République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 octobre 2003 à 20h30
55e législature - 2e année - 12e session - 77e séance
PL 8857-A
Premier débat
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Je n'ai rien à ajouter à mon rapport qui, je crois, met bien en évidence les avantages du nouveau système de répartition des sièges en commission, au niveau du fonctionnement démocratique. En revanche, qu'on me permette de m'arrêter brièvement sur le contenu du rapport de minorité.
M. Hodgers se donne beaucoup de peine, comme toujours, pour tenter de démontrer que le nouveau système est mauvais. Il n'y parvient pas plus qu'il n'y est parvenu lors des débats de commission. Pourquoi ? Eh bien d'abord parce que, au lieu de mettre les éventuelles faiblesses du nouveau système en évidence, il se contente de faire le panégyrique du système actuellement en vigueur.
Il est vrai que le rapporteur de minorité argumente contre le nouveau système, mais ce n'est qu'en faisant fleurir son imagination, et cette floraison consiste dans l'évocation exclusive d'une multitude de dangers qui tiennent plus du fantasme que de la réalité dans l'application du nouveau système. Un système qui, pourtant, fonctionne parfaitement, et depuis longtemps, dans d'autres enceintes législatives.
Soyons clairs, Mesdames et Messieurs les députés, si le rapporteur de minorité manque de crédibilité, en l'occurrence, ça n'est pas parce qu'il n'est pas intelligent. S'il ne parvient pas à nous convaincre, c'est simplement parce que nous savons tous, ici, que le système qu'il défend favorise la minorité dont il fait partie. (Rires.)
M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de minorité. La conclusion du rapporteur de majorité illustre, non pas la courte vue, mais la mauvaise compréhension des systèmes de répartition des sièges en commission. En effet, il ne s'agit pas, à travers ce projet de loi, d'accorder davantage de sièges à une majorité parlementaire ou davantage de sièges à un grand parti.
Par définition, quand il s'agit de représenter une enceinte de cent députés dans un groupe composé de quinze députés, il faut arrondir: on ne peut pas mettre des «virgules de députés», vous en conviendrez. On ne va pas découper des députés en petits morceaux sous prétexte que les radicaux devraient en avoir 2,3: on mettrait alors un tiers de Kunz dans telle commission pour répondre à une représentation parlementaire...
Du moment qu'il faut faire des arrondis, il est clair qu'on s'éloigne de la représentativité de l'assemblée générale. A partir de là, on peut imaginer plusieurs systèmes, qui ne seront jamais parfaits, mais parmi lesquels il faudra choisir le moins pire...
Une voix. Exactement!
M. Antonio Hodgers. On est d'accord. C'est pourquoi le système actuel est basé sur la même logique ou la même façon de calculer la répartition des sièges en plénière. C'est une méthode qui se base sur le système proportionnel qui représente avant tout les blocs apparentés, à savoir, en ce qui concerne notre parlement: l'Alternative, l'Entente et enfin l'UDC. Ce sont les trois blocs apparentés. La répartition se fait donc d'abord par blocs, puis, à l'intérieur de chaque bloc, en fonction des différentes forces représentées.
L'efficacité de ce système tient dans le fait qu'il n'est pas possible, mathématiquement parlant, que la représentativité en commission soit différente de celle qu'il y a en plénière. Pour notre parlement, issu des élections générales de 2001, il n'y a pas de majorité de l'un ou l'autre des grands blocs - de l'Alternative ou de l'Entente - sans l'UDC. Le législateur l'a voulu ainsi. Il n'y a pas de majorité sans l'UDC, et cette logique se retrouve en commission, même si cela peut chagriner certains députés de l'Entente.
Or, avec la proposition qui nous est faite aujourd'hui, l'Entente veut s'attribuer une majorité absolue, c'est-à-dire qu'elle veut s'octroyer huit sièges contre six pour l'Alternative, et un pour l'UDC. Ce que les auteurs de cette proposition n'ont pas vu, c'est que, non seulement, la majorité peut être absolue au lieu de relative - neuf députés de droite contre six de l'Alternative selon la configuration actuelle - mais que, en plus, cette même majorité peut forcer la main jusqu'à dix députés pour la droite contre cinq de gauche. Vous admettrez que cette répartition n'est pas représentative de l'assemblée.
J'ai fait ces calculs sur la base d'un tableau Excel en respectant la logique qui est proposée par MM. Gros et Koechlin. Comme ces derniers, et ils ne sont pas les seuls dans ce parlement, me portent peu de crédibilité, même en matière de mathématiques, j'ai fait vérifier ces calculs par le service des votations et élections, qui les a confirmés, comme vous pouvez le constater dans l'annexe 4.
En outre, cette annexe 4, signée par M. Patrick Ascheri, qui n'est pas tout à fait de notre bord, comme vous le savez, explique que, par ailleurs, si ce système introduit une sur ou une sous-représentation des groupes politiques, il s'agira de déterminer dans quelle commission elle va s'exercer, sachant que la valeur des commissions ne peut pas être considérée comme identique.
Ici aussi, nous sommes d'accord. Nous savons tous qu'il y a des commissions plus importantes que d'autres, parce que les enjeux politiques auxquels elles renvoient sont plus importants que d'autres... (L'orateur est interpellé.)Lesquelles, me demande-t-on ? On le sait bien: les finances, la commission de contrôle de gestion, des commissions qui sont à la base des équilibres de forces dans notre République.
Dans ces commissions, une majorité - qu'elle soit de votre bord ou du nôtre - pourra imposer à la minorité une sur-représentation telle que celle que j'ai évoquée, à savoir de dix contre cinq, alors que la situation, en plénière, n'y correspond pas.
Monsieur Gros, vous dites que c'est faux, j'ai fait des calculs qui sont clairs et qui ont été certifiés par la chancellerie. Si vous voulez contester les conclusions de la chancellerie, libre à vous. C'est vrai que les libéraux sont experts en systèmes mathématiques, vous l'avez déjà prouvé plus tôt aujourd'hui, il n'empêche que ce projet de loi a une réalité. Cette réalité entraîne aussi ceci: sur une législature comme celle qui s'est étendue de 1997 à 2001, où il y avait une courte majorité parlementaire, votre système implique des majorités inversées en commission, forcément.
