République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 juin 2004 à 8h
55e législature - 3e année - 10e session - 52e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 8h00, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Florian Barro, Thomas Büchi, Anita Cuénod, Michel Halpérin, René Koechlin, Nicole Lavanchy, Claude Marcet, Pierre Schifferli, Ivan Slatkine, députés.
Communications de la présidence
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, avant d'entamer nos travaux sur le budget, j'ai une petite communication à vous faire. Aujourd'hui, nous fêtons l'anniversaire de notre collègue, Mme la députée Salika Wenger. Elle me charge de vous informer qu'elle invite les membres du Grand Conseil pour un verre de l'amitié à 19h00, à la buvette. Nous la remercions par avance.
M. Christian Brunier. Et si l'on finit à 16h ? (Rires.)
Le président. Dans ce cas, on avisera. Je pense que Mme Wenger ne verra pas d'inconvénient à avancer l'heure de ce pot...
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.
Premier débat
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. J'ai peut-être un mot à ajouter à mon rapport, Monsieur le président, mais j'attends que mon collègue Mouhanna soit là, par courtoisie envers lui. Voilà.
Le rapport de minorité nous dit que les mesures prises par le Conseil d'Etat durant la période 1993 à 1998 ont représenté une ponction sur la masse salariale de 2,7 milliards sans avoir nullement contribué à diminuer le déficit. S'il n'y avait pas eu cette ponction, le déficit aurait été augmenté de 2,7 milliards.
C'est ma seule remarque, Monsieur le président.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Eh bien ! Pour quelqu'un qui enseigne la sociologie avec quelques incursions dans le domaine de l'économie, je trouve votre raisonnement un peu faible...
Monsieur Weiss, vous savez très bien que 2,7 milliards, c'est à peu près 15% du revenu cantonal, qui est actuellement de l'ordre de 22 milliards. A l'époque, il était entre 17 et 19 milliards. Il y a un rapport, qui est calculé en général comme indicateur principal de l'évolution du produit intérieur brut qu'on appelle «croissance», «décroissance» ou «dépression», etc. Une somme pareille, Monsieur - 2,7 milliards - cela représente 15%. Et sur quelques années, cela fait 3% de réduction du revenu cantonal. Cette mesure a donc contribué, comme vous le savez, à un ralentissement de l'activité économique. Il y a eu plusieurs milliers de postes en moins; le chômage a donc été alimenté par cette politique-là. On ne parle jamais des conséquences de ce genre de politique !
Vous parlez souvent, Monsieur, de suppressions de postes indolores. Vous prétendez, sur les bancs d'en face, supprimer des postes sans licencier, en étant «humains». Ce que vous ne dites pas, c'est que, derrière, il y a des centaines, voire des milliers de postes qui ne sont pas offerts; le chômage s'étend et s'aggrave; en même temps, les conditions de travail des uns et des autres se dégradent et, évidemment, les prestations en subissent les conséquences. Demandez à qui vous voudrez - et vous le savez, Monsieur - si la qualité de la formation, si les situations dans les hôpitaux et les EMS se sont améliorées... Vous verrez que non. Ce sont des conséquences directes, absolument directes, de cette politique de restriction budgétaire, de cette politique de récession et de cette politique d'attaques systématiques contre tout ce que représente le service public et tout ce qu'il défend.
Concernant les mesures qui sont proposées ici par le Conseil d'Etat, on constate dans le rapport que le Conseil d'Etat a déjà pris des mesures à plusieurs reprises. Je rappelle d'ailleurs que dans les années 1990, les annuités ont été bloquées ou différées cinq ou six fois; la progression de la prime de fidélité a également été soit supprimée, soit différée. Cela n'a en rien contribué à redresser la situation au niveau des finances publiques. Toutes ces mesures-là ont d'ailleurs été prises dans un climat absolument inacceptable entre l'Etat employeur et le personnel. C'était en effet, la plupart du temps, des mesures prises unilatéralement par le Conseil d'Etat. Ces mesures ont été prises sans aucune négociation, sans respect pour des accords passés, puisque le Conseil d'Etat a violé des accords à plusieurs reprises. Et cette politique-là n'est pas de nature à motiver le personnel, elle est même de nature à décourager les gens de venir travailler dans la fonction publique. Autrement dit, nous allons avoir - nous, c'est-à-dire Genève - beaucoup de difficultés à recruter des gens de qualité pour aller dans la fonction publique. Et vous savez très bien que les gens qui vont travailler dans la fonction publique sont au service de la population: ils assurent des prestations dans les domaines de l'éducation, de la santé, du social, de la sécurité. Si vous continuez avec cette politique-là, Mesdames et Messieurs, vous verrez que Genève et sa population vont en subir les conséquences ! Malheureusement, vous n'en êtes pas conscients, je dirais même qu'il y a une certaine irresponsabilité dans cette politique-là.
Enfin, il y a quelque chose de comique dans ce que dit le Conseil d'Etat à propos de ces projets de loi. Alors qu'il s'en prend, une fois de plus, à la fonction publique, il souligne les mérites de ses employés, l'engagement du personnel, etc. C'est sans doute précisément pour récompenser cet engagement qu'on s'en prend aux salaires et aux conditions de travail... Une drôle de manière de reconnaître l'engagement des uns et des autres au niveau des services publics !
Peut-être cela devrait-il inciter la droite à méditer un peu, puisqu'elle est adepte du salaire au mérite. Si j'ai bien compris, d'après le Conseil d'Etat, plus les gens sont méritants, plus ils doivent accepter de faire des sacrifices... Comme ça, au moins, les gens peuvent savoir que, lorsque la droite parle de salaire au mérite, cela veut dire que les plus méritants vont encore passer à la caisse !
Je tenais à dire cela. Je ne félicite pas le Conseil d'Etat pour ce genre de projets de loi, qui ont été déposés sans aucune discussion ou négociation préalable. Donc, nous rejetterons ce projet de loi.
M. Rémy Pagani (AdG). Ce dont il est question aujourd'hui, c'est de l'ensemble de la politique du personnel. On a vu dans les années 1990 les dégâts que cette politique causait, notamment avec le nombre considérable de personnes engagées de manière temporaire, avec des contrats reconductibles, le nombre considérable de personnes en occupation temporaire. A cela, s'ajoute aujourd'hui le problème des jeunes employés qui prennent l'engagement de travailler pour l'Etat et qui ne verront pas leur prime de fidélité servie comme il se doit.
Je ne sais pas trop pourquoi on appelle ce mécanisme «prime de fidélité»... En fait, c'est un treizième salaire dont il est question. On fait croire à la population qu'il s'agit d'un quatorzième salaire, comme on en sert dans beaucoup d'entreprises. En l'occurrence, il est question d'un demi treizième salaire, voire, pour certaines catégories de personnel, encore moins. Vous savez en effet, Mesdames et Messieurs, que le treizième salaire, à l'Etat, est servi complètement après de nombreuses années de service. Alors, quand on nous fait croire que les conditions salariales sont meilleures que dans le privé... Pour certaines catégories de personnel, le treizième salaire n'est pas acquis après quinze années de service.
Je rappelle aussi qu'un certain nombre de personnes ont pris le PLEND et ont été remplacées par des personnes jeunes. Celles-ci seront touchées de plein fouet par les mesures que vous allez prendre, Mesdames et Messieurs, je pense notamment aux maîtresses d'écoles et aux infirmières.
Nous estimons que cette manière de faire est inadmissible. Elle l'est d'autant plus, je vous le rappelle, Mesdames et Messieurs, que le personnel de la fonction publique, contrairement à certains dans le privé, met trois ans pour être titularisé. Pendant ces trois ans, bien évidemment, les meilleurs d'entre eux peuvent aller trouver ailleurs des conditions de travail préférables. Alors, si vous attaquez encore ces conditions de travail, vous ne vous donnez pas les moyens d'avoir des personnes compétentes au sein de l'Etat. Au contraire, ces personnes compétentes prendront la décision de ne pas reconduire leur contrat de travail et de s'en aller dans le privé, qui leur offrira de meilleures conditions de travail. Ce sont ces décisions-là qu'il vous appartient de prendre, Mesdames et Messieurs !
Malheureusement, on s'aperçoit de plus en plus dans l'administration que, du fait de la dégradation des conditions cadres faites à ce personnel, le turn-over augmente. Il y a passablement de gens qui se demandent à quoi sert d'attendre trois ans... Si, en plus, on leur coupe la moitié, voire la totalité de la prime de fidélité, et qu'on refuse de leur servir la prime censée compenser le coût de la vie, que dire ? Il est question de cela, Mesdames et Messieurs les députés !
Nous estimons qu'il y a lieu de réviser, sur le fond, l'ensemble de la politique salariale et de la politique du personnel. Si l'on continue comme ça, la majorité du personnel que nous allons engager ne pourra pas satisfaire aux tâches importantes de l'Etat. Nous vous recommandons donc de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC salue le courage du Conseil d'Etat, qui touche aux mécanismes salariaux. Ce n'est pas une décision qui va de soi, nos collègues de l'Alternative l'ont relevé. Nous notons toutefois que, ces trois dernières années, ce même Conseil d'Etat, avec l'appui de la commission des finances, a participé à une hausse importante de la masse salariale de la fonction publique de ce canton qui, aujourd'hui, atteint les 3 milliards de francs. Donc, 50% des dépenses de cet Etat concernent la fonction publique. Pour faire un parallèle avec la situation fédérale, ce ne sont que 10% des dépenses totales de l'Etat qui concernent la fonction publique, et le Conseil fédéral, dans cette masse salariale, a encore décidé de faire d'importantes économies.
