République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 6 avril 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 7e session - 30e séance
PL 9631-A
Premier débat
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. La gauche et le monde syndical ont voulu, en avril 2005, faire ce que l'on pourrait appeler un «coup politique»... Ils ont lancé un référendum contre la révision de la loi cantonale sur le chômage, avant les élections, probablement pour montrer à leur électorat qu'ils jouaient bien leur rôle de défenseur de l'Etat providence... Il est probable aussi qu'ils ne croyaient pas vraiment gagner... Mais ils ont gagné !
Ils ont gagné, et ils se sont subitement rendu compte des conséquences désastreuses de leur opération, surtout pour les chômeurs, et, évidemment, aussi pour les finances cantonales. D'où, peut-être pour essayer de sauver la face devant la population, leurs électeurs aussi, le dépôt d'un florilège de projets de lois tous aussi irréalistes, de l'avis de la majorité de la commission, les uns que les autres.
Le projet de loi 9631, qui nous occupe à l'instant, est particulièrement révélateur. Il prétend renforcer les ARE, à grands frais - pourquoi pas ? - mais sans s'attaquer à la cause essentielle de leur échec jusqu'à ce jour, à savoir l'existence de ce qu'il faut bien appeler le «miroir aux alouettes» que sont les emplois temporaires cantonaux, qui constituent une aberration en termes de réinsertion des chômeurs. Une aberration parce qu'ils offrent la garantie facile - on devrait d'ailleurs même parler de «perversion» - d'un revenu immédiat, alors que les ARE, elles, imposent aux chômeurs qu'ils trouvent eux-mêmes un emploi.
Les radicaux le disent depuis dix ans: les emplois temporaires sont une calamité pour les chômeurs et pour les ARE. Et la majorité de la commission partage cet avis. Mais, malheureusement, la gauche semble uniquement préoccupée par son image et bien peu par l'intérêt bien compris des chômeurs. D'où le projet de loi 9631, pour lequel nous sommes obligés de parler en termes durs: il est irréaliste; pire que ça, il est stupide ! Il faut donc le rejeter !
Le président. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Vous remercierez de ma part le rapporteur de majorité de qualifier nos projets de lois de «stupides»... Heureusement, dans ce parlement, à part M. Kunz, peu de personnes se laissent aller à de tels débordements ! (Exclamations.)
Je reviendrai sur l'historique qui nous a amenés à revoir la loi sur le chômage, il y a de cela maintenant deux ans et demi et qui a en fait abouti à un projet de loi de l'Entente demandant pratiquement uniquement le démantèlement des emplois temporaires. C'est-à-dire la suppression pour les chômeurs de longue durée - ceux qui sont au chômage depuis deux ans - de la possibilité d'occuper un emploi dans l'administration publique pendant douze mois, puis de bénéficier, par ce biais, d'indemnités de chômage pendant deux ans.
Différentes études ont été effectuées sur les emplois temporaires, sur les mesures cantonales en général, mais aussi sur le fait que le taux de chômage est plus élevé à Genève que dans le reste de la Suisse. La première étude, du professeur Yves Fluckiger de l'université de Genève et de l'Observatoire universitaire de l'emploi, montre, on l'oublie constamment - en tout cas, les députés des bancs d'en face oublient de le rappeler - que les mesures cantonales à Genève mises en oeuvre en 1983 n'ont pas du tout amplifié ce phénomène, au contraire. En réalité, en 1980, le taux de chômage était trois fois et demie plus élevé à Genève que dans le reste de la Suisse, alors qu'il n'est que le double aujourd'hui ! Donc, en fin de compte, l'introduction des emplois temporaires et des mesures cantonales n'a pas augmenté le rapport entre les taux de chômage genevois et suisse, au contraire.
Ensuite, dans son étude, le professeur Fluckiger a démontré scientifiquement - il s'agit d'une étude scientifique et non des dires du rapporteur de majorité ! - que le chômage est plus visible à Genève que dans le reste de la Suisse. Qu'est-que cela signifie ? Que le taux d'inscription à l'office cantonal de l'emploi des personnes perdant un emploi est plus fort à Genève, ce qui permet d'expliquer que ce taux est supérieur, jusqu'à 1,7%, uniquement pour cette raison. Les personnes qui perdent leur emploi à Genève utilisent en effet davantage leur droit de s'inscrire à l'office cantonal de l'emploi pour bénéficier de l'assurance-chômage à laquelle elles ont cotisé et toucher des indemnités.
Effectivement, dans certains cantons suisses, et plus particulièrement en Suisse allemande, le taux de personnes qui ne s'inscrivent pas dans les ORP est relativement élevé. C'était en tout cas vrai jusque dans les années 90, mais, encore aujourd'hui, on ne peut que constater que le taux d'inscription à Genève est bien plus élevé que dans les autres cantons. C'est étonnant, mais c'est comme ça ! Ces éléments figurent dans l'étude du professeur Fluckiger, mais, curieusement, les personnes qui prétendent s'intéresser à la problématique des chômeurs oublient toujours de les mentionner.
Ensuite, le professeur Fluckiger - cette étude date de 2000 - relevait déjà l'inadéquation des formations de chômeurs de longue durée par rapport aux emplois proposés. Il notait également que le marché du travail genevois attire bon nombre de personnes vivant hors du canton, ce que tout le monde sait aujourd'hui. D'ailleurs, M. Kunz le sait aussi, puisque, dans un article de la «Tribune de Genève» datant de 2004, il indiquait que le taux de chômage pouvait être diminué de 1,5% environ, si on tenait compte des personnes habitant hors du canton.
Ensuite, le professeur Fluckiger soulevait encore le fait que la stigmatisation des chômeurs était plus forte à Genève qu'ailleurs. C'est-à-dire que les employeurs qui proposent un emploi ont moins tendance à embaucher des chômeurs. Voilà les éléments que montre l'étude du professeur Fluckiger.
Et puis, une deuxième étude a été effectuée par la commission externe d'évaluation des politiques publiques en 2002. Elle montre - c'est vrai, M. Kunz a raison - le manque de résultats des emplois temporaires cantonaux en termes de réinsertion des chômeurs... Toutefois, d'après cette étude, 35% des chômeurs et chômeuses de longue durée ont retrouvé un emploi après un emploi temporaire... 35% ! Alors, ce n'est peut-être pas suffisant sur le plan de la réinsertion - je ne connais pas les chiffres qui ressortent des études scientifiques à ce sujet - mais 35%, ce n'est quand même pas rien du tout.
