République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 janvier 2006 à 20h30
56e législature - 1re année - 4e session - 19e séance
M 1657
Débat
M. Gabriel Barrillier (R). Cette motion déposée en novembre 2005 n'a d'autres objectif et ambition que de veiller à ce que la Genève internationale soit maintenue, voire renforcée. Cette motion a été déposée à l'occasion de la discussion et des négociations qui ont eu lieu au sein des Nations Unies sur la création et la localisation d'un Conseil des droits de l'homme qui viendrait remplacer la Commission des droits de l'homme. Bien évidemment, nous souhaitons que ce Conseil des droits de l'homme reste à Genève.
Si nous avons déposé cette motion c'est parce que nous devons être très attentifs à poursuivre nos efforts pour maintenir la présence des organisations internationales à Genève. Pourquoi ? Parce que c'est la mission historique de Genève. Parce que c'est bon pour la Suisse, puisque Genève représente l'ouverture sur le monde. Parce que nous avons une conseillère fédérale, ministre des affaires étrangères, qui était ici, parmi nous. Parce que c'est bon pour la francophonie, vous savez mon attachement à la francophonie, et Genève est le seul lieu des négociations mondiales situé en territoire francophone.
Dernier argument, important. C'est bon pour renforcer notre pôle économique et culturel. Alors, cette motion n'a d'autre objectif que d'encourager - il le fait, c'est vrai - le Conseil d'Etat à essayer de régler les bisbilles internes qui nous affaiblissent parfois entre le canton et la Ville. Souvenons-nous du combat qu'il avait fallu mener dans les années 90 pour obtenir le siège de l'OMC, cela ne plaisait pas à tout le monde, mais c'était un combat essentiel pour l'avenir de la Genève internationale.
Raisons pour lesquelles nous invitons ce parlement à renvoyer la motion au Conseil d'Etat.
M. Christian Brunier (S). Comme vous le savez certainement, les Nations Unies ont décidé de transformer la Commission des droits de l'homme en un Conseil des droits humains. Aujourd'hui, la Commission des droits de l'homme siège à Genève. Le Conseil des droits humains est déjà mis en place et il cherche un siège. Ce n'est pas à cause de bisbilles entre la Ville et le canton, Monsieur Barrillier, qu'il y a des pressions, c'est tout simplement parce qu'il y a un lobbying très fort des Etats-Unis pour rapatrier le Conseil des droits humains à New York. On voit donc que la concurrence est rude et cela doit nous mettre en garde. Trop souvent, les gens - dans le monde politique mais aussi parmi les citoyennes et citoyens de ce canton - considèrent que la place de Genève en tant que plate-forme des Nations Unies et des organisations internationales est garantie à tout jamais. C'est faux, la concurrence est terrible et il y a des pressions considérables pour obtenir les nouveaux services liés aux organisations internationales, mais aussi pour faire déménager les organisations internationales aujourd'hui à Genève dans d'autres cités.
A droite comme à gauche, nous sommes une grande majorité à comprendre l'utilité des organisations internationales pour notre cité et à soutenir cette dynamique de la Genève internationale. On doit continuellement se battre et renforcer notre soutien aux organisations internationales pour qu'elles restent ici.
Au sujet de la motion, j'ai une petite critique à émettre sur les considérants. Comparer le déménagement éventuel de la Commission des droits de l'homme au départ de Telecom... Je crois que les raisons n'ont pas grand-chose à voir. On sait très bien que, pour Telecom, Genève aurait pu faire des efforts encore plus considérables et Telecom serait quand même parti, au moins provisoirement, car il y a tout simplement l'opportunité commerciale d'aller en Asie, qui est un marché émergeant bien plus grand que l'Europe.
Néanmoins, nous devons nous mobiliser. Il y a quelques mois, l'alliance - un peu contre nature - d'un certain nombre de libéraux - Martine Brunschwig Graf, Renaud Gautier - et de quelques socialistes - Jean Ziegler et moi-même notamment - avait essayé de travailler à faire du lobbying pour que Genève accueille le Conseil des droits humains. A l'époque, Martine Brunschwig Graf nous avait conseillé de le faire d'une manière beaucoup plus diplomatique et en dehors de ce Grand Conseil. On avait donc renoncé à présenter un projet.
Aujourd'hui, les radicaux déposent une motion et peut-être n'est-ce pas le meilleur des moyens, mais cette motion est là, et le groupe socialiste demande de la soutenir pour que l'on soit unanimes derrière ce projet qui vise à renforcer les chances de Genève d'accueillir ce Conseil des droits humains.
Mme Catherine Baud (Ve). Les Verts soutiendront cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat pour deux raisons. D'une part, il faut que Genève conserve son rayonnement international dans le domaine des droits humains. Il en va de notre crédibilité et de l'image que l'on souhaite projeter à l'extérieur. Il existe déjà des synergies, des réseaux qui doivent être maintenus et qui doivent se développer.
