République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 avril 2004 à 20h30
55e législature - 3e année - 7e session - 35e séance
PL 9167-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
M. Antoine Droin (S), rapporteur. Le projet de loi 9167 concerne trois choses: la rénovation du bateau Savoie, l'achat de deux petits bateaux de deux cents places et l'assainissement du chantier naval. (Brouhaha.)Le financement est réparti entre les trois cantons de Vaud, Valais et Genève pour respectivement 67,2%, 6,53% et 26,45% pour le canton de Genève. (Brouhaha. La présidente agite vigoureusement la cloche.)
La présidente. S'il vous plaît, un peu de calme.
M. Antoine Droin. J'aimerais insister sur cinq points qui semblaient importants à tous les commissaires, lors des débats en commission. Dans le premier point, qui compte cinq exigences, les commissaires souhaitent en effet que la CGN s'engage à conquérir une nouvelle clientèle sur le territoire de Genève, qu'il y ait une augmentation de l'offre de prestation, qu'il y ait une modernisation du débarcadère du Mont-Blanc, qu'il y ait un poste de spécialiste en marketing qui soit créé et qu'une collaboration étroite avec l'office du tourisme soit nouée.
Le deuxième point concerne la participation de l'Etat français, qui s'élève aujourd'hui à une somme comprise entre 50 000 à 100 000 euros. Il a promis, en juin 2003, de participer à un capital-actions d'un million d'euros ainsi que de remédier aux déficits éventuels de 800 000 euros.
Le troisième point concernait les fonds privés. La commission a insisté pour que la CGN puisse trouver des fonds privés afin de mener à bien, tant la question de la restauration des bateaux que son travail. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
Puis la commission a beaucoup travaillé sur l'article 12 qu'elle a amendé - vous trouverez l'amendement dans le rapport. Cet amendement précise le mode de fonctionnement des prêts.
Le cinquième point concerne le contrat de prestations: la commission a quand même été particulièrement gênée par le fait qu'on lui demande de voter ce crédit avant même que le contrat ne soit passé. Cela s'explique par le fait que nous sommes le dernier canton à faire une participation financière selon la clé de répartition que je vous ai indiquée tout à l'heure. La convention doit être signée juste après notre acceptation si elle est effective ce soir.
Le rapport que nous faisons sur le projet de loi 9167 répond en grande partie aux invites de la motion radicale 1561. Au nom de notre groupe socialiste, je vous invite donc à voter cette motion.
M. Christian Grobet (AdG). Je voterai bien entendu le crédit demandé par le Conseil d'Etat. Les bateaux de la Compagnie Générale de Navigation constituent un patrimoine d'une qualité inestimable pour Genève, ville d'eau. La population y est très attachée et les pouvoirs publics se doivent de maintenir ces bateaux.
Cela étant, je ne peux pas m'empêcher de profiter de l'occasion pour dénoncer l'attitude scandaleuse du Conseil d'administration et du directeur de la CGN, en relation avec le bateau «Le Valais», qui avait également une très grande valeur. Construit en 1913, ce bateau devait être sauvé, malgré les atteintes qui lui ont été portées par la Compagnie Générale de Navigation. Ce n'est que très tardivement que les associations de protection du patrimoine ont appris le projet scélérat de mettre ce bateau à la casse: il a été emporté en catimini, au moment où des démarches étaient effectuées afin qu'il soit récupéré. A peine le bateau arrivé à Ouchy, les démolisseurs se sont attelés à la tâche avec une frénésie lamentable. Je suis persuadé que ce bateau aurait pu être sauvé. Je suis persuadé que le coût du sauvetage aurait été inférieur au coût de la construction du débarcadère qui sera aménagé au Jardin anglais. J'attendrai donc de connaître le coût de ce débarcadère, que l'on aurait pu s'épargner de créer en gardant ce bateau et en le rénovant.
Si ce soir, je suis satisfait de voir qu'une première étape de restauration des bateaux va être engagée, je dois dire que les associations de protection du patrimoine, quant à elles, sont déçues, voire révoltées, par l'envoi scandaleux d'un bateau à la casse, alors que beaucoup de gens provenant d'autres pays auraient bien voulu le posséder.
