République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 6 octobre 2005 à 20h45
55e législature - 4e année - 12e session - 69e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h45, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.
Assistent à la séance: Mme et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot, Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que MM. Luc Barthassat, Jean-Claude Egger, Jacques François, Georges Letellier, Jacques Pagan et Pierre Schifferli, députés.
La présidente. M. Jean-Pierre Pagan est assermenté. (Applaudissements.)
M. Christian Dandres est assermenté. (Applaudissements.)
Correspondance
Mme Loly Bolay (S). Madame la présidente, je vous demande lecture du courrier que le Bureau a reçu à propos du Grand Théâtre.
La présidente. Votre demande est-elle soutenue, Madame la députée ? Elle l'est. Qui pourra procéder à cette lecture ? Je suis lâchée par les miens... Puisque les membres du Bureau n'ont pas pris leurs places, je vais lire ce courrier 2094 moi-même.
M. Jean Rossiaud (Ve). Madame la présidente, je demande la lecture du courrier de l'Association des juristes progressistes.
La présidente. Votre demande est-elle soutenue, Monsieur le député ? (Brouhaha. Exclamations.)Bien, votre demande est maintenant appuyée. Je prie donc M. le vice-président de lire cette lettre. (Rires. Commentaires.)
M. Michel Halpérin (L). Mesdames et Messieurs les députés, je m'efforcerai d'articuler avec soin... Ce courrier 2093 est adressé à Mme la présidente du Grand Conseil et concerne la suspension du paiement de l'indemnité des avocats plaidant au bénéfice de l'assistance juridique.
Annonces et dépôts
La présidente. Nous apprenons que l'objet suivant est retiré par les Verts et le parti radical:
Projet de loi de Mme et MM. Fabienne Bugnon, John Dupraz, Michel Ducret, Andreas Saurer visant la création d'un établissement public autonome des automobiles et de la navigation. ( PL-7213)
Il en est pris acte.
M. Alain Charbonnier (S). Madame la présidente, je vous informe que le parti socialiste retire l'objet suivant:
Projet de loi de Mmes et MM. Laurence Fehlmann Rielle, Alain Charbonnier, Sami Kanaan, Alberto Velasco, Roger Deneys, Loly Bolay, Françoise Schenk-Gottret, Pierre Guérini, Thierry Charollais, Salika Wenger, François Thion, Nicole Lavanchy, Jocelyne Haller, Alain Etienne, Rémy Pagani modifiant la loi sur l'assurance-maternité (J 5 07) (Mise en conformité avec le droit fédéral) ( PL-9386)
Il en est pris acte.
La présidente. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes à la commission des transports:
Pétition relative à la circulation dans le village de Saconnex-d'Arve Dessous et sur la route de Saconnex-d'Arve jusqu'à la distillerie, commune de Plan-les-Ouates ( P 1551)
Pétition contre la suppression de places de stationnement à la rue de Bourgogne ( P 1552)
Nous reprenons le cours de notre ordre du jour, soit les urgences.
Premier débat
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. Ce projet de loi a été examiné dans le détail à la commission du suivi informatique parlementaire puis à la commission des finances du Grand Conseil, dans lesquelles les problèmes auxquels devaient faire face les services du tuteur général ont été expliqués. La nécessité de trouver un système informatique pour pouvoir mettre les dossiers en place et les gérer, vu l'augmentation de leur nombre et leur volume, a été mise en évidence.
Par ailleurs, il nous a été exposé que, si nous ne procédions pas à cet investissement, cela coûterait en définitive beaucoup plus cher, sans parler des risques découlant de la gestion et de l'incompatibilité entre les différents services, puisque ce système ne vise pas à gérer seulement les dossiers du tuteur mais aussi de tous les services qui y sont liés. Il s'agit donc de trouver des interconnections ou des interfaces qui fonctionnent.
Le projet qui leur a été présenté a convaincu l'ensemble des membres de la commission et c'est à l'unanimité qu'ils vous proposent d'approuver ce projet de loi en trois débats.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC ne conteste pas le bien-fondé d'équiper le service du tuteur général d'une application informatique. Malheureusement, nous avons observé au cours de ces quatre dernières années que les différentes applications informatiques - dont le vote des budgets dépend de ce Grand Conseil - sont régulièrement dépassées ou que l'application ne fonctionne finalement pas.
Très prochainement, on s'apercevra d'ailleurs que le budget accepté pour l'Office cantonal de la population ne suffira pas et que nous devrons voter une rallonge pour - dans ce canton - un simple motif d'organisation: celle du service informatique et du CTI. En effet, le CTI se charge de toute une série de projets qu'il ferait mieux de sous-traiter, cela coûterait bien moins cher à l'Etat de Genève. C'est le cas dans le canton de Zurich, mais ce n'est pas le seul. J'en ai vu des projets informatiques, mais investir 6 millions de francs pour un cercle aussi restreint, c'est un véritable scandale ! Excusez-moi de le dire, mais allez voir comment cela se passe dans d'autres cantons ! Ce même objet, dans n'importe quel autre canton - pour ne pas parler de la Confédération - coûterait de deux à trois fois moins cher ! Nous reparlerons de cet objet lorsque nous nous exprimerons à propos de l'Office cantonal de la population et nous verrons que, lorsque des collaborateurs proposent des solutions simples ou d'avoir recours à des applications existantes, ils sont traités comme des pestiférés - parce qu'aller voir ailleurs ce qu'il s'y passe ça peut parfois gêner...
Donc, le groupe UDC considère que le CTI est surdimensionné, puisque son rôle pourrait être restreint à celui de maître d'oeuvre et à sous-traiter toute la partie programmation et achat de l'application informatique. Dans ce cadre-là, investir 6 849 000 F pour le seul service concerné, sans compter le fonctionnement estimé à plus d'un million de francs, c'est disproportionné !
Quoi qu'il en soit, lorsqu'on propose un tel budget on peut estimer qu'il y aura, derrière, des gains de productivité; or je ne vois pas quels sont les gains de productivité derrière ce projet de loi. Cela signifie qu'à partir du moment où vous informatisez un service cela devrait se traduire par une efficacité administrative, et cette dernière doit se traduire à terme - au moins, ce sera le cas à l'Office cantonal de la population, puisqu'il propose la suppression de cinq postes dans le domaine administratif. Donc, cela devrait se traduire au sein de ce service par un certain nombre de suppressions de postes, que je ne vois pas au travers du projet de loi.
Alors, à partir du moment où une efficacité - traduite par des suppressions de postes au sein de ce service - ne découle pas de ce projet de loi, il n'y a aucune raison de voter un budget de 6 800 000 F, qui devra de toute manière être renouvelé dans cinq ans.
M. Pierre Weiss (L). J'aimerais juste intervenir sur deux points. Le premier concerne le coût de fonctionnement de ce qui est proposé ici à notre vote, à notre approbation et, éventuellement, à notre refus. Le coût actuel est supérieur au coût de fonctionnement prévu par le projet de loi. C'est un point que nous devons prendre en considération, dans la perspective d'une saine gestion des deniers de l'Etat.
Il y a un deuxième point, qui doit faire réfléchir les uns et les autres: en commission, nous étions unanimes - le représentant de l'UDC y compris - pour considérer que le projet tel qu'il nous est présenté, avec ses faiblesses et ses qualités, devrait emporter notre adhésion. Il ne serait pas très «fair-play», pour employer un terme que M. Brunier utiliserait certainement, de ne pas suivre l'avis des commissaires.
En d'autres termes, il s'agit d'être efficace: deux services attendent une décision de notre part et l'argent de l'Etat demande à être utilisé au mieux. C'est en ce sens que je considère qu'il est nécessaire de voter ce projet de loi.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits: MM. Renaud Gautier, Alberto Velasco, Gilbert Catelain, M. le rapporteur et Mme la conseillère d'Etat. Je donne la parole à M. Renaud Gautier...
M. Renaud Gautier. Je renonce, Madame la présidente !
La présidente. Dans ce cas, je la donne à M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Je regrette simplement les propos de notre collègue Catelain. Ce n'est pas parce que nous sommes en période électorale qu'il faut s'enflammer comme ça ! Vous serez élu, Monsieur Catelain ! (Rires. Exclamations.)Si votre groupe obtient le quorum, me disent mes collègues. Mais ça, c'est autre chose... Ce qui est clair, Monsieur Catelain, c'est que vous devriez être mieux informé par vos collègues qui siègent en commission. Comme l'a dit M. Weiss, il y a eu unanimité dans ce projet. Et si vous revenez ainsi en plénière, on ne comprend plus rien: a quoi sert-il d'avoir des commissions, s'il faut refaire le débat ici ?
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, le rapport est clair. La situation du STG mérite que nous votions ce projet. Et que nous le votions ce soir, Monsieur Catelain ! C'est urgent.
En ce qui concerne mon groupe, nous appuyons totalement le vote de ce projet. (L'orateur est interpellé.)Exceptionnellement, Madame la présidente, en fin de législature, pour une fois je suis d'accord avec M. Weiss. Pour une fois ! (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Je ne veux pas revenir sur l'aspect technique mais sur l'aspect politique de ce projet. Mon collègue Robert Iselin, qui est un peu l'aristocrate de cette honorable assemblée, a fait toute confiance au Conseil d'Etat... (Commentaires. Brouhaha.)... et lorsque ce projet de loi a été traité ce printemps en commission et que le rapport a été déposé au mois de juin, M. Iselin était persuadé, comme nous tous, que le Conseil d'Etat allait nous livrer un budget qui respecterait le plan financier quadriennal. (Exclamations.)Malheureusement, comme vous le savez - et M. Weiss, le premier, a dit qu'il ne soutiendrait pas un budget qui ne respecterait pas le plan financier quadriennal et qu'en conséquence il ne voterait même pas son entrée en matière - eh bien, dans ce projet de loi, il est stipulé à l'article 2 concernant le budget d'investissement: «Ce crédit est réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 2005 sous la rubrique 17.00.00.506.58.» J'imagine alors que, si ce projet est indispensable - et qu'il faille le voter en urgence - cela veut dire qu'on va débloquer l'argent du crédit d'investissement, nous sommes d'accord. Encore faut-il avoir un budget ! Et comme, apparemment, cela ne risque pas d'être le cas - puisque même M. Weiss a dit à l'Agence télégraphique suisse qu'il était prêt à travailler sur la base des douzièmes provisionnels - donc, et par esprit de cohérence, je ne peux que poursuivre dans la voie consistant à ne pas entrer en matière sur un projet dont on vous proposé de ne pas voter l'urgence. Non pas parce que nous sommes contre le projet, mais parce que nous attendons le budget 2006 pour savoir s'il correspond au plan financier quadriennal afin qu'alors nous puissions le voter.
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. J'aimerais faire deux observations. Je comprends la deuxième intervention de M. Catelain et ses motifs, mais cela n'explique pas le fond. Vous auriez quand même dû lire avec plus d'attention, pour votre profit, le projet de loi et les rapports, tels qu'ils sont présentés. En effet, Monsieur Catelain, si nous ne procédons pas à cet investissement, nous dépenserons beaucoup plus d'argent. Un des problèmes posés ici fait d'ailleurs l'objet d'une question constante: on ne peut pas toujours garantir que les réponses qui nous sont données soient favorables. Dans ce cadre-là, les réponses, aussi bien dans les scenarios prévus qu'auprès des différents corps de métiers chargés de se pencher sur l'avenir informatique, nous ont démontré que si l'on ne mettait pas en place ce système, cela coûterait beaucoup plus cher.
