République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 septembre 2005 à 20h30
55e législature - 4e année - 11e session - 67e séance
PL 9452-A
Premier débat
M. Christian Luscher (L), rapporteur. Mme Wenger me donne la parole pour montrer qu'il s'agit d'une loi qui ne vise pas seulement à protéger les femmes, mais aussi les hommes. Nous reviendrons sur ce sujet de manière plus détaillée si nécessaire. Je dis «si nécessaire» parce qu'en dépit de nos appartenances politiques respectives, il s'agit d'un rapport commun faisant suite à un vote unanime, et non d'un rapport de majorité versusun rapport de minorité.
Nous avons obtenu une belle unanimité en commission parce que, de part et d'autre, chacun a fait valoir ses opinions, chacun a fait des concessions qui ont permis d'arriver à une loi qui, je pense pouvoir le dire, est une bonne loi.
La loi sur les violences domestiques, Mesdames et Messieurs, ne vise pas à punir, mais plutôt à protéger. Elle vise à protéger, je le répète, autant les hommes que les femmes, autant les victimes d'infractions que les auteurs. Il s'agit de protéger les victimes des auteurs ou auteures des infractions et des violences dont elles sont l'objet et de protéger les auteurEs en leur proposant des solutions qui leur permettent d'éviter à l'avenir ces violences.
Je précise qu'il ne s'agit pas d'une loi de droit pénal, mais d'une loi de droit administratif; c'est ce qui a été voulu par la commission pour écarter des débats la question de la punition, puisqu'il ne s'agit pas de punir. Cette loi s'inspire néanmoins du droit pénal. Ceux qui ont pris le temps et le soin de lire le rapport auront constaté que les mesures d'éloignement s'inspirent, dans le contrôle de leur légalité à tout le moins, du droit pénal.
En effet, il est prévu, dans le respect du principe de proportionnalité, que lorsque quelqu'un se fait l'auteur de violences, il peut être éloigné par un officier de police du lieu où les violences ont été commises durant une période de 96 heures. Après cette période, la justice doit intervenir pour contrôler la légalité de la mesure prise par l'officier de police. D'une part, cela rassure l'officier de police qui doit prendre une décision, parce qu'il s'agit d'une mesure extrêmement grave, extrêmement lourde; d'autre part, cela assure un contrôle judiciaire de cette mesure. Ce contrôle intervient après 48 heures de mesure d'éloignement, pour autant que la personne le demande, et il intervient automatiquement si la mesure préconisée par l'officier de police dépasse la durée de huit jours. Au delà de cette durée, c'est le juge qui doit statuer quoi qu'il en soit, même s'il n'y a pas eu d'opposition de la part de la personne qui s'est faite l'auteure de l'infraction lui valant la mesure d'éloignement.
L'idée étant une fois encore que la justice soit mêlée de près à ce qui constitue une mesure extrêmement grave touchant à la liberté de tout un chacun. Cette mesure est prévue pour une durée de trente jours au maximum parce que, là encore, la commission a voulu que soit respecté dans toute son étendue le principe de la proportionnalité. Si le problème devait durer plus de trente jours, il ne relèverait plus du droit administratif genevois, mais du code pénal et d'autres mesures seraient envisageables.
Il ne s'agit pas du tout de priver le juge pénal de ses prérogatives: s'il y a des violences qui relèvent du droit pénal, le juge d'instruction s'en saisit et peut faire valoir toute l'étendue des normes du droit pénal. Il s'agit en revanche, et je crois que c'est très important de le dire, de permettre que, lorsque des violences sont constatées, une mesure d'éloignement soit prévue, qui protège autant l'auteur de ces violences que la victime.
Cette loi est extrêmement facile à lire. Dans ce domaine-là, c'est important, car son application sera quotidienne. Il faut que les policiers la comprennent; il faut que les juges la comprennent, c'est pour eux que ce sera le plus facile ! Mais il faut aussi que les auteurs et les victimes puissent comprendre exactement quel est le traitement qui leur est réservé.
Il s'agit d'une bonne loi, Mesdames et Messieurs les députés, et, à l'instar de la commission judiciaire qui l'a adoptée de manière unanime, je vous invite à lui réserver un accueil favorable.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Salika Wenger (AdG), rapporteuse. En préambule, j'aimerais présenter des excuses à tous les commissaires avec lesquels j'ai eu le plaisir de travailler dans cette commission pour n'avoir pas présenté un rapport digne de ce nom. J'ai été victime d'un accident informatique. Vous comprendrez donc la raison de la forme du rapport qui vous a été présenté.
Les chiffres que je vais vous citer commencent heureusement à être connus, mais il n'est pas inutile de les rappeler pour prouver à quel point ce projet de loi est légitime. En Suisse, on sait qu'une femme sur cinq (soit 20% des femmes) a subi des violences physiques ou sexuelles dans sa vie de couple. Environ 40% souffre de violences verbales ou psychologiques. On estime également, et c'est vrai pour toute l'Europe, que, pour les femmes entre quinze et quarante-quatre ans, la violence familiale est la première cause de décès et d'invalidité avant le cancer, les accidents de la route ou les conflits.
Cette violence entraîne un certain coût, que ce soit au niveau des services médicaux, de la santé, de l'emploi, de la justice ou de la police. Savez-vous qu'en Europe, chaque semaine, une femme est tuée par son conjoint ?
Une voix. Vraiment ?
Mme Salika Wenger. 25% des crimes commis par des hommes sont des agressions vis-à-vis de leur conjointe. Seulement un cas sur vingt est signalé à la police.
Depuis longtemps, les femmes de notre canton réclamaient une loi qui les protège des pratiques violentes au sein du foyer. Aujourd'hui, c'est avec une certaine satisfaction que je rapporte enfin sur un projet de loi qui traite de ce problème. Il faut préciser que la violence domestique concerne toutes les classes de notre société sans exception, ce qui pourrait laisser à penser qu'elle est peut-être plus profondément ancrée qu'aucune autre. Il existe déjà, dans notre arsenal juridique, des lois qui traitent des violences infligées aux autres.
Dans ce sens, la loi fédérale votée en octobre 2003 est un outil intelligent, indispensable puisqu'il permet de poursuivre d'office une personne auteure de violences domestiques. Toutes ces dispositions pourraient paraître suffisantes et elles le seront probablement avec le projet de loi que nous allons voter. Mais celui-ci a une particularité et un avantage: à l'article 3, il institue une collaboration effective entre tous les intervenants en charge de cette problématique: la police, les associations, les travailleurs sociaux, l'Etat, etc. Ceci permettra un travail plus cohérent dans la perspective de la prévention.
Il va de soi, et je pense que nous en sommes tous conscients, qu'une loi n'est pas suffisante pour éradiquer la violence, où qu'elle se produise d'ailleurs, et qu'il faudra du temps pour faire enfin entendre que la violence n'est pas admissible et qu'au sein de la famille, elle est non seulement odieuse, mais d'une rare lâcheté. En faisant sortir les pratiques violentes du cadre privé, cette loi rappelle à toutes et à tous le respect que chacun doit à l'autre et qui est indispensable pour une meilleure entente et une résolution des problèmes qui peuvent surgir au sein d'un couple par exemple.