M. Claude Blanc (PDC). Il va sans dire que le groupe démocrate-chrétien votera ce crédit. Toutefois, nous souhaiterions insister sur les problèmes qui se posent à l'égard des relations que nous entretenons avec la Compagnie Générale de Navigation - bien qu'ils aient déjà été évoqués par le rapporteur tout à l'heure. Nous souhaiterions ainsi insister sur la politique de la direction de la Compagnie par rapport à Genève. Il est en effet mentionné, en page 4 du rapport, que la Compagnie va faire un effort pour réintroduire à Genève un véritable service commercial, qu'elle va moderniser le débarcadère du pont du Mont-Blanc et reconstruire celui du Jardin anglais. Je suis d'accord, mais je ne crois que ce que je vois. La CGN nous a habitués à tant de promesses que j'aimerais mieux que ces promesses se concrétisent. Par ailleurs - et le rapporteur l'a également souligné en page 5 de son rapport - il y a très nettement abus de la part de la France. Les Français profitent autant que nous - si ce n'est plus - des services de la Compagnie Générale de Navigation, tout le tourisme de la côte sud du lac dépend des services de la CGN et vous reconnaîtrez, Mesdames et Messieurs les députés, que jusqu'à présent, nos amis français - conformément à une de leurs vieilles habitudes - se préoccupent beaucoup plus de savoir comment les choses fonctionneront que de savoir qui paiera.
Je le lis avec un certain plaisir, dans le deuxième paragraphe de la page 5 du rapport: «La France s'est engagée en juin 2003 sur le principe d'une participation au capital-actions pour 1 million d'euros et une participation au déficit d'environ 800 000 francs suisses, ce qui correspondrait», écrit le rapporteur au conditionnel, «à une participation proportionnellement égalitaire à ce que font les cantons suisses.» C'est l'emploi de ce conditionnel qui me dérange. Plus loin dans le texte, on peut lire qu'«une prochaine réunion de travail est prévue le 18 mars prochain.» Cette réunion a dû avoir lieu. On pourra donc nous livrer les résultats de cette réunion de travail que je languis de connaître, d'ailleurs. Pourtant, ma vieille expérience me fait penser que, une fois de plus, nous serons les pigeons, dans cette affaire. M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht nous dira ce qui s'est passé le 18 mars: j'attends cela avec impatience.
M. David Hiler (Ve). Pour le groupe des Verts, c'est un réel plaisir de voter ce crédit, malgré la situation difficile dans laquelle se trouve notre République, ce pour plusieurs raisons.
En premier lieu, nous saluons la volonté de conserver ce qu'il reste de la flotte historique que nous avons la chance de posséder. D'abord parce que je crois que les habitants des cantons du Valais, de Vaud ainsi que ceux de France voisine aiment profondément cette flotte et y sont attachés. Ensuite, parce qu'elle fait partie de l'image de marque du Léman. J'aimerais, à ce titre, remercier tous ceux qui ont agi depuis très longtemps pour que ce sauvetage puisse être effectué. Il y a quelques centaines d'amoureux - il faut utiliser ce terme - des vieux bateaux autour du lac Léman. Beaucoup de ces «amoureux» possèdent un bateau, les autres agissent simplement au sein d'associations. Ils se sont démenés - et heureusement certains d'entre eux sont influents - pour que l'on renonce au premier projet, qui consistait à se débarrasser de la flotte historique.
Avec M. Grobet, je regrette ce qui est arrivé au «Valais». Je m'inquiète aussi pour le bateau «Genève», puisqu'il abrite deux activités compliquées à concilier: une activité sociale très importante et un patrimoine de très haute valeur à défendre. Ces deux activités ne sont pas inconciliables, j'espère simplement qu'on y veille.
Le dernier objet de notre satisfaction, c'est que nous avons l'impression qu'après des années d'une gestion très discutable de la part de la CGN, nous sommes en présence d'une direction qui a défini un certain nombre d'objectifs, d'indices ainsi que des tableaux de bord, pour pouvoir atteindre ses objectifs. C'est par conséquent avec un certain espoir sur l'avenir de cette flotte que nous voterons tant le crédit destiné à l'investissement que la subvention destinée au fonctionnement.