Je veux juste vous donner quelques chiffres, même si je ne sais pas si je suis encore en mesure de vous faire comprendre ou accepter quelque chose. Le nombre des dossiers traités par le STG augmente de 10% par année - il a augmenté de 29% ces trois dernières années; ce sont 172 millions de francs d'entrées et de sorties d'argent qui sont brassés; une interface est nécessaire entre les différents services - entre celui du Tuteur général, bien sûr, mais aussi ceux de l'Office cantonal de la population, de l'Office cantonal des personnes âgées, des Hôpitaux universitaires de Genève, de l'AVS, de la comptabilité financière intégrée, des systèmes d'information et de l'apprentissage. L'ensemble de ces services se trouveront «interfacés», disons en interfaçage, ce qui permettra d'établir des passerelles informatiques afin de mieux gérer l'ensemble des dossiers. Il s'agit tout de même d'un équipement pour 130 collaborateurs de l'Etat qui, je le répète, doivent gérer environ 172 millions de francs d'entrées et de sorties - il n'est donc pas complètement idiot de vouloir les gérer correctement.
C'est pourquoi la mise en place de l'application présentée me paraît judicieuse, contrairement à d'autres, moins convaincantes. Cette application permettra d'économiser des ressources humaines et, ainsi, de donne la possibilité au personnel de faire autre chose que les tâches répétitives qu'un ordinateur peut exécuter. Je vous propose donc d'accepter ce projet de loi, sans quoi plus de dépenses encore seront occasionnées.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Ceux qui se sont donné la peine de lire l'exposé des motifs du projet de loi et le rapport de la commission des finances auront compris, s'agissant des services du tuteur général et de la protection de la jeunesse, que le logiciel était indispensable à la collaboration avec les services et à la modernisation d'une forme de travail, attendue depuis très longtemps. Il a fallu des années pour arriver, sur le plan administratif, à élaborer une solution qui convienne à l'ensemble de ces services.
Aujourd'hui, nous n'en sommes pas à discuter de l'organisation du travail mais du bien-fondé d'une solution. Ceux qui auront lu le rapport, M. Catelain en tête, auront constaté qu'à un endroit on mentionne la procédure AIMP, c'est-à-dire d'adjudication de marchés publics; cela correspond à rechercher la possibilité de progiciels qui ne soient pas nécessairement fabriqués par le CTI. Il faut savoir une chose, Monsieur Catelain: chaque fois qu'il est possible de sous-traiter ou d'acheter une solution sur le marché, le CTI le fait. L'ordre des priorités des projets prévoit, dans les réponses préliminaires pour retenir les projets de lois, qu'on doive avoir préalablement examiné s'il existe des solutions dans d'autres cantons, s'il est possible de collaborer avec ces derniers, s'il est possible d'acquérir d'autres logiciels ou s'il est nécessaire de faire un développement. Ici, il ne s'agit pas de cela et ce n'est pas le sujet du débat. Mais j'aimerais vous dire aussi que les collaborations avec les cantons n'ont pas toujours donné des merveilles dans tous les domaines: on a dû parfois, en cours de route, abandonner des solutions avec d'autres cantons, tout simplement parce que la solution proposée n'arrivait pas à son terme. Tout n'est jamais facile ! Cependant, je crois pouvoir dire qu'aujourd'hui le travail réalisé dans ce dossier, tant par le CTI que dans la maîtrise de l'ouvrage, est un bon travail. Et si vous vouliez vraiment choisir une cible, ce n'est en tout cas pas celle que j'aurais retenue.
Si vous lisez le projet de loi, vous verrez que les crédits commencent en 2005, qu'ils sont inscrits au budget 2005, qu'ils l'ont été après sélection et définition de l'ordre des priorités par le Conseil d'Etat, et que c'est la nécessité qui fait loi. Je vous propose donc d'adopter, sans plus de formalité, ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 47 oui contre 3 non et 1 abstention.
La loi 9465 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9465 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 45 oui contre 2 non et 2 abstentions.
Premier débat
M. Thomas Büchi (R), rapporteur. Vu le nombre de personnes qui se trouvent à la buvette, je voulais faire une dénonciation anonyme à ce propos, mais je renonce...
Je voudrais remercier ce Grand Conseil qui, à une voix près, a accepté le traitement en urgence de ce projet de loi. Cela me permet, en tant que rapporteur, d'intervenir encore une fois, et après douze années de fidèles et loyaux services, sur un débat qui me paraît quand même intéressant, surtout en fin de législature. Merci, Monsieur Mettan Merci, Monsieur Portier !
«La dénonciation anonyme, cela évoque Vichy. C'est la porte ouverte à la calomnie.» Ce n'est pas moi qui le déclare, c'est M. Jean-Pierre Laudy, délégué syndical CFE-CGC, qui le disait dans le journal «Le Point» du 26 février 2004, en traitant du même sujet que celui que nous examinons ce soir.
Ce projet de loi est issu d'une motion qui a été votée il y a quelques années dans notre parlement, c'était la motion 1360 qui traitait déjà de la même problématique. Cette motion avait été refusée en commission et, par un tour de passe-passe un peu inhabituel dans notre parlement, il y a eu un retournement en plénière et la majorité du parlement a accepté cette motion, trouvant que les dénonciations anonymes devaient cesser. Malheureusement, le Conseil d'Etat, qui se satisfait très bien de la législation actuelle, n'a pas donné suite à la motion qui, dans un tiroir, est restée lettre morte.
C'est pourquoi un certain nombre de députés ont jugé utile et bon pour notre République de dire: «Légiférons et déposons un projet de loi pour amener un changement de ces pratiques.» Nous avons eu un débat très animé en commission, je dirai même qu'il s'agissait d'un débat fortement marqué gauche/droite - il est suffisamment relaté dans ce rapport pour que je ne m'étende pas davantage. Et tout à coup a surgi un amendement miracle: un amendement très helvétique proposé par M. Pagan, qui a mis plus ou moins tout le monde d'accord mais qui a aussi un peu vidé de sa substance la portée de ce projet de loi. En effet, cet amendement stipule: «Les autorités ne donnent, en principe, aucune suite...». Vous êtes toutes et tous suffisamment experts pour savoir que cela laisse finalement la possibilité au Conseil d'Etat de faire comme il l'entend.
Je ne peux omettre de rappeler que ce projet de loi traite uniquement des cas liés à la procédure administrative et que le droit pénal reste évidemment réservé dans ce domaine-là.
Je voudrais aussi vous dire que notre parlement souhaite, à travers ce projet de loi, affirmer que les pratiques de dénonciation anonyme sont inacceptables dans notre Etat de droit. Les cautionner ne fait qu'engendrer peur, suspicion et insécurité dans notre société, et nous pensons que seule la corbeille peut recevoir des lettres de dénonciation anonyme. Je pense qu'il y aura certainement un débat sur la portée du maintien ou non de l'amendement - je ne suis pas de ceux qui proposent un changement.
Je vous engage, Mesdames et Messieurs les députés, à unanimement entrer en matière sur ce projet de loi et à le voter. Notre République en sortira grandie.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Je signale, à la tribune, la présence d'un de nos anciens collègues, M. Olivier Vaucher. (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers (Ve). Traiter ce projet de loi en urgence ce soir, lors de notre dernière session parlementaire, est vraiment démonstratif du bilan que l'on peut faire des actions de la droite,... (Exclamations.)... beaucoup de bruit, peu d'effets. Car, comme cela a été indiqué dans le rapport, et encore maintenant par M. Büchi, ce projet de loi ne sert à rien. Il pose un principe - nous avons discuté de morale, de philosophie, le débat a été nourri et intéressant, mais, en l'état, ce projet de loi ne sert à rien ! Parce que, d'une part, il essaie de légiférer sur une pratique: aujourd'hui, il n'est pas inscrit dans la loi que des procédures sont ouvertes sur dénonciation anonyme, mais des choses se savent, se sentent, permettant l'ouverture d'une enquête et, éventuellement, d'une procédure. D'autre part, parce que, dans les faits, l'amendement de M. Pagan enlève la substance de ce projet de loi.
Donc, je trouve assez significatif qu'avec 168 points à l'ordre du jour, avec d'immenses problèmes de dettes, de logement, d'école, etc., la majorité de droite de ce parlement décide - après avoir essayé de proposer le traitement en urgence de deux projets de lois de l'Alliance de gauche - d'examiner, ce soir, ce projet de loi ! Vous n'avez rien à dire, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, vous n'avez rien eu à proposer pendant ces quatre ans ! (Protestations.)Et la mise à l'ordre du jour de ce projet de loi n'en est que la démonstration.
Sur le fond de ce projet de loi, les choses ont bien été résumées par M. Büchi. Le Conseil d'Etat a été clair en commission: aujourd'hui, les procédures ne sont pas ouvertes sur la base de dénonciations anonymes. Une dénonciation anonyme parvient à son destinataire, dans la plupart des cas elle finit dans la corbeille, parfois elle met la puce à l'oreille d'un fonctionnaire qui décide alors d'en savoir un peu plus. Cette puce à l'oreille, le fonctionnaire peut aussi l'avoir pour d'autres motifs: peut-être pour des problèmes de construction, en se baladant dans le quartier concerné, ou en apprenant des choses par hasard, par l'intermédiaire de quelqu'un, ou en prenant connaissance de faits par une dénonciation non anonyme... Bref, l'administration dispose de différents moyens pour prendre connaissance de fraudes administratives pouvant se produire dans notre République. Si je m'accorde avec le rapporteur pour dire que l'anonymité n'est pas ce qui honore le plus grandement l'auteur de la dénonciation, je pense toutefois qu'elle peut s'avérer utile dans certains cas.
Alors, sur quoi portent les objets concernés par cette dénonciation anonyme ? On a auditionné le Conseil d'Etat et appris que ces objets portent sur deux domaines principaux: le séjour illégal des personnes sans papiers, dénoncées par des voisins - c'est l'argument que les libéraux ont très volontiers soulevé. Le second domaine - et cela fait d'autant plus sourire lorsqu'on sait qui est l'auteur de cette proposition - a trait aux enjeux fiscaux, il s'agit de dénonciations portant sur des fraudes fiscales. Si l'on connaît les opinions politiques et les activités de ceux qui défendent ce projet de loi ce soir, on ne peut pas s'empêcher de penser que ce projet de loi n'est qu'une manière d'affaiblir l'action de l'Etat dans son devoir de recherche - et de manière correcte vis-à-vis de la loi - et de lever l'impôt.
Sur la forme, il n'y a donc aucun enjeu primordial pour la République à parler de cela ce soir. Finalement, le parlement est représentatif de ce qu'il a réalisé ces quatre dernières années. Et sur le fond, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite éventuellement à rejeter ce projet de loi qui ne sert à rien ou , pour ceux qui veulent faire de la morale et de la philosophie, de l'accepter dans son principe, c'est-à-dire tel qu'il ressort de la commission des travaux... (L'orateur est interpellé. Brouhaha.)Pardon: de la commission des droits politiques ! Mais restons-en là et parlons des sujets qui concernent vraiment notre République ! (Applaudissements.)
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je rejoins M. Hodgers sur l'inopportunité de placer ce point à l'ordre du jour. Toutefois, puisque c'est fait, cela permettra de déblayer un peu cet ordre du jour.
