République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 mars 2006 à 16h
56e législature - 1re année - 6e session - 27e séance
PL 9575-A
Premier débat
Mme Christiane Favre (L), rapporteuse de majorité. J'ignore si l'on ose affirmer qu'il existe une loi parfaite, aussi, je peux facilement admettre que ce projet soit encore perfectible. Mais, tel qu'il est, il donne d'indispensables outils pour une meilleure gouvernance de l'Hospice général, c'est un projet indispensable, attendu, et qui va dans le bon sens. Comme vous avez pu le lire dans le rapport, il est défendu par le Conseil d'Etat et soutenu par la majorité de la commission. Il a été examiné par l'actuel Conseil d'administration qui en a largement approuvé les principes. Ces qualités ont été saluées par la direction qui souligne de réelles avancées dans les propositions qui sont faites.
Dans le rapport, vous avez pu lire aussi certains avis contraires et nous en débattrons. Mais l'un d'entre eux, récurrent, exprime une volonté de rattachement de l'Hospice à l'Etat, au principal motif que cette institution, dans sa fonction d'assistance publique, n'a pas de dimension entrepreneuriale. Il est vrai qu'on n'y fabrique rien et qu'elle n'a aucune vocation commerciale, si ce n'est l'administration de ses biens immobiliers. L'Hospice général a la tâche fondamentale, historique, d'appliquer la politique sociale voulue et garantie par le Grand Conseil et le Conseil d'Etat.
Même si les arguments de coût, de souplesse de gestion, d'esprit d'entreprise et de contrôle démocratique plaident largement en faveur de son autonomie, on peut avoir l'idée d'en discuter. Il n'en reste pas moins que, aujourd'hui comme hier, faire fonctionner cette institution a toujours été une démarche entrepreneuriale au sens premier du terme. C'est pourquoi, pour bien fonctionner, l'Hospice a besoin d'un statut clair, d'un rôle défini, d'une direction efficace et d'un conseil d'administration compétent et éclairé qui tienne compte de la diversité des sensibilités mais qui ne soit pas perturbé par la politique politicienne. En précisant un certain nombre d'éléments essentiels, ce projet avance dans cette excellente direction. La commission des affaires sociales vous recommande, Mesdames et Messieurs, de lui réserver un bon accueil.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de deuxième minorité. Je vais expliquer en quelques mots les raisons qui ont conduit le groupe socialiste à refuser ce projet de loi. Je souhaite rappeler que l'Hospice général est un instrument de la politique sociale de notre canton. Il a pour principale mission de distribuer des prestations sociales et cela est dicté par la loi. Son fonctionnement, à notre sens, doit être repensé dans le cadre d'un débat général sur l'action sociale, parallèlement avec le fonctionnement des CASS et avec les effets de la loi sur l'aide à domicile. Pour nous, la démarche qui consiste à bétonner le devenir de l'Hospice général dans une loi ad hoc est erronée et nous ramène au XIXe siècle. Il est vrai qu'à l'époque les problèmes étaient un peu moins complexes qu'aujourd'hui... Je rappelle que le Conseil d'Etat, lors de la précédente législature, a déposé un projet de loi sur l'aide sociale individuelle et il est indispensable que nous discutions de ce projet, qui doit aussi être placé dans le cadre du débat général sur l'aide sociale que nous voulons pour notre canton aujourd'hui. Ce débat est indispensable et nous regrettons donc que la démarche ait été inversée. Voilà pour la méthode.
L'autre aspect concerne l'autonomie de l'Hospice général. Je le répète: la mission principale de l'Hospice général est de distribuer les prestations sociales à la population bénéficiaire, ce qui est une obligation légale. Cette mission n'obéit à aucune logique commerciale et, en ce sens, l'Hospice général ne peut pas être comparé à d'autres institutions comme les SIG ou les TPG. En plus, l'histoire récente nous a montré que l'Etat intervenait sans cesse dans les affaires de l'Hospice général. Pas plus tard qu'au mois de février l'Hospice général a subi les remontrances du conseiller d'Etat M. Longchamp, comme cela avait été le cas auparavant avec M. Unger, quand il s'est agi du déficit suite à la question des avances AI. Or, la mission de faire ces avances AI a précisément été confiée à l'Hospice général par le Conseil d'Etat et apparemment, on lui avait refusé d'inscrire des provisions suffisantes pour parer aux incertitudes liées à cette question des avances AI. Vous le savez, certaines ne sont pas honorées et, en définitive, c'est l'Etat, en l'occurrence, l'Hospice général, qui doit essuyer les pertes. D'un côté, on donne à l'Hospice général une mission précise et, de l'autre, on l'empêche de l'accomplir. Ensuite, on l'accuse de mauvaise gestion.
Il est vrai qu'il y a eu de réels problèmes de gestion, notamment au niveau de l'informatique, nous ne le nions pas. Mais, depuis lors, nous avions cru comprendre qu'une nouvelle direction avait été nommée, que les choses commençaient à aller mieux et voilà qu'à nouveau on accuse l'Hospice général d'incompétence. Je crois qu'à vouloir continuer ce petit jeu, et à exposer perpétuellement cette institution qui a été passablement chahutée, eh bien, on finit par décourager les travailleurs et les travailleuses de cette institution, qui doivent déjà faire face à une surcharge suite à l'augmentation des dossiers d'assistance.
Parler d'autonomie de l'Hospice général dans ces conditions, c'est aberrant. Nous pensons qu'il faut que ces hypocrisies cessent. Enfin, nous rejoignons ceux qui dans cette enceinte souhaitent réfléchir sérieusement à l'opportunité de rattacher cette institution d'aide sociale directement à l'Etat. Pour conclure, je dirai que ce projet de loi n'aboutira pas à mieux responsabiliser soit l'Etat, soit l'Hospice général, mais qu'on risque de perpétuer le réflexe du «C'est pas moi, c'est l'autre» qu'on a vu se manifester ces dernières années. Au bout du compte, on oublie que ce sont les bénéficiaires qui risquent d'en faire les frais. Voilà ce que je voulais dire en préambule. J'interviendrai par la suite, quand on discutera plus concrètement du projet de loi.
M. Christian Bavarel (Ve), rapporteur de première minorité. Depuis la présentation de ce projet sur la gouvernance de l'Hospice général, les Verts ont dit très clairement qu'ils ne pensaient pas qu'aujourd'hui l'Hospice général devait rester autonome. Pour nous, il est clair qu'il y a un échelon de trop, celui du Conseil d'administration. Nous voyons que l'Hospice général, dans sa fonction d'assistance publique, ne comporte vraiment pas de tâche entrepreneuriale. Les différentes conditions de l'assistance publique sont complètement de compétence étatique.
Nous sommes face à une institution autonome et je crois que nous sommes le seul Etat dans lequel cela fonctionne de cette manière-là. Généralement, l'assistance publique est parmi les tâches essentielles de l'Etat. L'Hospice général a certes des logements, des immeubles en gestion et d'autres activités qui pourraient tout à fait être détachées de la partie assistance publique. Mais, concernant l'assistance publique, qui est la tâche principale de l'Hospice général, depuis qu'on dit et qu'on répète qu'elle doit être rattachée à l'Etat, on sent que le front en face qui voulait l'autonomie de l'Hospice général est en train de se lézarder. Parce que nous sommes confrontés à une difficulté institutionnelle d'architecture et de périmètre de compétences de l'Hospice général et de l'assistance publique.
Nous le disons très simplement: nous ne sommes pas face à un problème de gouvernance de l'Hospice général, mais à un problème de périmètre et de rattachement. C'est pour ces raisons que nous vous demandons de refuser ce projet de loi.
Mme Sandra Borgeaud (MCG). Ce projet de loi demande que la gouvernance de l'Hospice général soit réduite. Or, aujourd'hui, nous constatons qu'il y a plus de 45 millions de déficit. L'Etat est chargé du sort des chômeurs en fin de droit et des demandeurs d'emploi qui n'entrent plus dans les statistiques cantonales du chômage et qui se retrouvent de ce fait à l'Hospice général. Comme vous le savez, le chômage est exponentiel à Genève et nous avons le triste privilège d'avoir la palme d'or dans ce domaine au niveau national. L'Hospice doit aussi se charger du sort des requérants d'asile qui n'ont aucun autre moyen d'obtenir de l'aide financière et dépendent intégralement de l'Hospice général à Genève.
C'est au Grand Conseil de décider des dépassements de crédit à octroyer à l'Hospice général, ce qu'il a fait régulièrement ces dernières années. Il s'agit là de l'argent du contribuable, car, comme chacun le sait, les donations faites à l'Hospice général ne sont malheureusement pas suffisantes pour assurer le bon fonctionnement financier de cette institution.
Je tiens à rappeler que l'Hospice général est une institution publique. De ce fait, elle doit dépendre de l'Etat uniquement. Il y a certainement de très bonnes solutions à envisager et à mettre en application, sans pour autant réduire le Conseil d'administration. Il n'est pas normal vis-à-vis du peuple que tous les partis politiques représentant le peuple genevois ne puissent pas être présents afin de s'assurer de la bonne gestion des deniers publics. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous invite à rejeter ce projet de loi, qui ne répond pas à la problématique financière de cette institution publique.
