République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 576
Rapport de la commission de contrôle de gestion relatif à l'audit de l'Office cantonal du logement (OCL)
Rapport de Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG)
M 1628
Proposition de motion de Mmes et MM. Marie-Paule Blanchard-Queloz, Pierre Froidevaux, Véronique Pürro, Ivan Slatkine, Alexandre Anor, Jacques Baud, Edouard Cuendet, Philippe Glatz, Sami Kanaan, Pierre Kunz, Jeannine De Haller, Janine Hagmann, Sylvia Leuenberger, Anne Mahrer, Stéphanie Ruegsegger : Audit de l'Office cantonal du logement et politique des audits à l'Etat de Genève

Débat

Le président. Le rapport de Mme Blanchard-Quéloz n'est pas repris, elle le surveille silencieusement du haut de la tribune. Il n'y a pas de rapport de minorité. Monsieur Kunz, vous reprenez le rapport de Mme Blanchard-Quéloz ?

M. Pierre Kunz (R), rapporteur ad interim. Effectivement, Monsieur le président. Il se trouve tout simplement qu'à l'époque où se rapport a été rédigé par Mme Blanchard-Quéloz et son coauteur M. Pierre Froidevaux j'étais membre de la commission de contrôle de gestion. Ma position étant consensuelle, il a été décidé que je représenterais cette commission et le rapport. Alors, voilà, si personne n'est opposé à cela, je continue.

Le président. Je vous félicite de cette très improbable élévation. (Rires.) Nous vous aurons vu aujourd'hui, Monsieur le député, dans des situations inhabituelles, notamment faire une déclaration d'acte de foi et, maintenant, prolonger celui de Mme Blanchard-Quéloz.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). C'est vrai que ce rapport est le résultat d'un travail approfondi de la commission de contrôle de gestion et surtout, effectivement, de Mme Blanchard-Quéloz, de son coéquipier et, si ma mémoire est bonne, de M. Kunz. Ils avaient énormément travaillé et je dois dire que c'est un événement qui appartient plus ou moins au passé, puisqu'il y a un nouveau conseiller d'Etat à la tête du département et que des mesures ont été prises. On doit néanmoins dire que ce rapport met bien en évidence l'opportunité, mais aussi les limites méthodologiques inhérentes aux audits comme outils de gestion. C'est vrai que souvent on utilise ces audits de façon inadéquate, c'est vrai que souvent ils sont onéreux et c'est vrai que souvent la mise en oeuvre, comme on l'a vu dans le point précédent par rapport à la CEPP, est délicate. Il est fréquent que ces audits, réalisés par des mandataires externes, ne soient pas pris en compte par le Conseil d'Etat comme ils le devraient.

Si le problème local a été plus ou moins réglé, le problème général demeure dans le maniement, dans la publicité et la mise en oeuvre des audits. Quand on regarde les annexes de ce rapport, on voit qu'il y a déjà beaucoup d'outils à disposition pour l'évaluation et qu'il suffirait peut-être de les appliquer de façon plus précise et adéquate. Il faut aussi rappeler qu'il parle de relations humaines et qu'en termes de relations humaines on n'est pas toujours rationnel ni logique. Malgré toutes les réglementations ou lois qu'on peut mettre en place, les conflits demeureront.

La commission de contrôle de gestion a déposé une motion qui invite le Conseil d'Etat à fournir maintenant de façon systématique les rapports d'audit et à être plus rigoureux et plus prudent dans sa politique d'audits externes. C'est un outil qui doit effectivement être manié avec précaution. Surtout, la motion invite le Conseil d'Etat à appliquer et faire appliquer de manière adéquate les outils d'évaluation du personnel et, aussi, à se rappeler ses responsabilités hiérarchiques en matière de gestion des ressources humaines au sein des département de l'administration publique.

Je viens de vous répéter en fait les invites de cette motion. Nous espérons qu'elle bénéficiera d'une écoute attentive de la part du Conseil d'Etat et vous demandons de prendre acte du rapport et d'accepter cette motion.

Mme Véronique Pürro (S). L'intervention de Mme Leuenberger me semble parfaite, je partage tout à fait son avis quant aux conclusions générales auxquelles nous sommes arrivés au travers du dossier de l'office cantonal du logement.

