République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 février 2006 à 20h30
56e législature - 1re année - 5e session - 23e séance
PL 9463-A
Premier débat
Le président. Cette fois-ci, ce n'est plus M. Mettan le rapporteur, mais M. Hiltpold qui remplace M. Büchi... La parole n'étant pas demandée, je mets aux voix la prise en considération du projet de loi... Ah, Mme de Candolle demande la parole !
Mme Beatriz de Candolle (L). Mesdames et Messieurs les députés, la commission des travaux ne s'est réunie que deux fois pour étudier ce crédit d'investissement important. Le sentiment d'avoir assisté à une réflexion non aboutie a motivé l'abstention libérale, lors du vote du projet de loi en commission.
En effet, les réponses à plusieurs questions n'ont pas été satisfaisantes. Je ne vous en citerai que quelques-unes, mais la liste pourrait être beaucoup plus longue...
Est-il raisonnable d'envisager une façade végétalisée coûteuse - 0,5 million - difficile d'entretien, sur un bâtiment en pleine ville ?
Est-il écologique d'envoyer cinquante-deux camions de 25 tonnes par an - soit un par semaine - à la route des Acacias pour transporter le bois ?
Ne faudrait-il pas regrouper tous les services de l'environnement et pas seulement une partie d'entre eux ?
Quels sont les locaux qui seront libérés et quelle économie réelle en résultera-t-il ?
Mesdames et Messieurs les députés, ces quelques questions justifient, me semble-t-il, le renvoi en commission de ce projet de loi. Ce serait raisonnable, et c'est pourquoi le groupe libéral vous recommande de le renvoyer en commission pour qu'il puisse être examiné vraiment à fond.
Le président. Une demande de renvoi en commission vient d'être formulée. Une seule personne par groupe peut s'exprimer sur ce sujet et sur ce sujet uniquement !
M. Yves Nidegger (UDC). Le commissaire UDC s'est également abstenu pour des motifs semblables à ceux évoqués par le groupe libéral.
De plus, pour nous, 52 millions d'investissements non couverts, ce sont 52 millions de dettes supplémentaires !
Par conséquent, nous n'entendons pas voter ce crédit d'investissement, qui, eu égard aux 600 millions de déficit cette année, ne s'impose pas du tout.
Nous demandons également le renvoi en commission de cet objet.
M. Jacques Jeannerat (R). Une majorité des députés du groupe radical ne voulait pas entrer en matière sur ce projet de loi... Non pas que nous soyons opposés au principe de réunir sous un même toit les services liés à l'environnement, mais en raison de l'état de nos finances. Il nous paraissait en effet un peu audacieux, pour ne pas dire ridicule, de dépenser une telle somme pour construire un nouveau palais à Genève. Quelques-uns de ces palais nous ont d'ailleurs coûté très cher !
Mais comme une demande de renvoi en commission a été formulée, le groupe radical suivra ce renvoi, même si, en tout état de cause, il est d'ores et déjà opposé à ce projet.
M. Alain Etienne (S). J'aimerais faire un peu d'histoire au parti libéral, qui semble avoir la mémoire courte...
En effet, le parti libéral avait déposé une proposition de motion pour réaliser la Maison verte à l'usine Kügler, à la pointe de la Jonction... Ce projet avait été défendu par le parti socialiste, mais une majorité de ce parlement ne voulait pas regrouper les services de l'environnement à cet endroit, et ce projet n'a pas pu être réalisé. Aujourd'hui, le DAEL présente un crédit d'investissement pour réaliser ce bâtiment à la route des Acacias, et voilà que le parti libéral nous dit que cela coûte trop cher et qu'il faut renvoyer ce projet en commission... C'est d'une incohérence rare !
Deuxième incohérence. On nous parle aujourd'hui d'Agenda 21: on nous explique qu'il faut prendre des mesures, faire des bilans écologiques, etc. L'Agenda 21 figure dans tous les programmes politiques, et Mme de Candolle vient maintenant nous dire qu'il ne faut pas transporter le bois à la route des Acacias... Alors, soit on veut réaliser l'Agenda 21, soit on ne le veut pas ! C'est le service de l'environnement. Cela a été étudié sous l'ancienne législature; tout semblait convenir et, au dernier moment, on nous dit que le projet n'est pas bon et qu'il faut le renvoyer en commission... Ce n'est pas très cohérent non plus !
Troisième incohérence. Le parti libéral nous explique que l'économie doit fonctionner dans notre canton, qu'il faut créer des emplois, qu'il faut construire, mais, face à ce projet qui peut être réalisé, qui donnera du travail à nos entreprises, il demande de renvoyer ce projet en commission !
