République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 9 juin 2006 à 20h35
56e législature - 1re année - 9e session - 44e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h35, sous la présidence de M. Michel Halpérin, président.
Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer et François Longchamp, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Charles Beer, Laurent Moutinot, David Hiler et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Luc Barthassat, Sébastien Brunny, Maurice Clairet, Béatrice de Candolle, Pierre Ducrest, Sophie Fischer, Renaud Gautier, Patricia Läser, Yves Nidegger, Pierre-Louis Portier et Pierre Schifferli, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Nous pouvons reprendre nos travaux là où nous les avons interrompus. Nous sommes au point 27 de l'ordre du jour.
Débat
M. Christophe Aumeunier (L). Cette motion demande d'étudier le déclassement de nouvelles zones industrielles mixtes ainsi que l'examen des possibilités de localisations de ces zones, notamment à proximité de l'autoroute.
Les libéraux sont favorables à cette motion pour les raisons suivantes. Il n'y a pas de zones spécifiques pour accueillir les centres commerciaux; il y a une inadéquation de la zone industrielle actuelle avec la tertiarisation des activités économiques et industrielles.
Il manque peut-être une invite à cette motion, relative à la densité de la zone industrielle parce qu'il est vrai que cette question doit être étudiée pour les zones de construction, mais aussi pour les zones industrielles. Cela me paraît important.
Il manque des surfaces pour favoriser l'implantation, le développement et la création d'entreprises et, directement, d'emplois à Genève, nous l'avons tous compris.
Cette motion pose de grands défis quant à l'aménagement du territoire, en particulier autour des axes structurants que sont l'autoroute et la liaison ferroviaire CEVA. Cela va de pair avec le développement du périmètre Praille-Acacias.
Les libéraux sont donc favorables au renvoi au Conseil d'Etat de cette motion.
M. Pascal Pétroz (PDC). Je dois vous dire, Monsieur le président, que je suis très triste ce soir parce que je pensais que vous étiez parfait. Vous ne l'êtes qu'à 99,9% parce que vous n'avez pas donné la parole aux auteurs de cette motion d'entrée de cause comme le règlement l'impose.
Plus sérieusement, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, le groupe démocrate-chrétien, comme beaucoup d'autres dans cette enceinte, s'est très fortement engagé en vue de la réalisation du projet d'implantation d'Ikea à Vernier. Malheureusement, pour des considérations juridiques que je m'abstiendrai de commenter, ce projet a capoté devant le Tribunal administratif. Il nous faut donc essayer de trouver des solutions pour les défis de demain. M. Aumeunier l'a très bien rappelé, ce que nous souhaitons, c'est qu'il y a ait plus de zones industrielles et commerciales dans le canton de Genève, pour pouvoir accueillir des entreprises, pour avoir plus de recettes fiscales et pour pouvoir à l'avenir faire des budgets un petit peu plus simplement que ces dernières années.
La mixité nous paraît également extrêmement importante, dans la mesure où la zone industrielle d'aujourd'hui n'est pas celle d'il y a 20, 30 ou 40 ans. On constate que dans toute une série de cas, l'exemple d'Ikea est à cet égard frappant, il s'agit plutôt d'activités commerciales qui tendent à se développer dans notre canton et c'est ce que nous souhaitons proposer par l'entremise de cette motion: plus de zones industrielles et commerciales et cette mixité qui nous tient très fortement à coeur.
Je vous remercie par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à cette motion en la renvoyant au Conseil d'Etat.
Le président. Je vous trouve très généreux avec votre petit pour mille d'imperfection. La vérité m'oblige à vous dire que vous avez raison mais cela demande un effort de lecture attentive. Pour le débat en général, selon l'article 71 du règlement, «les députés et les conseillers d'Etat parlent dans l'ordre où ils ont demandé la parole». J'aurais donc théoriquement eu raison, mais vous savez bien que la lex specialis derogat generali. Par conséquent, c'est vous qui aviez raison parce qu'au chapitre particulier des motions, il est dit que la proposition de motion est développée par un de ses auteurs, au moment fixé par le Grand Conseil. Donc, j'imagine que l'idée développée à l'article 147 aurait dû me permettre de vous donner la parole en premier. J'y ai manqué mais, heureusement, M. Aumeunier était du même avis que vous, ce qui fait qu'il n'a pas vraiment trahi votre position. Cela étant, merci de m'avoir ensuite rassuré sur les sentiments que vous me portez. Cela me permet de donner, apaisé, la parole à M. Hugues Hiltpold.
M. Hugues Hiltpold (R). Je voudrais rappeler qu'il y a deux ans le groupe démocrate-chrétien avait déposé un projet de loi qui demandait que l'on donne la possibilité de construire du logement en zone industrielle. Les radicaux avaient refusé ce projet de loi et avaient constitué une majorité, partant du principe que, d'une part, les zones industrielles étaient nécessaires et qu'il fallait en avoir sur le canton et que, d'autre part, si on voulait construire des logements dans des zones industrielles, il fallait alors procéder à des déclassements.
Cela étant, le groupe radical avait fait le constat qu'il y avait une incohérence dans le projet puisqu'il permettait la construction en zone industrielle de centres commerciaux ou de zones d'activités dites tertiaires, à savoir des bureaux. En ce sens, l'affectation de ces zones devait être précisée.
S'agissant de la motion, le groupe radical l'accueille favorablement et soutiendra son renvoi au Conseil d'Etat, mais il donne par ailleurs un signal au Conseil d'Etat, demandant à celui-ci de procéder à une actualisation de ces zones industrielles et la création d'une nouvelle zone, une nouvelle zone qui serait une zone d'activités, parce que, si on suit scrupuleusement cette motion, on fera perdurer ce que l'on peut considérer comme une aberration, puisque l'on demande précisément de construire des bureaux en zone industrielle. Vous en conviendrez tous ici, les bureaux et les centres commerciaux ne sont pas des activités typiquement industrielles.
Soutenons ce projet de motion et renvoyons-le au Conseil d'Etat, mais je propose au Conseil d'Etat de déposer un projet de loi pour créer une nouvelle zone d'activité.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue la présence à la tribune de notre ancien collègue, M. Patrick Schmied. (Applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve). La question posée par cette motion est une question importante. Faut-il développer les zones industrielles et y promouvoir des activités mixtes ? La question mérite d'être posée, mais il nous paraît difficile de la soumettre au Conseil d'Etat dans la forme proposée. Ce que vous ignorez ou faites mine d'ignorer, c'est que la loi sur l'aménagement du territoire donne un côté contraignant à la motion, en matière de déclassement ou d'aménagement. C'est-à-dire que la motion demande au Conseil d'Etat de faire un avant-projet conforme au plan directeur. Je pense que la motion va bien au-delà de ce que vous pensez faire réellement.
Il faut approfondir la réflexion. M. Aumeunier l'a signalé, il y a un travail à faire en zone industrielle sur la question de la densité. La question des commerces doit être étudiée de manière distincte. La question des prix doit aussi être reposée. On est tous d'accord que l'accueil dans ces zones, pour un prix très modique, des grandes entreprises du tertiaire n'est pas normal ! Ces zones à prix contrôlés devraient être réservées aux artisans.
Il est nécessaire de mener une réflexion sur les zones industrielles, mais je ne pense pas que la piste proposée par la motion soit la bonne.
D'autre part, on peut aussi se demander s'il faut implanter encore plus de centres commerciaux et détruire la mixité «commerces-habitats» existante en ville. Plus on construira des centres commerciaux en périphérie, moins il y aura de petits commerces en ville, ce qui n'est pas une bonne chose. C'est aussi un élément à prendre en compte.
Pour tous ces motifs, nous étions enclins à refuser cette motion, mais nous sommes d'accord de l'étudier en commission parce que, comme je vous l'ai dit, elle est trop contraignante pour être renvoyée directement au Conseil d'Etat.
Le président. Madame la députée, quelle commission demandez-vous ? (Mme Michèle Künzler répond hors micro.) La commission de l'aménagement.
M. Gilbert Catelain (UDC). La proposition du groupe démocrate-chrétien de favoriser la création d'emplois en zone mixte a un sens. Nous savons que le nombre des terrains qui sont disponibles est quasiment épuisé et le taux d'occupation des zones mixtes est de 97%, sauf erreur. Nous avons un besoin urgent de déclasser un certain nombre de terrains pour accueillir de nouvelles entreprises - respectivement de nouveaux commerces. Nous ne pouvons pas seulement accueillir des nouvelles populations et déclasser des terrains pour y construire du logement, si l'on n'est pas capable, dans le même temps, de permettre l'installation d'entreprises qui fourniront des emplois aux habitants. Les deux aspects sont liés.
L'Etat a tout intérêt à déclasser ces terrains puisqu'il exerce un droit de superficie et que ce droit de superficie engendre des recettes. Déclasser des terrains le long de l'autoroute de contournement est encore la meilleure chose qui puisse être faite, sachant qu'à long terme certains terrains agricoles ne pourront plus être exploités, en raison notamment de la politique du Conseil fédéral qui souhaite engager un nouveau round de négociations dans le domaine des biens agricoles, pour obtenir des accords bilatéraux tendant à créer une union douanière qui condamnerait l'agriculture genevoise - ce que l'on peut regretter.
Pour éviter que cette motion ne s'enlise à la commission de l'aménagement et sachant que le Conseil d'Etat sera suffisamment inspiré pour proposer un projet de loi concret et rassembleur sur cet objet, nous soutenons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Mme Carole-Anne Kast (S). Quant à la question juridique soulevée par notre collègue Michèle Künzler, nous considérons qu'il y a une ambiguïté qu'il s'agirait de lever. Si on suit les auteurs de la motion, celle-ci devrait pouvoir être interprétée comme une simple demande au Conseil d'Etat de travailler sur un sujet et de préparer un projet à soumettre au parlement. Il me semble que cette interprétation va dans le sens des précédents intervenants. La motion peut donc être considérée comme acceptable en l'état, quant à la forme.
Sur le fond, le parti socialiste soutiendra cette motion; elle soulève des bonnes questions. Peut-être que la proposition est un peu vaste, mais il s'agit d'une invite au Conseil d'Etat: c'est donc à lui de préciser ce qu'il en est. Le parti socialiste soutiendra cette motion parce que le problème de la mixité dans les différentes zones de notre canton - qu'il s'agisse de mixité de logement, de mixité d'emplois, de mixité de zone industrielle - est un des problèmes dans la gestion des communes et un des problèmes de la péréquation intercommunale. Comme nous l'avons déjà dit à de multiples reprises dans cette enceinte et dans d'autres lieux, il s'agit de trouver des solutions à ce problème. La mixité est une possibilité de solution des inégalités qui existent structurellement entre les différentes communes. Cette motion peut être formulée en tant qu'invite au Conseil d'Etat à se pencher sur la question et proposer des déclassements, prenant en compte une certaine mixité et, si possible, mettant l'accent sur les communes qui sont moins bien pourvues en emplois et en zones industrielles.
Le parti socialiste pourra apporter son soutien à cette motion ou l'examiner en commission. En l'état et interprétée, elle peut être renvoyée directement au Conseil d'Etat.
M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien s'oppose bien évidemment au renvoi en commission. A propos de la motivation de ce renvoi en commission, je souhaiterais dire ceci: il ne faut pas considérer la motion comme un instrument d'aménagement du territoire, présentant un caractère contraignant et imposant aux autorités de diligenter un projet précis. Ce n'est pas de ça dont il s'agit.
Il s'agit d'une motion du Grand Conseil, sans caractère obligatoire pour l'autorité, qui contraint seulement le Conseil d'Etat à rendre un rapport dans les six mois, sans que la violation de cette obligation soit pour autant sanctionnée. M. Cavaleri a relevé hier avec amusement que figurait à notre ordre du jour la réponse à une motion de Mme Gillet, déposée il y a 23 ans. Vous voyez que les délais pour les réponses aux motions ne sont pas franchement toujours respectés. Nous espérons qu'en l'espèce le délai sera respecté avec plus de rigueur. Nous avons vu récemment que le Conseil d'Etat met désormais un point d'honneur à répondre vite et nous l'en remercions.
En l'occurrence, la demande de renvoi en commission était motivée par un problème juridique qui n'en est en fait pas un. La situation est ici parfaitement claire: il s'agit d'une motion, sans caractère contraignant, qui doit juste donner lieu à l'élaboration d'un rapport par le Conseil d'Etat dans un délai de six mois.
Parce qu'il nous incombe dans cette enceinte de donner des signaux politiques clairs, ce que nous devons dire aujourd'hui, c'est si nous voulons plus de zones industrielles et commerciales et si nous voulons favoriser cette mixité. C'est bien de cela qu'il s'agit. Je pars du principe que l'écrasante majorité de ce parlement ne pourra qu'être favorable à cette idée, raison pour laquelle nous nous opposons au renvoi en commission.
M. Eric Stauffer (MCG). Le Mouvement citoyen genevois soutiendra cette motion. Nous avons toujours prôné la création d'emplois et de logements à Genève, il nous paraît donc important de soutenir de telles initiatives. J'en profite pour souligner que le Mouvement citoyen genevois est complètement hors des clivages politiques car, comme vous l'aurez remarqué, Monsieur le président, le MCG soutient autant des projets à droite qu'à gauche quand c'est pour le bien-être de nos citoyens. J'en ai terminé.
M. Hugues Hiltpold (R). Je ne m'exprimerai que sur le renvoi en commission, comme le prévoit le règlement du Grand Conseil. Le groupe radical refusera le renvoi en commission mais demande le renvoi au Conseil d'Etat. Je voudrais rassurer Mme Künzler: ce que demande la motion, c'est de proposer des déclassements au Grand Conseil. Une proposition du Conseil d'Etat se concrétisera par un projet de loi, à propos d'un périmètre précis. Le Grand Conseil devra donc de nouveau se prononcer, mais sur un périmètre donné. En ce sens, cette motion n'a aucun caractère contraignant; il s'agit simplement d'un signal politique donné au Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Madame Künzler ? Vous souhaitez retirer votre demande de renvoi en commission ? Non ?
Mme Michèle Künzler. Je souhaite intervenir.
Le président. La prise de parole est limitée à un représentant par groupe. Je fais d'abord voter le renvoi en commission et vous donnerai la parole ensuite. La parole est à M. le conseiller d'Etat Robert Cramer.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Pour ma part, je vous inviterai à refuser le renvoi en commission parce qu'au fond les préoccupations des motionnaires viennent totalement à la rencontre des réflexions du Conseil d'Etat actuellement en cours.
Dans le discours de Saint-Pierre, le Conseil d'Etat a indiqué qu'un des grands chantiers de la législature serait celui du réexamen du sort du périmètre Praille-Acacias qui est un périmètre où il y a toute sorte de choses - où il y a du logement, où il y a des activités et où il y a des activités de nature industrielle. Ce qu'en revanche vous ne pouviez pas savoir, c'est que, dans le même temps, il est apparu que la problématique de la zone industrielle, de son utilisation, de son avenir, de ses besoins, bien qu'elle n'est peut-être pas celle de cette législature - je n'ai pas cette impatience qui anime un certain nombre de députés - sera assurément une problématique de la prochaine législature et que nous devrions d'ores et déjà avancer très sérieusement dans cette réflexion complémentaire à celle liée au périmètre Praille-Acacias, pour savoir quelles mesures devraient être prises.
C'est ainsi que par une décision qui a été prise à la fin du mois de mai, le 17 mai pour être précis, le Conseil d'Etat a engagé des études assez importantes sur la problématique des zones industrielles. Ces études, bien sûr, ne sont pas uniquement destinées à nourrir la réflexion du Conseil d'Etat, elles doivent être largement partagées. Il y a donc un grand intérêt à ce que le Conseil d'Etat - comme le demande la loi portant règlement du Grand Conseil - puisse non seulement être nanti de cette motion, mais puisse aussi y répondre, non pas par des projets de lois ou par des mesures de déclassement concrètes, mais par le biais d'un rapport. Je crois réellement que, là, nous sommes dans un domaine qui est suffisamment sérieux et complexe pour que l'on ne puisse pas trancher à coup d'a priori.