D'autre part, à l'heure actuelle, nous sommes de plus en plus en concurrence avec d'autres cités qui cherchent à attirer des services ou des agences de l'ONU de manière stable. Nous devons veiller à rester attractifs afin de conserver cette chance et ce privilège de bénéficier encore actuellement, pour un canton de la taille de Genève, de ce rayonnement international et de ces agences de l'ONU.
M. Guy Mettan (PDC). Naturellement, le PDC se réjouit de soutenir cette motion pour les raisons qui ont déjà été indiquées, et pour une autre raison qui n'a pas encore été mentionnée. Vous savez que l'évolution de la Genève internationale, depuis quelques années, va dans le sens d'un développement des services à la globalisation, que ce soit dans le domaine de la santé avec l'OMS, dans le domaine du droit du travail ou dans celui du droit du commerce; tous ces domaines étant liés aux grandes organisations présentes à Genève.
Mais, si l'agenda international connaît un développement réjouissant dans le domaine des services, il faut savoir en revanche que dans le domaine purement politique, la place de Genève perd de son importance au niveau mondial. En effet, pendant la Guerre froide, nous avons eu l'occasion d'accueillir de nombreux sommets, de nombreuses réunions politiques d'une haute importance. Mais, depuis 1999 et la dernière rencontre entre les présidents Clinton et Assad, nous n'avons plus eu l'occasion d'abriter de telles rencontres d'importance.
Le domaine des droits de l'homme est le seul qui soit encore concentré - au niveau politique - à Genève et qui ne dépend pas encore de New York. On a pu voir récemment que, par exemple, dans le domaine des secours en cas de catastrophe - l'OCHA - la concentration politique s'était faite à New York alors que la logistique restait à Genève. C'est dire qu'effectivement ce Conseil des droits de l'homme revêt un enjeu stratégique très important pour Genève.
Cela dit, il faut malheureusement se rendre à l'évidence. Aux dernières nouvelles, le projet - bien soutenu par la Suisse - a du plomb dans l'aile. Ce qui se dit dans les couloirs, c'est qu'il ne semble pas avancer aussi bien qu'on pouvait l'espérer. Mais, même si cela n'est pas exactement de la compétence du canton, cela ne doit pas nous empêcher de nous engager derrière la Confédération et mettre tout en oeuvre pour que - dans la mesure de ce que nous pouvons faire, c'est-à-dire la logistique, le logement, le transport, l'accueil - nous donnions le maximum de nous-mêmes. C'est pourquoi nous soutenons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. André Reymond (UDC). Permettez-moi d'être quelque peu étonné de voir tout d'un coup tous les partis confondus se faire un souci extraordinaire concernant la compétitivité de la Genève internationale. Il y a peu de temps, pour la sécurité à Genève et étant donné que la Confédération n'a pas d'argent - et Genève non plus - l'UDC a déposé une motion demandant que nous puissions réunir un centre de formation et de sécurité à la caserne des Vernets. Mais, oh ! Catastrophe ! Les Vernets ! Il faut mettre l'armée ailleurs ! Alors que l'on sait que la Suisse paie chaque année la formation de quarante agents de sécurité pour l'ONU et que ces personnes, on ne sait pas où les mettre. Elles sont logées actuellement dans le bâtiment de l'OMM et cela coûte un prix exorbitant à la Confédération. Je ne comprends pas que vous vous fassiez du souci concernant la compétitivité de Genève, alors que nous savons très bien que nos institutions internationales sont courtisées par d'autres villes telles que Bonn. Mais, enfin, on ne va pas reprendre la liste exhaustive de toutes les capitales qui aimeraient avoir nos institutions.
Nous savons qu'à Genève, pour nos habitants, nos citoyens, les étrangers qui vivent ici, les fonctionnaires internationaux, il y a nécessité de construire. Dans ces nouveaux départements, tout semble se compliquer car il y a de nouvelles frontières concernant l'aménagement du territoire et la construction. La Confédération s'est engagée à construire un parking à l'OMC, mais ce parking - qui pourrait être construit en dix-huit mois - on ne veut pas le construire. On n'ose surtout plus en parler, parce qu'au point de vue écologique... L'écologie ce n'est pas seulement en surface, c'est aussi en profondeur... Alors qu'on sait très bien qu'il y a un projet de parking avec un silo qui devrait être construit... Une chose est certaine, les fonctionnaires internationaux commencent à un être un peu lassés de ne pas pouvoir se loger et circuler librement à Genève.
Alors, même si nous n'avons pas été soutenus sur notre motion, le groupe UDC soutiendra la motion radicale. Il faut être conscient de la concurrence. Si la Genève internationale ne veut pas reculer, elle doit être présente et plus dynamique envers les fonctionnaires internationaux.