Présidence de M. Jacques Baudit, deuxième vice-président
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Ce projet de loi est un petit pas vers une meilleure gestion de la politique sociale de notre canton. En effet, ce secteur, au regard de la part importante des deniers publics consacrés aux plus défavorisés, doit être géré avec compétence et esprit de prospection.
Ce projet de loi a occupé la commission des affaires sociales pendant de longues séances. En effet, dans un contexte toujours d'actualité, l'Hospice général paraissant difficilement maîtriser ses dépenses, la solution proposée par le Conseil d'Etat semblait pour certains insuffisante ou frileuse. Néanmoins, le mandat de prestations, la nouvelle gouvernance et les nouvelles directives en matière de contrôle interne sont des étapes indispensables vers une amélioration du pilotage de ce paquebot. Le mandat de prestations est un passage incontournable pour mieux définir le cadre et les critères d'attribution du budget d'assistance. La nouvelle gouvernance repose aussi sur une équipe de pilotage réduite, choisie pour ses compétences indispensables en matière de management, et qui est surtout moins politisée. Ce nouveau Conseil d'administration devra accompagner le changement de gestion de l'Hospice général, qui est une vieille dame qui a besoin d'un lifting.
Cette opération est une première tentative, soutenue par les deux députés radicaux de manière différente, mais avec le même objectif: un meilleur contrôle et l'optimisation de l'attribution de l'assistance sociale. Le groupe radical votera donc cette loi.
M. Eric Bertinat (UDC). Depuis de nombreuses années, l'Hospice général connaît de grands dysfonctionnements et il est urgent de se pencher sur cet établissement autonome de droit public que de nombreux Genevois regardent avec beaucoup de méfiance, d'autant plus que le trou de 60 millions de francs de trésorerie enregistré en 2003, tout comme le récent déficit annoncé de près de 14 millions de francs sont encore dans toutes les mémoires. Rappelons que l'Hospice coûte au contribuable 233 millions de francs, dont 190 millions sont consacrés à l'aide sociale.
Le Conseil d'Etat a donc fini par proposer une loi moderne de gouvernance. La commission des affaires sociales s'est penchée en priorité sur ce sujet et a cherché à élaborer rapidement cette loi, que l'UDC soutiendra. Mais notre groupe, comme de nombreux autres, semble-t-il, tient à préciser qu'il partage les soucis déjà formulés l'an dernier par la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil lorsqu'elle rendait public le rapport intermédiaire sur l'institution et soulevait la question des rapports entre le Conseil d'administration et l'Etat. Le rapport concluait que le double échelon de pouvoir entre l'ancien département de l'action sociale et de la santé et l'Hospice général: «n'a [je cite] jamais été aménagé et des rapports de pouvoir de fait compliquent la cohérence de gestion».
L'Hospice général ne serait-il pas plus performant en étant intégré directement à l'Etat ? Cette question, à l'évidence, est à l'esprit de nombreux députés, mais il reste que le projet de loi sur lequel nous nous penchons aujourd'hui centre le débat sur la seule gouvernance de l'Hospice général. Rien n'empêche d'accepter ce projet de loi et de revoir dans un avenir proche le statut juridique de l'Hospice général. La plupart des modifications qu'apporte cette loi conviennent au groupe UDC qui, cependant, tient à relever l'article 4, dans lequel est traité le mandat de prestations. Il va être bien difficile de définir le contenu de ce contrat, puisque les prestations sont mal définies, que le personnel de l'Hospice général n'a jamais caché sa réticence à l'égard de cet instrument et que la garantie de déficit inscrite dans la constitution diminue fortement les bénéfices que l'on peut retirer du mandat de prestations.
Reste que l'idée d'établir des indicateurs utiles notamment au département et à la commission des finances est de première importance pour que les responsables puissent gouverner correctement. L'UDC acceptera donc ce projet de loi qui va vers une amélioration de la gouvernance de l'Hospice général.
Mme Gabrielle Falquet (S). Aujourd'hui, il ne s'agit pas simplement de dire si l'on aime ou si l'on aime pas l'Hospice général; il s'agit de trouver le meilleur moyen, la meilleure façon de gérer les problèmes de l'assistance. Comment adapter l'aide aux circonstances actuelles, comment favoriser la réinsertion ? Actuellement, c'est le Conseil d'administration de l'Hospice général, entre autres, qui est chargé dans le cadre de veiller à ce que l'aide sociale soit apportée, avec, bien sûr, l'appui des collaborateurs et des collaboratrices. Sans eux, les personnes dans la précarité ne pourraient vivre dans notre société, elles ne seraient entendues. Ces personnes ont des droits, Mesdames et Messieurs, et elles doivent être respectées.
Pour que les décisions de notre parlement soient appliquées, le Conseil d'administration de l'Hospice général doit être représentatif des différentes tendances politiques de ce parlement et il doit aussi comprendre des représentants du personnel, qui sont à même d'apporter les éléments du terrain afin que le Conseil d'administration puisse répondre de façon adaptée aux besoins.
C'est pour cela qu'aujourd'hui on ne peut pas simplement accepter la proposition faite par le Conseil d'administration dans le cadre de ce projet de loi. Le choix du nombre n'a aucun sens, aucun fondement. On a simplement l'impression d'assister à un marchandage. On le ressent aussi dans d'autres commissions qui traitent de gouvernance.
Mesdames et Messieurs les députés, un peu de sérieux, un peu de décence: refusons cette loi ou, au moins, suspendons-la jusqu'à ce qu'on puisse discuter de l'ensemble des prestations sociales, de l'ensemble des décisions que notre parlement devra prendre concernant, entre autres, la loi sur l'aide sociale individuelle. Et soyons conscients, Mesdames et Messieurs, que c'est un domaine sensible, que c'est un domaine qui représente l'ensemble des personnes que nous soutenons et auxquelles nous voulons permettre de vivre décemment. Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, ne galvaudons pas cet outil qu'est l'Hospice général et n'oublions pas que nous parlons essentiellement des personnes qui sont en grande difficulté dans notre société.
Une voix. Bravo !
M. Ivan Slatkine (L). En préambule, j'aimerais préciser que je suis administrateur de l'Hospice général, que j'ai été élu par ce Grand Conseil il y a deux ans au sein du Conseil d'administration et qu'en conséquence je m'abstiendrai lors du vote final sur ce projet de loi. J'ai longuement hésité à prendre la parole, mais je crois quand même nécessaire de commenter les deux rapports de minorité, car il y a certains points qu'il me semble important de corriger.
Dans le premier rapport de minorité, comme dans le deuxième, d'ailleurs, on débat - on vient d'en parler - de l'autonomie de l'Hospice général. Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas là pour traiter de ce point, mais pour traiter de la gouvernance de l'Hospice général. Si vous souhaitez un débat sur l'autonomie de l'Hospice général, je propose que les groupes qui soutiennent cette proposition déposent un projet de loi constitutionnel - constitutionnel, car l'autonomie de l'Hospice général est inscrite dans la constitution - et qu'on ait un vrai débat sur ce point, mais qu'on ne mélange pas gouvernance et autonomie. Aujourd'hui, on parle de la gouvernance de l'Hospice général pour permettre à l'Hospice général de mieux fonctionner.
Dans le rapport de M. Bavarel, j'aimerais quand même relever certains points. J'ai de la peine à comprendre ses arguments... Il nous dit qu'il faut séparer l'assistance sociale de l'assistance aux requérants d'asile alors qu'à l'Hospice général ces deux aides sont séparées. Il dit qu'il faudrait intégrer les structures d'hébergement au sein du DIP, mais le Conseil d'administration souhaite exactement la même chose; il dit qu'il faut différencier le logement social des immeubles de rente, et là il faudrait préciser parce qu'on a de la peine à comprendre ce qu'il veut dire. Je passerai sur les derniers points. Quand vous argumentez ensuite sur les propos de M. Pasquier, Monsieur Bavarel, il semble que nous ayons une lecture complètement différente de l'exposé de M. Pasquier. La rapporteuse de majorité a mis en annexe à son rapport, aux pages 63 à 66, l'exposé qu'a fait le professeur Pasquier. Si on lit ce document, on arrive exactement aux conclusions inverses de celles auxquelles vous aboutissez dans votre rapport. Là aussi, il faudrait qu'on m'explique, parce que j'ai l'impression que les propos de M. Pasquier ont été légèrement déformés. Pour conclure sur ce rapport, vous dites qu'un rattachement à l'Etat permettrait, par exemple, d'instaurer le système de cash pooling. Je tiens juste à préciser que ce système a été mis sur pied il y a quatre ans pour l'Hospice général. Il y a certains points sur lesquels des éléments semblent vous manquer et, si l'on veut un vrai débat sur l'autonomie, il faudrait que chacun de nous se renseigne et qu'on traite cela en lien avec un projet de loi ad hoc.
