République et canton de Genève

Grand Conseil

Déclaration du Conseil d'Etat relative à l'Université de Genève

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat a sollicité le Grand Conseil pour qu'il modifie l'ordre du jour de la présente session, pour remettre les débats concernant l'Université au mois de septembre. Une telle demande est exceptionnelle et elle répond à une situation de crise qui frappe cette institution à laquelle Genève doit tant.

La confiance en l'Université a été ébranlée par des révélations successives émanant d'audits concernant les notes de frais, de déplacements et de repas, les compléments salariaux et des caisses de retraites issus de fonds privés, les indemnités versées à certains enseignants et au rectorat, la restitution des montants relatifs aux gains accessoires. Un de ces rapports d'audits n'a pas été transmis aux autorités de contrôle, qu'elles soient internes ou externes. De plus, ces rapports ont été élaborés sans qu'ils soient évoqués dans le rapport concernant l'approbation des comptes, émanant pourtant de la même société.

Ces graves irrégularités de nature administrative et pénale s'inscrivent pour quelques personnes dans l'enrichissement personnel, révèlent des pratiques collectives parfois illégales et les graves problèmes d'adaptation de l'Université à un monde des Hautes Ecoles en profonde évolution, tout particulièrement pour certaines de ses facultés. Quelles que soient leurs dimensions, ces irrégularités, par leurs révélations successives et contraintes, ont donné une ampleur telle à la crise de confiance qu'elle confine au scandale.

Face à cette situation, le Conseil d'Etat, également interpellé dans son rôle d'autorité de surveillance, a agi en dénonçant au Procureur général les irrégularités susceptibles de sanctions pénales et en chargeant M. Thierry Béguin, ancien président du Conseil d'Etat et ancien procureur général neuchâtelois, d'une enquête couvrant notamment l'ensemble des éléments susmentionnés. Les deux enquêtes menées en parallèle sont destinées à se compléter.

La volonté de transparence du Conseil d'Etat a été accueillie favorablement par les commissions des finances, de contrôle de gestion et de l'enseignement supérieur, qui ont reçu ce matin les rapports d'audit et l'ensemble des décisions prises par le gouvernement. Le climat de confiance qui s'est instauré entre nos pouvoirs ne constitue en rien un blanc-seing pour le Conseil d'Etat, mais, au contraire, une obligation de résultats. Ces résultats doivent permettre de faire toute la lumière sur les faits et leur portée, de sanctionner les coupables, de corriger les pratiques, de renforcer la gouvernance interne de l'Université, en un mot: de restaurer la confiance.

Cette restauration du climat de confiance, nous la devons aussi à l'Université elle-même, à ses étudiants, à ses chercheurs, à ses professeurs, à la communauté universitaire qui oeuvre jour après jour à la transmission du savoir scientifique aux nouvelles générations et à la quête de vérité.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'avenir commence aujourd'hui, par les enquêtes rigoureuses devant le juge pénal et devant le juge administratif. Il commence aussi par le présent débat et le report des points 19, 59, 60 et 61 de notre ordre du jour concernant les gains accessoires des professeurs et la création d'un nouvel Institut universitaire des sciences de l'environnement et du développement durable. Ce report est légitimé par le principe de prudence visant à préserver le débat sur les enjeux stratégiques cruciaux.

Le débat reprendra devant ce Grand Conseil et ses commissions. Il permettra d'évaluer le travail du Conseil d'Etat. A la fin de l'enquête générale et en séance plénière, il sera alimenté par des projets de lois préparés au sein de l'Université, concernant, d'une part, sa gouvernance et sa transparence et, d'autre part, son autonomie. Le rapport entre le pouvoir politique et l'Université devra s'en trouver profondément modifié pour allier légitimité locale et concurrence internationale.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je terminerai par cette citation de Jean Jaurès, à méditer, malgré un décalage dans le temps. Jean Jaurès s'exprimait en ces termes en 1891 à l'inauguration de la nouvelle faculté de médecine de l'université de Toulouse: «Il faut que le progrès de quelques-uns dans la vérité se traduise par le progrès de tous dans la Justice et, de même qu'en ces jours de mai, ce beau jardin qui enveloppe ces demeures envoie jusque dans les laboratoires et les bibliothèques les souffles et les parfums de la terre renouvelée, il faut que la haute science et la haute pensée soient comme pénétrées par le renouveau fraternel des sociétés humaines.»