Pour ma part je suis très ouvert sur les solutions qui pourraient intervenir. Comme le groupe radical, je vois quelques bonnes raisons d'être un peu perplexe quant à l'idée d'une mixité technique au sein des zones industrielles. En revanche, je suis beaucoup moins perplexe quant à l'idée que l'on puisse voir cohabiter de façon proche des lieux où l'on a des activités industrielles et des lieux où l'on habite, mais il y a aussi toutes sortes de problèmes liés au foncier, au statut des choses, qui doivent être approfondis. Je crois réellement que cette approche est suffisamment novatrice pour qu'on commence déjà par un premier rapport, qu'on en discute au Grand Conseil et que l'on voie ensuite dans quel sens on va évoluer. Nous n'oeuvrons après tout pas dans un vide complet. Nous avons une législation assez complète en matière d'aménagement du territoire, de sorte que nous pouvons nous offrir le temps de la réflexion. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille gaspiller ce temps, bien au contraire ! C'est maintenant que nous devons commencer à mener cette réflexion.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1684 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 54 non contre 15 oui.
Mise aux voix, la motion 1684 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 14 non.
Débat
Le président. Nous sommes au point 28. Le Bureau vous propose de le traiter en même temps que le point 29, tant les sujets sont proches. La proposition de motion 1686 concerne des Transports Publics Genevois gratuits pour les adolescents de moins de 16 ans, tandis que le point 29 concerne d'une part un rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition 920-B «contre les TPG» et d'autre part un rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1169-B «pour des TPG gratuits dès maintenant pour les élèves âgés de moins de 6 ans et pour la possibilité d'élargir cette gratuité aux élèves âgés de moins de 12 ans». Le débat portera, si vous le voulez bien, sur les deux points.
M. Eric Stauffer (MCG). Cette motion du Mouvement citoyen genevois a pour but de rendre gratuit les transports publics genevois pour tous les adolescents de moins de 16 ans, scolarisés ou apprentis. Nous nous sommes posé la question avec une perspective à moyen et à long terme car il est vrai que dans les années à venir, la circulation en Ville de Genève deviendra insupportable. Il ne s'agit pas d'instaurer des taxes supplémentaires pour coincer nos concitoyens. Il faut aller plus loin dans le raisonnement et éduquer les mentalités sur le moyen et le long terme. Si ceux qui sont de la même tranche d'âge, de la même génération que la mienne, avaient eu cette possibilité d'avoir des transports publics gratuits, peut-être seraient-ils aujourd'hui moins individualistes et moins portés sur les transports privés. Cette motion a donc pour but de faire un investissement sur le moyen et le long terme. J'en profite pour dire que l'idée de cette motion est venue par le biais des élèves du cycle d'orientation des Marais à Onex, puisque ma collègue Carole-Anne Kast et moi y avions été invités pour expliquer comment fonctionnait notre parlement. Les élèves nous ont soumis cette demande de pouvoir bénéficier de transports publics gratuits. Nous nous sommes penchés sur cette idée, au Mouvement citoyen genevois... (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y en a parmi vous qui semblent davantage intéressés par les transports «footballistiques» que par les transports publics. Qu'ils veuillent bien, dans ce cas, regagner sans bruit le salon où il y a des écrans.
M. Eric Stauffer. Merci, Monsieur le président. La paternité de cette idée de départ vient donc, comme je le disais, des élèves du Cycle des Marais où nous avions été invités avec Carole-Anne Kast. Nous nous sommes attelés, au Mouvement citoyen genevois, à proposer quelque chose de raisonnable, constituant un investissement sur le moyen et le long terme pour faire évoluer les mentalités et faire entrer dans les moeurs que le transport en commun est une des solutions d'avenir pour notre République.
M. Roger Golay (MCG). Pour éviter de prolonger le débat sur ces types de gratuité pour les transports publics genevois et puisque nous venons de traiter tout à l'heure la motion 1672 déposée par le groupe PDC, je propose le renvoi de cette motion à la commission des transports.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous débattons donc du renvoi à la commission des transports. La parole est à Mme Véronique Schmied.
Mme Véronique Schmied (PDC). Nous avons là plusieurs sujets qui vont un peu dans la même direction, mais ne se recouvrent pas tout à fait. Les TPG bénéficient d'une subvention sous forme de contrat de prestations qui leur permet de proposer une certaine offre aux citoyens. Ce contrat de prestations sera soumis prochainement à la commission des transports pour son renouvellement et il y sera examiné à la loupe car certains députés ont déjà fait des effets de manche quant à la rigueur à laquelle ils allaient soumettre les TPG.
Selon la théorie des vases communicants, si on accorde la gratuité à une catégorie particulière des usagers, ou bien on augmente le prix pour les autres usagers, ou bien on diminue l'offre sur l'ensemble du réseau. Cela ne serait pas acceptable pour les autres usagers. Vous pensez bien que ce serait contre-productif, en ce qui concerne l'incitation à utiliser les transports publics que cette motion défend - ou prétend défendre.
Deuxièmement, la gratuité totale est un piège. En Suisse, on est rarement tombé dans ce piège. Chez nous, ce qui a une valeur doit avoir un prix - prix correspondant à une prestation reçue - aussi minime ce prix soit-il. Accorder la gratuité à toute une catégorie de la population, catégorie qui plus est en période d'éducation, c'est faire croire à celle-ci que ses droits seraient extensibles à toute sortes de prestations, même les plus coûteuses. Finalement, c'est le fait de payer qui deviendrait anormal. Cette attitude des pouvoirs publics ne ferait qu'accroître la palette des droits des adolescents - des moins de 16 ans dont on est en train de parler - sans qu'ils aient à supporter un devoir en contrepartie. Quel devoir, en l'occurrence ? Simplement le devoir de respect envers le matériel mis à disposition et les prestations offertes, puisque de toute façon, quel que soit le prix de l'abonnement ou du billet, on ne couvre de loin pas le prix réel du transport. Il y a fort à parier que dans de telles conditions, les détériorations et la violence dans les transports publics - qu'on observe déjà - ne feraient qu'augmenter, par simple irrespect de la chose mise gratuitement à disposition.
Je vous donne un exemple pour conclure sur ce sujet de la gratuité. Si vous observez les alentours des caissettes de journaux payants et les alentours des caissettes de journaux gratuits, vous verrez, autour des premières, quand les lecteurs auront dû payer un certain nombre de francs pour leur journal, qu'aucun journal ne traîne et n'est jeté par terre, alors qu'autour des caissettes bleues des journaux gratuits, le sol est jonché de journaux, qu'on a jeté comme ça, parce qu'ils n'ont pas de valeur !
En ce qui concerne la pétition 920 sur la gratuité des transports pour les enfants de moins de 6 ans, la situation est différente. Actuellement, les enfants de moins de 6 ans voyagent gratuitement quand ils sont avec leurs parents et doivent payer quand ils sont avec leurs enseignants. Comment les parents peuvent-ils comprendre qu'on leur demande une participation financière lorsque leur enfant prend le bus avec l'enseignant, pour se rendre sur un lieu didactique, alors qu'ils ne payent rien pour leurs enfants lors de déplacements familiaux ? Les motifs tels que la sécurité, invoqués par les TPG, n'ont pas vraiment de sens. Si les enseignants s'entourent d'un nombre suffisant d'accompagnants pour encadrer les enfants dans une piscine, ce nombre d'accompagnants sera également suffisant pour assurer l'encadrement des enfants dans un bus.
L'extension de la gratuité aux enfants jusqu'à 12 ans est aussi proposée par cette pétition. Pourquoi pas ? Les transports publics constituent un support de l'enseignement puisqu'ils permettent d'atteindre des lieux didactiques - des musées, des théâtres, des lieux d'activités sportives. A lire le rapport, il semblerait que la prise en compte des déplacements massifs d'enfants nécessite la mise en service de bus supplémentaires par les TPG. Nous sommes en présence d'une situation où les besoins pédagogiques amènent les enseignants à prendre le bus à de multiples reprises durant l'année scolaire, mais en fin de compte le DIP est le seul à ne pas assumer une partie des charges occasionnées par ces déplacements. Les communes, elles, participent et assument des charges, parfois même en mettant des minibus à disposition de leurs écoles, lorsque celles-ci sont éloignées du centre-ville où se développent les activités pédagogiques. Les parents participent également, alors que l'organisation des activités scolaires leur échappe. Les enseignants participent en organisant des ventes de cartes de voeux ou de pâtisserie qui permettent de diminuer le coût de ces activités qui pèsent sur les porte-monnaie des parents. En bref, tout le monde participe, sauf le DIP.
Cela clarifierait le coût des activités pédagogiques recommandées par le même département, si celui-ci pouvait assumer une partie des charges afférentes au déplacement des enfants. Pour terminer, le rapport nous apprend que les communes peuvent bénéficier de conventions de transport avec les TPG pour obtenir des rabais pour leurs classes. Je constate, à la lecture du rapport, que seules 13 communes et institutions bénéficient de cet accord. En tant que magistrate communale responsable des écoles et ex-enseignante, je n'ai jamais eu connaissance de cette offre. Je pense donc qu'il y a une possibilité d'apporter une amélioration dans l'information à donner aux communes, pour qu'elles puissent bénéficier de cette convention.
En conclusion, le groupe démocrate-chrétien est opposé à la gratuité des transports pour les adolescents, vous l'aurez compris, mais il désire lier la motion 1686 et le rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 920 à la motion 1672 que nous avons votée dans la séance de la fin de l'après-midi. En renvoyant ça à la commission des transports, on aurait l'occasion de mener une réflexion globale sur les mesures incitatives. Je crois que c'est vraiment le pivot de ces trois objets: trouver des mesures incitatives pour que les jeunes et les moins jeunes - en l'occurrence on s'est focalisé sur les jeunes et les familles - utilisent toujours plus les transports publics.
Le président. La liste est close, mais je vous rappelle que nous avons deux parties à notre débat. D'abord, le débat sur le renvoi en commission, pour lequel sont encore inscrits Mmes Flamand et Chatelain, ainsi que MM. Catelain, Meylan et Barrillier. Il y a trois autres inscrits pour le cas où le renvoi en commission serait refusé, ce sont Mme Falquet et MM. Stauffer et Brunier, après qui la liste est close, évidemment sous réserve d'une intervention du conseiller d'Etat M. Cramer qui est également inscrit.
Mme Emilie Flamand (Ve). Les Verts sont favorables au principe de la gratuité des transports publics pour les moins de 16 ans et a fortiori pour les moins de 12 ans, si l'on parle des pétitions. Les Verts placent cette mesure dans une politique cohérente et financée.
Il faut rappeler que dans notre réflexion sur un contre-projet à l'initiative pour la gratuité des transports publics, nous proposons cette mesure pour les moins de 16 ans, justement. Notre projet de carte multimodale a l'avantage d'arrêter d'opposer les automobilistes et les usagers des transports publics et reconnaît que chacun utilise tour à tour les transports publics et les transports privés, parfois au cour d'une même journée. Dans notre contreprojet, nous proposons non seulement une diminution importante du prix des abonnements pour les transports publics, la gratuité pour les moins de 16 ans et une forte augmentation de l'offre des transports publics, mais, également et surtout, le financement de ces mesures.
Car c'est bien un ensemble de mesures qu'il s'agit d'articuler dans une politique ambitieuse pour améliorer le transfert modal et ainsi améliorer la qualité de vie et la santé des Genevois et, plus largement, celle de toutes les personnes qui se déplacent dans notre région qui compte aujourd'hui plus de 800 000 habitants.
Puisque la commission des transports débutera bientôt l'étude du contrat de prestations 2007-2010 entre l'Etat et les TPG, nous soutiendrons le renvoi en commission de cette motion, afin de pouvoir la traiter dans une perspective globale. En ce qui concerne les pétitions, nous prendrons acte du rapport du Conseil d'Etat.
M. Gilbert Catelain (UDC). Nous sommes saisis de deux objets qui visent à élargir la gratuité des transports publics dans ce canton, canton qui éprouve de grosses difficultés à maintenir son offre de transports ou à la développer, en raison de difficultés budgétaires. Nous sommes aussi liés par un contrat de prestations et le renouvellement prochain de ce contrat. Le groupe UDC a toujours été favorable à la liberté de choix, plus précisément à la liberté individuelle. Cette liberté de choix dépend aussi de la vérité des coûts. Si vous influez sur une seule variable, il est évident que vous ne permettez plus une réelle liberté individuelle de choix du moyen de transport.
Il est évident que dans notre canton-ville, nous devons favoriser l'utilisation des transports en commun. Il est évident qu'il faut développer une offre de transports publics, qu'il faut développer la vitesse d'exploitation de ces transports publics. Pour cela, il faut assurer des recettes financières en lien avec ce développement. A partir du moment où vous instaurez une gratuité supplémentaire pour les enfants jusqu'à l'adolescence, vous marquez un autogoal. Comment expliquerez-vous à un adolescent, qui pendant toute son enfance aura bénéficié de cette gratuité, qu'il devra payer, à partir de l'âge de 17 ans ? Pourquoi pas à partir de 18 ans, après tout ? Pourquoi pas dès l'âge de 19 ans seulement ?
Nous devons inciter notre population à utiliser les transports publics et la meilleure des incitations réside dans une offre de qualité. Ce week-end encore, à l'occasion du match Brésil-Nouvelle Zélande qui a eu lieu au Stade de la Praille, je me suis fié à l'article de la Tribune de Genève qui disait qu'il y aurait davantage de bus 14 et de trams sur la ligne 15 ce jour-là. De bus de la ligne 14, à l'aller, je n'en ai pas vu de supplémentaire. J'ai donc d'abord pris le bus 6, puis le tram 15. Au retour, j'ai pris le tram 17, parce qu'il n'y avait pas de tram 15 - il n'y en a eu que deux en quarante minutes. J'ai mis une heure pour faire le trajet La Praille-Vernier. J'y serais allé à pied, ça m'aurait pris moins de temps ! (Brouhaha.)
Tout ça pour dire que nous avons meilleur temps d'accroître les recettes pour financier cette offre de transport et que cela passe aussi par une solidarité des mineurs, même s'il faut favoriser une politique familiale en la matière et que nous soutenons le renvoi en commission de cette motion 1686, comme nous avons soutenu le renvoi en commission de la motion 1672.
Cela étant, nous sommes opposés à une gratuité des transports publics sans contrepartie, qui va engendrer toute une série de problèmes que l'entreprise TPG sera incapable d'assumer, sans une modification sensible du contrat de prestations et sans une contribution budgétaire supplémentaire que votera ce parlement, alors que toute la politique qui a été menée ces quatre dernières années vise à accroître l'autofinancement de l'entreprise TPG.
Je rappelle aussi, juste pour l'anecdote, que notre jeunesse souffre de plus en plus de surcharge pondérale. Nous pourrions envisager l'utilisation de modes de transports un peu plus écologiques, notamment le vélo. (Commentaires.) Je suis heureux de voir que de plus en plus de personnes, notamment des femmes, utilisent ce moyen de transport et nous pourrions profiter de la coupe du monde de football pour voir ce qui se fait en Allemagne, où les transports publics sont payants pour tout le monde, où les contrôles dans les trams sont quasiment systématiques. Les gens utilisent néanmoins les transports publics et tout le monde paie parce qu'il y a une solidarité et une complémentarité de transports, une complémentarité «vélo-transports publics».