Quant au deuxième rapport de minorité, je comprends que Mme Fehlmann veut un grand débat général sur l'assistance publique à Genève. On y mettrait tout: les CASS, la LAsi, l'Hospice général, son autonomie, etc. Il faudra qu'on m'explique comment on fera, parce que cela va être très compliqué. Aujourd'hui, ce qu'il faut, c'est donner des outils à l'Hospice général pour l'aider à sortir la tête de l'eau et je peux vous dire qu'il est déjà en train de sortir la tête de l'eau. Ce qui m'a marqué dans votre rapport, Madame la députée, c'est que vous ne vous posez pas la question de savoir si, finalement, ce qui manque à l'Hospice général, ce n'est pas justement plus d'autonomie. Et peut-être que là où le Conseil a failli, c'est en n'affirmant pas assez son autonomie. S'il l'avait fait, peut-être qu'on ne rencontrerait pas aujourd'hui les problèmes qu'on a avec l'Hospice général, problèmes qui sont en voie de résolution.
Peut-être que pour avoir plus d'autonomie, il faut avoir un Conseil plus restreint avec des gens plus responsables, qui instaurent un dialogue avec le Conseil d'Etat, et je suis persuadé que l'Hospice pourrait tout à fait fonctionner de la sorte. Pour mémoire, effectivement, l'Hospice général a connu beaucoup de problèmes depuis 2001. Problèmes informatiques, vacance de la direction générale pendant une année, arrivée d'un nouveau réviseur dont les options étaient nettement plus strictes que celles des réviseurs précédents. Mais il faut noter que depuis deux ans, avec la nouvelle direction générale, l'Hospice général est en train de redresser la tête. Alors, cela fait mal, certes, parce qu'aujourd'hui les chiffres, il faut les nettoyer, mais, au moins, on a un Hospice qui est convenablement dirigé, avec des collaborateurs qui se battent tous les jours sur le terrain, et les résultats sont là, puisque depuis maintenant plusieurs mois, l'assistance publique est en stagnation, le nombre de dossiers a cessé d'augmenter chaque mois. Je crois qu'on doit féliciter la nouvelle direction générale et les collaborateurs pour le travail qu'ils font. Bon, j'entends des gens qui soupirent, mais c'est la réalité et je regrette que, dans tous ces rapports, on omette tout le travail qui est réalisé par la nouvelle direction de l'Hospice général et par ses collaborateurs.
Pour conclure, je voulais juste dire qu'il ne faut pas se tromper de débat: ce soir, il s'agit simplement de donner à l'Hospice général les moyens d'être mieux gouverné. Quant au débat sur l'autonomie, venez avec un projet de loi constitutionnel et on en débattra, mais ne gelez pas tous les travaux parce que soit vous voulez qu'il n'y ait plus d'autonomie, soit vous voulez un grand débat général sur l'assistance publique à Genève. Parce que de la sorte vous découragez tout le monde de travailler dans le bon sens et vous ne résoudrez aucun problème au niveau de l'assistance publique à Genève.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je tiens tout d'abord à rappeler les buts de ce projet de loi. Ils sont au nombre de trois, dont un qui est essentiel, c'est de redéfinir la gouvernance de l'institution, son rôle, ses responsabilités au niveau de ses organes internes, ses relations avec l'Etat et le système de prise de décisions. Voilà les objectifs qui sont fixés dans ce projet de loi.
Effectivement, on s'est aussi posé la question du statut de l'Hospice - devait-il rester autonome ou pas ? - pour la simple et bonne raison de savoir si on entrait en matière sur le projet de loi. Le groupe UDC, comme les Verts et le MCG, était partagé sur cette question. Mais, comme les Verts et le MCG, qui, pendant tous les débats en commission, se sont abstenus sur tout, il n'a pas présenté d'amendement ni de projet de loi constitutionnel puisqu'en effet le statut autonome de l'Hospice est fixé dans la constitution. Nous avons pris nos responsabilités, nous avons décidé d'entrer en matière sur ce projet de loi, d'accepter que cet Hospice reste un établissement autonome. Si d'aventure le projet de loi que nous allons voter aujourd'hui ne devait pas donner satisfaction, nous pourrons revenir ultérieurement, dans quelques années, avec un projet de loi constitutionnel. Il est vrai, et il faut le souligner, que cet Hospice est historiquement de nature privée, qu'il bénéficie de dons privés et que s'il devait être sous la coupe de l'Etat, on pourrait imaginer les incidences financières. Pour ce qui est des recettes privées, je crois que n'importe quel pékin renoncerait à donner ses économies à l'Hospice par manque de confiance à l'égard de la gestion de l'Etat.
Nous devons aussi rappeler que le rapport de la commission de gestion sur la gestion de l'Hospice général était très sévère. Il s'agissait du rapport d'une députée socialiste, malheureusement disparue. C'était un rapport au vitriol. Effectivement, on apprenait un certain nombre de dysfonctionnements, notamment des chèques qui étaient délivrés sans contrôle. A partir de là, le Conseil d'Etat a décidé, vu la dérive financière de l'Hospice, d'engager une réforme de fond.
Pour ce qui nous concerne, il n'y a aucun motif pour refuser d'adopter ce projet de loi puisqu'il est verrouillé par l'article 33, qui prévoit qu'une évaluation sur les impacts de la loi devra avoir lieu. Ce parlement aura donc toute latitude de corriger les défauts de jeunesse de cette loi sur la base du rapport d'évaluation prévu. Pour le reste, je crois qu'on ne peut que se référer aux propos du professeur Pasquier qui nous a énoncé certains principes, qui sont valables dans énormément de cantons, à savoir notamment qu'il était préférable, je cite, «qu'il n'y ait pas de politisation dans les instances d'exécution». Les débats politiques doivent avoir lieu au Grand Conseil et non au Conseil d'administration. Le professeur Pasquier, je le rappelle, a dit clairement que les rôles de l'Etat et de l'Hospice doivent être clairement séparés, les membres du Conseil d'administration doivent être élus selon des règles de nomination précises. Pour ce faire il est nécessaire de dépolitiser au maximum le Conseil d'administration.
Nous aurons l'occasion au cours du débat d'intervenir sur différents points. Je crois que pour le débat d'entrée en matière, il faut prendre conscience que ce n'est pas avec ce seul projet de loi que nous allons rétablir les finances de l'Hospice général. Nous avons fait aujourd'hui la moitié du chemin. Nous ferons la deuxième moitié lorsqu'il s'agira de modifier la loi sur l'assistance publique, parce que les dérives de l'Hospice sont aussi dues aux largesses de l'Etat dans le domaine de l'assistance publique... (Commentaires.) ...et pour ceux qui auraient des doutes à ce sujet, je les renvoie aux manifestations qui se déroulent depuis quelques jours en France, où les étudiants qui bénéficient d'un master doivent se battre pour des contrats première embauche payés au SMIG. A ce titre-là, ils auraient tout intérêt de venir à Genève pour bénéficier de l'assistance publique.
Le président. Le Bureau a décidé de clore la liste. Ont encore demandé la parole Mme von Arx-Vernon, M. Velasco, M. Weiss, M. Gautier, M. Letellier, M. Bavarel, M. Charbonnier, M. Pétroz et Mme Fehlmann Rielle.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il semble très important pour le parti démocrate-chrétien de rappeler l'essentiel de cette loi. Il s'agit d'un contenant, il s'agit d'un cadre. Les contenus, qui ont d'ailleurs été relevés comme étant extrêmement importants, sont notamment l'aide sociale individuelle et le fonctionnement des Centres d'Action sociale et de Santé, qui seront traités à part. Ce sont les contenus.
Ici, je vous en prie, tenez compte du fait que c'est un contenant qu'il a fallu redéfinir. Il a fallu redéfinir également et, grâce à ce projet de loi, c'est possible, des outils de gestion plus exigeants en termes d'anticipation et de contrôle. Ce ne sont pas des tabous, ce n'est pas pour embêter les personnes qui travaillent dans le cadre de l'Hospice général, ni son Conseil d'administration qui a certainement essayé de faire le mieux possible. Mais, aujourd'hui, on a besoin d'autres outils de gestion, plus exigeants, qui permettent une meilleure anticipation et un meilleur contrôle. Il s'agit également, et ce n'est pas non plus un tabou, de réduire le nombre des membres du Conseil d'administration.
Si des représentants de chaque parti, si un Conseil d'administration qui semblait pléthorique permettait de faire un meilleur travail, cela se saurait. On sait aujourd'hui, et ce n'est pas seulement parce que cela a été exprimé dans des concepts de bonne gouvernance, mais on le sait de manière pragmatique, qu'il y a besoin de personnes qui peuvent prendre des décisions rapidement, être opérationnelles rapidement et surtout ne pas faire de la politique au sein du Conseil d'administration. Parce que, Mesdames et Messieurs, c'est ici qu'on doit faire de la politique, et nous ne devons pas nous laisser affaiblir, quels que soient les partis. Evidemment, les partis qui ne sont pas représentés, on peut le comprendre, ont envie de l'être. Quant aux autres partis, qui risquent d'être moins représentés, ou plus du tout, mais dont les tendances seront représentées, ils vont perdre des jetons de présence. Est-ce que c'est un tabou ?