M. René Koechlin. Non !
M. Antonio Hodgers. Forcément ! Retournez à vos études !
Le président. Monsieur Koechlin, je vous prie de garder votre calme.
M. Antonio Hodgers. Forcément, le système que vous proposez, dans la configuration de 1997, aurait impliqué, sur environ un tiers des commissions, une majorité inversée...
M. René Koechlin. Non !
Le président. Monsieur Koechlin, je vous en prie !
M. Antonio Hodgers. ...ce qui veut dire que, quand il s'agit de la commission des affaires régionales. Le parlement doit se souvenir que le rapporteur de minorité représente en fait la majorité; quand il s'agit de la commission des pétitions, de la même manière, il doit se souvenir que les majorités sont inversées.
Vous introduisez donc un système illogique. Savez-vous pourquoi ? Tout simplement parce que vous vous basez sur le système du Conseil national qui, contrairement au Grand Conseil genevois, n'a pas un unique cercle électoral. Ce qui introduit une logique de répartition en commission qui sera différente. Et autant le système que propose le parti libéral peut fonctionner au niveau national - puisqu'il y a plusieurs cercles au niveau électoral: les cantons - autant notre parlement, élu sur une seule circonscription électorale, ne peut pas fonctionner avec votre proposition.
Il ne s'agit pas ici d'un débat politique, il s'agit d'un débat technique qui peut mener - et je le souligne, puisqu'il est laissé une compétence au Bureau de déterminer à combien de sièges chaque parti a droit dans chaque commission - au scénario selon lequel il n'y a pas de majorité, c'est-à-dire que ce parlement ne trouve pas une majorité pour déterminer qui siège dans chaque commission.
Pour toutes ces raisons, et bien que ce débat soit passablement technique, je vous invite à refuser ce projet de loi.
M. Pierre Vanek (AdG). Il vient d'être dit par le rapporteur de minorité que tout ceci n'était pas une affaire politique. Ce dernier a développé des arguments techniques qui sont parfaitement exacts. M. Koechlin a tort, il s'est énervé, on lui réexpliquera gentiment le raisonnement. Il est évident que ce qui a été proposé par la majorité est susceptible de faire l'objet de toutes les critiques qui ont été adressées, à juste titre, par le rapporteur de minorité.
Là où je ne suis cependant pas le rapporteur de minorité, c'est lorsqu'il dit que cette affaire n'est pas politique. Or, cette affaire est bien une affaire politique. Elle s'inscrit dans le droit fil d'une série de mesures visant à bâillonner la minorité - nous nous sommes d'ailleurs déjà exprimés à ce sujet - sur les interpellations urgentes, sur la suppression des débats de préconsultation et sur toute une série d'autres choses, sous prétexte d'efficacité, pour obtenir une mainmise beaucoup plus forte de votre majorité sur ce parlement et la possibilité de faire passer, avec beaucoup moins d'opposition, un certain nombre de mesures qui répondent à votre programme politique, que je ne qualifierai pas, puisque vous connaissez mon opinion à son sujet.
Ce que M. Kunz nous épargne, c'est un long débat technique. M. Kunz a d'énormes qualités, dont la clarté et la franchise dans ses opinions, et il dit ceci dans son rapport: «La logique et la souplesse du système proposé suffisaient à convaincre les partis bourgeois». Evidemment cette souplesse a convaincu tous les partis bourgeois et les partis de cette majorité, comprenant l'UDC et l'Entente - ou l'Entente s'appuyant sur la béquille de l'UDC.
Au-delà des calculs et des tableaux Excel que certains utilisent avec brio, et ils ont raison de le faire, il y a des choses beaucoup plus simples qui sont écrites dans ce rapport. M. Kunz écrit ceci: «Le nouveau système permet aux groupes composant la majorité de concrétiser leur avantage de manière plus marquée dans les commissions couvrant leurs domaines d'action prioritaires». Bien entendu on laisse le reste. Bien entendu que, dans les domaines que la majorité de droite, appuyée sur l'UDC, ne juge pas prioritaires, on compensera, en laissant un peu plus de place aux députés de l'opposition.
Il y a, dans cela, une intention politique visant à renforcer la mainmise de cette majorité de droite sur ce Grand Conseil ainsi qu'à limiter les possibilités d'expression de l'opinion minoritaire, ce par le biais de la limitation du nombre de députés en commission, et, par voie de conséquence, des compétences réunies, ainsi que de l'eau apportée au moulin des arguments de l'opposition.
L'affaire est toute simple: sommes-nous d'accord d'aller vers une représentation, qui a ses défauts, mais qui est calculée selon une règle arithmétique de proportionnalité en commission - qu'on respecte autant que faire se peut ? Ou bien voulons-nous accepter un nouveau système qui permet aux groupes composant la majorité - je cite encore une fois M. Kunz parce que, contrairement à moi, il a parfois le mérite d'une plus grande clarté (Rires.) -«de concrétiser leur avantage de manière plus marquée dans les commissions couvrant leur domaine d'axe prioritaire ?» Cela veut dire que, dans les domaines qu'ils jugent prioritaires, ils veulent avoir le moins d'oppositions possibles.
Cela n'est pas intelligent, parce que c'est bien, pour une majorité, d'avoir à passer le test de l'opposition dans cette enceinte, avant d'aller affronter celle qu'elle rencontre sur le plan des référendums et qu'elle peut rencontrer sur le plan des mobilisations sociales. C'est bien aussi, pour une majorité, de se rendre compte - mais la vision de M. Kunz ne s'étend peut-être pas jusque là - que les majorités se renversent. Probablement, d'ici quelques années, ce ne seront plus les mêmes majorités qui siègeront. Si une majorité, de gauche et Verte, revenait, elle pourrait être tentée - mais je ne crois pas qu'elle le ferait, parce que, nous l'avons démontré de 1997 à 2001, nous ne mangeons pas de ce pain-là - elle pourrait être tentée d'employer contre vous les armes que vous utilisez à son encontre maintenant.