C'est ainsi que, dans ce canton, on a, notamment, décidé d'engager des collaborateurs de l'Etat dans la classe finale, alors qu'auparavant ils étaient engagés deux classes en dessous. C'est ainsi que le personnel hospitalier, dès 2001, a été réévalué de deux classes. C'est ainsi qu'en 2003, dans une situation budgétaire extrêmement tendue, les travailleurs sociaux ont bénéficié d'une réévaluation qui coûte à ce canton, en un an, 7 millions de francs. Je crois que nous ne pourrons pas, dans ce canton, assainir la situation des finances sans une participation du personnel de l'Etat, et je pense que ce personnel de l'Etat peut y collaborer: il serait possible de définir un certain nombre de tâches auxquelles on renonce, et alors on pourrait maintenir les mécanismes salariaux. Mais, dans ce canton, on a décidé qu'il fallait encore augmenter le nombre de collaborateurs de l'Etat et, donc, on ne peut pas maintenir les mécanismes salariaux. Je crois qu'il s'agit d'un choix de doctrine. Le Conseil d'Etat a choisi sa doctrine. Nous ne l'approuvons pas forcément, nous aurions effectivement préféré que l'on s'attaque à une analyse qui permette de cibler quelles sont les tâches prioritaires de l'Etat et de renoncer à certaines d'entre elles. Malheureusement, nous n'avons pas le choix et, donc, nous soutiendrons ce projet de loi du Conseil d'Etat.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Alberto Velasco (S). Ainsi, Monsieur Catelain, vous pensez que le Conseil d'Etat a du courage. Je pense plutôt qu'il est téméraire dans cette histoire... (L'orateur est interpellé.)Oui, mais pas dans ces conditions !
En réalité, on demande aujourd'hui à la fonction publique de contribuer au redressement des finances à raison de 21 millions supplémentaires, alors que, pendant 10 ans, elle a déjà contribué à cet assainissement.
Monsieur Catelain, vous êtes un peu choqué de savoir qu'on engage les gens dans leur classe de fonction plutôt que deux classes en dessous de celle-ci. Mais vous, Monsieur, quand vous êtes engagé dans le privé, on ne vous engage pas deux classes en dessous; on vous engage selon vos capacités, selon votre formation... (L'orateur est interpellé.)Exactement, Monsieur ! Alors, je ne vois pas pourquoi l'on devrait faire différemment avec la fonction publique. C'est incroyable ! En ce qui nous concerne, nous, les socialistes, évidemment que nous ne voterons pas l'entrée en matière de ce projet de loi.
Monsieur le rapporteur de majorité, vous pensez que les charges de personnel sont en explosion, c'est pour cette raison que vous approuvez ce projet de loi. En fait, si l'on regarde les chiffres qui nous sont donnés par ratio, on constate que les charges de personnel rapportées à la population étaient de 4625 francs en 1995 et qu'elles sont de 4419 francs dans le budget 2004, deuxième version. Et sans être convertis en francs constants. Si tel avait été le cas, on aurait vu que les charges prévues pour 2004 auraient été inférieures.
Les charges de fonctionnement n'évoluent pas, non plus, aussi rapidement que vous le croyez. De même, le ratio aux impôts sur ces charges était de 120% en 1995; il est toujours de 120% en 2004. Evidemment, si vous prenez les chiffres absolus, il y a alors des augmentations considérables; mais si vous les rapportez à la population et en francs constants, eh bien, les choses changent.
Monsieur le rapporteur général et de majorité, vous suiviez un peu les prestations que le Conseil d'Etat a mises en place depuis dix ans, eh bien, vous verriez qu'elles ont augmenté. C'est dommage que personne ne fasse le calcul, non seulement en francs constants et en fonction de la population, mais aussi en fonction des prestations mises en place dans ce canton. Alors, on verrait, Monsieur Catelain, que cette fonction publique ne coûte pas si cher que cela ! Si ces prestations devaient être fournies par le privé, elles nous coûteraient bien plus cher et les charges seraient beaucoup plus importantes. Vous le verrez: avec les coupes que vous avez effectuées - et que nous combattrons par des amendements - il faudra, si nos amendements sont rejetés, faire réaliser ces travaux par des entités privées, et l'on sait déjà qu'elles coûtent beaucoup plus cher. (Exclamations de M. Pierre Froidevaux.)Et les prestations que vous offrez au canton, Monsieur, on les connaît, et l'on sait qu'elles coûtent beaucoup plus cher que les prestations publiques ! M. Unger pourrait peut-être dire quelques mots là-dessus.
Pour ces raisons-là, nous trouvons assez scandaleux que l'on s'en prenne de nouveau à la fonction publique, alors que pour 21 millions le Conseil d'Etat s'empêche d'entrer en dialogue, notamment avec l'Alternative. En ce qui nous concerne, Mesdames et Messieurs, nous refuserons l'entrée en matière.
Je reviendrai sur le prochain projet de loi pour commenter certains chiffres que le rapport de majorité nous a balancés hier dans la figure ! (Applaudissements.)
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. David Hiler (Ve). Au cours des années 1990, notre cité a connu une crise extrêmement grave. La première, en réalité, qu'elle connaissait depuis la Deuxième Guerre mondiale. L'économie a eu un recul important. A ce moment-là, il a fallu prendre un certain nombre de mesures d'urgence, parmi lesquelles demander à la fonction publique de renoncer à une partie de son pouvoir d'achat: 12% si l'on s'en tient à l'indexation - 13%, comme l'a rappelé M. Mouhanna, si l'on ajoute le transfert de l'assurance accident non-professionnel. Il était légitime dans les années 1990 - et les Verts l'on dit ici à plusieurs reprises - de demander ce sacrifice, sans lequel en réalité nous ne serions jamais revenus à l'équilibre comme nous l'avons fait en 1999. Le gros de l'assainissement des finances s'est effectué sur les salaires de la fonction publique et peu de mesures structurelles ont été prises à cette époque.
Nous prétendons qu'aujourd'hui nous sommes dans une situation doublement différente. D'abord, la crise a été fulgurante, il est vrai, mais, semble-t-il, de courte durée. Les horlogers de Genève - dont on sait l'importance, relativement à l'impôt sur les sociétés - annoncent des bénéfices pour 2003; les banques annoncent également des bénéfices substantiels pour 2003. Il n'y a donc pas lieu, pour cette première raison, de prendre des mesures d'urgence.
Il y a une autre raison, qui est très importante, c'est qu'on ne peut pas toujours faire passer les mêmes à la caisse. Nous devons dire aux personnes qui veulent s'engager à l'Etat, à celles qui y travaillent, que nous reconnaissons la difficulté d'une série de fonctions et que nous n'allons pas faire d'arbitrage au moyen des salaires ! Comme l'a dit avec bon sens M. Catelain, si les recettes ne suffisent pas à couvrir les dépenses de l'Etat, c'est au niveau de la précision des tâches et de leur limitation qu'il faut agir. On ne peut pas, année après année, simplement dire aux gens qu'il vont perdre 1% de leur pouvoir d'achat chaque année.
Ce qui m'a vraiment choqué, c'est de penser que ces 20 millions ont été pris par le Conseil d'Etat avant même de puiser dans les réserves du fonds d'équipement. Dans un cas on n'embête personne, et dans l'autre on dit à des gens que ça va recommencer comme dans les années 1990... Ces gens, sur le terrain, font de leur mieux et ne sont pas responsables des erreurs que le Conseil d'Etat ou le Grand Conseil a pu faire ces dernières années. On dit à ces gens : «Vous allez repasser pour un tour !»
J'en veux pour preuve - et ce sera le deuxième débat - que la question de la suppression de l'indexation semestrielle n'est pas problématique sur le principe. Cette proposition est extrêmement mal prise, parce qu'on n'a jamais dit une chose simple aux gens: c'est qu'ils auront l'indexation annuelle. L'indexation de novembre à novembre, les employés l'auront en 2005. C'est un mécanisme qu'on enlève aujourd'hui. Les 20 millions ne résolvent aucun problème, et je crois que M. Weiss sera d'accord. C'est un expédient, qui plus est un expédient de mauvais goût, parce que ce qu'il suscite est certainement beaucoup plus grave que l'économie qu'il permet.
Evidemment, le Conseil d'Etat peut se frotter les mains en disant qu'il a économisé 20 millions et des heures de grève... Je peux comprendre ce genre de logique, mais je crois vraiment que nous avons besoin aujourd'hui d'un engagement du Conseil d'Etat, de ce Conseil d'Etat, indiquant clairement qu'il n'a pas l'intention de poursuivre dans cette voie. Il a dû aller vite parce que les chiffres de 2003 l'ont surpris, mais nous aimerions l'entendre ! Pour le moment, ce que nous avons entendu, c'est: «Pour 2004, nous ne négocierons pas ! Pour 2005, on verra !» M. Cramer le fait très bien... Mais nous aimerions entendre quelque chose d'un peu différent, maintenant. En toute amitié.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je vais revenir sur deux interventions, celle de M. Velasco d'abord. Je suis heureux d'apprendre que celui-ci souhaite que la rémunération de la fonction publique se calque sur celle du privé. Je pense donc que vous allez soutenir le projet de l'Entente en commission ad hoc.
M. Hiler, quant à lui, a raison en partie sur un point. Il est vrai que l'assainissement des finances de l'Etat est dû en partie aux efforts de la fonction publique. C'est vrai, on ne peut pas le nier, mais je rappelle aussi que cet assainissement est dû, pour une bonne moitié, à une augmentation des recettes. Lorsqu'on observe la courbe de l'augmentation des recettes durant cette période, on peut constater que les recettes ont participé à cet assainissement.
En revanche, Monsieur Velasco, l'effort budgétaire demandé à la fonction publique pour 2004 s'élève à 21 millions. D'accord, c'est un sacrifice, mais je vous rappelle que, dans le rapport sur les comptes 2002 de l'Etat de Genève, il est indiqué que l'augmentation de la masse salariale de la fonction publique s'élève à plus de 7%, soit 200 millions en un an. Comment voulez-vous être crédible en contestant une diminution de la masse salariale de 21 millions d'un côté et en acceptant une hausse de 200 millions de l'autre ? Il faut être sage, on doit accepter ce qui est acceptable. Je l'ai dit: ce n'est pas forcément idéal. J'aurais préféré une réduction du nombre de postes et le maintien des mécanismes salariaux. Je pense qu'effectivement, pour la motivation des collaborateurs de l'Etat, ce n'était pas ce qu'il y avait de mieux. A défaut de mieux, on prend ce qui vient.
Le président. La parole est à M. Spielmann à qui il reste une minute dix pour s'exprimer.
M. Jean Spielmann (AdG). Monsieur le président, pourriez-vous nous épargner ces calculs à chaque intervention d'un député de gauche ? Je pense qu'on a autre chose à faire.