Maintenant, il y a le mandat de prestations. Je pense, en tant que professionnelle du social, que le mandat de prestations est une très bonne chose. (Brouhaha.) Monsieur le président, s'il vous plaît, je voudrais pouvoir être entendue ! Je vous remercie. Le mandat de prestations est quelque chose d'extrêmement important. C'est un outil qui permet d'être plus vite opérationnels lorsque les besoins qui n'ont pas pu être identifiés, n'ont pas pu être anticipés, comme on pourrait tous le souhaiter ici, à froid, en raisonnant de manière tout à fait théorique. Le mandat de prestations permet de s'adapter aux besoins, d'augmenter le financement - cela non plus, ne doit pas être un tabou, pour les personnes qui sont très sensibles à cette notion ! Il doit y avoir la possibilité d'augmenter les prestations sociales si c'est nécessaire et, éventuellement bien sûr, de les diminuer lorsqu'il y en a moins besoin. Et cela se fait avec les mandats de prestations.
Quant à l'autonomie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, une chose extrêmement importante: c'est avec l'autonomie que l'on attire les dons et les legs qu'aucun service de l'Etat ne recevra jamais. Pour ce qui est de la formation, il faut savoir que l'Hospice général représente le fleuron de l'aide sociale, dans lequel chaque étudiant de l'Institut d'études sociales prévoit de parfaire sa formation. Chaque étudiant souhaite pouvoir inscrire dans son C.V. le passage dans cette illustre et noble institution. J'insiste là-dessus, parce que cette institution bénéficie d'une réputation magnifique, et l'esprit de Genève se reconnaît dans l'Hospice général. Avant de se spécialiser, les étudiants peuvent développer avec l'Hospice général des formations qui sont renforcées par son autonomie. Et l'autonomie permet de développer une culture d'entreprise qui fait que les gens s'identifient à une mission de l'Hospice général, et pas seulement avec une mission de l'Etat qui peut parfois sembler vague.
C'est pour toutes ces raisons que ce projet de loi paraît sensé et pragmatique et que le PDC vous invite avec force et détermination à le voter.
Le président. La parole est au député Velasco.
Une voix. Monsieur Velasco ! (Rires. Commentaires.)
Le président. Monsieur Velasco, pardon !
M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, j'aimerais dire que les propos tenus par M. Catelain sur les étudiants français sont indignes. Ils sont indignes, parce que, Monsieur Catelain, si vous aviez été ne serait-ce qu'une fois à l'Hospice général pour vos besoins, vous ne parleriez pas comme cela. Vous prétendez que les gens qui vont à l'Hospice général le font parce que ce qu'ils vont recevoir est tellement conséquent qu'il vaut mieux aller à l'Hospice que travailler. C'est ce que vous avez prétendu. Donc, vous encouragez les étudiants français à venir à Genève parce qu'ils auront des vacances. C'est totalement indigne, surtout de la part d'un député.
Concernant les problèmes financiers de l'Hospice, j'ai entendu ici des personnes avancer des chiffres avec lesquels, Monsieur le président, je ne peux pas être d'accord. (Brouhaha.)
Une voix. On n'entend pas !
M. Alberto Velasco. Monsieur le président, est-ce que vous pourriez mettre de l'ordre dans la salle, conseiller à mes collègues de partir dehors, au bistrot ?
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît ! (Commentaires.)
M. Alberto Velasco. Concernant les chiffres qui ont été énoncés ici, les pertes que l'Hospice a eues année après année et qui ont été débattues à la commission des finances - et il y a aussi des députés à la commission des finances - ces pertes, on les avait enregistrées parce qu'on savait qu'elles allaient venir. Elles sont la conséquence de la dégradation du climat social à Genève. Ces pertes sont induites parce que l'Hospice a une mission, qui lui est donnée par la constitution. Quelle que soit l'attitude des uns et des autres ici au Grand Conseil, il doit remplir la mission qui lui est confiée, et c'est dans ce cadre-là que les déficits nous ont été présentés à la commission des finances. Par conséquent, on ne pouvait que les voter... (Chahut.) Ces déficits ne dépendent pas de la bonne ou mauvaise gestion de l'Hospice. Ils dépendent de la situation qui se dégrade à Genève. Vouloir imputer ces pertes à l'Hospice pour cause de mauvaise gestion, Mesdames et Messieurs les députés, c'est totalement incorrect, c'est malhonnête, ce serait malhonnête intellectuellement de prétendre que l'Hospice, s'il avait été bien géré, n'aurait pas été en déficit. Monsieur le président, je défie quelqu'un de me dire que si l'Hospice avait été bien géré, il n'y aurait pas eu ces pertes. C'est totalement faux, donc je récuse ces arguments.
Le deuxième point que j'aimerais essayer de développer, c'est que les socialistes, pendant les travaux en commission, se sont abstenus concernant un très grand nombre de points de ce projet de loi. Nous n'avons refusé que des points fondamentaux, c'est-à-dire, concernant la mission de l'Hospice, le statut du personnel et la composition du Conseil d'administration. Ce qui veut dire, Monsieur le président, et vous le savez très bien pour avoir suivi nos travaux, que nous, les socialistes, et nous l'avons montré dans nos votes, sommes tout à fait d'accord avec toute une série d'articles de lois qui, effectivement, améliorent, je suis d'accord avec vous là-dessus, la gestion de l'Hospice. Le seul point sur lequel nous n'avons pas été d'accord, et on l'a montré dans les débats, c'est que nous considérons que le nombre des conseillers au sein du Conseil d'administration n'est pas un critère.
Je tiens ici à développer les raisons pour lesquelles nous prétendons que le nombre n'est pas un critère. Le problème de l'efficacité du Conseil d'administration que certains ont soulevé ici, est une réalité. Mais l'efficacité, Monsieur le président, c'est la direction de l'Hospice, l'efficacité de la gestion de l'Hospice général doit être assurée par la direction de l'Hospice, Mesdames et Messieurs, pas par le Conseil d'administration. Le Conseil d'administration doit élaborer la stratégie de la politique de l'Hospice. Il y a là deux missions différentes et on les confond, il y a des députés ici qui les confondent et qui veulent que la question de l'efficacité de la gestion soit assumée par le Conseil d'administration, mais c'est faux. C'est faux. C'est du ressort de la direction. Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il y ait neuf administrateurs, ou quinze administrateurs au Conseil d'administration, cela ne change strictement rien. Mais rien, à l'efficacité de l'institution.
Lors de l'audition de M. Pasquier en commission, conjointe avec les transports publics, que nous a-t-on dit ? Qu'il semblait normal qu'effectivement, s'agissant d'un établissement de droit public, la composition du Conseil d'administration puisse refléter les représentations politiques. M. Pasquier l'a dit textuellement, vous pouvez le lire dans les p.-v.; il a dit que, quand il s'agit d'un établissement public, il est normal et même souhaitable qu'à l'intérieur de cet établissement il y ait une certaine représentation des différentes compositions politiques. Mais cela, vous ne le dites pas ici. Et il l'a dit. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il y ait neuf députés au lieu de quinze, à la limite, sincèrement, cela ne me gène pas du tout, le nombre de députés ne me gène pas du tout. Ce que je souhaiterais, pour le bien de l'Hospice et pour le bien de la République, c'est que tous les intérêts qui sont représentés au sein de ce Grand Conseil figurent dans ce Conseil. C'est cela qui est important, ce n'est pas le nombre. Si on me garantit demain, Monsieur le président, qu'avec onze administrateurs, vous allez, disons, faire en sorte que les intérêts représentés dans ce Grand Conseil aient leur place dans le Conseil d'administration, je voterai le nombre. Mais rien ne garantit dans le projet actuel que ce sera le cas. Et c'est une des raisons pour lesquelles, et c'est dommage, nous ne voterons pas ce projet de loi.
Deux questions se posent ici: la question du statut de l'Hospice - rattaché à l'Etat ou indépendant - qui peut faire l'objet d'un projet de loi, et la question de la gestion, dont nous débattons aujourd'hui. Il est dommageable, je dis bien, dommageable, que le débat sur la question du nombre d'administrateurs et de sa représentativité n'ait pas permis de dégager un consensus, parce que nous aurions pu le faire.
Présidence de M. Michel Halpérin, président
M. Alberto Velasco. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste... (Brouhaha.) ...en ma personne et celle de Mme Laurence Fehlmann Rielle, a déposé un amendement qui demande...
Le président. Il va falloir conclure, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Je le ferai, Monsieur le président, vous savez que je m'exprime très peu ces derniers temps, alors soyez indulgent ! (Il rit.)
Le président. Vous savez que je réserve mon indulgence exclusivement aux conseillers d'Etat !
M. Alberto Velasco. Donc, nous demandons qu'un membre par parti représenté au Grand Conseil soit au Conseil d'administration. Nous défendrons l'amendement tout à l'heure. Ce qui nous semble important, à nous, les socialistes, c'est que la représentativité à l'intérieur du Conseil d'administration puisse garantir les voix de tous les partis siégeant dans ce Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le député. Désolé d'avoir interrompu votre élan final... Il était bien tout de même.
M. Pierre Weiss (L). Avant de présenter brièvement quelques trois points: l'autonomie de l'Hospice, les tâches et la composition du Conseil d'administration, j'aimerais féliciter le Conseil d'Etat. Après tout, il donne tant de verges au Grand Conseil que, pour lui montrer que nous ne sommes pas, loin s'en faut, pleins de méfiance et d'esprit de vindicte à son égard, j'aimerais le féliciter de la cohérence du projet de loi qu'il a déposé et relever au passage la célérité avec laquelle nous lui avons répondu, montrant ainsi notre bienveillance.