Cette mesure est parfaitement antidémocratique. L'avantage que vous avez, l'avantage que vous devez concrétiser, c'est une majorité - et avec l'UDC, une large majorité - dans cette enceinte, ainsi qu'une majorité en commission; mais cela ne vous suffit pas, vous en voulez plus. Pourquoi ? Parce que vous êtes incompétents, parce que vous n'arrivez pas à développer vos arguments en commission, parce que vous avez des affaires lucratives trop pressantes qui font que vous ne pouvez pas assister aux réunions de commission ? Pourquoi, avec cette majorité-là - au lieu de bidouiller le règlement pour vous avantager encore - ne vous servez-vous pas de cette majorité pour mettre votre programme politique en oeuvre et répondre, selon vos lumières, aux intérêts des citoyennes et citoyens qui vous ont élus ? (Exclamations.)Vous ne le faites pas ! C'est un aveu de faiblesse et de manque d'intelligence politique. Vous prenez ce chemin, vous voterez probablement cette mesure ce soir, mais je la dénonce ici. Elle est antidémocratique, elle est inacceptable. Pourquoi en aviez-vous besoin maintenant ?
Sous le gouvernement monocolore, Monsieur Kunz, vous n'en aviez pas besoin, l'écart entre les majorités et les minorités en commission n'était pas plus important. Vous avez réussi à faire des propositions et à mener une certaine politique. Bon, les citoyens en ont tiré la conséquence...
M. Pierre Kunz. Laquelle ?
M. Pierre Vanek. Oui, je sais, Monsieur Kunz, que vous étiez à l'époque dans l'opposition, parce que vous considériez que le gouvernement monocolore faisait une politique de centre-gauche et que vous ne votiez pas les budgets. Vous proposiez toute une série de mesures, plutôt du ressort du quarteron de députés UDC qui sont ici. Maintenant, vous vous trouvez plus à l'aise dans cette majorité qu'à l'époque dans celle du gouvernement monocolore. (Brouhaha.).Mais enfin, Monsieur Kunz, Mesdames et Messieurs les députés, à l'époque, vous avez réussi à faire passer un certain nombre de choses, par le biais de quelques propositions politiques, et d'une discipline de vote de votre côté...
Le président. Il est temps de conclure.
M. Pierre Vanek. ...et l'opposition a fait son métier. Je conclus: cette mesure est antidémocratique, c'est un aveu de faiblesse de votre part. Je vous invite, de ce point de vue là - qui devrait vous toucher vous aussi, Messieurs les députés de la droite, et Mesdames, même s'il y en a peu - à refuser cette mesure.
M. Alain Charbonnier (S). J'aimerais tout d'abord remercier le rapporteur de minorité, M. Hodgers, qui est allé au-delà de son travail de rapporteur. Il nous apporte ainsi la preuve que, techniquement, cette méthode de calcul de la répartition des sièges en commission est complètement invraisemblable, et qu'elle pourrait déboucher sur des choses totalement anormales.
Deuxièmement, je crois, moi aussi, que ce projet de loi est politique. Je crois qu'on pourrait lui donner un titre: «le regret du non-apparentement de l'Entente avec l'UDC». Finalement, ce qu'il nous propose, c'est bien ceci: la méthode de répartition des sièges, au sein de cette plénière, se fait d'abord selon les termes des apparentements. Or les députés de la droite proposent que la répartition des sièges en commission ne soit plus effectuée ainsi mais qu'elle se fasse en fonction de deux blocs opposés, alors qu'ils ont refusé l'apparentement avec l'UDC, lors des élections de 2001, pour des raisons qui leur sont propres. Ils voudraient maintenant réunir leur bloc entier avec l'UDC, et j'espère que les électeurs de 2001 apprécieront cela.
Techniquement, je tiens quand même à relever l'aberration de ce système qui tient dans la différence entre certaines commissions dans la répartition des sièges. Je vous laisse imaginer les discussions et négociations, au sein des réunions de chefs de groupe, pour attribuer une valeur aux commissions. Cette notion de valeur des commissions est toute relative, parce que cela dépend des sujets qui y sont en cours. En effet, il y a des commissions qui n'ont pas, ou pratiquement pas, de sujet à l'ordre du jour, d'autres qui en ont une multitude, et qui sont très importants. Tout cela, alors que dans quelques mois, ce ne sera plus le cas. Je vous laisse donc imaginer par quelles négociations il faudra passer, des heures et des heures durant, avant de trouver le moindre accord, à moins qu'il ne s'agisse d'un accord imposé par la majorité.
Techniquement, cela est donc irréalisable, et M. Hodgers nous le prouve mathématiquement, quoi que vous en disiez, Messieurs Koechlin et Kunz. M. Hodgers le prouve, nous risquons de nous retrouver avec des commissions à dix contre cinq.
Si tel est votre idéal de la démocratie, pour notre part, nous ne le partageons pas.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Pour le PDC, ce projet de loi n'est pas un bon projet. Il prétend faciliter la répartition des sièges en commission; il prétend rendre les apparentements plus justes, selon une démonstration arithmétique; en fait, ce projet de loi ne peut pas être plus juste que le système actuel, tout simplement parce qu'il est basé sur le nombre de députés par groupes, non sur la réalité des suffrages de chaque liste politique.
En modifiant le système actuel, les initiateurs de ce projet de loi introduiraient un système de répartition flottant, dans lequel les groupes les plus importants de notre Grand Conseil auraient beau jeu d'influencer le nombre de leurs représentants selon l'importance qu'ils donnent aux commissions. On voit ainsi déjà qu'il y a des regards d'inégalité sur les commissions, on ne peut pas nier cela. On pourrait ainsi voir des blocs monopoliser, par exemple, la commission sociale ou la commission des finances, au hasard, verrouillant les débats démocratiques, pour faire passer en force des objets ou bloquer des projets de lois qui leur déplairaient.
On imagine alors après les débats en plénière qui deviendraient encore plus «foire d'empoigne» qu'actuellement, et ce n'est pas peu dire.
