République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1528-A
Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la proposition de motion de Ville de Genève pour une équipe d'assistant(e)s sociaux(ales) à la disposition de l'enseignement primaire
M 1580
Proposition de motion de Mmes et MM. Ariane Wisard-Blum, Christian Brunier, Marie-Louise Thorel, Jeannine De Haller, Salika Wenger, Sylvia Leuenberger, Nelly Guichard, Esther Alder, Véronique Pürro, François Thion, Marie-Françoise De Tassigny pour un meilleur encadrement médico-social dans les écoles primaires

Débat

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. On peut vraiment gagner du temps, vous nous avez indiqué avec gentillesse le site internet sur lequel on pouvait consulter les débats qui ont eu lieu la dernière fois. Je crains que si l'on recommence, on en aura de nouveau pour une heure. Donc, pour l'instant, je n'ai rien à ajouter à mon rapport. Par contre, je reprendrai la parole sur la motion.

La présidente. Je précise, Mesdames et Messieurs les députés, que nous vous avons donné les extraits du précédent débat. Ainsi, vous savez exactement où nous nous sommes arrêtés lors de la panne électronique. Puisque la liste des intervenants était close, nous allons écouter les deux derniers... (Remarque.)Je prends donc note que M. Hiltpold renonce à prendre la parole et je la donne à Mme Nelly Guichard.

Mme Nelly Guichard (PDC). Nous abordons ici un sujet un peu plus restreint que ce qu'a laissé sous-entendre M. Brunier lors de son intervention précédente, soit celui des infirmières scolaires.

Au fil des années, le rôle de l'infirmière scolaire a évolué, il se trouve à mi-chemin entre les assistants sociaux et l'image stéréotypée que l'on se fait de l'infirmière scolaire. A part la violence, largement citée tout à l'heure, la maltraitance a certainement augmenté et, en tous les cas, on la reconnaît mieux aujourd'hui. La violence, elle, revêt aussi des formes multiples, et la négligence n'en est bien sûr qu'une des facettes.

Cette motion vise - si on ose le dire ainsi - à adapter l'offre à la demande... Et, comme le métier d'infirmière a évolué, on peut se demander si la formation a bien suivi et s'il n'y a pas lieu de l'adapter. Il n'est pas forcément nécessaire de remettre de nouvelles forces à disposition, mais, peut-être, de mieux coordonner les moyens existants, parce que nous estimons que l'on perd encore beaucoup d'énergie et de dynamisme des personnes dans le cloisonnement du travail. Il nous semble qu'au contraire, en renforçant la coordination entre les départements - M. Beer nous a déjà rassurés à ce niveau - et surtout entre les services d'un même département, entre les intervenants, on peut aussi améliorer sensiblement la prise en charge des enfants qui ont besoin de cet appui.

Nous souhaitons également que la réallocation de postes se produise au sein de l'Etat - à l'intérieur d'un même département - qu'elle ne reste pas simplement au niveau des grandes et belles déclarations, mais qu'elle se vérifie sur le terrain. D'ailleurs, M. Brunier lui-même, lors de la dernière séance du Grand Conseil, avait souligné cet élément, et je ne puis que m'en féliciter.

Par contre, j'aimerais faire remarquer que je suis moi-même signataire de cette motion et que notre groupe la soutient.

Nous sommes conscients du décalage entre certains secteurs de ce canton, dans certains quartiers de la ville. Et, malheureusement, il faut bien reconnaître que la ville de Genève n'a pas le monopole des problèmes. Je comprends parfaitement que le décalage existe aujourd'hui, si l'on pense qu'il devrait y avoir 750 enfants pour une infirmière, alors qu'à Genève la proportion est de 2000. Encore faut-il savoir quel travail on confie aux infirmières ! Mais il est vrai que ce chiffre de 2000 paraît énorme. De toute manière, je ne militerais pas pour une prise en compte uniforme, car la réalité est bien différente d'une région ou d'un quartier à l'autre, comme je viens de le dire.

