République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 janvier 2004 à 17h15
55e législature - 3e année - 4e session - 19e séance
PL 8481-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
M. Patrick Schmied (PDC), rapporteur de majorité. Comme ces trois objets, qui ont été regroupés en un seul, sont relativement anciens, je pense que cela vaut la peine, pour ceux que ça intéresse, de faire un petit résumé les concernant. De manière générale, ces objets sont issus de l'exaspération, de la part des députés et de la population, à l'égard des augmentations constantes des primes de l'assurance-maladie, la LAMal, sans que ces augmentations soient comprises ou justifiées par qui que ce soit.
Le projet de loi 8481 a pour but de renforcer le rôle de l'assurance-maladie en lui attribuant la tâche d'informer les assurés genevois et le Grand Conseil des raisons qui motivent l'évolution des coûts des primes.
La motion 1438 - je cite chaque objet dans le désordre - exige aussi la transparence des caisses maladies concernant la hausse des primes et invite le Conseil d'Etat à faire rapport au Grand Conseil de l'origine des augmentations et à exiger l'application des sanctions prévues par la LAMal.
Le projet de loi 8564 a pour but de lutter contre le principal facteur de renchérissement des primes d'assurance-maladie selon l'auteur, à savoir les activités institutionnelles travaillant à la charge de la LAMal. Il propose la mise en place d'un fonds de réallocation des primes. Le rapporteur de minorité l'expliquera plus en détail, mais les montants perçus par les établissements publics de l'assurance-maladie, qui dépassent l'augmentation des coûts du secteur privé, seraient reversés aux assurés sous forme de subsides.
Je vais maintenant faire le résumé des votes. Le projet de loi 8481, qui voulait renforcer le rôle du service de l'assurance-maladie, a été accepté, avec un amendement tout de même assez important: l'article 3 souligné, qui introduisait, dans les lois particulières concernant les HUG, EMS et l'aide à domicile, l'obligation, pour ces organismes, de fournir leur budget et leurs comptes détaillés au Grand Conseil, a été supprimé par la majorité de la commission. La majorité de la commission ne voulait pas éluder la question, certes, mais accepter que la future loi-cadre sur la santé règlerait cette question, de même que le futur contrat de prestations des HUG. L'article 7, qui est central, et qui concerne l'information à donner au public, a été reformulé de façon à coller à la réalité des faits entre-temps - parce qu'il y a eu des évolutions.
La motion 1438 voisine a été acceptée, après que les invites ont été modifiées pour adapter la date et pour préciser que les primes ne sont pas fixées par l'OFAS mais formellement par le Conseil fédéral.
Le projet de loi 8564 a été rejeté par la commission, principalement pour son incompatibilité avec le droit fédéral.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de minorité. Je suis assis à une place très inhabituelle: moi qui suis un député consensuel, qui suis normalement à droite, je me trouve actuellement sur un siège de l'opposition.
Je vous rappelle, chers collègues, que nous votons et que nous avons le plaisir de traiter trois objets issus du groupe radical. Les deux premiers ont été acceptés avec une majorité unanime, et le troisième n'a eu que ma voix. Cela laisse sous-entendre que le troisième a beaucoup moins d'intérêt que les deux autres. Si on fait le décompte des voix, ma voix représente 6% des voix, puisque même ma collègue radicale n'a pas voté. Si, ce soir, j'obtiens un peu plus, c'est la preuve que c'est un progrès considérable. Nous faisons une proposition progressiste. Quelles étaient ces propositions issues du groupe radical ?
La première consistait à dire: «Nous voudrions, un jour, les comptes clairement présentés devant la commission.» Le rapporteur ne vous a pas dit, et c'est pourtant très important, que la commission a eu droit aux comptes de toutes les assurances. On nous les a présentés dans le détail. Ils ne figurent pas dans son rapport, je ne puis que le déplorer. Nous avons eu la représentante du service de l'assurance-maladie qui nous a affirmé que les comptes étaient exacts. Cela signifie que, globalement, les primes d'assurances servent à payer des prestations aux patients et aux établissements qui les dispensent. Il n'y a pas d'argent caché, il n'y a pas de fantasmes à avoir sur les mouvements des primes d'assurance-maladie. Le rapporteur de majorité affirme que ce n'est pas compréhensible, alors que nous avons eu tout loisir, au cours de ces dernières années, à discuter de ce sujet et à avoir toutes les explications que l'on souhaitait.