Ce projet de loi a une autre qualité importante qu'il faut souligner: en instituant l'éloignement de l'auteur présumé des actes, elle soulage pour un temps la souffrance de la victime et oblige la personne éloignée à réfléchir. On peut espérer que cette réflexion pourra empêcher une récidive systématique. (Commentaires.)Je suis certaine que cette mesure paraîtra choquante à bien des hommes (Commentaires.)et j'ai envie de dire que c'est bon signe parce que ces hommes-là ne savent pas qu'il n'est pas rare de voir arriver dans les centres d'accueil des femmes blessées aussi bien physiquement que psychologiquement, sans argent, sans appartement, parfois accompagnées de leurs enfants, qui se demandent ce qu'elles vont devenir. Cette errance est une souffrance supplémentaire inutile et injuste. Dans ce sens, l'éloignement du domicile de l'auteur de violences est indispensable.
Tout est parfait, me direz-vous. Eh bien oui, mais j'ai quand même un petit regret dont je vous ferai part: c'est celui de n'avoir pas su convaincre que la problématique traitée était suffisamment importante pour justifier qu'un bureau soit créé pour prendre en charge la coordination indispensable que nécessitera probablement l'application de cette loi. Je vous demande néanmoins, Mesdames et Messieurs, de voter ce projet tel qu'il est sorti des travaux de la commission.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il faut se mêler de ce qui ne nous regarde pas. Oui: trop longtemps, la loi n'a pas permis d'enrayer la toute-puissance de la violence faite aux femmes dans la confidentialité de la sphère privée - au prix de souffrances et de violences allant parfois jusqu'à entraîner la mort. Mais cela ne nous regardait pas.
Heureusement qu'aujourd'hui, nous sommes tous choqués lorsque la violence envahit la société. Or, souvent, elle commence au sein de la famille. Par cette loi courageuse, pionnière, le Conseil d'Etat va dans le sens d'offrir aux victimes une meilleure gestion des dispositifs coordonnant les aides auxquelles elles ont droit et d'offrir aux auteurs de violences un éloignement leur évitant de commettre un acte irréparable qu'ils regrettent tous toujours.
Nous savons que, dans la grande majorité des violences domestiques, ce sont les femmes qui quittent leur domicile avec les enfants dans des conditions de stress maximum et qui vont se faire héberger dans des lieux d'accueil. Je connais bien ce problème: je travaille dans des lieux d'accueil pour les femmes et les enfants depuis des années et, tous les jours, des femmes demandent à être accueillies avec leurs enfants alors leur mari reste seul dans l'appartement. Cela peut paraître très injuste.
C'est pourquoi je tiens à féliciter Mme Spoerri pour son courage politique face à un sujet aussi délicat. Je félicite également les collaborateurs et les collaboratrices de son département pour la qualité de leurs travaux et leur disponibilité. Vous les remercierez, Madame; j'ai été impressionnée par leur compétence pour expliquer aux membres de la commission le bien-fondé de ce projet de loi. Pour le PDC, ce projet de loi est essentiel face au fléau qu'est la violence.
Il n'y a peut-être pas plus de victimes aujourd'hui qu'autrefois, mais heureusement, aujourd'hui, on ose en parler; aujourd'hui, aussi bien les victimes que les hommes auteurs de violences osent demander de l'aide. Cela est très important. Les professionnels du groupe de travail «Prévention et maîtrise de la violence conjugale», tous des experts du terrain, ont remarquablement démontré l'importance d'une telle loi pour continuer à développer des outils de prévention, des outils d'action et des outils de protection offrant des conditions maximum de sécurité et de respect pour les victimes, et des alternatives heureusement efficaces aux auteurs de violences pour éviter la récidive.
Tous les exemples actuellement en Europe, dans le nord de la France ou à St-Gall, ont montré que des lieux d'accueil pour les hommes auteurs de violences avaient permis de faire baisser la récidive de manière notoire - et, cela, c'est important. C'est pourquoi le PDC, comme l'unanimité de la commission, soutiendra bien entendu ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Loly Bolay (S). Il était temps de se doter d'une loi qui protège les personnes victimes de violences dans le cadre familial. Mesdames et Messieurs les députés, la violence domestique n'a pas de frontières. Elle sévit partout, sournoisement, lâchement. C'est un fléau, une gangrène. Elle est lâche parce qu'elle s'attaque souvent à des êtres plus faibles. C'est un délit invisible, comme le disent la presse espagnole et l'exposé des motifs de la loi espagnole que nous avons étudiée en commission.
Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, c'est surtout une reconnaissance pour les victimes, elles qui souvent se taisent par crainte de représailles. Cette loi, Mesdames et Messieurs les députés, répond à une nécessité, à un besoin. La violence domestique est devenue un vrai problème de santé publique.
A Genève, dans la plupart des cas, les victimes doivent soit partir, soit vivre avec leur bourreau. En 2003, la police genevoise est intervenue à 1339 reprises pour des violences domestiques, dont 780 concernaient des violences entre époux ou concubins. L'OMS, dans son rapport de 2002 sur la violence domestique, préconise diverses mesures à prendre: prévention primaire, prévention secondaire - soit mettant l'accent sur une réponse immédiate - et prévention tertiaire (réinsertion et rééducation). Le projet de loi qui nous est soumis répond surtout à la deuxième proposition, c'est-à-dire les mesures secondaires.
Le parlement européen a lancé un programme d'action communautaire pour prévenir et combattre la violence exercée sur les enfants, les jeunes ou les femmes et protéger ces populations. L'Espagne, qui connaît un problème énorme de violence à l'encontre des femmes, vit un véritable cauchemar. Elle s'est dotée tout dernièrement d'une loi sur la violence domestique, mais la loi espagnole met surtout l'accent sur la prévention. Elle renforce les mesures de sensibilisation citoyenne en dotant le pouvoir public d'instruments efficaces dans les domaines éducatif, social, sanitaire et publicitaire.
Mesdames et Messieurs les députés, M. Luscher l'a dit tout à l'heure, la commission judiciaire s'est, dans le cadre de ses débats, longuement penchée sur les mesures d'éloignement. Cet article a été soigneusement étudié; le pouvoir judiciaire a d'ailleurs été entendu, car il est vrai qu'il est difficile d'articuler à la fois une décision d'éloignement et une éventuelle réconciliation et que le choix de l'autorité pouvant prononcer une mesure d'éloignement était délicat.
Nous avons entendu aussi le président du Tribunal tutélaire et justice de paix qui nous a informé que, selon son expérience, les mesures d'éloignement étaient en général très dissuasives. C'est la raison pour laquelle l'article 8, alinéa 9 dit expressément que la personne faisant l'objet d'une mesure d'éloignement peut demander en tout temps que la légalité et la proportionnalité de cette mesure soit examinée par un juge de paix en formulant une opposition. L'officier de police informe par écrit l'intéressé de cette possibilité, de la procédure et de l'ensemble de ses droits.
Mesdames et Messieurs les députés, cette loi est nécessaire. Elle a été étudiée par la commission judiciaire avec énormément de sérieux. Je vous demande, comme mes préopinants, de la voter telle qu'elle ressort de nos travaux.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Nicole Lavanchy (AdG). L'ADG souscrit bien évidemment entièrement à ce projet de loi, le salue comme l'ont fait mes préopinants. Il était vraiment important qu'au niveau du gouvernement et du parlement, on puisse envoyer ce signe clair à la population que l'on reconnaît ce problème et que l'on tente d'y faire face et de faire en sorte que des souffrances familiales, parce qu'il s'agit de souffrances de femmes, d'enfants et d'hommes aussi, soient reconnues et que l'on aide des familles à éviter les violences (rôle préventif) voire à se soigner (rôle curatif).
Ce qu'il me semblait important de souligner à nouveau par rapport à ce projet de loi - et je l'ai lu dans le rapport de M. Luscher et de Mme Wenger - c'est qu'un groupe de travail d'une vingtaine de professionnels s'est formé. Tous ces professionnels sont préoccupés par les problématiques féminines ou familiales et ont réussi à faire un travail en commun...