Ensuite, il est indiqué que 50% des personnes ayant bénéficié d'un emploi temporaire retrouvent un emploi après deux ans, ce qui fait une personne sur deux, ce qui est loin d'être négligeable. D'autant que, lorsque cette étude a été faite - et c'est encore le cas aujourd'hui - ces personnes ne bénéficiaient pratiquement d'aucun encadrement, d'aucune formation spécifique sur leur place de travail, et c'est bien là que le bât blesse. Et nous voulons remédier à cela avec ce projet de loi - M. Kunz a aussi négligé de le dire - car il ne s'agit pas seulement de stimuler - je reviendrai sur ce terme - les chômeurs avec les allocations de retour en emploi, mais, surtout, de donner un encadrement et une formation aux chômeurs de longue durée, y compris à ceux qui bénéficient d'un emploi temporaire cantonal !
Il me semblait important de signaler tout cela.
Le but de ce projet de loi est avant tout de créer des programmes individuels d'encadrement et de formation. La procédure serait la suivante: il s'agirait d'établir un bilan de compétences pour chaque chômeur et chômeuse de longue durée, en tout cas au bout des deux ans d'indemnités fédérales de chômage, mais, si possible, il faudrait évidemment le faire avant, car plus vite ce sera fait, mieux ce sera. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point: il faut absolument que l'office cantonal de l'emploi procède aussi vite que possible, dès que la personne se trouve au chômage, sans attendre deux ans ou plus, voire, ne jamais les faire... J'ai des exemples récents dans mon entourage de personnes qui ont attendu une année pour être envoyés au CEBIG...
Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le rapporteur !
M. Alain Charbonnier. Pardon ?
Le président. Il va vous falloir conclure...
M. Alain Charbonnier. Oui, oui, je vais conclure, dans un premier temps ! Le premier but de ce projet porte donc sur les programmes individuels d'encadrement et de formation; essentiellement une formation sur douze mois en fonction des besoins du marché du travail ainsi qu'un bilan de compétences - dont je viens de parler - pour révéler les aptitudes et lacunes du chômeur.
Ensuite, en ce qui concerne les allocations de retour en emploi...
Le président. Votre temps de parole est épuisé, Monsieur le député ! Je vais donner la parole à M. Antonio Hodgers... Sont encore inscrits: M. Deneys, Mme Von Arx, M. Jeannerat, Mme Bolay, M. Weiss, Mme Leuenberger, M. Jeanneret, M. Stauffer, Mme Borgeaud, M. Charbonnier et le conseiller d'Etat. La liste est close.
M. Antonio Hodgers (Ve). Vous le savez, ce projet de loi comporte des mesures qui avaient été imaginées - il faut l'admettre - par la majorité parlementaire, c'est-à-dire par la droite, lors de l'ancienne législature. Le renforcement des allocations de retour en emploi et le développement de stages en entreprises faisaient partie de ce paquet de mesures, avec la réduction des emplois temporaires, qui a été refusée par le peuple... Nous avions - les socialistes et les Verts - dit en commission que les dispositions concernant les ARE et les stages étaient positives et utiles. C'est par conséquent la réduction des emplois temporaires sans compensation qui a motivé notre démarche référendaire.
Il y a quelques mois, le parti socialiste est revenu avec un projet de loi qui, en fin de compte, aurait dû passer comme une lettre à la poste, étant donné qu'il proposait des mesures qui avaient été acceptées par l'ensemble des commissaires. Mais, malheureusement, la majorité de droite revancharde... (Exclamations.) ...a décidé de refuser ces propositions - les mêmes qu'elle avait proposées il y a un an - pour des motifs purement politicards !
Mesdames et Messieurs les députés, le chômage est un problème suffisamment grave aujourd'hui pour qu'on évite de le traiter avec la légèreté qui nous caractérise parfois...
Sur le plan du discours, il nous faut bien séparer les enjeux, et je crois que le nouveau conseiller d'Etat en charge de ce département le fait correctement. Il faut travailler au niveau des chômeurs qui sont «replaçables» dans le marché, et cela, aussi rapidement que possible. Cela concerne toutes les mesures de réaffectation rapide des personnes dans le marché de l'emploi. A ce sujet, je félicite le département et M. Longchamp d'avoir décidé de réagir avec plus de force et plus rapidement - quarante-huit heures - vis-à-vis des entreprises et, également, pour le succès d'une entreprise de vêtements dont le responsable, à qui l'on a proposé des chômeurs, en a engagé plusieurs et s'est déclaré satisfait. C'est un bon exemple de la manière dont l'administration, si elle fonctionne de manière efficace, peut proposer à des entrepreneurs - je vois Mme Gauthier réagir... - des profils de personnes au chômage tout à fait en adéquation avec les postes à pourvoir.
Et cette action du département, Monsieur Kunz, entre en parfaite contradiction avec ce que vous écrivez dans votre rapport, je cite: «Or, chacun sait désormais, ou devrait le savoir, que seul le demandeur d'emploi lui-même peut réellement trouver l'emploi auquel il aspire.» Ce qui revient à dire que l'OCE n'est pas en mesure de placer un chômeur... Eh bien, non, Monsieur Kunz: c'est le rôle de l'OCE de placer les chômeurs qui peuvent l'être ! Heureusement que M. Longchamp ne pense et n'agit pas comme vous, puisqu'il a pu placer des chômeurs avec succès récemment, comme dans l'exemple que je vous ai cité.
Reste la question des chômeurs de longue durée... Mesdames et Messieurs les députés, cette question implique pour nous un changement de paradigme que nous devons tous faire. Il faut renoncer à considérer que le marché de l'emploi peut permettre à chacun de trouver une place de travail. Il faut renoncer au mythe de l'économie du plein emploi. L'économie du plein emploi n'existe pas et elle n'existera jamais ! Par conséquent, nous devons intégrer, et l'Etat aussi, le fait que toutes les mesures que nous prendrons pour résoudre le chômage ne pourront jamais procurer le plein emploi. Il y aura toujours une partie de la population - certainement les personnes les plus faibles, celles qui ont le moins de formation ou qui rencontrent des difficultés sociales - qui ne trouvera pas d'emploi sur le marché.
Quel est notre devoir par rapport à ces personnes ? Ce n'est certes pas de les maintenir dans l'assistance. Nous devons en effet être attentifs à ne pas créer des mesures qui les endorment, car elles reçoivent un petit revenu mensuel qui tombe sans rien faire. Non, il faut que l'Etat stimule ces personnes pour qu'elles aient des activités, qui, si elles ne se trouvent pas dans le marché existant, peuvent se trouver dans ce qu'on appelle le «second marché». Je pense notamment à l'économie sociale et solidaire qui offre aujourd'hui dans ce canton, à travers des centaines de postes, une possibilité pour les chômeurs de longue durée de mener une vie active, une vie professionnelle, une vie productive, et de construire également leur identité d'être humain à travers cette activité professionnelle.
