République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 septembre 2005 à 8h
55e législature - 4e année - 10e session - 60e séance
R 489
Débat
M. Souhail Mouhanna (AdG). Cette proposition de résolution est signée par notre regrettée Alexandra Gobet-Winiger, notre collègue Claude Marcet, Véronique Pürro et moi-même.
Je rappelle le texte très court de cette résolution: «Le Grand Conseil de la République et canton de Genève décide de se prononcer en séance plénière sur tout abandon de créance supérieur à 5 millions de francs consenti à un débiteur de la FVABCGe. Il en est de même pour les montants supérieurs à 5 millions de francs faisant l'objet d'une reconnaissance de dette qui ne pourraient pas être remboursés dans un délai de 5 ans. Le Grand Conseil prend sa décision sur la base d'un rapport de la commission de contrôle de la FVABCGe.»
Mesdames et Messieurs les députés, nous venons - le hasard fait bien les choses - de passer en revue et d'accepter toute une série de projets de lois provenant de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe. Et nous constatons, projet de loi après projet de loi, que nous acceptons ainsi des pertes qui se chiffrent en dizaines de millions, qui font partie, vous le savez, des pertes prévisibles suite à la débâcle de la Banque cantonale de Genève, de l'ordre de 2,7 milliards - peut-être un peu moins. En tout cas, ces pertes se chiffrent en milliards !
Ces pertes concernent grosso modo deux catégories de débiteurs: tout d'abord, ceux qui n'ont pas spéculé et qui ont pu être victimes de leurs propres ambitions par rapport à la valeur des objets acquis et, peut-être, de l'importance des taux hypothécaires. Et puis, il y a ceux de l'autre catégorie: les spéculateurs effrontés, que les uns et les autres connaissent de par les articles de presse. En effet, quelques gros débiteurs ont pratiqué une spéculation effrénée, occasionnant ainsi des centaines de millions de pertes à l'Etat de Genève. Ils ont, par conséquent, gravement porté atteinte aux prestations servies par l'Etat de Genève, étant donné que ce dernier a l'obligation de couvrir ce type de pertes.
Vous avez récemment appris, par voie de presse, la vente d'un objet qui va se traduire par des pertes énormes de plusieurs dizaines de millions pour l'Etat de Genève, et les débiteurs concernés vont pouvoir, pendant plusieurs années, profiter des largesses de la Fondation de valorisation, que moi-même et d'autres collègues avons critiquées en commission.
Un autre élément pose problème: notre Grand Conseil débat de projets de lois portant sur quelques dizaines, voire quelques centaines, de milliers de francs pendant des heures, or les abandons de créances de plusieurs millions, générées par des spéculateurs, sont décidés par une commission composée de neuf membres seulement, puisque c'est elle qui donne le feu vert à la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe ! Et ce, souvent à de courtes majorités: il y a parfois trois commissaires pour et deux contre, ou quatre pour et trois contre... Je le répète, c'est souvent à une très courte majorité que la commission donne le feu vert à la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe pour accorder un abandon de créance de plusieurs millions ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Madame la présidente, lorsqu'il s'agit de supprimer des subventions d'utilité publique représentant quelques milliers de francs, tout le monde intervient, mais, quand cela concerne des pertes énormes occasionnées à l'Etat de Genève, les bancs se vident... Cela montre vraiment l'hypocrisie de ceux qui prétendent se soucier des finances publiques !
Je continue, donc... Comme vous pouvez l'imaginer, la résolution a pour objectif que les abandons de créances importantes, qui se traduisent par des pertes énormes pour l'Etat, soient débattus au Grand Conseil. La décision en la matière doit revenir au Grand Conseil et non pas à la Fondation de valorisation et à une commission composée de neuf membres qui, comme je viens de le dire, votent des abandons de créances très importants, et cela à une voix d'écart seulement ! Ce n'est pas acceptable du tout, à mes yeux, dans la mesure où ce sont des éléments essentiels relatifs à la conduite des affaires financières de l'Etat et du traitement de dossiers aussi importants !