M. Gabriel Barrillier (R). Le groupe radical est d'accord de reporter de quelques semaines les quatre points de l'ordre du jour qui concernent directement l'Université. Nous le faisons pour permettre aux investigations décidées par le Conseil d'Etat, que nous remercions, d'aboutir rapidement, dans la sérénité, si c'est encore possible, afin que toute la lumière soit faite sur les graves dysfonctionnements qui secouent cette institution et pour éviter de jeter inutilement de l'huile sur le feu au moment où l'Alma Mater se débat, avec des soubresauts pitoyables. En acceptant ce report, nous n'entendons nullement nous voiler la face sur la situation déplorable dans laquelle se trouve l'Université en raison du comportement de certains de ses membres et de la gestion plus que discutable de l'établissement.

A juste titre, et comme dans les autres pays démocratiques, l'Université revendique la pleine liberté académique pour accomplir ses missions de recherche, de création et de transmission des savoirs dans tous les domaines de la pensée humaine. Cette liberté a été chèrement acquise durant les siècles passés, mais le danger d'une remise en cause existe toujours. Cette institution indépendante doit rester crédible aux yeux des citoyens et citoyennes payeurs d'impôts. Le tout est fondé sur la confiance, comme l'a rappelé le chef du département. En contrepartie, les corps enseignants et tous les responsables doivent observer une éthique irréprochable, eux qui ont la chance, voire même le privilège, de détenir la clef des savoirs, et la mission de les transmettre et d'éveiller l'esprit critique et le sens des responsabilités personnelles de tous les étudiants.

Certains semblent avoir failli. Si cela est avéré, il faudra nettoyer les écuries d'Augias et rétablir la confiance en une institution qui rayonne dans le monde entier. Il faudra toutefois éviter l'écueil de la mise sous tutelle, comme le relève Antoine Maurice dans son excellent éditorial d'aujourd'hui. En effet, il serait funeste de mettre la liberté académique sous le boisseau par la faute de quelques moutons noirs et d'une faiblesse de gouvernance.

M. Claude Aubert (L). Le groupe libéral est d'accord avec le retrait momentané de ces points, mais nous tenons à souligner qu'il nous faut garder la tête froide. L'Université de Genève est une grande université; les étudiants y reçoivent une formation de haute qualité. Les professeurs, les membres du corps intermédiaire, les administrateurs et le personnel technique effectuent un travail remarquable. Il ne s'agit pas ici pour les libéraux de s'associer à celles et ceux qui sonnent la curée.

L'ambiance est telle que nous ne sommes plus confrontés dans les discussions à des actes individuels de répréhension, mais à une disqualification générale de l'Université. Des professeurs sont pris la main dans le sac et l'Université tout entière est déclarée pourrie. Le cas qui nous occupe est à situer dans un cadre plus général: celui des possibilités de fonctionnement des systèmes complexes, dont l'Etat lui-même est l'exemple type. Comme législateurs, la grande question à nous poser est de savoir si la récente loi sur l'Université a doté cette institution d'une structure antisismique lui permettant de subir des tremblements de terre réels ou symboliques sans s'effondrer comme un château de cartes, ni se désintégrer selon ses points de clivage. Pour les libéraux - nous n'en dirons pas plus - l'avenir est dans une plus grande responsabilisation de l'Université, découlant d'une plus grande autonomie.

Dernier point: qui est actuellement le porteur du souci ? Le pouvoir exécutif ? Le pouvoir législatif, par le biais d'une ou plusieurs de ses commissions ? Le pouvoir judiciaire, sans parler de l'ICF ou de la Cour des comptes ? Le pire serait que l'Université agonise sous l'effet de divers clystères, saignées ou purgations prescrits conjointement ou consécutivement par des instances non corrélées entre elles.