Nous soutiendrons - nous, les Verts - les démarches du département qui visent, dans une logique de contre-prestations, à accompagner les personnes qui se retrouvent exclues du marché du travail depuis longtemps vers une activité professionnelle réelle, quand bien même elle provient du «second marché». Nous soutiendrons également le département dans sa réforme de l'office cantonal de l'emploi. Et nous nous réjouissons qu'un de nos anciens collègues PDC ait été nommé à la direction de cet office, pour qu'il devienne suffisamment performant par rapport aux entreprises et qu'il puisse placer efficacement les chômeurs qui peuvent l'être.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs de la majorité, ce débat doit se faire autour de propositions comme celle de l'allocation de retour en emploi, dont nous avons tous convenu qu'elle était positive. Il doit se faire autour des stages qui sont également proposés dans le projet de loi socialiste, dont nous reconnaissons tous qu'ils sont positifs.
Je le répète, le chômage est un problème important pour Genève. Refuser vos propres mesures, sous prétexte qu'elles figurent dans un projet de loi déposé par un parti adverse, me semble être une réaction ridicule... Je vous invite par conséquent à renvoyer ce projet de loi en commission, où nous pourrons travailler sur des bases plus sereines et de manière plus constructive. (Applaudissements.)
Le président. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Il n'y aura donc qu'une prise de parole par groupe !
M. Antonio Hodgers. Navré !
Le président. Non, Monsieur Hodgers, vous avez terminé ! Qui plus est, vous avez épuisé votre temps de parole ! Vous avez... (M. Hodgers interpelle le président hors micro.) Si c'est pour revenir dans cinq minutes demander le renvoi en commission, ce n'est pas très sérieux vis-à-vis du plénum, Monsieur le député ! Il ne faut pas prendre le plénum en otage ! Si vous voulez que ce projet soit étudié en commission, dites-le, et il sera renvoyé en commission, si ce parlement le décide ! Mais, si vous renoncez à demander le renvoi en commission, ne venez pas le demander une fois que tous les députés se seront exprimés ! Que dois-je comprendre de votre proposition, Monsieur le député ? (Commentaires.)
M. Antonio Hodgers. Si des députés estiment qu'il faut le renvoyer en commission, ils le demanderont plus tard !
Le président. M. Hodgers dit qu'il retire sa demande de renvoi en commission et que si d'autres voulaient le demander, ils le feraient en temps utile... Ce qui me paraît une évidence ! Je rappelle à tous ceux qui pourraient en être tentés qu'il n'est pas utile, au sens littéral du terme, de proposer un renvoi en commission à la fin d'un long débat en plénière... (Commentaires.) Je donne la parole à Mme von Arx-Vernon. (Exclamations.) Alors, je donne la parole à M. Deneys, qui a été biffé de la liste par mégarde.
M. Roger Deneys (S). Tout d'abord, avant de rentrer dans le vif du sujet, Monsieur Kunz, je voudrais tout de même revenir sur votre rapport, sur celui du projet de loi suivant, le projet de loi 9632, et sur ceux de deux autres projets de lois déposés à l'époque par l'Alliance de gauche, qui se trouvent aux points 30 et 31 de l'ordre du jour... Je suis désolé de devoir dire que ces rapports ne sont pas acceptables, surtout de la part d'un rapporteur de majorité.
D'abord, ils sont particulièrement arrogants et méprisants. Non seulement à l'égard des députés qui ont participé aux séances de la commission de l'économie, mais aussi à l'égard des personnes qui ont été auditionnées lors de ces discussions. Si je ne me trompe pas, nous avons procédé à l'audition d'une dizaine de personnes - peut-être plus - et vous ne citez, grosso modo, qu'une phrase par personne dans ces rapports, en prenant de haut tous les propos de nos interlocuteurs. En biaisant votre rapport, vous biaisez complètement le débat, et ce n'est pas correct, Monsieur Kunz ! Je suis désolé ! (Un portable provoque des interférences.) Pour le reste, je dirai même que, de la part d'un représentant d'un parti qui prétend être le parti de l'intelligence... (Le bruit des interférences s'amplifie.)
Le président. Peut-on éteindre le téléphone du député, s'il vous plaît ? Ce n'est pas le sien ? La technique peut-elle régler ce bruit dérangeant ? C'est désagréable pour M. Deneys de devoir parler dans ce bruit !
M. Roger Deneys. C'est peut-être le vôtre, d'ailleurs !
Le président. Non, non ! (Commentaires.)
M. Roger Deneys. Monsieur Kunz, d'ailleurs, je vous invite, par correction, à renoncer à vos jetons de présence sur ces quatre rapports, qui ne sont que de simples copier/coller et qui constituent plus un parti pris idéologique qu'un rapport de commission !
J'insiste, l'entrée en matière a été refusée par sept voix contre sept: elle n'a donc pas été refusée à une écrasante majorité de la commission, mais de justesse, parce qu'en cas d'égalité, c'est le non qui l'emporte. Cela prouve que nous aurions pu entrer en matière. Et puis, si vous n'êtes pas d'accord sur les dispositions que nous proposons, vous pouviez les amender !
Du reste, je relève qu'en page 3 vous écrivez dans votre rapport: «Que réclame le projet de loi 9631 ?»... Nous ne réclamons rien, nous proposons ! Nous sommes un parti politique qui fait des propositions, et nous avons des idées à soumettre démocratiquement à l'ensemble de ce parlement ! Une fois de plus, vous faites preuve de malhonnêteté intellectuelle en présentant les choses ainsi ! J'espère que le conseiller d'Etat Longchamp montrera plus d'intelligence que vous dans ce rapport ! (Applaudissements.) Mais, je n'ai pas fini !
Je voudrais tout de même revenir sur les propositions de ce projet de loi. Contrairement à ce qu'a dit M. Hodgers tout à l'heure, la droite en commission n'a pas proposé d'augmenter le taux de l'allocation de retour en emploi à 80%... Il a seulement été évoqué que le montant actuel était insuffisant et qu'il fallait l'augmenter légèrement, de 50% à 60% ou 80%.