Pour ce motif, je pense qu'un large débat doit être mené en commission, en concertation avec les Transports publics genevois. Ce débat devrait être aussi régional puisque nous développons des lignes transfrontalières et que nous allons mettre en place des structures administratives pour gérer ces lignes transfrontalières. Nos partenaires français seront peut-être réticents à développer des lignes de transport transfrontalières si nous leur imposons cette gratuité - aussi sur les lignes transfrontalières. Je ne suis pas persuadé que nos partenaires français accueilleraient cela d'un bon oeil.
Mme Elisabeth Chatelain (S). Je serai plus brève que les deux personnes qui m'ont précédées et je tâcherai d'être le plus claire possible. Je vais d'abord parler de la motion 1686. Nous souhaitons la renvoyer à la commission des transports. Cette motion est évidemment à lier, dans cette commission, à la réflexion sur l'initiative demandant la gratuité des transports publics.
La gratuité semble évidemment intéressante pour différentes raisons, mais il faut que l'on soit très clair: l'argent ne va pas tomber du ciel ! Donc, si nous voulons aborder cette discussion de la façon la plus ouverte possible, je crois qu'il ne faut pas oublier que ces transports ont un coût et qu'il faudra trouver le moyen de couvrir le coût induit par des propositions de ce type. Par rapport à cette motion, j'aimerais juste m'étonner du fait que les jeunes jusqu'à 16 ans ne peuvent sortir que jusqu'à 19h30, à ce qu'il semble. Je crois quand même que c'est un petit peu tôt. Vous souhaitez une gratuité des transports publics pour ceux-ci entre 6h30 et 19h30. Cela me paraît un peu compliqué à gérer si on n'accorde pas la gratuité sur toute la journée.
J'aimerais ensuite aborder le point 29, donc la pétition 920-B et la pétition 1169-B. Ces deux pétitions ne sont pas récentes mais elles sont encore d'actualité. Dans son rapport, le Conseil d'Etat considère la situation comme étant satisfaisante, contrairement à la commission des pétitions.
Je crois qu'il faut bien réfléchir: on se trouve dans une situation où certaines communes ne peuvent pas financer le transport de leurs élèves. Elles le voudraient éventuellement, mais elles ont d'autres charges. Quand on reporte des charges sur les communes, on doit être attentif à l'égalité de traitement entre les élèves dans les différentes communes.
Il faut aussi relever que pour les sorties culturelles des classes, vivement conseillées par le DIP, il y a un règlement qui stipule que les enseignants n'ont pas le droit de demander plus de vingt francs par année aux parents pour ces sorties scolaires. Si, à chaque fois il faut compter le coût du transport, il n'y a pour finir plus qu'une ou deux sorties par année, ce qui est vraiment dommage. Car si les jeunes ont besoin d'apprendre à utiliser les transports publics, il est aussi très important qu'ils puissent participer à des sorties à buts culturels. Ils en ont aussi besoin. La plupart du temps, dans les communes les plus défavorisées, les enfants n'ont pas cette possibilité et ne peuvent pas accéder à ces activités.
Donc, je crois qu'en commission des transports nous serons très attentifs à cette question de la gratuité et à ce problème de l'accessibilité des transports à tous les jeunes. Nous étudierons tout ça dans le cadre de l'examen du contrat de prestations et nous n'oublierons pas ces aspects: nous lierons le tout. (Applaudissements.)
M. Alain Meylan (L). Le groupe libéral s'opposera à la motion 1686 et prendra acte du point 29 sur les pétitions 920 et 1169.
Ces dernières pétitions ont fait l'objet d'un rapport du Conseil d'Etat. Il s'agit d'anciennes pétitions qui ont vu depuis leur dépôt passer beaucoup d'eau sous les ponts et de modifications de tarifs. Je crois que les réponses apportées sont satisfaisantes et ne nécessitent pas plus de commentaires si ce n'est de les admettre et d'en prendre acte.
Concernant la motion 1686, j'ai presque imaginé un instant soutenir son renvoi en commission. Toutefois, quand on lit avec précision et attention l'invite, on remarque quand même certains points qui ne peuvent être soutenus. Certains points problématiques ont déjà été relevés, comme la limitation des horaires. Mais que penser de la limitation de jours. Pourquoi jusqu'au samedi seulement ? Le dimanche, les jeunes n'auraient plus le droit de circuler gratuitement, d'aller au cinéma en famille ? La proposition est, à ce titre, excessive - sans compter qu'un contrôle deviendrait naturellement impossible. A la fin de la phrase d'invite, permettez-moi de relever que la proposition concerne les «adolescents de moins de 16 ans scolarisés ou apprentis à Genève». Imaginez la difficulté pour faire des contrôles ! Cela veut dire que les petits confédérés qui viennent pour des courses d'écoles en avril, mai ou juin, n'auraient pas droit à la gratuité ?
Allons ! Messieurs, un peu de sérieux ! Il y avait peut-être là une bonne idée, mais il y a dans les termes du texte quelque chose que l'on ne peut absolument pas soutenir et je vous invite à refuser cette motion sur le siège. Je vois là un dérapage. Si on peut envisager d'étudier en commission les motions précédentes, ce n'est pas le cas pour celle-ci, en considérant le texte qui nous est présenté, et non pas seulement les discours d'aujourd'hui.
Le groupe libéral ne peut pas entrer dans cette discussion. Ce serait aussi iconoclaste que de penser qu'on pourrait donner la gratuité dans les transports publics aux 10% de contribuables qui paient les 60% des dépenses de l'Etat. Ces gens auraient autant le droit, si ce n'est plus, de demander et d'exiger cette gratuité. Si l'on rentre dans ce genre de discours, on n'arrivera pas à trouver des solutions pour le développement des transports publics.
M. Gabriel Barrillier (R). Le groupe radical va prendre acte des rapports sur les pétitions 920 et 1169. En revanche, en ce qui concerne la motion 1686, j'ai bien écouté mes préopinants. Même Mme Chatelain a dit que l'argent n'allait pas tomber du ciel. Demain, on rase gratis ?
Je ne vais pas être très long. Je crois que ce projet donne un mauvais signal, après quelques contacts avec des jeunes - M. Stauffer a expliqué d'où venait cette motion. On leur a demandé ce qui leur ferait plaisir, ce qui leur semblait onéreux. Etait-ce le dancing, les transports, le scooter ? C'est facile, quand on discute avec des adolescents, de susciter des espoirs indus et de faire croire que dans la vie tout est gratuit.
On peut discuter de la gratuité pour des catégories socio-professionnelles précises, pour les familles, dans un but d'incitation ou de facilitation. Mais là, Mesdames et Messieurs les députés, il y a un signal fort disant que tout est gratuit. Le téléphone portable est gratuit ! On voit les contentieux qui existent dans ce domaine ! Je ne suis pas un spécialiste de ce sujet, mais j'ai lu que beaucoup d'adolescents ont des problèmes de paiement de leurs factures. C'est un mauvais signal que donnerait ce projet. On a un sentiment dans cette société, ce n'est pas ringard de le dire, que tout est gratuit. Heureusement que l'air qu'on respire est gratuit, que l'eau qu'on boit est en principe... (L'orateur est interpellé.) ...pas trop chère. Mesdames et Messieurs les députés, c'est un mauvais signal que vous donnez ! Et je m'adresse à mes collègues du MCG: c'est facile de dire que c'est gratuit ! Et puis, à 16 ans et un jour, que va-t-il se passer ?
Une voix. Il faudra payer !
M. Gabriel Barrillier. Il faudra payer ! (Rires.) Et on n'aura pas l'habitude de payer. J'estime que c'est de la mauvaise pédagogie ! C'est du populisme gratuit et facile !
Une voix. C'est du populisme payant !
M. Gabriel Barrillier. Et c'est pour cette raison-là que le groupe radical refuse de renvoyer cette motion à la commission des transports, en donnant tout de suite la couleur. Nous refuserons cela sur le siège.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je m'exprimerai ici, pour autant que M. Stauffer y consente...
M. Eric Stauffer. Nous avons été mis en cause en étant traités de populistes ! Je dois pouvoir réagir ! Puis-je avoir la parole ?
Le président. Monsieur Stauffer, voulez-vous, je vous prie, regagner votre banc sagement et continuer à vous montrer respectueux des usages de cette assemblée, comme vous l'avez fait tout à l'heure, et ne pas interrompre M. le conseiller d'Etat, comme je veille à ce que l'on ne vous interrompe pas quand vous prenez légitimement la parole, ce qui n'est plus le cas désormais.
M. Robert Cramer. Au risque de passer pour un rabat-joie, je me dois de vous dire que non seulement rien n'est gratuit, mais la question est aussi de savoir qui paie. J'appelle le Grand Conseil à un minimum de cohérence et à un minimum de réflexion. Pourquoi un minimum de cohérence ? On nous propose une motion demandant des transports publics gratuits pour les jeunes de moins de 16 ans. Un chiffrage a été fait. Cette proposition signifie exactement 15,5 millions de francs auxquels il faut ajouter une augmentation des charges d'exploitation - parce que ce premier chiffre correspond uniquement au manque à gagner. Car j'espère bien que, quand même, plus de gens prendront le bus en raison de cette mesure ! Ce qui impliquera d'acheter des bus supplémentaires et de payer des chauffeurs pour un surcoût d'environ 10%.
Que signifient ces chiffres ? Je peux vous le dire très concrètement: 15,5 millions de francs, c'est à peu près la somme, dans le contrat de prestations, dont nous avons besoin pour augmenter de 20% l'offre en matière de transports publics ces quatre prochaines années.
Maintenant, je prends ces 15,5 millions: j'y rajoute les quelques centaines de milliers ou quelques millions de francs qu'impliquent les 10% d'augmentation des charges d'exploitation; j'y ajoute les 600 000 à 800 000 F dont on parle dans la réponse du Conseil d'Etat aux pétitions 920-B et 1169-B; j'y ajoute aussi le coût de la proposition de motion, renvoyée en commission tout à l'heure, sur le stationnement gratuit pour les voitures écologiques. Combien ça coûte que d'offrir des prestations plus importantes aux familles et autres ? Au final, j'arrive à un montant d'à peu près une trentaine de millions de francs. 30 millions de francs, c'est quoi ? C'est le montant sur lequel le débat portait hier, quand il s'agissait de savoir s'il était admissible, pour obtenir un budget en 2006, de demander cet effort, de façon globale, à toutes les communes du canton.
Je vous avais dit, lors de ce débat, à quel point je regrettais le recours à ce genre de demande, mais que, vraiment, on ne pouvait pas faire autrement. Je vous en supplie, Mesdames et Messieurs les députés ! Avant d'avoir des bonnes idées pour dépenser de l'argent, ce dont nous sommes tous capables, sur tous les bancs, commençons d'abord par essayer d'avoir un budget à peu près équilibré. Nous sommes actuellement loin du compte.
Si je vous fais ce préambule, c'est pour vous dire que je me suis abstenu d'intervenir sur les deux motions débattues tout à l'heure parce que j'ai le sentiment qu'en commission on arrivera probablement à arrondir les angles et à trouver quelques bonnes idées pour aller dans le sens des propositions qui visent à soulager les familles. Pour ma part, j'y suis attaché. J'espère véritablement que, peut-être par le biais de mesures d'information sur l'offre des TPG, peut-être qu'ici ou là par quelques arrangements dans la façon de pratiquer, on arrivera à trouver des solutions. Je vois aussi, dans les enveloppes que nous avons, que nous pouvons essayer de trouver quelques solutions pour favoriser encore plus - parce que je pense que c'est important - les voitures qui sont les moins polluantes. Mais, lorsque j'ai sous les yeux des chiffres qui sont aussi élevés, pour une proposition diamétralement opposée au message du Conseil d'Etat relatif à l'initiative préconisant la gratuité des transports publics, je vous dis, sur ce point-là, non ! Dans ce message, le Conseil d'Etat vous a dit que c'était une mauvaise initiative sur le fond, et qu'il vous inviterait à la refuser. Il s'agit ici de la même question. Mesdames et Messieurs les députés, prenez vos responsabilités ! 15,5 millions, c'est beaucoup trop, nous n'arriverons jamais à les trouver. Inutile d'aller en commission ! Refusez le renvoi en commission et rejetez cette motion ! C'est un message que vous devez donner. Vous devez le donner à l'administration, vous devez le donner à ce Grand Conseil !
Il n'est plus acceptable de venir, séance après séance, proposer des bonnes idées, issues de tel cycle d'orientation, de tel ami qu'on a croisé dans la rue, de tel article qu'on a lu dans le journal, idées qui se traduisent ensuite par des surcoûts de dizaines de millions de francs pour la collectivité. Le Conseil d'Etat est ensuite invité à jouer le rôle de rabat-joie, en disant: «Malheureusement, cela nous ne pourrons pas le faire». Eh bien ! Je joue ce rôle: je suis le rabat-joie, je suis le Père fouettard. Refusez cette motion, nous n'avons pas ces 15 000 000 F ! Dans le même temps, prenez acte des rapports sur les pétitions, ces deux pétitions qui ont déjà été examinées en commission lors d'une législature qui a eu lieu dans les années 90 et plus récemment dans une législature qui a eu lieu à la fin des années 90. Le Conseil d'Etat y répond.
S'il se trouve parmi vous des députés qui considèrent que c'est une très bonne idée que de dispenser quelques instituteurs de remplir les formulaires nécessaires à l'obtention de titres de transports pour leurs élèves, eh bien, qu'ils prennent leurs responsabilités, mais pas en renvoyant pour la deuxième fois une pétition au Conseil d'Etat, ce qui serait une injure à l'administration parce que nous avons répondu à la pétition. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas d'accord que l'on vous a mal répondu ! On vous a juste dit que nous ne sommes pas d'accord. Que ces députés prennent leurs responsabilités en déposant une motion, et on verra à ce moment-là s'il y a une majorité dans ce Grand Conseil pour dire: «Mais oui, quelle bonne idée, allons-y ! Encore 800 000 F à dépenser !». Alors que, dans le même temps, on nous demande, à la commission des finances, séance après séance de ce Grand Conseil, de compter les gommes et les crayons, de nous efforcer de couper sur les dépenses générales de l'Etat. On nous demande de confisquer les natels, de savoir si les collaborateurs qui doivent manger sur leur lieu de travail ont droit à 25 F, à 30 F ou à 32 F.
Voilà où l'on en est actuellement, à l'Etat. Mais, dans le même temps, évidemment, 800 000 F, ce n'est rien du tout, quand c'est pour nos chers enfants ! Je vous invite donc tout à la fois - et je n'interviendrai plus - à refuser le renvoi en commission, à refuser cette motion et à prendre acte des pétitions. (Vifs applaudissements de l'Entente.)
Des voix. Encore, encore !
Une voix. Cramer for president !
Le président. Je mets aux voix le renvoi à la commission des transports de la motion 1686.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1686 à la commission des transports est rejeté par 35 non contre 30 oui et 9 abstentions.
Le président. Je vous pose la même question pour le rapport P 920-B et P 1169-B.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur les pétitions 920 et 1169 à la commission des transports est rejeté par 69 non contre 5 oui.
Le président. Je donne maintenant la parole, pour la fin du débat, aux trois députés inscrits avant la clôture de la liste.
M. Eric Stauffer (MCG). Je n'ai malheureusement pas pu intervenir avant le renvoi en commission puisque c'est comme ça qu'on l'avait prévu, au MCG. Tant pis ! Notre motion n'ira pas en commission. Néanmoins, je veux quand même éclaircir certains points. Pourquoi avons-nous fait limiter la gratuité à six jours par semaine et prévu des horaires à son application ? Parce que les initiateurs ont voulu privilégier les enfants pendant les horaires scolaires ainsi que les enfants qui allaient à l'école et étaient en apprentissage. Voilà pourquoi nous avons voulu faire cela.
