République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 9 juin 2006 à 17h15
56e législature - 1re année - 9e session - 43e séance
M 1680
Débat
M. Guillaume Barazzone (PDC). Merci, Monsieur le président, de me permettre de développer cette proposition de motion visant à encourager les habitantes et les habitants du canton de Genève qui désirent acheter une automobile à acquérir un véhicule respectueux de l'environnement.
Pourquoi inciter les gens à acheter des véhicules «propres» ? J'y vois trois raisons principales. Qu'on le veuille ou non, les véhicules automobiles et notamment les voitures sont malheureusement des sources d'émission de dioxydes d'azote et de particules fines qui nuisent beaucoup à la santé, surtout des plus faibles. Je pense aux personnes qui sont asthmatiques, aux personnes âgées et à toutes les personnes qui souffrent des pathologies que la pollution exacerbe malheureusement souvent en provoquant des maladies à complication et à répétition. Nous avons la responsabilité de garantir la santé publique, j'y reviendrai tout à l'heure.
Il y a une deuxième raison pour laquelle il nous faut absolument inciter les gens à «rouler propre»: actuellement, les véhicules sont des sources de nuisances sonores que nous ne pouvons plus ignorer. Le bruit est un désagrément, il nuit à la qualité de vie de nos citoyens, mais il est aussi à l'origine de pathologies qui dépassent largement la simple gêne que peuvent ressentir telle ou telle citoyenne et tel ou tel citoyen.
Il y a une troisième raison. Je crois que j'enfonce une porte ouverte, mais il est parfois nécessaire de le rappeler: les émissions de CO2 nuisent à notre environnement. Nous ne nous en rendons pas compte tous les jours de manière immédiate, mais, à terme, il s'agit d'une préoccupation que nous devons prendre en considération.
Cette motion s'inscrit dans un contexte factuel et politique qui est double. Le premier, c'est que l'on sait qu'à l'horizon 2020 - voire 2015 - notre centre-ville sera paralysé si nous n'incitons pas plus de citoyennes et de citoyens à utiliser les transports publics. (Brouhaha.) Ce Grand Conseil a fait d'énormes efforts en votant de grands investissements, notamment pour la liaison CEVA, et je crois qu'il faut répéter que c'était un bon choix et qu'il va falloir soutenir ce projet. La Confédération nous a suivis et c'est tant mieux. A l'avenir, le Grand Conseil sera souvent amené à voter des investissements en ce qui concerne les infrastructures des transports publics, et je tiens à dire que le PDC soutiendra ces propositions. Il s'agit d'un des éléments impondérables, à notre sens, mais il ne faut pas oublier que si les transports publics deviennent plus efficients, que si le système se développe, il n'en reste pas moins qu'un certain nombre de recoins du canton ne sont pas accessibles avec les transports publics. C'est pour cela qu'il faut prendre en compte tous ceux qui veulent acquérir un véhicule, et qui sont en fait obligés d'en acquérir un, et inciter ces gens à «rouler propre» plutôt qu'à «rouler sale».
Il y a une deuxième donnée qui me semble impondérable, c'est le vote de 2002 qui a vu le peuple genevois accepter un article constitutionnel qui garantit le libre choix du mode de transport. Entre ces deux données impondérables, la marge de manoeuvre est réduite. Il nous faut être inventifs et il nous faut plutôt inciter les citoyens à «rouler propre», comme d'ailleurs l'avait proposé à l'époque le Conseil d'Etat en nous faisant adopter l'exonération de la taxe automobile pour les véhicules «propres». Et c'est sur cette philosophie que se base la proposition du groupe démocrate-chrétien.
Il y a une troisième donnée qui, je crois, nous dépasse, c'est l'évolution du marché automobile. A l'horizon 2007, onze constructeurs automobiles ont annoncé la mise en circulation de véhicules dits «propres», non plus seulement des véhicules très chers mais une gamme de véhicules qui seront accessibles à un plus grand nombre de citoyens et de citoyennes de notre canton - et du monde entier, d'ailleurs. Ces véhicules restent malheureusement plus chers que les modèles dits ordinaires, mais il nous faut encourager les gens à les acheter.