Une voix. Les hommes !
Mme Nicole Lavanchy. ...les hommes, la police, le pouvoir judiciaire, les travailleurs sociaux. L'existence d'une telle synergie au niveau des structures d'Etat ou associatives est assez remarquable.
Malgré les différences de sensibilité mentionnées dans le rapport, les partenaires ont réussi à s'entendre et à construire quelque chose de solide et qui a vraiment du sens. Cela se retrouve dans le travail de la commission, qui est unanime pour saluer et soutenir ce projet de loi. Un travail très sérieux a été réalisé par des gens de terrain, et je trouve important de relever que l'énergie investie dans l'élaboration de ce projet de loi ne va pas se perdre puisque ce dernier prévoit un bureau avec un ou une déléguée - peut-être une - qui poursuivra ce rôle de coordination entre le monde associatif et le monde institutionnel pour faire valoir ce projet de loi et, peut-être, suivant le souhait de Mme Loly Bolay, faire une campagne de prévention.
Le travail va donc continuer et je salue vraiment l'esprit de cette loi qui induit la construction de quelque chose de plus large. Ce projet de loi permettra d'informer et de prévenir. Il constitue un premier pas vers une réelle prévention des violences conjugales. L'ADG, c'est sûr, soutient entièrement ce projet de loi et salue les travaux réalisés par la commission et le groupe de travail.
La présidente. Je vous signale que le deuxième amendement qui vous a été distribué, présenté entre autres par Mme Jocelyne Haller, ne porte pas sur l'article 9, mais sur l'article 6. J'aime autant que vous preniez tout de suite connaissance de cette rectification.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC remercie le Conseil d'Etat d'avoir élaboré ce projet de loi. Il partage entièrement ses craintes quant à la situation en matière de violence conjugale. ( Chahut.) Si le rapporteur pouvait se taire, ce serait sympathique de sa part. Dans une ville comme Genève, qui, comme d'autres grandes métropoles, vit une situation particulière ( Chahut.), la «multiculturalité» est un facteur aggravant dans le domaine de la violence conjugale.
Mme Salika Wenger. C'est inadmissible, cela n'a rien à voir !
M. Gilbert Catelain. On sait qu'à Paris, par exemple, le 80% des interventions a lieu dans ce domaine-là.
Le projet de loi est d'autant plus d'actualité qu'à La Chaux-de-Fonds, un père a tué ses deux enfants dans l'appartement familial. On s'aperçoit effectivement qu'au fil des ans, la violence est de plus en plus importante et grave et que les drames de ce type sont d'autant plus fréquents. Je regrette pour ma part que, dans les exposés qui ont été faits, notamment par deux, voire trois interlocutrices, on se soit limité à la violence des hommes sur les femmes. Cette dernière existe bien, puisque les statistiques démontrent que 80% à 85% de la violence est d'origine masculine - c'est un fait - mais 15% de la violence est d'origine féminine et les hommes sont aussi concernés par cette violence-là. De par ces faits, le projet de loi a toute sa valeur.
Au-delà des relations homme-femme, le projet de loi a l'avantage de faire porter le débat à l'ensemble des personnes vivant sous le même toit. C'est pourquoi, afin de mieux cadrer l'objectif de ce projet de loi, le groupe UDC vous propose une formulation un peu plus restreinte et plus précise qui permette d'assurer juridiquement une certaine sécurité en définissant clairement l'ensemble des personnes couvertes par ce projet de loi et, surtout, la notion de violence afin que cette dernière ne puisse être l'objet d'aucune discussion. Cette formulation devrait faciliter l'application de cette loi, notamment pour les commissaires de police auxquels, je le rappelle, on confie beaucoup de compétences.
Tout à l'heure, nous avons parlé du projet de loi modifiant la loi sur la police et de la déontologie, à savoir que le commissaire va contrôler chaque mesure de contrainte prise par un collaborateur de la police. Les mesures prévues dans ce projet de loi sont nécessaires. Elles sont assimilables à des mesures de contrainte puisque l'on empêche une personne d'accéder à son logement pour autant qu'elle soit en situation légale, ce qui est encore autre chose. Par conséquent, il faut absolument, dès lors que les recours sont restreints, garantir cette sécurité du droit. Nous aurons l'occasion d'en reparler au cours du deuxième débat.
Encore une chose: ce projet de loi ne va pas tout résoudre. Il constitue une nouvelle pierre à l'édifice et permet de compléter ce que les chambres fédérales ont convenu dans le cadre de la réforme du droit pénal. Je rappelle qu'il existe une autre forme de violence qui est toute simple - elle est connue des associations qui travaillent en la matière: c'est la violence téléphonique. Une fois qu'une personne est écartée de son domicile, elle peut avoir recours à un harcèlement psychologique. Le projet de loi ne permet pas de répondre à ce type de violence.
Nous regrettons les précisions à mon sens exagérées qui figurent à l'article 8. Je pense que l'on aurait pu laisser un peu plus de latitude au niveau du règlement puisque l'on pourra s'apercevoir dans la pratique qu'une formulation trop précise de l'article 8 pourrait engendrer des effets contraires à ceux qui sont visés.
M. Christian Brunier (S). Je crois qu'il y a des drames de la société qui méritent que nous gommions nos différences idéologiques et que nous menions dans ce Grand Conseil des débats sereins et de qualité. Je crois que c'est le cas jusqu'à présent - excepté quand même, Monsieur Catelain, pour votre amendement. Cet amendement n'est pas anodin. Face à ce drame que beaucoup de femmes et quelques hommes subissent, il y avait unanimité en commission, et ce en l'absence de l'UDC qui vient aujourd'hui donner des leçons alors qu'elle n'était pas en commission pour travailler.
Une voix. On n'était plus que quatre ! ( Chahut. L'orateur est interpellé.)
M. Christian Brunier. Non, non, ce n'est pas polémique ! Je fais simplement remarquer que l'amendement de M. Catelain n'est pas anodin.
Monsieur Catelain, vous dites vouloir plus de clarté. Plus de clarté, pour vous, c'est limiter la violence aux violences physiques et sexuelles. Vous excluez de la loi toute la violence économique et psychologique. De plus, vous limitez la violence à celle commise entre des personnes vivant en ménage commun. Vous savez pourtant que le projet de loi est adapté à la réalité des vies d'aujourd'hui et s'appliquerait non seulement aux personnes vivant en ménage commun, mais aussi aux personnes vivant séparément ou en partenariat.
La violence dans les vies de couple au sens large du mot revêt actuellement plusieurs visages. ( Chahut.) Cet amendement n'est donc pas acceptable. Je pense qu'il faut continuer le débat - et vous avez raison, Monsieur Luscher: il faut continuer avec sérénité un débat qui doit rester en dehors de tout clivage idéologique et souligner que ce projet de loi, qui est essentiel pour notre canton, pour les victimes de ces violences, n'est qu'un début.
Il y a des éléments très importants dans ce projet de loi et je tiens à féliciter l'ensemble des parties qui y ont contribué ainsi que le DJPS, qui s'est activé. A ce propos, je vous rappelle que certains députés avaient déposé une motion pour pousser le département à aller plus vite. Le département ayant fait son travail, nous allons retirer cette proposition de motion 1576. Le travail a été fait, et bien fait.