Comme l'a dit M. le rapporteur, ce projet de loi a en effet suscité des débats passionnés et, aussi, relativement intéressants à certains égards. Bien qu'en principe nous soyons également opposés aux dénonciations anonymes, il est effectivement un peu réducteur de vouloir trancher forcément cette question par un oui ou par un non. Il n'est pas acceptable de prétendre, comme certains l'ont fait, que ceux qui sont contre toute dénonciation anonyme feraient preuve d'éthique et pas les autres.
A ce propos, je voudrais relever un passage du rapport, qui indique - en fait, il veut défendre les faibles parce qu'ils auraient tendance à recourir à la dénonciation anonyme: «L'objectif du régime démocratique est de soutenir les faibles, de les aider à faire valoir leurs droits et non pas de les conforter dans leur état de faiblesse. Il faut responsabiliser les faibles pour qu'ils se renforcent.» (Exclamations.)Eh bien, c'est une belle profession de foi ! Le problème, c'est que les partisans de cette opinion sont, en général, aussi ceux d'une déréglementation et d'une libéralisation qui, justement, contribuent non pas à défendre les personnes les plus démunies mais à les enfoncer ! (Brouhaha.)
Cette parenthèse étant fermée, je reviens aux travaux de la commission. Nous avons auditionné Mme Brunschwig Graf ainsi que M. Cramer. Tous deux - et Mme Brunschwig Graf tout particulièrement - ont clairement mis en évidence que l'anonymat n'était pas un critère déterminant pour l'ouverture d'une procédure pénale. Ils nous ont affirmé qu'en effet les dénonciations anonymes n'étaient pas du tout la seule cause de l'ouverture d'une procédure et qu'il fallait disposer de tout un dossier pour cela. A ce sujet, ils nous ont assuré que l'administration était particulièrement prudente dans ce domaine et qu'il n'y avait pas d'abus, cela a été confirmé à plusieurs reprises.
En fait, dans sa teneur initiale, ce projet était tout à fait inopportun. C'est même une action de défiance vis-à-vis de l'exécutif et de l'administration qui est un peu vue comme une espèce de «Big Brother» qui allait commettre des abus et qui, faisant feu de tout bois, utiliserait des dénonciations anonymes pour, ensuite, violer les droits des citoyens. Tout cela n'est absolument pas crédible. Pourtant, lors des travaux de la commission, nous avons accepté l'amendement de M. Pagan, qui diminue fortement la portée de ce projet de loi.
Au final, nous nous abstiendrons sur ce projet de loi parce qu'il n'est pas nécessaire de légiférer en la matière. Nous soutiendrons l'amendement de M. Pagan, et non pas celui de M. Halpérin. Mais, pour l'instant, nous nous abstiendrons sur ce projet de loi.
M. Robert Iselin (UDC). Je n'agis pas ici pour simplement obéir à mon président, je suis suffisamment indépendant pour ne pas réagir de cette manière. Mais je pense qu'il est utile, pour cette République, que l'opprobre soit jeté définitivement sur les dénonciations anonymes. C'est une honte ! Et les gens doivent le savoir.
On peut contester le bien-fondé de l'amendement apporté par mon président à cette loi; je pense au contraire qu'il est assez bienvenu parce qu'il permettra aux fonctionnaires d'appliquer et, éventuellement, de s'inspirer d'une dénonciation anonyme, surtout si elle est répétée.
Je le redis: la dénonciation anonyme est une chose affreuse qui doit être absolument interdite. (Brouhaha.)On a suffisamment traîné... (Commentaires. Brouhaha.)On a suffisamment traîné après la motion déposée en 2002 par - si je ne me trompe pas - le parti libéral. C'est pourquoi je pense qu'il est urgent d'approuver cette loi, qui ne peut faire que du bien à l'atmosphère de la République, d'autant plus que, comme on l'a déjà relevé, elle ne touche pas le secteur pénal mais uniquement le secteur administratif.
La présidente. Merci, Monsieur Iselin. Je passe la parole à M. Roger Deneys. (Protestations.)
Une voix. Non ! Non ! Non, c'est d'abord M. Halpérin !
La présidente. Je vous prie de m'excuser - c'est vrai, j'ai sauté une ligne. Je donne la parole à M. Michel Halpérin.
M. Michel Halpérin (L). C'est la première fois que le parti socialiste me laisse la préséance, je m'en réjouis.
M. le rapporteur Büchi, tout à l'heure, a fait un très bref historique de cette proposition de législation. Nous avons vécu des moments intéressants lorsque, il y a trois ans, la motion qui était soumise à vos suffrages, a finalement été adoptée. Déjà le débat portait sur le principe et déjà les questions de principe nous tourmentaient. Parmi les arguments des opposants à la motion, principalement deux grands thèmes étaient invoqués. Le premier pouvait être résumé par l'affirmation suivante: «Il est très dangereux d'empêcher que la délation anonyme permette la prévention de la commission d'une infraction grave, d'un crime, d'un délit.» On nous avait parlé de la protection des enfants contre les mauvais traitements, de la protection des locataires, de la protection des syndicalistes et de la nécessité d'avancer masqué pour protéger les intérêts légitimes de ceux qui, paraît-il, ne pouvaient pas se démasquer. Le parlement avait alors fait justice de cette mauvaise conception des choses. Je dis «mauvaise conception des choses» parce qu'elle reposait sur une idée simple mais fausse - comme souvent les idées simples. Cette idée simple, on l'a réentendue il y a une minute, probablement par lapsus - mais révélateur, comme souvent - dans la bouche de Mme Fehlmann Rielle, qui nous disait: «en matière de procédure pénale, nous avons parfois besoin de la délation anonyme.» Mesdames et Messieurs les députés, il est peut-être utile que je le rappelle: il ne s'agit pas de procédure pénale, il ne s'agit que de procédures administratives. C'est-à-dire que les enjeux ne sont ni la protection de la santé, ni la protection de l'intégrité corporelle, ni celle du patrimoine, ni même celle de l'intégrité de nos foyers ou de notre honneur. On ne parle que de contraventions à des lois administratives qui ne sont pas de celles dont la violation met en danger la République. C'est le premier point dont il faut se souvenir.
Le deuxième point sur lequel je voudrais m'arrêter, parce que cela me paraît important aussi, c'est qu'il n'est pas vrai que les délations anonymes n'aboutissent pas à l'ouverture de procédures administratives. Et apparemment, il y a trois ans, certains commissaires ont été convaincus par les représentants du Conseil d'Etat qui avaient dit: «Mais non, de toute façon nous ne donnons pas suite.» Ce n'est pas exact. Nous savions - le rapporteur de minorité de l'époque ou, en tout cas, l'un des intervenants qui avait été lui-même à la tête d'un département se le rappelait fort bien - que les deux tiers ou les trois quarts - je ne sais plus - des enquêtes conduites dans son département démarraient sur la base de dénonciations anonymes. Et j'ai été moi-même le témoin de la rapidité phénoménale, toute contraire à ce qui est décrit dans le rapport, avec laquelle, par exemple, sur un simple coup de téléphone, l'inspection des constructions se met en marche pour déterminer s'il est vrai qu'un chantier a été ouvert à tel endroit alors qu'une autorisation n'a pas nécessairement été donnée. Donc ça marche !
La question, pas très compliquée à comprendre, qui est posée est en effet une question de principe et se limite à ceci: il n'est pas question d'empêcher les citoyens ayant connaissance de faits relevant de la violation du droit de les porter à la connaissance des autorités. La question, aujourd'hui comme il y a trois ans, est celle de savoir si nous devons permettre aux délateurs de s'abriter dans l'anonymat. L'anonymat est le seul sujet de cette proposition de loi ! Nous pensons - je dis «nous», les auteurs du projet, c'est-à-dire les auteurs libéraux, démocrates-chrétiens, radicaux et UDC - qu'il n'est pas acceptable, dans une République comme celle-ci, de donner des signaux d'encouragement à une activité qui est lâche et qui est généralement repoussante. Pourquoi ? Parce que ceux qui se dissimulent dans cette turpitude le font parce qu'ils ont honte de leur action. Et ils en ont honte parce que, très souvent, leur action est dictée par des considérations méprisables qui sont: l'envie, la jalousie ou le mépris de son voisin. Ce Grand Conseil l'avait compris il y a trois ans, lorsqu'il avait adopté la motion.
La question que nous - les auteurs du projet de loi - nous sommes aujourd'hui posée est de savoir, non pas si les auteurs de délations anonymes étaient acceptables ou moralement fréquentables - la réponse, nous l'avons donnée il y a trois ans, et c'est non - la question est de savoir si nous pouvons nous satisfaire, après le vote d'une motion par cette assemblée, du silence persistant du Conseil d'Etat ! A cela, notre réponse est aussi négative ! Lorsque nous constatons que nos motions ne sont suivies d'aucun effet sur un sujet d'importance éthique et philosophique - et c'est bien la première fois que j'entends, dans cette enceinte, un représentant des Verts nous expliquer, avec une touche de mépris dans la voix, que les sujets philosophiques et éthiques ne l'intéressent pas - eh bien, nous avons, dans cette assemblée, le devoir de transformer l'essai ! Et puisque la motion n'a pas suffit à ce que les principes soient appliqués, alors il faut appliquer une loi qui nous libère des principes.
J'ajoute que, lors de son audition, un représentant du Conseil d'Etat - c'est ce qui nous est indiqué par le rapport - a précisé qu'il ne fallait pas faire de divisions arbitraires entre les dénonciations non anonymes et les dénonciations qui l'étaient, parce que cela plongerait les fonctionnaires dans un cruel embarras. Les dénonciations non anonymes, ils devraient les suivre, et les dénonciations anonymes, ils devraient ne pas les suivre, alors que leur statut de fonctionnaire leur fait généralement un devoir - et c'est vrai - de poursuivre les infractions dont ils ont connaissance. Alors, on les écartèlerait en leur rappelant un principe. Mais nous ne les écartèlerons en rien, Mesdames et Messieurs les députés, parce que le principe en vertu duquel les fonctionnaires doivent engager des poursuites, lorsqu'ils ont connaissances d'infractions, c'est nous qui l'avons inscrit dans la loi ! Et si nous mettons une exception à ce principe dans le texte légal, les fonctionnaires qui appliquent avec sérieux les lois que nous votons le suivront.
Il y a trois ans, Mesdames et Messieurs les députés, vous n'avez pas voulu que notre législation couronne les corbeaux. Les corbeaux sont ceux qui trahissent nos institutions et qui dénaturent l'esprit de la démocratie. Ce sont eux contre lesquels, lorsqu'ils mentent en dénonçant, il n'y a pas moyen d'engager des poursuites, parce que le dénonciateur anonyme étant masqué par définition, celui qui est accusé à tort ne peut même pas, ensuite, chercher réparation du préjudice qui lui a été fait. Ce sont ceux-là que vous voulez protéger ? Et ce sont ceux-là que, sans doute involontairement, l'auteur de l'amendement qui a été adopté en commission a introduits dans le texte ! Lorsque le texte vous dit qu'en principe l'administration ne devra plus donner lieu à des procédures administratives, l'auteur vide le texte de sa substance, et c'est la raison pour laquelle les Verts ont suivi l'auteur de l'amendement.
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je propose, par un autre amendement, que nous supprimions aujourd'hui à l'article 10A les mots «en principe». (Exclamations.)Parce qu'il faut que nous ayons le courage de nos opinions !