C'est la raison pour laquelle je demande que cet objet soit débattu aujourd'hui et qu'une décision soit prise. Si cette dernière ne l'est pas immédiatement, je demanderai le renvoi de cette proposition de résolution à une commission adéquate. Je ne pense pas qu'il faille la renvoyer à la commission de contrôle de la Fondation... Je pencherai plutôt pour la commission de contrôle de gestion ou la commission des finances.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Cette proposition de résolution n'est qu'un effet de manche, Madame la présidente, et un effet de manches très discutable !
Rappelons tout d'abord le règlement du Grand Conseil, chapitre IX, Résolution, article 150, Définition: «La résolution est une déclaration qui n'entraîne aucun effet législatif.» Nous pourrions donc en rester là, Madame la présidente ! Mais non, parce que, si le seul but de cette résolution est de faire une «déclaration», permettez-moi alors de dire qu'il est digne du Moyen-Age, de l'époque où l'on brûlait les sorcières en place publique à Genève ! Eh, oui ! Eh, oui, Mesdames et Messieurs les députés ! Comment accepter une résolution qui dont le but serait de mettre au pilori toute personne qui pourrait faire l'objet d'un abandon de créance ? Bien sûr, certains créanciers sont de vils spéculateurs, mais je crois qu'il n'est pas très compliqué de dénoncer cela, car, comme vous l'avez dit, tout le monde le sait dans la République ! Il n'est évidemment pas normal de faire des cadeaux à des personnes qui se sont enrichies sur le dos des contribuables ! Mais, dans un Etat de droit, Madame la présidente, il y a des lois, il y a des procédures pour appliquer ces lois ! En fait, cette résolution est une proposition de lynchage public: elle est digne de se qui pratique en Amérique, où l'on fait suivre un débiteur par une panthère rose pour lui faire honte dans la rue, pour le ridiculiser... Ou alors, elle est digne de la Chine où l'on met les gens au pilori jusqu'à ce qu'ils meurent de soif... Et nous ne voulons pas de ces sociétés-là !
C'est pourquoi le PDC refusera donc cette proposition de résolution !
M. Jean Spielmann (AdG). Comment pourrais-je ne pas pas réagir à votre intervention, Madame von Arx ? Je me permets tout de même de vous dire que les choses ne sont pas tout à fait telles que vous venez de les expliquer...
En l'occurrence, cette proposition de résolution ne concerne que les abandons de créance de plus de 5 millions de francs... Il ne s'agit donc pas de pacotilles ! Je ne sais pas à partir de quel niveau vous pensez, Madame von Arx, qu'un montant est important, mais, pour ma part, je trouve qu'il s'agit d'une somme qui l'est. L'objectif de cette résolution est que les abandons de créance de plus de 5 millions de francs ne puissent pas être décidés par une commission composée de neuf membres seulement, mais par le parlement qui doit pouvoir en débattre.
Je prends l'exemple de Confédération Centre: un abandon de créance de 55 millions ! Il s'agit tout de même d'une somme très importante, et on laisse une commission de neuf membres en décider ! Sans même pouvoir en discuter ici, en plénière, et sans pouvoir prendre nos responsabilités... Et puis, il y a disparité ! Nous venons de prendre des décisions sur les aliénations portant sur des sommes relativement peu importantes et nous, Grand Conseil, ne pouvons pas nous prononcer sur les abandons de créances portant cependant sur des sommes beaucoup plus importantes... Je ne trouve pas cela normal du tout ! D'autant moins que ce sont les contribuables qui paient la note à la sortie ! Il serait normal que ce Grand Conseil prenne ses responsabilités et que les dossiers concernant les abandons de créance de plus de 5 millions de francs lui soient soumis en plénière ! Je le répète: il ne s'agit tout de même pas de pacotilles !
Je ne sais pas comment vous entendez gérer les affaires de la République, mais, quoi qu'il en soit, je trouve cette manière de procéder inacceptable, parce que le Grand Conseil ne peut pas se prononcer !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont inscrits: Mme Michèle Künzler, Mme Véronique Pürro, M. Mark Muller, M. Claude Marcet, Mme Anne-Marie von Arx-Vernon et Mme la conseillère d'Etat.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je ne crois pas qu'on puisse soupçonner les Verts d'éprouver la moindre complaisance envers les débiteurs de la Banque cantonale de Genève... C'est vrai, la plupart d'entre eux sont des petits débiteurs qui ont été mal conseillés et se sont endettés, malheureusement, et quelques-uns - les plus gros - ont effectivement eu un comportement à la limite de l'honnêteté. Quoi qu'il en soit, c'est à la justice d'en juger !