Monsieur Kunz, il faut replacer nos propositions dans leur contexte: de quoi parlons-nous exactement ? Nous parlons du chômage de longue durée, nous parlons du dispositif cantonal qui touche des personnes qui sont au chômage depuis deux ans déjà, qui ont épuisé leurs droits fédéraux - maintenant c'est quatre cents jours - et qui, donc, se trouvent dans une situation très difficile par rapport au marché de l'emploi, car il y a longtemps qu'elles ne sont plus actives. Le dispositif cantonal consistant à créer des emplois temporaires cantonaux au sein des administrations et associations n'est certainement pas idéal: nous en sommes conscients. Cela étant, nous avons tous reconnu en commission de l'économie, Monsieur Kunz, que les allocations de retour en emploi, qui permettent de placer des chômeurs dans des entreprises, étaient une solution à développer, parce que l'avenir se trouve dans les entreprises et pas dans les administrations où le personnel est bloqué !
Monsieur Kunz, il faut examiner les chiffres ! Et que voit-on ? J'ai en tête ceux de l'année dernière: il y avait environ mille six cents emplois temporaires cantonaux contre une centaine d'allocations de retour en emploi ! Ce sont les chiffres, Monsieur Kunz ! Si on veut favoriser les allocations de retour en emploi, il faut que des entreprises soient prêtes à jouer le jeu: c'est une question d'offre ! C'est une question d'offre ! (Commentaires.) Voyant que cela ne marche pas avec une subvention de 50% du salaire, on pourrait au moins faire un essai en augmentant ce taux ! Si vous aviez un tant soit peu l'esprit d'entreprise, Monsieur Kunz, vous seriez prêt à faire l'essai, puis à faire un bilan, quitte, éventuellement, à corriger la mesure par la suite. Car le jour où il y aura mille allocations de retour en emploi, il sera effectivement possible de supprimer des emplois temporaires cantonaux ! Mais il ne faut pas faire l'inverse, Monsieur Kunz !
Et je parle en connaissance de cause: je suis employeur, j'emploie une dizaines de personnes, et je sais très bien ce que représente l'engagement d'un chômeur de longue durée. C'est une responsabilité importante: c'est une personne que l'on doit aider à retrouver un rythme de travail et qu'il faut cadrer, ce qui est difficile. L'incitation financière ne suffit pas, à elle seule, à décider un patron à embaucher un chômeur longue durée, alors qu'il peut trouver des personnes qui sortent de formation ou que l'on peut débaucher chez un concurrent, qui sont opérationnelles tout de suite, voire des frontaliers qui sont prêts à venir travailler de loin, en France.
Alors, Monsieur Kunz, soyez sérieux: nous pouvons étudier ces mesures plus à fond ! La situation actuelle - une centaine d'allocations de retour en emploi - n'est pas satisfaisante; elle n'est satisfaisante pour personne ! Notre proposition d'augmenter le taux des ARE à 80% n'a d'autre but que de voir, au-delà des considérations d'encadrement de ces personnes, si le fait de donner un coup de pouce supplémentaire suffirait à stimuler suffisamment des entreprises qui seraient prêtes à entrer en matière. Pour ma part, je serais même prêt à essayer cette mesure avec un taux de 100%, car le but d'une telle mesure est bel et bien de diminuer le chômage de longue durée. Ce n'est pas le montant de la subvention qui prime, mais l'emploi !
Je vous invite donc à voter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, ce projet de loi contient de bonnes idées, évidemment inspirées par la bonne volonté de ses auteurs de chercher des solutions en matière de lutte contre le chômage... On ne peut pas le nier.
Mais ces bonnes idées, sous cette forme, ne sont plus d'actualité aujourd'hui. Et le dépôt de cette loi, le 22 novembre 2005, avait certainement une dimension stratégique, au moment où le nouveau Conseil d'Etat prenait forme...
Aujourd'hui, nous pouvons être d'accord sur trois points essentiels que, bien sûr, ce projet de loi peut inspirer: la nécessité de prendre des mesures incitatives pour les entreprises disposées à engager des chômeurs; la nécessité de renforcer le dispositif des allocations de retour en emploi sous une forme efficace et efficiente - je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas être d'accord à ce sujet - et, évidemment, l'absolue nécessité de dispenser tout de suite - je dis bien «tout de suite» - une formation ou un recyclage adapté aux besoins des chômeurs et, surtout, en adéquation avec le marché du travail genevois.
Nous soutiendrons donc avec pragmatisme ce type de mesures. Quoi qu'il en soit, étant donné que le Conseil d'Etat va très prochainement nous proposer un dispositif global de lutte contre le chômage en prenant des mesures réalistes et réalisables et sans dénigrer ce projet de loi qui n'exprime qu'une partie du problème, le parti démocrate-chrétien ne pourra que le refuser.
Mais pour mieux proposer et soutenir des solutions plus globales qui devront tenir du modèle «soins intensifs pour les chômeurs» ! Soins intensifs, cela veut dire formation coaching, mais vite, très vite ! Ces solutions devront également tenir du modèle «économie sociale de marché» pour les employeurs, qui comprendront alors leur intérêt à engager des chômeurs pour leur dignité, mais, aussi, pour le bien de l'entreprise.
M. Jacques Jeannerat (R). Tout le monde le sait - c'est entre autres écrit dans le rapport de minorité - les ARE ne sont pas un succès, et on sait pourquoi...
Il serait naïf de croire qu'il suffirait de relever le taux, en augmentant la part de subvention de l'Etat, pour convaincre les demandeurs d'emploi de choisir cette formule. Vous le savez très bien, Mesdames et Messieurs les députés: les occupations temporaires n'incitent pas à chercher une allocation de retour en emploi ! (Commentaires.) Nous vous avions servi sur un plateau, il y a quelques mois, une possibilité de rendre les ARE plus attractives, mais vous l'avez refusée ! Et, maintenant, vous êtes pris dans votre propre piège. Vous avez fait campagne contre cette loi en lançant un référendum. Si vous n'aviez pas fait campagne, le peuple ne vous aurait pas suivi dans cette voie - qui est mauvaise - et la situation serait meilleure: la durée des emplois temporaires serait plus courte et nous aurions la possibilité de rendre les allocations de retour en emploi plus attractives !
Monsieur Charbonnier, vous citez M. Fluckiger... Vous savez très bien que ce dernier a des positions très nuancées, mais vous ne citez que les phrases qui vous arrangent ! M. Fluckiger a très bien expliqué que le problème des occupations temporaires était lié à la durée du chômage à Genève. Il n'a jamais dit que c'était une bonne chose, il ne l'a jamais dit ! Je le répète, vous ne citez que les phrases qui vous arrangent !
M. Hodgers prétend que nous sommes revanchards... Nous sommes simplement logiques ! Monsieur Hodgers, si les occupations temporaires étaient supprimées, cela stimulerait les ARE, ce qui résoudrait une grande partie du problème du retour en emploi.
