République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 10 juin 2004 à 20h
55e législature - 3e année - 9e session - 46e séance
PL 8754-A
Premier débat
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de majorité. J'aimerais simplement préciser l'objet de ce rapport, qui est en fait beaucoup plus simple qu'il n'y paraît. Ce projet de loi veut simplement supprimer la possibilité - qui existe actuellement - de financer la fondation de valorisation autrement que par des crédits auprès de la BCGe ou auprès de l'Etat. La majorité des commissaires pense que c'est une possibilité qu'il faut laisser subsister parce qu'elle permet une certaine souplesse.
Au fond, je vous engage vraiment à refuser ce projet de loi parce qu'il est inutile. Peut-être que M. Kunz aurait bien fait de le retirer.
Le président. Avant que vous lanciez cette petite pique finale, Madame, je pensais que nous pourrions voter l'entrée en matière assez rapidement parce qu'il n'y avait pas d'autres personnes inscrites...
Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le rapport de majorité est fort bien fait. La seule chose est qu'il ne traite pas de la problématique posée par le projet de loi qui nous intéresse.
En mai 2000, ce Grand Conseil a pris, en votant la loi 8194 au sujet du sauvetage de la BCGe, la décision fondamentale suivante : rétablir l'équilibre du bilan de la BCGe, non pas en comblant les pertes en bloc, comme cela s'est fait dans le canton de Vaud, mais en comblant régulièrement les pertes au fur et à mesure de leur réalisation. Ce rééquilibrage interviendra avec le temps, grâce à la cession de 5 milliards de créances - que certains appellent: «créances pourries», d'autres: «casseroles». Ce comblement, ce rétablissement de la structure bilancielle effective de la BCGe, interviendra donc au fur et à mesure des ventes effectuées par la fondation de valorisation. Le tout, et c'est cela qui était important à l'époque, avec la garantie de l'Etat.
Au plan comptable, la perte totale dans le bilan de l'Etat estimée à environ 2,7 milliards, et je vous demande de souvenir de cela parce que c'est très important, sera provisionnée, et cette provision sera utilisée au fur et à mesure des remboursements du crédit BCGe, c'est-à-dire au fur et à mesure des ventes réalisées par la fondation.
On sait aujourd'hui que, comme l'Etat n'a pas tout simplement lui-même les moyens de ces remboursements, il est amené à emprunter au fur et à mesure des ventes de la fondation, sous réserve des accumulations qu'il fait dans certains comptes. C'est alors que, simultanément avec la diminution de la provision, la dette qui figure au bilan de l'Etat augmentera. Je sais, c'est un problème ennuyeux comme tout. C'est un problème bêtement comptable, c'est un problème technique, mais, en l'occurrence, il s'agit, Mesdames et Messieurs, de 500 millions.
Ce que je viens de vous dire, c'est l'esprit de la loi 8194 et le but est que, petit à petit, les conséquences de la calamité BCGe soient agrégées à la dette publique avec les années.
Ainsi donc, tout remboursement du crédit BCGe qui intervient à un rythme plus rapide - et c'est là le coeur du problème - et de manière anticipée par rapport aux ventes dont je parlais tout à l'heure est contraire à l'esprit de la loi 8194. Un tel remboursement devrait donc faire l'objet d'une approbation par le Grand Conseil. En l'an 2000 en effet, vous avez voté, Mesdames et Messieurs - moi, je n'y étais pas, mais j'aurais fait comme vous, je serais tombé dans le panneau - une disposition prévoyant que le remboursement du crédit BCGe se ferait proportionnellement et au même rythme que les ventes des immeubles repris avec les créances par la Fondation.
Or, Mesdames et Messieurs, cela n'a pas été le cas pour les 500 millions empruntés par l'Etat, car c'est lui qui a emprunté, à travers la fondation de valorisation, à fin 2001. Pourtant, il s'agissait bien d'un remboursement anticipé qui ne correspond pas à des ventes réalisées par la fondation. Comme l'ont relevé aussi bien Mme Calmy-Rey, lors de son audition, que le représentant de la fondation, le 21 avril 2003, la BCGe avait besoin de cet argent. En effet, la banque avait, dans son portefeuille, une trop grande part de ses crédits immobilisés à la fondation de valorisation. Je vous rappelle qu'à ce moment-là, à fin 2001, la BCGe avait pour 18% de ses crédits entre les mains de la fondation de valorisation et à des taux manifestement incompatibles avec un équilibre bilanciel et de gestion.