Sans vouloir remuer le passé et revenir sur une histoire qui a déjà plusieurs mois, j'aimerais tout de même encourager le Conseil d'Etat - c'est dommage, celui qui est en charge du dossier vient de partir - à nous faire rapport assez rapidement sur l'ensemble des mesures qui ont été prises à l'office cantonal du logement. En effet - et à nouveau sans vouloir remuer le passé - des choses douloureuses ont été vécues par certains collaborateurs. Certaines carrières ont été si ce n'est pas brisées en tout cas ralenties, et je crois que, par respect pour les personnes concernées, on doit s'assurer que l'office cantonal du logement fonctionne désormais correctement et que tout ce qui avait été relevé par l'audit soit pris en compte. Malgré les limites méthodologiques qu'a soulignées tout à l'heure Mme Leuenberger, je crois que toutes les remarques qui ont été formulées dans le cadre de cet audit méritent des réponses.

Nous souhaiterions rapidement savoir - M. Muller est de retour - ce qu'est advenu l'office cantonal du logement, comment il a été réorganisé, et obtenir la garantie que tout fonctionne désormais correctement.

M. Ivan Slatkine (L). Je vais être très bref et ne pas reprendre ce qui a été dit par mes collègues de la commission de contrôle de gestion, si ce n'est pour vous dire que le groupe libéral recommande de prendre acte de ce rapport et de renvoyer la motion au Conseil d'Etat.

J'en profite simplement pour rappeler que, dans cette motion, nous demandons que les rapports d'audit soient systématiquement donnés à la commission de contrôle de gestion. J'ose espérer que cette motion pourra servir à quelque chose. Je suis d'avis qu'il faudra un jour élaborer un projet de loi pour que les rapports d'audit puissent réellement être communiqués et au Conseil d'Etat - on a vu récemment que ce n'est apparemment pas toujours le cas - et à la commission de contrôle de gestion, pour que nous puissions faire correctement notre travail, sans avoir constamment à demander de l'information, à la réclamer une, deux, trois ou quatre fois, sans jamais rien obtenir.

J'ose espérer que, grâce à cette motion, le Conseil d'Etat prendra conscience que les rapports d'audit doivent être communiqués, comme la loi l'indique, aux commissions concernées.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur ad interim. J'aimerais apporter mon commentaire sur la base de ce rapport parce qu'en fait les personnes qui se sont exprimées jusqu'à présent ont été, comment dire, extrêmement souples dans leurs propos, et je crois qu'il faut préciser certaines choses.

Le rapport 576, qui a été rédigé par la commission, concerne vraiment une affaire. Il faut bien comprendre que c'est une affaire: celle de l'office cantonal du logement, qui constitue un exemple quasiment caricatural de l'accumulation de presque toutes les faiblesses, toutes les dérives et toutes les incohérences politiques et administratives actuellement possibles dans les services publics du canton.

Je commence par la mise en place, par feu le DAEL avec l'assentiment du Conseil d'Etat, de structures de direction aussi coûteuses et pléthoriques qu'inefficaces, avec une direction générale de l'OCL pourtant insuffisamment compétente et sans leadership, avec une absence de volonté managériale au niveau du Conseil d'Etat. Je pense au renoncement de celui-ci à assumer ses responsabilités de patron qui normalement devrait trancher, à son recours à des pseudo-experts insuffisamment qualifiés en matière de gestion, de ressources humaines en tout cas. Puis il y a eu l'audit alibi - parce qu'il faut bien l'appeler comme cela - type mur des lamentations, commandé inutilement par le Conseil d'Etat et de manière, comme cela a été rappelé, illégale. De plus, il était trop coûteux par rapport au résultat. Enfin, le Grand Conseil n'a pas été informé. Au bout de compte, le personnel était démotivé, perturbé et absent. Tout cela s'est terminé par des placards dorés pour certains et des ruptures de carrière douloureuses pour certains autres.

Toute cette affaire constitue d'abord un gâchis humain monumental, c'est son aspect le plus inacceptable. Il révèle l'une des faiblesses majeures des gouvernements genevois de ces dernières législatures, à savoir le recours alibi trop fréquent à des experts ou des pseudo-experts, qui masque l'insuffisance de volontarisme et de courage politique. Et puis, cette affaire met aussi en lumière les conséquences que je qualifie personnellement de désastreuses dans certains cas de l'actuel statut des employés de l'Etat. Elle met en lumière l'absence de toute politique sérieuse en matière de gestion des ressources humaines et les insuffisances du système de promotion des cadres de l'administration publique.