Mme Loly Bolay (S). J'aimerais d'abord vous dire, Monsieur le rapporteur de majorité, que vos propos m'ont choquée, tout comme votre rapport. Je ne partage qu'une seule chose avec vous: vous dites que la loi sur l'assurance-chômage est fondée sur un a priori erroné... Je suis d'accord sur ce constat, mais pas pour les mêmes raisons que vous ! La loi sur l'assurance-chômage, Monsieur le rapporteur de majorité, rend les chômeurs responsables de leur situation: c'est cela l'a priori erroné !
Mesdames et Messieurs les députés, cinquante mille jeunes sont au chômage en Suisse, même si ce chiffre a été contesté hier dans une émission de télévision par M. Weiss. Toujours est-il que ce chiffre - entre trente-cinq à cinquante mille - est bien réel !
Mesdames et Messieurs les députés, je me souviens encore, lorsque j'étais à la commission de l'économie, du temps où vous disiez qu'il fallait soutenir les ARE et leur donner la priorité ! Et aujourd'hui, via ce projet de loi, nous vous proposons de les renforcer et de donner la possibilité à des jeunes ou à des personnes de plus de 50 ans de retrouver un emploi. C'est un retour sur investissement, Mesdames et Messieurs les députés, que nous vous demandons de soutenir !
C'est vrai, beaucoup d'entre vous ici, qui se trouvent de l'autre côté de la table, ne savent pas de quoi nous parlons lorsque nous parlons de chômage... Par contre, de ce côté-ci de la table, nous savons ce que cela veut dire: nous connaissons les dommages collatéraux induits par le chômage.
Mesdames et Messieurs les députés, à l'époque, lorsque les ARE ont été mises en place, on a reproché - et à juste titre - à ces mesures de n'être pas suffisamment incitatives et que les entreprises n'étaient pas assez informées à leur sujet.
Aujourd'hui, nous, le parti socialiste et la gauche, nous savons qu'il faut prendre des mesures pour inciter les entreprises à créer des emplois. Nous faisons donc une proposition cohérente, mais, pour des motifs qui nous échappent totalement - ou, plutôt, de pure politique politicienne - vous voulez la refuser !
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise à renforcer ces mesures incitatives pour donner la possibilité à des jeunes ou à des personnes de plus de 50 ans de retrouver le chemin de l'emploi. Il me semble que le temps est venu de tirer la sonnette d'alarme: vingt mille personnes à Genève cherchent un emploi; vingt mille personnes se désespèrent et, aujourd'hui, il faut bien le dire: vous leur fermez la porte !
Alors, j'encourage toutes celles et tous ceux qui sont aujourd'hui conscients de l'extrême gravité du problème à Genève de voter ce projet de loi, et je les en remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Je tiens à dire de façon liminaire, suite à l'intervention de M. Deneys, qu'il convient de faire preuve de retenue dans les reproches adressés à tel ou tel député... Chaque groupe, y compris le vôtre, Monsieur le rapporteur, pourrait à l'occasion battre sa coulpe quant à la qualité des rapports qui sont rendus. Soyons donc, s'il vous plaît, à la fois modestes et tolérants !
Pour ce qui est du projet de loi qui est soumis à notre attention, je rappellerai quelques points. Tout d'abord, nous ne pouvons pas légiférer à la carte en matière de chômage. Nous ne pouvons pas envisager des dispositions qui nous plaisent, surtout sans en évaluer les conséquences financières, comme on le voit en lisant le projet de loi déposé par le parti socialiste.
Dans le projet qui a été refusé, il y avait deux volets, qui se complétaient et qui faisaient en sorte qu'il y ait une incitation à développer des emplois dans les entreprises, pour autant, précisément, qu'il y ait moins d'incitation à bénéficier - je ne dirai pas «profiter» - d'un système qui permet de rester cinq ans à l'écart du marché du travail... Cinq ans chômeur, cinq ans dans l'exclusion professionnelle, et, ensuite, dans l'exclusion sociale, qui est pire encore !
La loi qui nous régit actuellement est effectivement obsolète: nous nous en rendons parfaitement compte. Mais ce n'est pas en procédant à des rafistolages partiels que nous l'améliorerons. Il convient au contraire d'attendre, avec la confiance qu'il mérite, le Conseil d'Etat au tournant et de voir ce qu'il nous proposera et la logique qui l'inspirera. Cette logique sera d'autant plus marquée que le Conseil d'Etat devra être attentif aux observations que Berne n'a déjà certainement pas manqué de lui faire et qu'elle lui fera encore, puisque - vous le savez parfaitement - nous avons poussé à bout la patience et de la Berne fédérale et des cotisants à l'assurance-chômage de notre pays qui doivent, aux frais de l'ensemble de la collectivité, subventionner un dispositif pour un canton qui renonce à résoudre de façon décisive ses propres problèmes.
Il convient donc effectivement de revoir ce dispositif: de ce point de vue, je crois qu'il sera nettement plus profitable, pour les personnes qui se trouvent actuellement au chômage, que le taux marginal d'imposition du revenu supplémentaire, dont ils bénéficient par une rente très progressive sur le marché du travail, soit abaissé; en d'autres termes que le travail paie, qu'il incite à revenir sur le marché du travail sans diminuer de façon excessive des allocations qu'ils pourraient recevoir en complément. Ce serait plus profitable que de vouloir proposer de façon unilatérale aux employeurs un système dont ils ne profitent qu'insuffisamment. Il ne suffit pas d'améliorer l'offre: il faut également améliorer la demande ! Ce projet tel que déposé n'y contribue pas !
Autrement dit, une évaluation radicale - si vous me permettez, chers amis - de la loi actuelle est nécessaire; elle doit contribuer à établir qu'elle est obsolète. Et il convient de la remplacer par un mécanisme nouveau favorable à la réintégration sur le marché du travail de personnes dont le sort nous préoccupe tous. (Applaudissements.)
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je serai relativement brève, parce que M. Deneys et Mme Loly Bolay m'ont en partie enlevé les mots de la bouche...
Je voudrais quand même revenir sur votre rapport, Monsieur Kunz, qui est plus une déclaration personnelle qu'un rapport. En effet, la seule mention que vous faites des onze auditions qui ont eu lieu est la suivante: «...les milieux auditionnés étaient généralement assez favorables aux mesures proposées.», soit les ARE...
Et puis, à la fin de votre rapport, vous écrivez, je cite: «Mais, pour le rapporteur de majorité, il convient d'aller plus loin et de manière plus globale et plus approfondie. D'envisager notamment: - le développement des ARE et le renforcement de leur attractivité pour les entreprises, même celles situées hors des limites du canton;»...