Une fois que vous avez établi, à partir des comptes de tous les assureurs exerçant sur Genève, la structure des coûts, vous arrivez à répartir les montants qui sont alloués au secteur privé et au secteur public, ou, globalement, au secteur subventionné. Si maintenant nous étudions ces chiffres - que le rapporteur n'a pas voulu mettre dans son rapport, je ne sais d'ailleurs pas pourquoi - on se rend compte que, de 1996 à 2001, «l'augmentation» du secteur privé est de moins 5 millions. Cela veut dire qu'il n'y a pas eu d'augmentation des coûts de la part des patients, auprès de l'ensemble des médecins ou de l'ensemble du secteur privé. En revanche, si l'on prend en considération tous les établissements subventionnés par l'Etat, nous constatons une augmentation de 210 millions de francs. Actuellement, c'est-à-dire quelques années après, ces 210 sont probablement devenus 250 millions que le peuple genevois paie à l'assurance-maladie, comme si c'était un impôt. Voilà ma première remarque.
Je souhaite évidemment, après l'adoption de ce premier projet de loi 8481-A, que le Conseil d'Etat nous donne rapidement un rapport qui confirme ou infirme ce que je viens de vous dire et grâce auquel la population sera réellement au courant. Je prie le chef du département d'être attentif sur un point: les primes 2005 seront des provisions. Cela signifie que différents paramètres sont étudiés, notamment des paramètres d'évolution des coûts sur l'ensemble de la Suisse. Or Genève a des particularismes dont il faut tenir compte. Par conséquent, lorsque les assureurs évoquent les facteurs qui augmentent, il faut garder en mémoire que ces facteurs ne sont pas vraiment genevois. Pour pouvoir comprendre l'augmentation, il faut prendre les comptes consolidés des assureurs, les étudier et voir par quelles méthodes ils arrivent aux comptes provisionnels. Cela est un détail, mais je souhaitais le relever pour avoir un débat particulièrement sain.
Le deuxième objet, que je vous recommande de voter, c'est la motion 1438. Cette motion tord le cou aux fantasmes des assureurs qui tromperaient la population. Cette motion rappelle que, grâce à une initiative du canton genevois, le Conseil national a amendé la loi fédérale, permettant à chaque canton d'obtenir des assureurs-maladie des comptes parfaitement transparents dans un seul domaine - pas dans tous - le secteur subventionné: le secteur hospitalier, les EMS et les soins à domicile. L'élément qui a réellement augmenté a augmenté parce que, lorsqu'on a voté la LAMal, on a voté une amélioration de ce type de prestations. Si le Conseil d'Etat genevois veut s'assurer de la totale légalité des augmentations de primes, il n'a qu'à avoir recours à l'article 21.a de la LAMal, et obtenir des assureurs les comptes les plus clairs sur tous les facteurs d'augmentation des primes d'assurance-maladie.
Enfin, le projet de loi 8564 est le projet le plus difficile qui nécessite un arbitrage politique. Est-il normal que les institutions subventionnées aient pu ainsi puiser dans la manne que représentait l'assurance-maladie; était-il normal que ces augmentations se fassent année après année sans aucun contrôle du peuple ? Lorsqu'il y a une augmentation d'impôts, vous rendez-vous compte, s'il y avait une augmentation de 210 millions, à quel point nous nous serions levés ? C'est précisément ce qui s'est passé avec la LAMal, et c'est sur cela que le débat doit porter. Or la commission l'a éludé en argumentant que cette question n'était pas conforme au droit fédéral. Dans le rapport de majorité, vous ne trouvez aucun mot permettant d'expliquer en quoi la proposition qui était faite pouvait être contraire, de quelque manière que ce soit, au droit fédéral. La personne qui s'est exprimée a commencé son discours en disant qu'elle n'avait pas la qualité d'expert. Et pourtant, M. Schmied le répète ici. Ce projet de loi est le plus important. Il est celui que la population genevoise attend. Nous devons arbitrer un moyen qui limite les hausses. Ce moyen est-il sis dans ce projet de loi ? Je suis d'accord que l'on en discute, et c'est pour cela que je vous recommande de le renvoyer en commission, pour que l'on reprenne l'ensemble des facteurs d'augmentation, et que nous ayons le courage d'apporter les solutions que tous les citoyens attendent.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Froidevaux. Je ne puis que vous rappeler à tous que la prime d'assurance-maladie représente le problème des genevois le plus important depuis dix ans, et que, pour certains foyers, cela représente, avec la fiscalité, l'équivalent de près de 45% de leurs revenus.