Maintenant, je suis désolé d'entendre les propos que j'ai entendus ce soir, notamment venant de certaine députée qui roule en Porsche décapotable ! Evidemment, la gratuité des transports publics pour les moins de 16 ans, cela ne l'intéresse que peu ! Des milieux de droite ont fait de grands discours en disant: «Mais où allons-nous trouver l'argent ?» Mais quand il s'agit d'aller poursuivre les gens de la BCGe, il n'y a plus personne au portillon ! Je trouve ça lamentable ! De même, le conseiller d'Etat M. Cramer devrait normalement privilégier les transports en communs ! Nous avons parlé, nous du MCG, d'investir sur l'avenir, pour faire évoluer les mentalités et privilégier les transports en commun.
Voilà ce que je voulais dire ! Maintenant, le renvoi en commission n'est plus possible. Aussi, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Christian Brunier (S). Première chose. Peut-être une petite pique au PDC... (L'orateur est interpellé.) Mme Schmied nous donne toute une leçon sur la gratuité... Il est vrai que les prestations offertes gratuitement posent toujours problème, et le PDC vient fustiger cette motion en disant que c'est scandaleux, mais je vous rappelle que sur deux ou trois points de l'ordre du jour, vous étiez en train de proposer des parkings gratuits pour des voitures. Vous ne pouvez pas dire que c'est scandaleux d'offrir le bus à des gosses de 16 ans, alors que, juste auparavant, vous avez décidé d'offrir - certes pour des voitures peu polluantes, mais quand même - des places de parking gratuites pour des voitures ! Alors que l'on sait que le nombre de voitures va prendre... (Brouhaha.)
Le président. Monsieur le député, veuillez vous adressez à la présidence, je vous prie.
M. Christian Brunier. Avec plaisir, Monsieur le président. Vous transmettrez donc au PDC qu'il n'est pas acceptable - dans un canton où tous les chiffres montrent que le transport automobile va augmenter de 40%, voire 50%, dans les quinze ans à venir - d'offrir la gratuité pour les voitures et de ne pas le faire pour les enfants de 16 ans !
Deuxième chose, le PDC fait un raccourci très néfaste en disant que s'il y avait davantage de jeunes dans les bus il y aurait davantage d'insécurité et d'irrespect. Je vous rappelle que - et cela a été démontré dans un tas d'études au niveau international - plus on criminalise les jeunes, plus on les montre du doigt, plus les jeunes jouent ce jeu-là. Beaucoup de jeunes respectent les biens publics, beaucoup font plein de bonnes choses, mais on n'en parle que rarement, malheureusement. (Brouhaha.) J'aimerais que dans ce parlement, on soit un peu plus respectueux avec la jeunesse. On insulte la jeunesse quand on parle de l'école, on insulte la jeunesse quand on parle des jeunes qui prennent le bus. Respecter les jeunes est le minimum que ce parlement peut faire. (Brouhaha.)
Maintenant... (Brouhaha.) Je vous laisse finir vos discussions personnelles, Monsieur le président... Voilà... Maintenant, on peut diaboliser M. Stauffer, mais il a dit quelque chose de juste. Il a demandé: «Est-ce que la gratuité est une question qui se pose ? Est-ce que la gratuité peut sensibiliser les jeunes à prendre le bus plus souvent qu'aujourd'hui ? Et, s'ils le prennent quand ils sont adolescents, ne vont-ils pas développer ce schéma quand ils seront adultes ?» C'est une question qui n'est pas idiote, on peut le ridiculiser chaque fois qu'il dit quelque chose, mais ce n'est pas la bonne solution pour ce parlement.
Au parti socialiste, nous pensions que cette motion pouvait être étudiée en commission, surtout dans la perspective de l'étude du contre-projet par rapport à la gratuité des transports publics. Vous savez que le parti socialiste est contre la gratuité des transports publics, dans sa grande majorité, tout simplement parce que cela coûte trop cher et que l'initiative ne prévoit pas de financement - le risque étant donc de couper les moyens aux TPG, car une initiative qui prévoit de développer les transports publics aura comme résultat de couper les moyens et d'avoir moins de transports publics. Nous sommes contre cette initiative, mais nous sommes pour l'élaboration d'un contreprojet, afin d'éviter que la population tombe dans le piège de la gratuité un peu facile.
Il y a des possibilités de contreprojet et on pensait que cette motion pourrait être aussi étudiée dans ce cadre. La question de laisser les adolescents prendre gratuitement le bus est une question que l'on peut se poser dans cette optique. Nous pensions que le renvoi en commission était la bonne solution, mais il est refusé. Nous devons donc... (Brouhaha.) Monsieur le président, on ne peut pas débattre dans ce climat. Il me semble que quand la droite parle dans un chahut, vous êtes beaucoup plus vigilant que lorsque la gauche s'exprime.
Le président. Monsieur le député, ne soyez pas injuste, si vous le pouvez. Il est 21h40, cela fait une heure que l'on parle de ce sujet. Et on en a parlé sur d'autres tons, mais à peu près de la même manière, pendant une bonne demi-heure cet après-midi. Vient le moment inévitable dans cette assemblée, et surtout le vendredi soir, où la lassitude l'emporte sur la capacité d'attention et ce n'est pas faute à la présidence de rappeler constamment qu'il faut essayer d'être cursif. Maintenant, c'est à vous d'essayer de regagner l'attention des troupes. Comme d'habitude, j'invite ceux que cela n'intéresse pas vraiment à faire leur brouhaha ailleurs, cela dérange beaucoup moins les orateurs.
M. Christian Brunier. Faites-le un peu plus constamment, cela sera beaucoup mieux, Monsieur le président. Je l'ai dit, un renvoi en commission aurait permis d'analyser sereinement ce projet. Vous avez refusé ce renvoi en commission et, maintenant, nous devons nous profiler pour savoir si on le renvoie au Conseil d'Etat ou pas. Franchement, cette motion comporte deux ou trois aspects qui nous gênent, et on ne la vote pas avec plaisir.
Monsieur le conseiller d'Etat Cramer, vous vous êtes positionné à plusieurs reprises comme une sorte d'éminence grise du gouvernement et on aimait bien cela. Par contre, quand vous êtes en train d'infantiliser le parlement... (Exclamations.) ...en nous donnant des leçons, on pense que ce n'est pas juste. Nous enverrons cette motion au gouvernement - si une majorité se rallie à nous, ce qui est peu probable - car vous n'expliquez pas d'où vous sortez les chiffres que vous évoquez et ils sont très élevés. 30 millions pour la gratuité jusqu'à seize ans ! Alors que vous êtes en train de recommander la gratuité jusqu'à dix ans, c'est un peu facile. On aimerait des explications sur ces chiffres et une analyse un peu plus pointue, comme vous êtes capable de le faire. Là, vous avez essayé de faire un show qui n'est pas dans vos habitudes. D'habitude, vous êtes beaucoup plus pointu que cela. Nous voterons pour le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Le président. Mme Falquet ayant renoncé à s'exprimer, nous avons achevé ce débat. Je vais donc soumettre au suffrage de cette assemblée l'acceptation de la motion... (Le président est interpellé.) Comment, Monsieur Hodgers ?
M. Antonio Hodgers. L'article 79-A, Monsieur le président !
Le président. Vous pouvez proposer d'interrompre immédiatement le débat. C'est ce que vous allez faire ?
M. Antonio Hodgers (Ve). L'article 79-A dit: «Un député peut en tout temps interrompre le débat pour inviter le Bureau à faire appliquer le règlement.» Si vous me passez la parole, je vais vous expliquer comment appliquer le règlement. (Rires. Exclamations.)
Le président. Vous êtes gentil, mais il me semble que sur ce sujet, j'ai quelques lumières. Dites-moi de quoi vous voulez parler.
M. Antonio Hodgers. Pendant le débat qui précédait la demande de renvoi en commission, vous avez - avec l'accord du Bureau - clos la liste des intervenants, comme vous avez droit de le faire au nom de l'article 78-A, qui dit: «Lors d'un débat particulièrement long, le Bureau propose de clore la liste des intervenants» - il le propose au Grand Conseil, mais M. le président décide toujours tout seul - «en précisant le nom des députés restant à intervenir.» Le Bureau propose, mais ne décide pas. Le Bureau a la pratique de décider et cela depuis bien avant la présidence de M. Halpérin - et heureusement, je vous l'accorde.
L'article 78-A dit bien «lors d'un débat particulièrement long». Qu'est-ce qu'un débat selon notre règlement ? Voyons l'article 73: «Débats», et notons le pluriel. Je cite: «Dans chaque débat, nul ne peut prendre plus de trois fois la parole sur le même sujet»; «Lauteur de la proposition a le premier la parole,» etc. Un débat, ce n'est pas un point à l'ordre du jour. Un débat, c'est le premier débat, deuxième débat, troisième débat ou bien le débat de renvoi en commission. C'est pour cela que, dans le cadre du débat budgétaire, des personnes prennent plus de trois fois la parole, car il y a débat sur chaque point - c'est pareil pour un projet de loi.
Monsieur le président, vous avez clos la liste des intervenants - vous en aviez le droit - pour le débat de renvoi en commission. Cette proposition ayant été refusée, les Verts voulaient préciser pourquoi ils ne souhaitent pas - malgré notre soutien au renvoi en commission de cette motion - soutenir le renvoi au Conseil d'Etat. Nous estimons que nous en avons le droit, en vertu de notre règlement. Vous avez été élu à cette place pour appliquer le règlement, et non pas pour appliquer votre vision sur la gestion de ce parlement. Je vous prie de vous tenir à vos fonctions et de vous tenir à la loi, car la loi c'est le respect de la démocratie (Applaudissements.)
Le président. Monsieur le député, merci de cet utile rappel à la modestie et au règlement. Je vous renvoie à l'article 147. En matière de motion, il est ouvert un seul débat, et non pas trois. Je mets aux voix la proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 1686 est rejetée par 41 non contre 18 oui et 1 abstention.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur les pétitions 920 et 1169.
Débat
Le président. Le rapport de Mme Anita Cuénod est-il repris ? Il n'est pas repris. Je passe la parole à M. Thion. (Brouhaha.)
M. François Thion (S). Puisque personne ne veut prendre la place de Mme Anita Cuénod comme rapporteur, j'aimerais juste rappeler l'objet de la pétition, comme elle l'a fait, d'ailleurs, au début de son rapport. La pétition propose d'aménager un nouvel espace vert dans le quartier de Malagnou, plus précisément un «Jardin des justes», destiné à honorer les personnes qui ont sauvé des vies pendant la deuxième guerre mondiale.
C'était donc, la première fois que nous avons vu cette pétition, une demande claire et visiblement honorable. Mais les commissaires ont été surpris de comprendre, lors de l'audition des pétitionnaires qu'en fait ceux-ci s'opposaient à la construction d'une synagogue sur le même emplacement et qu'un recours de leur part en ce sens auprès du Tribunal administratif avait été rejeté.
A l'époque, les membres de la commission avaient eu l'impression d'avoir été trompés par les pétitionnaires. Au moment où il a fallu voter, il y a eu une petite divergence sur le sort à donner à cette pétition. Cette divergence était infime, mais je dois la signaler. Nous étions donc tous d'accord que nous avions été trompés et une majorité de la commission souhaitait classer cette pétition, notamment les membres du parti libéral, du parti radical, du PDC, de l'Alliance de gauche et de l'UDC. Et puis, d'un autre côté, les Verts et les socialistes ont souhaité déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, simplement parce qu'ils avaient le souci des espaces verts dans ce quartier, souci dont les pétitionnaires nous avaient fait part.
Il y a donc une infime différence sur le vote. Nous proposons donc plutôt le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Claude Aubert (L). La majorité de la commission, à l'époque, avait demandé le classement de cette pétition, étant donné que le titre et l'exposé ne correspondait pas à la réalité et au fond du problème. En vertu du devoir de transparence et du devoir de pertinence, c'est-à-dire que ce qui est indiqué doit correspondre au problème, nous estimons que cette pétition ne mérite pas d'être déposée sur le bureau du Grand Conseil pour information, mais bel et bien classée.
Le président. Je mets aux voix la proposition majoritaire de la commission, le classement. Si cette proposition était refusée, ce serait le dépôt sur le bureau du GC qui lui serait préféré.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (classement de la pétition 1461) sont adoptées par 46 oui contre 9 non et 1 abstention.
Débat
Le président. Voilà un sujet qui va apaiser les tensions !
M. Eric Leyvraz (UDC), rapporteur de majorité. Quel plaisir pour un nouveau député de parler de cette traversée de la Rade, notre grand serpent du lac, qui revient régulièrement depuis si longtemps dans le creux des vagues journalistiques de juillet-août ! Mais aujourd'hui, devant le développement réjouissant de notre canton, l'affaire devient on ne peut plus d'actualité. C'est même une nécessité qui doit impérativement être prise en compte. La pétition 1540 et la résolution 498 parlant du même objet se soutiennent l'une et l'autre, puisqu'elles ont au départ les mêmes invites. Elles sont donc traitées simultanément.
Pour ce qui est de la pétition 1540, une des invites demande la réalisation rapide de la traversée, ce qui n'est pas possible dans la situation financière actuelle. Cependant, munie de près de 19 000 signatures, elle atteste sans conteste de l'attente de nos concitoyens.
En conséquence, la commission des transports, sans opposition, vous demande de renvoyer au Conseil d'Etat la pétition 1540, dont le texte ne peut être modifié. Ses invites, qui ont été adaptées aux demandes de la commission des transports, proposent au Conseil d'Etat d'engager immédiatement l'ensemble des procédures d'études nécessaires à la réalisation d'une traversée en tunnel.
Les auditions des spécialistes des transports indiquent clairement que, pour tirer une efficacité maximum de nos infrastructures routières, nous ne ferons pas l'économie d'une nouvelle traversée de la Rade. Actuellement, d'une rive à l'autre, tout le monde le sait, des centaines d'heures sont perdues dans des bouchons gigantesques, dans les deux sens, avec toute la pollution qui s'ensuit. Qu'on le veuille ou non, dans 20 ans ou 30 ans, il y aura toujours des voitures. Ne pas se préparer à faciliter ce trafic, ce n'est pas assurer le futur d'une ville qui doit rester internationale, active et dynamique. Sur la rive droite se concentrent des infrastructures vitales pour le canton, qui doivent être atteignables facilement depuis la rive gauche: nombreuses institutions internationales, des grands hôtels, le CERN, les industries de la Zimeysa, de La Plaine et de Vernier, Palexpo, l'aéroport, et j'en passe. Cette demande de traversée n'est pas une lubie d'un lobby automobile. Ce n'est pas une idée de politiques, ni une discussion portant uniquement sur la circulation en ville, mais bien une nécessité pour un futur relativement proche, puisque l'on peut raisonnablement parler de l'horizon 2020-2025, c'est-à-dire demain ! Il faut donc impérativement planifier suffisamment tôt de tels travaux, les inscrire dans le plan directeur des routes qui est en voie de réalisation afin que les prochaines liaisons routières et de transports publics s'inscrivent dans la logique du positionnement du futur tracé de la traversée, dont l'emplacement reste à définir.
Personne ne peut dire aujourd'hui le nombre de voitures qui emprunteraient cette nouvelle traversée. Certains nous annoncent que 15% du trafic seulement passe d'une rive à l'autre: cela ne tient pas compte des changements d'habitudes qui interviendront. Il y a 15 ans, j'aurais répondu que je n'utiliserais pas l'autoroute de contournement pour descendre en ville, alors que je le fais maintenant régulièrement, comme beaucoup venant de la campagne, parce que cela me permet de ne pas perdre de temps ainsi.