Mesdames et Messieurs les députés, un dernier mot: j'aimerais comprendre ce qui vous fait si peur dans cette proposition si simple ! On pourrait croire - en lisant les rapports successifs d'aujourd'hui et d'il y a trois ans de la commission des droits politiques - que ce sujet éminemment éthique vous remplit d'émoi, vous transit, et que vous avez peur des décisions que vous pourriez prendre sur un sujet aussi exemplaire. (Protestations.)Mais enfin, de quoi avez-vous peur ? De qui avez-vous peur ? Vous savez bien - et à plus forte raison si les propos de M. Hodgers, que je conteste, sont fondés - que, si cette loi ne sert à rien, elle n'est pas dangereuse, elle est une loi déclaratoire; et si elle sert à quelque chose, elle est indispensable ! Alors, de quoi avez-vous peur ? Est-ce que la fatigue vous saisit chaque fois que l'on aborde un sujet à principe ? Mais si vous, titulaires de la puissance publique, êtes si vite fatigués, alors «les petits, les obscurs, les sans-grade», que devraient-ils dire, eux ? (Exclamations. Rires.)Mesdames et Messieurs les députés, ressaisissons-nous ! (Vifs applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Je pense qu'avec ce genre de projets de lois le problème est, comme l'a dit M. Halpérin, que cela part d'un principe qui énonce: «Toute dénonciation anonyme est potentiellement calomnieuse, fausse. On ne peut pas inculper la personne qui a formulé cette dénonciation, on ne sait ni le nom de l'auteur de cette dénonciation ni si elle est vraie ou fausse, cela pose un problème.» Alors, j'en suis désolé, c'est une façon de présenter les choses qui ne correspond pas à la réalité. On ne peut pas déterminer à l'avance si, parce que ce serait anonyme, ce serait faux, et parce que ce ne serait pas anonyme, ce serait vrai. La justice, tous les jours, prend en compte des dénonciations et, heureusement ou malheureusement, déboute les personnes qui prétendent certaines choses.
Par conséquent, ce n'est pas l'anonymat qui pose problème, c'est le contenu de la dénonciation. Dans ce sens-là, en ce qui me concerne, je suis même assez choqué par ce genre de proposition. Effectivement, on peut mettre une personne innocente en cause, et ce n'est pas juste parce qu'elle n'a pas les moyens de se défendre. Mais, à l'inverse, Monsieur Halpérin, si dans un monde idéal il n'y a pas besoin de dénonciations anonymes, parce que «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil», eh bien, dans la réalité, ce n'est pas comme ça que cela se passe ! (L'orateur est interpellé.)Dénoncer quelqu'un, c'est prendre des risques au niveau professionnel, au niveau social, et pas simplement... (L'orateur est interpellé.)Justement ! Mais si ce n'est pas considéré, si c'est anonyme, c'est ça le problème ! En l'occurrence, l'anonymat permet à certaines personnes qui n'ont peut-être pas les reins assez solides de se protéger, à tort ou à raison. (Remarque.)Monsieur Gros, je n'ai pas de problème avec vos affirmations ! Ce n'est pas Vichy. Je vais, pour vous le démontrer, fournir un contre-exemple. Il s'agit de la feuille d'impôts de M. Calvet, patron de Peugeot, qui a été dévoilée par le «Canard enchaîné», il y a quelques années. Les revenus de ce monsieur ont effectivement été transmis au «Canard enchaîné» de façon anonyme. Mais heureusement que cela a été transmis à la connaissance du public... (L'orateur est interpellé.)Parce qu'en même temps que Peugeot licenciait des employés et diminuait les salaires, on connaissait la feuille de paie de M. Calvet !
Alors, il n'est pas si simple de dire, parce qu'une dénonciation est anonyme, que c'est faux et c'est mal ! (Remarque.)Or le problème est que cette proposition de loi va un peu dans ce sens-là, et nous ne pouvons pas établir un principe sur la dénonciation anonyme.
C'est pourquoi je ne soutiendrai pas du tout ce projet de loi, même si je respecte beaucoup les personnes pouvant être mises en cause à tort lors de dénonciations anonymes. Cela existe, mais cela existe aussi pour des dénonciations qui ne sont pas anonymes.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits: M. Christian Grobet, M. Antonio Hodgers, M. Robert Iselin, M. Pierre Kunz et Mme la conseillère d'Etat... M. Christian Luscher aussi, mais ce sera le dernier.
M. Christian Grobet (AdG). M. Büchi a commencé son intervention par une référence tragique, mais on ne peut pas se référer à un tel fait et affirmer que toutes les informations données anonymement seraient calomnieuses... (Brouhaha.)C'est cela que vous avez affirmé, Monsieur Büchi. (Remarque.)Ce n'est pas à vous que j'ai parlé, Monsieur Halpérin, j'en aurai l'occasion tout à l'heure, parce qu'il est vrai que vous nous avez donné une excellente leçon de modestie... (Rires. Brouhaha.)... et j'en suis très admiratif. Mais je réponds simplement à M. Büchi, et je dirai...
Une voix. Vous avez déformé mes propos !
M. Christian Grobet. Ecoutez, je ne déforme rien du tout, vous relirez le Mémorial. Vous avez lu une phrase, vous avez déclaré que les dénonciations étaient calomnieuses... Très souvent, ce sont les déclarations faites publiquement par un certain nombre de personnes qui sont calomnieuses ! Tous les jours, on peut lire des interventions dans la presse, notamment en cette période électorale, où l'on accuse tel ou tel magistrat... (Exclamations.)... d'un acte de forfaiture qu'il n'a pas commis ! Ou tel ou tel président d'assemblée qui accuse d'autres députés d'avoir violé une loi alors qu'on ne l'a pas violée du tout. Donc, on peut donner beaucoup d'exemples d'accusations, je ne veux même pas dire «calomnieuses» ou «diffamatoires» mais tout simplement fausses, qui sont portées l'encontre d'autres personnes - et qu'une certaine presse se fait un plaisir de colporter puisqu'il s'agit d'attaquer d'autres personnes.
Au cours de mes années d'expérience - expérience assez longue - que ce soit en tant que magistrat ou en tant que député, j'ai reçu énormément d'informations de personnes inconnues. Je vais vous dire une chose, Monsieur Büchi: neuf fois sur dix, ces informations étaient exactes ! Alors, que devais-je faire ? Je devais les mettre à la corbeille à papier - comme vous l'inscrivez dans votre rapport - parce que quelqu'un, non pas par manque de courage mais parce qu'il ne le pouvait pas, n'a pas révélé son identité ? Combien de personnes...
Une voix. Pourquoi ?
M. Christian Grobet. Je vais vous le dire - et j'en suis affligé: parce qu'aujourd'hui j'ai entendu des personnes, lors de la campagne de la votation du 25 septembre, me déclarer qu'à l'aéroport de Genève - un établissement public - non seulement les gens n'osaient pas dénoncer des cas de dumping qui m'ont été rapportés, mais qu'il n'osaient même pas dire quelles étaient leurs intentions de vote. C'est terrible, dans une démocratie, quand des gens n'osent même plus dire comment ils vont voter ! Les gens, aujourd'hui, que vous le vouliez ou pas - mais vous n'êtes pas proches des petites gens, Monsieur Halpérin et Monsieur Büchi... (Remarque. Brouhaha.)Les gens n'osent plus s'exprimer ! Pourquoi ? Parce qu'ils ont peur de perdre leur emploi ! (Exclamations.)Et vous le savez ! Et vous ne voulez pas qu'un certain nombre de renseignements soient portés à la connaissance... (L'orateur est interpellé.)Je ne vous ai pas interrompu, Monsieur Luscher ! Je comprends que mes propos vous dérangent... (L'orateur est interpellé par M. Christian Luscher.)Je comprends que ce que je vous dis vous dérange, mais c'est la réalité ! Nous vivons aujourd'hui dans une société où les gens, malheureusement, n'osent plus révéler leur identité. (Exclamations. La présidente agite la cloche.)
Et aujourd'hui, vous voulez que l'administration ne s'occupe pas d'informations non identifiées, on sait très bien pourquoi ! Mais comment croyez-vous que le scandale de la Banque cantonale de Genève a été mis en évidence ? Comment le scandale des offices des poursuites et des faillites a pu être rendu public ? (Brouhaha.)Heureusement qu'il y a eu dans l'administration un certain nombre de personnes qui ont osé dénoncer toute une série de scandales ! Mais c'est aux risques et périls de ceux qui ont le courage de dénoncer ces faits - et heureusement qu'un certain nombre de politiciennes et de politiciens osent le faire ! Mais c'est à leur risque et péril, parce qu'il suffit qu'une fois on dise un mot qui n'est pas tout à fait juste et l'on se retrouve devant le tribunal !
Et c'est quand même un comble de voir, alors que des crapules ont commis toutes sortes d'actes incroyables dans les offices des poursuites et des faillites, que personne n'est passé en condamnation pénale devant un tribunal ! En revanche, une des personnes, qui a osé dénoncer le fait que vos amis politiques n'ont pas assumé le rôle d'autorité de surveillance qui était le leur, eh bien, cet homme politique est pénalement poursuivi... C'est quand même le comble ! Les gens qui n'ont pas fait leur boulot, les juges qui n'ont pas voulu s'occuper de cette affaire, eux, s'en tirent comme si de rien n'était ! On constate que les trente-trois personnes qui ont été reconnues responsables par le Conseil d'Etat d'avoir commis des actes illégaux, des actes passibles de sanctions pénales dans les offices des poursuites et des faillites, ne sont toujours pas poursuivies ! Et ne parlons pas de vos amis qui étaient à la tête de la Banque cantonale de Genève... Aujourd'hui, on parle beaucoup de la Banque cantonale ! (Exclamations. L'orateur est interpellé.)Je comprends que cela vous gêne, Monsieur Luscher ! Mais n'oubliez pas qu'il y a dans les comptes de l'Etat des provisions pour 2,7 milliards pour les pertes de la Banque cantonale de Genève et qu'à ce jour personne n'est encore passé en jugement ! Il faudrait donc savoir quelles sont les priorités ! C'est vrai que certaines «petites personnes» ont été poursuivies par le Procureur général. Parce qu'il a bien dit: «Moi, je suis là pour poursuivre aussi bien les gros que les petits» et...
La présidente. Il faudra bientôt terminer, Monsieur Grobet !
M. Christian Grobet. ... mais je constate que les «petits» passent assez rapidement devant le tribunal alors qu'on n'entend toujours pas parler de ceux qui ont été à la tête de la Banque cantonale de Genève !
La présidente. Vous avez parlé durant sept minutes, Monsieur Grobet !
M. Christian Grobet. Qu'on ne vienne alors pas nous donner de leçons de morale - Monsieur Halpérin, vous êtes très mal placé pour nous dire ce qu'il faut faire et ne pas faire !
La présidente. Il faut vous arrêter, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. Je ne vous dirai qu'une seule chose: quand on me téléphonait au département des travaux publics pour me dire: «Il y a une maison qui est actuellement...»
La présidente. Les sept minutes réglementaires sont passées.
M. Christian Grobet. «... en train d'être démolie», je ne savais même pas si le nom de la personne était vrai ou pas, et parfois on ne me donnait même pas de nom. Alors, que devais-je dire ? «Ah, on sait pas qui c'est, il faut surtout pas y aller ! Laissez démolir... Et quand tout sera démoli on verra qui est coupable» ?
La présidente. Je dois vous interrompre, Monsieur Grobet !