Alors, pour sauver la BCGe, il fallait procéder à ce que j'appelle une deuxième opération de sauvetage, c'est-à-dire rembourser de manière anticipée, indépendamment du rythme des ventes de la fondation, ces 500 millions. Cet emprunt de 500 millions aurait donc dû être approuvé par vous, Mesdames et Messieurs, au même titre que vous avez approuvé le projet de loi 8194. ce qui s'est passé là, c'est simplement que le Conseil d'Etat a emprunté 500 millions de francs de manière non compatible avec l'esprit de la loi 8194. Si l'Etat avait emprunté cette somme lui-même, les principes de clarté, d'intégralité et de transparence fixés par la LGAF auraient été respectés. Cela, c'est M. Bordogna, directeur de l'ICF qui l'a relevé.
De plus - et ce n'est pas tout à fait négligeable - ce crédit aurait coûté moins cher aux citoyens puisqu'il aurait pu être contracté à un taux inférieur, légèrement certes, à celui obtenu par la fondation de valorisation. Mais enfin, sur dix ans, cela fait tout de même entre 2,5 et 3,5 millions de francs.
Conclusion : en agissant comme elle l'a fait, Mme Calmy-Rey n'a pas triché. Elle a utilisé une faille de la loi 8194, mais, cette faille, il faut le dire, elle l'avait sciemment introduite dans la loi, en toute connaissance de cause, au nez et à la barbe de ce parlement.
Le but du projet de loi 8754 que nous vous avons soumis, Mesdames et Messieurs, est de faire qu'à l'avenir ce genre d'exercice ne soit plus possible. Ce n'est pas un exercice théorique dont je vous parle... Mme Brunschwig Graf - je sais qu'elle ne le fera pas, n'est-ce pas ? - pourrait, dès demain, emprunter sur les marchés, par l'intermédiaire de la fondation de valorisation, les fonds nécessaires à l'Etat pour rembourser le crédit BCGe. Donc, elle pourrait emprunter sur les marchés 500 millions ou 1 milliard, par l'intermédiaire de la fondation, pour éviter de faire augmenter la dette publique tout en remboursant la dette de la BCGe qui pourrait en avoir besoin. Je sais que Mme Brunschwig Graf ne le fera pas, elle. Elle est honnête; pourtant, comme elle part dans une année et demie, je me méfie. Elle pourrait emprunter sur les marchés, par exemple, les fonds nécessaires au remboursement du prêt BCGe en l'absence, Mesdames et Messieurs, de toute vente de la fondation de valorisation. Et cela, Mesdames et Messieurs, ça nous pend au nez !
Il est bien possible que dans deux ans, dans un an, le marché immobilier s'effondre à cause d'une hausse massive des taux d'intérêts. La BCGe aurait alors vraiment besoin de récupérer ses capitaux. Et à ce moment-là, si nous n'y prenons garde, il se pourrait que le Conseil d'Etat, pour éviter de gonfler la dette publique, emprunte, par l'intermédiaire de la fondation, en expliquant - comme Mme Künzler le fait - que c'est la même chose puisque, de toute façon, la BCGe est un débiteur comme un autre. Eh bien, non ! La fondation de valorisation a été chargée d'une mission : rembourser la BCGe, avec l'accord et l'aide du Conseil d'Etat, au fur et à mesure des ventes. Or, les emprunts qui ont été faits et ceux qui pourraient encore être faits contreviennent à la décision que vous avez prise à l'époque.