Quant au coût du projet, il sera évidemment important, mais comment juger de la situation dans 20 ans? Nous aurons peut-être à ce moment, espérons-le, des finances assainies ou de nouvelles techniques de construction; nous obtiendrons peut-être une participation d'entreprises privées à la construction de l'ouvrage car les mentalités évoluent. Une petite anecdote: il y a 30 ans, je demandais pourquoi on ne construisait pas chez nous des giratoires routiers comme on en voyait alors en Angleterre. Il m'avait été répondu que c'était impossible, car cela impliquerait un changement de priorité. Qui s'en offusque aujourd'hui ?
En conclusion, il est de notre devoir de tout mettre en oeuvre pour préparer la réalisation de ce grand ouvrage et ne pas subir l'événement quand il deviendra - sans jeu de mot - incontournable. Voilà pourquoi la commission des transports, à une large majorité, vous invite à voter cette résolution 498, adressée au Conseil d'Etat.
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de minorité. Il ne faut pas confondre objectifs et moyens. C'est ce que la majorité de la commission a semblé faire. Pour cette majorité, la construction de la traversée de la rade est un objectif en soi. Pour la minorité que je représente ici, l'objectif est de diminuer la circulation au centre-ville, pour rendre celui-ci plus convivial et plus agréable à vivre.
Pour atteindre cet objectif de meilleure qualité de vie, la traversée est certes un des moyens envisageables, mais rien d'autre qu'un moyen, et certainement pas le meilleur. Je le rappelle, selon les études du groupe de travail sur la traversée, seuls 15% des véhicules traversent de la rive gauche à la rive droite, pour aller à l'avenue de France et au-delà. On souhaite donc dépenser 600 millions de francs pour diminuer de 15% le trafic sur le pont du Mont-Blanc. Cette solution est aberrante !
Pour atteindre l'objectif de qualité de vie au centre-ville, nous croyons beaucoup plus à des solutions telles que le développement massif des transports publics, qui est déjà en cours, à la création de zones piétonnes et l'incitation à utiliser les P+R pour diminuer durablement la circulation au centre-ville. Pour ces raisons, nous vous recommandons de rejeter la résolution 498 et de classer la pétition 1540.
M. Jacques Jeannerat (R). La question de la mobilité pourrait devenir à l'avenir le problème principal des Genevois, après les questions du logement et de l'emploi. Tous les spécialistes s'accordent pour dire que les besoins de mobilité pourraient augmenter de l'ordre de 40% d'ici 2020. Une seule réponse à cela, un seul mot: complémentarité !
Les Genevois l'ont bien compris, il y a quelques années, lors d'un scrutin, puisqu'une majorité de nos concitoyens ont ancré dans la constitution le principe même de la complémentarité. Les radicaux sont attachés à ce principe. Ils soutiennent le développement ou le renouveau du réseau des trams à Genève. Les radicaux se sont battus pour que la liaison ferroviaire entre Cornavin et Annemasse revoie le jour.
Cela n'est pas suffisant, nous devons également améliorer notre réseau routier. Un exemple: il y a des entreprises qui tous les jours sillonnent les routes du canton et les rues de la ville, non seulement pour remplir leurs missions et leurs carnets de commandes, mais aussi pour payer les salaires. Deuxième exemple, dans ce que j'appelle la mobilité familiale pour les activités parascolaires. Les parents qui ont trois enfants, qui doivent amener le premier à 17h au cours judo, le deuxième à la leçon de piano à 17h30 puis le troisième à la leçon de tennis à l'autre bout du canton, ne peuvent pas le faire en transports publics ! Il est donc nécessaire d'avoir une complémentarité.
Une voix. Grâce à l'hélicoptère ?
M. Jacques Jeannerat. Améliorer le réseau routier passe notamment par une nouvelle liaison entre la rive gauche et la rive droite. Il s'agit de sortir du centre-ville les véhicules qui n'ont rien à y faire mais qui sont contraints d'y passer, à cause de ce fichu lac qui est dans notre canton ! (Exclamations.)
Une voix. Supprimons le lac !
M. Jacques Jeannerat. Ce fichu lac est magnifique mais il me pose des problèmes. Dans cet esprit de complémentarité, cette nouvelle infrastructure routière, à l'est du pont du Mont-Blanc, est nécessaire. Elle permettra de dégager deux voies sur le pont du Mont-Blanc, pour améliorer la performance des transports en commun sur l'axe Rive-Cornavin. Avouez que le tram qui va de Rive à Cornavin et qui doit transiter par la Coulouvrenière, ce n'est vraiment pas ce qu'il y a de plus efficace !
En sortant les voitures qui n'ont rien à faire au centre-ville, il s'agit aussi d'améliorer l'accessibilité aux commerces et aux sociétés de services qui se trouvent au centre-ville. Alors, Monsieur le président, permettez-moi de m'adresser au Conseil d'Etat pour conclure mon intervention ! Messieurs les conseillers d'Etat, que vous appeliez ce projet traversée de la Rade, traversée du petit lac, contournement est de Genève, pour les radicaux, c'est égal ! Ce qui est important, c'est d'engager immédiatement les procédures pour initier les études nécessaires à la réalisation d'une nouvelle liaison entre la rive gauche et la rive droite à l'est du pont du Mont-Blanc.
Reste la question du financement. On le sait, le canton a des dettes. Eh bien ! Je crois qu'il faut que l'on change d'état d'esprit ! Il y a nombre de collectivités publiques, à travers l'Europe, qui ont passé à un autre système que celui du simple financement par les caisses publiques d'infrastructures publiques comme celle dont on parle ce soir. Je prends deux exemples. La ville de Londres a conclu un contrat pour restaurer et moderniser son réseau de métro sur 20 ans, au travers du partenariat public-privé PPP. Plus près de chez nous, le mois dernier, le Grand Conseil du canton de Berne vient d'adopter ce même principe, pour la construction de bâtiments administratifs destinés à l'Etat.
C'est la raison pour laquelle le parti radical vous propose un amendement à la résolution - vous l'avez reçu - qui invite le Conseil d'Etat «à déterminer les différents moyens de financements à disposition, notamment en explorant les possibilités qu'offre le modèle de partenariat public-privé (PPP)».
M. René Desbaillets (L). Les deux arguments principaux des opposants à la traversée de la Rade sont le coût de cette traversée et son impact sur l'environnement. Je ne vais pas faire de long discours parce qu'on a beaucoup parlé aujourd'hui; on écrit beaucoup au Grand Conseil, ou si ce n'est pas au Grand Conseil, c'est dans les coulisses. Moi, je vais vous faire quelques démonstrations chiffrées que notre traversée de la Rade, elle ne va pas coûter à la République, mais elle va rapporter et ne sera pas plus polluante. Cette traversée est bonne pour notre environnement !
Il y a à peu près 90 000 véhicules qui traversent le pont du Mont-Blanc chaque jour. 30 000 de ces véhicules traversent le pont du Mont-Blanc à des heures où il n'y a pas de bouchons. 60 000 autres véhicules, donc, traversent le pont du Mont-Blanc en perdant environ 10 minutes chacun pour franchir ce pont. Cela représente 600 000 minutes perdues par jour, 10 000 heures perdues dans les bouchons, des deux côtés du pont du Mont-Blanc. 10 000 heures par jour sur 200 jours ouvrables par année. Cela fait 2 millions d'heures de perdues pour l'économie genevoise, de chaque côté du pont du Mont-Blanc. Je prends un chiffre moyen de 40 F par heure et ce sont 80 millions de francs que l'économie genevoise ou des environs de Genève perd en attendant de pouvoir traverser le pont du Mont-Blanc. En prenant un taux de 4%, ce montant de 80 millions de francs représenterait les intérêts à payer pour un possible emprunt de 2 milliards de francs.
Maintenant, au niveau environnemental, ces 10 000 heures par jour ou ces 2 millions d'heures par année où le moteur des véhicules tourne sans avancer, représentent, pour une consommation moyenne à l'arrêt de 4 litres par heure, 8 millions de litres de benzine ou de gasoil. Qu'est-ce que représentent ces 8 millions de litres ? Admettons que l'on passe tous à l'énergie verte, avec du biocarburant ou du biodiesel: rien que pour produire ces 8 millions de litres de biodiesel gaspillé avant et après le pont du Mont-Blanc, il faudrait couvrir de colza la surface totale de la zone agricole genevoise et ce, pour qu'il soit dépensé uniquement dans les bouchons qui se forment avant et après le pont du Mont-Blanc. Il faut donc absolument agir très vite pour avoir une traversée de la Rade, que ce soit un pont ou un tunnel, ce qui sera à voir plus tard.
Mme Catherine Baud (Ve). Ce n'est pas un scoop, les Verts sont opposés à cette traversée de la Rade. Les raisons vous les connaissez déjà, je ne vais pas vous les redire encore une fois. J'aimerais plutôt mettre en évidence deux points particuliers.
D'une part, la relation entre les objectifs de base du groupe de travail et les termes de la pétition 1540 ainsi que de la proposition de résolution 498 et, d'autre part, la question du financement, bien sûr. Dans le document final du groupe de travail, il était question de contournement est, du devenir de l'agglomération, du devenir de la région qui l'entoure et de développement durable. Vaste programme, belles ambitions et à quoi arrive-t-on ? A une pétition qui demande de traiter la traversée de la Rade en priorité. En priorité par rapport à quoi ? On ne nous le dit pas. De réaliser, par exemple, un tunnel avec 2x2 voies - tunnel qui avait été refusé par la population en votation. Un tunnel qui, d'ailleurs, ne mène nulle part et ne vient de nulle part non plus. Enfin, ça c'est autre chose ! La pétition demande de prévoir toutes les mesures d'accompagnement utiles, mais on ne sait toujours pas lesquelles ! Elle demande de déterminer les différents moyens financiers mis à disposition: en tout cas je ne pense pas que ce puisse être les finances du canton.
On a ensuite une proposition de résolution 498, qui change les termes d'une manière absolument remarquable, puisque la traversée devient cette fois-ci essentielle à la politique de complémentarité des moyens de transport. On retrouve notre tunnel à 2x2 voies; on retrouve les mesures d'accompagnement - d'utiles elles deviennent cette fois nécessaires. Mais il n'y a plus de financements. Je salue donc cet amendement qui demande quand même une ébauche de financement.
Qu'avons-nous là ? Nous avons là l'exemple parfait d'un leurre. Il n'y a aucun lien, aucune référence à quoi que ce soit, au niveau de l'agglomération ou à ses réseaux de mobilité existants. Voici donc ce qui est présenté comme prioritaire et essentiel et qui finalement correspond à quoi ? A une voie urbaine, à une rue - une rue qui passe dans un tunnel. Cela pour la modeste somme de 800 millions de francs ! C'est-à-dire que si l'on prend une autre mesure de financement, peut-être un peu plus parlante, ce montant équivaut à une dizaine de grands collèges. Réaliser une traversée de ce type est une aberration; ce n'est pas une priorité ! Voici une voie qui n'est reliée à rien, sauf à des bouchons, autant en amont qu'en aval. Il ne sert à rien de percer le coteau de Cologny pour aller un peu plus loin faire des bouchons, car on se retrouvera de toute façon au centre-ville. Pour moi, Malagnou, c'est quand même le centre-ville: un endroit où les rues ne sont absolument pas adaptées à un trafic de transit !
Finalement, ne croyez-vous pas qu'il y a des priorités plus judicieuses ?
Concentrons plutôt nos efforts sur ce qui est en chantier actuellement, c'est-à-dire la liaison CEVA, c'est-à-dire l'extension du réseau des transports en commun et la meilleure desserte du canton par des lignes de tram ou de bus performantes. Réfléchissons et interrogeons-nous sur la place de la voiture dans un espace aussi restreint que celui du canton de Genève. Essayons de réfléchir à d'autres solutions et soyons un peu plus inventifs ! Nous ne sommes plus dans les années 1960 où la voiture était le seul mode de transport, même si dans les invites de la résolution on parle de complémentarité des moyens de transports. Il faut être réaliste et aussi chercher à se remettre en question. Il faut changer ses habitudes, faire preuve d'inventivité. On peut évoquer à ce sujet le projet de carte multimodale qui est peut-être une solution beaucoup plus originale et beaucoup plus actuelle que de vouloir miser avant tout sur la voiture.
Le groupe des Verts insiste sur le rejet de la résolution 498 et sur le classement de la pétition 1540. (Applaudissements.)
Mme Elisabeth Chatelain (S). Le projet de la traversée de la Rade revient et ça se comprend car tout n'est pas réglé, en matière de transport dans le canton et dans la région. Ce qui nous est proposé ce soir, avec cette résolution et cette pétition, demande que ce projet d'infrastructure soit traité comme une priorité. Pour reprendre les paroles de Mme Baud, cette priorité n'en est vraiment pas une pour nous. Il n'est pas acceptable que ce projet soit traité comme une priorité. Pour information, nous avons auditionné à la commission des transports 15 communes d'Arve et Lac. Quand la question leur a été posée de savoir si la traversée de la Rade était pour elles une priorité, ces communes, unanimes, ont répondu non. La première priorité, super importante pour elles, c'était le triplement de l'offre des transports publics.
Les problèmes de circulation sont lancinants, mais on ne peut pas souscrire à ce projet. Une traversée de la Rade, si elle doit être construite, doit impérativement s'inscrire dans un projet urbain global et celui-ci n'est pas encore réalisé. Une traversée de la Rade doit faire partie d'un axe régional et le projet qui nous est proposé ce soir est un projet de traversée trop petite pour rentrer dans ce cadre. Sur le plan de l'aménagement urbain, le centre-ville, lieu de convergence de la majorité des déplacements, n'a pas été adapté à cette nouvelle taille de l'agglomération. C'est à une redéfinition du périmètre que doit être intégré un éventuel projet de contournement est de Genève. Sans d'ailleurs y rajouter un nouveau parking sous-lacustre, comme le demandent les mêmes milieux qui veulent la traversée de la Rade, soi-disant pour enlever les voitures du centre-ville. Il y a là quelque chose qui m'échappe. C'est incompréhensible !
Il faut rappeler qu'en termes de priorité une dépense de 600 millions de francs pour dévier 15% du trafic du pont du Mont-Blanc n'est pas du tout appropriée. En plus, ce montant n'inclut même pas les mesures d'accompagnement indispensables pour que ce projet permette au centre-ville de respirer.
Par conséquent nous vous recommandons de rejeter cette résolution, de classer cette pétition et ensuite de poursuivre la réflexion pour trouver des solutions régionales à l'augmentation de la mobilité dans notre agglomération. (Applaudissements.)
M. Hugo Zbinden (Ve). Je n'aimerais pas revenir sur les arguments techniques que vous venez d'entendre. Pour ça, je vous invite à lire le rapport de minorité, qui est excellent. J'aimerais rappeler qu'en démocratie, c'est toujours la majorité qui a raison: pas la majorité de la commission, la majorité du peuple !
Une voix. On l'a vu avec la TVA, c'est pas à nous qu'il faut dire ça !
M. Hugo Zbinden. Or, le peuple a déjà décidé en 1996. Qu'est-ce qui aurait bien pu changer ces dix dernières années pour que le peuple change d'avis ? En 1996, nous n'avions pas encore le stade de la Praille et le Servette FC jouait en ligue A, mais je ne suis pas sûr que cela ait une grande influence en ce qui concerne une décision sur la traversée de la Rade.
Pour ceux qui se feraient du souci pour les finances de l'Etat, ils pourront constater qu'en 1996 la dette s'élevait à 8,9 milliards de francs. Aujourd'hui, on est à 13 milliards. Ceux qui se font de souci pour leur porte-monnaie peuvent constater qu'en 1996 le baril de pétrole était à 20 $ et aujourd'hui on est environ à 70 $ le baril. Je n'ose pas imaginer quel sera le prix du baril en 2020, une fois qu'une traversée aura peut-être été réalisée.