Par contre, nous sommes très perplexes par rapport à cette résolution, et nous ne la voterons pas ! Comme l'a dit Mme von Arx, une résolution n'entraîne aucun effet: alors, à quoi cela sert-il ?
En l'occurrence, il me semble qu'à ce stade ce serait une bonne chose de réfléchir à la gestion du reste des créances: certes, beaucoup de biens ont été vendus, mais il en reste encore. A cet égard, j'aimerais tout de même rappeler que l'immense majorité des créances est perdue à tout jamais, puisque les contrats des sociétés de portage concernées sont tels que la perte est définitive et qu'il n'est pas possible de se retourner contre un quelconque débiteur.
J'aimerais également m'inscrire en faux contre les propos de M. Spielmann... Pour ma part, je trouve grave de prétendre qu'un abandon de créance de 55 millions a été accepté pour Confédération Centre. C'est absolument faux ! Un moratoire a été accordé, et la créance est due dans sa totalité. On ne peut donc pas affirmer avant la fin d'un contrat qu'un débiteur n'a pas tenu parole !
De toute façon, la loi à ce sujet est claire: ce sont les administrateurs de la Fondation de valorisation qui sont responsables ! Et ils le sont même jusque dans leurs biens, puisqu'ils peuvent être poursuivis sur leurs biens propres ! Ils ont donc tout à fait intérêt à gérer les dossiers convenablement.
Par ailleurs, il ne faut pas mélanger les compétences: la commission est une commission de contrôle, elle donne des préavis, c'est tout ! C'est un point très important. Elle n'accorde pas des abandons de créance: elle donne des préavis, un point c'est tout ! Et, jusqu'à présent, l'immense majorité des préavis favorables à de tels abandons de créance portaient sur de toutes petites sommes. C'est au cours de la précédente législature qu'un ou deux abandons de créance plus considérables ont été accordés.
Enfin, il ne me paraîtrait, à cent personnes, pas possibe de débattre de ce type de dossiers... Mais il me semble qu'on peut très bien en discuter au sein des caucus.
En l'occurrence, si vous voulez changer les choses, il faut modifier la loi, mais il ne sert à rien de voter une résolution ! (Applaudissements.)
Mme Véronique Pürro (S). Je donne raison à Mme Michèle Künzler sur un point: la forme que nous avons décidé de donner à notre intervention. C'est vrai que la résolution n'était pas la meilleure des solutions pour atteindre notre objectif... Nous aurions dû déposer un projet de loi, je le reconnais, mais nous avons voulu réagir un peu rapidement par rapport à un objet qui, à l'époque, était en discussion dans notre commission.
Mesdames et Messieurs les députés, depuis que je suis membre de cette commission, je découvre un monde: je pensais que cela n'existait qu'à la télé: celui du fric ! Celui du fric qu'on se fait facilement sur le dos, maintenant, du contribuable et, à l'époque, de la Banque cantonale !
Nous avons voté tout à l'heure neuf projets de lois, et je vous signale que, ce faisant, nous avons accepté une perte de 20 millions de francs pour l'Etat, pour le contribuable ! Alors, bien sûr, certains peuvent partir du principe que cela fait partie des choses de ce monde, mais d'autres - c'est le cas de M. Mouhanna - n'acceptent pas cette fatalité et essaient de résister comme ils le peuvent.
