empêche qu'aujourd'hui, avec les propositions qui vont être présentées par M. Longchamp, nous pourrons enfin travailler d'une manière globale.

Il n'apparaît absolument pas nécessaire aujourd'hui d'entrer en matière sur un projet de loi qui ne traite que d'un seul phénomène du problème du chômage, et c'est pour toutes ces raisons que nous vous recommandons de le rejeter.

M. Alain Charbonnier (S). J'aimerais d'abord remettre un peu ce projet de loi dans le contexte de l'époque où il a été écrit. Je vous rappelle qu'il a été déposé - je n'ai plus la date exacte, ce devait être en septembre ou octobre 2005 - après le passage de 520 à 420 jours d'indemnités fédérales, décidé par le Conseil fédéral. Il faut bien s'imaginer qu'à cette époque-là, même le département était complètement dépassé par le nombre de chômeurs de longue durée qui arrivaient hors du cadre fédéral.

Il se trouvait qu'il n'y avait effectivement plus assez d'emplois temporaires, avec la législation actuelle qui veut que les mesures cantonales servent à retrouver un deuxième délai-cadre. En effet, si l'on relit comme il faut cette loi sur les mesures cantonales, on voit que chaque mesure a pour but de permettre de retrouver un deuxième délai-cadre fédéral. Je crois que dans cette salle chacun a un peu progressé dans sa pensée et sa réflexion et en vient à se demander si l'automaticité de cette mesure, de ce deuxième délai-cadre, est une mesure de réinsertion. Assurément non. D'ailleurs, le parti socialiste va venir la semaine prochaine avec des propositions par rapport à cette loi, en suggérant une révision totale de ces mesures.

L'idée, c'est que les mesures cantonales doivent évidemment servir d'abord de réinsertion et non d'occupation - puisque l'ancien terme des emplois temporaires cantonaux était «occupation temporaire»... Cela voulait bien dire ce que cela voulait dire. Il est tout à fait clair qu'il faut que les choses progressent. On pourra toujours faire progresser la réinsertion, imaginer plein de mesures cantonales, investir beaucoup d'argent comme aujourd'hui, il restera malheureusement toujours des gens avec des problèmes de réinsertion, qui ne trouveront pas de travail malgré tous les beaux programmes d'encadrement et de formation que l'on pourra imaginer.

Et pour cela, quoi de plus utile à la réinsertion que le travail ? Les emplois temporaires, malgré toutes les critiques que l'on peut en faire aujourd'hui, ont quand même démontré qu'une partie des gens en emploi temporaire retrouvaient un emploi grâce au fait qu'ils se remettaient dans le marché du travail, même si c'était parfois plus un travail d'occupation que de réinsertion. Et le fait de reprendre un rythme redonne aussi des habitudes que le chômeur a perdues très rapidement; encore plus après deux ans et demi, puisque avant la durée des indemnités était de deux ans et demi avec les 540 jours d'indemnités fédérales.

Donc, pour ces gens qui ont aujourd'hui beaucoup de peine à se réinsérer, il semblerait qu'il y ait quand même des mesures que l'on pourrait leur proposer. Peut-être pas sous la forme des emplois temporaires cantonaux, mais sous une autre forme ou sous plusieurs autres formes, de façon à leur redonner une chance un peu plus longue que le premier délai cadre fédéral de 18 mois, ce qui est extrêmement court pour retrouver du travail.

Je salue les intentions du Conseil d'Etat de vouloir dynamiser l'office cantonal de l'emploi, parce qu'il en a grand besoin au vu du rythme auquel travaillent certains conseillers en placement avec les chômeurs. Effectivement, il faut que la vitesse augmente grandement pour qu'en 18 mois les personnes au chômage puissent retrouver du travail. Je rappelle que 22 000 à 23 000 personnes sont des demandeurs d'emploi et que 17 000 sont des chômeurs: ce sont des chiffres faramineux et il sera difficile de trouver du travail pour tout le monde. Alors donnons, par des mesures diverses, du temps à ceux qui en ont besoin !