Je le redis: ce projet de loi est un bon projet de loi. C'est un début; je crois que de nombreuses expériences à travers le monde montrent que l'on peut être encore plus offensif, plus efficace par rapport à la violence domestique. Citons notamment l'exemple de Toulouse, qui a créé une brigade spécialisée dans le domaine. Est-ce une bonne chose ou non ? Cela mérite d'être étudié. Le Québec aussi a entrepris des mesures pour combattre la violence conjugale. Il y a peut-être là aussi de bonnes pratiques que nous pourrions reprendre à Genève.
Une vraie dynamique a été lancée aujourd'hui - une dynamique interparti qui gomme les idéologies - et je souhaite vraiment que le débat se déroule dans un climat de sérénité et d'unanimité.
Une voix. Bravo !
La présidente. Nous avons pris note que la proposition de motion suivante est retirée par ses auteurs:
Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Thierry Charollais, Loly Bolay, Alain Charbonnier, Jacqueline Pla, Salika Wenger, Roger Deneys, Anne-Marie Von Arx-Vernon, Françoise Schenk-Gottret, Christian Grobet, Jocelyne Haller, Pierre-Louis Portier, Nelly Guichard, Ariane Wisard-Blum, Alain Etienne, Anne Mahrer, Jeannine De Haller, Jean Rossiaud, Patrick Schmied pour des mesures énergiques et concrètes contre la violence conjugale ( M-1576)
Le Grand Conseil prend acte de ce retrait.
Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, je suis spécialement fière et heureuse ce soir de pouvoir avec vous avaliser un projet de loi qui a été présenté avec un gouvernement qui, sur sept membres, compte deux femmes (et ce n'est vraiment qu'un début). Quelle satisfaction que ces deux femmes soient libérales ! Quel bel exemple donne justement Mme Spoerri, qui a la chance de mettre cette loi à son bilan de législature. Légiférer sur les violences domestiques manquait jusqu'à maintenant.
Cela a été dit: cette loi est un symbole très fort que notre gouvernement veut donner pour lutter contre toute forme de violence. Ce n'est pas une loi homme-femme ou femme-homme. Pas du tout. Cette loi montre que personne ne peut accepter la violence, quelle qu'elle soit. Cette loi, théoriquement, sera parfaite. En application, il faudra faire très attention à ce que les groupes marginaux en bénéficient aussi. Souvent, les gens qui subissent des violences ne savent pas forcément se faire défendre par les lois. Il faudra prendre garde à ce que tous les aspects de cette loi soient mis en application.
M. Luscher a rédigé un excellent rapport. Il n'y a rien à y ajouter. Nous n'avons pas l'habitude, dans notre groupe, de redire tout ce qui a été dit. Je pense que c'est très important que nous n'allions pas, ce soir, plus loin que ce que la commission a voté à l'unanimité. Il faut rester dans un contexte général. Le signe donné par le vote de cette loi est très important. C'est pourquoi le groupe libéral vous recommande de voter la loi telle qu'elle est sortie de commission.
M. Antonio Hodgers (Ve). Vous le savez, les statistiques le montrent: la famille, structure fondamentale de notre société, est pourtant l'un des lieux les plus violents et meurtriers, notamment pour les femmes et les enfants. Ce constat fait froid dans le dos. La semaine passée, nous lisions encore dans les journaux qu'un père avait tué ses trois enfants. Cela fait partie d'une réalité qui jusqu'à peu était taboue et contre laquelle des associations, notamment des associations féminines, luttent depuis plusieurs années déjà.
La violence dans la sphère privée, qui était intouchable par l'Etat, est heureusement aujourd'hui la préoccupation de la collectivité. Une violence quelle qu'elle soit, même si elle se produit dans le cercle familial, concerne la collectivité, concerne l'Etat. Ce projet de loi vient à point nommé pour renforcer notre dispositif légal afin de lutter contre ce fléau qui, comme cela a été dit, concerne toutes les couches de la population.
Les Verts se réjouissent beaucoup du vote de ce projet de loi. Ils se réjouissent aussi qu'il ait été lancé et mené par des associations qui sont sur le terrain. On assiste ici à un bel exemple de subsidiarité entre l'activité associative et l'activité de l'Etat, où l'Etat vient conforter la première et légiférer à son sujet. Cela est tout à fait positif. Je remercie le département ainsi que l'ensemble des parties d'avoir su le faire avec diligence. Ce projet de loi est un instrument permettant de coordonner la société civile qui travaille sur le terrain, mais il a aussi besoin d'une orientation stratégique cantonale. Il s'agit aussi d'un instrument préventif.
J'en viens à l'amendement de l'UDC, qui n'est pas du tout anodin: si aujourd'hui le code pénal prévoit déjà la punition des actes de violence physique, ce projet de loi vise justement la prévention de ces derniers. C'est bien de cela qu'il s'agit, Monsieur Catelain. C'est bien joli d'avoir mis en prison le père de famille qui a tué ses trois enfants ou condamné tel autre qui battait sa femme régulièrement, mais le mal est déjà fait et, ce qui importe aujourd'hui, c'est de le prévenir. Par conséquent, le fait d'intégrer les dimensions psychique et économique dans la définition de la violence est primordial pour l'action de prévention qui, on le verra à l'usage, peut paraître délicate, mais qui, d'après nos auditions et d'après les expériences d'autres cantons, est tout à fait envisageable.
Je propose donc au parlement de refuser cet amendement, qui est le véritable danger dans ce débat. Nous accepterons l'amendement pour la féminisation des termes, bien qu'il vienne un peu tardivement en plénière - mais cela peut arriver. Dans tous les cas, nous voterons ce projet de loi.
M. Christian Luscher (L), rapporteur. Tout à l'heure, j'ai oublié de remercier le département pour son travail exemplaire qui a permis aux commissaires d'aboutir à un résultat extrêmement équilibré - raison pour laquelle je demande solennellement à ce parlement de voter la loi telle qu'elle est issue des travaux de commission.
On y reviendra peut-être tout à l'heure, l'amendement de l'UDC me paraît totalement inopportun; j'expliquerai pourquoi si nécessaire. Je pense qu'il ne faudra pas s'attarder sur ce point.
Quant à l'amendement signé par un certain nombre de députées, il me semble lui aussi inopportun pour une raison simple: nous avons essayé en commission, dans le cadre des travaux d'équilibrage de la loi, de bien démontrer qu'il ne s'agissait pas d'une loi qui protégeait les femmes contre les hommes. Il s'agit d'une loi sur les violences domestiques, quelle que soit la personne à l'origine de ces violences.
Je pense qu'il est particulièrement mal placé de venir changer la moitié des termes pour rendre cette loi épicène alors qu'elle l'est déjà. Toutes les lois sont épicènes. Ce n'est pas parce que l'on utilise un terme masculin que, forcément, il ne s'applique pas au féminin. On aurait, dans ce cas, 3 000 ou 4 000 lois à changer.
S'il vous plaît, je vous en conjure, tous les commissaires siégeant à la commission judiciaire ont pu s'exprimer, chacun a pu faire valoir son point de vue, chaque parti a été représenté et nous avons tous oeuvré pour présenter un travail équilibré, d'où cette unanimité. Je vous en prie, ne rompez pas cette unanimité et, comme le disait Mme Hagmann tout à l'heure, votons cette loi telle qu'elle est issue des travaux de commission.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Salika Wenger (AdG), rapporteuse. Pour une fois, je suis entièrement d'accord avec M. Luscher - du moins, en ce qui concerne les travaux de la commission et l'atmosphère qui y a présidé.