M. Mark Muller (L). Mesdames et Messieurs les députés, depuis le début de la législature, nous siégeons ensemble, avec M. Kunz, à la commission de contrôle de la fondation de valorisation, et nous partageons pour l'essentiel un certain nombre d'analyses, en particulier celle qu'il fait dans son projet de loi. Nous considérons effectivement que la dette de la fondation fait partie de la dette de l'Etat. On ne peut pas simplement dire que la dette de l'Etat est de 11,4 milliards à l'heure actuelle, on doit tenir compte d'autres dettes publiques qui résident à d'autres niveaux et notamment de celle inhérente à l'existence même de la fondation de valorisation. Sur ce point, nous avons toujours été d'accord avec M. Kunz. Pourtant, Mme Calmy-Rey, à l'époque, se battait bec et ongles pour nous convaincre du contraire; elle n'y est pas parvenue.
Nous sommes également d'accord sur un autre élément: il faut que la fondation vende rapidement les biens immobiliers qu'elle détient, soit en tant que propriétaire, soit à titre de gage, pour atteindre son objectif qui est de valoriser les actifs de la BCGe et d'assainir la situation. Il faut que les choses aillent vite , il faut profiter d'un marché immobilier extrêmement porteur, avec des prix élevés. Il faut en profiter pour vendre ces immeubles au meilleur prix, de manière à réduire la facture - payée par le contribuable - de l'assainissement de la banque cantonale.
En revanche, là où nous ne pouvons plus suivre M. Kunz, c'est sur les solutions qu'il propose aux préoccupations que nous avons légitimement au sujet de la fondation. Le projet de loi dont nous parlons revient tout simplement à interdire à la fondation d'emprunter de l'argent ailleurs qu'à la BCGe. Et très honnêtement, nous ne voyons pas pourquoi on devrait priver la fondation de cette possibilité. Au contraire, s'il est possible d'emprunter à de meilleures conditions ailleurs qu'auprès de la banque cantonale, je considère qu'on doit le faire. Moi, je n'irais pas jusqu'à faire un procès d'intention à la fondation ou à l'Etat s'agissant de la possible utilisation de celle-là par celui-ci pour emprunter de l'argent qui servira à financer autre chose que l'activité de la fondation. Je ne crois pas que nous ayons, à l'heure actuelle, des éléments concrets qui nous permettent de nourrir de tels doutes.
Sur la base de ces éléments, pour tenir compte du fait que nous sommes d'accord sur le fond avec les radicaux, mais que les solutions proposées ne nous paraissent pas adéquates, le groupe libéral s'abstiendra.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Le projet de loi déposé par M. Kunz a été examiné par la commission de contrôle de la fondation à l'époque où j'en étais le président. Le débat qui s'était engagé en commission à l'époque a montré que, si certaines préoccupations de M. Kunz étaient à prendre en considération, les solutions proposées sont complètement contraires à l'objectif visé par le même M. Kunz.
Il disait tout à l'heure que le fait d'emprunter ailleurs qu'à la banque cantonale pourrait entraîner la fondation à emprunter à un taux plus élevé. M. Kunz fait référence à la loi sur le sauvetage de la banque cantonale qui, rappelons-le, avait précisément pour but de sauver la banque cantonale. Autrement dit, il s'agissait d'éviter à l'Etat de devoir couvrir toutes les pertes occasionnées par la débâcle de la banque cantonale, débâcle causée, comme chacun sait, par l'ardoise laissée à l'Etat par un certain nombre de spéculateurs immobiliers.
Alors, que propose M. Kunz ? Que les seules sources de financement soient la banque cantonale d'un côté et l'Etat de l'autre. Mais si la banque cantonale doit être l'unique source d'emprunt et si seul l'Etat peut emprunter ailleurs, on rencontre l'inconvénient suivant: si l'Etat emprunte, la dette va encore s'accroître alors qu'il n'y a pas de nécessité immédiate d'accroître la dette et, donc, les conditions d'emprunt pourraient être péjorées. Pourtant, dans la loi sur le sauvetage de la banque cantonale, il est prévu qu'un certain nombre de frais devront être payés par la banque cantonale quand elle sera revenue à meilleure fortune. Or, mettre la banque cantonale en difficulté, emprunter des sommes aussi importantes que celles dont il s'agit pour la fondation, signifient que, si la banque ne dispose pas des réserves suffisantes, elle se trouvera en grandes difficultés et sera contrainte d'emprunter à son tour et d'imposer à la fondation des taux très élevés. On voit bien le problème, si la banque est la seule source de financement de la fondation, on aura donc perdu sur deux niveaux : d'une part, le sauvetage de la banque cantonale est mis en péril; d'autre part, la fondation de valorisation pourrait être obligée de devoir emprunter à des taux supérieurs.