Mesdames et Messieurs, j'en viens à la proposition d'exonérer ou de permettre un stationnement gratuit à tout détenteur de véhicule automobile «propre» pendant une période de cinq ans. C'est l'occasion de dire que la motion en tant que telle contient les cautèles nécessaires pour que l'exonération ne soit pas indéterminée. Ainsi, nous estimons que le cumul des mesures incitatives telles que l'exonération de la taxe automobile, l'exonération du coût du parking - je pense en particulier à la gratuité du macaron «habitants», puisque les habitants parquent leur voiture à côté de leur domicile, c'est une donnée que nous ne pourrons pas changer... Alors, dans ce sens-là, une exonération du prix du macaron pendant cinq ans permettrait peut-être de faire récupérer de l'argent aux gens qui ont investi plus lors de l'achat d'un véhicule «propre».
Mesdames et Messieurs, je crois que nous partageons tous le même constat, nous pouvons discuter la mise en oeuvre d'un certain nombre de mesures... Je vais bientôt conclure, Monsieur le président.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Guillaume Barazzone. Nous pensons qu'il serait aussi utile de discuter d'autres mesures incitatives: le Tessin a subventionné les acquéreurs de véhicules propres; les Verts ont fait une proposition qui nous semble philosophiquement intéressante; on pourrait imaginer que le permis de rouler soit exonéré pour les acquéreurs de véhicules «propres»...
Le président. J'ai dit qu'il vous fallait conclure, Monsieur le député ! (Commentaires.)
M. Guillaume Barazzone. En ce sens, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette proposition de motion à la commission des transports. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Nous sommes donc saisis d'une demande - surprenante, après une si longue intervention - de renvoi à la commission des transports. Nous passons donc à la consultation relative à ce renvoi à la commission des transports, avec un député par groupe.
M. Roger Deneys (S). Bien entendu, les socialistes sont tout à fait en faveur du soutien aux voitures écologiques. Quand on pense aux problèmes de santé publique que représentent les émissions des véhicules à moteur, quand on pense aux problèmes de l'énergie, aux ressources de matières premières qui sont en voie d'épuisement et à l'accroissement de la population au niveau mondial, on a toutes les raisons de s'inquiéter du gaspillage des énergies fossiles. Dans ce sens, tout ce qui peut encourager la diminution de la consommation d'énergies fossiles doit être encouragé et c'est une des préoccupations des socialistes.
Si l'on s'intéresse plus spécifiquement aux voitures, on peut constater que certaines nuisances sont identifiées aujourd'hui dans la loi en ce qui concerne la pollution sonore et de l'air. Le problème est qu'il y a une troisième pollution que l'on a tendance à négliger, et le lien avec cette motion est justement là: l'occupation de l'espace public. Parce qu'un véhicule, motorisé ou non à l'essence, aussi écologique soit-il, occupe un espace non négligeable. Alors, la question du bruit et de la pollution de l'air est bien prise en compte dans la discussion sur le véhicule écologique, mais la réflexion sur l'espace occupé par les véhicules fait ici défaut. Pour nous, c'est aussi un aspect qui doit être envisagé dans une réflexion à moyen terme, notamment par rapport à l'accroissement de la population dans la région genevoise, parce que le nombre de mètres carrés de l'espace public utilisé par les personnes en déplacement change la donne ! Et la proposition de motion, qui souhaite offrir le stationnement gratuit en ville, est quand même une incitation au gaspillage de l'espace public. Cela n'est pas acceptable pour les socialistes.
De plus, on peut aussi insister sur le fait que la proposition de stationnement gratuit complique un peu la donne... Aujourd'hui, les mécanismes genevois d'incitation à utiliser des véhicules «propres» vont plutôt dans le sens d'un bonus à l'achat et ne portent pas sur l'utilisation de ces véhicules, que ce soit sur le stationnement ou autre chose. Il nous semble que la réflexion est juste, il faut encourager les véhicules écologiques, mais il n'est pas nécessaire de compliquer davantage le système. En l'occurrence on va mettre en place non pas un véhicule à gaz, mais une usine à gaz, si l'on rajoute une prestation sous forme de macarons de stationnement gratuit.