Vous allez me demander quel est le rapport avec cette résolution... Eh bien, au moins, on peut voir les pertes ! Les citoyens le peuvent également, puisque ces dossiers font l'objet de projets de lois devant être débattus et que nous pouvons refuser ! Mais il n'en est pas de même des abandons de créance qui restent dans nos dossiers, et il n'y a pas de transparence... (Mme Brunschwig Graf hoche la tête.)La plupart du temps, il n'y a pas de transparence, Madame Brunschwig Graf ! Je vois que vous faites non de la tête, alors je pense que vous n'êtes pas d'accord avec ce que je dis. La plupart du temps, c'est la Fondation de valorisation - qui fait du reste un très bon travail - qui accepte ces abandons de créances. C'est sa responsabilité, mais il n'empêche que nous légitimons ses décisions par le biais de nos préavis de commission. Le plus souvent, et cela a été le cas pour cet objet important à plusieurs niveaux, excepté les neuf membres de la commission, on ne sait rien de ces abandons de créance.
Par souci de transparence et parce que, comme l'a rappelé M. Souhail Mouhanna, il est parfois difficile, à neuf membres, d'accepter des abandons de créances aussi importants, il me semble que nous devons aller dans le sens de la résolution, même si - je le répète et terminerai ici - ce n'était pas le meilleur moyen à employer. Toutefois, je vous encourage vivement à l'accepter, parce que les dossiers en question méritent d'être traités en toute transparence et que les contribuables et citoyens genevois doivent savoir de quoi il retourne !
Nous attendons que la justice fasse correctement son travail et espérons qu'il ne durera pas des années. Quoi qu'il en soit, nous devons pouvoir expliquer ce qu'il s'est passé et rendre publics toutes les pertes et tous les abandons de créances que nous sommes amenés à accepter !
M. Mark Muller (L). Je n'évoquerai pas la question purement technique, il aurait effectivement fallu passer par un projet de loi pour modifier la façon dont nous traitons les objets de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, j'aimerais plutôt m'exprimer sur la façon dont la Fondation de valorisation travaille actuellement.
Au début de son existence, j'étais personnellement très méfiant à son égard, j'éprouvais une certaine crainte d'étatisation du sol - crainte qui, d'ailleurs, réapparaît un petit peu ces derniers mois, j'en parlerai tout à l'heure... Mais je dois dire - puisque je siège dans la commission de contrôle de la Fondation de valorisation depuis le début de la législature - que je suis rassuré et satisfait du travail accompli par le Conseil de cette fondation.
Je vous livre un tout petit bilan chiffré: après environ cinq ans de fonctionnement, plus de la moitié des créances de la fondation ont été liquidées, avec des pertes bien inférieures à ce qui était prévu à l'origine. Il faut tout simplement reconnaître - au bénéfice d'une conjoncture extrêmement favorable et d'un marché immobilier porteur, il est vrai - que la fondation liquide ses créances à un rythme soutenu et dans de bonnes conditions.
Le travail très rigoureux effectué par la fondation nécessite aussi qu'elle puisse, dans un certain nombre de cas, négocier des abandons de créance et des reconnaissances de dette. Et si nous décidions aujourd'hui, comme le préconise cette résolution - oublions le fait qu'il s'agit d'une résolution et qu'elle n'a pas de valeur - de discuter en séance plénière de ces cas particuliers, la fondation ne pourrait tout simplement plus liquider ce type de dossiers qui nécessitent des abandons de créance. Lorsque la fondation abandonne - et elle ne le fait pas de gaieté de coeur - une fraction de la créance, c'est parce qu'en contrepartie le débiteur accepte que son immeuble soit vendu, accepte d'être dessaisi de son immeuble - et lui-même le fait pas, non plus, de gaieté de coeur. Si l'on ne laisse pas la fondation négocier dans ces cas-là, on l'empêche tout simplement de faire le travail que nous lui avons confié.
Autre élément très important, et j'insiste sur ce point, c'est que la fondation fait ce que la loi lui demande, en particulier de vendre ses actifs aux meilleures conditions.