On prétend vouloir être plus efficaces et plus rationnels, en plénière, pour gérer, dans des temps acceptables, nos ordres du jour; le moins qu'on puisse dire, c'est qu'avec ce projet de loi, qui aurait, je le redis, des conséquences en plénière, on raterait vraiment notre cible.
Restons donc pragmatiques, refusons ce projet de loi qui ne ferait qu'augmenter la confusion.
M. Jean-Michel Gros (L). J'aimerais ajouter deux ou trois remarques au rapport qui nous est soumis.
Premièrement, je voudrais vous parler des amendements qui ont été apportés par la commission. Il y en a deux, de moindre importance, qui ont quasiment fait l'unanimité. Le premier consiste à garantir à chaque parti au moins un siège en commission de neuf membres. C'était un oubli de notre part, nous nous en excusons et nous avons bien sûr accepté que ce soit le cas. Le deuxième amendement est secondaire, le troisième me paraît plus important. Cela pour répondre à toutes les accusations qui nous sont faites, notamment par M. Vanek, de politique politicienne, voire revancharde, voire même d'un désir caché que nous aurions de favoriser la majorité bourgeoise. Les libéraux ont immédiatement déclaré en commission que cette loi, si elle était votée, ne serait applicable qu'en 2005, soit lors de la prochaine législature. Il nous semble que c'est là un acte d'honnêteté intellectuelle incontestable, car qui peut prévoir le résultat des prochaines élections ? Personne, en tout cas pas les apprentis sorciers que sont René Koechlin et moi-même.
L'article 2 souligné montre en tout cas que la majorité de la commission désire non pas un correctif pour maintenant, mais un système de répartition plus équitable pour demain. Ce nouveau système s'appuie certes sur du vécu, c'est-à-dire la législature 1997-2001 et celle que nous vivons actuellement, mais pour une justice de répartition pour l'avenir.
J'en viens maintenant au bien-fondé de ce projet. Il est évident que certaines forces, voire certains groupes, sont plus ou moins bien représentés en commissions, par rapport à leur force réelle dans le parlement. Il a été évoqué, dans l'exposé des motifs, que l'Alternative, avec sept sièges sur quinze, détenait 46,66% des sièges, alors qu'elle n'en totalise que 43% au Grand Conseil. C'est vrai que cet exemple mettait des blocs en confrontation et ne reflétait pas les nuances qui pouvaient exister à l'intérieur de ceux-ci. En commission, les démocrates-chrétiens l'ont fait remarquer, insistant sur le fait que chaque parti, voire chaque député, est libre de ses prises de position. C'est en cela que le travail en commission est utile.
Non, il ne faut pas opposer un simple calcul arithmétique bloc contre bloc. Je ne citerai qu'un exemple: comment se fait-il qu'un groupe comme les Verts, avec onze députés, ait une représentation supérieure de cent pour cent à celle de l'UDC, qui compte dix députés ? Oui, Mesdames et Messieurs les députés, les Verts ont deux députés dans chaque commission, alors que l'UDC n'en a qu'un. Bien sûr, on me dira qu'on ne peut pas partager un député, M. Hodgers l'a très bien fait tout à l'heure. On ne peut pas en mettre un demi en commission. Eh bien, si, Monsieur Hodgers, si, justement, on peut ! Et c'est l'objet de ce projet de loi. C'est ce qu'on pourrait appeler, et cela fera plaisir à ceux qui sont assis sur les bancs de l'Alternative, «du job sharing». Ce travail à temps partiel impliquerait, par exemple, qu'à la commission de l'économie siègent deux UDC et un Vert, pendant qu'à la commission fiscale siègeraient deux Verts et un UDC.
Cela s'adresse bien entendu à tous les partis, y compris au parti libéral, si jamais il devait encore gagner des sièges en 2005. Cela s'adresse bien sûr aussi à la gauche qui comprendrait son intérêt, si elle faisait abstraction des auteurs du projet, ce qu'à Dieu ne plaise. Il est utile, ici, de citer le président de la commission: «J'estime que ce projet ne provoquera pas une polarisation, tout dépend du résultat des votations. Si la gauche perdait trois à quatre sièges, par exemple, le projet lui permettrait quand même d'obtenir sept sièges dans quelques commissions, alors qu'elle n'en obtiendrait que six avec le système actuel.» Le président cité est bien sûr notre rapporteur de minorité.
Tout ceci m'amène, bien sûr, à ce rapport de minorité ou à son caractère injurieux, sur lequel mes liens d'amitié avec son auteur m'empêchent de revenir. Je souhaite souligner le caractère insolite de sa rédaction. M. Hodgers a, pour prouver le bien-fondé de son argumentation, écrit à un chef de service pour lui demander si son mode de calcul était juste, cela après la clôture des travaux de la commission. Monsieur le président, admettez au moins que l'initiative est étrange. Bref, M. Hodgers a demandé son avis à M. Ascheri après avoir construit une gigantesque hypothèse selon laquelle les commissions, ou en tout cas certaines d'entre elles, pourraient avoir dix députés de droite et cinq de gauche. Nous dénonçons cette manière de faire. Il est inadmissible de demander des rapports après la fin des travaux de commission.
Le groupe libéral se doit de vous recommander d'accepter ce projet de loi.
M. Ascheri, fonctionnaire que nous apprécions beaucoup, s'est cependant trompé sur un point majeur: tout ce qui est énoncé sous la lettre c) doit être conforme à la lettre a). La lettre a) dit explicitement: «le nombre total des sièges de l'ensemble des commissions composées du même nombre de membres est réparti d'abord proportionnellement au nombre de sièges que chaque groupe détient au Grand Conseil.» Tout cela veut dire que le nombre de sièges en commissions variera entre zéro et un. D'ailleurs, il sera intéressant de savoir pourquoi le rapporteur n'a imaginé qu'un rapport de dix contre cinq, suite à ce projet de loi.