J'aimerais encore dire à M. Barazzone que son exposé des motifs était excellent, de même que ses considérants. Il devrait d'ailleurs les transmettre à ses collègues membres de la commission fiscale, puisque nous y étudions un projet de loi qui vise à taxer davantage les véhicules polluants et à exonérer davantage les véhicules non polluants. Le PDC a semblé relativement frileux lors de la discussion de la commission fiscale sur la problématique des particules fines. Typiquement, cette proposition de motion pourrait se greffer sur les discussions actuelles, on attend une réponse et une proposition du Conseil d'Etat. Au terme de cette discussion, un amendement qui irait dans le sens d'une incitation financière à l'acquisition des véhicules écologiques retiendrait l'accord des socialistes. Je vous invite donc à transmettre cela à vos collègues de la commission fiscale et à les rendre attentifs au fait que nous pourrons inclure cette proposition sous une autre forme, plus simple, plus classique, et sans perdre de vue son but.
Pour conclure, j'aimerais dire que nous sommes opposés au renvoi à la commission des transports. Parce que la proposition est bonne dans l'idée, mais la concrétisation par l'instauration du stationnement gratuit n'est pas adéquate. De toute façon, c'est bien connu, c'est encore mieux de faire du vélo: plus écologique et meilleur pour la santé !
M. Hugo Zbinden (Ve). Les motionnaires ont raison, nous avons à Genève - ailleurs aussi - un grand problème de pollution, de l'air et sonore. Les Verts saluent l'exposé des motifs qui était excellent, c'est un bon résumé des problèmes que nous rencontrons actuellement. Nous espérons que le PDC se souviendra de cet exposé lors des prochaines discussions sur d'autres mesures à prendre dans le futur.
Effectivement, il y a aussi un problème d'engorgement de la ville. Vous conviendrez qu'entre un bouchon de voitures polluantes et un bouchon de voitures moins polluantes il n'y a pas une grande différence... (Remarque.) Il n'y a tout simplement pas suffisamment de place en ville ! Il faut donc avoir un transfert modal, là aussi nous sommes d'accord. Pour encourager ce transfert modal, la gestion des parkings est un outil important: il faut offrir des places en P+R à l'extérieur de la ville, limiter les places de longue durée au centre-ville et, aussi, pratiquer une tarification dissuasive au centre. Donc, en demandant des places gratuites, cette motion va à l'encontre d'une gestion raisonnable des places de parking. Pire, on peut imaginer des effets pervers: quelqu'un qui possède une voiture «propre» prendra sa voiture plus volontiers, sachant qu'il ne paiera rien pour utiliser le parking du Mont-Blanc... On pourrait même imaginer que quelqu'un ayant, pour l'instant, une place privée payante au centre-ville y renoncera pour aller se garer dans un parking public....
En conclusion, même si les motifs de cette proposition sont louables, nous considérons que les mesures suggérées sont mauvaises. Néanmoins, nous sommes d'accord de discuter de cet objet dans un contexte plus large, à la commission des transports.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue la présence à la tribune de notre ancien collègue et actuel conseiller national M. John Dupraz. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG soutiendra le renvoi de cette motion en commission.
Puisque l'occasion m'en est donnée, j'aimerais juste réagir, très brièvement, aux propos de notre collègue M. Barazzone. C'est vrai que les véhicules sont des sources de nuisances qui sont devenues incontournables aujourd'hui. Néanmoins, je tiens à dire que les nuisances des véhicules étrangers, qui viennent quotidiennement à Genève, sont d'autant plus fortes. J'en veux pour preuve les vélomoteurs ou les petites motos de nos amis français qui n'ont déjà pas de plaques d'immatriculation et polluent... (Exclamations.) Il s'agit de sources de nuisances, je suis désolé ! Maintenant, il faut savoir si l'on veut toujours taper sur la tête de nos résidents genevois et ne rien dire sur ces véhicules, qui sont au nombre de 30 000 par jour... Cela désengorgerait pourtant la circulation et les parkings à Genève. Mais, à vous entendre chers collègues, Monsieur le président, c'est toujours le résident genevois qu'il faut sanctionner, taxer et condamner pour les voitures 4x4 qui polluent, etc. ! Je ne parle pas du touriste, qui est le bienvenu dans notre cité - d'ailleurs je porte l'emblème de Genève Tourisme, ce n'est pas pour rien ! Je parle des travailleurs qui viennent quotidiennement à Genève: 30 000 véhicules ! Il faudrait donc vous interroger, Mesdames et Messieurs les députés, avant de vouloir, chaque fois, restreindre les libertés de nos concitoyens ! Vous qui prônez la «région», il faudrait que ce discours soit cohérent...