Je vous recommande donc de travailler correctement, d'étudier ce projet de loi, d'avoir des arbitrages du Conseil d'Etat, mais de ne pas faire un non-droit en oubliant de faire le travail.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Un député par groupe prendra la parole sur cet objet.
Mme Esther Alder (Ve). Les Verts s'opposeront au renvoi en commission. Tous ces points ont été traités en commission, qui, je crois, a essayé d'y répondre. Certaines propositions n'étaient pas constitutionnelles... (Brouhaha.)
Le président. Ne vous laissez pas distraire, Madame la députée.
Mme Esther Alder. Pour nous, la réponse se trouve dans le rapport de majorité. (L'oratrice est interpellée.)C'est juste sur le renvoi en commission ?
Le président. En principe, il faudrait que vous vous exprimiez sur le renvoi en commission, oui.
Mme Esther Alder. Alors: non. (Rires.)
Le président. Merci, voilà qui est clair.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je pensais m'exprimer sur les deux autres projets. Je crois que ce sera peut-être plus simple. Concernant les deux premiers projets qui, de toute façon, devront être votés, je vous dirai que le seul projet qui a reçu un écho favorable de la part de la commission était le projet de loi 8481, qui demande plus de transparence sur la modification des primes et sur les prestations offertes par l'assurance de base. Nous avons effectivement entendu plusieurs experts à cette occasion, dont l'un des représentants de la commission d'évaluation des politiques publiques, ainsi que Mme Desplands, qui est une spécialiste en matière d'assurance sociale. Mme Desplands nous a rappelé quelles étaient les compétences des cantons en matière d'assurance-maladie, à savoir, les subsides, le budget, la planification hospitalière et la fixation des tarifs des prestations. Sur la question de la transparence, qui est l'objet du projet de loi 8481, la majorité de la commission a accepté ce projet de loi, qui n'a en fait pas plus d'ambitions que d'obtenir des informations régulières pour le Grand Conseil et pour les assurés sur les modifications annuelles des primes de base. Je crois que ce besoin d'information est légitime, dans la situation actuelle.
Nous vous proposons donc d'accepter ce projet de loi.
La motion 1438, quant à elle, va dans le même sens. Elle a simplement été un peu adoucie dans le sens où la sanction prévue n'entraîne pas le retrait du droit d'exercer mais l'avertissement voire l'amende.
Nous vous proposons donc d'accepter également cette motion 1438.
Le projet de loi 8564 a aussi été démontré comme étant contraire aux lois fédérales, le principe du fonds, proposé par M. Froidevaux, n'étant pas prévu dans la LAMal. On se demande aussi, au-delà de cette absence de constitutionalité, s'il serait équitable de pénaliser le secteur public de cette manière, puisque, finalement, la hausse des coûts de la santé est le fait de plusieurs acteurs, y compris des fournisseurs de soins.
Par conséquent, nous vous demandons non seulement de ne pas renvoyer ce projet de loi à la commission, mais de le refuser.
Le président. Je vous demande de ne vous exprimer que sur le renvoi en commission. Madame Alder, vous avez joué le jeu lors de votre intervention. Je vous repasserai donc la parole si le renvoi en commission est rejeté.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'ai attentivement écouté les rapporteurs. Je suis surpris que l'auteur du projet de loi propose son renvoi en commission. Bien que j'aie écouté attentivement son exposé et lu son brillant rapport, je trouve qu'il y a anguille sous roche.