En effet, pourquoi, M. Hodgers, selon son schéma, n'a-t-il pas imaginé la droite prendre quinze sièges aux finances et en laisser quinze à la gauche, à la commission des pétitions, M. Ascheri aurait peut-être dit que cela était possible avec ce projet de loi ? Non, Monsieur Hodgers, cela n'est pas possible, puisque les sièges, en commission, sont en priorité répartis proportionnellement au nombre de sièges au Grand Conseil. Le nombre ne variera donc que de zéro à un. Ce système, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas tombé du ciel, il ne vient pas de mars, il ne vient pas de Vénus, non: il vient de plusieurs parlements cantonaux et il vient aussi du parlement fédéral.
Monsieur Vanek, vous ne faites pas partie de la commission, mais vous constaterez que la répartition, dans les commissions, se fait comme ceci: oui, M. Charbonnier a parlé de la difficulté de négociation entre les groupes, pour se répartir ces sièges en commission, oui il y a des difficultés de négociation, et alors ? Si nous ne pouvons plus nous parler...
Le président. Il est temps de conclure...
M. Jean-Michel Gros. ...au début d'une législature, c'est vraiment le comble ! (Manifestation dans la salle.)Ce que je veux dire, c'est que les arguments évoqués par M. Hodgers sont faux, mensongers, et que sa méthode est tout à fait discutable. Pour ces motifs, je vous demande d'accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Gilbert Catelain (UDC). Je n'ai malheureusement pas entendu tous les propos de M. Gros, c'est dommage parce que je vais intervenir en partie sur ce point-là. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)J'aimerais aussi rendre M. Charbonnier attentif au fait qu'il ferait bien de se méfier de certains préjugés qu'il a vis-à-vis du groupe UDC, parce que, contrairement à ce que vous pensez, vous risqueriez d'être surpris par la décision du groupe.
A première vue, ce projet de loi est très favorable au groupe UDC. Il est en effet discutable qu'une différence d'un siège, dans cette enceinte, puisse se traduire par un doublement de la représentation en commission. Je dirai même que c'est inacceptable, et, sur ce point, je pense que le groupe libéral n'a pas à souffrir de griefs, et que son initiative dans ce domaine est tout à fait louable.
Ce projet de loi a effectivement deux points positifs. D'une part, il permet de rééquilibrer le nombre de commissaires pour les groupes parlementaires, qui ont une représentativité de 10 à 13% dans cette enceinte. D'autre part, et surtout, il permet une meilleure représentation du groupe UDC dans les commissions. Comme vous le savez, c'est un groupe qui monte, et qui, aux prochaines élections, fera plus de 20%...
Une voix. Minimum !
M. Gilbert Catelain. ...donc nous ne sommes pas trop concernés par ce projet de loi.
Malheureusement, ce projet de loi a un talon d'Achille. Il se situe à l'article 179 alinéa 4 lettre c). En effet, selon la répartition choisie, et contrairement à la situation qui prévaut dans cette enceinte, l'Entente pourrait effectivement être majoritaire dans 50% des commissions composées de quinze membres, qui sont les commissions les plus importantes, alors qu'elle n'a pas la majorité dans cette enceinte. Cette situation-là est donc tout aussi inacceptable que la situation présente. Les deux situations sont inacceptables.
Il s'agirait donc de trouver un compromis qui ne devrait concerner que les groupes parlementaires compris entre 10 et 15% de représentativité, où, là, il devrait y avoir une sorte d'alternance: c'est-à-dire que dans une commission de quinze membres, deux membres feraient partie des Verts et un de l'UDC, et inversement, pour la deuxième partie du tableau.
Sur la base de ces explications, le groupe UDC se réserve pour le vote final, mais je pense qu'il risque bien de rejeter majoritairement le projet de loi libéral dans la forme qui lui est proposée ce soir.
Le président. La parole est à M. Koechlin, tout calme, tout calme.
M. René Koechlin (L). Vous savez, Monsieur le président, à quel point je peux garder mon calme, lorsque je prends la parole, que vous me cédez généreusement.
Ce qui me surprend, c'est que les personnes qui se sont exprimées contre ce projet l'ont fait sans l'avoir lu avec suffisamment d'attention. Parce que la lettre c) de l'article 179 alinéa 4, qui vient d'être évoquée par mon préopinant, dit précisément que ce Grand Conseil veille à ce que le total des sièges attribués à chacun des groupes pour l'ensemble des commissions de même composition soit conforme à la règle énoncée sous lettre a). M. Gros vous l'a rappelée tout à l'heure; cette règle est la suivante: «le nombre total des sièges de l'ensemble des commissions composées du même nombre de membres est réparti d'abord proportionnellement au nombre de sièges que chaque groupe détient au Grand Conseil.» Plus clair, je meurs.
Ce projet de loi vise simplement à plus d'équité, à faire en sorte qu'au sein des commissions la représentation de chaque groupe corresponde de façon beaucoup plus stricte à la proportion qui existe au sein de ce parlement.
Malheureusement, M. Hodgers, dans son élan et sa fougue, nous montre des tableaux - annexes 1, 2 et suivantes - qui sont faux. Ces tableaux sont de sa plume et ne correspondent pas du tout aux deux articles de loi. J'aurais aimé que la chancellerie vienne confirmer vos déclarations devant la commission, ce qu'elle n'a pas fait. J'aimerais bien qu'elle vienne confirmer ces déclarations devant moi. La règle que nous proposons est tellement simple, tellement claire, que je m'étonne qu'autant de personnes, parmi vous, ne la comprennent tout simplement pas. Comme l'a rappelé M. Gros tout à l'heure, c'est une règle qui est appliquée dans un certain nombre de parlements comme le nôtre, ainsi qu'aux Chambres fédérales.