En ce qui concerne les tâches qui sont recensées dans ce projet de loi, je crois qu'il convient tout d'abord de dire que ce projet a le grand mérite de recentrer l'Hospice sur deux tâches fondamentales: d'une part, l'aide, d'autre part, l'assistance. Il laisse la possibilité de développer d'autres tâches en fonction des besoins; par exemple, l'information, mais l'on sait aujourd'hui que l'information peut être sujette à certaines dérives, et le Conseil d'Etat en est parfaitement conscient. Aussi est-ce un bien d'avoir ainsi recentré les tâches, de les avoir recentrées notamment en permettant que des moyens adéquats soient consacrés à leur accomplissement, en particulier, la communication des données entre les services de l'Etat. La CEPP avait à plusieurs reprises relevé combien les problèmes de communication insuffisante, d'opacité, nuisaient au bon accomplissement des tâches de l'Hospice général.
Ensuite, en ce qui concerne l'autonomie de l'Hospice, dont mon collègue Slatkine a relevé avec opportunité qu'elle n'était pas l'objet du présent débat, je voudrais toutefois relever que je fais également confiance à la nouvelle direction de l'Hospice général, que j'attache de l'importance, et tout le groupe libéral aussi, à la décentralisation qui est nécessaire. Cela relève d'ailleurs de notre conception des tâches de l'Etat. Certaines ne doivent pas être exécutées par le petit Etat, mais doivent au contraire être laissées à des institutions que l'Histoire nous a léguées. Au surplus, la haute surveillance du Conseil d'Etat doit être suffisante pour vérifier si ces tâches sont exécutées avec précision et conscience. De plus, le Conseil d'administration doit lui aussi veiller à ce que le travail se fasse de façon adéquate.
Précisément, sur l'objet essentiel de la controverse, à savoir, la composition du Conseil d'administration, il convient de rappeler la logique dans laquelle la majorité de la commission a voulu oeuvrer. D'abord, dépolitiser ce conseil. Là, je dois dire que l'opération est globalement réussie. Elle est d'ailleurs à poursuivre dans le sens des quatre projets de lois déposés par le parti libéral qui concernent d'autres institutions publiques dont, avec nos collègues de l'Entente, nous allons oeuvrer à la dépolitisation. Il y a également dans la dépolitisation un point important: rendre incompatible le mandat de membre du Conseil d'administration avec celui de député. Notre collègue Slatkine, qui s'est exprimé tout à l'heure, est tout à fait d'accord qu'un hara-kiri collectif soit prononcé à ce sujet par ce Grand Conseil.
Il faut aussi une réduction du nombre de membres afin d'arriver à une efficacité majeure des travaux du Conseil d'administration de l'Hospice, en veillant à ce que les membres cantonaux soient supérieurs à la moitié du total des membres. Par membres cantonaux, j'entends les membres qui sont nommés soit par le Conseil d'Etat, soit par le Grand Conseil, par opposition à des membres qui, dans le cas présent, sont nommés par l'Association des communes genevoises ou par le personnel, ou encore à des membres qui, dans d'autres conseils, seraient nommés par nos collègues vaudois, français, par l'Association des médecins, que sais-je encore...
Deux points encore, concernant la composition du Conseil et sa logique. D'abord, le fait que la présidence ne soit pas assumée par un conseiller d'Etat, précisément au nom d'une séparation dans l'exercice des fonctions, est bienvenu. Et enfin, peut-être le seul élément sur lequel, d'un point de vue libéral, nous avons quelques regrets, à savoir qu'il y ait une confusion permettant à au moins un membre du Conseil d'administration, celui qui représente le personnel, d'être juge et partie. Autant il nous semble logique qu'il y ait un représentant du personnel au sein d'un Conseil d'administration, avec voix consultative, expression d'une commission du personnel efficace et représentative au sein des établissements en question, autant il nous semble regrettable que celui-ci ait le droit de vote. Toutefois, par esprit de compromis, bien connu du parti libéral... (Chahut.) ...nous ne nous opposerons pas à cette composition.
En d'autres termes, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, je conclurai en demandant que nous adoptions ce projet de loi qui veille à préserver l'Hospice général d'une étatisation bureaucratique.
M. Renaud Gautier (L). Evidemment, comme d'habitude, mon lot sur cette terre est de parler après Pierre double U Weiss, et ce n'est pas très facile... Je vais donc réduire ce que je voulais dire à deux points. D'abord, je suis étonné que dans ce débat qui porte sur la gouvernance, non pas sur la politique sociale, certains s'accrochent à la représentation d'un membre par parti de ce Grand Conseil. Mesdames et Messieurs, soyons démocratiques: pourquoi ne pas mettre par exemple des gens de l'AdG; il y a eu une excellente administratrice AdG, qui a été un personnage marquant du Conseil d'administration de l'Hospice. Pourquoi s'arrêter aux membres représentés dans le Grand Conseil si l'on cherche une bonne gouvernance ?
Ensuite, si l'on cherche une bonne gouvernance, je vais devoir m'éloigner du sens du compromis de M. Pierre double U Weiss pour dire que non, si on veut une bonne gouvernance, il n'y a aucune raison que les représentants du personnel siègent au Conseil d'administration. Il y a d'autres lieux que le Conseil d'administration pour régler les problèmes employeur-employés et dans le cadre d'une bonne gouvernance, cela ne s'impose pas.
Mesdames et Messieurs, c'est un projet très large qu'on vous a proposé, avec la possibilité pour le pouvoir politique, celui-ci ou celui qui se trouve une marche au-dessus de nous, de nommer deux administrateurs. Il n'y a donc aucune raison d'avoir un débat sur la représentation politique. Ce qui est demandé enfin, c'est que ce soient des critères d'efficience qui soient déterminants pour l'élection au Conseil d'administration de l'Hospice général, et non pas l'appartenance à un parti. Pour reprendre à l'envers ce que dit l'un des rapports de minorité, peut-être que des gens bardés de diplômes sont extrêmement mauvais, mais il y a aussi dans ce parlement des gens qui n'ont aucun diplôme et qui ne sont pas meilleurs !
M. Alain Charbonnier (S). Je suis quand même un peu effaré d'entendre M. Gautier, M. Slatkine ou M. Weiss nous dire qu'on traite ce soir uniquement de la gouvernance de l'Hospice général. Je ne sais peut-être pas lire, mais je vois que le projet de loi s'intitule: «Projet de loi du Conseil d'Etat sur l'Hospice général». Si on ouvre et qu'on regarde les différents articles, on s'aperçoit que ce projet de loi traite des buts et des missions de l'Hospice, du statut du personnel et de bien d'autres choses en plus que de ce qui est strictement de l'ordre de la gouvernance, donc de la composition du Conseil d'administration et des missions de ce Conseil d'administration.
Ce projet de loi est beaucoup plus large qu'on veut nous le faire croire. Je crois que nos adversaires tentent de nous faire croire qu'on traite uniquement de la gouvernance, histoire de ne pas être cohérents et de refuser ce débat, comme l'a si bien proposé M. Slatkine en disant: «Mais qu'est-ce que vous voulez traiter du social en général ?» Eh bien oui, c'est ce que nous désirions faire en commission, c'est ce que nous avons demandé à plusieurs reprises au début des travaux, c'est-à-dire de traiter aussi bien de la loi sur l'assistance sociale individuelle, qui est pendante devant la commission, que des problèmes posés par les CASS, révélés par le premier rapport sur la loi des CASS, évaluation qui a été faite et rendue l'année passée. La majorité de la commission a refusé en disant: «Non, non, on traite uniquement de la gouvernance !». Je le rappelle, ce projet de loi prévoit de réduire les missions de l'Hospice général par rapport à ce qui était prévu dans l'ancienne loi. Il vise, entre autres, tout le volet de la prévention, ce qui paraît quand même un peu gros à nos yeux.
M. Slatkine est administrateur - au niveau de l'éthique, je lui laisse la responsabilité de son choix de prendre la parole: on a un article 24, on l'applique ou on ne l'applique pas, c'est à chacun de décider. Il est donc administrateur de l'Hospice général, mais c'est bien qu'il ait pris la parole, en effet, que vient-il de dire ? Que depuis une année, dix-huit mois, depuis que la nouvelle direction est en place, tout va mieux, tout va bien au sein de l'Hospice. On est très contents. Mais cela avec le Conseil d'administration actuel, c'est-à-dire, un membre par parti, ce qu'on réclame comme amendement dans ce projet de loi aujourd'hui. Est-ce qu'il vaut vraiment la peine de changer, est-ce que la gouvernance de l'Hospice général est une catastrophe, puisque les choses vont mieux depuis que la direction générale s'est attelée à améliorer la situation et qu'on a mis en place des contrôles internes pour avoir une vision plus claire du pilotage de l'Hospice ?