Et les emplois temporaires ne sont pas à jeter à la poubelle comme cela, en mettant une grosse croix dessus... Evidemment que le rapporteur de majorité, lui, c'est depuis 1997 qu'il est contre et qu'il le crie haut et fort ! Il a son opinion, et on la respecte, mais ce n'est pas étonnant qu'il nous fasse aujourd'hui un rapport de majorité aussi maigre, aussi succinct, sans arguments réels par rapport à la situation actuelle. Monsieur Kunz, la situation actuelle, c'est le passage de 520 à 400 jours, et je crois que cela n'est même pas mentionné dans votre rapport de majorité !

Voilà, j'ai terminé. Nous soutiendrons le renvoi en commission uniquement pour revoir cette loi des mesures cantonales, en gardant toujours à l'esprit que, malgré toutes les belles mesures et tout l'argent qu'on pourra investir, il y aura toujours des gens qui auront beaucoup de peine à se réinsérer dans le marché du travail. Donc, laissons-leur un peu de temps, laissons-leur leur rythme pour retrouver du travail.

M. Gilbert Catelain (UDC). Ce projet de loi déposé par l'Alliance de gauche a en fait été traité de manière conjointe avec le projet de loi 9624, «Luttons pour l'emploi contre le chômage». Puisque ces deux projets de lois sont liés et que nous avons déjà refusé dans cette enceinte le PL 9624 qui était la source de financement pour le PL 9625, ce projet de loi n'a plus de raison d'être ! Techniquement, ce projet de loi est déjà mort ! Ou alors, cette assemblée se contredirait par rapport à un vote précédent et mettrait la commission de l'économie en difficulté: elle devrait à nouveau rendre un rapport, qui conclurait à l'impossibilité matérielle de mettre en oeuvre ce projet de loi.

Au demeurant, tout le monde était d'accord en commission, à part l'Alliance de gauche - mais lorsqu'on a traité cet objet, ses membres n'étaient déjà plus là - pour dire que les emplois temporaires étaient peu efficaces: lorsque nous avons, je le répète, auditionné le professeur Flückiger et qu'il a déclaré que les emplois temporaires étaient un arrangement de l'ensemble de la classe politique pour permettre à un chômeur de bénéficier d'un deuxième délai-cadre, aucun commissaire n'a levé la main pour le contredire ! Sur le fond, nous sommes donc tous d'accord ! Après, on varie sur la question de savoir s'il faut laisser des délais plus longs, etc. Mais sur les emplois temporaires et leur peu d'efficacité jusqu'à présent, je crois que les débats de commission ont très bien démontré qu'il était inutile d'aller plus loin.

De plus, reprendre ce projet de loi en commission mettrait d'autres commissaires en difficulté: je pense simplement aux membres de la commission des transports qui traitent actuellement un objet sur le contrat de prestations des TPG... Or, vu les conditions drastiques qui sont fixées par le Conseil d'Etat pour que les TPG offrent davantage de prestations à un moindre coût, le vote du projet de loi mettrait les TPG dans une situation financière difficile, puisqu'il n'y a pas de financement. Ce serait donc à eux de financer les emplois temporaires, et ils ne pourraient pas engager des employés avec des contrats à durée indéterminée parce qu'ils devraient engager des bénéficiaires des emplois temporaires à renouveler tous les deux ans... On alimenterait finalement un chômage par l'engagement temporaire, puisque ces entreprises devraient, en raison de leurs ressources financières généralement en diminution, renoncer à engager du personnel. C'est déjà le cas à l'Etat, puisqu'il y a des services de l'Etat qui renoncent à engager parce qu'ils doivent travailler avec des ressources financières limitées et rémunérer ces emplois temporaires.

C'est donc, à mon avis, une mauvaise solution que de renvoyer ce projet de loi en commission puisqu'il impliquerait, notamment pour les établissements autonomes, de renoncer à engager de vrais employés pour de vrais emplois, alors même qu'on demande à ces établissements de faire plus, généralement avec les mêmes moyens. Par défaut de financement, il me semble totalement inutile de vouloir renvoyer ce projet de loi en commission.

M. Jacques Jeannerat (R). Ce projet de loi, avec son parfum de contentement, équivaut au fond à mettre un emplâtre sur une jambe de bois. En réalité, il y a un paradoxe à Genève depuis plusieurs années: Genève est la région de Suisse qui crée le plus d'emplois, mais c'est la région de Suisse qui n'arrive pas à descendre son taux de chômage. Il y a donc un problème. Mais on ne va pas le résoudre avec des projets de lois du type de celui qu'on nous présente ce soir.