Une voix. Ouais, ouais, ouais...
M. Claude Marcet (UDC). Il est clair que le groupe UDC ne s'opposera pas au crédit en faveur du maintien d'un patrimoine historique. Il convient cependant de préciser certaines choses quant à un certain nombre de points.
En page 5 du projet de loi, on peut lire qu'il «est relevé que le déficit augmente régulièrement.» A la page 397 des documents que nous avons sous les yeux - et que vous connaissez bien - il est dit: «le budget est en augmentation de 308 000 F par rapport à ce qui devait être effectué normalement pour couvrir des déficits.» Il est clair que cette société est en déficit constant. Certains disent qu'elle est même en situation de dépôt de bilan. La question est donc la suivante: si nous devons octroyer des crédits à cette société, il est clair qu'en saine orthodoxie comptable - ce que d'aucuns semblent ignorer ici - nous devrions passer immédiatement une provision pour dépréciation, à hauteur de l'entier des prêts constitués, et notamment sur celui qui dit que nous aurons un recouvrement de notre créance seulement si cette société fait des bénéfices - autant dire quasiment jamais. Il est donc clair que, si nous mettons la totalité des ces prêts à l'actif de notre bilan, en croyant qu'ils seront, peut-être un jour, remboursés, je pense que nous nous faisons des illusions et que nous devons absolument les passer par perte immédiatement.
Par ailleurs, lorsque nous nous trouvons en présence de sociétés qui font des pertes quasi irrémédiables dans la durée, et que nous savons qu'il y a 120 personnes et 5 directeurs à 20 000 F par mois, la première chose que nous pourrions faire, c'est de demander un audit de la situation comptable de cette société, pour savoir si nous continuerons longtemps à engager des fonds à fonds perdus dans celle-ci.
M. André Reymond (UDC). La situation financière désastreuse dans laquelle se trouve la CGN a déjà été soulignée ce soir par mon collègue Claude Marcet.
Genève, Vaud et Valais sont les trois cantons qui profitent ou qui paient de lourdes charges concernant l'entretien de ces bateaux historiques. C'est vrai, nous avons la chance d'avoir, sur notre lac, huit unités, dont une seule a bénéficié, à ce jour, d'une rénovation - je veux parler du «Montreux». Alors que sur le lac de Brienz, touristique par excellence, il n'y a qu'une seule unité.
Pourquoi le lac des Quatre-Cantons bénéficie-t-il d'un statut de transport public, alors que sur le lac Léman - on pourrait parler de la liaison Evian-Lausanne qui ne concerne pas directement le canton de Genève - pourquoi n'y a-t-il pas de statut de transport public ? Dans le rapport que nous avons entre les mains, il est bien indiqué que la France s'engagera à payer quelque chose. Toutefois, nous sommes tout de même déçus par nos voisins français, non seulement dans le cadre de la Compagnie Générale de Navigation, mais aussi dans le cadre de la région. En effet, il semble que nos voisins français ne participent pas, d'un point de vue financier, comme on pourrait le désirer dans le domaine transfrontalier.
S'il est impossible que l'Etat prenne entièrement la charge des rénovations de bâtiments, je pense que nous pourrions encourager les associations qui cherchent des fonds privés. Nous devrions encourager cette voie et je souhaiterais que le Conseil d'Etat encourage lui aussi cette voie, afin que les contribuables de notre canton n'aient pas toujours des charges extraordinaires à payer. Comme l'a dit M. Marcet, étant donné la qualité de ces bâtiments historiques pour le tourisme à Genève - qui en a bien besoin - nous soutiendrons ce projet de loi.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, et j'allais dire, chers téléspectateurs, dans l'affaire de la CGN, le parti libéral est le seul qui se soit opposé, lors des débats en commission des finances, au vote du crédit d'après les informations dont il disposait. Je reviendrai, dans quelques minutes, sur de nouvelles informations - qui sont en mesure d'intéresser les uns et les autres aux décisions françaises - au courant desquelles, apparemment, M. le président du département de l'économie lui-même semble ne pas être.
