République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 janvier 2006 à 20h30
56e législature - 1re année - 4e session - 19e séance
PL 9636-A
Suite du premier débat
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, vous vous rendez compte ! Encore une attaque en règle contre une association au service des femmes. (Exclamations.) Eh oui ! Et pourtant, depuis vingt-cinq ans, F-Information fait preuve de sa nécessité. Elle répond à des besoins déjà tellement bien décrits que je n'approfondirai pas les détails - ils ont été donnés pour une grande partie de l'assemblée qui ne sait évidemment pas en quoi consiste le travail de F-Information, sinon elle ne réagirait pas ainsi.
Je voudrais dire aux personnes qui essaient d'opposer le travail effectué au sein des centres sociaux d'action et de santé que le service de F-Information est extrêmement utile et complémentaire - complémentaire, comme les hommes et les femmes ! Il n'est donc pas nécessaire de les opposer.
Alors, pourquoi tant de haine ? Est-ce que les hommes ont peur de perdre leur autorité pour s'attaquer pareillement aux associations féminines ? Bien sûr que non. Pourtant, trois fois plus de femmes, depuis quelques années, consultent les spécialistes de F-Information. Ces femmes trouvent là-bas les conseils dont elles ont besoin et cela leur évite souvent d'être encore plus angoissées, encore plus précarisées et isolées face à leurs problèmes.
Messieurs les députés, en voulant couper sans cesse dans les subventions aux associations féminines, est-ce que vous vous sentez coupables, est-ce que vous avez quelque chose à vous reprocher pour que des femmes aient besoin de conseils et d'aides en dehors de votre contrôle ? Bien sûr que non, car vous pouvez comprendre que c'est aussi dans votre intérêt, pour la meilleure partie de vous-mêmes et pour que plus de 50% de l'humanité - c'est-à-dire les femmes - aient tout simplement des espaces à leur service.
Il est évident que le PDC ne pourra que refuser l'amendement de M. Weiss. Et si vous ne comprenez pas cela, Messieurs, je vous souhaite, lors de votre réincarnation, d'être réincarnés en femme ! (Rires. Brouhaha.)
Le président. Je prends note, Madame la députée, que vous pratiquez la réincarnation et que vous souhaitez être réincarnée en homme à la prochaine... (Remarques.) Vous voyez, votre sort paraît quand même assez satisfaisant, tout bien considéré !
Mme Michèle Ducret (R). Je n'emploierai pas le ton un peu dramatique de ma collègue Anne-Marie, qui prend cela très à coeur. Mais je prends aussi F-Information très à coeur, car je connais son travail depuis longtemps - c'est une organisation qui fait un travail concret, ce ne sont pas des gens qui parlent en l'air. Raison pour laquelle le groupe radical n'acceptera pas l'amendement proposé par le groupe libéral.
Mme Elisabeth Chatelain (S). J'aimerais revenir sur l'intervention de M. Weiss qui parlait de différentes choses. D'après lui, cette association aurait trop de place, trop de moyens pour ne pas faire grand-chose. Je ne vais pas lister à nouveau les actions de cette association, mais j'aimerais seulement vous dire que, pour M. Weiss, une diminution «raisonnable» - selon ses termes - équivaut quand même à 10% de réduction de la subvention. Est-ce raisonnable, alors que l'augmentation des consultations est de 134% ? C'est-à-dire que, si l'on reste aux 515 000 F acceptés par la commission, l'équipe est condamnée à faire davantage avec la même somme. Cette équipe fait toujours plus, parce que la précarité augmente, parce que les besoins des femmes augmentent. Dans ce canton - même s'il est riche - on veut oublier que les femmes sont encore une population précarisée.
Il est très important d'étudier tout cela. Par exemple, quand on oppose les CASS à F-Information, on ne se rend pas compte que les CASS eux-mêmes orientent des femmes vers F-Information, car la problématique est différente. La mission des CASS et celle de F-Information sont tout à fait différentes, et les moyens que les CASS ont à disposition pour conseiller les femmes sont très différents ! F-Information connaît tellement bien son sujet qu'elle peut vraiment bien conseiller ces personnes.
Il faut voter ce projet de loi sans l'amendement proposé par M. Weiss.
M. Roger Deneys (S). Pour compléter les propos de ma collègue, j'aimerais dire à M. Weiss que son argument - comme d'autres arguments libéraux que nous avons entendus hier et aujourd'hui - est d'une certaine mauvaise foi. Monsieur Weiss, je ne sais pas où vous travaillez, mais manifestement vous connaissez mal le monde de l'entreprise... (Rires.) Le monde de l'entreprise - vous l'ignorez peut-être - veut qu'à certains moments, on fasse des investissements. C'est-à-dire qu'il faut voir comment la situation évolue, voir ce qu'il se passe dans la réalité quotidienne et anticiper les besoins futurs. Alors, une entreprise privée déménage et s'installe dans des locaux plus grands, car elle anticipe sa croissance et son expansion.