En réalité, il y a inadéquation entre le besoin des entreprises qui créent des emplois et les compétences des demandeurs d'emploi qui sont sur le marché; le problème est au niveau de la formation. Le groupe radical va refuser ce projet de loi parce qu'il attend beaucoup, Mesdames et Messieurs les députés, du projet de loi qui va venir du gouvernement pour que l'on réponde mieux aux besoins des entreprises, par une formation plus adéquate, plus précise, et aussi en valorisant en amont l'apprentissage ! On a perdu depuis quelques années à Genève la notion de valeur de l'apprentissage.

A Genève, je crois que la question du chômage doit être réglée sur dix ou quinze ans: par une meilleure adéquation entre les demandeurs d'emploi et les entreprises, par une meilleure adéquation avec la formation des jeunes qui vont occuper les emplois dans cinq ou dix ans. Ce projet de loi est donc un emplâtre sur une jambe de bois. Le groupe radical vous recommande de le refuser.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité ad interim. Messieurs Stauffer, Catelain et Jeannerat, je prends acte de ce que vous venez de dire. Pour répondre à vos propos, ce projet de loi ne vise pas à résoudre le problème du chômage à Genève. S'il suffisait d'un projet de loi pour résoudre le problème du chômage dans notre société, cela ferait longtemps qu'il serait réglé.

Ici, on essaie de trouver des solutions humaines par rapport au chômage de longue durée. Le dispositif cantonal, après deux ans ou 18 mois de chômage fédéral, c'est en fait déjà un projet de loi fondé sur un constat d'échec ! Il concerne des personnes qui n'ont pas retrouvé de travail pendant 18 mois, et c'est extrêmement grave et dommageable pour elles. Dire que les emplois temporaires, c'est n'importe quoi et que cela ne sert à rien, c'est un énorme manque de respect par rapport aux personnes concernées qui ont tout à coup l'occasion, après deux ans ou 18 mois d'inactivité, de travailler. Le travail des emplois temporaires cantonaux est peut-être de durée limitée, mais il n'empêche que c'est un vrai travail, qui est utilisé par les collectivités publiques.

Et là, je prends acte des déclarations de M. Stauffer, notamment. Il dit qu'il ne faut pas soutenir les emplois temporaires parce que c'est une sorte d'esclavagisme et qu'il faut engager des personnes... Monsieur Stauffer, j'attends que le MCG tienne compte de cela lorsqu'il s'agira de voter des crédits supplémentaires pour les services de l'administration, pour les régies - Hôpital, TPG, etc. - et pour que les emplois qui sont actuellement en emplois temporaires cantonaux soient de vrais postes ! On vous attendra au tournant et on verra ce que vous faites ! Vous lancez de belles paroles, alors que vous n'étiez même pas en commission et que vous n'avez même pas suivi les débats...

Je trouve que ce projet de loi mériterait un petit retour en commission pour regarder de près ce que cela veut dire, combien cela va coûter, comment cela va fonctionner, est-ce que c'est si simple que cela... Est-ce que l'Etat va engager des personnes qui ont été 18 mois au chômage ?

J'attends des actes, et, à mon avis, cela aurait mérité une étude précise, poussée. En commission ! Et j'invite le MCG, l'UDC et les radicaux à montrer concrètement ce qu'ils vont faire contre le problème du chômage de longue durée au lieu de simplement s'opposer aux coûts de cette lutte. C'est cela le problème ! C'est que vous essayez de faire des économies sur le dos des chômeurs de longue durée et ce n'est pas acceptable.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. D'abord, j'aimerais dire que respecter les chômeurs, Monsieur Deneys... (Brouhaha.) ... ce n'est pas, comme vous semblez le faire, les prendre pour des zombies.

Je pourrais le faire, mais je me refuse à répondre une fois encore aux griefs que l'on m'exprime pour la quatrième fois à ce sujet. M. Deneys et d'autres les formulent à mon égard parce qu'au fond ils sont incapables de présenter des arguments sérieux. Par contre, je ne me priverai pas de relever que, si le parti socialiste et les Verts en sont réduits à défendre, semble-t-il pour se donner une âme ou pour justifier leur existence dans ce parlement, les idées aussi bizarres et inefficaces de la désormais «A gauche toute», je les plains !

