République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1519-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Ariane Wisard-Blum, Esther Alder, Morgane Gauthier, Christian Bavarel, Alain Etienne, Thierry Apothéloz, Michèle Künzler pour la création et le soutien de plantages en milieu urbain

Débat

M. Christian Bavarel (Ve). Nous avons ici une motion fort sympathique - d'autant plus que j'en suis signataire et «propositaire». A Lausanne, nous appelons cela des plantages, à New-York c'est la «Green Guerrilla» et à Paris, ce sont les jardins partagés. Cela sert avant tout à créer du lien social et à améliorer la situation des habitants des quartiers sans demander d'argent à la collectivité publique.

La Fondation Emile Dupont, qui s'occupe du HBM, a tenté d'en développer - et en a développé - à Genève, du côté du quartier des Ouches. Sous l'impulsion de ma collègue Michèle Künzler, on s'est rendu compte que pour l'instant, au niveau de l'administration, ce sont des démarches assez compliquées à comprendre pour poser une barrière et trois robinets. Pour obtenir une autorisation, il faut plus de trois mois. De quoi s'agit-il ? Il s'agit simplement de cultiver des poireaux, des tomates ou d'autres choses au lieu de cultiver du gazon. Ces activités parfaitement réversibles permettent aux gens du quartier de se rencontrer, de se voir aux pieds des immeubles, d'avoir des activités en commun. Somme toute, n'est-ce pas la meilleure manière d'avoir une sécurité dans les quartiers ? Des gens qui vivent aux pieds de leurs immeubles, c'est aussi une manière d'empêcher que les immeubles soient tagués, c'est aussi créer du lien social, des rencontres. C'est vraiment la meilleure manière d'avoir une sécurité qui ne soit pas policière, mais une sécurité de convivialité et d'utilisation du bâti.

Il se trouve aussi que les coopératives d'habitation de type Codha ont développé à Genève ce même type de projet. J'ai eu la chance de pouvoir leur servir de jardinier-conseil sur certains de leurs projets. C'est extrêmement intéressant de voir les dynamiques que cela peut créer aux pieds des immeubles et comment les choses peuvent se passer. Ce ne sont pas des choses qui me semblent très lourdes, cela me semble être un changement de mentalité qui demande simplement un appui de l'Etat. Un appui non pas financier, mais un appui en termes de processus administratif et en termes de publicité sur la possibilité de le faire. Cultiver d'autres choses qu du gazon dans des espaces verts aux pieds des immeubles n'est pas une immense révolution, mais c'est une vraie révolution sociale qui découle d'une vraie volonté d'avoir un lien différent. C'est pour cela que les Verts vous invitent à soutenir très largement ce processus qui n'est pas coûteux pour la collectivité mais qui, par contre, change vraiment la réalité sociale des habitants.

M. Claude Aubert (L). Vous connaissez tous cette boutade : «II faudrait construire la ville à la campagne, l'air y est tellement plus pur». Par conséquent, amener un peu de campagne à la ville, cela fait du bien. Mais un problème essentiel n'a pas été abordé : que fera-t-on quand les taupes viendront ? Est-ce qu'on va les traiter comme des taupes des villes, des taupes des champs, voire des taupes fédérales ? Est-ce qu'on va étudier ce problème dans le cadre de la biodiversité et dans le cadre du développement durable du plantage ? Bien évidemment, il faudra progresser sur ce point. Cela n'empêchera pas les libéraux de faire une fleur à cette motion.

M. Gilbert Catelain (UDC). Pour ma part, je ne suis pas enthousiasmé par la motion elle-même, mais par l'idée qu'effectivement le travail de la terre ne peut être que bénéfique à une meilleure cohabitation au sein d'un quartier... (Rires.) Effectivement, c'est une bonne chose, je ne plaisante pas. La question que je me pose est pourquoi cela doit se faire sur la base d'une motion et faut-il faire intervenir l'Etat dans ce processus alors qu'on nous a vanté, dans le débat - je prends un exemple - la suppression de la Ville de Genève et puis... On pourrait simplifier un certain nombre de processus, à partir du moment où l'on décide que les communes doivent avoir des prérogatives qui sont importantes pour la vie de notre communauté et surtout par la notion de proximité. Eh bien, ici, nous sommes dans un projet de proximité et, à mon avis, cette proximité doit se gérer au niveau de la commune. L'Etat, dans ce processus, de mon point de vue, n'a pas à intervenir.