Le président. Je le fais pour l'ensemble des députés.
M. Jean Spielmann. Je prendrai la parole quand j'aurai besoin de la prendre. Si vous souhaitez la guerre sur ce terrain-là, j'y suis prêt, mais je pense vraiment que ce que vous êtes en train de faire n'est pas intelligent.
En ce qui concerne les interventions précédentes et les débats budgétaires, permettez-moi, Mesdames et Messieurs d'en face, de rectifier un certain nombre de vérités que vous essayez d'asséner jusqu'à ce que l'on puisse imaginer qu'elles correspondent à une certaine réalité.
Il est vrai - M. Hiler l'a dit tout à l'heure - que nous avons vécu une grande crise et qu'une bonne partie des réductions de dépenses ont été faites sur le dos des fonctionnaires. Si l'on examine l'évolution du budget de l'Etat et des comptes, en francs constants, on peut faire plusieurs constats. Les dépenses de fonctionnement ont été relativement stables, puisque, entre 1992 et 2003, les dépenses en francs constants par habitant ont passé de 5005 francs à 5017 francs. Donc, en francs constants, le fonctionnement est quasiment stable.
Sur la même période, pour les investissements, on est passé de 594 francs à 607 francs par habitant. Vous trouverez ces chiffres les documents qui nous ont été remis et notamment dans celui concernant le budget 2004.
Il apparaît donc une stabilité des dépenses tant au niveau du fonctionnement qu'à celui de l'investissement. En ce qui concerne, par contre, la fonction publique et le nombre de fonctionnaires durant la même période, ce nombre est passé de 25'200 employés en 1992 à 23'000 aujourd'hui, soit une réduction de 2'200 employés. Comment pouvez-vous nous expliquer ces différences et ces augmentations ? Oui, Monsieur Jeannerat, regardez l'heure, c'est tout ce qu'il a à faire...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean Spielmann. Je trouve d'une faiblesse insigne les interventions politiques des bancs qui nous font face... Nous avons un débat politique particulièrement important. Ainsi, il est faux de prétendre que le nombre de fonctionnaires a augmenté. Forcément, à un moment donné, on est allé tellement loin dans les baisses qu'on n'arrivait plus à assumer les tâches essentielles, et il a fallu réengager du personnel. Alors, vous faites partir vos calculs dès ce moment-là pour montrer que cela a augmenté. En fait, ce n'est qu'une correction. Parce que l'élément fondamental que vous oubliez et que vous n'êtes pas capables de gérer, c'est que la population a augmenté de 44000 habitants durant la même période. En d'autres termes, cela signifie quatre villes, puisqu'une ville est une agglomération de 10'000 habitants au moins. Quatre villes en douze ans ! C'est cela qui fait que les tâches augmentent. A partir du moment où nos seules matières premières sont l'enseignement et la culture, il est évident qu'il faut investir dans le domaine de l'enseignement, simplement pour permettre à notre société de poursuivre ses activités.
Ensuite, l'américanisation de la société et la privatisation...
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député !
M. Jean Spielmann. ... L'abandon des fondements mêmes de cette société; la solidarité et une politique favorisant davantage le domaine social, tout cela entraîne des dépenses qui sont aujourd'hui beaucoup plus élevées ! Et dans les secteurs que l'UDC vient toujours mettre en avant ici, celui de la sécurité et celui de la tranquillité de notre société, la politique de la droite a causé des dégâts considérables. Mesdames et Messieurs les députés, depuis cette période dont je parlais, on a supprimé tous les postes de police de quartier, on a réduit la police de proximité, on a réduit les possibilités de sécurité dans ce canton. Il n'y a aucune ville et aucun pays au monde qui a réduit de pareille manière sa sécurité et supprimé autant de postes de gendarmerie !
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député !
M. Jean Spielmann. Alors, quand vous parlez de sécurité, Mesdames et Messieurs, vous parlez d'effectif, et c'est exactement le contraire que vous nous amenez.
Puisqu'il est question de la fonction publique, vous avez effectivement déposé une série de projets de loi. Je vous rends attentifs à un élément essentiel: la modification fondamentale que vous amenez, c'est de passer d'un système de statut de la fonction publique à un système de convention collective. Mesdames et Messieurs, quand vous aurez fait le pas dans cette direction-là, la convention collective vous interdit de modifier quoi que ce soit dans les contrats signés avec les employés engagés. C'est la loi qui tranchera.
Aujourd'hui, vous pouvez renier les contrats que vous avez signés avec les employés, baisser les salaires sans même discuter avec eux; demain, vous ne pourrez plus le faire.
J'appelle le Conseil d'Etat à comprendre cela et à discuter de cette question. On ne pourra pas réformer la fonction publique et améliorer le système sans parler avec les employés de la fonction publique. Or vous êtes, Mesdames et Messieurs, en train de leur tourner le dos, de fermer la porte et de mettre en place un système qui vous empêchera de revenir en arrière. Vous entrez dans un cul-de-sac, vous faites une erreur politique monumentale. Allez-y, faites des conventions collectives ! Cela nous évitera de discuter ici des conditions de salaires, parce que cela ne se fera plus de cette façon-là. Et, dernier élément...
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député. (Commentaires. Brouhaha.)
M. Jean Spielmann. A chaque signature de convention collective vous aurez une bagarre, comme c'est le cas actuellement avec le bâtiment et d'autres secteurs d'activité. Est-ce cela que vous voulez avec l'Etat ? Je pense que c'est une faute politique majeure que vous êtes en train de commettre, mais je ne pense pas que l'on puisse revenir en arrière. C'est à la population de trancher, et la population s'aperçoit aujourd'hui que tout ce dont vous êtes capables, c'est de creuser le déficit et d'augmenter la dette publique. Il est temps de changer cette majorité pour pouvoir faire une autre politique: celle qui doit être conduite sur le terrain social. (Applaudissements.)
Le président. Une précision, Mesdames et Messieurs les députés: le Bureau et les chefs de groupe ont décidé d'octroyer cinq minutes par groupe sur ces projets de lois. Si le temps est annoncé - il l'est pour tous les groupes, de gauche ou de droite - c'est pour veiller au respect de ce qui a été défini. Et je souhaite que chacun respecte ce qui a été défini par le Bureau et les chefs de groupe.
M. Alberto Velasco (S). Monsieur Catelain, vous me faites dire des choses que je n'ai pas dites. Je n'ai pas dit qu'il fallait se calquer sur le privé. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que dans le privé, Monsieur, quand on engage un cadre, on l'engage et on le paie en fonction de sa formation, de ce qu'il sait faire et de ce qu'il doit faire. Je n'ai pas dit qu'il fallait engager le personnel au salaire des femmes qui travaillent, par exemple à la Placette, pour 2500 ou 3000 francs par mois. Je n'ai pas dit cela, Monsieur Catelain ! Je ne souhaite pas que cela arrive et j'espère que vous ne désirez pas cela non plus.
S'agissant des charges salariales, Monsieur Catelain, c'est vrai qu'elles ont augmenté de 7%. Cependant, il faut toujours relativiser les chiffres. Il faut les relativiser d'abord à l'égard de l'augmentation de la population; il faut les relativiser à l'augmentation des postes; enfin, il faut comprendre pourquoi il y a eu une augmentation des postes dans la fonction publique.
Si vous regardez les chiffres, vous comprendrez que les charges des dépenses sociales ont explosé durant les deux dernières années. Si vous lisez le rapport de l'Hospice général, vous verrez que le nombre de personnes, dans ce canton, qui n'arrivent pas à finir le mois et qui doivent s'adresser à l'Hospice général pour boucler leur budget, est en augmentation. Ce sont des charges sociales pour le canton, ce sont des charges qui influent directement sur le nombre de fonctionnaires et d'employés qui doivent faire face à cette situation. Quand on voit les augmentations des chiffres, Monsieur Catelain, il faut les relativiser et les expliquer. Cela prend alors tout son sens.
M. Pierre Kunz (R). Je ne serai pas long du tout. J'aimerais répondre à M. Spielmann et à M. Velasco en leur disant que les chiffres qu'ils nous balancent, on les connaît. Il y a dix ans qu'ils nous balancent les mêmes chiffres, ils devraient peut-être les réviser de temps en temps.
J'aimerais simplement dire à M. Spielmann que la réalité n'est pas du tout celle qu'il nous a décrite. La réalité, c'est que, entre 1992 et 2003, le budget de l'Etat a augmenté de 2 milliards, ce qui représente à peu près 40%. Pendant ces dix ans, la population a augmenté de 10% et l'inflation a été inférieure à 10%.
Quant à M. Hiler, il devrait peut-être prendre contact avec son collègue Ber... Comment s'appelle-t-il déjà ?
Une voix. Brélaz !
M. Pierre Kunz. Merci ! Monsieur Hiler, prenez contact avec M. Brélaz à Lausanne !
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Hier, le Conseil d'Etat s'est peut-être senti peu appuyé par ce parlement et par sa droite. Qu'il sache aujourd'hui qu'il a son appui total dans les mesures qu'il prend, avec peut-être une réserve. Comme l'a dit M. Hiler, il est préférable de prendre des mesures structurelles plutôt que des mesures d'ordre conjoncturel. De cela, nous pourrons discuter plus tard.
Ce qui est certain, c'est que les 20 ou 21 millions qui sont en cause aujourd'hui représentent environ 70 postes. Si, dans les dernières années, et notamment au cours de la dernière législature, il n'y avait pas eu - avec l'ampleur que nous avons connue - de hausses des effectifs de la fonction publique, les mesures proposées aujourd'hui seraient inutiles. Cela, je crois, doit être clairement dit !
Dans cette question des coûts de personnel, M. Catelain a raison lorsqu'il rappelle ce qu'il en est pour le petit Etat. Il faut cependant prendre en considération l'ensemble de l'Etat, y compris les institutions subventionnées. On verra alors que les coûts de personnel ne représentent pas 50% du total du budget de l'Etat, mais qu'ils sont probablement beaucoup plus proches de 70%. En d'autres termes, il faut ajouter un bon milliard aux trois milliards qu'il a indiqués.