Le parti socialiste est opposé à ce renvoi en commission.
M. Damien Sidler (Ve). Je suis un peu étonné des propos tenus par Mme de Candolle, desquels il ressort que ce projet aurait été bâclé en commission... D'autant qu'il a été étudié sous une présidence libérale ! De plus, il me semble que nous y avons consacré un certain nombre d'heures. Nous avons notamment relevé que ce projet était exemplaire du point de vue du développement durable et qu'il était tout à fait raisonnable par rapport à son coût au mètre cube. Et c'est un libéral, M. Koechlin, qui l'a dit en commission: cela figure dans les procès-verbaux et certainement aussi dans le rapport !
Je vous le rappelle, cette parcelle qui appartient à l'Etat est pour le moment en friche et se trouve dans un quartier en plein développement. Elle va rester en friche le temps que l'on décide de son affectation, mais on n'en fait rien ! Alors, peut-être que, pour vous, c'est une bonne gestion des deniers publics, mais nous, nous estimons que ce bâtiment était une bonne réponse à l'utilisation de cette parcelle.
Car il ne faut pas s'y tromper, Mesdames et Messieurs les députés, les loyers que nous payons actuellement, pour tous les services du domaine de l'environnement disséminés dans le canton, nous coûtent beaucoup d'argent - plusieurs millions par année - et si ce projet n'est pas réalisé nous continuerons à les payer ! Alors, certes, nous n'allons pas dépenser 52 millions d'un seul coup, mais nous allons continuer à dépenser 2 millions chaque année pour rien. Et je ne parle pas des aléas générés par cette dispersion, qui fait que l'administration ne peut pas fonctionner comme il faut. En effet, les fonctionnaires du DOMO travaillent dans des containers qui sont empilés à la Jonction et d'autres travaillent dans des conditions telles que les services ne peuvent pas fonctionner normalement ! (Brouhaha.)
J'imagine, Monsieur le président, qu'une majorité d'entre nous veut renvoyer ce projet de loi en commission, et je pense qu'il n'y aura pas d'autre alternative ce soir. Alors, renvoyons-le en commission et étudions-le !
Mais, je vous le répète encore une fois, nous étions tous d'accord sur le principe de créer une Maison de l'environnement et tous d'accord pour reconnaître qu'elle était exemplaire du point de vue du développement durable et qu'elle ne coûtait pas plus cher au mètre cube que n'importe quel autre bâtiment que nous avons construit.
M. Luc Barthassat (PDC). Le parti démocrate-chrétien est aussi très sceptique sur ce projet de loi, tout d'abord par rapport à son coût, et, ensuite, par rapport à son emplacement...
Nous ne sommes pas opposés au principe de regrouper les services de l'environnement - comme le disait tout à l'heure M. Etienne: pour une fois que l'on parle de construire ! - mais il faudrait que le Conseil d'Etat ait une vision plus globale - j'allais dire: pour une fois... - qu'il pense davantage au futur, qu'il construise, mais, alors, qu'il construise carrément deux grandes tours au bord de l'autoroute et qu'il regroupe véritablement tous les services de l'Etat ! Cela nous permettrait d'économiser bien plus de loyers encore ! Et puis, nous pourrions reprendre, revendre ou remettre en location les immeubles libérés à des privés, les transformer en logements: pourquoi pas ? Cela résoudrait quand même pas mal de problèmes ! (Brouhaha.)
A propos de ce bâtiment, j'ai déjà entendu dire que les services ainsi regroupés seraient à l'étroit, que les laboratoires et certains bureaux ne pourraient de toute façon pas être intégrés à ce bâtiment.
J'en viens au gadget de la façade végétalisée... On nous a donné en commission, après maintes questions, l'exemple zurichois... Je me suis permis de me déplacer à Zurich - pas aux frais du Grand Conseil, mais du Conseil national, puisque nous étions en visite - pour me rendre compte sur place. Alors, certes, il y a un magnifique treillis végétalisé, mais, ce qui est ennuyeux, c'est que la première façade est à 25 mètres... Expliquez-moi comment vous pourriez gérer tout cela, car vous ne répondez pas aux questions posées !
En raison de toutes ces incohérences, le parti démocrate-chrétien soutiendra la demande de renvoi en commission. (Exclamations.)
Le président. La parole est à M. le conseiller d'Etat Mark Muller... (Un instant passe.) Monsieur le rapporteur, je rappelle qu'un seul député par groupe peut s'exprimer sur le renvoi en commission... (Exclamations.) Un par groupe ! La parole est à M. le conseiller d'Etat ! (Contestations.) Monsieur le rapporteur, je vous donne la parole une minute, sur le renvoi en commission exclusivement !