Pour le reste, je pense que des initiatives comme celles qui ont été prises par Mme Künzler sont bonnes. Si d'autres initiatives peuvent être prises, tant mieux ! Avec un soutien des municipalités, tant mieux aussi ! Et si possible avec l'accord des propriétaires concernés, ce serait encore mieux, puisqu'en principe nous sommes sur leur terrain.

Cela dit, nous sommes aussi favorables au développement des jardins familiaux car il est très important qu'un citadin puisse avoir un petit coin de verdure et le jardinage, comme le sport, comme d'autres activités, est un moyen de s'évader, de communiquer. Mais, je le répète, l'intervention de l'autorité cantonale dans ce processus n'a pas lieu d'être.

M. Alain Etienne (S). Il ne faut pas trop tourner en dérision cette motion car il s'agit de permettre à des personnes qui habitent la ville de pouvoir faire du jardinage près de chez elles, des personnes qui n'ont pas la possibilité de s'offrir un terrain à la campagne, comme M. Aubert vient de le rappeler.

Donner la possibilité aux habitants de la ville de pratiquer cette activité est une bonne chose, d'autant plus que cette motion a été largement modifiée par des amendements en commission. Toutes les cautèles ont été émises par les députés de l'Entente pour ne pas élargir les possibilités, il faut que cela soit en partenariat avec les communes, il faut que cela n'hypothèque pas de futurs projets de construction. Toutes les garanties ont été mises et je vous remercie de voter cette motion.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Bien entendu que le PDC se réjouit de ce genre de créativité (Exclamations.) Je ne peux pas résister... Quand j'entends que cette sécurité potagère va éviter la sécurité policière pour le bien-être de nos enfants, je me réjouis. (Applaudissements.)

Le président. La parole est à M. Cramer qui s'exprimera sur ces questions de sécurité et nous donnera son opinion à propos des taupes.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Les taupes sont effectivement, Monsieur le président, un grave problème. Tous les amis des jardins familiaux connaissent ces difficultés. Vous savez à quel point également notre zone agricole est menacée par ce fléau. Au moment de parler du plantage, c'est effectivement vers les taupes que nos pensées se tournent. Mais, je vais interrompre cette réflexion, car M. Catelain se demandait pourquoi le Grand Conseil doit parler des plantages.

N'est-ce pas plutôt une affaire communale ? Non, Monsieur Catelain, c'est une affaire qui est éminemment l'affaire du Grand Conseil. Pourquoi ? (L'orateur est interpellé.) Voire fédérale ! Monsieur Gros, vous avez parfaitement raison et vous m'ôtez les mots de la bouche (Rires.) Pourquoi ? Parce que, comme certains d'entre vous le savent - et M. Gros le sait bien - la question des plantages relève directement du plan directeur qui est approuvé par l'autorité fédérale. C'est donc en ce sens que cette motion est totalement pertinente et c'est pour cela que cette motion nous aidera dans l'application du plan directeur voulu par ce Grand Conseil.

Ceux qui ont adopté ce plan directeur lors de l'avant-dernière législature se souviennent qu'il prévoyait de favoriser les jardins familiaux, mais on avait vu que l'on n'arriverait pas à trouver suffisamment d'espace sur le territoire du canton de Genève pour, d'une part, remplacer les jardins familiaux supprimés en raison de l'extension de l'agglomération et, d'autre part, pour construire de nouveaux jardins familiaux qui puissent répondre à la demande. C'est la raison pour laquelle les plantages semblent être une alternative aux jardins familiaux, ou en tous cas, une possibilité complémentaire. C'est en ce sens que cette motion est totalement la bienvenue; elle nous incitera à en faire encore davantage dans ce domaine. (Applaudissements.)

Mise aux voix, la motion 1519 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 2 non et 8 abstentions.

Motion 1519

Le président. (Chahut.) Mesdames et Messieurs les députés, j'indique que si les taupes sont aveugles, elles ne sont pas sourdes. (Rires.)