Heureusement, les déclarations bienvenues du président Beer sont rassurantes à cet égard. Certains ont trouvé une explication toute faite et situent la cause du mal dans l'arrogance de ces nantis que sont les professeurs d'université. A l'arrogance supposée des uns, n'ajoutons pas l'outrecuidance affichée des autres.

Une voix. Bravo, c'est très bien !

M. François Thion (S). Les socialistes sont très inquiets des graves irrégularités révélées au sein notre l'Université. L'affaire des notes de frais gonflées et celle des suppléments salariaux que se sont octroyés quelques professeurs, sont tout à fait inadmissibles, et même, immorales. Au moment où l'Etat connaît des difficultés financières, au moment où des sacrifices sont demandés à l'ensemble de la population, il est particulièrement choquant qu'à l'intérieur de l'Université certains professeurs, dont les salaires sont tout sauf misérables, se permettent de tricher avec l'argent des contribuables. Dans un Etat de droit, les lois sont faites pour être respectées sans exception.

Face à cette crise extrêmement grave, chacun y va de son commentaire et de ses propositions. Je tiens à faire savoir ici que l'une de nos représentantes à la commission des finances s'est inquiétée chaque année du peu de gains accessoires déclarés par les professeurs de l'Université. Jamais elle n'a obtenu de réponse claire à ce sujet. Aujourd'hui, la Justice s'est saisie du dossier; elle enquête et nous saurons d'ici quelque temps quelle est l'ampleur des dégâts et qui sont les responsables d'un tel gâchis.

Au niveau politique, les socialistes ne soutiennent pas certaines propositions avancées ces derniers jours dans les médias par les partis politiques de droite. Je souhaite dire ici que nous ne suivrons pas ceux qui voudraient profiter de cette grave crise pour se lancer dans des projets de privatisation de l'Université. Le savoir n'est pas une marchandise. Il n'est pas bon pour la société de mettre les écoles supérieures en concurrence en éliminant les filières non rentables comme cela est déjà en train de se produire. Il n'est pas bon non plus que les professeurs d'université, même de renommée internationale, soient achetés comme des joueurs de football. Nous souhaitons que les comptes de l'Université soient d'une transparence totale et qu'ils puissent être contrôlés au centime près.

Par ailleurs, nous nous opposerons à ceux qui voudraient profiter de cette crise pour augmenter les taxes universitaires. Les études universitaires doivent être ouvertes à toutes et à tous, quelle que soit l'origine sociale des étudiantes et des étudiants, indépendamment de leurs ressources financières. Contrairement à ce qu'essaie de faire croire la droite, une augmentation des taxes nous éloignerait à coup sûr de l'objectif d'égalité des chances.

En ce qui concerne le processus de Bologne, nous suivons avec attention sa mise en place. En effet, cette division des études entre bachelor au bout de trois ans, et master, en principe, deux ans plus tard, pourrait déboucher sur des études au rabais qui auraient ensuite des conséquences sur les conditions de travail et les conditions salariales des personnes concernées.

Le groupe socialiste est prêt à travailler avec l'ensemble des députés qui souhaitent des changements à l'Université, par exemple, à travers une motion qui demanderait au Conseil d'Etat de faire des propositions concernant l'autonomie et la gouvernance de l'Université. Nous réaffirmons notre confiance dans les missions essentielles de l'Université que sont la formation et la recherche, et nous soulignons le fait que les problèmes rencontrés actuellement ne concernent en rien ces missions.

J'ajoute que nous sommes tout à fait d'accord de suspendre provisoirement les débats touchant à l'Université jusqu'à l'aboutissement de l'enquête de M. Thierry Béguin. Enfin, nous tenons à rendre hommage au Conseil d'Etat pour son travail acharné et sa détermination dans cette affaire et à l'assurer de notre entière confiance. (Applaudissements.)