M. Christian Grobet. Voilà ce que vous voulez ! Vous voulez protéger un certain nombre de personnes, c'est inacceptable, et nous ne voterons pas votre projet de loi ! (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers (Ve). Finalement... (Brouhaha.)Si vous permettez... (La présidente agite la cloche.)Merci, Madame la présidente ! Finalement, la question centrale qu'il faut se poser, c'est: l'anonymat, est-ce mal ?
Une voix. Oui !
M. Antonio Hodgers. Voilà, M. Louis Serex dit: «L'anonymat, c'est honteux.» Pourtant, il faut savoir où...
M. Louis Serex. Sur les étiquettes de mon vin, je mets mon nom !
M. Antonio Hodgers. Sur les étiquettes de ses bouteilles, M. Louis Serex indique son nom... Maintenant, il y a d'autres exemples: comme le vote, Monsieur Serex ! Le vote est un des grands acquis de la démocratie. Auparavant, et notamment en Suisse, les gens votaient sur la place publique et devaient assumer publiquement leur vote. Et pourquoi le vote est-il devenu anonyme ? Et pourquoi les Nations Unies, qui vont dans les pays en voie de développement pour organiser des élections, insistent toujours sur l'anonymat du vote ? C'est pour protéger les gens ! Pourtant, on pourrait rétorquer: «Mais chacun devrait pouvoir assumer ses opinions politiques»...
Plusieurs voix. Et le vote communal ?
M. Antonio Hodgers. Chacun doit pouvoir assumer ses opinions politiques et, par conséquent, l'anonymat dans le vote est un acte lâche, petit; ce sont les gens qui n'osent pas dire ce qu'ils pensent... (Brouhaha.)
Une voix. Oui, bravo !
M. Antonio Hodgers. S'il vous plaît, soyons sérieux ! Bien que sur le principe - et cela a été dit - l'anonymat puisse être perçu comme une lâcheté, dans la pratique on voit qu'il est souvent le signe d'une faiblesse. Et si cette faiblesse n'est parfois pas légitimée, certaines fois elle l'est pourtant. J'évoquais à l'instant le vote anonyme... Dans notre culture helvétique, l'opinion politique est assez confidentielle, personnelle, familiale et discrète, alors que, dans d'autres cultures politiques, on dit à qui veut l'entendre - dans la rue - pour qui l'on vote. Vous considérez que le secret bancaire,... (Exclamations.)... qui est une espèce d'anonymat des possessions privées au sein de la banque, doit être défendu... (Brouhaha.)
Des voix. Et voilà !
M. Antonio Hodgers. Ce sont des questions d'opinion politique. Il n'empêche que vous ne pouvez pas affirmer, comme vous le faites ce soir, que l'anonymat c'est mal et c'est honteux. L'anonymat est l'acte de faibles.
Quand j'entends M. Halpérin nous faire, avec la voix vibrante, un discours pour nous dire qu'il défend les «petits» de cette République contre «ces corbeaux qui méprisent les institutions»... Mais qui méprise les institutions, Monsieur Halpérin ? Ceux qui fraudent le fisc, ceux qui laissent s'échapper en millions ce qu'ils doivent à l'Etat ? Ou ceux qui les dénoncent, mais qui, par faiblesse - pas par honneur mais par faiblesse ! - n'osent pas signer leur dénonciation ? Qui, de ces deux groupes de personnes, ne respecte pas les institutions ?!
Alors, de quoi avons-nous peur ? De rien du tout ! Nous assumons pleinement nos convictions, nous assumons pleinement que l'Etat fonctionne comme cela. Ce n'est pas une situation idéale, cela a été dit, mais c'est une réalité. Finalement, la peur n'est pas de ce côté de ce parlement, nous n'avons pas besoin d'amener de tels sujets pour prendre la parole trois jours avant les élections. Nous n'avons pas demandé à prendre la parole demain soir, après le discours officiel de la présidente: nous sommes sûrs de nos convictions, nous sommes sûrs de notre bilan dans ce parlement. Je ne crois pas que vous puissiez en dire autant.
M. Robert Iselin (UDC). J'aimerais répondre sur deux points seulement. Un de nos collègues a avancé l'exemple du «Canard enchaîné» - que je lis assez volontiers parce qu'il est plutôt rigolo les trois quarts du temps. (Rires. Brouhaha.)Mais j'avoue espérer que jamais les moeurs françaises de dénonciations, telles qu'elles ont été reflétées par le «Canard enchaîné», ne s'installeront chez nous. Et le fait d'interdire ou de jeter à la corbeille des dénonciations anonymes est une bonne chose. Elles sont l'arme des lâches ! Les types qui sont sûrs de leur affaire, ils le font à visage découvert.
Deuxièmement, un autre député, ici, par une «jésuiterie» sans précédent, est venu comparer ce type d'anonymat avec l'anonymat des votations... J'aimerais lui recommander d'aller faire un tour dans les pays dont je viens, c'est-à-dire du centre de la Suisse allemande. Qu'il aille voir une Landsgemeinde ! Et il verra tout le monde voter à main levée. Je vous signale que, le 21 mai 1536, dans cette République - et il fallait du courage pour le faire - lorsque la population a décidé de vivre selon l'Evangile, la votation s'est faite à main levée. Personne n'a eu la pétoche !
M. Pierre Kunz (R). Il est de bon ton, dans certains milieux, et dans les médias en général - certains un peu plus que d'autres - de se moquer de ce Grand Conseil, de son fonctionnement et du mauvais exemple qu'il donne aux citoyens. Il est vrai que, souvent, à travers l'image déformante de la télévision, nos débats peinent à s'élever; ou plutôt, nous peinons dans nos débats à nous élever au niveau de nos responsabilités. Ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, nous pouvons donner un bon exemple - un vrai bon exemple - aux Genevois. Il s'agit de celui qui consiste à leur dire que la démocratie, si elle peut s'accommoder de la démagogie - elle est bien obligée...
M. Alberto Velasco.Ah non, pas du tout !
M. Pierre Kunz.Mais oui, Monsieur Velasco ! Vous êtes bien placé pour savoir combien certains milieux - que je ne vise pas en particulier, mais suivez mon regard - l'utilisent. Si la démocratie est bien obligée de supporter la démagogie, eh bien, elle ne peut pas supporter la délation anonyme !
Ce soir, nous pouvons donner aux Genevois un exemple qui leur montre clairement que nous, dans ce parlement, nous refusons purement et simplement d'accepter que nos citoyens se comportent de cette manière. Parce que la démocratie est censée aider les gens à devenir meilleurs, plus grands, plus libres ! Et la délation anonyme, c'est précisément le contraire de cette grandeur et de cette liberté.
Voilà pourquoi les radicaux vous invitent non pas, Monsieur Hodgers, à renoncer à l'anonymat, il n'est pas question de cela, mais à renoncer à la délation anonyme. Et non pas d'une manière fade, tiède, en laissant subsister dans la loi les mots «en principe»; mais d'une manière claire, déterminée, exemplaire pour nos concitoyens, en supprimant ces deux mots qui enlèvent effectivement à la loi tout le côté exemplaire que nous pouvons, nous, en tant que députés, lui donner.
Ce soir, les radicaux demandent clairement que le vote soit nominal. (Applaudissements.)
M. Christian Luscher (L). Ce soir, je suis assez effaré, je dois le dire, par le caractère relativement haineux des propos tenus par certains membres de notre parlement. Cela donne l'impression qu'ils ont beaucoup à craindre de cette suppression de la dénonciation anonyme. La preuve, c'est que l'on mélange à peu près tout: le débat politique, le débat judiciaire et les délations anonymes, on mélange le pénal avec l'administratif. Il a été dit haut et fort dans ce parlement que la proposition qui vous est soumise n'a strictement rien à voir avec le droit pénal. Il n'est pas question de protéger ceux qui commettent des infractions contre la famille, contre l'intégrité corporelle, ou des infractions ayant trait à la sexualité, à la violation du patrimoine, etc. On n'est pas du tout dans un débat qui concerne cela !
Lorsque M. Grobet, à dessein, mélange ces divers domaines, je dis que le débat dérape totalement. Quand vous parlez de l'office des poursuites et des faillites et de la Banque cantonale de Genève, Monsieur Grobet, vous tenez un discours qui est faux, et vous le savez pertinemment, parce que lorsqu'on parle de l'office des poursuites et des faillites on sait qui a déposé plainte et qui est poursuivi. Les personnes poursuivies peuvent se défendre et elles font l'objet d'accusations précises. On sait de qui ces accusations émanent, que ce soit d'accusateurs privés ou publics, et les personnes qui font l'objet de ces accusations et de procédures pénales peuvent faire valoir tous les droits que reconnaît tout état démocratique: le droit de se défendre, le droit d'être entendu, le droit de savoir qui est son accusateur et le droit d'être confronté à son accusateur pour pouvoir se défendre.
Vous parliez des «petits» qui, eux, étaient immédiatement poursuivis devant les tribunaux - je pense que vous faites allusion à votre voisin de gauche. Or votre voisin de gauche, lorsqu'il est accusé, connaît son accusateur: parce que votre voisin a droit à un procès équitable dans lequel il y a un dénonciateur, une partie civile qui est venue porter plainte à visage découvert, et parce que la personne accusée a le droit d'être défendue - visiblement, elle l'est bien, puisque c'est vous qui la défendez. Par conséquent, tous les éléments du procès équitable sont respectés, ce qui n'est évidemment pas le cas lorsqu'il y a une dénonciation anonyme. Et une dénonciation anonyme pourrait vous toucher, vous, Monsieur Grobet ! Elle pourrait toucher n'importe lequel des députés dans cette salle, n'importe quel citoyen ! Si vous, Monsieur Grobet, étiez demain accusé d'être un tricheur, de ne pas déclarer au fisc vos jetons de membre du Conseil de fondation de la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève, et si vous étiez accusé de ne pas déclarer votre cachet de retraité du Conseil d'Etat, eh bien, ce jour-là, on vous porterait préjudice ! (Protestations.)Et vous auriez le droit de poursuivre pour diffamation la personne qui vous a dénoncé, vous auriez le droit de la traîner devant les tribunaux ! Et si vous ne saviez pas qui est cette personne, évidemment que vous n'auriez alors pas le droit de vous défendre ! Vous seriez alors privé de l'une des composantes essentielles du droit démocratique, qui est de pouvoir être confronté à son accusateur, et vous seriez privé de ce à quoi vous avez droit.
Nous vivons dans un Etat démocratique. Nous vivons dans une République. Nous avons tous, vous et moi, le droit de savoir qui nous accuse - d'un délit fiscal, de l'édification illicite d'un mur un peu trop haut, etc. - parce que nous avons le droit de connaître la motivation de la personne qui nous dénonce, de même que l'identité de cette personne, et nous devons avoir la possibilité de nous confronter à elle. Alors, je suis effaré que certains osent encore aujourd'hui... Alors que nous sortons d'un siècle durant lequel - principalement dans la première moitié du XXe siècle - la délation a mené à des choses épouvantables, pas seulement sur notre continent, aussi sur celui dont vous êtes originaire, Monsieur Hodgers... Parce nous savons ce qu'ont donné certains excès en l'absence de démocratie, et la délation anonyme est synonyme d'absence de démocratie !
Ce soir, nous devons donner à notre République, à nos citoyens, un signe absolument clair: nous ne pouvons pas, en tant que législateurs, accepter les dénonciations anonymes. Faisons en sorte que notre état de droit soit respecté ! (Applaudissements.)