Enfin, M. Pagani a affirmé tout à l'heure que les augmentations étaient diminuées, voire arrêtées dans certains cas. Il convient d'être plus précis. En ce qui concerne la prime de fidélité, contrairement à ce que certains ont prétendu, elle n'est pas diminuée de moitié; c'est son augmentation qui est diminuée de moitié.
Ce qui est en cause dans cette affaire, ce sont les automatismes. S'il y avait précisément un statut du personnel plus flexible avec des possibilités individualisées, alors les augmentations seraient possibles dans certains cas. Avec le statut que nous connaissons aujourd'hui, elles sont empêchées pour tout le monde, notamment pour ceux qui s'engagent beaucoup pour le fonctionnement de cet Etat.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Quand j'entends les différents représentants des groupes de droite, je me dis de deux choses l'une: soit ils ne sont pas sincères, soit ils ne connaissent rien aux chiffres qu'ils ont sous les yeux. Il n'y a que des mensonges dans ce que j'ai entendu jusqu'ici.
Je commence par M. Kunz qui dit que l'inflation a augmenté de moins de 10%. Monsieur Kunz, l'indice genevois des prix à la consommation, je l'ai ici, je vous en donne un exemple : en 1991, l'indice est de 129 points; en 2003, il est de 158 points, soit à peu près 30 points de plus en treize ans. Vous divisez 30 par 129 et vous obtenez entre 20 et 25%. Vous dites n'importe quoi, Monsieur ! Vous balancez n'importe quel chiffre et vous voudriez encore qu'on vous croie... Dès que vous êtes confronté aux chiffres, Monsieur, évidemment, vous ne savez plus quoi dire, parce que vous savez que vous mentez !
Quant à M. Catelain, qui prétend que la masse salariale a augmenté, il fait l'amalgame entre ce qu'on appelle masse salariale et salaire, et c'est là encore un mensonge éhonté. J'ai ici les décisions du Conseil d'Etat depuis 1991. De 1991 à 1993, les mécanismes salariaux ont été payés. Après, que s'est-il passé ? 1993: blocage des annuités et 0% d'indexation. 1994: annuités, mais 1% d'indexation. 1995: pas d'annuités. 1997: pas d'annuités. 1999: versement décalé. 2000: versement décalé. 2001: versement décalé. La prime de fidélité, c'est pareil ! Je prends l'indexation: 1% en 1993; 1% en 1994; 1% en 1995; 0% en 1996; 0% en 1998; 0% en 1999; 0,5% en 2000.
Mais qu'est-ce que vous racontez, Messieurs ? Vous allez faire croire aux gens qu'ils ont touché quasiment 5% de salaire en plus chaque année ? Monsieur Catelain, quand vous dites que le personnel hospitalier, soignant et social a été réévalué... eh bien, si les gens sont tant privilégiés, et si vous aviez les qualités pour aller travailler dans le secteur de la santé, vous seriez un privilégié ! Il y a tellement de privilèges dans la fonction publique qu'il y a de nombreux endroits où l'on ne trouve pas de personnel ! On a dégarni les hôpitaux des pays voisins, parce qu'on n'en trouve plus ici. Ils sont tellement privilégiés... (L'orateur est interpellé.)Mais qu'est-ce que vous attendez ? Bien sûr qu'il y a une différence du coût de la vie, entre le niveau de vie suisse et les autres. Vous voulez payer les salaires au prix de ceux du Bengladesh, Monsieur Weiss ! Sauf pour M. le banquier que vous connaissez et dont je ne dirai pas le nom. Alors non, Monsieur Weiss ! Les travailleurs dont parle M. Catelain ont été réévalués parce que, justement, ils accomplissent un certain nombre de tâches et qu'ils ne gagnent pas des millions.
Quant à vous, les uns et les autres, je ne vous ai pas entendus vous offusquer ou vous indigner quand il s'agit de payer des centaines de millions pour les ardoises laissées par des spéculateurs de toutes sortes ! C'est pourtant ce qu'a laissé à l'Etat la gestion calamiteuse de la Banque cantonale. Un seul spéculateur laisse une ardoise de plus de 540 millions - une fois et demi, voire deux fois le déficit que vous voulez atteindre ! - et vous ne vous êtes pas offusqués, vous ne vous êtes pas indignés, Mesdames et Messieurs !
M. Catelain trouve qu'il y a trop de fonctionnaires... C'est-à-dire trop d'enseignants. (Remarque.)Il faut plus d'élèves, donc moins de qualité ! Il estime qu'il y a trop de personnel soignant... donc, les gens qui ont recours à l'hôpital subiront les conséquences du manque de personnel. Ils sont trop payés; ils sont trop... Mais, finalement, il roule pour ce Monsieur ? Je n'arrive pas à savoir ! (L'orateur est interpellé.)
Quand il parle, on dirait que M. Catelain trouve que la seule personne au monde qui mérite son salaire, sa place et son poste, c'est lui-même ! C'est ainsi que ça se passe dans ce Grand Conseil.
Il y a une chose que nous n'accepterons pas, à l'Alliance de gauche, c'est que l'on continue de s'attaquer aux salariés, aux travailleurs, et qu'on ne s'en prenne pas, précisément, à ceux qui contribuent à cette crise économique: ceux qui licencient alors qu'ils engrangent des millions et des milliards ! C'est inadmissible, et la fonction publique n'est rien d'autre pour vous qu'un adversaire, un ennemi. Parce que ce que vous faites subir à la fonction publique, vous voulez le faire subir doublement ou triplement aux travailleurs du secteur privé. Vous voulez vous en prendre à la population et aux prestations, parce que les riches, selon vous, ne le sont jamais assez et les autres le sont toujours trop ! Cette politique, nous la connaissons, mais vous allez la payer, et nous nous engageons à vous la faire payer !
M. Pierre Kunz (R). Je voudrais simplement faire remarquer à mon très honorable collègue Mouhanna, professeur de mathématiques emporté ce matin par sa fougue, qu'il confond les pourcents d'inflation avec les points d'inflation. (Brouhaha. Rires.)
Une voix. Arrête ! Ce n'est pas vrai !
M. Pierre Kunz. Quoi qu'il en soit, j'ai bien parlé de la période de 1992 à 2003.
M. Souhail Mouhanna. Vous ne savez rien, Monsieur Kunz !
M. Pierre Kunz. Ah, je ne sais rien... Comme je vous disais l'autre jour, je ne sais rien, mais j'en parle d'autant plus à mon aise. (Brouhaha. Exclamations.)
Le président. Messieurs, calmons-nous un peu ! Monsieur Mouhanna, je vais vous laisser répondre, mais essayons de faire en sorte que les débats se déroulent dans de bonnes conditions.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur Kunz prétend que je confonds les points et les pourcents. Monsieur, j'ai ici l'indice suisse. Demandez à qui vous voulez parmi ceux qui savent de quoi ils parlent. 1991: 129 points; 2003: 158 points. Je n'ai pas dit qu'il y avait 30% de différence. J'ai divisé 158 par 129. Faites la division et vous verrez que j'ai raison ! C'est vous qui ne savez pas de quoi vous parlez. Voilà !
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Je crois que les débats vont se dérouler beaucoup plus sereinement. Je voudrais féliciter M. Mouhanna d'avoir fait référence à l'indice suisse. Je pense que le Conseil d'Etat devrait utiliser l'indice suisse plutôt que l'indice genevois des prix à la consommation.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat prend la parole sur les deux projets de lois, de façon à permettre au débat de se dérouler sereinement ensuite. Le Conseil d'Etat tient d'abord à rappeler en préambule que depuis le début des années 1990 les collaboratrices et collaborateurs de l'Etat ont été mis à contribution en termes d'efforts dans le rétablissement des finances publiques, chacun peut le constater - cela a été dit par les uns et cela doit être reconnu par tous.
Ces mesures ont été prises à l'époque dans une situation qui était extrêmement tendue sur le plan financier et qui a duré extrêmement longtemps. Le Conseil d'Etat de l'époque, tout comme celui d'aujourd'hui, d'ailleurs, a toujours choisi de ne pas «licencier» - j'insiste sur ce terme, parce que ce choix est toujours le sien aujourd'hui. Le Conseil d'Etat l'a dit à différentes reprises: il a toujours voulu éviter le licenciement.
Celles et ceux qui observent les collectivités publiques constateront que ce n'est pas toujours la norme ailleurs. Parfois, il y a des choix bien plus contraignants qui conduisent à des effets beaucoup plus importants à l'égard de celles et de ceux qui ont un emploi aujourd'hui.
J'aimerais souligner un autre élément, non pas pour vous mettre tous d'accord, mais pour, au moins, vous mettre tous à jour. J'espère que cela évitera aussi à M. Mouhanna des ennuis de santé inutiles, que je ne souhaiterais en aucun cas déclencher. Le Conseil d'Etat a calculé en pourcentage d'indexation l'effort réalisé par les collaboratrices et collaborateurs durant ces années-là. Compte tenu du fait que des indexations de rattrapage ont été versées ces dernières années pour un montant équivalent à 2%, le différentiel constaté par les services de l'Etat atteint 9,175% - vous n'aurez donc pas, les uns et les autres, à vous lancer des chiffres à la tête ! Ce n'est d'ailleurs pas là le plus important.
Aujourd'hui, le Conseil d'Etat doit élaborer un second budget 2004. Il doit élaborer un plan financier quadriennal qui amène un retour à l'équilibre, nécessaire aussi bien pour la stabilité des conditions de travail des uns et des autres que pour la stabilité économique et sociale du canton. En début d'année, le Conseil d'Etat a donc dû faire le choix de quelques mesures; celles-ci ne remettent en cause ni le mécanisme des primes de fidélité, ni le mécanisme d'annuités dans leur application. En revanche, le Conseil d'Etat a décidé, c'est vrai, de décaler la progression de la prime de fidélité et de l'annuité. Les mécanismes ordinaires de progression des salaires sont maintenus de ce fait-là.
Compte tenu du temps à disposition, on peut se demander s'il aurait été préférable - mais plus hypocrite - de se lancer dans une négociation préliminaire sans choix plutôt que de prendre une décision que l'on assume, ce que le Conseil d'Etat a décidé de faire.