Il est donc nécessaire de palier à cette disproportion, mais en prenant en compte des réalités fort différentes. Je pense que cela va faire sourciller plus d'un, mais, même si cette proposition paraît iconoclaste, on peut aussi songer à des réallocations de postes administratifs et non à des postes déjà sur le terrain.

Nous refuserons la motion 1528, comme Patrick Schmied l'avait relevé lors du dernier débat, et nous vous proposons le renvoi de la motion 1580 au Conseil d'Etat.

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Je vais dire pourquoi le groupe libéral n'est pas signataire de cette motion et ne désire pas la renvoyer au Conseil d'Etat.

J'ai entendu des chiffres qui me laissent très perplexe. J'ai sous la main le projet de budget 2005 et il y est indiqué: «Les effectifs disponibles ne permettent pas de mettre au service des écoles qui devraient être prioritaires une présence infirmière suffisante. Le taux d'encadrement est actuellement de un poste pour 1850 élèves. Quatre nouveaux postes permettront de rétablir un taux de une infirmière pour 1200 élèves dans les zones prioritaires.» A mon avis, ces quatre postes ont été pourvus, puisqu'on en avait déjà parlé. Autrement dit, j'aimerais bien que l'on soit précis au niveau des chiffres qui changent la donne.

Ensuite, il faut se poser la question de savoir où commence et où s'arrête le champ d'action du SSJ. Les infirmières scolaires n'ont pas pour mission d'effectuer des prises en charge, c'est le SMP qui est chargé d'assurer le dépistage, le diagnostic et le traitement des enfants et adolescents qui présentent des difficultés psychologiques. Sans parler du service de la guidance infantile. Alors, n'est-on pas dans un problème de concurrence entre ces services ?

D'autre part, quand vous donnez un nombre d'enfants par rapport au nombre d'infirmières, vous devez avoir l'honnêteté de dire qu'il y a aussi 174 postes au service médico-pédagogique, 35 institutions et 19 regroupements spécialisés. En commission de contrôle de gestion, Mme Véronique Pürro - qui connaît bien les services sociaux, puisqu'elle y travaille - a dit que Genève était le canton qui comptait le plus d'assistants sociaux par habitant. On ne peut pas toujours aller dans le mur ! Je pense que l'on doit réfléchir à mieux organiser le service.

Même si ce sont des anecdotes, je trouve que c'est du temps perdu quand une infirmière scolaire passe dans une école - que je connais bien, je peux la citer - pour faire un rapport sur la hauteur des marches d'escalier qui ne correspond pas à l'âge des enfants ou bien quand elle passe une heure dans un jardin d'enfants pour leur apprendre à se moucher... Je suis persuadée que les infirmières qui travaillent dans le secteur rive gauche, où la plupart des enfants ont un pédiatre qui les contrôle régulièrement, devraient éviter les doublons et se consacrer à d'autres tâches.

Il est donc vrai qu'il y a des zones à définir dans le canton, M. Beer l'a dit. Ce n'est pas en augmentant les postes que l'on améliore forcément un service. Ce service doit être revu, car son fonctionnement n'est pas clair. C'est pour cela que le groupe libéral n'acceptera pas cette motion.

M. Christian Brunier (S), rapporteur de minorité. Nous allons reprendre les choses calmement, Madame Hagmann. Vous nous dites que Genève est le canton qui a le plus d'assistants sociaux et que vous ne comprenez pas pourquoi on veut davantage d'infirmières à l'école primaire... Les sujets n'ont pas grand-chose à voir, d'autant moins qu'une motion de la Ville de Genève demande des assistants sociaux à l'école primaire. Votre parti et vous-même avez dit en commission qu'il ne fallait surtout pas d'assistants sociaux dans les écoles primaires où les infirmières suffisent. Alors, vous ne pouvez pas nous dire, concernant la motion de la Ville de Genève, que vous ne voulez pas d'assistants sociaux, et nous dire aussi que vous ne voulez pas d'assistants sociaux quand on veut des infirmières en plus. Il faut être cohérente un minimum.