Je conclurai, Monsieur le président, avec ce que M. Barazzone a dit sur l'exonération des macarons. C'est peut-être un point où le groupe MCG le rejoindrait, mais il faut encore savoir que les macarons n'ont pas été instaurés pour aménager des places de parking dans les quartiers où vous les payez: les macarons ont été introduits pour payer les parkings P+R destinés à nos amis frontaliers qui viennent quotidiennement à Genève et qui ne les utilisent pas ! Ces parkings sont donc déficitaires, il faut juste le savoir ! (Brouhaha.)
C'est pour cela que nous soutiendrons certainement cette proposition - si elle devait être soumise à notre Grand Conseil - de rendre gratuits les macarons, puisqu'il nous semble que c'est un droit fondamental quand on habite le quartier des Eaux-Vives que de pouvoir s'y garer sans avoir à payer un macaron pour cela !
M. Michel Ducret (R). Pour en revenir à la discussion concernant le stationnement, je rappellerai à cette assemblée que le principal problème urbain, c'est d'abord celui de l'espace disponible, quelle que soit la motorisation utilisée. Et une voiture stationnée est, par définition, une voiture qui ne pollue pas, ni en termes de particules ni en termes de bruit, qu'elle fonctionne à l'essence, au charbon, au gaz, au crottin, à la sueur ou à l'électricité ! (Brouhaha.)
En conséquence, vous l'aurez compris, favoriser le stationnement des véhicules électriques et laisser les autres véhicules circuler le plus possible - en tout cas autant qu'aujourd'hui - n'est pas très productif en matière d'environnement ! Je voudrais plutôt voir le contraire, c'est-à-dire la gratuité du stationnement pour les pollueurs, qui n'auraient alors peut-être plus à circuler autant qu'aujourd'hui. Et puis, on ferait plutôt payer normalement les véhicules qui ne polluent pas et qui circulent ! Ce serait peut-être plus logique.
Selon nous, favoriser la voiture «propre» doit plutôt passer par les taxes automobiles et par d'autres mesures incitatives que par des mesures sur le stationnement, qui n'est pas en relation avec l'utilisation du moteur mais bien avec celle de l'espace.
Bref, partant de l'idée que le PDC a voulu bien faire, nous accepterons - sans grand enthousiasme, il est vrai - un renvoi en commission, pour bien expliquer ce que je viens d'évoquer maintenant. (Remarques. Brouhaha.)
M. Alain Meylan (L). Le groupe libéral soutiendra cette motion du bout des doigts... (Rires.) ... en la renvoyant à la commission des transports. On peut relire tous les mémoriaux, chaque fois que l'on traite de quelque motion ou pétition ou projet de loi concernant les transports, eh bien, on refait le débat ici ! Je crois que le lieu est la commission des transports. Même si le PDC émet quelques incohérences dans ses considérants et ses invites, il y aurait, au nom de l'écologie libérale, quelques principes cohérents dans cette motion puisqu'on vise, par un comportement respectueux de l'environnement, à réduire le coût d'un véhicule «propre». Nous étudierons donc cette motion en commission. Et si le fait de supprimer les coûts de parking pouvait permettre de réduire le nombre de petits bonshommes multicolores qui hantent les rues... Cela laisserait aux gens qui viennent travailler ou consommer - parce qu'il y en a encore qui consomment - la possibilité de le faire et ce ne serait pas plus mal.
M. Eric Ischi (UDC). Sans vouloir trop allonger le débat - je crois que tout a pratiquement été dit - il y a un point qui m'interpelle personnellement: la question du parking gratuit. En effet, c'est ce que l'on appelle une utilisation accrue du domaine public. Et si l'on arrivait à une telle solution, je serais tenté de dire qu'il y aurait une inégalité de traitement par rapport à bien d'autres usagers de ce domaine public. Néanmoins, de la discussion jaillit la lumière; c'est la raison pour laquelle nous soutenons aussi le renvoi de cette proposition de motion à la commission des transports, pour que nous puissions en discuter plus largement.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1680 à la commission des transports est adopté par 43 oui contre 13 non et 6 abstentions.