Et j'en viens là à un autre élément de la réflexion soulevé par cette résolution, je veux parler du contrôle démocratique, du contrôle politique qui est effectué par ce Grand Conseil sur les activités de la fondation. Eh bien, ce contrôle est extrêmement serré ! Mme Pürro nous a rappelé tout à l'heure qu'en votant neuf projets de lois ce matin nous avions, de fait, accepté une perte de 20 millions... Mais nous l'avons acceptée ! Le contrôle a eu lieu ! Nous avons voté ces projets de lois et, c'est vrai, nous perdons 20 millions dans un premier temps. Mais dans un premier temps seulement ! Parce que la fondation va continuer à poursuivre les débiteurs: il n'y a pas eu abandon de créance pour ces dossiers; l'argent est toujours dû et les procédures suivent leur cours devant le Tribunal de première instance et par voie de poursuites pour que les débiteurs s'acquittent de leurs dettes !
Dernier exemple de contrôle: Confédération Centre... M. Jean Spielmann, qui a quitté la salle - et je le regrette - prétend que nous aurions abandonné une créance de 60 millions aux anciens propriétaires de Confédération Centre... Je remercie Mme Künzler d'avoir rappelé que c'était un mensonge ! Si M. Spielmann suivait les travaux de la commission, il saurait que cela fait bien deux ans que nous suivons ce dossier, que nous l'avons renvoyé à l'expéditeur, c'est-à-dire que nous avons refusé par deux fois les propositions d'arrangement amiable de la fondation. C'est seulement après avoir fait pression sur la fondation que nous avons finalement admis un arrangement qui nous paraissait acceptable, mais sans aucun abandon de créance puisque les débiteurs ont signé une reconnaissance de dette à des conditions très strictes.
Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas se tromper de débat ! L'objectif est de liquider les créances de la fondation aux meilleures conditions pour le contribuable, pour réduire la facture finale de la débâcle de la Banque cantonale de Genève. Alors, de grâce, laissons la fondation travailler !
Je terminerai en évoquant à nouveau notre crainte d'étatisation du sol, le spectre que l'on voit réapparaître aujourd'hui, avec des velléités de permettre à l'Etat de racheter toute une série d'immeubles actuellement maîtrisés par la fondation... Pour moi, nous irions dans une mauvaise direction, si nous acceptions cette idée ! (Applaudissements.)
M. Claude Marcet (UDC). Même si, effectivement, le moyen choisi - la résolution - n'est pas le meilleur, il faut tout de même savoir comment les choses se passent dans cette commission, et ce n'est pas du tout ce qui vient d'être dit... On nous présente des dossiers qui prévoient une perte de 10, 15 ou 20 millions chacun et qui font l'objet d'une discussion de dix ou quinze minutes... Or, manifestement, il faudrait beaucoup plus de temps pour comprendre les tenants et aboutissants des montages parfois très complexes de ces dossiers - même pour moi, qui suis de la partie.
On parle de Confédération Centre... Mais il faut savoir que c'est M. Mouhanna, Mme Pürro, moi-même - entre autres - qui avons fait en sorte de renvoyer ce dossier, car, de toute évidence, le montage initial était totalement faux ! Et, il faut le dire, c'est peut-être aussi grâce à la gauche - grâce à M. Grobet qui, manifestement, a effectué un travail tout à fait exemplaire - que nous avons fait ce qu'il fallait pour modifier ce dossier dans le sens des intérêts de l'Etat ! Mais soyons clairs: en commission, nous n'avons pas le temps matériel, ni les moyens, de contrôler dans le détail que les intérêts des parties en cause sont bien respectés, notamment ceux de l'Etat !
Cette proposition de résolution ne correspond certes pas au but recherché, et il aurait mieux valu déposer un projet de loi, mais sa motivation est correcte. Et je me permets à cet égard de vous rappeler que je ne suis pas sûr que nous comprenions dans leur entier les dossiers que nous nous examinons dans le cadre de cette fondation ! Et puis, on pourrait aussi évoquer le cas Martignoni, qui va revenir car certains aspects de ce dossier n'ont pas été traités correctement.
Quoi qu'il en soit, je préconise de fixer la barre à 10 millions - et non à 5 millions - pour que nous puissions avoir notre mot à dire dans les dossiers importants, parce que je ne suis pas sûr que nous ayons toutes les compétences et, surtout, le temps, de les traiter convenablement dans le cadre des travaux de la commission.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Cette commission travaille comme toutes les autres ! Certains des membres qui la composent donnent leur avis et, s'ils emportent la majorité pour obtenir plus de renseignements, ils continuent à mener leur réflexion, comme dans toutes les autres commissions !