M. Pierre Kunz. Continuez, continuez !
Mme Sylvia Leuenberger. Ensuite, vous préconisez d'encourager les emplois d'utilité publique rémunérés et de mettre en place un régime particulier pour les chômeurs jeunes... C'est très bien ! Alors, vous êtes pour ce projet de loi !
M. Pierre Kunz. Non !
Mme Sylvia Leuenberger. Je constate donc que le rapporteur de majorité est favorable à ce projet de loi ! (Applaudissements.)
M. Claude Jeanneret (MCG). Monsieur Kunz, bien que le MCG se soucie de la réintégration rapide des chômeurs à Genève, qui est tout de même un énorme problème pour notre ville, je pense qu'il manque quelque chose à cette loi... En effet, même si elle présente beaucoup d'intérêt, elle n'incite pas suffisamment à la réinsertion immédiate des chômeurs. Il faudrait que les procédures de travail et les évaluations soient effectuées tout de suite... (Un micro larsène.) Ce n'est pas moi ! ...c'est-à-dire dès qu'une personne se retrouve au chômage.
Je pense que nous devons attendre les mesures qui vont nous être proposées par le nouveau Conseil d'Etat, dont on peut espérer qu'elles seront efficaces. Si elles ne devaient pas se révéler suffisantes, il sera assez tôt, à ce moment-là, pour penser à de nouvelles lois. Et puis, je trouverais dommage de mettre une loi en discussion maintenant, ce qui ne pourrait que freiner une nouvelle conception globale de la résorption du chômage à Genève.
J'aimerais encore insister sur un point: je crois qu'il est beaucoup plus important que notre Conseil d'Etat établisse un partenariat sérieux avec les gens qui peuvent absorber le chômage, c'est-à-dire qu'il incite les patrons à donner une véritable priorité à ceux qui habitent Genève et qui n'ont pas d'emploi. Voilà ma position.
Mme Sandra Borgeaud (MCG). Pour ce projet de loi, j'irai aussi dans le sens de M. Pierre Kunz. Malheureusement, force est de constater que les mesures d'aide cantonale à l'emploi ne permettent absolument pas aux chômeurs de longue durée de retrouver un emploi... Elles leur permettent surtout de rouvrir un délai-cadre pour toucher les indemnités de chômage, ce qui est inadmissible !
Certains disent que nous avons une chance monumentale de bénéficier de ce type de mesures à Genève... Si c'était vraiment le cas, d'autres cantons en Suisse le feraient aussi !
Le personnel de l'OCE doit malheureusement traiter beaucoup trop de dossiers, et il n'a pas réellement le temps de les gérer correctement. Les chômeurs ont parfois la possibilité de prendre des cours... C'est bien, mais laisser une personne deux ans au chômage avant de s'en occuper, c'est lui donner la possibilité de rester à la maison pour ne rien faire, ce qui ne lui donne pas forcément envie de retourner au travail !
Il y a donc des tas de mesures à prendre. En tout cas, les mesures cantonales sont une stupidité - vous m'excuserez d'utiliser ce terme, mais c'est ce que je pense !
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Je voudrais donner quelques indications à Mme Borgeaud... Je ne sais pas si elle a lu le projet de loi - le rapport succinct de M. Kunz... Quoi qu'il en soit, nous ne parlons pas des emplois temporaires cantonaux dans notre projet de loi, à part sous la forme d'une meilleure formation et d'un meilleur encadrement. Nous parlons des allocations de retour en emploi, ce qui est tout à fait différent ! L'allocation de retour en emploi ne redonne pas un deuxième délai-cadre: elle donne un emploi aux chômeurs et chômeuses de longue durée. Il s'agit uniquement de cela. Votre collègue, M. Jeanneret, disait qu'il fallait prendre des mesures immédiates... Nous sommes entièrement d'accord avec lui sauf que cette loi traite des mesures cantonales qui interviennent, en fait, à la fin du premier délai-cadre fédéral de deux ans. C'est de cela dont il s'agit.
Au niveau cantonal, hormis le fonctionnement de l'office cantonal de l'emploi, on ne peut agir que sur les mesures cantonales, c'est-à-dire, malheureusement, après les deux premières années de chômage. Et nous nous étions bien renseignés en commission sur ce point, car nous étions d'accord avec M. Kunz sur certains points - comme, d'ailleurs, avec plein d'autres personnes de la commission, voire toutes - notamment de pouvoir intervenir le plus vite possible au cours du premier délai-cadre, y compris sous forme d'emplois temporaires cantonaux. Le département nous a promis plusieurs fois de prendre les renseignements juridiques qui s'avéraient indispensables pour savoir si c'était possible, mais, malheureusement, il n'a jamais répondu à cette demande. Et nous n'avons finalement jamais su s'il était possible de créer des emplois temporaires cantonaux ou des allocations de retour en emploi (en fait, toutes les mesures cantonales) avant la fin du délai-cadre.
Pour nous, il s'agit maintenant de tout faire pour trouver un consensus entre toutes les parties concernées de façon à supprimer ce fléau qu'est le chômage de longue durée à Genève, ou tout au moins à le diminuer. Car il ne faut pas oublier non plus que les systèmes des pays qui nous entourent ne produisent pas des miracles, y compris au Danemark, Monsieur Kunz, que vous citez dans votre rapport... Beaucoup de personnes vantent le système mis en place au Danemark, mais il faut tout de même replacer les choses dans leur contexte. Au Danemark, le taux de chômage était de 13% au début des années 90, et il a été ramené à 5%, mais il stagne à ce taux depuis trois ans, car il reste un chômage structurel. Et cela figure aussi dans les études de M. Fluckiger - je dis cela à l'intention de M. Jeannerat, qui ferait bien de lire les dossiers complètement. Il explique en effet qu'il y a un chômage incompressible, structurel, et que les chômeurs de longue durée, malheureusement, paient les pots cassés.
C'est la raison pour laquelle nous pensons que les emplois temporaires ne doivent pas être mis en concurrence avec les allocations de retour en emploi. En stimulant, comme nous le proposons, les allocations de retour en emploi, l'incitation sera plus importante, plus de postes seront proposés. Il y aura donc un transfert des emplois temporaires cantonaux aux les allocations de retour en emploi, et les dépenses de l'Etat ne seront pas plus élevées. Toutefois, pour ceux qui n'arrivent malheureusement pas à retrouver un emploi, la solution de l'emploi temporaire cantonal garde toute sa raison d'être, avec - seule condition - un encadrement et une formation adéquate pour le chômeur, suite à un bilan de compétences bien fait. Je peux vous dire - et vous pouvez leur demander - toutes les personnes qui passent au centre d'évaluation, le CEBIG, sont enchantées. Même celles qui ne voulaient pas s'y rendre au départ ressortent de ces évaluations avec une reconnaissance de leurs acquis et une confiance en elles qui est décuplée.