Ceux qui se font du souci pour les alternatives constateront que l'on fait des efforts assez grands pour augmenter l'offre des transports publics. On a inauguré quelques lignes de tram, on va avoir d'autres lignes de tram et on aura le CEVA. Je pense aussi que, gentiment, les Genevois commencent à s'intéresser à l'écologie. Non seulement ils sont plus nombreux à voter pour les Verts, ils sont aussi plus nombreux à utiliser les TPG et ils sont plus nombreux à se déplacer à vélo. Ils sont aussi plus nombreux à se déplacer moins: c'est peut-être tout simplement ça la solution à nos problèmes de mobilité.
Vu toutes ces évolutions, j'arrive à la conclusion que le peuple voterait aujourd'hui de la même manière qu'en 1996. Le verdict serait aussi clair et net. La seule chose qui n'a pas évolué, c'est l'entêtement des pétitionnaires pour cette traversée. Malheureusement, proposer à nouveau la construction d'une traversée n'est pas très constructif. Nous, les Verts, avons une autre vision de la mobilité en 2020 et nous refusons et la pétition et la proposition de résolution. (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). Je pensais être au parlement de Genève, mais j'ai l'impression d'être au parlement de Lourdes aujourd'hui ! Vous, la droite genevoise, avez dégoté le projet miracle ! J'ai quand même pris quelques notes. Vous nous annoncez que, grâce à votre projet, il n'y aura plus de bouchons, tout sera fluide. On nous a dit qu'on allait gagner de l'argent, que ce serait magnifique d'un point de vue économique, qu'il y aurait moins de pollution, que ça améliorerait les TPG, notamment sur le pont du Mont-Blanc. Vous êtes les David Copperfield de la circulation, c'est magnifique ! Mais alors, ce que je ne comprends pas, c'est que ça fait des décennies que vous êtes majoritaires, au parlement et au gouvernement, à quelques petites exceptions près qui, j'espère, vont se généraliser. Pourtant, vous n'avez pas réussi à concrétiser ! Qu'est-ce qui vous manquait ? Cela fait des années que vous avez cette idée géniale qui va résoudre tous les problèmes de Genève et pourtant vous n'avez pas passé à l'action. C'est étonnant quand même ! Si vous n'avez pas passé à l'action, c'est sans doute pour deux bonnes raisons.
Première raison, vous savez très bien que Genève n'a pas les moyens de se payer cet ouvrage: 1 milliard de francs pour faire une traversée de la Rade. Vous savez très bien qu'on n'en a pas les moyens. (Brouhaha.) 2 milliards ? M. Unger dit 2 milliards ! (Brouhaha.) Ou alors était-ce le signe de la victoire ? Au PDC, ce n'est pas tous les jours ! (Rires.) Bref, je vous la laisse à 1 milliard, mais nous n'en avons pas les moyens ! Plus sérieusement, c'est la même majorité qui vient d'affirmer, il y a quelques heures, que Genève est tellement coincée qu'il fallait couper environ 100 F par mois dans les aides aux familles les plus défavorisées, pour les frais de vêtements et les frais de transports publics. D'un seul coup, vous revenez, finalement, pour dire que vous êtes d'accord de dépenser 1 ou 2 milliards de francs. Non, nous n'en avons pas les moyens !
Deuxième raison - et elle est aussi importante - c'est que c'est inefficace ! Totalement inefficace ! Vous allez créer de l'illusion. On traversera le lac en moins de deux, mais on n'arrivera ni à entrer dans le tunnel, ni à en sortir ! Comment allez-vous faire entrer et sortir plein de voitures - je cite votre projet - dans le quartier de Sécheron et des Pâquis ? M. Stauffer disait qu'on pourrait faire une voie avec 18 pistes. Pas de problème ! De l'autre côté, à Cologny, c'est vrai qu'il y aurait peut-être des opportunités pour un accès au tunnel, mais visiblement vous n'avez pas choisi cette option, vous préférez les Eaux-Vives. C'est vrai que la circulation dans le quartier des Eaux-Vives est tellement fluide aujourd'hui qu'on pourrait encore y rajouter des voitures ! On peut y aller, pas de problème !
Vous allez résoudre les problèmes du canton ainsi ? Vous n'êtes pas sérieux ! Vous faites des fausses promesses que vous êtes incapables de tenir ! Je vous le redis, ça fait des décennies que vous avez le pouvoir législatif et gouvernemental et vous avez été incapables de réaliser votre miracle ! Alors, ayez-en le courage et ne soutenez pas n'importe quelle résolution qui ne donne rien et qu'on classe dans des tiroirs ! Faites un projet de loi incluant un financement ! Nous irons au référendum pour en débattre avec le peuple et nous verrons alors qui gagnera ! (Applaudissements.)
M. Ivan Slatkine (L). J'avoue être assez atterré par le niveau du débat de ce soir. Atterré parce qu'on met en opposition le transport privé et le transport public. Alors que je crois qu'aujourd'hui, pour l'avenir de Genève, il ne s'agit pas de mettre en opposition le véhicule privé avec le véhicule public. Il s'agit de trouver des solutions pour développer les transports publics et permettre aux gens qui ont des automobiles de se déplacer.
J'ai entendu énormément de choses. Monsieur Brunier, je m'excuse de vous citer, mais, à vous entendre, il n'aurait pas fallu faire l'autoroute de contournement, parce qu'elle n'aurait servi à rien. Je n'ose pas imaginer ce que serait le trafic aujourd'hui dans ce canton, sans l'autoroute de contournement qui aujourd'hui a atteint un niveau de saturation.
J'entends les Verts nous dire qu'aujourd'hui la solution, c'est le développement massif des TPG, c'est la création de zones piétonnes. Mesdames et Messieurs, sachez que le parti libéral est pour le développement massif des TPG; il est pour la création de zones piétonnes. Mais, pour ce faire, il faudrait permettre aux voitures de ne pas se trouver où elles sont aujourd'hui. Il faut donc les sortir de la ville. Il faut aujourd'hui créer un périphérique autour de notre canton. Il faut développer des P+R pour permettre aux gens de se garer et il faut développer des TPG qui viennent les chercher dans ces P+R pour ensuite les mener en ville. Je crois qu'aujourd'hui il faut qu'on arrête ce débat stérile - privé contre public. Il faut trouver des solutions.
Cette pétition a été signée par 18 884 personnes et il ne faut pas non plus renier ces gens. Je crois que cela représente plus du double des voix qui vous ont permis d'arriver dans ce parlement, Monsieur Brunier. Je crois qu'aujourd'hui ce qu'on demande au Conseil d'Etat, c'est de trouver, non pas la solution miracle, mais de se pencher sur une solution et, tout le monde est d'accord pour le dire, il n'y a pas d'autres solutions, à terme, qu'une nouvelle traversée du lac. C'est tout, la réalité est là !
On peut débattre de tout ce qu'on veut, mais le but n'est pas d'opposer, une fois de plus, le privé au public. Le but est de trouver la solution, qui contribue au mieux à une amélioration de la qualité de vie en ville, qui permette aux gens de se déplacer de la meilleure des façons, quel que soit le moyen utilisé, public ou privé. Ce n'est pas en disant que la droite a eu le pouvoir pendant 40 ans et qu'elle a été incapable de réaliser quoi que ce soit qu'on va aboutir à quelque chose.
Personnellement, je vous dis la chose suivante: je soutiendrai un développement massif des TPG, si on vient nous proposer des solutions alternatives pour le transport privé et si on vient nous offrir des solutions pour que l'on puisse vivre en harmonie et dans un environnement qui soit de meilleure qualité.
Le président. Sont encore inscrits: M. André Reymond, Mme Véronique Schmied, M. Robert Cramer, M. Eric Stauffer, M. Georges Letellier, M. Gilbert Catelain, M. Michel Ducret, M. Gabriel Barrillier, M. Alain Meylan et M. Christian Brunier. Le Bureau propose de clore la liste et de donner la parole à M. Reymond.
M. André Reymond (UDC). C'est un petit peu attristant de voir certains partis qui veulent absolument paralyser le centre-ville, qui veulent absolument des transports publics, qui veulent mettre tout le monde à pied et supprimer la voiture. Je pense que pour la réputation de la Genève internationale que vous défendez tout aussi bien que les partis de droite, une paralysie telle que vous la proposez n'est pas une solution qui a un grand avenir, pour notre cité de Genève - ville et canton compris. C'est vrai qu'au bord du lac, les pare-chocs sont contre les pare-chocs, il y a le CO2 que vous critiquez parce que nous n'avons pas de politique environnementale, en disant qu'il faut supprimer les voitures. Je pense qu'une plus grande fluidité est nécessaire. Il est tout à fait normal que nous continuions, comme on l'a promis à la population, à développer une complémentarité transports publics-automobile.
Cela ne sert à rien de vouloir supprimer à tout prix toute circulation privée, chers collègues des partis de gauche. Il ne suffit pas de dire qu'il faut être inventif, non ! Le développement de Genève demande justement une traversée de la Rade, pour que le pont du Mont-Blanc puisse avoir deux voies réservées aux transports publics. Je pense qu'il faut savoir respecter ce que la population désire à Genève. La circulation privée est une demande ! A Genève, on demande à avoir aussi la possibilité de circuler avec des automobiles privées. En allant dans ce sens on paralysera Genève, en faisant toujours ce combat de vouloir mettre tout le monde dans les transports publics. Il a été souligné ce soir aussi qu'il y a des possibilités de partenariat privé-public pour ce tunnel. C'est vrai qu'il y a un problème législatif et il faudra éventuellement revoir des questions de loi. Un tunnel avec péage n'est peut-être pas une mauvaise solution, en tout cas pour les personnes qui veulent regarder l'avenir de Genève de manière positive, c'est dans ce sens qu'il faut réfléchir et demander au Conseil d'Etat qu'il se mette au travail. C'est pour cela que le groupe UDC soutiendra le rapport de majorité, tant du point de vue de la résolution que de la pétition.
Mme Véronique Schmied (PDC). Je vais faire une petite intervention rapide puisque la route est encore longue jusqu'à la clôture de ce point. La traversée sous la Rade reste pour le groupe démocrate-chrétien un bon projet, même si la traversée proposée dans la pétition ne nous paraît pas être la bonne traversée. Nous sommes convaincus que seule la grande traversée a véritablement un sens. A entendre les arguments des Verts, mis à part peut-être sur la question du financement, il semble que nous sommes d'accord. La grande traversée serait à notre sens le meilleur projet, parce qu'elle n'amènerait pas le trafic aussi avant dans la ville, parce qu'elle compléterait l'autoroute de contournement en bouclant la boucle, et parce que sa réalisation serait subventionnée par la Confédération, ce qui n'est pas le cas de la traversée objet de la pétition.
D'autre part, la grande traversée libérerait du trafic individuel les quais et l'hypercentre comme sa cadette, grâce à des P+R, d'ailleurs demandés dans la résolution.
De plus, la moyenne traversée, si elle se construisait, noierait définitivement tout projet de grande traversée - sans jeu de mots. Certains d'entre nous auraient en effet beaucoup aimé voir un magnifique pont sur la Rade, mais on n'en est pas là. On ne va pas construire une longue traversée - ni dans 20 ans, ni dans 50 ans - si on choisit d'en construire une courte, ce qui serait une erreur pour la Genève de demain.
Le groupe démocrate-chrétien soutient le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat et votera la résolution, dans le but de ne pas refermer ce dossier.
Pour terminer, M. Brunier jouait avec un montant de 1 ou 2 milliards de francs, mais pour l'instant il s'agit d'une étude. Si une étude est prévue par la pétition et la résolution, c'est précisément pour réfléchir et ne pas jouer comme ça avec les milliards.
M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG soutiendra le renvoi de cette résolution au Conseil d'Etat. Néanmoins, j'aimerais quand même faire quelques remarques. Lorsque j'étais conseiller municipal libéral, en 1981... (Exclamations.) Libéral, oui, oui ! Nous parlions déjà de cette traversée de la Rade. Est-ce que vous pouvez vous imaginer que cela fait 27 ans au moins qu'on parle de cette traversée de la Rade. Même plus que ça, mais avant je ne m'intéressais pas à la politique: heureux celui qui ne sait pas ! Partant de ce principe-là, il est vrai que c'est un dossier que je connais et que j'ai étudié.
Pour reprendre ce que M. Brunier a dit, il y a quelques aberrations qui me paraissent insurmontables. Même si on réalisait 2x18 voies, si à l'entrée et à la sortie, et vice versa, les voies d'accès ne sont pas en relation, cette traversée de la Rade ne servira à rien. Il y a eu plusieurs variantes évoquées, comme faire sortir la traversée de la Rade à Champel. Il y a eu opposition des partis de droite, car on sait qu'à Champel il y a un peu plus de gens de droite que de gauche. Ensuite il y a eu les Eaux-Vives, mais il faudrait voir encore où. Ensuite, il y a eu Sécheron, mais on vient de dépenser des sommes colossales pour faire de la rue de Lausanne une route à une seule voie, où désormais, même en moto, il faut quasiment 20 minutes pour aller d'un bout à l'autre. Je n'ose pas imaginer une traversée de la Rade qui sortirait à Sécheron, vers l'avenue de France et la rue de Lausanne. Ce serait juste une catastrophe !
Néanmoins, pour une vision de Genève à moyen et à long terme, une traversée est nécessaire. Raison pour laquelle nous rejoignons les propos de Mme Schmied: il ne faut pas enterrer ce dossier. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons le renvoi de cette résolution au Conseil d'Etat.
M. Georges Letellier (Ind.). On parle, pas depuis 27 ans mais depuis 18 ans, de la traversée de la rade. C'est véritablement un peu une histoire à la Raymond Devos ! Parce qu'on tourne en rond. Personne ne prend des décisions parce que personne n'ose les prendre, pour préserver ses prérogatives ! Et ça, ça va pas ! La traversée de la Rade est indispensable, il faut vraiment qu'on s'y mette et qu'on la fasse ! Parce que, Messieurs les Verts, vous faites le travail à l'envers, n'est ce pas Monsieur Brunier !
M. Christian Brunier. Je ne suis pas Vert !
M. Georges Letellier. Il est vert de gris ou «vert off'», quoi ! Vos arguments ne tiennent pas la route. Vous êtes en train de tourner autour de 600 millions de francs...
Le président. Monsieur le député, veuillez vous adresser à la présidence, elle vous écoute avec la plus vive attention !
M. Georges Letellier. Pardon ? (Rires.) 600 millions de francs pour une réduction de trafic de 15% sur le pont du Mont-Blanc: j'aimerais bien savoir quel est l'artiste qui a donné ce chiffre. C'est déjà une chose. Le deuxième point, c'est M. Robert Cramer lui-même qui a relancé le projet de traversée de la rade. (Commentaires.) Avec ses talents de visionnaire, il avait sans doute d'excellentes raisons à cela.
Pour en revenir à la traversée, je suis d'accord avec M. Reymond et certaines personnes qui se sont exprimées pour faire comme on a fait à Hong Kong. Entre Hong Kong et Kowloon, on a fait deux traversées, en une année et demie chacune. On n'a pas mis 10 ans pour réaliser une traversée ! Si on est vraiment embarrassé par la main d'oeuvre, pour ne pas faire les choses très rapidement, on peut prendre une entreprise extérieure. Libre concurrence ! On peut aussi faire la traversée de la Rade avec un péage ! (Brouhaha.) Je m'excuse, je regarde les singeries de notre ami en face. (Brouhaha.) Ouais, ouais, ouais ! Vos arguments ne tiennent pas la route ! Vous êtes sans arrêt en train de bloquer des travaux qui sont nécessaires à la ville de Genève et je ne vous félicite pas pour ces prises de position qui durent depuis 18 ans ! Y en a marre ! Merci, Monsieur le président et excusez-moi !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je constate votre fascination absolue pour les bancs d'en face. Je n'ai pas réussi à capter votre attention. Encore une démonstration de mes limites !