M. Philippe Guénat (UDC). C'est non sans une certaine appréhension que je m'adresse à vous. Je suis hôtelier, et mon hôtel se situe à 350 mètres des Nations Unies. Je vis exclusivement des revenus des fonctionnaires internationaux qui viennent y loger pour des conférences. Bien que propriétaire et directeur de cet hôtel, je me trouve deux fois par semaine - au minimum - à la réception pour faire les départs ou les arrivées de mes clients, afin de les connaître.
Lorsque je parle avec les fonctionnaires internationaux, ou plutôt lorsque eux me parlent, ils me disent leur frustration d'ouvrir de nouveaux bureaux à Genève. Leurs frustrations ne sont pas idéologiques ni politiques. Ce qu'ils veulent, ce sont des logements et des places pour leurs enfants dans les écoles. C'est tout simple. Ils ne sont pas les seuls, mais plusieurs fois, en revenant de séance, des membres de commission m'ont affirmé avoir refusé Genève comme place, simplement parce qu'ils ne trouvent pas à s'y loger. C'est très terre-à-terre, mais c'est la réalité.
M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG va soutenir ce texte. J'aimerais attirer votre attention sur un phénomène qui est en train de s'accentuer depuis quelques années. Certains arguments ont été repris par mes collègues André Reymond et Philippe Guénat, mais cela va beaucoup plus loin.
J'ai entendu à de nombreuses reprises que la sécurité à Genève n'était plus la même que celle d'antan. J'ai entendu à plusieurs reprises que les logements étaient devenus très difficiles à trouver. Lorsqu'on veut promouvoir la Genève internationale, il faut aussi penser à nos résidents qui ne pourront jamais régater avec les loyers payés par les organismes internationaux. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rends attentifs aux problèmes du logement à Genève, une fois encore. Il est vraiment temps pour ce parlement de prendre le taureau par les cornes et de construire les logements qui nous font tant défaut.
En ce qui concerne la mobilité, beaucoup de reproches ont été faits non seulement par des fonctionnaires internationaux, mais également par nombre d'hommes d'affaires qui, lorsqu'ils doivent traverser une petite ville comme la nôtre, mettent autant de temps que pour traverser un quartier de Paris, ce qui est parfaitement intolérable. On a rétréci les voies de circulation, on a supprimé des places de parc. Et nous avons ces cohortes qui arpentent les rues à tout instant pour mettre en contravention les gens qui ne trouvent pas de place de parc.
Oui, il faut promouvoir la Genève internationale, c'est important, c'est notre image et nous nous devons de respecter la tradition qui est la nôtre depuis la Deuxième Guerre mondiale avec la constitution d'un des deux sièges de l'ONU. Mais il faut aussi nous responsabiliser face aux problèmes que rencontrent les Genevois.
Nous soutenons ce projet.
M. Renaud Gautier (L). Lorsque l'on veut noyer son chien, on lui trouve la rage. Il faut revenir au texte déposé par les radicaux. Comme l'a dit tout à l'heure, avec l'élégance qui le caractérise, M. le directeur des SI, il y avait déjà une première initiative à propos de la laquelle l'ancienne conseillère d'Etat nous avait recommandé d'être plus discrets.
On ne peut que saluer les termes de l'initiative radicale. A travers cette initiative, il ne s'agit pas de régler tous les problèmes de circulation, tous les problèmes des frontaliers, tous les problèmes de sécurité, mais plutôt de donner un message positif sur un des aspects importants de Genève, et de continuer à soutenir les efforts que fait le Conseil d'Etat en la matière.
Voilà donc, Mesdames et Messieurs, le sens de cette motion que, comme tant d'autres, je vous engage à soutenir. On s'occupera après des problèmes des frontaliers.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Juste pour dire brièvement que le Conseil d'Etat accepte cette motion qu'il prend comme un soutien à son action et non comme une critique. Il est exact que la défense de la Genève internationale fait partie de nos préoccupations constantes et que cela implique des efforts dans certains domaines cités tout à l'heure. Il faudra vous souvenir des propos de ce soir lorsqu'il vous sera demandé quelque vote peut-être difficile pour défendre la compétitivité de la Genève internationale. Mais, ce soir, je ne veux pas compliquer ou introduire des éléments de division.
Je suis extrêmement heureux de constater que, sur ce texte, il y a unanimité de tous les partis du Grand Conseil. Cela n'est pas si fréquent et c'est un sujet délicat, car susceptible d'induire des concurrences entre la Genève locale et la Genève internationale. Nous savons que nous devons éviter les effets pervers de cette concurrence, et je vous remercie de cette belle unanimité.
Mise aux voix, la motion 1657 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 74 oui (unanimité des votants).