Alors, il est important de se souvenir qu'on demande un effort en terme salarial, dans le sens monétaire du terme, de réception de la moitié plutôt que de l'entier de ce qui est dû; mais, en terme de progression, le mécanisme est reconnu et intégré au salaire. Le Conseil d'Etat estime que le jour où une politique salariale devra être débattue, elle devra l'être dans un tout autre contexte, et certainement pas dans le contexte de l'urgence budgétaire.
En ce qui concerne le remplacement de l'indexation semestrielle par une indexation annuelle, j'aimerais rappeler que, de tout temps, le législateur a prévu que le Conseil d'Etat peut définir un plafond différent de celui fixé par la répercussion mécanique de l'indice lui-même. Et pour cause: nous avons connu des périodes de grandes difficultés, y compris en terme d'inflation.
Le Conseil d'Etat a souhaité introduire - c'est la véritable modification actuelle - une indexation annuelle plutôt qu'une indexation semestrielle. Il y a deux raisons à cette mesure. Tout d'abord, il lui a semblé équitable, dans le système actuel, de toucher un endroit tout différent de que ce que nous connaissons ailleurs. En effet, notre canton est le seul en Suisse à pratiquer l'indexation semestrielle. Et nous sommes probablement un des seuls Etats - en dehors de ceux où l'inflation est incontrôlable et progresse chaque mois - à pratiquer de la sorte.
Je rappelle aussi que l'allocation de vie chère est maintenue. Elle ne fait pas progresser les salaires, mais elle est versée chaque mois en supplément des salaires considérés comme les plus faibles, c'est-à-dire ceux inférieurs à la classe 13 annuité 2. Cela signifie qu'il y a toujours le bonus social voté dans les années 1990 et que la prise en compte, mois par mois, des inconvénients de la progression de l'indice est appliquée pour tous les salaires concernés - cela doit être dit dans ce débat. Ce n'est pas avec plaisir que le Conseil d'Etat est intervenu dans ces mécanismes sans pouvoir négocier; il ne les a pas remis en cause, il en a modifié l'application.
Je tiens à ajouter que depuis plusieurs semaines nous avons non seulement rencontré les associations du personnel, mais que nous avons aussi réalisé des efforts en matière de calendrier de travail - la dernière rencontre date de la semaine passée. Le Conseil d'Etat l'a dit: il souhaite pouvoir négocier dans le cadre du budget 2005.
Mesdames et Messieurs les députés, la fonction publique, nos collaboratrices et collaborateurs, ne doivent pas devenir - je l'ai déjà relevé dans cette enceinte - l'enjeu politique des uns et des autres ! Plus l'année avancera, plus les élections s'approcheront, et plus cette déontologie devra être respectée. Et ce n'est pas parce que nous devons prendre des mesures difficiles que ceci doit servir de fanion. Ni aux uns, ni aux autres.
Nos collaboratrices et collaborateurs vont de toute façon être sollicités pour la mise en place de l'évaluation des prestations, pour l'identification des indicateurs, pour tout le travail de fond qui va commencer maintenant. Nous souhaitons qu'ils puissent l'effectuer dans les meilleures conditions possibles, avec sérénité et, au moins sur le principe, avec un appui de l'ensemble de ce parlement.
C'est vrai que tout ceci se réalise dans un contexte difficile, mais le Conseil d'Etat est persuadé qu'il est possible, malgré les conditions pénibles, de le faire avec sérénité. Pour cela, il faut aussi que le parlement fasse sa part, qui n'est pas dans les discours politiques, mais dans la tenue de chacun vis-à-vis de la fonction publique.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 47 oui contre 39 non.
Suite des débats: Session 10 (juin 2004) - Séance 59 du 26.06.2004
Premier débat
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. J'aimerais simplement insister, alors que je n'y ai fait qu'une brève allusion pour le projet de loi précédent, sur l'adoption de l'indice suisse des prix à la consommation. Alors que les collaborateurs de l'Etat qui s'établissent en France, mais aussi dans le canton de Vaud, sont de plus en plus nombreux, il est quand même paradoxal que l'indice utilisé pour l'adaptation de leur traitement soit l'indice genevois.
Cette situation est de factode plus en plus étonnante aujourd'hui. Elle deviendra, de par la loi, de plus en plus inacceptable demain si nous acceptons, comme je le souhaite, le projet de loi concernant la liberté du choix de l'établissement des collaborateurs de l'Etat, déposé par le groupe UDC et actuellement examiné par notre commission. C'est à ce titre que je fais mention de cette incongruité en ce qui concerne l'adaptation des salaires. Il serait bon qu'elle soit corrigée.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. En écoutant M. Weiss, on croirait que même l'indexation sur l'indice suisse est payée. Monsieur, les salaires n'ont été indexés ni sur l'indice genevois ni sur l'indice suisse depuis pas mal d'années. Mme la présidente du département des finances a donné le chiffre de 9%... On ne va pas entrer dans une bataille de chiffres, admettons ces 9%. On voit bien qu'on est loin du compte, même pour le payement de l'indexation sur l'indice suisse !
Mme la cheffe du département des finances a dit que si l'on renonçait à l'indexation semestrielle, c'était justement pour garantir l'indexation annuelle. Elle a dit également que, s'agissant des annuités et des primes de fidélités, ce ne serait qu'un décalage de six mois et que les annuités et les primes de fidélité seraient garanties. Alors, j'aimerais bien que les choses soient claires: comment, Madame la conseillère d'Etat, pouvez-vous affirmer ce que vous venez de dire et déposer, en même temps, un plan quadriennal qui prévoit une évolution telle des charges du personnel que les salaires pourraient au mieux augmenter de l'ordre de 1,3% tout compris ?
Or les annuités représentent 1%, les primes de fidélité 0,3%, soit 1,3% au total. Aujourd'hui, l'indexation semestrielle, que vous auriez dû payer - dû payer ! - est de 1,5%. Donc, vous allez la supprimer selon votre projet de loi, Madame ! Donc, 1,5% d'un salaire de 6000 francs, c'est 90 francs pour l'éternité. Pour toute l'année 2004, il est fort probable que l'inflation sur six mois est plus proche de 2% que du 1,5% actuel. Comment pouvez-vous affirmer, Madame la cheffe du département des finances, que vous allez respecter les mécanismes salariaux concernant les annuités et les primes de fidélité - 1,3% pour 2005 - et payer en 2005 l'indexation de l'année 2004, selon ce que prévoit ce projet de loi ? On arrive à un total de 3,3 ou 3,4%, alors que vous vous êtes fixé une limite, Madame, de 1,3 ou 1,6% selon la manière de voir les choses !
Ces éléments sont véritablement des informations destinées à la consommation politicienne et ne sont pas du tout conformes à la réalité. En fait, Madame, vous affirmez des choses et vous faites autre chose, et c'est toujours le personnel qui trinque ! Ce 1,5% d'indexation semestrielle représente 25 à 27 millions de francs. A cela s'ajoutent les annuités et les primes de fidélité: on approche des 50 millions, rien que pour les salaires des gens. Lorsqu'on regarde encore les amendements qui ont été déposés, on s'aperçoit que ce sont des sommes considérables. Qui est-ce qui trinque en premier ? C'est le personnel, toujours le personnel, parce que, selon M. Catelain, les gens sont trop payés et trop nombreux. Et il n'y a que lui qui fait bien son boulot et qui est payé à sa juste valeur...
Je trouve, Madame Brunschwig Graf, que votre manière de faire est véritablement inadmissible. Ce que vous dites est faux, et vous le savez: vous n'allez pas payer les annuités et les primes de fidélité en 2005. Sinon, acceptez, Madame, de vous engager aujourd'hui sur le fait qu'en 2005 il y aura les annuités, les primes de fidélité et l'indexation du salaire selon l'évolution de l'indice genevois des prix à la consommation 2004 ! Engagez-vous dans ce sens et, là, vous serez crédible ! Arrêtez de nous dire n'importe quoi et d'affirmer que le paiement est seulement différé et que l'Etat paiera finalement l'indexation annuelle ! Vous savez que ce ne sera pas possible avec votre plan quadriennal.
M. Jean Spielmann (AdG). J'aimerais faire deux observations, dont une première à M. Weiss. Monsieur, vous introduisez effectivement une idée qui semble nouvelle et moderne, c'est-à-dire qu'on prendrait comme référence l'indice suisse pour régler le problème de l'indice genevois. L'argument pour ce changement, c'est que beaucoup de gens vivent à l'extérieur et qu'il n'est pas normal qu'ils profitent de l'indice genevois.
Je voudrais vous rendre attentif, Monsieur Weiss, à deux éléments. Il y a effectivement, à Genève, une situation paradoxale. On trouve 53'000 employés de plus que le nombre d'emplois qu'il y a effectivement à Genève; cela signifie qu'il y a 53'000 personnes qui se déplacent pour venir travailler à Genève, dont beaucoup de frontaliers - de plus en plus ces derniers temps, d'ailleurs. Genève jouit d'une situation privilégiée au niveau du statut fiscal de ceux qui viennent de l'extérieur du canton. Or, toutes les normes en Suisse, notamment dans les autres cantons frontaliers, sont ainsi faites que l'imposition s'effectue sur le lieu de domicile. Genève a réussi, jusqu'à présent, à accepter que l'imposition se fasse sur le lieu de travail pour ceux qui travaillent à Genève et qui sont domiciliés en France. C'est un exemple unique en Suisse. Il suffirait, Mesdames et Messieurs, qu'un certain nombre de ces gens contestent cette réalité devant les tribunaux pour que vous soyez obligés de revenir en arrière. Vous perdriez ainsi des dizaines de milliers de contribuables à Genève, qui paieraient leurs impôts sur le lieu de leur domicile. Ce serait effectivement très grave pour l'économie genevoise. Monsieur Weiss, vous êtes en train de mettre en route un processus extraordinairement dangereux, en voulant justifier le non-respect des engagements et des contrats que vous avez signés, que l'Etat a signés, et que le Conseil d'Etat a signés avec ses employés ! Remettre en cause des principes aussi fondamentaux que ceux-là peut conduire à une situation très grave et très préjudiciable pour Genève. Je vous rends attentifs à la manipulation des indices et aux conséquences qu'elle peut avoir.
