République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 19 mai 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 8e session - 38e séance
PL 9828-A
Premier débat
M. Guillaume Barazzone (PDC), rapporteur de majorité. En préambule, permettez-moi d'apporter une précision sur le débat que nous venons de mener, en indiquant à ce Grand Conseil que les invendus se montent actuellement à environ 100 millions. Les taux augmentant, il faut absolument que l'on se pose la question de la rapidité de nos travaux en commission, puisqu'il faut vendre... (L'orateur est interpellé.) Pardon: 100 millions de retard, depuis le début de l'année seulement. C'est donc important de vendre au plus vite afin de réduire la facture.
Concernant le rapport de M. Stauffer, une remarque générale: je regrette qu'il ait cité un certain nombre de noms de sociétés. Nous avions décidé en commission que, dans les rapports, aucun nom ne figurerait aux yeux du public. M. Stauffer démontre encore une fois son incapacité à tenir un vote collégial et à se conformer à l'avis de la commission.
Je ne reviendrai pas sur le rapport que je vous ai communiqué. En revanche, je prendrai deux ou trois points du rapport de minorité de M. Stauffer, pour vous indiquer où il fait des affirmations erronées. Concernant le rachat, par la fondation, des biens à un porteur, M. Stauffer nous dit que la fondation a racheté les biens sans base légale et a libéré le vendeur de sa reconnaissance de dette de 17 millions en la reprenant entièrement à son compte - c'est-à-dire à la charge du contribuable... Heureusement que la fondation, qui était titulaire de créances, a eu la bonne idée d'acquérir des biens, puisque c'est en vendant les biens que cela nous permet de réduire la facture des milliards de dettes que nous avons hérités de la Banque cantonale.
M. Stauffer nous dit ensuite qu'il n'est pas acceptable que notre parlement verse des sommes aux débiteurs de la fondation. Permettez-moi de vous dire, Monsieur Stauffer - Monsieur le président, vous lui transmettrez... (Rires.) - que la fondation, une fois n'est pas coutume, nous a informés en détail des intervenants dans ce dossier et nous a même donné le nom des débiteurs. Je peux vous assurer, Mesdames et Messieurs les députés, que les débiteurs ne touchent pas d'argent, car il ne s'agit pas des mêmes personnes.
Ensuite, M. Stauffer nous dit que les contrats de courtage ne sont pas valables, il nous cite notamment l'article 20 du code des obligations, qui stipule que le contrat est nul s'il a pour objet une chose impossible, illicite ou contraire au moeurs. Je rappelle encore une fois que la justice se prononce sur l'aspect pénal du dossier de la Banque cantonale. Aujourd'hui, il nous faut respecter ces contrats, car la Banque cantonale les a signés et que la fondation n'avait pas d'autre choix que de les reprendre. En vertu du principe pactas sunt servandas - c'est-à-dire que les pactes étant signés, nous devons les respecter - il nous est impossible aujourd'hui de les dénoncer, sauf à risquer une pléthore d'actions civiles de la part des cocontractants qui coûteraient bien plus cher au contribuable que si nous ne dénoncions pas ces contrats.
Sur ce dossier, la perte est importante, car elle s'élève à 1,8 million pour un prix de vente de 850 000 F, mais, compte tenu des erreurs commises par M. Stauffer - des erreurs intellectuelles et de présentation des faits - je vous demanderai de ne pas tenir compte du rapport de minorité et de voter le rapport de la majorité, comme l'a fait l'ensemble de la commission, à l'exception du MCG.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. En l'occurrence, je ne sais pas qui fait les confusions. Vous avez parlé de tout un tas de choses, mais, malheureusement, à part les députés dans cet hémicycle, les gens ne peuvent pas voir les documents fournis.
Vous m'avez alpagué sur le fait que j'ai inséré des noms de sociétés. J'ai effectivement inséré des noms de sociétés en prenant soin de ne pas désigner des personnes nominativement. Ces noms de sociétés - cette adresse, etc. - sont dans le domaine public, déjà au registre foncier. Mais encore plus que cela, tous les noms - des personnes y compris - ont été publiés dans la «Tribune de Genève», puisque cette affaire avait défrayé la chronique.