Dans un monde moderne, une association fonctionne selon les mêmes principes: elle est, comme vous, soucieuse des deniers publics et soucieuse de bien gérer ses dossiers et les demandes qui lui parviennent. Dans ce sens, on ne peut pas reprocher à F-Information de prendre des locaux plus grands, notamment parce que cela englobe des locaux de formation. Vous ne pouvez pas comparer des mètres carrés de bureaux avec des locaux qui donnent des possibilités d'expansion et des salles de formation. Monsieur Weiss, vous avez zéro en économie, mais cela ne m'étonne pas !
Pour le reste, je dirais que l'UDC a le même discours que le parti libéral, avec d'autres arguments. Tout ce que vous voulez, c'est démanteler l'Etat social ! (Exclamations. Brouhaha.) Vous vous en prenez aux associations féminines, et ce n'est pas du tout étonnant, car ce qui vous intéresse, ce n'est pas le discours de prévention - d'ailleurs, quel que soit le domaine. En matière de toxicomanie, d'asile, dans tous les domaines, ce que vous cherchez à faire est démanteler le système social helvétique, et cantonal, et même municipal !
Ce n'est donc pas étonnant que vous demandiez cette diminution de subvention. On a bien compris que, de toute manière, les subventions aux associations féminines sont à vos yeux simplement du gaspillage d'argent. C'est scandaleux ! On a bien compris que ce qui vous intéresse, c'est le discours répressif, et c'est absolument inacceptable. En effet, la prévention coûte beaucoup moins cher que la répression ! Il suffit d'entendre les discours de votre ami M. Sarkozy, qui prétend nettoyer les cités au Karcher, et d'autres discours absolument inadéquats qui ne donnent aucun résultat... Certes, cela plaît aux médias, mais cela ne donne aucun résultat. Je vous invite donc à abandonner ce discours et à réfléchir un peu aux conséquences concrètes de cette politique catastrophique pour l'Etat social et la collectivité, car tout cela n'est pas acceptable.
Pour terminer, j'aimerais encore rappeler le rôle essentiel des femmes dans notre société, qui a été pendant beaucoup trop longtemps occulté. Et il est absolument normal aujourd'hui d'encourager des associations qui traitent des problèmes féminins - il ne s'agit pas de problèmes hommes/femmes, on peut les traiter de façon particulière - et c'est un grand plus pour la société ! Je conclurai comme un chanteur français que j'aime beaucoup et qui s'appelle Renaud: «Femme je t'aime, à part peut-être Madame Thatcher». (Applaudissements.)
Le président. Monsieur Weiss, je ne vous donne pas la parole. Vous avez peut-être éprouvé le fait d'être mis en cause, mais, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il ne suffit pas d'être nommé pour être mis en cause. J'ajoute que si vous avez été nommé à plusieurs reprises, c'est donc que vous faites réfléchir. Et vos compétences d'économiste étant ce qu'elles sont, les appréciations du professeur Deneys en la matière n'ont pas dû vous atteindre profondément !
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Voilà de nombreux mois déjà, le Conseil d'Etat a déposé ce projet de loi qui s'inscrit dans la continuité des activités de F-Information que nous soutenons depuis de très nombreuses années. Vous avez accepté ce projet de loi en commission, et le Conseil d'Etat vous demande de l'accepter aujourd'hui également, sans l'amendement de M. Weiss. C'est une question de méthode, Monsieur Weiss.
Il est possible, et même certain, que dans l'ensemble des subventions certaines sont trop élevées. Mais leur réduction - je ne crois pas que ce soit le cas de F-Information - en toute hypothèse, ne peut raisonnablement se produire que moyennant un calendrier permettant aux intéressés de se retourner. Et quand on est en présence d'une association qui bénéficie d'un soutien constant de l'Etat, avec un contrat de prestations, on ne peut pas tout d'un coup, en séance plénière, sur un chiffre dont la justification m'échappe - car si le loyer augmente, je ne vois pas pourquoi il faut baisser la subvention, l'inverse m'aurait paru plus logique - on ne peut pas jongler de cette manière avec les subventions des associations ! Parce qu'il y a un risque majeur de mettre en difficulté, sans aucune justification, des associations - dont celle-ci - qu'à l'exception de M. Bertinat vous avez tous reconnues comme fournissant un travail parfaitement utile, important, et qu'il convient de poursuivre.
En son temps et à juste titre, la commission des finances avait observé que le secteur subventionné maîtrisait moins bien ses dépenses que l'Etat central. Si, dans cette logique-là, des mesures doivent être prises, elles doivent forcément l'être dans la durée et non pas en séance plénière. L'importance du travail de F-Information n'étant pratiquement pas contestée dans ce parlement - à juste titre - et affirmée par le Conseil d'Etat, je vous demande de voter ce projet de loi sans l'amendement proposé par M. Weiss.
Mis aux voix, le projet de loi 9639 est adopté en premier débat par 67 oui contre 8 non et 2 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 1, nous sommes saisis d'un amendement de M. Weiss qui propose de remplacer le montant de la subvention de 515 000 F par 450 000 F.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 43 non contre 30 oui et 3 abstentions.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 5.
Troisième débat
La loi 9639 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9636 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 43 oui contre 22 non et 12 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)