J'aimerais tout d'abord rendre hommage à la direction et au Conseil d'administration, contrairement aux attaques qui ont été lancées ici, il y a de cela quelques minutes. Certes, on peut dauber sur les salaires qui sont versés, mais force est de reconnaître que la nouvelle direction a modifié le cours du paquebot CGN dans un sens qui, non seulement est favorable aux intérêts de Genève, mais qui aussi, et surtout, est favorable à une rentabilité majeure de cette flotte importante, atout primordial pour le tourisme. Par ailleurs, elle s'est avérée aussi favorable pour les intérêts des travailleurs français qui se rendent dans le canton de Vaud, en particulier à Lausanne.
J'aimerais aussi rappeler que le crédit sur lequel nous votons ce soir n'est que le premier crédit d'une tranche de trois sur lesquels nous serons appelés à voter dans les années qui viennent. Il faut que vous soyez conscients, Mesdames et Messieurs les députés, que le montant s'élèvera environ à une vingtaine de millions de francs, si nous décidons de nous engager en faveur de la rénovation et de l'adaptation aux conditions du XXIe siècle de l'ensemble de la flotte de la CGN - y compris de l'acquisition de nouveaux bâtiments et de la mise à niveau de ses docks.
Plus nous rénoverons de bateaux à vapeur, plus le déficit augmentera. En effet, les coûts d'exploitation de ces bâtiments à vapeur sont plus élevés que les coûts d'exploitation des bâtiments modernes, dont il me déplaît de relever qu'ils ont beaucoup moins de charme que ceux sur lesquels nous aimions voguer du temps de notre enfance, et peut-être sur lesquels nous nous prélassons encore aujourd'hui - sur des «translémans», par analogie avec les transats.
M. Gabriel Barrillier. Vous êtes pour ou contre ?
M. Pierre Weiss. Monsieur Barrillier, le contrat de prestations que nous souhaiterions déjà avoir à disposition manque encore pour les rapports avec la CGN, malheureusement. Je suis même au regret de dire que la commission a dû réclamer le préavis technique qui devait normalement être joint à chaque projet de loi. Cependant, mon collègue impatient, du parti radical, toujours rapide dans ses mouvements et sa parole, sera heureux de savoir que la rencontre du 18 mars a amené une décision de principe positive de la part des autorités françaises. J'en veux pour preuve les paroles du représentant du Conseil d'Etat au sein de la délégation en question. En effet, s'il n'y avait pas eu cette décision française, nous aurions maintenu notre opposition, ou, au moins, nous aurions demandé que la participation du canton de Genève soit diminuée en proportion de ce qu'aurait amené la participation française.
En d'autres termes, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, compte tenu de ces éléments et malgré des préoccupations quant à l'évolution du bénéfice d'exploitation - en réalité, des pertes d'exploitation de la CGN - nous nous prononcerons de façon favorable à l'octroi de ce crédit, mais nous signifions bien que nous attendons de voir la concrétisation de l'annonce qui nous a été faite. A supposer que cette dernière ne se produise pas pour la deuxième tranche, quelles qu'en soient les conséquences pour le patrimoine historique, nous nous opposerons alors au versement de cette deuxième tranche.
M. Gabriel Barrillier (R). Les propos de M. Weiss me réconfortent: le parti libéral est prêt à voter cette première tranche. Il nous apprend par ailleurs que les autorités françaises ont donné des signaux positifs. C'est un élément très important: il faut que la France prenne sa part dans la sauvegarde de cette flotte du Léman. J'ai participé, samedi, à l'assemblée générale de l'association pour la Sauvegarde du Léman, ici, sur la rade de Genève. J'étais le seul député, représentant les autorités genevoises.
Une voix. T'as eu la chance d'être invité !
Une autre voix. T'es le meilleur !
M. Gabriel Barrillier. Tout à fait ! Et pour une fois, j'ai adhéré à une association en faveur de la protection du patrimoine ! (Applaudissements.)C'est donc un élément important !