M. Thomas Büchi (R), rapporteur. M. Hodgers l'a rappelé en début de débat, ce débat est «sans importance» et «n'est pas utile» pour l'avenir de notre République... Pourtant, quelle passion ! Je dirai même: quelle haine n'a pas été exprimée depuis une heure !
Monsieur Grobet, vous m'avez à nouveau calomnié - c'est vrai, à visage découvert - vous m'avez pris à partie, et je vais vous répondre. Que savez-vous de ce que je peux penser des petites gens ? Je vous dirai qu'en douze ans au parlement jamais je ne vous ai calomnié et jamais je ne vous ai manqué de respect. En tout cas, j'ai eu le privilège de pouvoir concevoir des ouvrages qui ont donné du travail à des centaines de personnes qualifiées. (Commentaires. Brouhaha.)Alors, à chacun ses préoccupations ! Une chose est sûre: certains de ces ouvrages seront encore debout à Genève quand vous aurez disparu de la scène politique. (Exclamations.)
Monsieur Deneys, après vous avoir écouté, j'espère que vous ne serez jamais victime d'une dénonciation anonyme. J'ai des amis très proches à qui c'est arrivé - pas du tout des gens fortunés, croyez-moi - et je vous assure que la dénonciation anonyme met les gens dans un profond état de désarroi: ils sont démunis parce qu'ils ne peuvent pas se défendre, parce qu'ils ne savent pas d'où ça vient.
Eh bien, ces pratiques sont inacceptables, nous devons les combattre ! Si quelqu'un a quelque chose à dire, qu'il le fasse à visage découvert ! C'est comme cela que l'on doit fonctionner dans un état de droit.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je défendrai la position du Conseil d'Etat, comme je l'ai fait devant la commission, mais j'aimerais tout de même dire aux intervenants d'une partie de cet hémicycle - qui ont entendu mes propos en commission - que je ne me sens pas très solidaire de certaines déclarations faites dans cette enceinte. Quelles que soient les paroles que je prononcerai au nom du Conseil d'Etat, je ne les associerai d'aucune manière à la récupération politique qui s'est produite sur un sujet qui mérite une réflexion et mieux que certaines déclarations ! Et ce n'est pas le jour, même si nous sommes à la veille des élections, d'en faire un sujet où chacun règle ses comptes d'une façon ou d'une autre.
Venons-en à la problématique. Le Conseil d'Etat - pas plus que les auteurs du projet de loi - n'entend encourager la délation anonyme. Le Conseil d'Etat n'estime pas qu'il s'agit d'un outil de gestion des affaires publiques. Cela doit être clairement dit, et c'est la raison pour laquelle le projet de loi en tant que tel, comprenant les termes «en principe», ne peut que nous convenir dans la mesure où il énonce ce qui ne devrait pas être un principe. Mais il signifie aussi d'autres choses, et c'est là que j'aimerais relever quelques contradictions.
On a dit dans cette enceinte qu'il ne fallait pas opposer «anonyme» et «non anonyme» - ou plutôt, on a prêté au Conseil d'Etat l'idée qu'au fond il pensait que c'était la même chose. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, il y a deux éléments: il y a ce que l'on doit dénoncer dans le comportement individuel de chacun et le fait de choisir l'anonymat en tant que tel, ce qui, par essence, est quelque chose de pas sain. On doit pouvoir le dire. Les raisons pour lesquelles se produit la délation peuvent être de différentes natures, certains les ont commentées, mais il n'en reste pas moins que ce n'est pas sain et que ce n'est pas, à la base, un comportement souhaitable.
Dans un état de droit et dans une situation où l'administration reçoit des informations anonymes, quels que soient les dérapages pouvant se produire, il n'est pas vrai que le Conseil d'Etat estime normal qu'une dénonciation anonyme serve de prétexte en soi à une action administrative. Je l'ai dit en commission et le répète: une dénonciation anonyme ne peut pas, à elle seule, servir à ce qu'une action administrative soit engagée. Pour diverses raisons qu'il est nécessaire de contrôler un certain nombre de faits ! Cela signifie, si une action administrative est déclenchée, que d'autres éléments permettent d'engager ladite action, et la dénonciation anonyme n'en est qu'une des composantes.
Ce qui m'a finalement le plus fait réfléchir, lorsque je suis allée en commission et pendant ce débat, c'est qu'au fond chacun fait des distinctions, même pour ceux qui combattent l'anonymat, il y a une distinction, puisque, Mesdames et Messieurs les députés, vous distinguez la dénonciation de nature administrative de la dénonciation de nature pénale ! Si je vous entends bien, cela signifie qu'une dénonciation portant sur une chose de nature pénale ne doit pas être traitée de la même façon qu'une chose relevant du domaine administratif. Si je comprends bien l'article de loi, cela signifie qu'on peut, pour des raisons administratives, jeter une dénonciation anonyme à la poubelle; ce qui, a contrario, signifie que, si le sujet traité dans la dénonciation anonyme était de nature pénale, on ne devrait pas le faire... Est-ce cela que vous voulez, Mesdames et Messieurs les députés ?
Ce que j'ai dit en commission, c'est que, parfois, des dénonciations anonymes relèvent du domaine pénal et, de ce fait, peuvent être beaucoup plus dommageables pour les personnes que ne peuvent l'être des dénonciations relevant du domaine administratif. Et les dénonciations auxquelles je me référais en commission, lorsque j'évoquais notamment des cas d'abus sexuels ou de sévices, relèvent du domaine pénal. J'ai dit que si vous faites cette distinction-là, vous mettez des fonctionnaires dans la situation de devoir juger ce qui est pénal de ce qui ne l'est pas et des suites que l'on pourrait donner ou pas dans la poursuite d'une information. Si des fonctionnaires reçoivent des informations et qu'elles leur semblent insupportables lorsqu'elles sont anonymes, elles frappent autant, si c'est injuste, qu'il s'agisse du domaine pénal ou administratif. Et il arrive, Mesdames et Messieurs les députés, que des informations soient données, accusant les gens de forfaits bien autres que ceux consistant à violer le droit fiscal ! Dans ces cas-là, les dégâts sont tout aussi importants, et c'est pourquoi le comportement de l'administration est relativement indistinct. On ne peut pas, sur la seule base d'une dénonciation, déclencher une procédure: il s'agit d'être prudent, de vérifier un certain nombre de faits et de les corroborer.
Alors, je ne comprends pas la distinction que font les auteurs de ce projet de loi; je ne comprends pas comment on peut placer l'administration dans le rôle d'arbitre de ce qui est pénal ou de ce qui ne l'est pas et, ainsi, accorder tout à coup - curieusement - du crédit à l'anonymat, crédit que l'on n'accorderait pas si le délit dénoncé était d'une autre nature. C'est ça, la faiblesse de votre discours ! Et l'on se rend bien compte de la problématique ! C'est la raison pour laquelle l'expression «en principe» permet de régler avec intelligence cette épineuse question. Cela signifie que notre administration n'est pas encouragée à agir sur la base de dénonciations - et je peux le dire pour l'administration fiscale - quels que soient les délits. Ne croyez pas que nous ne sommes pas intéressés à faire entrer de l'argent dans les caisses de l'Etat ! Ne croyez pas que nous ne sommes pas intéressés à faire respecter la loi ! Mais nous ne pouvons pas agir sur la base de dénonciations, anonymes ou non, sans suivre des principes et sans procéder à certaines vérifications préalables. Lorsque les gens sont poursuivis ou lorsqu'ils font ensuite l'objet d'une procédure, c'est parce qu'il est apparu dans leur dossier qu'il y avait simplement de quoi en engager une. Ce n'est donc pas injuste !
Et c'est là le deuxième élément que je trouve curieux dans ce débat... Lorsqu'une procédure est appliquée, elle n'est pas injuste en tant que telle dès lors que son bien-fondé est prouvé; la question est de savoir quelle est sa source et si cette dernière constitue l'unique élément déclencheur de la procédure. Si des poursuites devaient être engagées sur la base de cet unique élément et si l'on ne se contentait systématiquement que de ces seules informations, ce serait inacceptable. En l'occurrence, ça n'est pas le cas. Et les instructions données à l'administration ne consistent pas à la rendre exécutrice de dénonciations anonymes. Les instructions données stipulent qu'en aucun cas une dénonciation anonyme est suffisante pour que soit déclenchée une action - sinon ce serait effectivement totalement anormal. A l'instruction publique, j'ai pu constater des dénonciations de ce type; nous connaissions les auteurs de ces dénonciations, qui ne voulaient pas donner leur nom, et nous leur avons dit: «Nous ne pouvons pas engager de procédure si vous refusez de dire votre nom». Parce que c'était le seul élément qui permettait d'avancer dans un travail ou dans une procédure ! Les choses ne se passent donc pas comme vous l'imaginez. Et, même s'il y a des dérapages, il y a dans l'administration et au sein du Conseil d'Etat une volonté de ne pas cautionner la démarche anonyme. Il y a cependant le devoir de ne pas ignorer des informations et de faire en sorte que, si jamais quelque chose devait être vérifié, cela serait corroboré par d'autres éléments. Il y a aussi des principes de bonne foi et de pragmatisme dans ce genre de cas.
Je vous l'ai démontré tout à l'heure, la limite n'est pas si simple à établir. C'est pourquoi je vous demande de voter ce projet de loi tel qu'il est. Il convient au Conseil d'Etat, non pas pour être laxiste, non pas pour refuser de prendre votre préoccupation en compte, mais pour laisser, dans les affaires de l'Etat, s'exercer le devoir d'appréciation. Personne ne cautionne l'anonymat et la lâcheté. Les choses ne sont pas si simples. Et les présenter de cette façon - si primitive - que l'on se trouve d'un côté ou de l'autre - parce que les discours émanant de l'autre côté étaient tout aussi primitifs - me paraît dommageable. Ce projet de loi était une traduction d'un compromis qui est arrivé à un bon moment - compromis fourni étonnamment par l'UDC, mais tout arrive quand même en matière de compromis... Je trouve que vous auriez avantage à voter ce projet de loi parce que ce débat mérite mieux qu'un affrontement gauche-droite à la veille des élections. (Applaudissements.)Je ne veux pas être applaudie.
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons nous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi. L'appel nominal demandé par M. Kunz est-il soutenu ?
Plusieurs voix. Oui !
La présidente. Il en sera donc fait ainsi.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 9365 est adopté en premier débat par 50 oui contre 27 non et 12 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Nous sommes saisis de deux amendements à l'article 10A (nouveau). Le premier, plus fondamental, consiste à supprimer les mots «en principe» à la deuxième phrase, ce qui donne: «Toutefois, les autorités ne donnent aucune suite aux dénonciations anonymes.»
M. Jean-Michel Gros (L). Sur l'amendement visant à supprimer les mots «en principe», je demande l'appel nominal. Parce qu'il est essentiel de savoir qui soutient la délation anonyme et qui ne la soutient pas. (Protestations.)
La présidente. L'appel nominal est-il soutenu? (Appuyé.)
M. Pierre Guérini (S). Je suis quand même un peu surpris par cet amendement. Nous étions arrivés, dans le cadre de la commission, à un consensus sur l'expression «en principe», et les paroles de Mme Brunschwig Graf nous confirment dans cette optique. Les juristes du DJPS nous ont clairement dit que si l'on supprimait l'expression «en principe», cet article de loi serait contraire au droit fédéral. Cela pose donc un certain nombre de problèmes.