Cela dit, je vous engage tous à ne pas accepter le renvoi en commission.

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Je remercie tout d'abord le député Charbonnier d'avoir rappelé le contexte. Ce contexte, je pense que nous devons prendre une minute ou deux pour l'évoquer, parce que, de ce point de vue, notre Etat n'est pas tout à fait à l'abri de la critique.

Le fait que le délai fédéral allait être raccourci était connu. Le fait que nous allions avoir un afflux assez fort de personnes qui auraient besoin d'un emploi temporaire et qui y auraient droit était connu également. Or, que s'est-il passé ? L'Etat, nous allons en reparler, a pratiquement fait en sorte de rendre ce projet de loi fondamentalement inutile, parce que l'augmentation du nombre d'emplois temporaires a été extrêmement forte dès l'automne 2005 et encore au début de 2006. Mais, pendant quelques mois, des centaines de personnes se sont retrouvées dans l'alternative suivante: aller à l'Hospice en perdant les droits à l'emploi temporaire ou accepter de vivre sur leurs réserves. Ensuite, il y a eu des correctifs, mais tout ceci a créé une émotion que je trouve justifiée et qui a amené un florilège de propositions. Si l'émotion est justifiée, cela ne rend pas forcément la proposition efficace par rapport au but poursuivi.

En outre, les raisonnements globaux en termes de pourcentage pour l'Etat de Genève ont un sens, à vrai dire, assez limité. C'est en cela que je comprends mal ceux qui font de la sensiblerie par rapport à ce projet. Croyez-vous vraiment que l'on puisse offrir l'équivalent de 3% du corps enseignant, qui compose le très gros des effectifs du «petit Etat», comme on l'appelle, aux chômeurs de longue durée ? Pensez-vous qu'il y a adéquation ? Non, malheureusement non ! Il en est de même à l'Hôpital. Il y a un volant qui peut se dégager, bien sûr, et il a été utilisé. Qu'est-ce que cela signifie ? Que l'effort de l'Etat a été concentré sur un certain nombre de départements qui, de par leurs tâches administratives, peuvent accueillir un peu plus de personnes, sans forcément, d'ailleurs, offrir un travail extrêmement intéressant. De l'équivalent, si vous voulez, de 5% d'occupation temporaire, le département dont j'ai la charge est passé à 10%. Est-ce une bonne chose, Mesdames et Messieurs ? Non ! Ce que nous avons gagné pour un temps, le temps d'absorber la vague, nous l'avons, à l'évidence, perdu en qualité d'accueil à l'égard de ces personnes. Il y a un taux où l'on peut imaginer que l'emploi temporaire ait une valeur de réinsertion. Et à partir d'un certain taux, ce n'est plus un emploi, c'est une occupation.

En outre, cela a été dit: dans certains services, et de façon chronique depuis près de dix ans, le quart de l'effectif est composé de personnes en occupation temporaire. Ce n'est pas n'importe quel département - j'adore ces approximations - c'est le département des institutions, hors les policiers, qui sont le gros de ses effectifs, et hors les gardiens de prison, qui représentent également une part importante des effectifs. Il s'agit donc exclusivement des services administratifs du DI.

Mais, là encore, que se passe-t-il ? Les personnes sont formées à un travail, vous l'avez compris, à l'office cantonal de la population ou à l'office des poursuites et faillites. Lorsqu'elles sont formées à ce travail, on leur dit: «Au revoir ! Vous n'étiez pas si mal, mais au revoir quand même, nous n'avons pas de poste !» Et cela recommence. La prestation en pâtit et la personne aussi, quelque part. A un moment donné, on n'est plus dans une politique de réinsertion, et c'est là que le problème se pose. Parce que, ce qui est vrai - et cela, personne ne peut le nier ici - c'est que, dans le cas où il n'y a pas de projet de réinsertion lié à un emploi temporaire, c'est la dernière marche avant l'Hospice, malgré le deuxième délai-cadre.