Quant à l'amendement de M. Catelain, je n'ai même pas envie de le commenter. ( Chahut.) J'ai juste envie de vous poser quelques questions. D'abord, une remarque: il ne s'agit pas de la protection de la personnalité, mais de la protection de la personne très spécifiquement. La protection de la personnalité est un autre problème. Par ailleurs, ce n'est ni la «multiculturalité» ni la marginalité qui induisent la violence domestique: elle est transversale et touche toute notre société.
Je reviendrai plus tard sur cet amendement si besoin était, mais je recommande aussi à tous les députés ici présents de voter cette loi telle qu'elle est ressortie de nos travaux.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. J'aimerais juste compléter le débat que vous venez d'avoir pour aller évidemment dans le sens de la conclusion essentielle. Il est vrai que le travail de la commission a été formidable, que chacun a mis de côté ses convictions politiques politiciennes - si vous me permettez l'expression - parce que la cause est si importante que chacun a su faire le chemin qu'il fallait.
J'aimerais aussi saluer le travail extraordinaire accompli par les expertes et les experts du terrain depuis de très nombreuses années. Aujourd'hui, c'est un aboutissement. Beaucoup d'entre eux sont présents à la tribune, mais pas tous.
Ce projet est aussi l'aboutissement d'un travail mené par le département de justice et police avant mon arrivée et je vous demande instamment, comme l'ont fait certains députés, de ne pas vouloir outrepasser l'ambition qui a été communément consolidée dans la commission.
La violence, on le voit, n'a pas de frontières; elle est dans la rue, elle est dans les écoles, elle est dans les entreprises, elle est au domicile familial. Si difficile soit-il d'aborder la violence dans la sphère privée, nous devons solennellement prendre ensemble la responsabilité de le faire, car beaucoup trop de victimes en subissent les lourdes conséquences. Parmi elles, couples, couples mariés, couples en union libre, personnes âgées - dont on a peu parlé jusqu'à maintenant - et enfants.
Merci de voter cette loi telle qu'elle est sortie des travaux de la commission ! (Applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve). Je suis désolée d'intervenir maintenant, mais à aucun moment la loi telle que l'on va la voter n'a été publiée dans son entier. Il n'y a que le projet de loi, mais les amendements n'y ont pas été reportés. (L'oratrice est interpellée.)On vient de vérifier sur plusieurs points. Il faudrait donc que l'on établisse une vérification.
M. Christian Luscher (L), rapporteur. Sauf erreur de ma part - mais nul n'est infaillible - le projet de loi que vous trouverez en page 23 et suivantes est celui qui est issu des travaux de la commission après adoption par l'unanimité des commissaires des amendements en commission.
Une voix. C'est juste !
La présidente. Nous allons donc procéder au vote d'entrée en matière sur le PL 9452-A.
M. Thierry Charollais (S). Je demande le vote nominal. ( Chahut.)
La présidente. Êtes-vous soutenu? (Réactions de l'assistance.)Vous l'êtes. Il en sera donc fait ainsi. Nous allons donc voter l'entrée en matière.
Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet de loi est adopté en premier débat par 78 oui et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je vais en quelques mots expliquer la motivation de l'amendement. Je pense que l'exposé des motifs de cet amendement est complet et relativement long. Il s'agit de remplacer «des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques» par «des violences physiques ou sexuelles». Le but de cette loi est tout à fait honorable et nous la soutenons. Nous ne voulons simplement pas que le mieux soit l'ennemi du bien.
Cette loi prévoit d'éloigner des personnes de leur domicile. Si elles sont dans le même domicile, c'est qu'elles sont a priori sous le même toit, donc elles vivent ensemble, donc elles ne sont pas séparées; elles ne sont pas à deux cents kilomètres l'une de l'autre. Effectivement, on donne quand même beaucoup de compétences à l'officier de police.
Il peut, c'est prévu à l'article 8, alinéa 4, «après avoir, dans la mesure du possible, entendu les personnes directement concernées par les violences, donne[r] connaissance à l'auteur présumé de violences domestiques de la proposition de mesure d'éloignement le concernant.» L'officier de police peut donc très bien décider d'une mesure d'éloignement sans forcément informer les personnes concernées, dont on suppose qu'elles ont commis ou potentiellement pourraient commettre une violence.
En effet, comme l'a dit le député Hodgers, le but de cette loi est la prévention. Elle vise à anticiper les drames, c'est ce qui est prévu à l'article 8, alinéa 1: «Lorsque la commission d'actes de violences domestiques apparaît vraisemblable, s'il est nécessaire d'agir sans délai pour l'empêcher, et si aucune autre mesure plus légère n'est propre à écarter le danger, un officier de police peut prononcer une mesure d'éloignement immédiat à l'encontre de l'auteur présumé de ces actes».
Ces actes n'ont pas été commis puisque tout l'objet de la loi est de permettre d'éloigner une personne dont on suppose qu'elle va commettre un acte de violence, donc il n'y a pas encore eu acte de violence; c'est là tout l'esprit de la loi. C'est exactement cela.
L'officier de police sera parfois dans une situation inconfortable puisqu'il devra prendre une décision et, en cas de doute, il éloignera la personne. On sera donc confronté dans la pratique à des cas de rigueur où la personne éloignée aura peut-être été victime d'un faux témoignage, ce qu'il sera difficile de prouver, et les possibilités de recours de la personne éloignée seront relativement limitées; beaucoup plus limitées que celles d'un dealer dont on a restreint la liberté de circulation.
Ce que nous voulons simplement, c'est que l'on définisse clairement la notion de violence. Pour le simple péquin qui lit cette loi, qu'est-ce que la violence économique ? Le projet de loi ne le dit pas. C'est quoi, la violence économique ? C'est donner 500 F par mois à son conjoint au lieu de 1 000 F ? C'est quoi la violence psychologique ? C'est la mère qui exige tous les jours que son enfant lui rapporte un bulletin avec une note de 5 ? Je ne sais pas. Vous savez très bien que ces notions-là ne sont pas clairement définies. (L'orateur est interpellé.)
Non ! Mais c'est exactement cela ! Ces notions ne sont pas définies juridiquement, ce qui ouvre la porte à des abus qui mettront en difficulté les professionnels - comme on les appelle dans cette loi - qui devront appliquer cette dernière. C'est relativement discutable.
Il serait préférable d'en rester à une définition qui ne pose aucune équivoque, une définition qui soit compréhensible par toutes les personnes concernées, par toute la population. Tout le monde sait ce qu'est une violence physique ou une violence sexuelle. Il serait difficile de définir où commence une violence psychologique, d'autant plus que l'article 8 parle d'actes qui apparaîtraient vraisemblables, donc ne sont pas encore commis. Nous sommes d'avis que la formulation actuelle posera beaucoup plus de problèmes qu'une formulation restreinte.
En conséquence, nous vous proposons d'accepter cet amendement, pour que cette loi soit applicable sans grande difficulté. Sinon, nous risquons de voir les professionnels chargés de l'application de cette loi crouler sous les recours.
Mme Nicole Lavanchy (AdG). Je ne voudrais pas m'adresser uniquement à M. Catelain, mais vous avez eu l'occasion de débattre - votre groupe était représenté à la commission - de ce qu'est une violence domestique. Il se trouve qu'il existe une littérature abondante sur le sujet. Des recherches ont été menées depuis longtemps. Je pourrais vous donner une bibliographie fournie.
Il existe des définitions claires de ce qu'est une violence domestique, conjugale, de ce qu'est la maltraitance de l'enfant. On peut très bien nommer ces choses-là. Les professionnels ne seront pas chargés de définir ces notions. Un travail de fond a été mené par des chercheurs: des sociologues, des pédopsychiatres, des psychiatres, des médecins, etc. On sait de quoi on parle aujourd'hui à ce sujet. On ne laisse ni la justice ni les professionnels dans un no man's land.