Sur les interventions du Conseil d'Etat au sujet de l'Hospice général, est-ce que cela changera quelque chose ? Je ne suis vraiment pas sûr. On l'a encore vu dernièrement, quand le nouveau conseiller d'Etat M. Longchamp s'est épanché dans la presse à plusieurs reprises... (Huées.) Oui, tout à fait, pour dire son courroux à l'égard de l'Hospice général en raison du déficit, qui a en fait été imposé il y a quelques années par le Conseil d'Etat. Mme Fehlmann Rielle l'a rappelé tout à l'heure. (L'orateur est interpellé.) Monsieur Unger, vous êtes bien placé pour le savoir, vous qui avez aussi exprimé votre courroux chaque fois que les chiffres rouges apparaissaient. C'est vraiment de l'hypocrisie complète: l'Hospice général est obligé de faire ces avances AI, on ne voit pas comment il pourrait faire autrement. Que vous veniez chaque fois au printemps dire: «Oh ! là là, quelle horreur, encore une facture à payer !», c'est de l'hypocrisie.
Au niveau du partenariat, vous pensez introduire un mandat de prestations. Quand on voit comment d'autres institutions du canton qui sont en partenariat sont traitées, on peut se poser des questions. Je pense aux EMS, Monsieur Unger, qui se voient «ratiboiser» leurs subventions, que ce soit sur la formation ou alors carrément la subvention de fonctionnement, dont vous n'avez attribué cette année que 60%, vous laissant le choix de décider à la tête du client d'accorder ou non le reste de la subvention. En attendant, ces EMS sont contraints par l'OCPA de présenter des budgets de fonctionnement très déficitaires, puisqu'il leur manque les 40% des subventions. Je reviens à l'Hospice général. Le partenariat, c'est bien joli... (Chahut.) ...encore faut-il qu'il soit appliqué correctement, en toute légalité et conformément au contrat ou au mandat de prestations...
C'est pour cela que nous vous invitons à refuser ce projet de loi et à repenser la politique sociale du canton dans toutes les lois qui existent actuellement et dont la modification est pendante devant la commission des affaires sociales.
M. Pascal Pétroz (PDC). En préambule, ce parlement a eu une réaction assez forte durant l'intervention de mon préopinant. Je peux comprendre la violence de cette réaction; je dois dire que ce que je ne comprends pas très bien, c'est à quel titre un conseiller d'Etat n'aurait pas le droit de s'exprimer sur des sujets qui touchent à son dicastère. Et quand on dit ce genre de choses, on devrait peut-être balayer devant sa propre porte. Je me rappelle qu'au cours du débat sur les notes, que nous avons eu il y a un mois, le conseiller d'Etat de votre parti était en pleine page durant les trois jours qui ont précédé les débats de notre Grand Conseil. Cela n'a posé problème à personne, raison pour laquelle il faut, plutôt que de parler de polémique, parler du fond du problème.
Le fond du problème n'est pas très compliqué: nous avons aujourd'hui trois possibilités concernant l'Hospice général, quant aux principes et à l'entrée en matière de ce projet de loi. Nous pouvons décider du statu quo. Cela, d'après ce que j'ai cru comprendre des débats en commission, personne n'en veut. Il nous reste deux possibilités: soit le projet de loi qui vous est soumis, c'est-à-dire, un Hospice établissement public autonome avec mandat de prestations, soit l'intégration de l'Hospice général dans le giron de l'Etat. C'est ce que souhaitent les rapporteurs de minorité et les partis qui les soutiennent.
Alors là, cela pose un problème. Je l'ai dit plusieurs fois en commission et cela a été rappelé tout à l'heure pendant le débat: la constitution dit, à l'article 169: «Les organismes chargés de l'assistance publique sont : a) l'Hospice général, institution genevoise d'action sociale, b) les autres organismes publics ou privés auxquels la loi attribue de telles tâches.» Cela veut dire que vous ne pouvez pas intégrer l'Hospice général dans l'administration publique, parce que ce serait un peu facile de faire un tour de passe-passe en créant un service de l'Hospice général au sein de l'administration publique, ce n'est de toute façon pas possible aujourd'hui. Pour intégrer l'Hospice général dans l'administration cantonale, il faudrait modifier la constitution. Il me semble, je ne connais pas tous les points à l'ordre du jour et les points votés ces derniers temps, mais je pense pouvoir être formel sur le fait que nous n'avons été saisis d'aucune proposition d'aucun parti dans cette assemblée allant dans le sens de la modification ou de la suppression de l'article 169 de la constitution. Nous sommes donc face à la donnée de base suivante: la constitution nous dit que l'aide sociale, c'est l'Hospice général, raison pour laquelle la proposition des rapporteurs de minorité est tout simplement inconstitutionnelle.
Dès lors que personne ne veut du statu quo et puisque la proposition de rattacher l'Hospice général à l'administration publique est illégale car anticonstitutionnelle, on ne peut faire qu'une seule chose, c'est parfaitement logique: choisir la voie qui vous est proposée ce soir, à savoir, l'établissement public autonome avec mandat de prestations. Il me semble que la démonstration est tellement logique que je ne comprends pas très bien comment on pourrait arriver à un autre résultat.
Maintenant, la deuxième pierre d'achoppement est la composition du Conseil d'administration... (Brouhaha.) Il faut faire un peu d'histoire, de temps en temps. Je suis un jeune député, mais je me suis renseigné, j'ai demandé aux anciens ce qu'il en était et on m'a répondu que le phénomène de la présence d'un membre de chaque parti représenté au Grand Conseil au sein des différents conseils d'administration était une pratique relativement récente - cela ne fait pas cent ans que cela dure. On m'a expliqué également que cette pratique d'un représentant par parti avait été mise sur pied pour combler le déficit d'organisation de certaines entités publiques ou para-publiques qui avaient été accusées de placer les gens en fonction de leurs liens avec la personne qui les nommait plutôt qu'en fonction de leurs compétences. Pour faire face à cela, on a décidé de tout contrôler, en demandant qu'un représentant par parti siégeant au Grand Conseil soit présent, pour être sûrs que rien ne puisse être caché, puisque chaque parti était informé par un membre du Conseil d'administration de ce que l'institution avait essayé de cacher. C'est comme cela qu'on est arrivés à une représentation d'un membre par parti représenté au Grand Conseil. Après, on s'est rendu compte qu'au sein des partis politiques les gens qui étaient envoyés au sein des conseils d'administration... (Chahut.) ...étaient souvent bons, mais pas toujours, et que le fait d'avoir ce type de représentations politisait souvent à outrance quelque chose qui relevait plus de la gestion que de la politique.
C'est la raison pour laquelle il vous est proposé aujourd'hui cette voie médiane entre la situation qui prévalait il y a vingt ans et une intégration dans le giron de l'Etat. La proposition est la suivante: «On ne place plus les copains, on ne place plus un représentant par parti, mais on place des gens en fonction de leurs compétences spécifiques». Je me réfère en cela à l'article 11 alinéa 1 du projet de loi qui vous est soumis, qui dit ceci: «Le conseil d'administration de l'Hospice général comprend des membres aux compétences spécifiques dans les différents domaines d'activité de l'établissement ainsi qu'en matière de gestion d'un établissement de cette importance.» Il me semble que c'est une voie qui n'est pas doctrinaire, pas politique, qui est celle du bon sens, et qui est celle qui doit prévaloir. Je peux comprendre l'opposition de certains partis envers ce type de répartition. C'est vrai que le fait d'avoir un représentant par parti était un moyen commode de toucher des jetons de présence...
Le président. Il va vous falloir bientôt conclure, Monsieur le député.
M. Pascal Pétroz. Je conclus, Monsieur le président. Cette solution permettait aux partis, qui ont souvent de réels problèmes de financement, de toucher des jetons de présence, mais la solution au financement des partis politiques n'est pas celle d'avoir des représentants dans les conseils d'administration des établissements publics autonomes; il doit y avoir une solution spécifique, mais ce n'est pas l'objet du présent débat.
Par conséquent, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien soutiendra avec enthousiasme cet excellent projet de loi.
M. Christian Bavarel (Ve), rapporteur de première minorité. J'aimerais revenir simplement sur quelques points qui ont été abordés lors de ce débat. Le premier concerne l'intervention de M. le député Ivan Slatkine: quand on travaille sur un projet qui touche à l'organisation de l'Hospice général, pour moi, la première question qu'on doit se poser, c'est celle de l'autonomie, celle du sens du projet de loi. Très clairement, nous, les Verts, remettons en cause cette autonomie. C'est bien pour cela que j'ai fait mon rapport de minorité dans ce sens.
Vous posiez une autre question, Monsieur Slatkine, par rapport à la différence entre le logement social et le logement de rentes. J'entends parfaitement que certains immeubles propriété de l'Hospice général aujourd'hui, étant des objets d'un certain standing, soient loués à des gens qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide apportée par l'Hospice général. Mais le but est bien que ces immeubles rapportent de l'argent et j'appelle ceci du logement de rentes. Je pense que cela doit être géré différemment des logements sociaux et nous sommes partisans, chez les Verts, de l'idée que l'on trouve des solutions de type fondations immobilières pour gérer ces logements de manière professionnelle, selon leur fonction.