Nous avons déposé ce projet de loi, parce que nous estimons qu'il est plus équitable que la manière dont nous répartissons les sièges actuellement dans les commissions. J'en veux pour preuve le fait que, lors de la dernière législature, si l'on avait appliqué la règle que nous appliquons actuellement, l'Alternative aurait eu sept sièges en commission, et nous, de l'Entente, en aurions eu huit. C'était le résultat du calcul actuel. (L'orateur est interpellé.)Non, c'était le résultat de la loi appliquée en 1997. Je le savais parfaitement, Monsieur Hodgers, parce que j'ai été questionné par la chancellerie. J'ai questionné mon groupe, et nous avons accepté de renoncer aux sièges qui nous étaient dus en faveur des Verts, précisément votre groupe, pour que l'Alternative, en commission, possède huit sièges et que l'Entente n'en possède que sept.
Mais c'était une entourloupette, et c'était au bon vouloir de notre groupe et de l'Entente, que nous avons consultée. C'est vous dire à quel point la manière de calculer la répartition des sièges en commission est approximative, si l'on applique les règles actuellement en vigueur dans ce parlement. Elles sont approximatives, elles sont inéquitables, et c'est pour les rendre un peu plus justes, conformément à ce qui se passe dans d'autres parlements et aux Chambres fédérales, que nous avons proposé ce projet de loi.
Naturellement, si la majorité de ce Grand Conseil préfère se conformer à ce qui est moins équitable, c'est son droit. Qu'on se le dise, si ce projet est refusé, Mesdames et Messieurs les députés, je l'affirme ici formellement, cela voudra dire qu'il y a une majorité de députés dans ce Grand Conseil qui préfère les approximations, le flou artistique, en ce qui concerne la représentation des groupes dans les commissions parlementaires.
Je trouve cela lamentable et je le regrette beaucoup.
M. Thomas Büchi (R). Le groupe radical soutiendra le rapport de majorité, cela pour un certain nombre de raisons extrêmement simples, et je ne serai pas long, puisque les arguments ont été abondamment développés. Je voudrais tout de même reprendre ce qu'a dit M. Koechlin.
J'étais présent en 1997, j'étais présent en 1993. Il est vrai qu'en 1997 le calcul actuel a conduit à cette aberration où l'Entente avait la majorité des sièges, et c'est vrai que les libéraux ont cédé un siège aux Verts pour qu'il y ait huit à sept en commission à ce moment-là - ceux qui étaient là à l'époque s'en rappellent très bien. C'est vrai que c'est difficile de trouver le système parfait dans le domaine de la répartition. Il n'empêche qu'il nous semble que le système le plus habile est quand même celui qui représente mathématiquement et qui est le plus proche du vote populaire. C'est d'ailleurs ce que nous vous proposons dans ce projet de loi.
Nous ne pouvons pas, en tant que radicaux, être taxés de malhonnêteté intellectuelle dans le cas présent, puisque si le projet de loi était appliqué immédiatement, nous perdrions des sièges en commission. Nous le soutenons malgré tout, parce qu'il nous paraît plus juste et plus équitable.
Un autre argument: je crois que notre Parlement fédéral fonctionne très bien. Le système de ce projet de loi est aussi très proche du système fédéral, et je crois que c'est une bonne chose que de s'en approcher. Je voudrais encore dire une chose à M. Vanek: j'ai à peu près écouté le monologue injurieux que vous avez fait. (Manifestation dans la salle.)
Le président. Adressez-vous au parlement, Monsieur Büchi ! N'interpellez pas vos collègues !
M. Thomas Büchi. J'espère, Monsieur Vanek, que vous vous comporterez mieux à Berne sur le plan du vocabulaire...
M. David Hiler. Qu'est-ce que cela a à voir avec le débat ?
M. Thomas Büchi. Attendez, Monsieur Hiler...
M. David Hiler. Ce sont des attaques personnelles...
Le président. Adressez-vous au parlement, Monsieur Büchi, et pas à l'un ou l'autre de vos collègues ! Vous êtes en train d'attiser la tension.
M. Thomas Büchi. Monsieur Vanek, vous nous avez injuriés en disant que nous soutenions ce projet de loi, parce que certains membres de l'Entente faisaient de l'absentéisme pour s'occuper de leurs affaires lucratives. Je vais vous dire une chose, Monsieur Vanek: je suis un modeste artisan et chef d'entreprise depuis quinze ans. Je sais ce que veut dire garantir des emplois et chercher du travail. Et si un jour vous aviez travaillé, vous sauriez de quoi on parle en étant chef d'entreprise. (Exclamations. Longs applaudissements.)
Le président. Je vous rends attentifs, Mesdames et Messieurs les députés, que si vous voulez continuer le débat dans un minimum de sérénité il vous faut veiller à éviter certaines manifestations de sympathie ou d'antipathie trop accentuées. Monsieur Vanek, la liste est close. Vous avez été mis en cause, vous aurez la parole, mais après, excusez-moi, à la fin de la liste des orateurs.
M. Robert Iselin (UDC). Pour quelqu'un qui débarque de façon relativement récente dans ce parlement, je trouve que cette discussion relève un peu de celle qui agitait Byzance sur le sexe des anges.
A vrai dire, chaque système a des défauts. Le système actuel en a, l'autre en a aussi, car c'est un peu une mathématique à géométrie variable... En effet, on ne voit pas très bien comment, dans les commissions, où il s'agira de distribuer des sièges dont le nombre est variable, on choisira plutôt les finances, pour l'UDC, qui sera toute contente puisque cela l'intéresse, et pas du tout je ne sais quelle autre commission.
En tout cas, soit l'UDC nous laissera la liberté de vote soit nous voterons contre ce projet, qui, au surplus, c'est vrai, est un problème politique.
Comme je l'ai dit à l'un ou l'autre libéral, actuellement l'UDC fait la balance: eh bien, elle ne va pas la quitter !
M. David Hiler (Ve). J'aimerais tout d'abord intervenir sur quelques points de détail de la discussion.
Le premier point concerne les reproches faits par M. Gros à l'égard du travail du rapporteur de minorité. Si je vous ai bien compris, Monsieur Gros, je vais devoir changer ma méthode de travail, parce que j'ai fait pas mal de rapports de majorité et de minorité dans ce parlement. A réitérées reprises, particulièrement à la commission des finances, je me suis permis de demander un certain nombre de renseignements complémentaires, de demander qu'on vérifie des chiffres, lorsque je rédigeais ces rapports, de sorte que nous n'ayons pas de problèmes factuels en plénière.