M. Gilbert Catelain (UDC). Le débat de ce soir me semble déplacé, dans la mesure où nous devons nous poser la question de savoir si nous aurons le choix ou pas de construire cette traversée de la Rade. J'ai surtout l'impression et le sentiment que nous devrons la construire, qu'on le veuille ou non, en raison du développement économique de ce canton, de la croissance de sa population et par le fait que depuis maintenant 16 ans nous n'avons plus construit un seul pont pour traverser soit le Rhône, soit le lac.
Fin 2001 ou début 2002, ce parlement a voté à l'unanimité, à part quelques abstentions dont la mienne, un crédit de 400 millions de francs pour construire la liaison CEVA, dans l'esprit de la complémentarité des transports. Il est vrai que la droite de ce parlement a été un peu trop confiante et qu'elle n'a pas assuré ses arrières, en demandant un engagement du Conseil d'Etat sur le respect de cette complémentarité. Personne dans ce parlement ne s'est posé la question de savoir si on pourrait financer ce projet à 400 millions de francs. Personne ne se pose la question de savoir si on peut payer 50 millions de francs le kilomètre de voie de tram. Par contre, lorsque nous sommes confrontés à la construction ou au projet de construction d'une traversée entre la rive gauche et la rive droite, le débat budgétaire bat son plein.
Quelle est la situation aujourd'hui dans ce canton ? On sait, par les comptages qui sont fait régulièrement par le département, par les statistiques qui sont tenues par l'office cantonal de la statistique, que les déplacements, transfrontaliers notamment, ont doublé en 20 ans. Nous savons aujourd'hui que grosso modo 500 000 personnes traversent quotidiennement les frontières cantonales ou nationales. Nous savons que la capacité des transports publics n'absorbe que 3% à 4% de ces déplacements; même un doublement de la capacité des transports publics ne permettra d'absorber que les 6% de ces déplacements, voire 8% au grand maximum.
Oui ! Nous devons développer les transports publics ! Mais nous devons être conscients qu'en tout état de cause cette mesure sera insuffisante pour absorber le besoin de déplacement de notre population - population dont vous accueillez à bras ouvert la croissance, sans vous préoccuper des besoins de mobilité que cette croissance engendre.
La seule proposition du parti des Verts que j'ai entendue ce soir, c'est la carte multimodale. Mais la carte multimodale ne permettra d'absorber que 3% de déplacements supplémentaires, et pas plus. C'est le contrat de prestations qui nous lie ou qui nous liera demain avec les TPG qui le prévoit. Nous n'avons donc aucune solution alternative pour absorber le volume de déplacement actuel et le volume des déplacements futurs, puisque vous avez dit vous-mêmes qu'il y aura une augmentation de 50% des déplacements à l'horizon 2015.
Concernant le coût de la traversée, j'ai contacté un ami ingénieur civil, diplômé de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne avec une spécialisation en construction de tunnels. Il travaille pour le groupe Bouygues. Il a jugé l'estimation du coût de 600 millions de francs surestimée et il a pu me donner des chiffres concernant des tunnels construits ailleurs par ce groupe et dont le coût était nettement inférieur. Quand je vois l'estimation faite par le Conseil d'Etat, à deux doigts, pour indiquer 2 milliards, je me dis que si pour le budget et les comptes, c'est le même genre d'estimation qu'on nous propose, on peut mettre en doute l'estimation du Conseil d'Etat. Laissons donc de côté le coût pour l'instant, sans compter qu'il y a la possibilité d'un partenariat public-privé, qui permettrait un financement privé, avec un loyer pour la collectivité, à hauteur des intérêts de l'emprunt effectué par les privés et une remise de l'ouvrage au bout de 50 ans de loyer.
Les Verts nous ont aussi servi l'argument classique de l'augmentation du prix du pétrole. Je rappelle que le déplacement privé de demain ne se fera pas forcément avec des énergies fossiles, qu'il pourra se faire aussi par des énergies autres, notamment électriques. La Poste, en France, a décidé de se doter de 2000 véhicules électriques, dont le coût d'utilisation avoisine 1 ou 2 euros les cent kilomètres. Ces véhicules sont déjà disponibles sur le marché. Le canton de Genève s'abstient bien d'acheter ce type de véhicules et la Confédération s'abstient bien d'encourager l'utilisation de ce type de véhicules. Pourtant ils existent sur le marché, sont exposés au Salon de l'automobile depuis deux ans. Avec les nouvelles batteries lithium, nous pouvons estimer que la plupart de nos résidents, dans quelques années, se doteront de ce type de véhicules dont le coût d'utilisation les rendra malheureusement bien plus avantageux que les transports publics.
Concernant le CEVA, vous avez accepté un crédit de 400 millions de francs pour un moyen de transport dont on nous a dit à l'époque qu'il permettra de transporter 40 000 personnes par jour. 40 000 personnes par jour, ce n'est pas énorme !
Le président. Il va vous falloir préparer à conclure, Monsieur le député !
M. Gilbert Catelain. Le pont du Mont-Blanc, c'est environ 80 000 personnes par jour. Le rapport, au niveau du coût, est tout à fait favorable à une traversée de la Rade. Surtout si ce coût descend en dessous des 600 millions de francs. Je rappelle aussi que le CEVA ne permettra pas d'absorber plus de 8% du trafic transfrontalier et il faudra trouver d'autres alternatives. Par conséquent, je vous invite à soutenir cette résolution, à renvoyer la pétition au Conseil d'Etat et surtout à être très attentif à l'analyse des déplacements effectuée par le département cet automne et dont les résultats devraient nous être communiqués d'ici la rentrée.
M. Michel Ducret (R). Première chose, pour rassurer M. Stauffer: notre Grand Conseil a accepté la pétition pour la réalisation du tram de Meyrin en 1978 et nous n'avons ouvert le chantier que cette année, alors qu'il n'y a eu pratiquement aucune opposition à ce projet durant toutes ces années. Il y a donc encore de la marge pour une traversée de la Rade, même avec des oppositions !
Pour le solde, on ne peut prendre aucune mesure sérieuse de limitation du trafic automobile urbain et, par conséquent, également d'amélioration de la situation des transports collectifs, sans trouver un autre chemin pour les flux automobiles parasites qui utilisent les voies urbaines sans que celles-ci en soient la destination. Les discours contraires, qui ne sont finalement que des professions de foi, ne servent à rien, sinon à repousser l'échéance à son extrême urgence. Et ce, même si on obtenait un report massif sur les transports collectifs, ce que personnellement je souhaite.
Pour les travaux à engager, ils peuvent parfaitement faire suite à ceux du CEVA et des principales lignes de tram, travaux qui devraient arriver à leur terme à partir des années 2012-2015 à peu près. Donc, si on veut démarrer le travail de traversée de la Rade dans un tel délai, Mesdames, Messieurs, il faut lancer dès aujourd'hui les études, faire des propositions qui soient traitées au niveau politique, très probablement par le peuple - ce qui est souhaitable, je pense. Pour faire les études effectives et ouvrir le chantier - croyez-moi, Mesdames, Messieurs - 2012, comme échéance, c'est moins de 6 ans ! Ce n'est pas grand-chose en réalité, et si gouverner c'est prévoir, il nous faut bien ce délai-là au minimum pour mettre tout ceci en route et pour pouvoir se prononcer valablement. Il est donc urgent de se préoccuper du problème et lancer les études.
Par ailleurs, la suffisance du rapport de minorité par rapport aux conditions de vie des habitants de la Ville de Genève - contraints de subir un transit parasite qui passe via toutes ces pénétrantes par l'hypercentre - est pour moi tout simplement insoutenable. On affirme, Mesdames, Messieurs, qu'il n'y a qu'à prendre des mesures pour freiner le trafic en ville, qu'il n'y a qu'à faire du report sur les transports collectifs, etc. Il n'y a qu'à ! Personne ne conteste l'utilité de ces mesures-là, mais, à elles seules, elles ne peuvent constituer qu'une forme univoque de réponse au problème posé ! Quand on dit qu'il n'y a que 15% du trafic qui passe par là qui sont du trafic de transit, il faut savoir que ce comptage, c'est le trafic de transit par rapport au canton. Le transit par rapport à la Ville de Genève, croyez-moi, représente bien plus que ces 15% ! C'est bien plus énorme ! C'est fausser les chiffres, c'est dire que les habitants de la ville sont des sous-citoyens qui ont le droit de respirer de la merde, alors que les habitants de Vésenaz, les habitants du Grand-Saconnex, les habitants de Meyrin, qui sont très peu autour des ouvrages que l'on va réaliser pour éviter leurs centres de villages auraient des droits supérieurs ? Mesdames, Messieurs, c'est tout simplement inacceptable ! Ceci n'est pas soutenable. A l'échelle de notre région, il n'est simplement pas possible de faire croire encore plus longtemps que les Genevois seront quittes d'équipements routiers dans l'avenir. Il n'y a qu'ainsi que les autres mesures en faveur de la qualité de vie en ville pourront être prises, c'est certain !
Genève ne peut plus se contenter, premièrement, de faire passer du trafic de transit dans son hypercentre et, deuxièmement, de bloquer le développement régional - donc au final le sien propre aussi - en refusant égoïstement des équipements à l'échelle de la région. L'effort que nous avons fait pour le CEVA, nous devons le faire aussi au niveau routier ! Ce sera aussi pour le bien-être des habitants de notre cité !
M. Gabriel Barrillier (R). Je vais être très bref et je me situerai sur le plan purement politique car je crois que tout a été dit. Tout le monde est finalement d'accord sur la nécessité de réaliser ce contournement sud-est de Genève. Je rappelle qu'il y a 10 ans jour pour jour - on a vérifié - les deux projets pour la traversée de la Rade avaient été refusés par le peuple. 10 ans, jour pour jour ! Nous avons donc 10 années qui vont encore générer 20 ans de retard. En ce qui concerne les transports en commun, notamment le RER, nous avons 10 à 15 ans de retard. Si on veut continuer à prendre du retard, à perpétuer ce retard, qu'on continue à s'opposer à ces deux réalisations que nous devons mener à bien !
Je le rappelle parce que certains l'ont souligné et ont placé le CEVA en opposition aux transports privés. Mon collègue Alain Meylan le rappellera sans doute tout à l'heure, en disant qu'il s'agit d'un marché de dupes. J'aimerais dire qu'en 1996, tout a été refusé. Le seul projet qui, dans les années 1996-1999, pouvait mobiliser et avait une chance d'être accepté, c'était le RER, c'est à dire le CEVA, avec un financement fédéral. Mais il était évident qu'il fallait d'emblée prendre des mesures et faire les études nécessaires pour compléter cette réalisation de transports publics par une réalisation pour les transports privés, selon le principe de complémentarité.
C'est là que je m'adresse au parti des Verts et aux socialistes. Ce n'est pas la première fois, ce soir, que je suis profondément déçu. Je sais qu'en politique il ne faut pas faire de sentiment et qu'on peut être déçu, mais quand même, là, Mesdames et Messieurs, chers collègues des partis de gauche, vous ne tenez pas vos promesses ! Vous n'êtes pas crédibles ! Parce qu'il y avait une belle unanimité pour les transports publics, financés en grande partie par la Confédération. Vous étiez d'accord et vous vous battiez avec nous. Vous savez que le combat n'est pas terminé. Là, ce qu'on vous demande, c'est des études - d'ailleurs entreprises par votre ministre - des études pour que d'ici 10 ou 15 ans au maximum on puisse compléter ce système, ce dispositif, par une traversée, par un contournement sud-est de Genève. Vous refusez cela pour des raisons doctrinaires - par intégrisme ! Je suis désolé, Madame la rapporteuse de minorité, vous êtes nouvelle dans ce parlement, mais en lisant votre rapport je me suis dit que rien n'avait bougé ! C'est vraiment de l'intégrisme ! C'était comme tout à l'heure sur le logement, on a l'impression que rien ne bouge ! De grâce, nous avons fait un bout de chemin vers vous, vous le savez, un sacré bout de chemin, pour avoir les 600 millions de francs de la Confédération. Nous nous battons ensemble ! Vous pourriez avoir l'intelligence et le courage de faire, vous aussi, un bout de chemin et de voter, vous aussi, ces études ! (Brouhaha.)
Le président. Je rappelle que vous avez à vous adresser à la présidence. C'est trop tard pour ce qui est de M. Barrillier, mais c'est toujours utile pour les suivants. M. Alain Meylan a la parole.
M. Alain Meylan (L). J'ai presque hésité à parler de ce sujet ce soir, puisque c'est presque ce qui m'a incité à entrer en politique après les combats d'il y a 15 ans et les tentatives de conciliation du trafic privé et du trafic public. Je rappellerai à cet égard l'accord historique survenu suite aux discussions entre Mme Burnand, magistrate socialiste de la Ville, M. Rouiller, représentant de l'ATE et moi-même qui représentais le transport privé. Cet accord portait sur le développement des transports publics par la remise en action de tout le développement du tram, notamment sur le quai de la Poste, grâce à une action concertée et consensuelle, incluant la création d'un parking et de zones piétonnes, etc. Malheureusement, ce projet a été annulé par un vote de la Ville. Je regrette que cela ne se soit pas fait au niveau du canton. J'ai effectivement tenté, il y a une dizaine d'années, d'arriver à ce consensus, d'arriver à trouver des solutions communes. Malheureusement, je vois et je constate qu'on a de la peine à arriver jusqu'au bout de nos actions.
Alors quand on vient me dire, comme certains Verts: «respectez la voix populaire, vous n'êtes pas démocratiques». Démocratique, je ne sais pas si je le suis, mais 88% de l'électorat genevois en 1988 a voté pour des transports publics et à peu près la même proportion pour une traversée de la Rade. Qu'est-ce que nous a dit l'électorat à ce moment-là? Il nous a bien parlé de la complémentarité, se disant d'accord de développer des transports publics, mais se disant aussi d'accord de développer les transports privés, en créant des réseaux et les moyens nécessaires à une alternative au passage dans le centre-ville, de manière à pouvoir répondre, d'une part, au plan directeur et aux ordonnances sur la protection de l'air (OPair) et, d'autre part, au plan directeur et aux ordonnances sur la protection contre le bruit (OPB), de façon à éviter que les voitures, le transport privé et une partie du transport professionnel ne passent à travers ce centre-ville. (Exclamations.) Il y a probablement eu un goal !
Le président. Monsieur Meylan, vous allez finir par déranger les footballeurs ! (Rires.)
M. Alain Meylan. Ceux qui travaillent, ceux qui en définitive créent de la richesse - qui créent des emplois, qui créent tout ce qui fait que Genève peut vivre au rythme auquel elle vit, grâce aux impôts et aux dépensent des gens - ne reçoivent aucun respect d'une partie de ce parlement, à gauche, qui dépense - que dis-je ! - qui dilapide certains impôts de manière inconsidérée ! Je dois malheureusement le constater et le dire.
Donc, cette traversée de la Rade, par rapport à cela, est absolument nécessaire. Je le dis et j'appuie les propos tenus il y a un instant par mon collègue M. Slatkine. Cette traversée est absolument nécessaire, pour faire en sorte que le trafic pendulaire, indésirable au centre-ville, puisse avoir un passage alternatif. Une alternative qui ne soit pas une alternative de répression, qui ne soit pas une alternative d'interdiction, mais un véritable choix pour dire volontairement: «je ne passe plus au centre-ville».
Le centre-ville existe pour être attractif, pour que les commerces soient accessibles. Il faut aussi qu'il y ait des places piétonnes et autres possibilités de déplacement en mobilité douce. Mais oui, Monsieur Zbinden, la mobilité douce, on est tous d'accord ! On y est tous favorables !