Le canton de Genève est le dernier à devoir décider du paiement de sa participation au sauvetage du «Savoie» et d'un certain nombre d'investissements qui ont été rappelés par le rapporteur. Nous sommes les derniers, nous devons donc prendre une décision aujourd'hui. Par ailleurs, des démarches sont en cours afin que les bateaux à vapeur du lac Léman soient classés au patrimoine mondial de ce genre de bateaux. Voilà donc la preuve que cette flotte est unique au monde.
Mesdames et Messieurs, chers collègues libéraux, cette flotte est véritablement indispensable à l'image que l'on se fait de la région lémanique. Je sais que cela paraît être le fait d'une démarche un peu conservatrice et passéiste que celle qui consiste à se battre afin de garder ces magnifiques bateaux. On peut très bien aussi moderniser cette flotte. Il ne faut pas perdre l'avenir de vue - à titre d'information, nous avons déjà trouvé les fonds pour réparer le «Simplon», qui a subi une explosion l'été dernier, montrant ainsi l'effort fait dans le secteur privé à cet égard.
Le parti radical s'engage et votera ce projet de loi, tout comme il vous invite à voter la motion qu'il a déposée.
M. Christian Brunier (S). Ce n'est pas ainsi lors de toutes les sessions, mais on peut dire que cette session finit bien, même si elle ne s'est pas toujours bien déroulée. Nous étions un peu inquiets car, lorsque le parti socialiste a demandé l'urgence sur ce projet, un grand nombre de députés ne nous ont pas soutenus. On voit que vous avez été ramenés à la raison en l'espace de 24 heures, c'est une bonne nouvelle... (Exclamations.)...parce qu'il y a véritablement urgence. Tout d'abord parce que nous sommes le dernier canton à décider, cela a été dit, et qu'il faut décider rapidement; ensuite parce que vous savez que l'état de la flotte est inquiétant, et qu'il faut la réparer rapidement, puisque l'on sait que le savoir en la matière est en train de disparaître, et qu'un report de ces réparations signifierait la fin d'un patrimoine important pour notre région.
Il y a une deuxième bonne nouvelle - j'espère qu'elle se confirmera, Monsieur Weiss - c'est le soutien des Français, qui bénéficient d'importantes retombées financières, touristiques et économiques liées à ces bateaux. C'est vrai que les Français ne se sont pas toujours empressés de contribuer à cet effort.
Si le parti socialiste soutient le projet de loi ainsi que la motion du parti radical, c'est aussi parce qu'ils dénotent un sens du service public. Vous n'êtes pas sans savoir que si les cantons ne contribuaient pas à cet investissement, non seulement cette flotte disparaîtrait, mais la CGN aurait une approche exclusivement commerciale, ce qui entraînerait que bon nombre des destinations actuelles seraient abandonnées - nous regrettons d'ailleurs que, ces dernières années, la CGN ait eu une approche un peu trop commerciale. Toujours dans cette perspective commerciale, la CGN changerait de bateaux, afin de réaliser de plus grandes performances. Cela marquerait la fin du patrimoine et des beaux navires qui voguent sur le Léman.
Nous soutiendrons donc ce projet de loi et la motion avec grand plaisir.
M. Jean Spielmann (AdG). Permettez-moi d'apporter des considérations différentes sur ce qui vient d'être dit. Je ne suis pas persuadé que le plus important, afin de nous déterminer, soit de savoir quelle sera la contribution des Français en faveur de cette flotte. Il me semble beaucoup plus déterminant de connaître les prestations que la CGN est prête à accorder au Canton de Genève en échange de la participation financière de ce dernier. Et là, il faut bien dire qu'à partir de cette année un changement est intervenu. Déjà l'an dernier, d'ailleurs, mais, auparavant, l'idée était de véritablement démobiliser la CGN sur le canton de Genève. En effet, on a fermé une série de haltes qui ne sont plus desservies aujourd'hui. Et, en enlevant le bateau... Je ne reviens pas sur cette opération qui aurait pu faire capoter toute l'aide de Genève à la CGN si l'on s'y était pris de cette façon et si l'on avait poursuivi sur cette voie-là. Je suis persuadé que l'on n'aurait plus été disposé à placer un seul centime dans cette CGN non seulement parce qu'on a supprimé un bateau historique, mais parce que ce dernier avait comme particularité de représenter le seul bureau que la CGN avait encore à Genève. Aujourd'hui, il n'y a plus de bureaux de la CGN à Genève! On nous a expliqué dans les projets - qui représentent une partie des financements, et c'est pourquoi je trouve intéressant de les soutenir - qu'on va enfin réaménager le débarcadère du Mont-Blanc parce que, jusqu'à présent, on avait fait du bricolage... Il n'y avait pas de chauffage, pas d'eau, il n'était pas possible de travailler dans cet endroit et d'en disposer comme il l'aurait fallu. Or les futurs aménagements permettront enfin de réinstaller de nouveaux bureaux à Genève.