Au niveau des chiffres ? En 1990, la moyenne était de 1740 enfants pour une infirmière. Ensuite, il y a eu des coupes drastiques dans le budget du DIP - votre parti est relativement responsable de cela - et on est arrivé à une moyenne de 2060 enfants pour une infirmière, ce qui était inacceptable. Aujourd'hui, grâce au dernier vote budgétaire, la moyenne a été ramenée à 1800 enfants et quelques. Et vous nous dites que la moyenne est à 1200 dans les «zones prioritaires», comme vous les avez appelées, c'est-à-dire dans les quartiers difficiles. Vous nous dites que le travail est tout à fait acceptable, qu'une infirmière qui s'occupe de 1200 enfants dans un quartier difficile, c'est possible... Mais comment est-ce possible, Madame Hagmann ? Il y a 20 ans, aux Libellules - c'est un quartier que vous connaissez très bien - les 5% des enfants demandaient une aide infirmière, c'est-à-dire un encadrement social en école primaire. Aujourd'hui, à l'école des Libellules, 25% des enfants demandent un soutien - et ce sont les chiffres du département qui ont été donnés en commission. C'est-à-dire que, sur les 1200 enfants potentiels d'une infirmière, 25% vont la voir pour demander un soutien qui dépasse souvent son cahier des charges. Et cela aussi, vous le savez très bien ! On a visité des écoles et on a eu des témoignages qui allaient dans ce sens. Est-ce que vous pensez réellement que les infirmières peuvent faire un travail efficace à temps partiel dans des écoles où elles sont aussi chargées ? Ce n'est pas possible !

Et on ne peut pas faire un débat comme celui de tout à l'heure, en disant qu'il y a de la violence dans les écoles, qu'il faut mieux encadrer les enfants, et, ensuite, prétendre qu'une infirmière pour 1200 enfants dans les quartiers difficiles et une infirmière pour 1800 enfants dans les quartiers moins difficiles, c'est tout à fait acceptable ! Ce n'est pas possible ! Soyez cohérente dans vos analyses et votez notre motion qui demande simplement de passer à 1700 élèves par infirmière ! C'est un objectif minimaliste - il émane du département - qui devrait ensuite descendre à 1500. Je vous rappelle que l'Union Européenne estime qu'il faudrait une infirmière scolaire pour 700 élèves. Et là, on aimerait entendre l'eurocompatibilité dans votre bouche, Mme Hagmann !

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Permettez-moi de répondre, puisque j'ai été mise en cause à plusieurs reprises. J'aimerais dire encore une fois qu'un législatif est fait pour légiférer. L'exécutif peut organiser son département comme il le veut et nous n'avons pas à y interférer.

J'aimerais savoir si M. Beer a utilisé tous les postes à sa disposition.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Nous restons dans le même type de préoccupation; certes, on ne traite pas de la violence à l'école, mais nous traitons du «vivre ensemble» à l'école, dont le lien est étroit avec ce qui se passe dans la classe au niveau pédagogique. Et comme nous sommes sur ce type de préoccupation sociale au sens large du terme, j'aimerais, là aussi, vous dire à quel point je suis frappé par les témoignages, par les recensements statistiques, qui nous démontrent une grave détérioration de la situation des enfants dans les écoles, malgré tout et également au-delà de ce que l'on peut appeler des régions à plus haut risque, étant donné les aspects défavorisés de la population qui y habite.

En effet, nous assistons aujourd'hui à de véritables fléaux en ce qui concerne la prise en charge des enfants, notamment le fait d'amener régulièrement des enfants malades à l'école. Ils se trouvent confrontés à l'obligation d'être soignés par le personnel alors que, par exemple, ils sont gravement atteints de fièvre et reviennent le lendemain - avec un suppositoire et moins de température, mais elle augmente dans la journée. Parce que les parents ne font pas face, parce que des situations X ou Y leur interdisent - peut-être sur un plan économique - d'aller chez le médecin, ils comptent sur l'infirmière pour les prendre en charge à tous les niveaux.. Sans parler des dispositions prises pour détecter la maltraitance: tous les recensements montrent soit une aggravation de la situation, soit le fait que notre intervention est efficace parce qu'elle permet de détecter des actes de maltraitance.