Le président. Monsieur Meylan, vous vous adressez à moi, s'il vous plaît !
M. Alain Meylan. Il faut une alternative ! Il est absolument nécessaire d'avoir cette traversée de la Rade. Je rends hommage à M. Cramer, qui a lancé cette étude. C'est vrai qu'il y a des points noirs dans cette étude, avec la trémie. Je vous l'accorde, Monsieur Brunier ! On ne peut pas arriver à un objectif sans de temps en temps avoir des points noirs. Globalement, qu'est-ce qu'on lit dans cette étude ? Tout bien considéré, tous les aspects sont positifs. Certes, cela a un coût. Quelques centaines de millions de francs, peut-être 3 ou 4 centaines de millions de francs, je ne sais pas. C'est vrai que le CEVA coûtera aussi. On pourrait aussi dire que le CEVA va coûter très certainement 2 milliards de francs. Je ne sais pas, je reprendrai les chiffres, là n'est pas franchement le propos. L'important, c'est de savoir si on a envie d'avoir un développement coordonné des transports, sans qu'il y ait une guerre entre nous à ce niveau. Je pense qu'on doit obtenir une union et se mettre autour d'une table pour savoir quelle traversée de la Rade, quels objectifs pour quelle qualité de vie nous voulons. Je pense que c'est une hérésie, actuellement, que de vouloir faire traverser absolument le TCOB - le tram censé aller jusqu'à Onex et Bernex - par le pont de la Coulouvrenière. Cela ne pourra certainement pas se faire car il y a déjà cinq ou six lignes de tram qui passent par là. Pourquoi vouloir emprunter le pont de l'Ile alors qu'on a un pont du Mont-Blanc qu'il serait tout à fait possible d'utiliser en développant ce pont et en accordant sur ce pont de l'espace pour les transports publics et, pourquoi pas, pour la mobilité douce ? Il y a des possibilités, malgré qu'on ait le pont des Bergues, refait à grands frais pour plusieurs millions pour y faire passer quelques vélos. Le pont du Mont-Blanc est peut-être plus utile pour ceux qui se déplacent à vélo. Pourquoi ne pas aussi créer des voies pour les vélos sur le pont du Mont-Blanc, tout en écartant les voitures ?
Le président. Il faut vous préparer à conclure, Monsieur le député.
M. Alain Meylan. Oui, merci, Monsieur le président. Peut-être que de cette manière, en libérant de la place, de façon à pouvoir rendre les transports publics efficaces, on obtiendrait là une réelle alternative. Je vous recommande, Mesdames et Messieurs, d'appuyer ces projets, au nom du groupe libéral, aussi en mon nom personnel, pour les entreprises qui donnent du travail, qui paient des impôts et qui ont besoin de cette ville magnifique pour vivre et faire du commerce.
M. Christian Brunier (S). Je saisis l'offre de M. Meylan. Il nous dit qu'il faut que tous les partis se mettent autour de la table pour trouver une solution en matière de transports. Je crois que c'est un des points où on pourrait être d'accord. C'est vrai qu'il y a un constat, que nous partageons toutes et tous si nous sommes de bonne foi, c'est le constat fait par les experts et les ingénieurs de la circulation, tant en France qu'à Genève. C'est un chiffre qu'on doit avoir continuellement en tête: d'ici 2015, il y aura 40 à 50% de circulation en plus si nous ne faisons rien ! 40 à 50% en plus, c'est la catastrophe ! Sur un territoire aussi exigu que le territoire genevois, ce serait carrément l'asphyxie.
Donc, nous devons trouver des solutions, mais vous savez très bien - nous avons tous une certaine maturité en matière de finances pour dire que nous ne pourrons pas tout nous payer. Si on retient le chiffre du Conseil d'Etat disant qu'une traversée sous-lacustre coûterait 2 milliards, il faut se demander si nous avons les moyens de nous payer cette traversée ? On ne peut pas mettre 2 milliards dans ce projet, mettre 1 milliard dans le CEVA, mettre 1 milliard dans les autres transports publics, etc. Nous devons choisir des priorités ! En termes de priorités, si nous opposons les projets, si nous investissons 2 milliards pour une traversée de la Rade ou si nous mettons 2 milliards dans les transports publics - on a les chiffres, des études ont été menées - vous savez très bien qu'en transfert modal les 2 milliards investis dans les transports publics auront beaucoup plus d'effet sur la circulation qu'une traversée de la Rade dont on ne saura pas comment gérer les accès, à Sécheron et aux Eaux-Vives. Ce sera impossible à gérer !
Deuxième chose, vous nous dites de ne pas juger et de laisser faire des études. Des études sur la traversée de la Rade, Genève en a payé toute une série avec les deniers publics ! Le reproche que vous nous faites, nous demandant de ne pas juger avant, nous pourrions vous le faire aussi ! Vous êtes en train de nous dire que c'est génial et fantastique, que ça va résoudre tous les problèmes ! Et après, vous nous dites qu'il faudrait peut-être étudier le problème. Chronologiquement, on étudie éventuellement le problème, mais on ne commence pas par dire que c'est génial !
Maintenant, au sujet de la volonté populaire, j'ai entendu dire l'UDC qu'il fallait répondre à la volonté populaire; M. Meylan a même dit que 88% des gens à Genève étaient favorables à la traversée de la Rade. On peut tout évoquer et deviner plein de chose, au travers d'une boule de cristal ! Le seul baromètre sérieux que nous ayons eu sur la volonté de la population genevoise, c'est le vote populaire, le dernier en date - il est ancien, la population a le droit de changer d'avis et elle va peut-être changer d'avis - mais ce vote disait non aux traversées de la Rade ! Il ne faut pas l'oublier et il ne faut pas jouer avec la volonté de la population.
Je conclurai par une chose. Vous n'arrêtez pas de nous dire que nous, la gauche, bloquons tous les projets et qu'il s'agit d'un projet génial pour Genève. Vous avez dit que ça allait tout débloquer, qu'il n'y aurait plus de bouchons, plus de pollution, plus de problèmes ! Mathématiquement, il faut m'expliquer quelque chose: ici, la gauche - les Verts plus le PS - nous sommes 33 députés. Vous êtes potentiellement 67 députés. On verra ce qu'il en est du MCG qui a dit qu'il était plutôt favorable au projet, mais qu'il attendait un certain nombre de réponses. J'ai l'impression qu'il ne les a pas obtenues. Quand même, cela fait 67 députés de droite, 33 de gauche et vous arrivez à nous dire que nous, la gauche, arrivons à tout bloquer. Nous sommes donc super balèzes ! Avec un tiers du parlement on arrive à tout faire: nous avons soi-disant sacrifié les deniers publics, nous avons soi-disant bloqué la traversée de la Rade. C'est magnifique ! Pourtant vous êtes majoritaires ! Je le redis et ce, depuis des décennies !
Si vous voulez la faire, la traversée de la Rade, votez un projet de loi, osez aller jusqu'au bout, trouvez les 2 milliards. On verra ce que la population dira quand elle apprendra que vous consacrez 2 milliards à ça alors que vous êtes en train de couper dans les aides financières aux personnes les plus défavorisées de ce canton. Je vous mets au défi: faites votre projet de loi et nous verrons ensuite devant le peuple qui aura raison !
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Ce débat, ce n'était pas une surprise, a été un long débat. Toutes sortes de choses y ont été dites, vous me pardonnerez de ne pas répondre à chacune et à chacun. Il y a peut-être deux éléments factuels sur lesquels j'aimerais revenir.
Un élément m'a frappé dans l'intervention de M. Catelain, qui comparait les coûts de la liaison CEVA et de la traversée de la Rade. Il disait qu'au fond 800 millions de francs ce n'était pas si cher que cela pour décharger le pont du Mont-Blanc de peut-être 15% de son trafic si on comparait cela aux 400 millions que l'on investira pour offrir un service de transports publics - à un certain nombre de passagers que M. Catelain chiffrait.
A mon avis, cette comparaison est totalement erronée. Dès l'instant où vous développez les transports publics, vous n'allégez pas le réseau sur un point seulement. Vous allégez la circulation de façon générale: un véhicule qui n'entre pas sur le réseau routier allège le réseau en tous les points. C'est en ce sens que le développement des transports publics - et je le répète chaque fois que j'ai l'occasion de le dire - est une façon de permettre à ceux qui ont besoin de leur voiture pour une raison ou pour une autre, de pouvoir continuer à circuler ainsi. Car la personne qui se déplace avec les transports publics offre de la place en plus sur la route pour tous les usagers de la mobilité individuelle. Je rappelle cela pour dire que les comparaisons sont bien difficiles à faire en ce domaine.
Deuxième élément, Monsieur Meylan, je dois vous dire très clairement que ce n'était pas pour ménager le pont du Mont-Blanc qu'on a décidé de ne pas y mettre une voie de tram. En faisant une étude sérieuse de notre réseau, on s'aperçoit que c'est effectivement sur le pont de l'Ile qu'il faut faire passer le tram, si on a besoin d'un deuxième pont pour le tram, comme ce sera le cas, parce qu'autrement on ferait des sacrés zigzags pour accéder au pont du Mont-Blanc. Je peux vous montrer des cartes qui sont très évocatrices à ce sujet. Vous devez en effet considérer maintenant que la plupart des trams viendront de Lancy ou du Bachet et pour ceux-ci, ce sera plus court de prendre le pont de l'Ile plutôt que de poursuivre jusqu'au pont du Mont-Blanc.
Voilà pour ces deux questions factuelles, mais, au fond, ce n'est pas ça l'objet de la pétition et de la résolution. On n'y parle pas de transports publics, on parle de mobilité individuelle. Sur ce plan, je vous dit simplement la chose suivante. Que vous renvoyiez ou non cette pétition au Conseil d'Etat, que vous adoptiez ou non cette résolution, le Conseil d'Etat s'engage à vous faire un rapport dans cet horizon d'environ 6 mois qui nous est imparti pour répondre à vos sollicitations quand à la problématique de la traversée de la Rade. Nous allons faire un rapport parce que nous sommes actuellement en train de travailler sur cet objet.
Si vous lisez le rapport de majorité de M. Leyvraz, vous verrez au bas de la page 3 que le secrétaire adjoint du département a indiqué qu'un rapport a été fait par le groupe de travail paritaire que j'ai mis en place et qui était composé à parts égales d'un certain nombre de membres d'organisations environnementales et, d'autre part, d'un certain nombres d'acteurs des milieux de l'économie. Ce rapport a été rendu, il fait actuellement l'objet d'une évaluation de la part de l'administration. L'administration a rendu au Conseil d'Etat un premier document de travail, un rapport provisoire. Sur cette base, le Conseil d'Etat a demandé à l'administration de poursuivre sa réflexion, non seulement en continuant l'examen du rapport, mais également en envisageant d'autres possibilités qui n'ont pas été retenues par les rapporteurs.
Au fond, j'ai le sentiment qu'il y a depuis bien longtemps quelque chose de biaisé, dans le débat sur la traversée de la Rade. C'est que ce débat a été envisagé comme s'il ne s'agissait pas tant de répondre à la question du soulagement de la Ville de Genève d'une partie de sa circulation, mais plutôt qu'il fallait faciliter l'accès aux commerces du centre-ville aux véhicules de ceux qui souhaitaient y faire des achats. Evidemment, c'est une contrainte comme une autre et elle est parfaitement respectable lorsque l'on fait des études, mais elle induit, par la force des choses, un certain nombre de conclusions. Pour reprendre la conclusion du rapport de minorité - vous voyez que cette intervention est extrêmement consensuelle - il n'est pas possible de donner des réponses avant d'avoir posé les bonnes questions.
Or, aujourd'hui, très vraisemblablement et même très certainement, il en va de même de la mobilité individuelle et des transports publics: la bonne approche c'est de réaliser que Genève n'est plus seulement une ville de 170 000 habitants, ce n'est plus aujourd'hui uniquement un canton d'un peu plus de 440 000 habitants. C'est également une agglomération franco-valdo-genevoise. Une agglomération qui compte entre 800 000 et 1 000 000 d'habitants, selon la façon de compter. C'est en fonction de cette agglomération-là que nous devons concevoir notre façon de nous déplacer, parce qu'aujourd'hui c'est dans une agglomération de cette importance qu'on se déplace. Les chiffres de M. Catelain sur les franchissements de frontière sont un peu pessimistes. Moi j'ai retenu qu'on avait plutôt - mais c'est déjà considérable - 250 000 franchissements de frontière entre Genève et la France et environ 100 000 franchissements de frontière entre Genève et la Suisse. Ce qui fait quand même 350 000 franchissements de frontière; ce qui est déjà considérable et induit un trafic considérable, en augmentation permanente.
Pour faire face, nous devrons répondre à cela par une offre accrue en transports publics; cette offre s'appelle CEVA et elle est indispensable. Nous serons obligés aussi de nous poser toute une série de questions sur l'évolution des réseaux routiers et pour cela, je suis désolé de le dire, il ne suffira pas d'une étude technique de plus pour savoir comment on fait pour construire un ouvrage d'art. Il s'agit avant tout de faire des études sur la circulation à laquelle nous sommes confrontés.
A cet égard, je dois vous dire que nous ne savons actuellement que peu de choses et c'est la raison pour laquelle nous avons engagé avec nos partenaires français un projet très ambitieux, une étude qui va coûter plus de 1 million de francs et par laquelle nous voulons établir un modèle mathématique pour savoir d'où viennent les gens, où ils vont, pourquoi ils se déplacent. Ce modèle permettra de traiter ces informations comme un certain nombre de variables avec lesquelles on peut composer, pour savoir très concrètement à quoi ressemble notre réseau routier, où il faut faire de nouvelles routes et pourquoi. Cela nous permettra aussi de voir comment on peut imaginer le développement des déplacements aussi bien individuels qu'en transports publics, aussi bien en bicyclette qu'à pied. On envisage ici véritablement l'entier des modes de transports.
Tout ce propos pour vous dire que, quand on parle de circulation, la bonne question à se poser c'est très probablement celle qui doit permettre de répondre, désormais, à un problème qui ne se situe plus au niveau ni de la ville ni du canton, mais à un niveau régional. C'est à cette échelle-là que l'on doit poursuivre la réflexion sur la pertinence d'un ouvrage qui contournerait Genève par l'est.
Voilà pour l'état de nos réflexions et aussi pour vous dire qu'il n'est pas forcément utile de voter tel amendement à la résolution, de nous donner tel mandat plus ou moins impératif. Le point de départ de la réflexion, on le connaît, c'est à peu près ce qui a dicté le rapport du groupe paritaire. Il ne donne probablement pas la bonne solution - peut-être parce que l'on n'avait pas posé les bonnes questions. Ce qui est certain, c'est que, quelle que soit votre décision de ce soir, le Conseil d'Etat vous fera rapport à la fin de l'année ou au tout début de l'année prochaine.
Mises aux voix, les conclusions du rapport de majorité de la commission des transports (renvoi de la pétition 1540 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 45 oui contre 35 non et 1 abstention.
Le président. Je vous soumets la proposition d'amendement concernant la résolution 498. Voici la teneur de la nouvelle invite: «à déterminer les différents moyens de financement à disposition, notamment en explorant les possibilités qu'offre le modèle de partenariat public-privé (PPP), à l'instar du canton de Berne depuis février 2006.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 46 oui contre 35 non.
Mise aux voix, la résolution 498 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 47 oui contre 34 non.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je constate que quand les débats vont leurs cours jusqu'au bout, vous les trouvez finalement plus fatigants que quand le Bureau les jugule un peu. J'en prends bonne note pour la prochaine fois et je me réjouis de vous revoir dans 15 jours.
La séance est levée à 23h10.