M. le rapporteur de minorité a fait ce qu'on fait lorsqu'on est consciencieux. Vous avez la majorité, certes, mais pas encore le pouvoir d'obliger les gens à être aussi nonchalants que vous.
La deuxième remarque porte sur ce qu'a dit M. Koechlin. Vous aviez fait, Monsieur Koechlin, preuve d'élégance, alors je le salue. Simplement, après, nous avons changé la loi, et c'est un épisode que vous oubliez. En effet, la loi s'était avérée mauvaise et nous l'avons donc modifiée, pour éviter que ce qui s'était passé à l'époque ne se reproduise.
Maintenant, il est vrai, et ici on ne peut que saluer le bon sens de M. Iselin, que dans un système où on passe de cent à quinze, il y a forcément approximation, et que le système ne peut pas être parfait. Nous avons la faiblesse de croire, au vu de ce qui a été dit ce soir, que le système proposé par MM. Gros et Koechlin est bien plus mauvais que l'existant, et qu'en conséquence il serait «lamentable», selon les propos de M. Koechlin, de mettre plus d'inégalité aujourd'hui que dans le passé.
J'aimerais quand même vous dire, de façon plus générale, que ce que vous êtes en train de faire n'est pas très intelligent. Tout à l'heure, vous avez supprimé le débat de préconsultation qui existait dans ce parlement depuis l'origine de notre République. Dès le Conseil représentatif, le débat de préconsultation a existé, et il a toujours fonctionné. L'interpellation urgente répondait à des règles beaucoup plus souples, jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale. On pouvait, et c'est ce qui se passera avec la suppression que vous avez faite, interpeller le Conseil d'Etat à tout moment du débat, sur n'importe quel objet. C'est la preuve qu'un parlement ne peut bien fonctionner que si une écrasante majorité de celui-ci est prête à ce qu'il fonctionne bien. Or c'était le cas. C'était le cas, avant que vous ne vouliez résoudre des problèmes politiques par des méthodes autoritaires sur le règlement.
Dès lors, je peux vous annoncer ce qui va se passer sans aucun doute: nous n'aurons jamais été plus lentement que pendant les deux prochaines années, et vous l'aurez voulu. Lorsque l'on met un couvercle sur une marmite à vapeur, cela finit généralement par sauter. Je ne vous en félicite pas. (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de minorité. J'aimerais reprendre assez brièvement certains éléments de ce débat.
Tout d'abord, effectivement, Monsieur Gros, je me suis permis d'approfondir un peu le sujet et d'adresser un courrier à M. Ascheri. Pourquoi ? Si vous étiez honnête - vu que vous avez lu une partie des procès-verbaux de commission, vous pourriez lire une autre partie - vous admettriez que c'est parce que vous avez voulu précipiter le vote en commission. Nous n'avons fait que deux séances sur ce sujet, alors que j'ai fait part, avec toute la retenue qui se doit, en tant que président de cette commission, de certains doutes quant à l'application de cette nouvelle méthode et ce qu'elle pouvait entraîner.
Deuxième chose, que vient également de dire M. Hiler: vous vous trompez complètement, Monsieur Koechlin, et M. Büchi aussi. Si, en 1997, la répartition en commission ne correspondait pas à celle de la plénière, c'est parce que nous étions sous un système de répartition dite «méthode du sautier». Entre-temps, notre parlement, en 1998, a modifié la loi pour introduire le système, actuellement en vigueur, sur une base de calcul qui s'appelle Hagenbach-Bischof. Cette base de calcul est exactement la même que la répartition des sièges en plénière. Ce qui fait que, mathématiquement parlant, il ne peut pas y avoir une autre représentation, en commission, que la représentation qui existe en plénière. Vous le contestez, vous irez refaire vos études de mathématiques, car c'est une vérité absolue.
Troisièmement et sur le seul siège de l'UDC en commission: effectivement, l'UDC a dix sièges en plénière et un seul siège en commission. Les Verts ont onze sièges en plénière et deux sièges en commission. La raison principale, Monsieur Gros, mathématiquement parlant, je vous l'explique, car vous avez vraiment de la peine à ce niveau-là, vous les libéraux: c'est tout simplement parce que les Verts, contrairement à l'UDC, sont apparentés à un bloc important qui est représenté par l'Alternative. Avec dix à onze sièges en plénière, un groupe est près du deuxième siège en commission. Nous, en tant que groupe des Verts, nous étions près, et nous avons bénéficié des suffrages restants de nos collègues socialistes et l'AdG pour obtenir notre deuxième siège, chose dont n'a pas pu bénéficier l'UDC. Avec exactement le même résultat aux urnes de 2001, si l'UDC avait été apparentée à l'Entente - j'ai également fait le calcul - les députés UDC auraient eu deux sièges en commission. Refaites vos calculs ! (L'orateur est interpellé. Le président agite la cloche.)
Le président. Vous êtes insupportable, ce soir, Monsieur Koechlin. (Commentaires.)
M. Antonio Hodgers. Dernière chose que j'aimerais dire: autant M. Kunz que M. Vanek...
Le président. Je n'ai pas dit tous les soirs...
M. Antonio Hodgers. Tant MM. Kunz que Vanek ont argumenté, l'un pour, l'autre contre, que ce projet de loi favorise la majorité. Or, M. Gros l'a rappelé, je l'ai dit en commission, mais je le répète volontiers ici: le système proposé ne favorise pas une majorité. Si l'on avait toujours la configuration de 1997 - l'Alternative bénéficiait alors d'une courte majorité - nous aurions huit députés de l'Alternative et sept de l'Entente. Avec votre système nous aurions sept députés de l'Alternative, huit de l'Entente, sauf pour une petite majorité des commissions. Donc vous auriez affaibli notre majorité.