Quelle est aujourd'hui la nécessité au niveau de l'école primaire ? J'aimerais rendre hommage au travail de la commission de l'enseignement et de l'éducation, car elle a sagement évacué l'intervention des conseillers sociaux et des conseillères sociales. Non pas parce qu'il s'agirait d'un «luxe», non pas parce qu'ils ne sont pas qualifiés pour intervenir, mais tout simplement parce que, sur le terrain, les infirmières et infirmiers du Service Santé Jeunesse interviennent de façon efficace; ils ne traitent pas, mais ils détectent et assurent des prises en charge cohérentes par les autres services de l'Office de la jeunesse. C'est important, car cela assure la cohérence à un ordre d'enseignement où nous avons un enseignant généraliste auquel doit correspondre un intervenant sociosanitaire, puisque cela paraît être le mode d'action le plus efficace.

A-t-on des besoins en la matière ? La réponse est oui, Mesdames et Messieurs ! Vous le savez, et j'aimerais remercier en cela le parlement d'avoir octroyé dans le budget 2005 cinq postes supplémentaires. Cela nous a permis non seulement de pouvoir compter sur ces postes, mais aussi de pouvoir engager les personnes de manière à pouvoir intervenir dans cette action.

Puisque vous vous intéressez, Madame Hagmann, au Service Santé Jeunesse au-delà de ce qu'est l'intervention au sein de l'école primaire, j'aimerais ajouter ceci, qui est important: premièrement, les causes ont également été en augmentation par le simple fait que les structures de la petite enfance ont explosé - dans le bon sens du terme. Mais il doit y avoir, là aussi, un encadrement et une intervention des infirmières du Service Santé Jeunesse. Deuxièmement, il y avait relativement peu d'interventions au niveau de l'enseignement privé; j'ai demandé que toutes les interventions aient également lieu dans le secteur privé, car la loi sur l'instruction publique au niveau de l'état sanitaire de la population concerne également le secteur privé.

Le Service Santé Jeunesse est-il adapté ? La réponse est oui. C'est probablement le service qui s'est le plus adapté au cours de ces dernières années. Vous savez qu'il intervenait essentiellement par des visites à âge fixe et qu'il intervient aujourd'hui de moins en moins selon ces procédés, mais de plus en plus sur demande, cela grâce aux détections et au travail interdisciplinaire mené avec les enseignants.

Mesdames et Messieurs, ce sujet est un sujet majeur: les enfants qui nous sont confiés ressentent, pour partie d'entre eux, de gros besoins et de réelles souffrances, et l'action des infirmières du Service Santé Jeunesse est absolument indispensable à cet égard. Nous devons veiller à assurer un équilibre qui leur permette l'efficacité dans leurs interventions. Malheureusement, leur action est encore trop précaire.

C'est pourquoi vous aurez encore un certain nombre de demandes de ma part qui s'exprimeront en ce sens. Merci de votre attention.

M. Christian Brunier (S), rapporteur de minorité. Je demande le vote nominal. (Appuyé.)

La présidente. Il en sera fait ainsi. Nous traitons d'abord la motion 1580. Je rappelle que, lors du débat qui a précédé la panne électronique, nous avons été saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'enseignement. Nous nous prononçons donc sur le renvoi de la motion 1580 à la commission de l'enseignement.

Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi de la proposition de motion 1580 à la commission de l'enseignement et de l'éducation est rejeté par 63 non contre 18 oui.

Appel nominal

La présidente. Nous votons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 1580 est adoptée par 48 oui contre 33 non.

Appel nominal

La présidente. Nous passons au vote de la motion 1528-A. Je vous rappelle que la commission a proposé le refus de l'entrée en matière de cette motion. Ceux qui soutiennent la commission voteront non, les autres voteront oui ou s'abstiendront.

Mise aux voix, la proposition de motion 1528 est rejetée par 46 non contre 9 oui et 26 abstentions.