Vous dites qu'il y avait une base légale. Je vais vous citer un acte notarié qui se trouve dans les documents que j'ai fournis dans mon rapport de minorité. C'est une reconnaissance de dette - exactement, c'est ici, tout le monde peut le voir à la page 14: «La cédule hypothécaire, au porteur, au capital de 17 100 000 F est novée en faveur de la Banque cantonale de Genève qui en est le premier porteur, ce accepté par Mme sa représentante et à qui Fitna S.A., à Genève, soit pour elle son représentant, reconnaît devoir le capital de la présente cédule ainsi que tous intérêts, frais et autre légitime accessoire en dérivant, pour cause du prêt consenti ce jour.» Plus clair, on ne peut pas !
Et deux ans après, la fondation rachète ce bien au pseudo-porteur - le mot «porteur», au sens de la loi, n'existe pas, les gens sont propriétaires des biens dont ils font l'acquisition. La fondation rachète et dit ceci: «L'acquéreur déclare expressément se reconnaître désormais le seul débiteur de la dette incorporée dans ladite cédule, de telle sorte que le vendeur ne soit jamais inquiété ni recherché à cet égard.» L'acquéreur, c'est la fondation de valorisation; la dette, ce sont les 17 100 000 F; le vendeur, c'est Fitna S.A. Et c'est cela, Mesdames et Messieurs, que vous voulez faire avaler à nos concitoyens ! Je trouve cela scandaleux ! Ce n'est pas normal, et je le dis avec beaucoup de calme, sans hurler ou prononcer des insultes, comme on me le reproche... Mais enfin, je ne vois pas qui j'ai insulté. Je ne dis que des vérités - peut-être avec une certaine vigueur, je vous le concède. Néanmoins, Monsieur le président, nous voulons que ce projet de loi 9230....
Le président. Nous sommes au projet de loi 9828.
M. Eric Stauffer. PL 9828, excusez-moi ! Notre amendement veut simplement bloquer la commission de courtage qui sera versée à Fitna S.A. Nous partons du principe que ces gens ont contribué à plomber les comptes de la République. Il ne faut pas avoir des oeillères et dire: «Non ! Mais ça, c'était la BCG !» Encore une fois, vous ne pouvez pas agir comme cela. Car, si on agit comme cela, cela veut dire - et a contrario de ce que disait mon collègue Wasmer - que certains dossiers sont déjà au bord de la prescription - d'autres, qui sont plus graves, attendent quinze ans avant la prescription, on a un peu de marge.
C'est pourquoi nous vous demandons d'amender ce projet de loi en bloquant la commission. Donc, on ne refuse pas la vente, on veut simplement bloquer la commission en faveur du porteur qui, depuis 1998, a encaissé les commissions liées à la gérance. C'est ensuite que la fondation a reconduit les contrats, comme vous l'avez très justement dit. Et, bien que certains de ces contrats commencent à être déclarés illicites, ils ont été respectés par la fondation, c'est-à-dire que des contrats qui seraient illégaux continuent à être honorés et que les deniers publics servent à payer les régies qui avaient ces sociétés de portage. Ce n'est pas normal et il faut que cela s'arrête, car c'est au détriment du contribuable.
M. Roger Deneys (S). Pour commencer, j'aimerais revenir sur les interventions de mes collègues libéraux par rapport au projet de loi précédent, ainsi que sur celles des députés UDC. Il ne faut pas se tromper de problème. Ce n'est pas M. Stauffer le problème dans ces projets de loi, c'est quand même la Banque cantonale et ses pratiques de l'époque. Le procès d'intention, de dire à M. Stauffer qu'il bloque ces ventes et qu'il provoque des pertes pour la République, n'est pas acceptable non plus. M. Stauffer devrait s'exprimer autrement et dire les choses différemment, avoir un peu plus de modération dans ses propos, mais il ne faut pas se tromper de cible. Je trouve assez particulier de la part des députés libéraux de ne pas souhaiter de transparence sur ce genre d'affaires... Je sais que vous êtes de fervents défenseurs du secret bancaire et de tout ce qui entoure des pratiques pas forcément licites, mais cela n'est pas le point de vue des socialistes. Nous sommes pour que ces ventes de la Fondation de la valorisation se fassent avec la transparence requise, dans l'intérêt de tous les contribuables et de tous les citoyens.
Par rapport à ce dossier précis, Monsieur Stauffer, je vous remercie d'avoir apporté des précisions qui ne sont pas forcément habituelles dans les rapports et je pense que c'est très bien pour l'histoire de notre République. Pour le reste, le problème de votre amendement est qu'il demande que l'on ne verse pas de commission. Personnellement, je le soutiens moralement et je suis entièrement d'accord avec cette proposition. Mon grand doute - et je ne suis pas juriste, je tiens à le préciser - est qu'il ne soit tout simplement pas légalement possible aujourd'hui de refuser cette commission si elle faisait partie d'un contrat. Certes, ce contrat n'aurait jamais dû être signé - j'en conviens parfaitement - mais à partir du moment où le contrat est signé, même s'il est illégal... En attendant, vous lancez une nouvelle procédure judiciaire et nous ne sommes pas sortis de l'auberge par rapport à ce projet de loi.