C'est pourquoi je trouve que restreindre le champ des possibilités d'emprunt de la fondation de valorisation, c'est véritablement donner à la banque cantonale le monopole des crédits à la fondation. Et si la banque doit augmenter ses taux, eh bien, on se trouvera une fois de plus dans une situation où des pertes importantes supplémentaires pourraient être causées à l'Etat à travers la fondation de valorisation.
Ainsi, je trouve que ce projet de loi n'a rien à voir avec les objectifs à moitié exprimés par M. Kunz, notamment quand il prétend qu'il s'agit d'obtenir des crédits à meilleurs taux. Le résultat est exactement le contraire, Monsieur, et c'est pourquoi nous voterons contre votre projet de loi.
M. Claude Marcet (UDC). Nous, groupe UDC, n'avons pas soutenu le projet de loi de M. Kunz pour les raisons suivantes.
Comme cela a été expliqué justement par M. Muller, je ne vois pas pourquoi, dès lors que la fondation pourrait emprunter sur le marché des capitaux à des taux d'intérêts qui seraient très favorables, elle devrait être empêchée de le faire. Je ne comprends pas en quoi cela va à l'encontre des intérêts de cet Etat. Je rappelle que, de toute manière, que ce soit l'Etat ou la banque cantonale, cette opération représentera un coût qui retournera à l'Etat sous une forme ou sous une autre. Manifestement, si la fondation a la capacité d'emprunter à meilleur marché, nous disons : qu'elle y aille !
J'aimerais vous rappeler, Mesdames et Messieurs, un passage de la loi sur la «fondation des casseroles». Cet extrait stipule clairement que la banque cantonale devra rembourser la totalité des frais de fonctionnement dès lors qu'elle réalisera des bénéfices. Et le débat de ce soir ne porte pas sur la façon dont cela sera effectué. Par contre, cela signifie que, si l'Etat emprunte pour financer la fondation, cela revient à dire que c'est l'Etat qui se chargera d'intérêts avant même de pouvoir effectivement prendre en charge la totalité de la dépense correspondant à une perte effective - cela, M. Mouhanna l'a très bien dit. En d'autres termes, nous aurons une charge complémentaire dans les comptes de l'Etat alors que cette charge devrait figurer dans les comptes de la fondation. Je vous rappelle que les intérêts des emprunts sont compris dans les frais de fonctionnement. Finalement, c'est la banque cantonale elle-même qui devra assumer cette charge au moment opportun, plus tard et à des conditions à définir.
Dire maintenant à l'Etat : «Tu finances, tu prends en charge les intérêts des emprunts de la fondation dont les frais seront couverts ensuite par la banque cantonale !», c'est accepter de créer une situation qui péjore les comptes de l'Etat, avec un système qui ne convient pas au groupe UDC. C'est pour cette raison que nous disons que, si la fondation a la capacité d'emprunter à meilleur marché que l'Etat ou que la banque cantonale pourraient le faire, eh bien, qu'elle le fasse, cela ne sera que bénéfice pour l'Etat et la banque cantonale !
Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de majorité. Monsieur Kunz, vous auriez dû avoir des doutes : quand des personnalités aussi diverses que M. Marcet, M. Mouhanna, M. Gautier ou M. Muller - maintenant - vous disent que vous avez tort, moi, à votre place, j'aurais des doutes... C'est vrai que, si cela vient de moi, vous pensez que j'ai tort de toute façon ! C'est une autre histoire... En l'occurrence, vous avez quand même là trois hommes, compétents, qui vous disent que vous avez tort !