Ensuite, nous avons dit - avec l'ensemble des partis de l'Alternative qui ont écrit au Conseil d'Etat - que nous souhaitions une discussion et une négociation avec la fonction publique. Je le répète encore une fois ici: il n'y aura ni réforme, ni amélioration, ni recherche de meilleures performances, sans discussion avec le personnel.
Je ne connais pas d'employeur qui ne discute pas avec les employés quand il y a des difficultés comme celles dans lesquelles se trouvent les finances de l'Etat de Genève. Alors, refuser le dialogue, refuser le débat, ne pas entrer en matière pour discuter avec les gens, est une erreur que l'on paiera beaucoup plus cher que ce que nous aurions peut-être dû accepter pour entrer en négociation ! Je suis persuadé qu'en négociant avec le Cartel, qu'en discutant avec la fonction publique, qu'en mettant en place des structures permettant le débat et la discussion, on arrivera à une situation bien meilleure. On y arrivera aussi dans la gestion et l'administration des affaires publiques.
On ne peut pas gérer des entités comme l'hôpital, comme les TPG, comme d'autres activités de l'Etat, sans discuter avec le personnel et sans le faire participer aux décisions prises. Vous êtes en train, Mesdames et Messieurs, de refuser la discussion, de revenir sur les engagements pris, de mépriser ceux qui travaillent pour la collectivité publique. Et à travers ces projets de lois, vous aliénez aussi une bonne partie du crédit politique que vous pourriez avoir en présentant un meilleur budget que celui que vous proposez. Nous vous avons dit, Mesdames et Messieurs, que nous n'entrerions pas en matière sur le budget si ces projets de lois étaient maintenus et si l'attitude que vous avez adoptée à l'égard de la fonction publique était maintenue.
Il ne s'agit pas là de défendre les privilèges de la fonction publique, il s'agit simplement de se faire respecter comme employeur auprès de ses employés, de conduire une négociation - ce que font à peu près toutes les entreprises respectables. La fonction publique doit trouver face à elle des gens capables de discuter et de fournir des réponses cohérentes.
Je suis persuadé que les employés sont beaucoup plus capables de discuter, de trouver des solutions pour réduire des coûts et d'améliorer les prestations à la population, que vous ne l'imaginez. Alors, vous faites fausse route sur ce terrain-là. Vous faites fausse route parce que vous vous aliénez une partie de ceux qui auraient pu voter un budget. Je ne sais pas aujourd'hui avec quelle majorité vous arriverez à obtenir un budget à la fin de ces débats. Vous avez fait un choix, Mesdames et Messieurs ! Ce choix n'est pas le nôtre. Nous ne respectons pas cette décision et nous prendrons toutes les mesures qui s'imposent pour vous faire corriger le tir.
M. Gilbert Catelain (UDC). Nous avons affaire ici à un projet de loi jumeau du précédent. Il s'inscrit dans sa continuité, dans une même logique. J'aimerais rappeler aux membres de l'Alliance de gauche que le canton de Genève n'est pas le seul canton à connaître un système d'annuités. Même la Confédération connaît ce type de traitement. La différence, c'est qu'il n'engendre pas les mêmes effets, puisque dans d'autres cantons et à la Confédération il est neutre du point de vue des coûts. Autrement dit, les annuités n'engendrent pas une augmentation de la masse salariale année après année; ce mécanisme est absolument neutre au niveau des coûts.
Si vous observez les comptes de la Confédération, vous constaterez que la masse salariale n'a pas augmenté au cours des dernières années, elle a suivi l'inflation.
Il faudrait peut-être défendre les intérêts vitaux de la fonction publique. Si j'étais fonctionnaire cantonal, j'attendrais de la gauche qu'elle défende plutôt mon droit à la retraite. J'accepterais un sacrifice, limité dans le temps, sur l'indexation, plutôt que de prendre des risques sur le long terme au niveau du financement des caisses de retraite - dont on ne parle pas aujourd'hui, d'ailleurs. On aurait pu imaginer que le Conseil d'Etat nous présente un projet de loi rétablissant la parité entre les cotisations employeur et employés, comme c'est le cas dans la plupart des cantons et dans la plupart des entreprises. Il s'agirait donc d'une simple égalité de traitement entre le fonctionnaire cantonal et le citoyen de ce canton.
Pour l'UDC, l'indexation semestrielle est une anomalie. Il faut la corriger, non pas seulement pour l'année 2004, mais également à long terme. Je ne vois pas pourquoi dans ce canton une partie de la population aurait le droit à une indexation semestrielle, tandis que la majorité des citoyens n'auraient le droit qu'à une indexation annuelle - encore faut-il qu'ils la touchent !
Pour mémoire, selon les chiffres du Conseil d'Etat, l'indexation semestrielle était à 0,78%. Certains cantons ont renoncé à toute indexation annuelle pour le personnel de la fonction publique. Je crois donc que, dans ce domaine, on n'a pas trop à se plaindre. L'effort demandé à la fonction publique est acceptable. Il n'a pas besoin d'être négocié parce que nous sommes dans une situation d'urgence.
M. Alberto Velasco (S). Nous sommes de nouveau confrontés à un projet de loi qui s'attaque aux intérêts de la fonction publique et, concrètement, aux travailleurs. Monsieur Catelain, vous dites qu'il faudrait que l'indexation soit annuelle... Le problème, c'est que, même annuelle, elle n'est pas garantie dans ce projet de loi. La preuve, c'est que le rapporteur de minorité a proposé un amendement pour garantir cette indexation annuellement. Cet amendement figure à la page 8 du rapport qui nous est soumis et se formule ainsi: «Les traitements sont adaptés chaque année pour l'année suivante, proportionnellement à l'évolution de l'indice genevois des prix à la consommation.» Cet amendement a été refusé par l'Entente et, évidemment, par votre parti, Monsieur Catelain ! Vous n'avez donc pas accepté en commission la proposition que vous venez de faire en plénière. Je pense que le rapporteur de minorité soumettra à nouveau son amendement. J'espère qu'à ce moment-là vous pourrez voter avec nous.
Chaque fois que nous refusons les mesure proposées, nous sommes taxés, nous à gauche, d'égoïsme - en l'occurrence, on nous rabâche à chaque occasion la question de la dette. Hier, j'ai entendu quelque chose qui m'a tout de même surpris: le rapporteur de majorité du budget, M. Mettan, a dit que la dette était de 25'000 francs par jeune de moins de 20 ans. Ce calcul est totalement faux. Il est totalement faux parce que le paiement de la dette...
M. Bernard Lescaze. C'est plus cher ?
M. Alberto Velasco. Non, Monsieur Lescaze ! Il faut peut-être apprendre à calculer. Vous prétendez que moi, avec mon revenu, je dois payer la même part de la dette que M. Pictet, banquier, ou que certaines fortunes de ce canton... Cette dette est aussi répartie proportionnellement selon le revenu de chacun de nous. Conclusion: les jeunes défavorisés - ou qui ont moins de fortune que d'autres - paieront une part de la dette bien moindre que ceux qui ont une fortune; quelqu'un qui n'est pas fortuné aura à assumer quelques centaines de francs de cette dette et quelqu'un de fortuné assumera, proportionnellement à son revenu, une part plus importante. En l'occurrence, le calcul de 25'000 francs qu'on nous a balancé hier est totalement démagogique !
Hier, on nous a également dit que les allègements fiscaux avaient amené un certain nombre d'emplois; c'est peut-être vrai. M. le rapporteur a fait le calcul, mais c'est dommage qu'il ne nous ait pas donné le coût de ces emplois créés en infrastructures, en écoles, etc. Ce n'est pas forcément un bon nombre d'emplois; ces emplois sont importés dans le canton, et pas forcément créés.
Vous nous traitez d'égoïstes, Mesdames et Messieurs... J'aimerais que la droite, une fois pour toutes... (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur ! J'aimerais que vous nous fassiez, une fois pour toutes, un calcul ou une démonstration qui corrobore le principe selon lequel les baisses d'impôts amènent une telle suractivité économique que des emplois sont créés et qu'on renfloue les caisses. Parce que, avec ce même raisonnement, on pourrait dire que, dans la crise actuelle, nous pourrions, baissant encore les impôts, améliorer les recettes fiscales et, par là, vivre mieux !
Une voix. Exactement !
M. Alberto Velasco. Donc, si je comprends bien, Messieurs les radicaux, Monsieur Froidevaux, vous allez proposer encore des baisses fiscales ! (Approbation de M. Pierre Froidevaux.)Voilà, il dit oui ! Alors que vous demandiez tout à l'heure des sacrifices pour 21 millions, plus maintenant d'autres sacrifices pour 13 millions, vous nous dites ici, en plénière, que vous allez encore demander des baisses fiscales ! (Commentaires.)C'est un discours totalement revanchard et absurde. (Vives protestations de M. Pierre Froidevaux.)
Le président. Monsieur Froidevaux, laissez parler M. Velasco !
M. Alberto Velasco. Monsieur Froidevaux, votre attitude est réactionnaire... et totalement ridicule ! Cela montre votre état d'esprit vis-à-vis de la fonction publique. Les radicaux veulent des baisses d'impôts sur le dos des travailleurs de la fonction publique. Cela, Monsieur Froidevaux, nous ne l'accepterons pas et nous rejetons ce projet de loi ! Nous, les socialistes, nous refuserons donc l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Mark Muller (L). Le groupe libéral acceptera l'entrée en matière sur ce projet de loi qui, contrairement au précédent, introduit une modification structurelle puisqu'il est ici question de passer d'une indexation semestrielle à une indexation annuelle. Cela paraît tout à fait normal. Ce qui est en réalité anormal, c'est l'indexation semestrielle. Je ne crois pas qu'un tel système existe ailleurs.
Il est vrai que cette indexation n'est pas automatique, elle ne l'a d'ailleurs jamais été. Le Conseil d'Etat dispose de la faculté d'indexer les salaires; cela nous paraît également tout à fait normal, il n'y a pas là de rupture d'un engagement contractuel.