C'est ce que je veux dire depuis le départ: on ne sait pas ce qu'il va se passer lors de la 56e législature. Une chose est sûre, c'est que votre système est illogique et peu représentatif de cette assemblée plénière. C'est tout. Je ne veux pas dire que, à travers ce projet de loi, l'Entente renforce son pouvoir et l'Alternative s'affaiblit - de la sorte je suis cohérent par rapport à ce que j'ai dit en commission.
Il n'empêche que vous persistez à introduire, dans le règlement du Grand Conseil, des procédures illogiques. Cela se paie par des ralentissements de nos travaux.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. J'aimerais prendre M. Hiler au mot. Je prends le pari inverse: je vous garantis que, dès le début de l'année prochaine, Monsieur Hiler, ce parlement avancera nettement plus vite et je vous garantis que nous gagnerons, au minimum, rien qu'avec les deux mesures qui ont déjà été prises, trois heures par session. (Rires. Applaudissements.)On fera les comptes, c'est au Mémorial.
Mesdames et Messieurs les députés, ceux qui sont convaincus ici par le projet de loi dont nous parlons, ne le sont pas parce qu'ils veulent utiliser ce texte pour écraser la minorité ou leurs adversaires politiques.
Des voix. Non... bien sûr...
M. Pierre Kunz. Ils prétendent simplement que ce système est plus juste et plus équitable. Quant à ceux qui prétendent, paradoxalement, que la démocratie serait bafouée par un système de répartition des sièges en commission - qui est plus juste et équitable, je le rappelle, et qui correspond mieux à la force de chaque groupe - eh bien, il faut leur rappeler que, quelles que soient les mathématiques utilisées en commission pour les raisons qui ont été rappelées, c'est quand même ce Grand Conseil qui vote, en définitive. Alors quelle est cette drôle d'idée qui consiste à dire que la démocratie est bafouée par un système qui, je le répète, est plus proche des réalités en commission ? Dans ces conditions, comment peut-on refuser de passer d'un système qui est imparfait à un système qui l'est un peu moins, qui est plus équitable, et plus souple, aussi ?
J'aimerais quand même rappeler à ces conservatismes qui se font jour ici, une fois de plus, une citation d'Henri Bergson qui est parue dans un excellent journal genevois: «Les grandes erreurs politiques viennent presque toujours du fait que les hommes oublient que la réalité bouge et qu'elle est en mouvement continuel. Sur dix erreurs politiques, il y en a neuf qui consistent simplement à croire que ce qui a été vrai l'est encore aujourd'hui.»
Le président. Avant de passer au vote d'entrée en matière, je donne la parole pour trois minutes à M. Vanek.
M. Pierre Vanek (AdG). J'ai demandé la parole non pas pour me réexprimer, je maintiens tout ce que j'ai dit et tout ce que mes collègues ont dit sur ce projet de loi, mais pour réagir à ce qu'a dit M. Büchi.
Il m'a interpellé huit ou dix fois nommément dans ce débat, se qualifiant lui-même de «modeste artisan». Je ne reviendrai par sur ce point, Monsieur Büchi. Nous avons, dans nos rangs, des artisans qui sont plus modestes que vous aux deux sens du terme. Vous avez employé l'expression suivante, en vous adressant à moi: «si un jour vous aviez travaillé...». Monsieur Büchi, je vous demande de me faire des excuses sur ce point.
Je n'ai jamais gagné ma vie autrement qu'en travaillant, en gagnant un salaire que je mérite. J'ai commencé à travailler il y a une trentaine d'années, avec mes mains, dans une usine de la métallurgie pour un salaire d'apprenti. J'ai continué à y travailler jusqu'à me lancer dans l'enseignement primaire, où, quoi que vous puissiez penser, j'ai aussi travaillé et transpiré, parfois autant voire plus, que quand j'étais derrière mon établi ou ma fraiseuse en usine. Je ne tolère pas qu'on vienne tenir ici des propos cherchant à laisser croire que je suis quelqu'un qui a gagné sa vie en parasite ou sans travailler.
J'ai toujours travaillé, je continue à le faire, il y a peut-être des personnes dans cette enceinte - mais évidemment, je ne m'adresserai pas à des personnes nommément - qui gagnent une part de leur vie sans que ce soit le produit de leur propre travail. Je n'en suis pas, et vous le savez bien.
M. Christian Grobet. Excusez-vous, Monsieur Büchi.
Le président. Monsieur Grobet, s'il vous plaît.
M. Christian Grobet. Excusez-vous, maintenant ! (Huées. Exclamations.)
Le président. Monsieur Grobet ! S'il vous plaît ! S'il vous plaît ! Monsieur Grobet, s'il vous plaît. Monsieur Büchi, vous avez la parole.
M. Thomas Büchi (R). J'ai deux choses à dire, Monsieur le président.
La première: je ne suis pas franc-maçon, donc il faudra d'abord qu'ils sachent de quoi ils parlent. Je ne connais pas le système de fonctionnement de la franc-maçonnerie. Je le dis clairement ici, et c'est peut-être vous qui devriez vous excuser.
Concernant ce que j'ai dit, Monsieur Vanek, que ça soit bien clair: j'ai aussi commencé à travailler derrière un établi, comme vous. Et ce n'est pas de cela que je parlais. Je parlais du travail de chef d'entreprise... (Brouhaha.)...et c'est autre chose. N'interprétez pas mal ce que j'ai dit. (Exclamations.)
Le président. L'incident est clos. (Exclamations. Brouhaha.)S'il vous plaît. (Le président agite la cloche.)
Nous allons voter l'entrée en matière de ce projet de loi. Celles et ceux qui l'acceptent voteront oui, les autres voteront non, par vote électronique. Non, M. Letellier n'est pas inscrit, la liste était close. Depuis longtemps, Monsieur Reymond. Vous êtes venu plus tard. Nous allons voter l'entrée en matière de ce projet de loi. Celles et ceux qui l'acceptent voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront, par vote électronique. Le vote est lancé. Je prie chacun de regagner sa place, de ne voter strictement que pour lui, comme le prévoit notre règlement.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 48 non contre 31 oui.
(Le président lit le point suivant. Brouhaha et exclamations.)
La séance est suspendue à 22h25.
La séance est reprise à 22h30.