Mme Catherine Baud (Ve). Les Verts prennent acte avec satisfaction du report de l'étude des projets de lois concernant l'Université, dans l'attente des résultats des enquêtes en cours. Nous ne voulons pas entrer dans le fond du sujet, mais nous rappelons qu'au nom du principe de transparence nous souhaitons que toute la lumière soit faite rapidement sur cette affaire et qu'il y ait une volonté forte de modifier le système actuel manifestement mal adapté et d'instaurer une nouvelle gouvernance, dans le respect de ce que doit être une université, comme celle de Genève, et de son autonomie.

Compte tenu des faits nouveaux et de ceux qui ne manqueront pas d'apparaître à l'issue de ces enquêtes, il est clair que les projets de lois concernés devront être renvoyés en commission pour être réétudiés à la lumière de cette nouvelle donne, avec le temps nécessaire à un travail serein, c'est-à-dire sans hâte excessive et sans pression d'échéance.

M. Eric Bertinat (UDC). Le groupe UDC est également d'accord avec le report des objets concernant l'Université, qui donne depuis plusieurs semaines un spectacle affligeant; un spectacle que nous, pouvoirs législatif et exécutif, aurions pu éviter si nous avions exercé pleinement nos compétences. Je pense plus particulièrement à la commission des finances, qui s'est exprimée à plusieurs reprises, mais n'a pas assorti son analyse d'exigences, et à la commission de contrôle de gestion. Permettez-moi d'insister: il est regrettable que nous n'ayons pas osé exercer nos prérogatives, car, au-delà du manque de probité de certains professeurs, c'est toute la gouvernance de l'institution qui nécessite une sérieuse remise en question.

Insuffisance de contrôle, déficit et dilution des responsabilités de la direction peuvent, certes, être montrés du doigt, mais le manque d'exigence de résultats et la perte du sens de la mission confiée à ses enseignants sont autant de facteurs qu'il faut corriger très rapidement. Tous les partis l'ont compris et c'est à ce jour le seul enseignement positif de cette affaire. L'Université de Genève est renommée et les scandales qui l'agitent la blessent, tout comme ils altèrent l'image de notre canton.

Il n'y a aucune consolation à tirer des malversations à l'EPFL, au CHUV et à l'Université de Neuchâtel. Comme à son habitude, Genève fait mieux... en pire! Mais je ne pense pas uniquement à sa dette astronomique, ou aux mesures prises récemment. Je pense à la police, à la municipalité de Genève et à son affaire de la rue du Stand, sans revenir sur les nombreuses autres affaires qui ont déjà secoué notre canton par le passé. On n'a pas osé importuner la prestigieuse institution qu'est l'Université, tombée aujourd'hui de son piédestal. Soyons charitables, mais fermes, et profitons de l'occasion pour non seulement réparer l'offense qui lui a été faite, mais aussi corriger notre mollesse face à l'auguste institution.

Il y aura bel et bien un après printemps 2006, où les principaux acteurs de cette mauvaise farce ne pourront faire l'économie de travailler, cette fois, de manière plus directe, beaucoup plus directe. Aujourd'hui, nous voilà bien obligés de plonger les mains dans le cambouis. Le groupe UDC se dit que c'est l'occasion où jamais de remettre de l'ordre et de faire en sorte que cela ne puisse pas se reproduire. Trois enquêtes sont en cours, dont une pénale. Pour ne pas saccager le peu de prestige qui reste à l'Université de Genève par des harangues intempestives, la prudence et la patience s'imposent pour l'heure. Nous attendrons donc les conclusions avant de prendre les mesures qui s'imposeront, mais l'UDC insistera pour que celles-ci soient exemplaires et ne laissent aucune chance aux coupables et aux responsables de s'en tirer à moindre compte, comme ce fut trop souvent le cas par le passé. Non, cette fois, il faudra assainir le marigot pour que l'Université, plus forte après cette tempête, recouvre sa vigueur et son rayonnement. Parmi les sanctions à prendre, la moindre d'entre elles consistera à opérer un redressement fiscal sur les cinq dernières années.