Maintenant, si l'on dénonce des faits inacceptables, nous ne pouvons qu'être d'accord ! Mais qu'on ne fasse pas croire - comme cela a été le cas - que la commission décide d'abandonner des créances pour des sommes aussi colossales: c'est un mensonge ! Les abandons de créances portent sur des sommes relativement peu importantes et concernent des personnes qui se retrouvent ruinées parce que leur bien a été vendu à perte. Il s'agit parfois de chômeurs ou, souvent, de retraités. Alors, oui, dans de tels cas, la commission unanime accepte ces abandons de créances ! Pour les dossiers plus complexes, c'est aux commissaires d'intervenir et de demander la transparence: et transparence il y a !
Je crois qu'il est extrêmement grave de laisser croire des choses fausses: c'est malheureusement une manière de faire indigne, c'est remuer la boue ! Et le PDC ne peut adhérer à de tels agissements !
Une voix. Bravo !
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je relèverai tout d'abord que M. Muller s'est vanté du renvoi du dossier Confédération Centre à la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe... Je signale qu'il était plutôt favorable à un accord à raison de 140 millions ! C'est grâce à la position résolue d'un certain nombre d'entre nous - dont M. Marcet, Mme Pürro et moi-même - que ce dossier a été retourné à la fondation, et cet objet a finalement été vendu à 180 millions. Je peux donc dire que, grâce à nous - et pas à vous, Monsieur Muller ! - l'Etat a économisé 40 millions. 40 millions: ce n'est pas rien !
J'en viens à vos propos charitables, Madame von Arx, à l'égard des pauvres gens - et, même, des chômeurs - qui seraient ruinés... Mais nous ne parlons pas de ces gens-là ! (L'orateur est interpellé par Mme von Arx.)Au contraire, ils sont les victimes des personnes visées par notre proposition de résolution ! Ne nous dites pas que les abandons de créance de plus de 5 millions concernent des chômeurs ou des petits retraités ! Non, Madame, ces abandons de créance concernent des spéculateurs de haut vol, que vous voulez protéger en prétendant que nous voulons les livrer au lynchage public, alors que nous voulons simplement protéger les intérêts de la collectivité, des citoyennes et des citoyens de ce canton !
On nous a parlé de projets de lois... Je rappelle que les projets de lois relatifs aux aliénations d'objets immobiliers ne concernent que les objets propriété de fondations de droit public ou des objets appartenant à l'Etat. Or, lorsque des biens n'appartiennent pas aux collectivités publiques - c'est le cas de Confédération Centre - ils ne font pas l'objet de projets de lois. Dès lors, il n'y a aucune discussion possible ! Cela veut dire qu'on peut, en catimini, conclure des accords qui pourraient se révéler extrêmement néfastes par rapport aux résultats que nous pourrions obtenir en défendant les intérêts publics.
Certains ont prétendu qu'il n'y avait, en l'occurrence, pas d'abandons de créances... Mais, on se moque du monde ! Je rappelle simplement qu'un moratoire de cinq ans a été mis en place et qu'on exige un million d'amortissement de la dette par année... Sans intérêts ! Et, vous le savez, les intérêts sont de l'ordre de 5% selon les accords avec la Banque cantonale de Genève... Eh bien, 5% sur 60 millions, cela fait 3 millions d'abandons de créances par année ! Voilà comment les choses se passent ! Et 3 millions d'abandons de créances pendant cinq ans, ce n'est pas rien ! Faites la multiplication, et vous verrez ce que cela représente ! Par conséquent, il y a abandons de créances. J'estime, pour ma part, qu'il faut absolument que le Grand Conseil débatte de ces abandons de créances, car ils peuvent effectivement se révéler inadmissibles, inacceptables, immoraux, surtout lorsqu'ils concernent des objets qui ont été au centre de certaines spéculations qui coûtent cher à la collectivité publique !
C'est la raison pour laquelle je propose que cette proposition de résolution soit adoptée aujourd'hui, sans passer par un renvoi en commission. Si elle est refusée, je demanderai le renvoi en commission, et nous verrons bien s'il faut déposer un projet de loi...