Je rappelle, toujours à M. le député Ivan Slatkine et à cette assemblée, que M. Pasquier a donné à la commission une audition sur le problème de la gouvernance et sur différents projets de lois. Deux commissions étaient réunies et vous n'avez pas dans le rapport l'intégralité de son exposé, mais une partie seulement, qui est pertinente par rapport à ce projet de loi. Le professeur Pasquier avait cité cinq critères, en nous disant que s'ils n'étaient pas tous réunis, il ne fallait pas rendre l'institution autonome. Je les ai simplement reproduits et je vous pose simplement la question, concernant chacun de ces points, pour que vous sachiez si vous trouvez que toutes les réponses sont données pour l'autonomie de l'Hospice général. Pour le cash pooling, sur lequel vous aviez des interrogations, Monsieur le député, je rappelle que le circuit aujourd'hui est quelque peu compliqué parce que, pour pouvoir discuter avec l'Hospice général, il faut passer par son département de tutelle, mais que le département des finances, au lieu de parler directement, fait un détour un peu compliqué, alors que si l'Hospice était vraiment au sein de l'Etat, il n'y aurait pas besoin de ces méandres pour arriver au résultat du cash pooling. Le but du cash pooling, c'est quand même qu'il se fasse de manière directe, et non pas après une série de jeux de billard à trois bandes.
Monsieur le député Pétroz, je suis extrêmement surpris de votre dénigrement des politiques, même si je ne partage pas l'avis des socialistes sur le fait qu'il faudrait une représentation parti par parti - moi, j'aurais tendance à dire tendance par tendance. Ce dénigrement de la qualité des politiques à l'intérieur des Conseils d'administration ! (Chahut.) Je trouve que le politicien a le don de se tirer systématiquement une balle dans le pied, en disant qu'il est mauvais, qu'il fait mal son travail, etc. Je vois dans cette assemblée, que je fréquente depuis un certain temps, des gens de qualité, qui ont des compétences, qui consacrent du temps et de l'énergie à faire leur mission le mieux possible. Je ne comprends pas cette volonté de toujours dire que les politiciens sont nuls... (Brouhaha.) ...ce n'est pas vrai ! Les politiques essaient de travailler le plus correctement possible. Je suis un peu fatigué d'entendre ce genre de dénigrements.
Le dernier point que je voulais soulever est celui des dons à l'Hospice général. Vous savez qu'il y a une garantie de déficit faite par l'Etat: chaque fois que vous donnez un franc à l'Hospice général, vous savez que le déficit va diminuer d'un franc. Que vous le donniez à l'Hospice général ou à l'Etat, c'est à peu près équivalent. C'est mathématique. Si on voulait faire une fondation pour recevoir les dons, on pourrait toujours l'appeler Hospice général, si on voulait, ce serait possible. Je vous rappelle également, Monsieur le député, qu'on pourrait aussi déléguer l'assistance publique à l'Etat et garder une entité s'appelant Hospice général, qui serait autonome et qui serait là pour gérer les fonds et, peut-être, pour gérer d'autres choses, cela serait aussi possible.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de deuxième minorité. Je voulais aussi répondre à certains propos, notamment de M. Slatkine. Je suis très surprise que, en tant qu'administrateur, il ne voie pas le lien entre ce projet de loi, qui est dit de pure gouvernance, mais qui, à notre avis, est tout sauf un simple projet technique, et l'ensemble de la problématique de l'aide sociale à Genève. Je crois qu'on peut être d'accord sur le fait que l'Hospice général est l'instrument de la politique sociale du canton. Vouloir détacher les missions de l'Hospice général de l'ensemble de l'aide sociale à Genève, du fonctionnement des CASS et de la question de l'aide à domicile est un peu aberrant et je suis surprise de la position de M. Slatkine.
Peut-être met-il en oeuvre la tactique du saucisson à laquelle on nous a déjà rendus familiers, notamment dans le cadre de l'aménagement du territoire, où on essaie de réviser les projets de lois petit bout par petit bout pour mieux faire passer la pilule. Je pense qu'il est bien normal que l'on puisse parler d'une façon globale de ces questions. Je rappelle une fois de plus que le Conseil d'Etat a déposé un projet de loi sur l'aide sociale individuelle, dans lequel il est question d'un contrat d'aide sociale individuelle qui est en train d'être mis en place alors qu'il n'a aucune base légale. Je pense qu'il est urgent que l'on puisse en parler parce que, si cette démarche est intéressante, elle mène peut-être aussi à certaines dérives, comme l'aide sociale au mérite, et je crois qu'il faut qu'on soit extrêmement attentifs. C'est notre rôle de politiques de nous en préoccuper.
Concernant l'intervention de M. Pétroz sur la logique pure qui voudrait qu'on ne puisse pas détacher l'aide sociale de l'Hospice général pour la remettre à l'Etat et que personne ne voudrait le statu quo, nous sommes parfaitement conscients du fait que, si ce projet de loi était refusé, comme nous le souhaitons, eh bien nous reviendrions au statu quo. Rien ne nous empêche de reconduire pour quelques années un Conseil d'administration qui serait renouvelé selon l'ancienne formule en attendant qu'on ait ce vrai débat sur l'aide sociale. Je ne vois pas en quoi maintenir le statu quo poserait un problème, sauf pour renouveler le Conseil d'administration, mais, certains l'ont bien dit, il y a beaucoup moins de problèmes, étant donné qu'il y a maintenant une nouvelle direction à l'Hospice général.
Finalement, j'ai été scandalisée que M. Catelain, qui n'est plus là, ait réussi à introduire dans son intervention qu'il y aurait des largesses prodiguées par l'Hospice général envers des personnes qui ne seraient pas vraiment dans le besoin. Je trouve que ces propos sont vraiment déplacés quand on connaît le taux de chômage et le nombre de personnes qui ne retrouvent pas d'emploi et qui deviennent dépendantes de l'aide sociale. Accuser une fois de plus le personnel de l'Hospice général de manquer de rigueur et de distribuer des largesses est inacceptable.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Le débat qui nous occupe ce soir est un débat important, un débat vaste, un débat ciblé. C'est un débat important parce qu'il traite de l'organisation d'une des missions les plus essentielles de toute communauté humaine, à savoir, l'attention qu'elle porte aux plus démunis de ses membres. C'est un débat important, parce qu'il traite de l'Hospice général, qui est une institution de taille, qui apporte son appui à 16 000 personnes dans notre canton, dans laquelle travaillent 1 000 personnes et qui est l'objet d'un effort public de près de 230 millions par année.
Le débat qui nous occupe est aussi un débat vaste, car il s'inscrit dans la longue histoire d'une institution, histoire qui a commencé le 14 novembre 1535, à l'époque où cette institution était à la fois un hôpital, un organisme d'assistance et une prison. L'Hospice général, qui en est issu, en a gardé la grandeur, les servitudes et aussi parfois les strates et les errances.
Enfin, ce débat est ciblé et il faut rappeler ici de quoi il traite. Non, il ne traite pas du problème des avances AI. Non, il ne traite pas du problème des déficits. Non, il ne traite pas de la paupérisation réelle ou supposée de notre canton. Il a pour but d'adapter aux exigences de notre temps le fonctionnement de l'Hospice général en faisant jouer mieux les relations entre ce dernier et l'Etat et en modernisant les règles de gouvernance. Adapter les relations entre l'Hospice général et l'Etat, c'est procéder, comme ce projet le propose, par le biais d'un mandat de prestations attribué par l'Etat, qui définisse des critères de qualité, qui définisse des indicateurs, qui fixe un plan financier pluriannuel, qui contrôle les prestations et qui impose un contrôle interne. Et puis, moderniser les règles de gouvernance, c'est simplifier celles-ci, c'est permettre au Conseil d'administration de jouer mieux son rôle, dans une composition réduite, mais mieux responsabilisée, avec des compétences affirmées, avec des attributions précisées, avec un fonctionnement dépolitisé - non pas, Monsieur Bavarel, je partage votre avis, parce que les politiciens ont des qualités inférieures à d'autres gens, mais, comme l'a dit Mme von Arx, parce que ce n'est pas au Conseil de l'Hospice général de définir la politique sociale de ce canton, mais bien à votre Conseil et au gouvernement de Genève.
Sur tout cela, j'observe qu'un consensus s'est établi. Aucun groupe n'a vraiment défendu, à part peut-être le parti socialiste, le statu quo. Chacun est conscient que le système est à bout de souffle. Lors des auditions du président du Conseil d'administration de l'Hospice général et de son directeur général, ce constat a été fait et rappelé. Même les membres du Conseil d'administration et son président sont aujourd'hui conscients que les règles qui président au fonctionnement du Conseil ne sont pas suffisantes, ne sont pas acceptables, ne sont pas en rapport avec les exigences de notre temps.
Enfin, parce que ce projet est ciblé, il faut garder à l'esprit qu'il n'a jamais eu la vocation de régler tous les maux de la politique sociale genevoise, mais qu'il représente une solution concrète à un certain nombre des problèmes qui se posent très concrètement. Faut-il aller plus loin, faut-il rattacher l'Hospice à l'Etat ? Plusieurs groupes l'ont défendu, à gauche, au centre, à droite.