Je vous rejoins sur le fait que ce n'est pas normal que les mêmes personnes aient pu continuer à travailler avec la Banque cantonale après cette débâcle, alors qu'elles y ont contribué, voire qu'elles en ont tiré certains bénéfices, mais, je ne suis pas sûr que cette méthode soit la plus adéquate pour éviter que cela perdure.
Vous avez aussi raison sur une chose importante - et, là non plus, je ne me ferai pas trop d'illusions sur la justice genevoise - nous arrivons à la prescription d'une partie des faits reprochés dans le cadre de la faillite de la Banque cantonale, et cela, c'est dramatique ! C'est un véritable problème pour la justice genevoise, et ce n'est pas M. Lüscher qui me contredira puisque des avocats ont donné une conférence de presse il n'y pas très longtemps. C'est un véritable problème qu'une partie des faits reprochés dans le cadre de cette procédure arrivent à prescription ! Et ce n'est pas acceptable pour les contribuables et les citoyens genevois.
Le président. Je voudrais tout de même rappeler que le projet de loi porte sur des opérations de la Fondation de valorisation - certes, sur un arrière-plan de BCGe - mais nous ne pouvons peut-être pas le constater à chaque fois que nous faisons une «opération Fondation» qui a connu en arrière-plan une «opération BCGe», parce que l'Histoire fait partie des sujets qui nous intéressent mais l'actualité prime tout de même.
M. Olivier Wasmer (UDC). Je vous remercie, Monsieur le président, d'avoir rappelé à quelques députés que l'on ne faisait pas le procès de la BCGe, mais qu'on était là pour vendre des immeubles appartenant à la Fondation de valorisation.
J'essaierai d'être bref. Mon collègue Barazzone citait l'expression latine pactas sunt servandas, qui veut dire effectivement que les contrats doivent être respectés, mais il y a un autre adage latin... Laissez-moi, qu'il me revienne... (Rires. Remarques.) Non... C'est: bis repetita non placent. Je suis désolé de vous le dire, mais on entend toujours M. Stauffer revenir avec les mêmes litanies sur les projets de lois immobilières et je vous dirai à nouveau que, dans ce projet de loi, et comme l'ont répété les modestes juristes de la commission - il y avait Mme Corbeau, adjointe à la direction du département des finances, Me Grobet, Me Lévy, Me Barazzone et moi-même - et quand un contrat a été valablement conclu, sa nullité ne peut être prononcée que par voie judiciaire.
Envers et contre tous, le député Stauffer - dans sa fougue qui le caractérise - veut toujours supprimer ces commissions et ces courtages, dus aux courtiers pour avoir vendu des immeubles. Mesdames et Messieurs les députés, je sais que certains d'entre vous ne sont pas juristes, mais ce n'est manifestement pas possible au vu du droit. Ici, les contrats ont été conclus et nous devons nous prononcer sur un projet de loi de la commission, que je vous invite à voter.
Le président. Merci, Monsieur le député. J'indique à ceux qui auraient perdu leur latin que votre citation signifiait que la répétition double ne plaît pas nécessairement à tout le monde.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Je serai bref, car tout a été dit. Je répondrai à M. Wasmer que la seule chose qui est dure dans l'avocat, c'est son noyau, et dans ce parlement c'est justement le noyau dur qui pêche ! (Brouhaha.)
Le président. Monsieur le député, vous nous montrez une fois de plus l'étendue illimitée de votre savoir-faire ! (Rires.)
M. Eric Stauffer. Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir sur un point qui me paraît important. On me reproche d'avoir fait prendre du retard pour 100 000 000 F de ventes... (Brouhaha.)
Une voix. Ce n'est pas vrai !
M. Eric Stauffer. Bon, à peu près ! Laissez-moi faire le calcul pour savoir combien je suis en train de faire économiser au contribuable. M. Wasmer a raison, je suis soumis au secret de fonction, mais nous siégeons dans la même commission. Je n'aimerais pas parler d'un rapport qui est en train de sortir et qui met en exergue les dysfonctionnements - comme l'a dit M. Hiler, il y a moins d'un quart d'heure - de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe. C'est bien de pouvoir jouer sur le secret de fonction, ou pas le secret de fonction - on dit un petit bout, on ne dit pas l'autre... Or, le travail qu'a fait le Mouvement Citoyens Genevois depuis le début de cette législature a, au moins, mis en exergue les dysfonctionnements qui existent dans cette fondation.
Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir l'amendement proposé par le MCG.
Mme Michèle Künzler (Ve). J'aimerais préciser deux choses. D'une part, les redressements qui s'effectuent à la Fondation de valorisation n'ont rien à voir avec le député Stauffer, ils sont liés à des mesures internes qui sont prises de toute manière. D'autre part, quand M. Stauffer soutient qu'il faut faire économiser des sous au contribuable, j'aimerais bien voir comment ! Parce qu'il faudra finalement payer ces commissions ! Et si on ne les paie pas à ces personnes, on les paiera à quelqu'un d'autre ! En réalité, ces commissions sont dues parce que c'est un travail que l'on paie, et pas autre chose.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Très brièvement. C'est très simple, je vais en parler, car cela fait partie du rapport et cela a été publié dans la «Tribune»... (Brouhaha.) Heureusement qu'il y a la «Tribune de Genève» dans ce parlement pour révéler quelques scandales... (M. Eric Stauffer s'adresse à la tribune de la presse.)
Le président. Je vous rappelle, Monsieur le député, que la «Tribune de Genève» ne fait pas partie du parlement, elle siège à sa propre tribune !
M. Eric Stauffer. C'est exact ! Elle y assiste néanmoins. On parle d'économies... Le dossier de l'immeuble 18 Louis-Casaï a été publié dans la presse et il a mis en évidence qu'au minimum, vu l'incompétence - pour ne pas utiliser d'autres mots - 3 millions ont été dilapidés, à la charge du contribuable... Et cela, les députés et commissaires que nous sommes le savent ! Aussi, en modifiant la structure de la fondation, on économisera des sous in fine.
Le président. Madame Künzler, c'est la dernière fois que je donne la parole à qui que ce soit dans ce débat, car nous avons largement dépassé non seulement les limites du convenable, mais les limites du temps que le contribuable est susceptible de nous pardonner.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je suis obligée d'intervenir et je crois que tous les commissaires de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation seront d'accord avec moi. Les conclusions de ce rapport qu'il prétend explosif ne le sont pas. La fondation n'aurait pas pu vendre cet objet au prix qu'il prétend. C'est simplement faux ! Il faut le répéter, c'est un mensonge, c'est faux, et le rapport tel qu'il sera publié ne vous donne pas du tout raison.
Le président. Une proposition d'amendement à l'article 2 est présentée par Mme et MM. Claude Jeanneret, Roger Golay, Thierry Cerutti, Sébastien Brunny, Sandra Borgeaud, Maurice Clairet, Henry Rappaz et Eric Stauffer. Cette proposition a été développée tout à l'heure.
Article intitulé: «Paiement de commission de courtage (nouveau, les articles 2 et 3 anciens devenant les article 3 et 4)». En voici le texte: «Le paiement d'une commission de courtage et tout autre paiement lié à la commission de gérance n'est pas autorisé par la Fondation à toutes entités considérées comme sociétés dites de "portage" et/ou à d'autres sociétés de gérance immobilière où les dirigeants et/ou administrateurs sont les mêmes personnes physiques siégeant au conseil d'administration de sociétés dites de "portage".»
Mis aux voix, le projet de loi 9828 est adopté en premier débat par 68 oui et 6 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1.
Le président. Une proposition d'amendement à l'article 2 est présentée par Mme et MM. Claude Jeanneret, Roger Golay, Thierry Cerutti, Sébastien Brunny, Sandra Borgeaud, Maurice Clairet, Henry Rappaz et Eric Stauffer. Cette proposition a été développée tout à l'heure.
Article intitulé: «Paiement de commission de courtage (nouveau, les articles 2 et 3 anciens devenant les article 3 et 4)». En voici le texte: «Le paiement d'une commission de courtage et tout autre paiement lié à la commission de gérance n'est pas autorisé par la Fondation à toutes entités considérées comme sociétés dites de "portage" et/ou à d'autres sociétés de gérance immobilière où les dirigeants et/ou administrateurs sont les mêmes personnes physiques siégeant au conseil d'administration de sociétés dites de "portage".»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 68 non contre 10 oui.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que l'article 3.
Troisième débat
La loi 9828 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9828 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 70 oui et 9 abstentions.