Il y a un réel problème. Au fond, vous faites une confusion: vous avez l'impression, Monsieur, que ces 500 millions, qui ont été empruntés à une banque allemande, viennent en plus des 5 milliards. Ce n'est pas du tout le cas ! Ce sont les mêmes 5 milliards qui ont été partagés en plusieurs parts !
De plus, quand vous dites que c'est plus cher, excusez-moi, mais un emprunt de 250 millions à 1,1% d'intérêt jusqu'en 2012, je ne vois pas ce que vous pouvez vouloir de plus... Vous voulez qu'on vous le donne, cet argent ?
Votre projet de loi, Monsieur, n'arrange pas les choses ! Il enlève une souplesse qui peut être nécessaire.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de minorité. Je ferai simplement remarquer à Mme Künzler qu'en 1996, 1997, quand j'étais tout seul dans ce parlement à refuser le budget, j'étais également en minorité. Cela ne m'a pas empêché de persister et d'avoir raison aujourd'hui ! (Rires.)
Cela dit, vous me faites un procès d'imbécile que je ne mérite pas. J'ai bien compris, Madame Künzler, que les 500 millions ne viennent pas s'ajouter aux 5 milliards. D'ailleurs, si vous lisez mon texte, vous le comprendrez, mais je crois que vous ne l'avez pas lu, et c'est bien égal.
J'aimerais d'abord rappeler à M. Marcet que le problème que nous traitons ici n'est absolument pas celui des intérêts et des frais de fonctionnement de la fondation. cela n'a strictement rien à voir ! Evidemment, toute cette affaire est tellement complexe et mélangée que même les grands spécialistes finissent pas s'y perdre.
Il n'est pas question de supprimer à la fondation le droit d'emprunter ailleurs qu'à la BCGe; la fondation pourrait très bien emprunter à l'Etat, et je vous garantis, Mesdames et Messieurs les députés, que c'est bien auprès de l'Etat que la fondation obtiendra les meilleures conditions de refinancement ! (Commentaires.)Mais bien sûr ! Parce que, Madame Brunschwig Graf, même si vous n'êtes plus que «A», vous valez encore un peu plus que la fondation de valorisation !
Cela dit, je n'aimerais pas allonger les débats - parce que c'est manifestement peine perdue - mais si, à la fin de cette soirée, nous obtenons de Mme la conseillère d'Etat la garantie que jamais, à l'avenir, l'Etat n'empruntera par l'intermédiaire de la fondation de valorisation de la même manière qu'il l'a fait voici quelques années, eh bien, j'en serai ravi.
Le but, je le répète, c'est d'éviter que la fondation de valorisation soit utilisée comme société écran par l'Etat de Genève qui - qu'on le veuille ou non - a un devoir à l'égard des citoyens : dire la vérité sur l'ampleur de sa dette publique.
M. Claude Marcet (UDC). Je suis un tout petit expert... Excusez-moi, Monsieur Kunz, vous ne voulez pas parler d'intérêts, d'accord ! Mais il faudrait remettre l'église au milieu du village. Il faut savoir que l'Etat, garant du paiement de la dette de la fondation vis-à-vis de la banque cantonale, paie la fondation au moment où la perte est réalisée. De cette manière, la fondation peut payer l'entier de ce qu'elle doit à la banque cantonale sur un objet considéré en remboursement de celui-ci. Correct ? On est d'accord !
Cela revient à dire que l'Etat voit son endettement monétaire augmenter au moment où intervient effectivement le paiement de la perte. Alors, à partir de ce moment-là - et seulement à partir de ce moment-là ! - les intérêts sont pris en charge par l'Etat dans le cadre de son compte d'exploitation. Il y a alors une augmentation de l'endettement, puisque l'Etat a dû payer la fondation. Nous sommes d'accord, Monsieur Kunz?