Par ailleurs, la plupart des professionnels qui s'occupent de cette problématique sont formés, en tout cas les travailleurs sociaux, pour comprendre ce que sont ces violences. Des cours leur sont donnés. Ce ne sont pas des experts, mais ils sont sensibilisés. Au niveau de la police, un effort a également été fait pour que ce corps de métier comprenne ce qu'est cette violence. On n'est donc pas dans le flou.
Les propos que vous tenez, Monsieur Catelain, visent simplement à réduire la portée de cette loi, et je vous promets que - et c'est aussi démontré par des professionnels - la violence conjugale ne démarre pas tout de suite avec des coups. Elle commence par des pressions psychologiques faites aux conjointes, ou au conjoint, mais en général ce sont plutôt des femmes qui les subissent. Ces pressions psychologiques font baisser la personne dans son estime d'elle-même; on lui dit constamment des choses comme: «Ton gâteau, il pourrait être mieux!» ou «Pourquoi tu n'as pas acheté du lait ?» Tout le monde connaît cela.
Il s'agit de petites brimades quotidiennes qui contribuent à isoler la personne et, si elle ne travaille pas, on lui fait ensuite subir des violences économiques. La violence économique, Monsieur Catelain, c'est simple: une personne reste à la maison pour élever des enfants, on lui donne cinquante francs et on lui demande de rendre des comptes sur cette somme. Dans la loi sur le divorce, dans la loi sur la famille, vous verrez que les conjoints doivent avoir un accès égal aux biens. Ce n'est pas parce qu'un des deux conjoints ne travaille pas qu'il ne peut pas avoir la même qualité de vie que son conjoint. Vous tenez des propos très réactionnaires à ce sujet.
On en arrive ensuite à la violence physique, simplement parce que ce système est une spirale. Quand on tape, cela signifie qu'il y a eu déjà beaucoup de brimades, et que l'on a déjà cassé la personne.
Si vous ne savez pas ce qu'est la violence psychologique, ou la violence économique, je vous renvoie à une littérature abondante, je vous donne volontiers une bibliographie intéressante et vous suggère de lire, avant de dire des choses incohérentes et très sexistes. (Applaudissements.)
Mme Loly Bolay (S). Premièrement, par rapport à l'amendement de M. Catelain: Monsieur Catelain, mon collègue l'a dit tout à l'heure, nous ne voterons pas cet amendement. Tout d'abord parce qu'il restreint le champ d'action. Et surtout, Monsieur Catelain, je suis désolée, mais votre délégué à la commission judiciaire, M. Schifferli, on ne l'a pas vu. Vous me direz qu'il ne nous a pas beaucoup manqué, il n'empêche qu'il n'était pas là pour faire son travail !
Une voix. Bravo !
Mme Loly Bolay. Maintenant, vous venez avec un amendement alors qu'il y a eu un consensus en commission, c'est un peu fort de café. D'ailleurs, cet amendement fait beaucoup de tort à l'article en question.
Deuxièmement, à propos de la remarque de Mme Künzler: il est vrai, Monsieur le rapporteur, qu'il y a des contradictions entre les amendements que nous avons votés et la loi qui figure à partir de la page 23 du rapport. Monsieur le rapporteur, je ne sais pas si vous m'écoutez. ( Chahut.) Monsieur le rapporteur, Mme Künzler a fait une remarque pertinente puisque certains amendements qui se trouvent aux pages 10 et suivantes, que nous avons votés, ne sont pas retranscrits dans le projet de loi figurant à partir de la page 23. J'imagine que c'est le projet de loi se trouvant à partir de la page 23 qui est faux et non les amendements. Je vous demande de nous répondre sur ce point. Je suppose qu'il y a eu là des coquilles ou vraiment des erreurs.
M. Pierre Froidevaux (R). Le représentant de l'UDC propose un amendement qui compromet fondamentalement l'enjeu de cette loi. Monsieur Catelain, avec cette loi, nous avons défini de nouvelles priorités dans la compréhension de ce qu'est la liberté individuelle.
Nous avons décidé par cette loi que l'autonomie individuelle méritait une protection encore plus importante et que la sphère domestique, pourtant si privée, avait besoin d'une surveillance de l'Etat. Il s'agit effectivement d'une percée extrêmement sensible, Monsieur Catelain, et c'est là toute la force de ce projet de loi: comprendre ce que signifie la violence domestique en termes de perte d'autonomie de l'individu.
Je n'aimerais pas reprendre les exemples qui ont été donnés par mes préopinants, mais rappeler simplement que la violence domestique fait que, perdant progressivement nos liens avec la société, nous ne sommes plus aussi libres, Monsieur Catelain.
Nous demandons que l'Etat puisse mettre en place une structure judiciaire qui améliore cette autonomie en évitant des blessures, même intra-familiales.
Je vous comprends, Monsieur Catelain, vous êtes surpris de la mission extrêmement difficile qui est donnée à l'autorité de police. Et, lorsque vous voulez supprimer le terme «psychologique», je comprends bien à quel point vous voulez décharger une autorité qui n'est pas vraiment compétente d'une mission dont nous allons dès ce soir la charger.
Cependant, c'est cela qui constitue l'avancée de la loi; c'est cette évolution-là que nous devons voter aujourd'hui. Nous avons pris quelques précautions, Monsieur Catelain, pour que cette mission existe vraiment et que l'autorité de police puisse travailler réellement. Nous avons désigné un délégué aux violences domestiques pour que chaque officier de police qui devra prononcer une mesure d'expulsion ait un repère, qui est somme toute un repère politique. Afin qu'il puisse discuter avec l'autorité politique, avec le conseiller d'Etat pour que sa mission soit correcte.
Je comprends votre sensibilité, Monsieur Catelain, mais je recommanderai aux députés de cette enceinte de ne même pas entrer en matière sur votre amendement, qui viderait complètement ce projet de loi de son sens et empêcherait une avancée en matière d'éthique et de déontologie. Il s'agit sans doute, l'histoire le dira, du projet de cette législature le plus performant en la matière. (Applaudissements.)
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Bien évidemment, le parti démocrate-chrétien ne pourra pas entrer en matière sur cette demande d'amendement de l'UDC. Que l'UDC ne sache pas que la violence économique instaure une terreur et que l'argent peut être un moyen d'écraser son conjoint et de l'asservir ne m'étonne pas. Que l'UDC ne sache pas que la violence psychologique instaure une terreur à force d'intimidations et d'humiliations ne m'étonne pas non plus. A mon avis, bien souvent, eux-mêmes sont dans cette situation-là. Il est évident que nous ne pourrons pas soutenir cet amendement.
M. Gilbert Catelain (UDC). Comme l'a dit notre collègue Froidevaux, on assiste avec cette loi à un changement fondamental de paradigme au sein d'une société qui jusqu'à présent préservait la cellule familiale, dans laquelle l'Etat n'intervenait quasiment pas. On a ouvert une brèche avec la révision du code pénal. On en ouvre une deuxième, dans le bon sens, avec ce projet de loi.
Je rappelle simplement que le mieux est parfois l'ennemi du bien. Entre la définition que je viens d'entendre et l'exemple qui a été cité par l'Alliance de gauche, il y a un hiatus assez important. Cet exemple ne relevait pas de la terreur économique et de toute manière cette notion de violence économique n'est pas définie en droit.
