République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 19 septembre 2003 à 17h10
55e législature - 2e année - 11e session - 69e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 17h10, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Anne-Marie von Arx-Vernon, Gabriel Barrillier, Thomas Büchi, René Ecuyer, Philippe Glatz, Alexandra Gobet Winiger, Michel Halpérin, David Hiler, Nicole Lavanchy, Blaise Matthey, Alain Meylan, Stéphanie Ruegsegger et Françoise Schenk-Gottret, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que l'ordre du jour ne peut être modifié qu'à la majorité des deux tiers. Monsieur le député Rodrik, vous avez la parole.
M. Albert Rodrik(S). Mesdames et Messieurs les députés, en toute sobriété, je demande le rétablissement de l'urgence pour le point 55 de l'ordre du jour, concernant le MAMCO. Je vous en remercie.
Le président. Je mets aux voix la demande d'urgence présentée par M. Rodrik concernant le projet de loi 8865-A relatif au MAMCO, point 55 de notre ordre du jour. Nous procédons au vote électronique. Je vous répète qu'il faut la majorité des deux tiers.
Une voix. Je demande l'appel nominal.
Le président. Bien, cette demande étant appuyée, nous procédons au vote à l'appel nominal. Le vote est lancé.
Mise aux voix à l'appel nominal, cette proposition est rejetée par 41 non contre 30 oui.
Le président. M. Philip Grant est assermenté. (Applaudissements.)
Communications de la présidence
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, la séance extraordinaire demandée devrait avoir lieu, sous réserve, mercredi 1er octobre, de 17h à 23h. Nous confirmerons cette date, mais je vous l'indique d'ores et déjà pour que vous puissiez vous organiser. Bien entendu, d'autres points seront ajoutés à l'objet qui suscite cette séance, demandée par trente signataires.
Annonces et dépôts
M. Pierre Froidevaux(R). Monsieur le président, suite à ce qui s'est passé cet après-midi, j'annonce le dépôt d'un prochain projet de loi qui propose que nous terminions systématiquement nos travaux en épuisant l'ordre du jour à chaque session. (Applaudissements.)
Le président. Nous continuons. La proposition de motion 1557 de M. Catelain a été déposée et renvoyée ce soir avec le budget, en relation avec l'assainissement indispensable des finances:
Proposition de motion de MM. Gilbert Catelain, André Reymond, Jacques Baud, Robert Iselin, Jacques Pagan, Georges Letellier, Yvan Galeotto en relation avec l'assainissement indispensable des finances de la République et canton de Genève ( M-1557)
Le président. Nous passons aux réponses aux interpellations urgentes qui n'ont pas pu être données hier soir.
A la demande de Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, la réponse à l'interpellation urgente 1467 de M. le député Pagan sera donnée ultérieurement, soit oralement lors de la prochaine session, soit par écrit. En effet, Mme Brunschwig Graf me fait savoir que cette réponse nécessite une recherche d'informations plus longue que prévu.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. M. le député Reymond a posé un certain nombre de questions auxquelles je vais tenter de répondre le plus précisément possible...
Je suis naturellement consciente de l'insuffisance de l'effectif de la Task Force, et j'ai déjà affirmé que nous la renforcerions dès que ce serait possible. Mais nous n'arriverons probablement jamais à l'effectif des agents municipaux de la Ville de Genève.
Pour ce qui est des renforts apportés par d'autres cantons - c'est la deuxième question - il n'y a pas de stratégie commune entre les cantons, et en tout cas pas de convention dans le cadre des concordats. Voilà ce que je peux dire par rapport à une éventuelle collaboration entre cantons romands.
A la troisième question - quelle était la nature des peines prononcées à l'encontre des auteurs d'infractions et combien y en a-t-il eu ? - je réponds comme suit. Depuis le début de l'année - et je ne parle que du trafic de haschisch ou de marijuana - il a été procédé à 66 ordonnances de condamnation prononcées par le Parquet, infligeant, pour la plupart d'entre elles, des peines de deux ou trois mois avec sursis de deux ans.
Question suivante: combien de mesures de contrainte ont-elles été prononcées ? cinq cent nonante. Cela représente une augmentation très importante par rapport aux années précédentes, en raison, comme je vous l'ai dit hier soir, de la mise en place de la Task Force que j'ai instaurée.
En ce qui concerne la question des mesures d'expulsion et des renvois impossibles, j'aimerais préciser que les trafiquants, requérants d'asile, une fois condamnés, font l'objet d'une mesure de renvoi, sur la base de la loi sur les stupéfiants. Mais les renvois ne peuvent pas être effectués, parce que la quasi-totalité de ces personnes sont démunies de documents d'identité.