Par ailleurs, je trouve important que la CGN utilise aussi le potentiel genevois: il y a plus de 90 000 conférenciers à Genève, de même qu'un important circuit touristique. Alors, on ne comprend pas comment il est possible que la CGN ferme ses bureaux de Genève et ne soit pas présente sur le territoire genevois pour tenter d'obtenir des parts de marché - puisque des possibilités existent non seulement avec les bateaux historiques, mais également avec les autres.
Donc, une orientation a été prise par la CGN, il y a eu des promesses. Pas seulement des promesses, d'ailleurs, mais les projets d'y reconstruire la halte du Mont-Blanc, d'y installer un bureau et de développer un marketing à Genève, ce qui a d'ailleurs été entrepris pendant un certain temps - pour y renoncer ensuite, en licenciant la personne de Genève qui en était chargée... Et aujourd'hui, des démarches sont nécessaires pour que ces bateaux puissent fonctionner, être utilisés et connus du public, y compris du public de passage à Genève ! Mais cela ne peut se faire qu'à condition d'être sur place ! Et je ne suis pas sûr que l'ensemble des hôtels et des conférenciers soient prêts à téléphoner à Lausanne pour savoir s'ils peuvent disposer d'un bateau en rade de Genève... Donc, ce point me semble primordial.
Le deuxième élan donné par la CGN a été la remise en navigation, à Genève, des bateaux durant l'hiver. Cette expérience a remporté un succès au départ et mérite d'être poursuivie. Il y a là des aspects favorables qui permettront de redévelopper et de donner, avec cette flotte historique, le goût aux Genevois de participer à la navigation sur le Léman.
Il faut relever encore que les orientations prises à un moment donné pour moderniser la flotte et construire de véritables paquebots qui puissent transporter des passagers sur le lac ne me semblent pas être les meilleures des options. Je ne suis pas persuadé que les gens viennent sur le Léman pour du transport, mais plutôt pour de la promenade, du tourisme et du déplacement. C'est pourquoi il est important de maintenir la flotte historique, à l'image de ce qui se réalise dans d'autres cantons.
En ce qui concerne le problème de la vaporisation, il est exact qu'un bateau à vapeur est plus onéreux qu'un autre - ce que M. Weiss a raison de relever - ne serait-ce que pour le préchauffage et l'entretien qu'il nécessite, etc. Mais cela reste un objectif qui, à mon avis, peut être atteint. Je rappelle qu'on a fait miroiter à de nombreux actionnaires de la CGN qu'on allait revaporiser la flotte historique et que ces derniers ont investi dans ce but. Je ne crois pas que l'on doit refuser définitivement toute revaporisation, mais elle doit être mesurée, elle doit pouvoir être gérée par la CGN et par les associations de protection de l'environnement - je crois qu'il ne faut pas fermer cette porte.
Donc, on se trouve aujourd'hui dans une situation positive: on nous a redonné les possibilités de redévelopper la CGN à Genève, d'y venir en bateau durant l'hiver et de bénéficier de nouvelles fréquentations. J'espère simplement que cette orientation-là ne se manifeste pas simplement dans le but d'obtenir le crédit que nous votons aujourd'hui. C'est pour cela qu'il me semble important, Monsieur Marcet, de dire qu'on ne l'accorde pas à titre définitif mais qu'un remboursement potentiel est possible, ce qui nous permet d'avoir l'oeil sur la CGN et de «maintenir la pression» pour que la CGN rende service au canton de Genève. Mais je sais bien que, pour vous, ce n'est que la comptabilité qui compte... En ce qui me concerne, je pense aussi à l'environnement, à la population, et j'estime que cette flotte historique mérite le soutien du Grand Conseil, de même que la CGN mérite un vote unanime de ce Grand Conseil en faveur de ce financement.