Bien sûr, il y a des dispositions constitutionnelles, M. Pétroz l'a rappelé, mais on pourrait en donner des lectures différentes de celles qui ont été faites. J'aimerais rappeler, quand on parle de l'autonomie de l'Hospice, qu'il y a un article dans la constitution, le premier de ce chapitre, qui indique que l'assistance publique est placée sous la direction générale et la surveillance du Conseil d'Etat et, plus spécialement, sous le contrôle du département qui en a la charge. Mesdames et Messieurs, il ne faut pas oublier les responsabilités, précisées par la constitution, du Conseil d'Etat, plus précisément du département que j'ai l'honneur de présider, qui doit exercer la surveillance d'une institution qui imprime aujourd'hui dans le budget de l'Etat une des plus grandes dotations; on l'a dit, près de 230 millions. Faut-il donc aller plus loin ? Faut-il imaginer rattacher un jour l'Hospice à l'Etat ? Le Conseil d'Etat, qui en a débattu, partage l'idée que la formule qui vous est proposée est la plus pragmatique, est la plus possiblement solide pour régler actuellement les problèmes qui se posent à l'Hospice général. Mais rien n'indique non plus que, si les nouvelles règles de gouvernance ne déploient pas les effets positifs qu'on en attend, le Conseil d'Etat ne reviendra pas sur ce débat.
Car si nous avions à construire aujourd'hui l'organisation sociale et l'organisation de l'assistance publique ex nihilo, il est à peu près certain que personne, personne dans ce parlement ne défendrait l'organisation actuelle. Mais nous n'en sommes pas là aujourd'hui. Ce débat interviendra s'il le faut et s'il est démontré, ce que le Conseil d'Etat ne souhaite pas, que le projet qu'il vous invite à voter ce soir ne déploie pas les effets positifs attendus.
Enfin, il faut le faire, Madame la rapporteure de minorité, il faut le faire maintenant, précisément parce que la législature se termine, précisément parce que le président actuel de l'Hospice général a demandé à ne pas voir son mandat prolongé. Il a dû assumer, dans des circonstances difficiles, et je suis placé pour le savoir, la présidence de cet Hospice. Il y a plusieurs autres administrateurs qui ont demandé à être déchargés de leurs fonctions et il s'agit maintenant de composer, selon des règles qui soient plus efficaces, un conseil qui soit capable de donner un nouveau souffle et une nouvelle orientation à l'Hospice.
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, je vais devoir vous prier de raccourcir la conclusion.
M. François Longchamp. Monsieur le président... (Chahut.) ...c'est la première intervention que je fais dans cette enceinte depuis que j'ai été élu... Comme vous le savez, je n'ai pas siégé longtemps comme député et c'est effectivement la première fois que j'ai le plaisir de parler devant vous. J'aurais aimé, Monsieur le président, et je suis sûr que vous l'apprécierez, j'aurais aimé vous raconter une petite anecdote... (Rires.) ...que je tire d'un livre historique sur l'Hospice général, qui est un livre de qualité, Monsieur le président, puisqu'il est dû à la plume experte d'un de vos prédécesseurs, M. Bernard Lescaze.
Ce livre narre l'histoire d'un de mes prédécesseurs, M. Guillaume Fuzier-Cayla, membre du Petit Conseil, c'est-à-dire, conseiller d'Etat de l'époque, qui, en 1791, a eu l'idée d'étatiser complètement l'hôpital - l'Hospice d'alors - en lui enlevant toute autonomie et en remettant sa gestion à des fonctionnaires. Ce Guillaume Fuzier-Cayla, qui était sans doute un homme fort apprécié, passait, la définition historique le rappelle, pour l'un des hommes les plus charitables du canton, car il distribuait généreusement les deniers publics pour venir en aide aux plus indigents. Le tribunal révolutionnaire, en 1793, dans une période un peu trouble de notre histoire, a déterminé que ce conseiller d'Etat de l'époque corrompait le peuple par ses bienfaits. Il a donc prononcé son exécution, qui a eu lieu à la Place Neuve le 27 juillet 1794. (Chahut.)
Mesdames et Messieurs, pour ces raisons-là déjà, nous n'entendons pas vous demander d'aller aussi loin, ce d'autant moins que vous apprécierez le fait qu'une année après, dans cette période trouble, l'argent venait à manquer, autre point commun avec notre moment, et figurez-vous que l'Hospice général a été contraint de se résigner à recourir à des expédients forcés comme la vente d'immeubles. Mesdames et Messieurs, là aussi, je vois des choses fort actuelles et, Monsieur le président, si vous me permettez encore d'abuser de mon temps de parole, je ne manquerai pas de vous dire, car cela me mettra en lien avec le débat précédent, que cette vente d'immeubles s'est heurtée malheureusement à une autre décision des tribunaux révolutionnaires, celle qui consistait déjà à l'époque à contrôler les loyers. L'Hospice ayant dû vendre ses immeubles, il s'est trouvé, par ces édits révolutionnaires qui fixaient de manière autoritaire le montant des loyers, avec des valeurs estimées en revenus capitalisés, qui étaient diminuées.
Voilà... (Chahut.) ...Mesdames et Messieurs, qui nous ramènera à une certaine modestie quant à notre rôle et nous permettra de constater que ce qui semblait vrai en 1793 le paraît encore deux siècles plus tard. Pour être plus sérieux, je vous demande aujourd'hui au nom du Conseil d'Etat de voter ce projet de loi parce qu'il est pragmatique, parce qu'il permet aujourd'hui à l'Hospice de dépasser une étape. J'aimerais en vous demandant de le faire, et ce sera ma conclusion, avoir pour vous, Madame la rapporteure de majorité, mais aussi pour vos deux collègues, une gratitude toute particulière. Vous avez dû rédiger avec talent un rapport conséquent qu'il importe, précisément pour les raisons que je viens de mentionner, de faire figurer dans les livres d'histoire, car il sera assurément lu dans deux siècles... Vous l'avez fait avec un talent d'autant plus remarquable que vous n'aviez assisté qu'à la moitié des séances de la commission des affaires sociales. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à suivre la position du Conseil d'Etat et à voter ce projet, car il participe d'une meilleure gestion de l'Hospice général. (Applaudissements nourris.)
Le président. Monsieur le président, vous constatez que l'assemblée a plébiscité votre première opération de séduction dans cette salle, qui est parfaitement réussie, ce qui montre ce que nous savions déjà, dans l'assemblée que j'ai le privilège de présider: que l'art oratoire transcende largement la comptabilité horlogère. En ville de Genève, réussir à faire mieux que les horlogers, c'est très très bien !
Mis aux voix, le projet de loi 9575 est adopté en premier débat par 45 oui contre 30 non et 10 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 8.
Le président. Nous sommes saisis d'une proposition d'amendement de M. Alberto Velasco et de Mme Laurence Fehlmann Rielle, qui vise à modifier la lettre B de l'alinéa 1 en remplaçant «deux membres désignés par le Grand Conseil» par «un membre par parti représenté au Grand Conseil».
M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, j'aimerais rectifier un élément de l'intervention de M. le conseiller d'Etat: vous avez dit tout à l'heure que le groupe socialiste voulait le statu quo, ce n'est pas vrai puisque - et vous le savez très bien - notre groupe a fait d'autres amendements que celui-ci, notamment en ce qui concerne l'audit interne. C'est-à-dire que nous ne voulons pas le statu quo tel quel. Nous sommes conscients que des réformes de la gouvernance sont nécessaires...
Des voix. L'amendement !
M. Alberto Velasco. ...mais pas celle qui consiste à ne pas représenter les membres du Grand Conseil. Donc, l'amendement qui vous est présenté, Mesdames et Messieurs les députés, consiste à revenir à une représentation des intérêts présents dans ce Grand Conseil. Quant à l'argument qui a été énoncé par notre collègue Weiss et par le conseiller d'Etat aussi, qu'il est essentiel que le Conseil d'administration soit dépolitisé, je suis désolé, mais est-ce que vous prétendez, chers collègues, que le Conseil d'administration, par exemple, de Nestlé, est dépolitisé ? Moi, j'en doute beaucoup ! Je doute beaucoup que le Conseil d'administration de l'UBS ou du Crédit suisse soit dépolitisé ! Dans tous ces conseils, il y a un élément politique fondamental, il y a des représentations d'intérêts, d'intérêts financiers, d'intérêts politiques, oui, Mesdames et Messieurs ! Et on voudrait qu'au sein de l'Hospice il n'y ait pas de représentation d'intérêts, alors qu'au sein de ce Conseil il y a des intérêts différents. Monsieur le conseiller d'Etat, comment allez-vous faire pour choisir les représentants de ce Conseil d'administration ?
Une voix. On les tire au sort !
M. Alberto Velasco. Comment allez-vous faire pour qu'il soit dépolitisé, c'est-à-dire, qu'il ne fasse aucune politique et qu'il n'ait aucun «teint» politique. On peut être un excellent administrateur, un excellent financier, un excellent gestionnaire et avoir des idées politiques. Nous maintenons notre amendement et nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs, de suivre notre proposition. (Applaudissements.)
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 46 non contre 33 oui et 5 abstentions.
Mis aux voix, l'article 9 est adopté, de même que les articles 10 à 36 (souligné).
Troisième débat
La loi 9575 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9575 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 46 oui contre 33 non et 5 abstentions.