En attendant, accepter cette résolution - contrairement à ce que certains prétendent - c'est inciter les membres de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe à faire des rapports sur les objets importants et les renvoyer au Grand Conseil. Je vous recommande donc vivement, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter cette proposition de résolution.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Jean Spielmann, je vous donne la parole, mais uniquement pour répliquer à la mise en cause dont vous avez fait l'objet.
M. Jean Spielmann (AdG). Je serai très bref, Madame la présidente !
Madame von Arx, vous avez prétendu à plusieurs reprises que j'avais dit des mensonges... Ce n'est pas exact ! Vous avez mal entendu mes propos et, de plus, vous avez ajouté des éléments qui ne correspondent pas du tout au contenu de la résolution. Celle-ci ne concerne pas les personnes - chômeurs et retraités - qui ont de petites créances, comme vous l'avez dit tout à l'heure ! La limite d'intervention du Grand Conseil est fixée aux créances de plus de 5 millions ! Et je vous ai même demandé si vous considériez que ce montant était important - il semble que non... - et si une commission composée de neuf membres seulement pouvait prendre des décisions à ce niveau. C'est ma première observation.
La deuxième: je n'ai jamais prétendu que la dette de 55 millions de Confédération Centre avait été abandonnée... J'ai dit que cette décision était de la compétence de la commission ! Garantissez-nous ici que cette commission ne prendrait pas une décision sur cet abandon de créance, si c'était à l'ordre du jour ! En ce qui me concerne, je considère que cette commission de neuf membres ne devrait pas avoir la compétence de décider, vis-à-vis des contribuables, d'abandonner des sommes pareilles ! Et je trouverais normal que le Grand Conseil puisse en débattre !
Alors, ne m'accusez pas de dire des mensonges: je dis simplement les choses comme elles se passent ! Ou, alors, donnez-nous publiquement la garantie que ces 55 millions ne seront pas abandonnés par la commission !
La présidente. Madame von Arx, je vous donne la parole...
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Je constate simplement avec satisfaction que M. Spielmann a reconnu que la commission n'a pas accordé un abandon de créance de 5 millions... Je vous remercie !
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je constate que cette proposition de résolution a été déposée le 24 mai 2004... Qu'elle n'a jamais fait l'objet d'aucune demande d'inscription à l'ordre du jour et de traitement en urgence dans ce parlement et que, depuis lors, aucune modification de la loi régissant la fondation n'a été proposée. Cela signifie - en tout cas c'est mon interprétation - que, pour vous, cet objet représente un acte politique. Mais l'instrument que vous avez choisi... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)... et les délais que vous avez laissé passer, ne donnent pas à l'urgence le sens que vous voulez lui donner, puisque, dans l'intervalle, l'un des dossiers que vous évoquez a été réglé sans que vous n'ayez, ni les uns ni les autres, levé le petit doigt pour changer la loi à temps ! J'en conclus, après ce débat, que vous aviez envie d'en faire un débat politique, ce que vous venez de faire... Mais je vais tout de même en venir à quelques réalités.
La première, c'est que la loi sur la Fondation de valorisation prévoit en effet que le Grand Conseil est consulté sur les biens aliénés, parce qu'ils touchent indirectement la collectivité publique, mais elle ne prévoit pas de soumettre au Grand Conseil le type de dossiers dont nous parlons.
Je voudrais tout de même rappeler - quels que soient les mérites que vous vous attribuez, et qui sont réels s'agissant du débat sur les dossiers en question - que vous avez exercé votre rôle, que vous avez renvoyé ce dossier, qu'il s'est écoulé plusieurs mois et que la fondation, suivant le préavis de la commission, a repris le dossier pour examiner quel type de solution pouvait être trouvé. Donc, le mécanisme mis en place actuellement permet de réguler les problèmes les plus importants. Et cela est exemplaire dans ce dossier ! Parce ce que c'est celui qui a généré le plus de discussions et qui a obligé la fondation à mener une réflexion et à examiner ce dossier à fond. C'est exactement ce qu'on demande à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation mise en place par le Grand Conseil: c'est-à-dire de veiller au grain ! Sa mission ne consiste pas à refaire la totalité des tâches effectuées par la Fondation de valorisation !