Si l'Etat finance la fondation de manière anticipée, c'est-à-dire si l'Etat se substitue à la banque cantonale ou à X, Y ou Z avant même qu'il soit légalement obligé de payer la fondation pour un déficit constaté, de manière à lui permettre de rembourser la banque cantonale, alors l'Etat assume une charge de la dette avant même d'être légalement obligé de l'assumer. J'aimerais savoir pourquoi, Monsieur Kunz, vous me dites que les intérêts n'ont aucune incidence dans ce débat, alors même que ces intérêts, s'ils sont pris en compte par la fondation, devront, au sens de la loi, être pris en charge ultérieurement par la banque cantonale et non pas par l'Etat. A partir de là, je reconnais que je suis un tout petit expert et que je n'ai pas votre science, Monsieur, au niveau de votre expertise financière !
Je me permets de dire que je vous comprends sur un point : manifestement, certains confondent endettement monétaire - qui est le montant effectif dont tout le monde parle ici - et endettement global de l'Etat de Genève. La provision pour risque avéré - nous savions en effet que nous devrions payer demain une certaine somme - a été passée correctement à raison de 2,7 milliards; nous ne prenons malheureusement pas en compte ce montant dans le débat, puisque nous avons l'habitude de ne traiter généralement que l'endettement monétaire de l'Etat. Et c'est là-dessus, Monsieur, je vous rejoins, quand vous dites que vous souhaiteriez voir l'entier de ce que nous devrons payer ! C'est peut-être uniquement là que je pourrais vous comprendre, quand vous dites que l'Etat doit financer la fondation.
Je pense cependant qu'il y a un tout petit problème en ce qui concerne les intérêts, puisque c'est l'Etat, et non plus la banque cantonale, qui, selon la loi, les prend en charge par la suite. C'est tout !
La présidente. Je vous remercie, Monsieur Marcet, et vous rappelle que c'est à la présidence que vous devez vous adresser lors de vos interventions. Je donne la parole à M. Kunz.
M. Pierre Kunz (R). Je suis content d'entendre M. Marcet parce qu'il vient de reconnaître que vous avez voté, Mesdames et Messieurs, une loi qui prévoyait le remboursement du crédit BCGe au fur et à mesure des liquidations d'actifs. Implicitement, c'est ce que vous dites, Monsieur ! Le fait que vous reconnaissiez cela induit la constatation que les 500 millions constituent un remboursement anticipé qui est à la charge de l'Etat et non pas de la fondation. Voilà ! (Remarques. Brouhaha.)
La présidente. Monsieur Marcet, c'est la troisième fois que vous demandez la parole...
M. Claude Marcet. Trente secondes, s'il vous plaît ! Quand la fondation emprunte à quelqu'un, ce n'est pas un remboursement anticipé de quoi que ce soit, c'est un remboursement de la dette contractée auprès de la banque cantonale... (L'orateur est interpellé.)Oui, mais ce n'est pas la prise en charge de la perte que devra couvrir l'Etat ultérieurement. (L'orateur est encore interpellé.)Eh bien, oui ! Mais que constatons-nous à ce niveau-là ? C'est qu'effectivement le fait d'emprunter n'a aucune incidence dans le cadre de ce débat-ci et...
La présidente. Messieurs, je vous prie de ne pas poursuivre ce débat à deux !
M. Claude Marcet. ... Et l'on peut s'arrêter là !
Une voix. Je suis d'accord !
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je suis désolée de m'immiscer dans cette conversation... (Rires.)Fort intéressante !
J'aimerais dire une chose à M. Kunz au sujet des emprunts de l'Etat. Vous avez raison d'attendre de l'Etat qu'il soit correct et transparent dans sa façon d'emprunter. D'ailleurs, il y a quelques sécurités oubliées puisqu'on se concentre aujourd'hui sur la fondation de valorisation. Ainsi, les autorisations d'emprunt de l'Etat sont clairement stipulées dans les lois budgétaires... Ce qui devrait d'ailleurs vous engager à voter le prochain budget qu'on vous présentera, parce que vous pourriez vous prononcer sur l'article 14 ! Qui traite des emprunts et qui vous indique clairement dans quelles situations il est possible d'emprunter. L'alinéa 1 se réfère à l'article 11 de la loi budgétaire, c'est-à-dire les besoins de financement qui y sont énumérés. Et lorsque vous votez le budget - pour autant que vous le votiez, mais les autres le votent pour vous le reste du temps - vous pouvez vous prononcer sur ces montants.