Cette affaire, Mesdames et Messieurs, illustre enfin la légèreté avec laquelle le Conseil d'Etat traite, disons traitait, parfois le Grand Conseil et les lois. Je veux parler ici autant de l'audit commandé sans appel d'offres par feu le DAEL que de son refus de transmettre, comme l'ont dit M. Slatkine et d'autres, le rapport d'audit à la commission de contrôle.

C'est sur la base de tous ces tristes constats que la commission de contrôle de gestion a rédigé la motion 1628 qui est destinée à rappeler au gouvernement ses devoirs et ses responsabilités en la matière. La commission de contrôle de gestion vous recommande de l'envoyer au Conseil d'Etat qui a bien du travail sur la planche s'agissant de la gestion de ses ressources humaines dans l'administration publique.

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Il se trouve que, pour différentes raisons, j'ai eu l'occasion de constater d'assez près comment les choses se sont passées dans le cadre de cette affaire de l'OCL. Tout d'abord parce qu'à un moment donné j'ai fait partie de la sous-commission qui est à l'origine de ce rapport, avec Mme Blanchard-Quéloz, avec qui j'ai eu d'ailleurs beaucoup de plaisir à travailler. Ensuite, il se trouve que je suis maintenant en charge de cette direction qui s'appelle la direction du logement et non plus l'office cantonal du logement. Je ne voudrais pas m'exprimer ici sur les différents manquements dans la gestion du personnel ou le pilotage au niveau des ressources humaines que la commission a pu constater dans ce dossier-là. Je crois que tout cela appartient au passé. Le rapport est là pour nous permettre de nous rappeler ce qui s'est déroulé. Je crois que ce qui est important, c'est de se projeter dans l'avenir et de faire un bilan de la situation actuelle.

Il y a, je pense, deux éléments importants qu'il est intéressant de mentionner pour le Grand Conseil. Tout d'abord, la direction du logement a été complètement réorganisée. Une nouvelle équipe de cadres a été mise en place. Cette équipe donne satisfaction. Contrairement à l'ancienne équipe, elle s'entend bien, les personnes travaillent ensemble, et il n'y a plus les problèmes que l'on a pu rencontrer à l'époque. Il y a eu une réorganisation complète de la direction du logement, il y a eu la suppression d'un certain nombre de services, il y a eu une simplification des structures, et vous verrez d'ailleurs paraître tout prochainement dans la FAO une modification du règlement sur l'organisation de l'administration qui vous montrera quelle est la nouvelle organisation. Je ne vais pas me lancer ici dans une description, ce serait quelque peu fastidieux.

Deuxième élément intéressant - Monsieur le rapporteur, vous parliez tout à l'heure de placards dorés qui auraient été créés pour régler la situation - j'aimerais vous informer que l'un des cadres, qui, effectivement, a pu à un moment donné occuper ce que l'on appelle un placard doré, est sorti de son placard sur ma proposition. Nous avons trouvé un accord. Cette personne a accepté une réduction de son salaire et est retournée dans l'organisation tout à fait ordinaire du département et accomplit un travail effectif tout à fait précieux et utile au développement d'un certain nombre de projets, de logement notamment. Je crois que dans ce cas-là tout du moins, on ne peut plus parler de placard doré.

Par souci de transparence, j'aimerais quand même dire que tout n'est pas rose à l'office cantonal du logement, ou plutôt à la direction du logement. Il y a encore des choses à améliorer. S'agit-il des restes de l'affaire qui nous occupe aujourd'hui et qui a fait l'objet de l'examen de la commission de contrôle de gestion, c'est difficile à dire. Toujours est-il que le nouveau directeur de la direction du logement a encore du travail pour assainir complètement la situation et faire en sorte que la direction du logement puisse travailler dans les meilleures conditions. Mais il y a un travail en cours, suivi par le chef du département en l'occurrence, pour que tout rentre dans l'ordre et j'espère que ce sera le cas très prochainement.

Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 576.

Mise aux voix, la motion 1628 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 60 oui (unanimité des votants).

Motion 1628

Le président. Je félicite Mme l'ex-rapporteur qui, muette de joie à la tribune, a pu assister à ce triomphe, tardif mais néanmoins incontestable. (Applaudissements.)