Il est donc très important que les chômeurs de longue durée bénéficient de tous ces soutiens.
Nous vous enjoignons par conséquent de soutenir ce projet et de le renvoyer en commission pour que nous puissions l'examiner, discuter d'autres mesures, y compris celles qui seront proposées par le département. Nous voudrions tout de même que les travaux se fassent relativement rapidement, parce que la situation stagne. Le nouveau directeur de l'office cantonal de l'emploi ne prendra son poste qu'au mois de juillet, et je crains qu'on ne nous dise que l'on nous proposera une loi cet automne, voire l'hiver prochain... En effet, étant donné le rythme du travail de notre parlement, ce n'est pas avant dix-huit mois, voire deux ans - enfin ! - que nous pourrons avoir une nouvelle loi sur les mesures cantonales.
Alors, renvoyons ce projet de loi en commission, attendons les propositions du département, mais, surtout, trouvons un consensus et arrêtons de nous écharper sur des détails !
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Merci, chers collègues de gauche ! Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je dois corriger deux affirmations: l'une de M. Deneys, l'autre de M. Hodgers, car je ne voudrais pas que les personnes qui ont suivi ce débat puissent croire ce qu'ils ont dit !
Monsieur Deneys, tant que les emplois temporaires existent, les ARE ne pourront pas avoir le succès que vous souhaitez ! Pourquoi ? Quand un chômeur choisit la voie de l'ARE, il n'a plus droit à un ETC... (L'orateur est interpellé.) ...et l'inverse: lorsqu'il choisit un ETC, il n'a plus droit à l'ARE ! Vous qui prétendez toujours vous mettre à la place des chômeurs, mettez-vous à la place d'un vrai chômeur, un qui est vraiment dans le trou, et demandez-lui ce qu'il choisirait, s'il a une famille à nourrir et qu'il peut choisir entre une ARE et un ETC ! Il va évidemment choisir un ETC, ce qui est une garantie pour lui, alors que l'ARE est un risque qu'il court. C'est un premier point.
Monsieur Hodgers: non, les offices cantonaux de l'emploi ne peuvent pas placer les chômeurs ! Ils sont là pour aider les chômeurs, pour les soutenir, pour les inciter à se former, pour contribuer à leur recherche d'emploi, mais ils ne peuvent pas chercher un emploi à leur place ! Ceux qui le prétendent se trompent et trompent les chômeurs !
La lutte contre le chômage, Mesdames et Messieurs les députés, est une affaire grave, elle est sérieuse, elle est complexe... Le rapport de majorité déplaît, parce qu'il pose un diagnostic sévère - mais mérité - et, aussi, parce que vous, à gauche - et il n'y a qu'à entendre M. Deneys... - vous persistez à soutenir une loi qui est mauvaise pour les chômeurs !
Alors, bien sûr, il est plus facile de s'attaquer à Kunz qui fait des rapports bizarres que de démonter ce qu'il dit dans son rapport ! Pourtant, il vous propose des solutions - comme le reste de la commission - contrairement à vous. Vous vous contentez de critiquer la présentation du rapport... C'est trop facile !
Il faut le rappeler: la réforme de la loi cantonale sur le chômage était globale et équilibrée. Les auteurs du projet de loi 9631 font fausse route, parce qu'ils persistent à s'attaquer aux symptômes du chômage et non pas aux causes ! Ce projet, comme le référendum qui a été lancé par vos milieux, illustre parfaitement votre attitude anachronique et erronée ! (Exclamations.)
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Il est temps aujourd'hui d'inventer une nouvelle politique de l'emploi à Genève. Il est temps parce que, en comparaison intercantonale et alors même que notre canton crée beaucoup d'emplois - il en crée plus que la plupart des autres cantons suisses - le taux de chômage à Genève est anormalement élevé et nos indicateurs de l'emploi sont mauvais !
Le Conseil d'Etat s'y est engagé: il proposera à l'automne une modification globale de la loi en matière de chômage, afin de vous proposer une nouvelle politique de l'emploi.
Sur le fond et dans son esprit, cette politique s'appuiera sur divers principes. Tout d'abord, les ARE ont incontestablement un meilleur potentiel qu'aujourd'hui, mais elles doivent s'inscrire dans une approche plus globale. D'autres mécanismes sont envisageables, doivent être envisagés, et le Conseil d'Etat vous les proposera. Nous devons être capables d'offrir des mesures d'insertion plus ciblées, qui répondent mieux aux besoins des différentes catégories de chômeurs, que ce soient des chômeurs âgés, ou de longue durée, que ce soient des femmes en retour d'emploi, après avoir abandonné pendant quelques années le marché de l'emploi pour fonder une famille, que ce soient des jeunes sans formation ou qui n'ont pas encore d'expérience professionnelle.
Enfin, ces mesures d'insertion doivent être plus rapides. On l'a dit ici, l'office cantonal de l'emploi est souvent trop lent - pour toutes sortes de raisons, dont nous aurons l'occasion de débattre - dans sa façon d'aborder les problèmes, et les choses traînent. Or, le plus dramatique dans le chômage, ce n'est ni l'absence de formation des gens ni l'âge - contrairement aux idées reçues - mais bien la durée du chômage, et c'est ce contre quoi nous devons lutter.
Ensuite, nous devons aussi être capables au sein de l'OCE d'offrir un service aux entreprises, car il est un office de placement. Il doit donc pouvoir offrir aux entreprises un service plus performant en profitant du fait, précisément, qu'il y a beaucoup de chômeurs et, donc, beaucoup de capacités, beaucoup de qualifications. Par conséquent, il doit pouvoir proposer rapidement des dossiers ciblés aux entreprises en anticipant, en devinant et en prenant conscience de leurs besoins, au lieu de leur envoyer des tonnes de dossiers. Il faudra procéder comme le fait n'importe quelle entreprise de placement, ce qui permettra, pas à pas, de diminuer le chômage.