Pour l'UDC, la commission de contrôle de gestion doit, toutes affaires cessantes, se pencher à fond sur le dossier de l'Université. Enfin, cette affaire doit nous ouvrir les yeux sur notre responsabilité d'élus. Nous devons réfléchir à toutes les sources potentielles d'abus, les recenser et procéder de façon systématique à des audits périodiques, ouvrir même des enquêtes dans tous les domaines susceptibles de permettre à certains de se servir dans la poche du contribuable et s'assurer ainsi qu'il n'y aura pas de nouveaux dérapages.

M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien se rallie bien évidemment, puisque j'en ai fait la proposition tout à l'heure, au report des quatre points sur l'Université. Toutefois, j'aimerais préciser un peu notre point de vue.

Ce qui est le plus choquant dans cette affaire - je vais peut-être vous surprendre - ce n'est pas l'histoire des notes de frais et des irrégularités commises. Ma foi, dans toutes les institutions, et l'université est une institution humaine comme les autres, il arrive qu'il y ait des moutons noirs, des gens malhonnêtes qui commettent des tricheries. On constate que l'Université, de ce point de vue là, possède malheureusement la même caractéristique que toutes les autres institutions humaines. Ce qui serait choquant, ce serait que l'on reste les bras croisés et qu'on ne fasse rien pour corriger les abus. Je dois ici rendre hommage au Conseil d'Etat, qui a tout de suite pris des mesures pour essayer de corriger ces abus. Ce qui serait aussi choquant, ce serait de rester les bras croisés en pensant que, si des abus ont pu être commis, c'est par suite de failles dans la gouvernance de l'Université. Le pire serait de constater ces failles sans pour autant prendre les mesures adaptées pour les corriger.

C'est pourquoi, tout de suite, le parti démocrate-chrétien s'est dit que, plutôt que de hurler avec la meute comme certains d'entre nous l'ont fait dès que la crise a éclaté, il valait mieux rester prudents et essayer de tirer parti de cette crise malheureuse pour redonner à l'Université les moyens de sa transparence, les moyens de sa gestion et les moyens de sa politique. C'est pourquoi notre parti a déposé hier un projet de loi qui vise à réformer la gouvernance de l'Université. Ce projet s'appuie sur cinq points essentiels.

Le premier est le renforcement du rectorat, afin de lui donner les compétences, notamment en matière de nomination des professeurs et de nomination des doyens, qui lui permettront d'exercer une vraie responsabilité et une vraie direction de l'Université.

Deuxième mesure: le renforcement de l'autonomie de l'Université en redéfinissant ses relations avec les pouvoirs politiques - Conseil d'Etat et Grand Conseil - étant entendu que le pouvoir de nomination du rectorat reviendra évidemment au Conseil d'Etat, comme c'est le cas pour les EPF, pour lesquelles ce pouvoir revient à l'autorité politique fédérale.

Troisième suggestion: le renforcement de la procédure de sélection du rectorat. Il faut désormais, puisque l'Université est confrontée à une concurrence accrue, tant sur le plan national que sur le plan international, que le rectorat - le recteur et ses adjoints - puissent être mis au bénéfice d'une formation adéquate et, en tout cas, s'ils ne l'ont pas encore, puissent l'acquérir au moment où ils entrent en fonction. Il existe notamment des écoles de formation de recteurs - c'est le cas aux Etats-Unis - qui pourraient donner les bases à des professeurs compétents dans tous les domaines de la science, que ce soit le grec ancien, puisque c'est M. Hurst en ce moment, ou la physique, puisque c'était M. Bourquin, pour que des gens de cette qualité-là puissent aussi acquérir des compétences de management, puisqu'ils doivent rapidement passer de la gestion d'un petit département de quelques dizaines de personnes à la gestion d'une entreprise qui représente plus d'un demi milliard de budget et qui comprend plusieurs milliers de collaborateurs.