D'entrée de cause, je tiens à préciser que le groupe socialiste n'est pas en faveur de la dénonciation anonyme mais qu'il faut laisser à l'administration, comme cela a été le cas jusqu'à présent. le soin de décider de ce qu'elle devrait faire ou pas.
Par ailleurs, quelle est la notion de l'anonymat ? Dans quelle mesure quelqu'un qui, sous un nom d'emprunt, ferait une dénonciation serait-il poursuivi ? Quelle est la marge d'appréciation de l'administration ? Si l'on donne un nom, un prénom, une adresse et que tout est faux, faut-il alors entrer en matière ou pas ? Si l'on entre en matière, doit-on faire des recherches par rapport à ce nom et à cette adresse ? Et à partir de quel niveau les recherches seront-elles interrompues ? Compte tenu de cela, ce n'est pas acceptable.
C'est le Conseil d'Etat qui, après une séance interne de la commission des droits politiques, a demandé à être auditionné par les membres de cette dernière. Et dans le cadre de l'audition du Conseil d'Etat, Mme Brunschwig Graf a pris... Je pourrais redonner les termes qu'elle a utilisés, d'ailleurs, je vais le faire.
M. Roger Deneys. Ce n'est pas anonyme !
M. Pierre Guérini. En effet ! Voici le texte: «A défaut de pouvoir procéder à des vérifications liminaires, au niveau administratif, les dénonciations anonymes seront systématiquement transmises au Procureur général.» Personne n'a parlé de cela ! Je reprends: «Actuellement, le traitement différencié des dénonciations, en fonction de leur plausibilité et de l'existence d'autres indications d'une infraction, permet d'éviter la transmission systématique au Procureur général. Mme Brunschwig Graf souligne encore une fois que les dénonciations anonymes sont traitées avec prudence et qu'une suite leur est donnée selon le principe de proportionnalité qui est un principe fondamental de notre droit suisse. La formulation de cette disposition - celle qui consiste à retirer l'expression «en principe» et à dire: «L'administration ne donne aucune suite» - est trop carrée. Elle - Mme Brunschwig Graf - ajoute que les cas de mauvais traitements infligés à des enfants ou à des femmes ne relèvent pas seulement du droit pénal. Il y a une phase au cours de laquelle certains éléments relèvent de la procédure administrative. Avec cette nouvelle disposition, il sera impossible d'agir dans ces cas.»
En vertu de tout ce qu'a dit Mme Brunschwig Graf et en vertu de ce qu'elle a dit dans le cadre de la commission, je vous demande de ne pas supprimer le terme «en principe» qui laisse une certaine marge de manoeuvre à l'administration et qui ne rend pas nos fonctionnaires schizophrènes en disposant d'une information dont ils ne peuvent rien faire alors que, potentiellement, elle est pertinente.
La présidente. Merci, Monsieur Guérini. Le Bureau propose de clore la liste des intervenants, soit: Mme Haller, M. Deneys, M. Grobet et M. Gautier.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Je ferai relativement simple. Mme Fehlmann Rielle a tout à l'heure relevé qu'il était écrit dans le rapport de M. Büchi: «L'objectif du régime démocratique est de soutenir les faibles, de les aider à faire valoir leurs droits et non pas de les conforter dans leur état de faiblesse.» M. Kunz a repris cet élément en disant qu'il fallait attendre que les gens deviennent meilleurs... Pour ma part, j'aurais envie de vous demander: et en attendant, que se passe-t-il ?
M. Halpérin a dressé un tableau particulièrement odieux de ces «vils calomniateurs qui n'auraient même pas le courage de témoigner à visage découvert»... Mais peut-être, Monsieur, qu'ils n'en ont pas les moyens ? Peut-être que s'ils témoignaient à visage découvert, ils prendraient des risques, alors qu'aujourd'hui rien ne les protège contre des mesures de rétorsion.
Vous admettez que, sur le plan fédéral, la dénonciation anonyme puisse être admise, et vous la trouvez odieuse quand elle s'exerce sur le plan administratif. Cela n'est pas acceptable ! Cela l'est d'autant moins que vous en dressez un tableau qui n'est simplement pas élogieux et qui critique ces personnes en les assimilant à des corbeaux, ce qui est pour le moins une insulte grave.
Par ailleurs, vous manifestez - Mme Brunschwig Graf l'a relevé - une méfiance de mauvais aloi à l'égard de l'administration. Laissez les gens faire leur travail, faites-leur confiance ! Vous savez, et cela a été relevé, que l'on n'agit pas uniquement sur la base de ce type de plaintes, dont le contenu est vérifié et instruit.
Pour toutes ces raisons, l'Alliance de gauche vous invite à refuser cet amendement.
M. Roger Deneys (S). Je me prononcerai sur le fait de mentionner ou pas les mots «en principe». Si l'on renonce systématiquement à prendre en compte les dénonciations anonymes, parce que ce n'est pas «en principe», le problème qui se pose est qu'on ignore la nature des faits. Alors que, selon moi, la dénonciation, anonyme ou non, a deux aspects: son aspect dénonciateur et le contenu de la dénonciation - que dénonce-t-on et qu'y a-t-il derrière ? Mme Brunschwig Graf l'a dit... (Remarque de Mme Brunschwig Graf.)... Non, non... Non, il n'y a pas de problème. Donc, le Conseil d'Etat, dont la position à l'égard de ce sujet a été exprimée par Mme Brunschwig Graf, est sensible à la question de savoir ce qu'il y a derrière la dénonciation. Ce n'est pas l'anonymat qui pose un problème en soi mais plutôt ce qu'il y a derrière, ce que l'on peut étayer ou non par d'autres éléments.
J'interviens également pour relever que je trouve dommage que M. Iselin et M. Halpérin, dans leur manière de s'exprimer, aient globalement jeté l'opprobre sur tous les dénonciateurs anonymes. Ce n'est pas si simple dans la réalité ! Dans certains cas, peut-être que la dénonciation anonyme constitue, pour la personne, la seule solution pour exprimer une chose qui ne lui convient pas ? Parce que tout le monde n'a pas les mêmes moyens de subsistance ni les mêmes relais... Donc, on ne peut pas résumer la dénonciation anonyme à de la lâcheté, c'est trop simple.
C'est pourquoi je considère que cet amendement visant à supprimer «en principe» est de très mauvais aloi.
Je terminerai en disant encore, notamment à M. Luscher, que les comparaisons évoquées - les années sombres d'il y a une cinquantaine ou une soixantaine d'années - me paraissent vraiment de très mauvais aloi ! Parce que comparer la dénonciation anonyme dans un régime dictatorial avec la dénonciation anonyme dans une démocratie, c'est quand même un peu léger, facile et simpliste ! Et ce n'est pas à l'honneur de ce débat.
M. Christian Grobet (AdG). Il faut revenir au texte lui-même, du reste la présidente du Conseil d'Etat a eu raison de le mettre en évidence. (L'orateur est interpellé.)Je ne fais pas du tout de la récupération ! Je dis simplement, après vos propos, Monsieur Luscher, qu'il faut désormais s'attacher au texte de loi lui-même, parce que vous essayez de faire croire qu'il serait question de délations calomnieuses - qui sont effectivement des faits très graves. Si l'on accuse une personne d'avoir commis des actes qu'elle n'a pas commis et qu'on la dénonce, c'est inacceptable ! (L'orateur est interpellé.)Si vous permettez, le texte... Je ne vous ai du reste pas interrompu tout à l'heure, malgré toutes vos remarques: essayez de faire de même, Monsieur Luscher ! Je relève simplement que le texte de loi initial auquel vous voulez revenir stipule: «Toute personne peut porter à la connaissance des autorités des faits susceptibles d'entraîner l'ouverture d'une procédure administrative. Toutefois, les autorités ne donnent, en principe, aucune suite aux dénonciations calomnieuses...»
M. Christian Luscher. Anonymes !
M. Christian Grobet. «Anonymes», pardon ! C'est un lapsus de ma part. Cette fois, vous avez bien fait de m'interrompre, Monsieur Luscher, merci !
On ne peut pas dissocier la deuxième phrase de la première, car des faits qui seraient simplement portés à la connaissance des autorités et qui pourraient entraîner l'ouverture d'une procédure administrative devraient, même s'ils étaient vrais, être écartés parce que la personne qui les a indiqués n'a pas donné son identité. (Commentaires. Brouhaha.)Et il n'est tout simplement pas possible de dire à l'administration... Parce qu'il s'agit d'un domaine dont je m'occupais, je vais donner des exemples concrets: demain, quelqu'un va au département des travaux publics en disant: «J'ai constaté qu'il y a de l'amiante dans un plafond», et cette personne ne donne pas son identité...
M. Jean-Michel Gros. A la poubelle !
M. Christian Grobet. Le fonctionnaire devra mettre cette déclaration à la poubelle... Bravo, Monsieur Gros ! Parce que, en ce qui concerne l'amiante, on connaît les effets désastreux qu'il peut avoir sur la santé des personnes qui fréquentent le bâtiment concerné ! Or les questions de sécurité dans un bâtiment sont extrêmement importantes: dans un ascenseur, il peut y avoir des défauts susceptibles d'entraîner des invalidités, si ce n'est des décès; sur la voie publique, il peut y avoir des tranchées creusées qui sont mal étayées et où des ouvriers peuvent être ensevelis parce que les planches ne sont pas sécurisées; il peut y avoir des machines de chantier, des grues ou des échafaudages non conformes pouvant mettre en péril la vie des travailleurs... Et, lorsque des anomalies de ce type seraient signalées à l'inspectorat des chantiers ou à l'inspectorat de la sécurité du département des travaux publics, on devrait - comme le dit M. Büchi - mettre toutes ces informations à la corbeille ?! Mais ce que vous dites est indécent ! (Brouhaha.)C'est indécent ! (Exclamations.)Et c'est un devoir de l'administration de vérifier si une information, qui pourrait être exacte, l'est ou pas. J'estime donc que celui qui ne ferait pas cette vérification assumerait une très grande responsabilité. En effet, aujourd'hui on ne laisse rien passer à personne; et chaque fois qu'il y a un accident ou quoi que ce soit on cherche un responsable ! Et c'est toujours l'autorité qui est finalement mise en cause ou c'est prétendument l'autorité qui ne surveille pas assez ou n'est pas assez attentive à de telles questions... Je trouve que vous êtes totalement irresponsables !
Deuxième exemple. Prenons celui d'une personne qui dénoncerait quelque chose uniquement dans le but d'embêter quelqu'un... Cela peut arriver, je pense que cela représente un cas sur dix - je suis très généreux, il s'agit plutôt d'un cas sur vingt. Donc, cela existe - c'est malheureux - et que fera l'administration lorsqu'elle recevra une dénonciation de ce type ? Elle examinera d'abord, dans la plus grande discrétion, si le fait reproché est vrai ou faux. Evidemment que si l'administration constate qu'on lui a donné un élément d'information qui est faux, eh bien, il finira précisément dans la corbeille à papier ! Je ne vois pas l'administration rendre publique une information confidentielle et, de surcroît, fausse... Ce serait extrêmement grave. Les fonctionnaires sont liés par le secret de fonction, et je ne vois pas un fonctionnaire rendre publique une dénonciation calomnieuse qu'il aurait reçue. Dans ce cas, il violerait gravement son devoir de fonctionnaire et le serment auquel il est astreint.