Enfin, il faudra redéfinir les emplois temporaires. Je vous informe ce soir officiellement que j'ai rencontré M. Deiss. à sa demande, il y a dix jours, à Berne. Il m'a clairement signifié que les emplois temporaires n'étaient plus acceptables à Genève si leur seul but était d'ouvrir une deuxième période d'indemnisation de chômage... (Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs, je vous invite à modérer vos applaudissements sur cette mesure, car elle suppose que nous serons capables d'inventer une nouvelle politique d'emploi qui soit à la mesure de ce défi. Car, Mesdames et Messieurs, si la solution des emplois temporaires n'est pas acceptable - peu acceptable, peu efficace - elle règle quand même la situation de plus de deux mille personnes à Genève aujourd'hui ! Il faudra donc trouver pour ces personnes des solutions plus efficaces, plus dynamiques, plus porteuses d'avenir que ne le sont les emplois temporaires. Nous devrons le faire sous la pression exercée par la Confédération qui n'acceptera plus que les emplois temporaires ne soient - comme l'a d'ailleurs dit Mme la députée Borgeaud - qu'un moyen d'ouvrir une deuxième période d'indemnisation de chômage.
Je vous ai livré quelques éléments qui constituent le fond de la politique de l'emploi que nous entendons mener. Nous la mènerons avec le nouveau directeur de l'office cantonal de l'emploi que le Conseil d'Etat a engagé récemment. C'est un homme qui vient du milieu des entreprises, qui connaît les mécanismes politiques et qui a à coeur de trouver des solutions au problème du chômage.
Enfin, dans l'esprit, nous devons aussi tenir compte d'un signal donné par la population... Le 24 avril 2005, la population n'a pas voulu de la loi qui lui était proposée, et le Conseil d'Etat en tire deux conclusions. Tout d'abord, il ne pense pas - et la population ne le veut pas - faire des économies, dans ce domaine et dans la situation actuelle, sur le dos des chômeurs. Cela a été clairement exprimé. C'est pour cela que le Conseil d'Etat ne vous a pas proposé dans son plan de mesures des économies en la matière. Par contre, il a proposé un certain nombre de mesures qui permettront d'améliorer la situation, notamment en luttant contre le travail au noir. Je le répète, il n'a pas proposé de mesures d'économies dans ce domaine.
Si ce message de la population est tout à fait clair, un autre l'est, à notre sens, tout autant. A savoir, que les emplois temporaires ne sont assurément pas la politique d'emploi que nous devons mener dans notre canton. Nous devons être capables d'inventer une autre politique. C'est ce que le Conseil d'Etat vous proposera, comme il s'y est engagé, à la rentrée cet automne.
Dans ce cadre, dans cet esprit et avec cette volonté, Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser ce projet dont l'approche est trop sectorielle. Il faut en effet mener une réflexion globale sur ce sujet. Toutefois, j'indique qu'il est possible, au cours de la réflexion que nous mènerons sur les ARE et avec notre volonté de les dynamiser, que certaines des mesures proposées dans ce projet de loi soient reprises, mais cela doit se faire dans un cadre global. C'est pour cette raison que je vous invite à refuser ce projet de loi ou, si vous l'estimez préférable, à le renvoyer en commission pour que nous puissions, une fois que la politique de l'emploi proposée par le Conseil d'Etat sera entre vos mains, en discuter sereinement et avec le souci de régler ce problème mieux que nous ne le faisons aujourd'hui. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une recommandation de la majorité de la commission - mais à égalité - de ne pas entrer en matière. Par contre, le rapport de minorité suggère d'entrer en matière sur ce projet de loi et de le renvoyer en commission de l'économie. Je vais donc mettre aux voix la prise en considération du projet. Si elle est acceptée, elle sera suivie d'un vote sur le renvoi en commission de l'économie... (M. Charbonnier interpelle le président.) Le renvoi en commission, Monsieur le rapporteur de minorité, sous votre propre plume, est présenté comme la conséquence de la prise en considération du projet de loi !
M. Alain Charbonnier. J'ai demandé le renvoi en commission !
Le président. Non, vous l'avez demandé en conclusion, mais permettez-moi de vous lire, Monsieur !
M. Alain Charbonnier. Vous n'avez pas à me lire ! J'ai fait une demande de renvoi en commission à la table des rapporteurs...
Le président. Ecoutez, on ne va pas perdre de temps, parce que cela revient exactement au même ! Mais je signale... (Exclamations.) J'ai dit tout à l'heure qu'il fallait cesser ces petites opérations qui consistent à formuler une demande de renvoi en commission à la fin d'un débat... (M. Charbonnier interpelle le président.) Non ce n'est pas le règlement, Monsieur le rapporteur ! Non, non ! (Exclamations.) Vous pouvez continuer à faire du brouhaha, cela ne change pas le fond des choses ! Nous venons de débattre pendant plus d'une heure d'un projet de loi dont les conclusions portent sur la prise en considération et sur le renvoi en commission... (Exclamations.) Et il ne faut pas, de façon tactique, demander le renvoi en commission sur la prise en considération à la fin du débat, parce que c'est tout simplement une forme de désinvolture désagréable vis-à-vis de cette assemblée plénière ! (Brouhaha.) Quoi qu'il en soit, le résultat sera le même... (Applaudissements.) Je le répète, de toute façon, le résultat sera le même ! L'assemblée vote ce qu'elle veut... (Brouhaha.) Si elle veut entrer en considération sur ce projet, elle le fera, si elle veut le renvoyer en commission, elle le renverra en commission. Cela revient exactement au même ! Mais je signale que cette façon de faire est désinvolte, que cela pose problème et que ce n'est pas une bonne méthode !
Cela étant et pour ne pas perdre plus de temps, je vais vous faire voter, et vous voterez trois fois au lieu de deux, si vous y tenez... Je vais tout d'abord vous soumettre le renvoi en commission... Si vous l'acceptez, ce projet sera renvoyé en commission. Si vous le refusez, je ferai voter la prise en considération et, si vous l'acceptez, nous serons en discussion immédiate, ou, de nouveau, sur le renvoi en commission... Si cela vous semble raisonnable ! A quelques secondes près, cela ne changera rien ! Celles et ceux qui sont favorables au renvoi en commission, avant la prise en considération, votent oui, les autres non ou s'abstiennent.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9631 à la commission de l'économie est rejeté par 52 non contre 17 oui et 1 abstention.
Le président. Je mets aux voix la prise en considération de ce projet de loi. (Brouhaha.) Celles et ceux qui l'acceptent votent oui, les autres non ou s'abstiennent. (Exclamations.) Monsieur Hodgers, ne soyez pas désagréable, vous avez vous-même retiré votre demande de renvoi en commission ! (Brouhaha.)
Mis aux voix, le projet de loi 9631 est rejeté en premier débat par 51 non contre 7 oui. (Applaudissements. Nouvelles exclamations.)
Le président. Nous passons maintenant à l'élection 1418.