M. Antoine Droin (S), rapporteur. Je voudrais brièvement ajouter trois choses, puisque tout le monde est d'accord et que nous allons passer au vote sous peu.
La France participe aussi au financement de la navette, qui traverse la frontière, grâce, notamment, au financement de l'entreprise Danone. Je pense qu'il faut le relever car cela représente un effort, de la part de la France, de trouver un sponsor privé.
Le préavis technique manquait effectivement au projet de loi initial, mais je l'ai annexé à mon rapport.
Enfin, et je m'adresserai plus particulièrement à M. Carlo Lamprecht sur ce sujet: si la France participe maintenant, il est évident que pour les prochaines tranches, nous devrons bien étudier la question de la participation française, afin qu'elle soit proportionnelle à l'effort que fait chaque canton.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Je vois que, dans le fond, tout le monde partage l'enthousiasme pour entretenir et sauvegarder cette flotte, c'est bien un des objectifs de la CGN, qui, dernièrement, pour mener ce travail à bien, a procédé à de sérieux dépoussiérages de ses statuts, une révision qui a permis l'élaboration d'une stratégie de rénovation progressive de la flotte, tout cela avec l'appui des trois cantons concernés. Nous savons cependant aussi que la CGN est consciente qu'il faudra qu'elle fasse appel à des sponsors privés, qu'elle examine les lignes qu'elle exploite avec la Confédération - quelques projets en cours sont en train d'être consolidés entre Thonon et Genève, entre Evian et Lausanne - pour voir dans quelle mesure la Confédération pourrait participer à ces efforts.
Je souhaiterais rapidement répondre à quelques-unes de vos préoccupations. Concernant le «Simplon», qui préoccupe M. Barrillier: 700 000 F ont déjà été trouvés, et la CGN doit encore trouver 500 000 F de son côté pour que cette unité soit remise à navigation pour 2005 comme le prévoit le Conseil d'administration. J'aimerais aussi dire à M. Marcet qu'il est vrai que ce soir nous nous engageons sur une première étape, et que s'il souhaite connaître de manière plus précise l'état des finances de la CGN, nous aurons largement le temps de le passer en revue. Votre préoccupation est tout à fait normale, par ailleurs. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Concernant les bateaux qui seront financés par ce crédit. J'aimerais dire qu'il s'agira tout d'abord du renouvellement du bateau «Savoie», qui sera exclusivement affecté à Genève pour les croisières du midi et du soir, ainsi qu'un tour de petit lac. Les deux nouvelles petites unités seront également conservées ici, à Genève, et effectueront des circuits, au départ de Genève, via la Belotte et Bellevue. Ce seront donc des bateaux au service de Genève.
Je rappelle également que, dans ce contexte, vous l'avez déjà rappelé, Monsieur le rapporteur, Vaud et Valais ont déjà voté ces crédits.
Par conséquent, je vous invite à partager l'enthousiasme que vous avez manifesté ici pour cette nouvelle loi et à voter ce soir ce crédit.
Le président. Nous allons voter sur la prise en considération du projet de loi 9167-A.
La loi 9167 est adoptée en premier débat par 64 oui contre 1 non et 8 abstentions.
La loi 9167 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9167 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 1 non et 7 abstentions.
Le président. Nous votons maintenant sur la motion 1561 en vue de son acceptation et de son renvoi au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la motion 1561 est adoptée par 66 oui et 4 abstentions.
Le président. Je voulais lever la séance et les intervenants dans les deux urgences suivantes m'ont assuré que ces points pourraient être réglés très rapidement. (Exclamations. Rires.)Je vous propose donc la chose suivante: nous allons commencer ces points. Si les députés en question et les autres députés jouent le jeu et que nous pouvons rapidement régler ces questions, tant mieux; si ces députés ne jouent pas le jeu, je lèverai la séance, et nous finirons le 22 avril.