J'ai en effet le sentiment qu'on a voulu dénaturer le projet de loi. Je ne suis pas en mesure, ici, de me prononcer sur le fond, mais il faut admettre que les facteurs de hausse au niveau du secteur public ne sont pas clairement établis. L'augmentation est sensible, on la paie trois fois: une fois par le biais de l'augmentation de primes; une deuxième fois par le biais de l'impôt dans le cadre de l'augmentation du budget du DASS - et en particulier de l'hôpital universitaire - et une troisième fois, par le biais de l'augmentation de la part du budget qui est consacrée à la subvention des primes à la vie. Cela vaudrait donc la peine d'analyser les facteurs de hausse. On pourrait citer le seul facteur de l'indexation des rentes du personnel de ces établissements, puisqu'il semblerait que les indexations de rentes ne sont pas payées par les caisses de pension mais bien par l'Etat.
Je vous propose de prendre connaissance des chiffres fournis par l'office cantonal de la statistique, qui donne des indicateurs sur d'éventuels facteurs de hausse. J'ai ainsi pu prendre connaissance du fait qu'en 2002 Genève était à nouveau la «lanterne rouge» en matière de frais administratifs. Comparons l'Hôpital universitaire de Genève à celui de Zurich. Il ne devrait pas y avoir de grosses différences en matière de coûts administratifs. Les frais de l'Hôpital universitaire de Genève équivalent à un milliard de francs: 11% des coûts représentent des frais administratifs, soit 110 millions de francs. Alors que ceux de l'Hôpital universitaire de Zurich représentent 6,6%, soit 66 millions de francs. C'est donc une différence de 50 millions de francs, non pas pour des prestations de santé mais pour des coûts administratifs - qu'on paie de nouveau trois fois: une fois par l'impôt, une fois dans le cadre du paiement des primes à la vie et une troisième fois en subventionnant ces primes.
Le groupe UDC soutiendra la proposition du rapporteur de minorité, et proposera que ce projet de loi soit renvoyé en commission pour clarifier l'origine des facteurs de hausse.
J'ai vraiment le sentiment qu'il y a une volonté, dans ce parlement et au niveau de l'Etat, de ne pas jouer le jeu de la transparence. En effet, si on le jouait, il semble que la vérité ne serait pas forcément heureuse à entendre et à voir.
M. Jacques Follonier (R). Vouloir la transparence est louable, c'est même une nécessité et c'est d'utilité publique. Encore faut-il savoir ce que l'on veut lorsque l'on veut de la transparence, et c'est là où les choses se compliquent.
On a souvent l'impression qu'avoir des chiffres à disposition nous permet de comprendre la situation. Mais encore faut-il comprendre comment ces chiffres nous sont fournis ! Tous ceux qui travaillent avec des chiffres le savent très bien: il y a plusieurs manières de présenter des statistiques, des comptes et de satisfaire les gens qui les demandent. C'est souvent ce qui nous arrive et c'est peut-être pour cette raison que nous avons, dans notre canton, de la peine à comprendre les réalités de la caisse maladie - ainsi que celles des assurances, dans la mesure où elles doivent mettre les primes d'assurance sur pied.
Que se passe-t-il avec les assurances-maladie ? Ce que vous devez savoir, c'est que, à Genève, nous avons deux systèmes: les assurances-maladie pratiquent un système basé sur la statistique des assurés et un système basé sur la statistique des assureurs. La statistique des assurés est basée sur la consommation de chaque assuré, alors que la statistique des assureurs, elle, est basée sur les dépenses par prestataires de soins.
Vous comprendrez alors bien la différence spécifique à Genève, puisqu'il y a en effet beaucoup de personnes venant de l'extérieur de notre canton qui consomment des soins. Dans ces conditions, et compte tenu du fait que Santésuisse a reconnu - il n'y a pas si longtemps que cela - qu'elle utilisait, pour la fixation des primes à Genève, la statistique des assureurs, la transparence aura de la peine à être établie.