C'est à partir de là qu'entre en jeu le pronostic statistique de M. Flückiger: à la fin de l'emploi temporaire, s'il n'y a pas eu réinsertion, la descente aux enfers va bel et bien commencer. Il y a donc plusieurs choses à dire. La première, c'est que l'Etat, qui était entièrement préparé à un vote positif sur la loi qui avait été proposée lors de l'ancienne législature, a agi sur le plan humain d'une façon dont nous ne pouvons pas être fiers, puisque la loi était là et qu'on n'a pas vraiment réussi à l'appliquer par rapport à des gens qui n'y étaient pour rien.

Par ailleurs, nous devons admettre que les solutions proposées ici ont un caractère irréaliste, on s'en aperçoit dès qu'on les confronte à la réalité des services et à la réalité de ce qu'est l'Etat de Genève. L'Etat de Genève, c'est d'abord des enseignants, ensuite des infirmiers, ensuite des policiers. Ce sont les gros effectifs de l'Etat de Genève ! Et là, malheureusement, la capacité d'intégrer à certaines de ces fonctions des personnes en emploi temporaire ne sont pas nulles, mais faibles. Donc, ce n'est pas la bonne voie. Mais je souscris à tout ce qui a été dit: ce n'est pas parce que ce n'est pas la meilleure solution qu'il ne faut pas en trouver une.

Je me réjouis d'entendre les propositions venant du parti socialiste, puisqu'elles nous ont été annoncées. Le Conseil d'Etat a les siennes, il ne prétend pas qu'elles sont exhaustives, mais qu'elles sont une amélioration de la situation actuelle. Nous devons trouver mieux, mais, je vous en conjure, considérez qu'il est inutile aujourd'hui de charger, pour des raisons un tout petit peu liées à l'activité parlementaire ou à l'un ou l'autre de ses dysfonctionnements, la commission de l'économie d'un projet supplémentaire. En effet, si j'ai compris, nous aurons au moins deux projets, dont j'espère qu'ils seront novateurs à armes égales, si je puis m'exprimer ainsi: celui du Conseil d'Etat et celui du parti socialiste. Et cela devrait suffire pour nourrir notre réflexion.

J'ajoute une chose: un emploi temporaire, en effet, est moins payé et la productivité de la personne est moindre, mais, Mesdames et Messieurs, lorsque nous reparlerons de ces emplois temporaires, sachons que, comme collectivité publique, nous devons respecter le contrat. Le contrat, c'est: vous venez travailler, mais ce que vous ferez à l'Etat de Genève va renforcer votre employabilité. Et derrière les grands discours de gauche comme de droite, je n'ai pas l'impression qu'on se soit beaucoup occupé de l'efficacité de cet engagement. Lorsqu'il nous est dit par M. Flückiger que nous avons fait un arrangement - j'ai collaboré à cet arrangement comme député - je crois que c'est vrai. Je crois que plus les années ont passé, plus cet arrangement a montré ses limites.

Il faut aujourd'hui partir sur des bases nouvelles. Ce projet de loi n'est en réalité qu'une tentative finale pour sauver un système qui doit maintenant être remplacé. Nous avons besoin d'un système meilleur du point de vue de la réinsertion, meilleur du point de vue du respect du chômeur et qui, fondamentalement, nous rende des disponibilités financières pour créer des postes là où nous savons que nous emploierons des gens plutôt que de les faire tourner incessamment, de les faire travailler dans des postes qui devraient exister mais sans jamais pouvoir les engager parce que, de fait, les postes n'existent pas.

J'espère que vous vous en rappellerez quand nous viendrons vous expliquer pourquoi nous avons dépassé le 1% de croissance des charges du personnel. C'est notamment parce qu'en dehors des besoins de la justice nous avons noté que plusieurs services au département des institutions devaient maintenant avoir des postes stabilisés, de sorte à pouvoir une fois capitaliser tout l'effort de formation qui est fourni et cesser la valse infernale. (Applaudissements.)

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9625 à la commission de l'économie est rejeté par 56 non contre 13 oui et 6 abstentions.

Mis aux voix, le projet de loi 9625 est rejeté en premier débat par 45 non et 30 abstentions.

Le président. Nous suspendons nos travaux jusqu'à demain, 14h. Bonne nuit !

La séance est levée à 23h.