L'alinéa 2 porte sur l'autorisation de renouveler des emprunts ou de les anticiper lorsqu'il s'agit d'obtenir des taux plus avantageux. L'alinéa 3 quant à lui autorise à emprunter pour la fondation de valorisation pour assurer les avances de trésorerie et les remboursements des pertes sur réalisation d'actifs. Cela signifie que les sécurités que vous réclamez existent, puisque les autorisations d'emprunt autres que celles-ci concernent des acquisitions de terrains et se présentent sous la forme de projets de loi du DAEL dont vous vous souvenez certainement, Mesdames et Messieurs.
Pour tout autre autorisation d'emprunt - et je réponds à votre souci général - est cadrée par la loi et il est hors de question - je peux le dire pour le Mémorial - que l'Etat utilise la fondation pour emprunter à d'autres fins que celles décrites ici. Cela est clair, d'autant plus que l'article 14 de la loi budgétaire est soumis à référendum, et c'est le seul ! Si vous étiez très fâché, Monsieur Kunz, vous pourriez encore attaquer l'article sur les emprunts... S'il vous plaît, oubliez cette remarque. (L'oratrice est interpellée.)Je vous déconseille vivement l'exercice mais, si vous voulez vous lancer, on peut toujours essayer.
Cela dit, les députés qui sont intervenus le disent, Monsieur Kunz, et vous le savez bien: ce que vous proposez n'a pas grand-chose à voir avec votre préoccupation. Et j'ai pris votre intervention comme un signal - vous l'avez dit à la fin de cette dernière - dans le sens qu'il faut donner des garanties au sujet des emprunts de l'Etat, garanties que je vous ai indiquées en vous lisant la loi.
Pour le reste, je crois qu'il est effectivement raisonnable de laisser des possibilités en matière d'emprunts pour les buts décrits de remboursement à la banque cantonale, parce qu'il est très important d'avoir ensuite la liberté de choisir les taux.
Vous prenez l'Etat pour un saint, Monsieur Kunz, mais il n'a pas nécessairement comme premier objectif de prêter à n'importe quel taux ! Il est possible que, finalement, il ne soit pas nécessairement intéressé de prêter à un taux que d'autres pratiqueraient; tout dépend des conditions, tout dépend des besoins et aussi des intérêts de l'Etat à devoir se réassurer par rapport aux emprunts ou aux prêts qu'il ferait.
En résumé, premièrement, votre préoccupation principale, exprimée par ce projet de loi, est prise en compte dans la loi budgétaire annuelle de façon extrêmement claire. Je vous dis qu'il n'est pas possible de violer cette loi sans être attaqué, et vous auriez raison de le faire.
Deuxièmement, votre projet de loi ne répond pas à votre préoccupation.
Troisièmement, vous avez raison sur un point : nous aurions pu choisir un autre mode dans la loi votée en 2000. Il n'a pas été choisi pour des raisons qui, à l'époque, étaient parfaitement justifiées. Ce que je peux dire, c'est que nous avons conclu depuis le début 2003 une convention tripartite entre la fondation, la banque et l'Etat. Cette convention règle tous les flux financiers concernant ces entités. Nous avons négocié pendant plusieurs mois, parce que j'ai souhaité qu'à mon départ - que vous évoquez avec bonheur ! - tout cela soit formalisé et qu'on ne discute pas des processus financiers au gré de la conjoncture, ceci est très important.
Quatrièmement, par souci légitime, nous étudions la conclusion d'une convention avec la banque concernant le remboursement des avances: une règle claire doit être établie quant à la façon dont ces dernières seront remboursées, ce qui évitera l'arbitraire et permettra à la banque, de manière transparente, de montrer qu'elle est capable de rembourser et à l'Etat de savoir sur quoi il peut compter.
Je pense avoir répondu à vos questions, Monsieur le député, et vous avoir rassuré. Et il est encore possible de retirer ce projet de loi.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix ce projet de loi en premier débat. Le vote électronique est lancé.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 53 non contre 8 oui et 8 abstentions.