Sur le fond, il y aura un gros problème d'«acceptance» et de compréhension puisque l'on touche à un domaine culturel et émotionnel. Beaucoup de personnes, dans certaines cultures, ne vont pas considérer que l'exemple donné par l'Alliance de gauche sort de la normalité. On prône une certaine tolérance, une certaine «acceptance», mais, par rapport à cet exemple, il y aura un problème de compréhension et vous allez crouler sous les recours.
Ce projet de loi pourrait aussi avoir l'effet inverse d'inciter les gens à demander... ( Chahut.) ...l'intervention d'un officier de police pour exercer une pression psychologique et obtenir un avantage économique dans le sens inverse, qu'il soit pécuniaire ou de logement. On peut tout imaginer. On sait très bien quelles sont les bagarres lors de procédures de divorce pour essayer d'éloigner l'un ou l'autre des conjoints.
Je dis simplement que, dans le domaine psychologique, on est dans un terrain mouvant, que peut-être que l'officier de police qui devra prendre la décision aura un soutien du département, mais il sera difficile pour lui de demander ce soutien à 4 ou 5h du matin. D'ailleurs, il est clairement dit dans le projet de loi que la formation laisse à désirer. ( Chahut.) On sera confronté à des difficultés.
Moi, je suis plutôt pour une pratique des petits pas. Soyons pragmatiques. Il faudra que les nouvelles dispositions soient acceptées par tous. Ne l'oublions pas, je crois que M. Froidevaux l'a justement dit: tout le monde aura du mal à accepter que l'Etat intervienne de manière aussi importante sur la base de la présomption d'une commission de violence.
Je pense qu'il faut commencer par la violence physique et sexuelle dont la définition est claire pour tout le monde et revenir plus tard sur la violence psychologique. Une jurisprudence se fera peut-être. Dans le domaine pénal, par exemple, la lésion corporelle inclut aussi bien les lésions psychologiques que les lésions physiques.
Je prends note que, dans cette enceinte, on ne voudra pas entrer en matière sur cet amendement. C'est dommage: on aurait pu à mon avis obtenir sur la base d'un dénominateur commun une unanimité qui aurait donné une force beaucoup plus importante à cette loi. Ce ne sera probablement pas le cas. Il y aura liberté de vote au sein du groupe UDC.
M. Christian Luscher (L), rapporteur. J'aimerais d'abord faire une clarification pour ceux qui s'étonnent, d'ailleurs à juste titre, que le texte qui vous est soumis ne correspond pas exactement au texte qui est issu de nos travaux de commission.
Cela résulte du fait que nous avons tous jugé important que cette loi puisse être votée au mois de septembre. Comme nous avons terminé nos travaux à la fin du mois de juin, nous avons voté le projet, mais nous avons encore présenté au mois de juin des remarques et nous avons donc demandé au département de procéder à un dernier toilettage de la loi, qui soit conforme aux dernières observations que nous avions formulées en commission.
J'ai pu vérifier de manière tout à fait objective que c'était bien le cas. Il y a un exemple à l'article 8, alinéa 9: on voit que l'officier de police informe par écrit l'intéressé de la possibilité qui lui est offerte de faire opposition. Le «par écrit» n'avait pas été voté dans le dernier amendement présenté par le département, mais, à l'occasion de la dernière séance du mois de juin, sauf erreur, M. Grobet, peut-être moi aussi, avait demandé que l'information soit faite par écrit. Le département a fidèlement repris l'ensemble des remarques que nous avions faites lors de cette séance. ( Chahut.) Visiblement, M. Brunier ne s'intéresse absolument pas à cette loi. (L'orateur est interpellé.)D'accord !
En ce qui concerne l'amendement de M. Catelain, j'aimerais dire deux choses. Premièrement, ce n'est pas parce qu'un amendement émane de l'UDC qu'il est forcément mauvais. Deuxièmement, cet amendement me semble en l'occurrence totalement hors de propos, pour diverses raisons.
D'abord parce que vous avez tout à l'heure, Monsieur Catelain, voulu limiter l'application de cette loi aux gens faisant ménage commun. Je pense qu'un conjoint ou une conjointe qui prend un coup de poing dans la figure le ressent aussi mal que son domicile soit séparé ou non de celui de la personne dont il ou elle le reçoit.
Je pense que vous avez tort de vouloir écarter les violences psychologiques; je vous rappelle que la plupart des violences psychologiques relèvent déjà du code pénal. Je pense aux menaces ou aux insultes. Il serait tout de même incroyable que notre loi genevoise ne prononce pas une mesure d'éloignement à l'encontre d'une personne qui commet une infraction pénale au sens du code pénal suisse. Voilà pour la violence psychologique.
Pour la violence économique, un certain nombre d'exemples pourraient être donnés mais je crois qu'il règne une telle unanimité dans ce parlement, Monsieur Catelain, je vous le dis en toute amitié, à l'encontre de votre amendement, que je ne vais pas prolonger sur ce point puisque je m'exprimerai encore tout à l'heure sur un autre amendement. Je vous propose donc de rejeter l'amendement de M. Catelain.
La présidente. Nous allons donc voter sur cet amendement, que vous avez sur vos tables.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 5 oui.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 à 5.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 6, alinéa 1.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Je crois qu'il faut être clair: en aucun cas l'amendement qui est proposé n'a pour ambition de remettre quoi que ce soit en question dans le contenu de cette loi. Parce que, comme cela a été dit jusqu'à maintenant, nous en apprécions non seulement le contenu, mais aussi l'esprit qui a présidé à son élaboration et, plus encore, l'unanimité dont il a fait l'objet au sein de la commission. Simplement, s'agissant du délégué aux violences domestiques, il nous semblait qu'en l'occurrence l'application du langage épicène n'était pas un luxe et il n'y a aucune chausse-trappe là-dessous, Monsieur Luscher. Je suis juste un peu étonnée du remous que provoque cet amendement alors qu'un autre amendement, qui visait à en réduire considérablement la portée, n'a pas provoqué votre ire. ( Chahut.) (L'oratrice est interpellée.)Votre ire ! (Mme Haller insiste sur ce mot.)Un peu de vocabulaire, Monsieur Luscher !
Je propose simplement la modification que vous avez reçue, en vous priant de m'excuser d'avoir inversé le 6 et le 9. Je propose non pas le remplacement de «un délégué» par «une déléguée», Monsieur Luscher, mais de faire figurer dans le texte que ce soit un ou une délégué(e) et d'uniformiser le texte de la loi.
La présidente. Je vous rappelle que, dans le règlement du Grand Conseil, il est inscrit en préambule que toute désignation de personne, de statut ou de fonction vise indifféremment homme ou femme.
M. Pascal Pétroz (PDC). Je partage la position des rapporteurs de majorité selon laquelle les amendements sont particulièrement malvenus puisque les députés de la commission judiciaire ont fait un gros effort pour se mettre d'accord, pour être raisonnables et oeuvrer pour le bien commun. Par les temps qui courent, où les combats politiques de bonne ou de mauvaise foi sont la règle, cela fait plaisir d'arriver à un consensus.
Ce consensus était d'autant plus important que le domaine était sensible. Nous avons voulu éviter que le débat ne tourne autour du sexe des conjoints, pour rester loin du cliché selon lequel le sexe masculin serait le mauvais. Nous sommes partis du principe qu'indépendamment de toute considération de sexe il y avait des victimes, des personnes qui souffraient, que ces personnes - et je dis bien ces personnes - devaient être protégées et que l'auteur de violence devait donc être éloigné. Je me réjouis que nous soyons parvenus à éviter cet écueil.