Mesdames et Messieurs, je suis tout à fait sensible à l'intervention de M. Marcet quant au temps qui devrait être imparti aux députés en la matière, mais vous n'allez quand même pas me faire croire qu'une heure de séance plénière - à cent députés - va permettre d'apporter quelque chose à l'estimation d'un dossier effectuée par la commission, d'autant que, je le rappelle, les commissaires ont tout loisir de prendre le temps qui leur est nécessaire ! Ils peuvent décider, s'ils souhaitent examiner encore un dossier, de l'inscrire une nouvelle fois à l'ordre du jour; ils peuvent le retourner à la fondation s'ils souhaitent des éclaircissements. Et la fondation est soucieuse du préavis donné par la commission ! En tant que représentante du département de tutelle, je peux vous dire que je n'ai jamais constaté que la fondation pouvait envisager sérieusement de ne pas tenir compte du préavis de la commission en cas de forte opposition, bien au contraire !
Deuxième chose. Il y a, certes, des abandons de créances... Trois ont dépassé les 5 millions de francs. Mais il n'y en a eu aucun depuis que cette résolution a été déposée, non pas parce qu'elle l'a été, mais parce que les abandons de créance sont rares: deux d'entre eux ont été acceptés en 2001, au cours de la précédente législature - alors, je le répète, c'est donc extrêmement rare. Les décisions prises le sont en fonction de deux critères: a-t-on une chance de récupérer de l'argent et un mauvais procès risquerait-il de tout faire perdre ? Dans quelle mesure l'Etat peut-il se retrouver gagnant, considérant qu'il faut évaluer différents cas de figure ? Et, pour chaque cas, le temps nous permet de constater que la solution choisie était la bonne.
Aujourd'hui, la Fondation de valorisation a réglé plus de 50% des créances qui lui avaient été confiées, et - bonne nouvelle ! - avec un taux de perte nettement inférieur à celui qui était prévu initialement. Cela signifie qu'entre le marché immobilier et la gestion des biens, on peut dire aujourd'hui - et ceux qui l'ont entendu à propos des comptes 2004 vont l'entendre à nouveau - que la provision de 2,7 milliards peut être considérée pour l'instant comme supérieure aux besoins. Ce n'est pas un satisfecit de ma part, puisque chaque franc effectivement déboursé est un endettement supplémentaire. Mais ce que je peux affirmer, c'est que la structure mise en place, la loi qui a été votée, le travail de contrôle de la commission du Grand Conseil et de la Fondation de valorisation constituent, pour chaque étape, des moyens de limiter au maximum les charges assumées par l'Etat dans ces affaires.
Dans ce sens, je pense que cette proposition de résolution, même si elle n'apporte rien - si ce n'est de tenter de contraindre le Conseil d'Etat, qui ne le souhaite pas, à modifier la loi et à vous le proposer - vous a servi à alimenter ce débat. Toutefois, je vous invite avec force refuser cette résolution !
Je le dis encore une fois aux commissaires: vous avez une responsabilité, vous l'exercez, et, selon ce que j'ai pu constater jusqu'à présent, les mises en garde que vous exprimez sont suivies d'effets et servent aussi de base à la fondation lorsqu'elle doit prendre des décisions. Ne donnez pas à ce parlement les compétences qui ne sont pas les siennes: ce n'est pas possible ! Aussi savants que vous soyez, je ne crois pas que vous puissiez faire mieux, à cent personnes, que celles dont c'est la mission, que nous payons et qui portent - cela a été rappelé ici - une grande responsabilité individuelle ! Elles sont donc les premières intéressées à l'assumer, à faire leur travail comme il le faut, et je peux dire que tel est le cas !
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant cette proposition de résolution... (La présidente est interpellée.)L'appel nominal a été demandé... Est-il soutenu ? C'est le cas.
Mise aux voix à l'appel nominal, cette proposition de résolution est rejetée par 40 non contre 33 oui et 2 abstentions.