Quatrième point: le renforcement des compétences de gestion du personnel et des procédures de contrôle.

Cinquième point: l'adaptation dans la loi actuelle de certaines dispositions, notamment en matière de rachat de caisses de pension.

Ces points sont à discuter. J'ai entendu tout à l'heure les propos de M. Thion, mais, Monsieur Thion, il faut quand même être conscients que l'on vit aujourd'hui dans un monde qui, malheureusement pour nous, est extrêmement compétitif. Il faut que notre université, si elle ne veut pas se retrouver dans la quatorzième zone des universités mondiales dans quelques années, se donne les moyens d'engager des professeurs réputés et des chercheurs compétents. C'est pourquoi nous avons décidé d'ouvrir le débat en prenant cette initiative. Dans cette perspective, je me réjouis que la commission de l'enseignement puisse l'examiner dès le mois de septembre.

M. Eric Stauffer (MCG). Albert Einstein l'a dit avant nous: la théorie, c'est lorsqu'il y a des savants autour de la table et que rien ne fonctionne. La pratique, c'est lorsqu'il n'y en a aucun et que tout fonctionne sans que l'on sache pourquoi. L'affaire de l'Université a permis de réunir théorie et pratique: rien ne fonctionne et personne ne sait pourquoi !

Vu la rigueur demandée à nos concitoyens, ne serait-ce que pour leur déclaration fiscale, il n'est pas envisageable de leur faire revivre la saga de l'Université de Genève. Rien ne justifie qu'un rapport d'audit se perde dans les méandres de l'administration pendant plus de deux ans sans que personne s'en inquiète. Il y a lieu ici de rappeler que notre Grand Conseil est la clef de voûte de notre démocratie. A ce titre, il est contraire à la primauté du législatif que nous, députés, élus du souverain, apprenions par voie de presse qu'un rapport d'audit avait été établi plus de deux ans auparavant. D'autant plus que celui-ci met en exergue des dysfonctionnements gravissimes de la comptabilité de l'Université de Genève.

Notre Grand Conseil est doté d'un outil dénommé commission de contrôle de gestion, et c'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, le Mouvement citoyen genevois a déposé un projet de loi pour modifier la loi portant règlement de notre Grand Conseil afin d'obliger l'administration qui commande un audit, dans n'importe quelle administration publique, d'en informer dans les cinq jours ouvrables la commission de contrôle de gestion. Elle devra aussi définir le temps qui est prévu pour cet audit et aura, dès son rapport terminé, cinq jours ouvrables pour en transmettre une copie à la commission de contrôle de gestion et à la commission des finances. Si tel avait été le cas, Mesdames et Messieurs les députés, jamais l'histoire de l'Université ne serait arrivée. En effet, personne ne pourra jamais justifier que ce rapport soit resté deux ans enfermé on ne sait où et caché... (Brouhaha.) ... à son ministre de tutelle, M. le conseiller d'Etat Charles Beer. Cette commission est donc théoriquement dotée de tous les pouvoirs utiles à l'accomplissement de sa tâche. Encore faudrait-il qu'elle soit dûment informée.

Le Mouvement citoyen genevois soutiendra le report en septembre des points de l'ordre du jour, comme demandé par le Conseil d'Etat. Par contre, il serait important de faire en sorte que le projet de loi du Mouvement citoyen genevois ne se perde pas lui aussi dans les méandres du système pendant deux ans, car il a été renvoyé en commission pour la simple raison que lorsqu'un projet de loi est déposé pour la modification de la loi du Grand Conseil, il est obligatoirement renvoyé en commission et nous ne pouvons pas en débattre tout de suite. Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de faire en sorte que ce projet de loi soit traité en urgence à la commission des droits politiques afin qu'il revienne dans les meilleurs délais à notre Grand Conseil pour que l'affaire de l'Université soit un cas unique et isolé dans l'histoire de la République de Genève en ce qui concerne l'éducation.