Pour ces raisons, je suis persuadé que nous devons renvoyer tout cela à la commission des affaires sociales.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Le rapporteur de minorité a beaucoup de talent, parce qu'il arrive à convaincre les personnes n'ayant pas pu participer à la commission des affaires sociales - tout simplement parce qu'elles n'en font pas partie - que son idée est une idée géniale. Il a essayé de nous en convaincre, à maintes reprises. Il a essayé de remettre le même ouvrage sur le même métier: maintenant nous estimons qu'il suffit, et qu'il n'y a aucune raison de renvoyer ce projet de loi en commission.
Le président. Merci, Madame la députée. C'est bien volontiers que je passe la parole à Mme Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Merci, Monsieur le président !
La commission des affaires sociales, cela a déjà été dit, a pris position sur le projet de loi 8481, et notamment sur la question de la transparence, tant au parlement que celle qu'on doit aux assurés.
La commission a également confirmé cette exigence au travers de la motion 1438, et il est à cet égard troublant de constater qu'il faille une motion pour demander la simple application de dispositions d'ores et déjà prévues dans une loi.
Enfin, la commission des affaires sociales a rejeté le projet de loi 8564, non seulement en raison des critiques formulées par les personnes que nous avons entendues, mais également parce que le projet fait un mauvais procès aux institutions publiques et à celles qui sont subventionnées. Il y a dans ce projet de loi un a priori que nous ne pouvons cautionner, parce qu'il part du principe qu'un certain nombre de choses ne sont pas acceptables, notamment dans les manières de subventionner un certain nombre d'établissements.
Pour ces motifs, nous refusons le renvoi en commission.
M. Claude Aubert (L). En ce qui concerne le renvoi en commission: non.
Mais nous aurons l'occasion de revenir tout à l'heure sur l'importance des intuitions du député Froidevaux, intuitions qui transparaissent dans le projet de loi 8564. Ces intuitions, malheureusement, ne peuvent pas être explicitées actuellement.
M. Patrick Schmied (PDC), rapporteur de majorité. Juste sur le renvoi en commission. Vu qu'apparemment la commission n'aurait pas assez bien travaillé, j'aimerais citer, au brillant auteur de ce projet de loi, la formule de Boileau selon laquelle «ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.»
Le problème principal de ce projet de loi - et, en toute modestie, la commission l'a reconnu - c'est que nous ne sommes pas parvenus à le comprendre. Je n'éprouve pas de honte à le dire et je suis sûr que les membres de la commission seront d'accord avec moi.
Je viens d'entendre le docteur Aubert parler d'intuition; depuis le début, nous avons eu le sentiment qu'il y avait une intuition intéressante chez l'auteur de ce projet de loi. Cependant, au bout d'un moment, à force de tourner autour, la commission a dû renoncer à comprendre ce qu'il désirait faire.
En outre, lorsqu'il s'est avéré que ce projet de loi n'était pas compatible avec le droit fédéral, la commission a renoncé à aller plus loin, et demandé à l'auteur d'éventuellement présenter une nouvelle version.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de minorité. (L'orateur est interpellé par M. Blanc au sujet de l'article 24.)Même M. Claude Blanc me fait un mauvais procès ! (L'orateur est interpellé à nouveau.)Oui, oui, chers collègues. (Nouveaux commentaires.)Effectivement, vous évoquez la constitutionalité de ce projet de loi en disant qu'on ne pourrait pas constituer un fonds. Pourtant, nous disposons bel et bien d'un fonds que nous votons chaque année, qui permet de subventionner un certain nombre de personnes. Personne ne nous interdit d'augmenter ce fonds et de le répartir autrement. C'est cependant le seul argument que vous m'avez servi ce soir...
Une voix. Il y en a un autre: c'est qu'on ne l'a pas compris !