Il est bien entendu que le fonctionnaire doit examiner si le fait dénoncé est exact ou non. S'il est exact, le fonctionnaire doit prendre les mesures de protection nécessaires, qu'elles soient pénales ou non. Et vous savez que la limite est extrêmement difficile à déterminer parce que, dans la plupart des lois, il y a des sanctions pénales - ce sont des amendes relevant de ce qu'on nomme «le droit pénal administratif». Donc, on ne peut pas simplement dire: «C'est tout à fait normal et c'est la moindre de choses que la police...». La police, effectivement, n'intervient que sur la base de renseignements qui lui sont donnés. Et neuf fois sur dix de manière anonyme - demandez cela à n'importe quel policier, il vous le dira. Alors, pourquoi...
La présidente. Il faudra terminer, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. Et pourquoi un fonctionnaire ne pourrait-il pas aussi recevoir des informations de ce type ? Il les vérifie ! Mais croyez-vous que le policier qui reçoit une fausse information - parce que les dénonciations médisantes sont peut-être plus nombreuses auprès de la police qu'auprès de l'administration - eh bien, croyez-vous qu'il va la divulguer sur la place publique pour discréditer quelqu'un d'innocent ? Vous avez une drôle de conception de la fonction publique, je me permets de le dire ! Vous souriez, Monsieur Luscher... J'ai été douze ans dans l'administration et je peux dire que les fonctionnaires sont extrêmement attentifs à leur secret de fonction et qu'ils savent comment traiter ce genre d'informations. (L'orateur est interpellé.)Et je ne comprends pas que vous puissiez refuser que l'on fasse des enquêtes sur des faits qui peuvent être graves ! On a vu toutes sortes de questions, par exemple concernant des enfants qui, sans être maltraités, sont à l'abandon. Ce ne sont pas forcément ces cas...
La présidente. Il faut terminer. Vous avez dépassé votre temps de parole, Monsieur Grobet !
M. Christian Grobet. Je m'arrête. Je finirai simplement en disant ceci: dans les affaires concernant des enfants beaucoup de faits ne relèvent pas du domaine pénal. Donc, la protection des enfants et des mineurs est indispensable et l'on ne peut pas jeter des informations à la corbeille !
La présidente. Je donne la parole à M. Renaud Gautier et je rappelle avoir clos la liste des intervenants depuis un long moment.
M. Renaud Gautier (L). S'il y a ici une personne qui peut parler de délation anonyme, c'est moi. Pendant de nombreux soirs, j'ai dû invoquer le fait que j'étais: «incognito et caché dans une poubelle pour appeler la presse»... Donc, c'est un expert en la matière qui vous parle.
Je suis un peu surpris. On dit généralement qu'une partie de ce parlement s'attaque à la fonction et que l'autre partie la défend. Ce soir, c'est l'inverse qui se passe. Parce que, Monsieur Grobet, après votre immense plaidoirie, somme toute, celui qui est amené à dénoncer quelque chose relevant du droit administratif devrait, par principe, pouvoir se voir protégé par le fonctionnaire. C'est-à-dire que si quelqu'un dénonçait une action illégale commise par quelqu'un d'autre, le fonctionnaire pourrait être amené à le protéger, tout en connaissant le nom et les qualités de celui qui dénonce. Par conséquent, le fait de dire qu'accepter la délation anonyme c'est, quelque part, protéger le faible m'apparaît comme un non-sens. (Exclamations.)Permettez que je termine, Monsieur Deneys ! N'importe lequel d'entre nous qui pourrait être amené à faire une dénonciation relevant du droit administratif pourrait voir, dans le cas où le fonctionnaire le déciderait, sa sphère protégée par décision du fonctionnaire - ce qui ne l'empêcherait pas de dénoncer l'acte commis et de faire appliquer les sanctions nécessaires.
Par conséquent, lorsque je vous entends plaider contre la suppression de l'expression «en principe», je me rends compte que vous avez, vous, très peu de confiance dans les fonctionnaires, puisque vous n'imaginez pas que ceux-ci puissent protéger leurs sources, ce qui est leur droit le plus absolu.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je vais donc mettre aux voix, à l'appel nominal, la suppression des mots «en principe».
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est adopté par 45 oui contre 40 non et 2 abstentions.
(Une panne du système informatique a empêché l'impression de la liste des votants.)
La présidente. Je vous propose encore de voter sur l'amendement suivant, toujours à l'article 10A (nouveau). Il s'agit de remplacer le pluriel par le singulier. Au lieu de: «Toutefois, les autorités ne donnent... », le texte deviendrait : «Toutefois, l'autorité ne donne...». (Remarques. La présidente est interpellée.)Rien ne figure sur l'écran, je ne pouvais pas voir. Je donne donc la parole à Mme Künzler.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je demande que ce projet de loi, après le vote de cet amendement, retourne en commission afin que les conséquences du vote soient concrètement étudiées. Je vous rappelle qu'ainsi amendé le texte de ce projet de loi est illégal du point de vue fédéral. Par ailleurs, son adoption serait la porte ouverte à des trafics d'influence... En effet, si vous commettez une infraction, vous vous dénoncez anonymement, et ainsi on ne vous poursuivra plus ! (Brouhaha.)Mais oui ! Réfléchissez trente secondes ! Voilà ce qui arrivera, puisqu'on ne pourra plus faire d'enquête sur la base d'une dénonciation anonyme. Donc, si je commets une infraction, la première chose que je ferai, c'est me dénoncer anonymement. Réfléchissez à ce que vous venez de voter !
Je demande donc le renvoi de ce projet de loi en commission.
La présidente. Monsieur Guérini, veuillez vous exprimer sur la modification du texte.
M. Pierre Guérini (S). Ce que j'avais à dire concernait le deuxième amendement, mais cela concernera désormais le renvoi en commission.
Je pense qu'il faut renvoyer ce projet de loi en commission, car, finalement, qui a signé ce projet de loi ? Ce sont principalement des avocats. Et j'ai l'impression que, ce soir, toutes les interventions ayant eu lieu étaient des interventions corporatistes. On cherche des clients... (Protestations.)On cherche des clients, parce que, dans la mesure où ça n'est pas anonyme, il y a dépôt de plainte... Dépôt de plainte, cela veut dire que l'on doit prendre des avocats pour se défendre. A l'évidence, ceux qui ont les moyens pourront se défendre; les autres seront condamnés. Cela, ce n'est pas acceptable ! (Applaudissements.)
Mme Nicole Lavanchy (AdG). Je suis aussi d'avis qu'il faut renvoyer ce projet de loi en commission, mais je tiens tout de même à faire remarquer que ce dernier - en commission - avait fait l'objet d'un vote relativement consensuel, qu'il a été amendé par la droite - puisque M. Halpérin est tout de même signataire de ces deux amendements - et que je n'ai pas très bien compris en quoi l'expression «en principe» pouvait gêner.
Souvent, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, vous êtes montés au créneau en disant que des gens profitaient de l'assistance publique, de la loi, etc. Voilà ce que j'ai entendu en commission ! Soit: «Il y a des gens qui profitent, il faut absolument les poursuivre.» Cela est de la délation pure et simple ! Et vous ne vous gênez pas pour téléphoner à vos conseillers fédéraux ou écrire à qui vous voulez pour dénoncer ces personnes ! Mais, lorsqu'il s'agit d'écrire cela sous forme d'un projet de loi, ça dérange...
Il y a une chose que je n'ai pas bien comprise: en commission, une majorité a voté ce projet de loi, et, puisque vous nous reprochez souvent de présenter en plénière des amendements de fond, comment se fait-il donc que M. Halpérin ait déposé deux amendements sur un projet de loi comportant deux articles ?! Deux articles ! Cela signifie qu'il y a des intérêts quelque part... (Commentaires. Brouhaha. La présidente sonne la cloche.)Et je ne peux que me rallier à ceux - qui siègent de mon côté - qui disent que cela favorise des intérêts immobiliers: transformer un immeuble, faire en sorte de déroger à des lois instaurées au niveau cantonal, voire fédéral - parce qu'on construit - et faire en sorte que tout le monde se taise. Parce que la personne qui va se plaindre que son voisin envisage de constuire... (Protestations. Remarque.)Exactement: un château devant chez elle ! Eh bien, elle va se plaindre ! Peut-être de manière anonyme. Savez-vous pourquoi ? Parce que le voisin de cette personne le restera probablement toute sa vie. Or si cette personne se met son voisin à dos pour toute sa vie, cela risque de poser quelques problèmes... La dénonciation sera donc faite, mais anonymement. Et vous, vous accréditez cela ?!
Je ne comprends pas comment un projet de loi de deux articles - deux articles seulement ! - qui revient devant le parlement puisse susciter tant de débats, et je fais remarquer que la droite soumet encore deux amendements sur un seul article ! (Commentaires. Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
La présidente. Madame Lavanchy, voulez-vous parler un petit peu plus doucement parce que le ton monte !
Mme Nicole Lavanchy. Je me calme, je baisse le ton, je parle calmement... (Remarques. Brouhaha.)S'il vous plaît, Madame la présidente, vous pourriez déjà faire taire l'assistance. Ainsi, je pourrais m'exprimer sans devoir hurler. (La présidente sonne la cloche.)Merci !
Je m'exprime sur le renvoi en commission: nous avons ici un projet de loi comportant deux articles... (Commentaires.)Oui, deux articles ! Il y a eu un consensus en commission - et des personnes siégeant sur vos bancs ont voté ! - et, quand ce projet de loi arrive au parlement, deux amendements qui toucheront des éléments de fond sont proposés... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Je ne m'énerverai pas...
La présidente. Madame Lavanchy, j'arrête tout et je vais faire voter sur le renvoi en commission. (Rires. Exclamations.)
Mme Nicole Lavanchy. Non, je n'ai pas fini de parler ! Et ce n'est pas parce qu'on ne m'entend pas que je ne le devrais pas !
Des voix. Chut !
Mme Nicole Lavanchy. Souvent, on nous a accusés - nous, l'Alternative - de blackbouler des projets de lois qui avaient été discutés en commission, pour en faire je ne sais quoi... Il se trouve qu'en l'occurrence c'est vous qui le faites ! Et vous le faites concernant un projet de loi qui peut être important. Or apporter deux amendements sur un seul article d'un projet de loi, cela montre - et vous savez que vous allez atteindre la majorité - que vous avez à l'idée de défendre ceux qui possèdent déjà beaucoup: les propriétaires immobiliers ! Qui vont pouvoir construire ! (Remarques.)Mais c'est exactement ça, parce qu'ils ne seront pas dénoncés ! (Brouhaha.)
Pour toutes ces raisons, je demande moi aussi le renvoi de ce projet de loi en commission.
Mis aux voix, le renvoi de ce projet de loi à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 46 non contre 39 oui et 1 abstention.
La présidente. Je mets immédiatement aux voix l'amendement suivant, soit: «Toutefois, l'autorité ne donne...».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 37 non et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 10A ainsi amendé est adopté, de même que les articles 1 et 2 (soulignés).
La présidente. Le troisième débat est-il demandé ? (Remarques.)Le troisième débat n'est pas demandé ? (Rires. Applaudissements.)Le Bureau... (Manifestation dans la salle.)
M. Pierre Weiss (L). Je demande au Bureau de se prononcer sur le troisième débat. (Exclamations. Huées.)En vertu de notre loi portant règlement du Grand Conseil ! (Protestations. Manifestation dans la salle. Les micros sont coupés. Un instant s'écoule.)
La présidente. Le Bureau n'est pas unanime. (Commentaires et exclamations.)Nous terminons donc ici notre séance. (Chahut.)
Des voix. Bravo !
La séance est levée à 22h55.