Les amendements annoncés sont extrêmement dangereux, car ils rompent le consensus, ce qui risque de nous mener à des discussions peu constructives, raison pour laquelle je vous propose de rejeter l'amendement dit épicène qui vient de vous être proposé par Mme Haller.
Si, par impossible, cet amendement devait rencontrer un certain écho, nous proposerons, certains collègues et moi-même, un amendement à la loi portant règlement du Grand Conseil... (L'orateur est interpellé.) Une petite précision: si l'amendement épicène est rejeté, il n'y aura pas d'amendement de notre part. Mais si, par impossible, cet amendement épicène devait être adopté, nous proposerons à l'article 13 du projet de loi un amendement tendant à la modification de la loi portant règlement du Grand Conseil qui, vous l'avez rappelé, Madame la présidente, dit actuellement «toute désignation de personne, de statut ou de fonction dans la présente loi vise indifféremment l'homme ou la femme». Nous proposerons dans l'amendement de remplacer dans la loi portant règlement du Grand Conseil l'expression «dans la présente loi» par «dans la législation genevoise» et d'intervertir «l'homme» et «la femme», pour placer «la femme» d'abord, ce qui n'est que justice.
M. Christian Luscher (L), rapporteur. J'aimerais faire trois brèves remarques: le première pour dire que chaque fois que M. Pétroz intervient, il n'arrive pas à faire autre chose que parler de sexe ! Mais c'est une remarque anecdotique. (Chahut.)
La deuxième remarque est que le langage épicène s'applique évidemment à toutes les lois et que l'on ne peut pas entrer dans le jeu qui consiste à vouloir modifier chaque alinéa, chaque entête ou chaque note marginale d'une loi.
La troisième remarque est que, Mesdames, il fallait aller beaucoup plus loin: à l'article 8, alinéa 1, on parle d'un «officier de police». Il faudrait dire une «officière de police». On parle d'un «auteur présumé» pourquoi pas une «autrice présumée». Si l'on rentrait dans ce jeu, on devrait toiletter toutes les lois.
Je vous en conjure, retirez votre amendement. Nous ferons en sorte qu'il soit rejeté aussi sèchement que l'amendement de l'UDC.
Une voix. Bravo! (Applaudissements.)
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je demande à mon tour le retrait de l'amendement. Je trouve que ce combat n'a strictement aucun sens. Il a été rappelé tout à l'heure quels étaient les principes de rédaction des lois. On peut en discuter. Il m'arrive au Conseil d'Etat de faire remarquer que certains textes sont désagréables à lire du point de vue des genres, parce qu'ils sont isolés.
Nous avons adopté une fois pour toutes une systématique. Cette systématique a ses avantages et ses inconvénients. Le jour où l'on décidera de récrire toutes les lois, ce sera une autre affaire. Mais je trouve - je vais vous le dire - regrettable que justement, à cause de cette loi, on fasse un dernier forcing pour cela. Cela signifie quelque chose qui n'a finalement pas de sens.
Vous avez réussi, à part un amendement que je ne vais pas trop qualifier, à vous mettre d'accord sur la qualité d'une loi, sur ce que vous voulez que l'on en fasse, sur sa portée. C'est probablement une des lois les plus importantes pour la protection de toutes celles et ceux qui sont victimes de violences. Vous n'allez quand même pas céder à la dernière minute à la tentation d'un débat stupide. Soyez raisonnables: ce ne serait pas une victoire que d'obtenir cette modification, ce serait simplement diviser ce parlement tout en ne donnant à la loi aucune autre systématique que celle rappelée par M. Luscher. Effectivement, l'article 8 est rempli d'autres éléments de nature non épicène. Vous en trouverez dans beaucoup de lois auxquelles vous êtes attachés.
Le mieux est de retirer cet amendement. Cela fera preuve de maturité, ce ne sera une honte pour personne. Soyez assurés que chacun derrière ces mots comprendra qu'un délégué peut être une femme et qu'un policier peut être une policière.
Une voix. Retirez ce machin !
Mme Jocelyne Haller (AdG). Excusez-moi, mais il ne s'agissait pas d'un mauvais combat, il s'agissait simplement de l'intention d'apprécier le travail qui a été fait et d'y ajouter une touche supplémentaire. ( Chahut.) En aucun cas... (L'oratrice est interpellée.)...Attendez, laissez-moi terminer, Monsieur Luscher, s'il vous plaît, je vous ai écouté avec suffisamment de patience. Il s'agissait d'ajouter une touche supplémentaire qui permette, effectivement, s'agissant du délégué, d'admettre qu'il pouvait s'agir d'un ou d'une déléguéE.
Une voix. Mais oui !
Mme Jocelyne Haller. En l'occurrence, excusez-moi, je ne vois pas au nom de quoi le fait de se prononcer... (L'oratrice est interpellée.)Attendez, c'est peut-être ridicule, mais ce qui le devient, excusez-moi, c'est de mettre en question tout le travail qui a été fait simplement sur cette question-là. Si vous n'êtes pas d'accord, refusez cet amendement, c'est aussi simple que cela. Mais je ne vois pas au nom de quoi cet ajout devrait mettre en question la qualité du travail qui a été fait jusqu'à maintenant. ( Chahut.)
A aucun moment - s'il vous plaît, Messieurs - à aucun moment, nous n'avons eu en proposant cet amendement l'intention de remettre en question ni la qualité des travaux de la commission ni le contenu de cette loi. Si vous ne voulez pas de cet amendement, refusez-le, c'est tout !
Une voix. Il faut le retirer!
La présidente. Je passe la parole à Mme von Arx-Vernon. Puis nous voterons, parce que nous pourrions débattre toute la nuit sur ce sujet.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Lorsque j'ai voté cet amendement, ce n'était justement pas pour faire un débat politique, puisqu'il était signé par des représentantes et des représentants de tous les partis. L'intention était à mes yeux d'ajouter juste une virgule et une lettre qui auraient pu manquer.
Si j'avais pu penser un seul instant que cela pourrait dénaturer non pas les travaux de la commission, non pas la qualité de la loi, non pas le travail important qui a été fourni, mais laisser s'effilocher la qualité du débat, je ne l'aurais pas signé. Parce que l'effet qui est produit maintenant... ( Chahut.) ...c'est que cela effiloche la qualité du débat.
Nous étions dans une unanimité, et, je vous en prie, nous devons la conserver. Nous faisons maintenant de la cuisine. Le dictionnaire épicène, je l'ai voté avec vous, donc je suis à l'aise pour le dire. Ce dictionnaire est garanti, et, pour moi, il ne s'agit pas de faire des effets de manche autour de cela, je vous en prie, gardons notre unanimité, nous pouvons être assez fiers de l'avoir eue en commission.
Mme Salika Wenger (AdG), rapporteuse. Juste deux mots pour dire qu'il y avait dans cette commission des femmes que l'on peut considérer comme des femmes qui s'engagent pour les femmes. Présenter cet amendement-là, c'est imaginer que les femmes qui étaient présentes lors des travaux n'auraient pas été capables de l'envisager. Je trouve cela un peu surréaliste et extrêmement insultant pour les commissaires... ( Chahut.) ...qui ont participé aux travaux. C'est pourquoi je voterai non.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
La présidente. Nous allons maintenant voter sur cet article 6, alinéa 1, que vous avez tous en main. Je ne vais pas vous le relire.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 44 non contre 25 oui et 6 abstentions.
Mis aux voix, l'article 6 est adopté, de même que les articles 7 à 11.
Mis aux voix, l'article 12 (souligné) est adopté, de même que l'article 13 (souligné).
Troisième débat
La loi 9452 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9452 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 74 oui et 4 abstentions.