M. Pierre Froidevaux. Maintenant, si vous ne l'avez pas compris, je vais vous l'expliquer de manière très simple. Il faut établir une règle qui permette d'être juste autant à l'égard du secteur privé que du secteur public. Il ne faut pas montrer du doigt le secteur privé, qui n'y est pour rien, mais bel et bien expliquer pourquoi le secteur public coûte cher. Il faut des arbitrages à ce niveau-là. Je ne dis pas qu'il faut réduire les coûts, je ne dis rien d'aussi précis que cela. Je dis simplement qu'il n'est pas juste que le médecin et les patients soient systématiquement montrés du doigt, alors qu'ils ne sont pour rien dans l'augmentation des coûts. (Manifestation dans la salle. Exclamations.)Et voilà, vous entendez les remarques ! Et pourtant, ce sont les chiffres, que vous ne voulez ni voir ni mettre dans ce rapport.
Je demande simplement que la justice soit exercée. Je vous demande d'être équitables. Il n'y a pas de raisons que les primes d'assurance-maladie n'augmentent qu'en faveur du secteur public. J'aimerais évoquer un élément historique, que vous ignorez tous.
Le peuple a voté la LAMal, en octobre 1995. Il faudrait retrouver, dans les annales du Conseil d'Etat, l'arrêté du 6 décembre 1995. Cet arrêté dénonçait toutes les conventions faites entre les hôpitaux, les EMS et les soins à domicile vis-à-vis des assurances, imposant un nouveau tarif qui augmentait de 300 millions le coût aux assurés. Comment voulez-vous que les assurances genevoises, qui venaient d'entrer dans le système LAMal, puissent supporter 300 millions ? Ce fut le «clash», ce fut le scandale.
La loi prévoyait que le financement des hôpitaux et des EMS serait de 50%, et que les soins à domicile seraient mieux payés. M. Segond avait eu parfaitement raison, sur le plan légal, d'imposer cela. Cependant, les assureurs ne pouvaient pas payer. Ils ont fait recours. Ces recours, au lieu d'être réglés en six mois, ont durés trois ans. Pendant trois ans, les comptes des assureurs n'étaient pas stables. Les assureurs ont fini par payer.
Je voudrais simplement que vous sachiez pour quelles raisons il y a eu cette inégalité. Si il y a une telle inégalité et un tel flou, c'est que ce n'est qu'à partir de 1999 que les comptes sont devenus stables, et qu'on a pu comprendre que l'argent était parti uniquement au niveau des établissements publics.
Aussi, je vous propose une règle: celle qui consiste à dire que l'assurance a le droit d'augmenter de la même manière entre le secteur privé et le secteur public. C'est une règle politique que tout le monde peut comprendre, et c'est celle-là qu'il faut faire passer en commission, avec les arbitrages qui conviennent.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je passerai brièvement sur les deux premiers projets qui font l'objet d'un consensus de la commission, respectivement le projet de loi et la motion que vous avez votés à l'unanimité, pour me concentrer sur le projet de loi actuellement querellé. Les uns et les autres disent des choses justes à son sujet mais n'en tirent pas forcément les mêmes conclusions.
Lorsque le rapporteur de minorité explique qu'à l'issue du vote de la LAMal et de l'arrêté - pris impérativement par le Conseil d'Etat de l'époque qui se doit, je vous le rappelle, d'appliquer le droit supérieur - il a adapté les conventions tarifaires à ce que la nouvelle loi sur l'assurance-maladie prévoyait - en d'autres termes, le remboursement de l'aide à domicile et le remboursement dans les EMS, qui n'étaient pas des obligations légales dans l'ancienne LAMA - alors oui, en effet, la dépense pour les caisses a augmenté. Oui, du fait du retard dans la manière de trancher le recours par le Conseil fédéral - vous avez oublié par qui le retard était survenu, laissant planer un doute sur mon prédécesseur, ce que je n'oserai permettre. Vous avez donc laissé planer ce doute, comme si les 300 millions étaient plus qu'un doute: on l'a entendu à l'époque, un matelas, une série de coussins, voire une batterie de cuisine. Vous ne vous étiez pas gêné, Monsieur, pour dénoncer, soi-disant, des détournements - mais je sais, car vous me l'avez dit, que les mots avaient dépassé ce que vous pensiez. Toujours est-il que ces faits sont reconnus.