M. Hugues Hiltpold (R), rapporteur ad interim. Monsieur le président, vous créez, me semble-t-il, un précédent... C'est la première fois que j'entends dans ce parlement, depuis que j'y siège, qu'un rapporteur ne peut pas s'exprimer quand il le souhaite ! (Applaudissements.)
Je voudrais juste rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que ce projet de loi a été traité en avril 2005, soit il y a près d'une année, et je tiens à vous donner deux ou trois éléments chiffrés qui ont une importance, Monsieur le président, sur le renvoi en commission.
En effet, le montant des locations s'élève actuellement à 390 000 F par année et le montant des locations futures, lorsque le bâtiment sera terminé, s'élèvera à 1 260 000 F. Cela représente un montant total de 1 650 000 F, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous avons voté ce projet de loi en avril 2005, et nous avons déjà perdu la somme de 1 650 000 F ! Il faut simplement en être conscients ce soir, au moment où nous nous prononçons sur le renvoi en commission de ce projet, car, assurément, s'il est voté ce soir, nous perdrons encore la même somme. Vous devez juste en être conscients, et mon devoir de rapporteur est d'attirer votre attention sur cet élément ! (Applaudissements.)
Deuxième élément, par rapport au volet sur le coût des travaux. Je tiens à relever - comme l'a fait M. Sidler - que ce coût n'est pas beaucoup plus élevé que celui d'autres bâtiments similaires au niveau du programme. Il est de 825 F par m3 SIA: c'est dire qu'il revient moins cher que d'autres bâtiments administratifs, tel l'immeuble de l'Office fédéral de la statistique à Neuchâtel - qui coûte plus de 1200 F le mètre cube. Certes, il s'agit d'un investissement conséquent, mais ramené au cube - au cube SIA, qui est un élément de comparaison parfaitement fiable - cet investissement n'est pas vraiment cher.
Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, tant sur le montant du prix que sur le coût de location, je vous invite à ne pas renvoyer ce projet de loi en commission ou, alors, à en assumer politiquement la responsabilité !
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat ne s'opposera pas au renvoi en commission de ce projet de loi, mais il demandera à la commission des travaux d'examiner très rapidement ce projet, pour voir quelles économies pourraient éventuellement être réalisées à ce stade.
Sur le principe, le Conseil d'Etat considère que ce projet d'investissement est un bon projet, pour deux raisons au moins.
La première, c'est qu'il s'agit d'un investissement dans un bâtiment administratif tout à fait ordinaire, un immeuble qu'on pourrait qualifier «d'immeuble de rendement» et qui pourrait parfaitement, à un moment ou à un autre, être réalisé à des conditions tout à fait intéressantes pour l'Etat. On ne peut pas comparer ce type d'investissement à un investissement pour un ouvrage routier ou pour une école, par exemple ! (Brouhaha.)
La deuxième raison qui amène le Conseil d'Etat à soutenir toujours et encore ce projet de loi, c'est que la réalisation de cet immeuble permettra de regrouper un certain nombre de services aujourd'hui disséminés dans le canton, services qui louent des locaux dont les loyers sont parfois extrêmement élevés. De ce point de vue également, la réunion de ces services dans des locaux propriété de l'Etat est une opération rentable pour les finances publiques de notre République.
D'ailleurs, je me permets de vous informer à ce stade que le Conseil d'Etat examine de façon tout à fait générale l'opportunité de créer une cité administrative. (Commentaires.) Ce n'est pas un scoop; vous êtes au courant de ce projet: nous envisageons de réaliser un certain nombre d'immeubles de bureaux, afin de réunir de manière plus globale et dans une perspective générale, un grand nombre de services, aujourd'hui disséminés dans le canton et qui coûtent fort cher en termes de location de locaux.
Nous ne nous opposons donc pas au renvoi en commission de ce projet, mais nous demandons à la commission des travaux de l'examiner rapidement et de le présenter à nouveau au Grand Conseil à bref délai. (Applaudissements.)
Le président. Monsieur le rapporteur, je vous rends raison: c'est vous qui aviez lu le règlement de manière correcte ! Par conséquent, vous avez bien fait de prendre la parole et d'insister pour l'avoir... (Applaudissements.) Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition de renvoi en commission de ce projet, qui en revient avec neuf voix pour et cinq abstentions.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 9463 à la commission des travaux est adopté par 46 oui contre 37 non et 1 abstention.