J'ai pu entendre M. Mouhanna dire tout à l'heure qu'il était inadmissible qu'on ne respecte pas les engagements envers la fonction publique. En réalité, il n'y a pas d'engagement envers la fonction publique consistant à indexer automatiquement les salaires, puisque la loi stipule clairement que le Conseil d'Etat est autorisé à indexer les salaires. Lorsque la personne qui s'engage dans la fonction publique prend connaissance de ses conditions de travail et de ses conditions salariales, elle prendra également connaissance de cette loi. Elle saura qu'il n'y a pas d'indexation automatique.
Quant au pouvoir d'achat, dont on nous rebat les oreilles depuis hier soir, il est maintenu. Le pouvoir d'achat se maintient puisque, précisément, on continue à permettre l'indexation des salaires. J'aimerais simplement vous rappeler que dans le budget du Conseil d'Etat la masse salariale augmentait d'environ 42 millions. A l'issue de nos débats probablement, si le budget est accepté tel qu'il sort de la commission des finances, la masse salariale augmentera encore d'environ 35 millions. Je crois que cet élément-là doit ramener un tout petit peu de modération dans le débat et nous permettre d'aller de l'avant.
Mme Anne Mahrer (Ve). J'ai bien écouté tout à l'heure Mme Brunschwig Graf. Elle nous dit que Conseil d'Etat compte sur la fonction publique pour mettre en oeuvre le fameux projet GE-Pilote en faisant appel à sa capacité d'engagement, à sa compétence. Le Conseil d'Etat serait soucieux de «l'épanouissement professionnel des collaboratrices et des collaborateurs». Pourtant, dans le même temps, il s'attaque à nouveau aux mécanismes salariaux. Je trouve cela assez surprenant.
Comme l'a rappelé tout à l'heure mon collègue David Hiler, on pourrait trouver un accord sur la suppression de l'indexation semestrielle, si le Conseil d'Etat s'engageait sur le versement effectif de l'indexation de novembre à novembre, pour arriver ensuite à une indexation annuelle.
Ce signal est désastreux pour mettre en oeuvre une réforme de l'Etat en profondeur. Aussi, les Verts n'entreront-ils pas en matière sur ce projet de loi.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Je trouve l'intervention de M. Muller un peu curieuse. D'une part, il dit que le Conseil d'Etat n'est pas obligé d'indexer les salaires - je partage ce point de vue avec lui - et, d'autre part, il ajoute tout de suite que les gens qui entrent dans la fonction publique savent que l'indexation n'est pas automatique. En même temps, le même M. Muller ou son groupe trouvent normal que des choses figurant dans la loi - par exemple les annuités et la prime de fidélité - soient supprimées. (L'orateur est interpellé.)Si ! C'est dans la loi, Monsieur Muller, puisque vous faites une dérogation à cette loi avec le projet de loi précédent ! Et vous trouvez normal dans ce cas, Monsieur, qu'on ne respecte même pas la loi qui constitue un contrat.
Ensuite, Monsieur Muller, vous oubliez que les gens qui travaillent dans la fonction publique sont quand même des êtres humains qui ont un certain nombre de droits. Et comme tous les travailleurs, Monsieur Muller, ils ont un patron, qui se trouve être le Conseil d'Etat ! Si, pour vous, les travailleurs n'ont rien à dire quand il s'agit de voir la compensation du renchérissement payée ou pas, alors je trouve que vous avez une drôle de manière de respecter les gens ou les travailleurs. Le Conseil d'Etat, c'est le patron de la fonction publique et il a l'obligation de négocier avec ses partenaires sociaux. A partir du moment où il ne négocie pas, il enfreint toutes les règles des pays démocratiques en matière de droit du travail. Genève, qui est le centre d'un certain nombre d'organisations internationales, notamment l'Organisation internationale du travail, est très mal placée pour donner des leçons à quiconque dès lors que son gouvernement enfreint les règles. Il appartient donc au Conseil d'Etat de respecter les règles élémentaires des rapports sociaux avec les travailleurs dont il a la charge, c'est-à-dire avec le personnel de la fonction publique. Et comme vous pouvez le constater, à aucun moment le Conseil d'Etat n'a négocié quoi que ce soit avec le personnel. Mme Brunschwig Graf a eu l'immense générosité de dire qu'elle avait envoyé une lettre pour fixer deux séances. C'est cela, la négociation... (L'orateur est interpellé.)Bon, trois séances - ou quatre peut-être - pour dire aux représentants du personnel que la situation est dramatique, qu'on ne peut rien faire, mais qu'ils sont formidables et que la qualité de leur travail est tellement reconnue qu'on va s'en prendre encore aux conditions de travail et aux salaires !
Enfin, Monsieur Muller, il faudrait arrêter de mélanger tout. Ne pas mélanger la masse salariale et les salaires ! La masse salariale, elle, est déterminée par le nombre de personnes qui travaillent. Et les dégâts de la politique que vous menez, Monsieur Muller, dans les domaines de la santé, du social et de l'éducation coûtent de l'argent ! Regardez ce qui se passe au niveau du recours à l'aide sociale, vous comprendrez alors que ce ne sont pas les salaires qui augmentent, mais que c'est la précarité qui nécessite plus de dépenses. Autrement dit, ce sont les dégâts de votre politique qui font augmenter les masses salariales.
Monsieur le président, pour bien montrer la sincérité des uns et des autres, et notamment du Conseil d'Etat, quand ils parlent d'indexation annuelle, je suppose que ce Grand Conseil acceptera à l'unanimité l'amendement déposé par M. Pagani sur ce projet de loi PL 9266-A.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Il va de soi que, lorsque je proposais tout à l'heure que l'on emploie l'indice suisse des prix pour procéder à l'indexation des salaires quand cela est possible, je ne proposais nullement une solution miracle, mais uniquement un instrument technique. De même, le Conseil d'Etat, en proposant cette solution, a aussi mis le doigt sur un des défauts techniques de l'indexation semestrielle, à savoir que l'adaptation du budget aux futurs comptes est rendue plus difficile parce que la prévisibilité est moindre.
J'aimerais ajouter deux points. Tout d'abord, je relève ce qu'a dit avec justesse M. Velasco. Il n'y a pas 24'000 ou 25'000 francs en moyenne de dette par contribuable, ce serait une illusion de le croire. Il y a près de 50'000 contribuables qui ne paient pas d'impôts. Ce sont les citoyens et les habitants de ce canton qui, pour différentes raisons, ne sont pas soumis à l'impôt, notamment en raison de barèmes particulièrement généreux. En revanche, Monsieur Velasco, 80% des impôts sont payés par 20% des contribuables. Ce qui signifie que sur 40'000 personnes pèse une dette virtuelle de 250'000 francs par tête contributive. Ce chiffre-là, nous le prenons en considération et nous visons à le réduire. Je serais heureux si vous nous rejoigniez, Monsieur, dans nos efforts pour diminuer ce poids sur les 40'000 contribuables en question. Ils font aussi partie du peuple, j'aimerais le souligner ici !
Enfin, certains se sont livrés à des comparaisons entre le privé et le public, notamment en ce qui concerne l'indexation ou non des salaires pour le public genevois au cours des années 1990. Ils ont oublié de rappeler qu'en ce qui concerne le privé suisse dans son ensemble la progression de son pouvoir d'achat, de 1992 à 2002, a été de seulement 0,5% globalement - avec une progression d'ailleurs plus élevée pour les hauts et les bas revenus. Il serait peut-être utile de voir que la progression des salaires pour la fonction publique genevoise a certainement atteint ce pourcentage.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 45 oui contre 38 non. (Commentaires.)
Suite des débats: Session 10 (juin 2004) - Séance 59 du 26.06.2004
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, essayez de conserver votre calme ! Nous passons maintenant au deuxième débat sur le budget en tant que tel, soit avec le livre bleu.
Deuxième débat
Budgets de fonctionnement
CHAPITRE 1: CHANCELLERIE D'ETAT
Service du Grand Conseil (Rub. 10.02.00)
M. Rémy Pagani (AdG). Nous avions demandé que l'ensemble des amendements soient récapitulés sur un cahier pour nous permettre d'être un peu systématiques, vu la profusion des amendements distribués. Je suis sûr, Monsieur le président, que vous êtes certainement hypercompétent, mais, pour nous, il sera difficile de suivre. Cette demande a-t-elle été satisfaite ? Qu'en est-il ?
Le président. Merci Monsieur le député, de la compétence que vous me prêtez. Je ne peux pas garantir qu'il n'y aura pas parfois - chez moi aussi - un certain flottement parce qu'effectivement, avec tant d'amendements, cela sera difficile. Trois feuilles différentes vous ont été distribuées; le Conseil d'Etat a encore présenté hier toute une série d'amendements; d'autres ont encore été déposés... Il est très difficile de suivre. Monsieur Pagani, j'expliquerai les choses au mieux pour que tout le monde puisse suivre - nous prendrons le temps nécessaire. Des documents vous ont été distribués par le service du Grand Conseil, il a fait son maximum dans un très bref délai. Je l'en remercie et j'ajoute qu'il n'était pas possible de faire mieux en un temps aussi court. Vous avez vu la procédure de vote que nous allons appliquer dans le document qui vous a été distribué hier.
Nous passons maintenant au livre bleu - lecture par section. Nous voterons à chaque fin de chapitre, donc sur chaque département, et ensuite sur les opérations Banque cantonale de Genève et Fondation de valorisation. Enfin - comme en sont convenus le bureau et les chefs de groupe lors de leurs réunions - pour tenir compte des amendements qui pourraient être acceptés et pour refaire les calculs, nous passerons au deuxième débat sur les trois projets de loi 9077-A, 9265-A et 9266-A. C'est dans ce cadre-là que les amendements sur ces différents projets seront développés.
Commençons le deuxième débat sur le projet de loi 9264-A concernant le budget et le livre bleu. Allons-y tranquillement, il y a en effet toute une pluie d'amendements...
A la page 144 du livre bleu, rubrique 10.02.00.300, sous le libellé «Autorités, commissions et juges», nous avons une proposition de diminution de 59 530 francs. Le Conseil d'Etat souhaite-t-il développer cet amendement ? Madame Martine Brunschwig Graf, vous avez la parole.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je vous prie de prendre note que les premiers amendements concernent le Grand Conseil jusqu'aux points 300, 303 et 305. A ma connaissance, ils concernent les postes qui avaient été prévus par le Grand Conseil. Je n'ai pas d'autre développement à faire. Nous avons simplement calculé ce que vous aviez vous-mêmes approuvé.