Les coûts pour l'assurance-maladie obligatoire de soins ont augmenté du fait du dispositif fédéral, Monsieur le député, qui imposait le remboursement à la fois des EMS et de l'aide à domicile, qui n'étaient tout simplement pas «compris dans le prix» précédemment. Il est vrai que parallèlement, depuis les années 2000, il y a une stabilité des coûts par assuré, dans la pratique privée. Cela n'a jamais été lié, et c'est quelque chose qui mérite d'être souligné. Il est vrai aussi que, s'agissant de la pratique hospitalière stationnaire, nous avons assisté à peu près au même phénomène. Les deux coûts qui ont, si j'ose dire, pris l'ascenseur, et vous le savez bien, sont les coûts de l'activité ambulatoire des hôpitaux, sur lesquels j'ai déjà eu l'occasion de vous dire ce que nous entendions faire à l'avenir, et le coût des médicaments, qui, en pourcentages, est de loin, et largement, le poste qui a le plus augmenté. Vous n'avez malheureusement pas prévu, dans votre dispositif, d'incitatif pour que le coût des médicaments en Suisse soit, ne serait-ce que ce qu'il est dans les pays voisins.
Cela dit, pour revenir au fond de votre projet, j'ai bien compris qu'il entendait forcer, par une démonstration dont vous savez bien qu'elle n'est pas conforme au droit fédéral, la réflexion que je viens de vous faire. L'avis de droit que Mme Desplands, de l'institut de droit de la Santé, nous a distribué en commission est, à cet égard, tout à fait significatif. Il y a plusieurs preuves de cela.
La première preuve, c'est que dans les mécanismes de régulation des coûts, la LAMal est exhaustive quant aux moyens que l'on peut utiliser. Ces moyens sont contenus dans l'article 55 de la LAMal, auquel je vous suggère de vous référer.
Deuxièmement, vous parlez de rétroactivité. Vous savez qu'en droit, vous l'aviez évoqué, la rétroactivité nécessite, pour être admise, des conditions de critères à la fois précis et cumulatifs.
Enfin, le fonds que vous vouliez constituer devait être redistribué à tout le monde; là encore, la LAMal, s'agissant de la politique des subsides, est à la fois claire et restrictive: les subsides doivent être destinés aux assurés ayant des revenus modestes.
En conséquence, Monsieur le député, je crois qu'une partie de la démonstration, que vous vouliez claire, l'est devenue à propos des postes qui ont augmenté ou pas, voire discrètement régressé, même selon les chiffres de 2003.
Mais ça n'est pas pour autant que l'on peut rentrer en matière sur ce projet de loi clairement contraire au droit supérieur, ce à plusieurs niveaux.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter sur la demande de renvoi en commission formulée par M. le rapporteur de minorité.
Mis aux voix, le renvoi en commission est rejeté par 50 non contre 16 oui et 3 abstentions.
Le président. Nous poursuivons nos débats. Mme Alder a renoncé à prendre la parole. La parole n'étant plus demandée, nous voterons sur la prise en considération du projet de loi 8481-A.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 77 oui et 3 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 (souligné) et 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 8481 est adoptée article par article en troisième débat.
La loi 8481 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 74 oui contre 1 non et 3 abstentions.
Le président. Nous passons maintenant au projet de loi 8564. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de minorité. Le renvoi en commission ayant été refusé, il ne m'apparaît pas judicieux de voter sur un tel projet de loi, puisqu'il devait être étudié, puisqu'il devait y avoir des arbitrages politiques qui devaient être nombreux.
Aussi, je retire ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Monsieur le rapporteur de minorité, dans la mesure où vous n'êtes pas le seul signataire, puis-je partir du principe que les autres signataires ont été consultés et qu'ils sont d'accord avec vous ? Tous ? Il est donc pris acte du retrait de ce projet de loi.
Le Grand Conseil prend acte du retrait du projet de loi 8564.
Le président. Nous allons voter sur la proposition de motion 1438 telle qu'amendée en vue de son acceptation et de son renvoi au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la motion 1438 est adoptée.