Le président. Cela figure dans mes papiers comme étant des amendements présentés par le Conseil d'Etat, mais ce sont apparemment des amendements purement techniques. La parole n'étant pas demandée, je vous propose de voter sur... (Commentaires.)Je viens de le dire ! Madame la conseillère d'Etat, vous avez des explications à nous donner; je vous donne la parole.
Mme Martine Brunschwig Graf. J'ai moi-même été troublée parce que ces amendements viennent d'un recalcul. Apparemment, les jetons de présence avaient été calculés avec les charges sociales, ce qui ne devait pas être fait, et c'est la raison pour laquelle cette modification a été apportée.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons voter sur l'amendement qui figure à la rubrique 10.02.00.300 et qui consiste à diminuer 59 530 francs.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 60 oui contre 11 non et 2 abstentions.
Le président. A la rubrique 10.02.00.303, sous le libellé «Assurances sociales», nous avons une proposition du Conseil d'Etat consistant en une diminution d'un montant de 300 900 francs. C'est aussi un amendement purement technique, si je ne m'abuse, Madame la conseillère d'Etat.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 74 oui contre 1 non.
Le président. A la rubrique 10.02.003.05, sous le libellé «Assurance maladie et accidents», nous avons une proposition du Conseil d'Etat consistant en une diminution d'un montant de 11 650 francs. C'est aussi un amendement purement technique.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 74 oui contre 3 non et 2 abstentions.
Le président. Nous en avons terminé avec le Grand Conseil. Nous passons au secrétariat général. Un amendement a récemment été déposé par M. Mettan, rapporteur de majorité.
Secrétariat général (Rub. 11.02.00.318)
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Si j'ai déposé cet amendement, c'est pour deux raisons: toute la tentative de l'Alternative a consisté, ces dernières semaines, à faire croire que les amendements votés par la commission des finances l'avaient été la tête dans un sac, n'importe comment et au hasard, or ce n'est pas du tout le cas. Ces amendements ont été votés suite à des réflexions sérieuses... (Rires.)Et suite à un débat démocratique qui a eu lieu au sein de la commission, même si vous ne voulez pas l'admettre ! Chaque amendement a été discuté, et la majorité a pris ces décisions à la suite de cette confrontation démocratique. Renseignez-vous auprès de vos commissaires aux finances - et lisez les procès-verbaux si vous le voulez ! Les critères ont été l'impartialité et l'équité, étant donné que tous les départements ont été touchés. (Rires. Le président agite la cloche.)Je sais, toute votre action vise à discréditer ces amendements et délégitimer le travail démocratique qui a été fait. Vous vous trompez, et c'est ce que nous allons vous montrer maintenant.
Deuxième critère: pas de licenciement. Troisième critère: sauvegarde de l'essentiel des prestations sociales. Et c'est si vrai que nous nous sommes aperçus, grâce aussi à vos critiques constructives, que la soustraction de 50 000 francs à l'ONG Mandat international n'était peut-être pas la décision la plus judicieuse - et nous l'acceptons ! (Exclamations d'approbation.)C'est pour cela que je tiens à ce qu'il soit dûment enregistré que si je propose cet amendement, c'est que, justement, nous n'avons pas voté la tête dans un sac, mais plutôt suite à vos critiques. Cela est important pour toute la suite du débat.
C'est pourquoi je vous propose d'enlever 50 000 francs aux honoraires de tiers de la chancellerie pour que l'on puisse les redonner à Mandat International, montant auquel cette ONG efficace est en droit de prétendre. Cela est le fruit d'une réflexion et d'un débat constructifs entre nous.
M. David Hiler (Ve), rapporteur de minorité. Nous avons dit - et nous le maintenons - qu'un certain nombre d'amendements que vous nous avez présentés étaient illégaux, absurdes, ou résultaient d'une mauvaise lecture des comptes de l'année précédente. Nous n'avons jamais dit que vous n'y aviez pas renoncé après discussion. Il est vrai que vous aviez proposé, par exemple, de diminuer le budget des HES. A la suite de longues explications de Mme Brunschwig Graf ainsi que de différents commissaires de l'Alternative, vous avez admis que ce que vous veniez de déposer n'était pas très «futfut». Nous en prenons acte, le débat sert aussi à cela.
Deux choses doivent être connues: les amendements que vous avez déposés - ils figurent maintenant dans ce rapport - et le point où nous en sommes arrivés, et chacun jugera.
Je remercie le rapporteur de majorité de se rendre compte que la diminution qui a été faite à Mandat International résultait clairement d'une mauvaise compréhension à la suite d'un changement de rubrique et que, en conséquence, il est équitable et juste que ce ne soit pas la seule petite association qui ramasse une coupe sous prétexte qu'elle figure au début du livre - cela aurait vraiment été injuste. Pour le reste, chaque parti de l'Alternative jugera si ces 50 000 francs peuvent être retranchés dans les dépenses générales de la chancellerie. Pour ma part, je pense qu'on peut très raisonnablement faire cette suppression sans s'attaquer à l'essentiel.
Puisque j'ai la parole - et pour ne pas la reprendre ultérieurement - j'aimerais que Mme Brunschwig Graf me confirme ce qui a été dit en commission, à savoir que les projets de e-voting conduits par la chancellerie sont intégralement payés par la Confédération et que nous n'y mettons pas un sou. On peut étendre cette remarque à la force de travail: puisqu'on en est à supprimer le «souhaitable», comme on dit - comme il faut se concentrer sur l'indispensable - cette démarche pilote est justifiée si elle est payée par la Confédération; elle ne le serait pas si elle était payée graduellement par notre canton.
M. Jean Spielmann (AdG). Le rapporteur de majorité nous a expliqué combien la majorité avait eu de réunions pour préparer les amendements et combien ces derniers avaient été travaillés - M. Mettan nous a dit tout le sérieux de la préparation. Alors, permettez-moi de vous rappeler certains faits.
J'ai aussi relevé que le rapporteur disait qu'on pouvait lire les rapports de commission... C'est intéressant ! Pour ceux qui peuvent les obtenir - je ne sais pas si c'est possible - cela leur permettra de comprendre ce qui s'est réellement passé. Parce que, Mesdames et Messieurs les députés, la commission des finances a été convoquée un samedi matin pour travailler toute la journée sur la base de discussions de la majorité. Et nous n'avons pris connaissance des amendements que par l'intermédiaire de la presse, à laquelle la majorité les avait communiqués avant même que nous ne les ayons en main pour commencer les travaux de commission.
Par ailleurs, la majorité a préparé des pages entières d'amendements sur le budget qui violaient la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, sur le contrôle des comptes et sur les possibilités de contrôler les entités des différents départements. Après des heures de discussion, elle s'est rendu compte que les amendements étaient illégaux et les a retirés pour une bonne partie.
Autre chose: dans les amendements visant les subventions ou le budget, il y a une série d'amendements qui illustrent l'absurdité et le manque de connaissances du budget de la part de ceux qui les ont présentés. En effet, une série d'amendements prévoyaient des réductions sur des sommes autofinancées, c'est-à-dire qu'on proposait de réduire des fonds de renaturation, par exemple, alors qu'il s'agissait d'une compensation de ce que des gens avaient payé. Lorsque les députés se sont rendu compte d'où cela provenait, ils ont retiré lesdits amendements.
On a proposé des réductions de beaucoup de subventions - non pas par hasard, comme cela a été dit tout à l'heure, mais de manière ciblée, puisque l'on a visé le logement social, la culture, l'enseignement, les associations et les mouvements qui défendent les intérêts des femmes - alors qu'elles ont un rôle important à jouer dans la société. On a ciblé des subventions qui, si on avait suivi la majorité, auraient tout simplement fait perdre de l'argent au canton, parce qu'il s'agissait de concordats intercantonaux dans lesquels les autres cantons devaient reverser des sommes pour les étudiants qui venaient à Genève. En supprimant cette subvention, on cassait cette convention, et l'Etat de Genève aurait perdu trois ou quatre fois plus de millions qu'il voulait en économiser. On a mis près d'une heure pour expliquer cela; lorsque les députés ont compris, ils ont retiré l'amendement...
Je pourrais poursuivre cette liste encore longuement puisque nous avons discuté toute la journée. Sur quelques centaines d'amendements, nous avons réussi à n'en faire passer qu'une dizaine. Malheureusement, c'est le dada politique de la droite d'attaquer le social, la culture et l'enseignement ! Vous avez même dit - et je pense que c'est important de le relever ici - que vous aviez alloué 20 millions de francs pour l'Hôpital, parce que les amendements concernaient l'enveloppe qui était l'accord de la fonction publique de l'Hôpital. Cela veut dire que vous avez attaqué les HUG, non pas parce que vous considériez qu'il fallait faire des économies, mais parce que vous vouliez punir le Conseil d'Etat et le personnel d'avoir obtenu un accord salarial qui permette aux infirmières de travailler plus correctement ! Cela doit être dit ici.
Mesdames et Messieurs les députés, ces attaques antisociales sont claires, ciblées ! Elles ont une identité et une signature. Ceux qui, dans ce canton, souhaitent défendre l'enseignement, le logement social, la lutte des femmes ou la culture doivent savoir qui a déclenché ces attaques, et pour quelles raisons ! En définitive, la plupart de ces amendements coûteront plus cher que les quelques petites sommes économisées.
La plupart de ces amendements portent sur des objets où la loi fait obligation au Conseil d'Etat de couvrir les charges. Ces lois ont été votées par le Grand Conseil - par vous, par votre majorité - et vous êtes certainement conscients que vos amendements n'ont pas de base légale. Il faudrait d'abord changer les lois qui obligent le Conseil d'Etat à dépenser cet argent avant de nous proposer des amendements qui contredisent les lois que vous avez vous-mêmes votées ! Vous êtes donc en pleine contradiction. Ces amendements ont été faits à la légère, par des incapables qui ne connaissent ni le budget ni les conditions sociales de ce canton. Ces amendements doivent par conséquent être refusés.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous interrompons nos travaux, que nous reprendrons à 10h.
La séance est levée à 9h45.