J'aimerais souligner à ce sujet que des tentatives d'accords de réadmission ont été conduites - sans succès, malheureusement - par le Conseil fédéral. Par exemple, il n'y a actuellement pas d'accords de réadmission avec les pays africains dont sont issus les trafiquants que nous avons identifiés à la gare ou dans le secteur de la gare, et c'est cela le fond du problème.
Enfin, dernière question: le département envisage-t-il de rendre publics les résultats ? Oui. Je l'ai déjà annoncé, je crois, à la commission judiciaire. Nous sommes en train de préparer un rapport complet qui sera adressé à l'ensemble des députés, après avoir été, bien entendu, soumis auparavant au Conseil d'Etat.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. J'ai été un peu vite en besogne... J'ai en effet constaté que la réponse à l'interpellation urgente 1453 de Mme Ariane Wisard n'avait pas été donnée. Je cède ainsi la parole à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Madame la députée, vous m'interpellez sur un sujet à propos duquel je l'ai déjà été en direct - si j'ose dire - par M. Castella, lors de notre sortie du Grand Conseil, à savoir la distribution de pommes dans les écoles du canton, de manière à promouvoir une santé saine, particulièrement pour la dentition de notre jeune génération. Vous évoquez l'enthousiasme - sauf erreur de ma part - du département de l'action sociale et de la santé, du département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, tout en soulignant le manque d'intérêt du département de l'instruction publique... En fonction de ces éléments, j'aimerais vous apporter les réponses suivantes.
Première chose, j'ai été avisé officiellement de cette mesure, très exactement le 28 avril 2003. J'ai donné suite à cette information le 6 mai 2003, soit quelques jours après. J'ai souhaité que M. Castella, les promoteurs de cette action, et les fonctionnaires du département de l'instruction publique se rencontrent directement, ce qui s'est fait dans de bonnes conditions. Cela dit, j'aimerais évoquer les points abordés lors de cette rencontre.
Le coût d'une telle distribution, selon les promoteurs, s'élèverait à 100 000 F. Qui doit prendre en charge ce coût ? C'est une question importante. En effet, nous sommes en République, et on ne peut pas décréter, d'un coup d'un seul, par le fait du prince, l'octroi de 100 000 F pour réaliser une opération de ce type.
Autre élément important: qui coordonne la distribution des pommes par les communes ? C'est également un élément qui mérite notre attention.
Je précise, à propos du coût, que ni le département de l'action sociale et de la santé, ni le département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, pourtant enthousiastes, n'ont à ce jour véritablement proposé de crédit pour financer cette action. Il y a donc également un problème d'argent et un problème de coordination.
Le dernier élément important que vous évoquez - c'est un sujet sérieux - porte sur les caries. La consommation de pommes aide-t-elle à lutter contre les caries et faut-il la promouvoir ?
Vous avez raison, Madame la députée, manger une pomme aide à lutter contre les caries. Mais, même si cela a fait l'objet d'une publicité pour une campagne présidentielle, comme vous l'avez rappelé, on ne peut pas prétendre pour autant que la consommation de pommes prévient les caries. Certes, les pommes sont moins cariogènes que beaucoup d'aliments sucrés, mais elles le sont davantage, par exemple, que les bananes. Nous ne pouvons donc pas sérieusement dire qu'une telle distribution de pommes s'inscrit véritablement dans la lutte contre les caries.
En revanche elle a deux mérites. Le premier est de mettre en évidence l'intérêt de la consommation des pommes pour la santé publique - il faut, en effet, insister avant tout sur l'importance d'une alimentation saine. Le deuxième est de promouvoir la consommation des produits du terroir plutôt que celle de certains aliments entrés dans la consommation courante, même s'ils ne viennent pas tous d'outre-Atlantique, Madame la députée !
J'aimerais encore aborder un point par rapport à la collaboration et la mise en place d'un groupe de travail. Il a été rappelé qu'une telle opération avait déjà été réalisée en 1980 et avait essuyé un relatif échec. En effet, la plupart des fruits avaient été retrouvés dans les poubelles ou jonchant le sol... C'est dire qu'une telle opération ne peut être menée à la légère et sans encadrement. Le département de l'instruction publique souhaite sérieusement que cette opération voie le jour; il entend simplement qu'elle le soit dans de bonnes conditions pour ne pas renouveler cet échec.
Cela dit, faut-il dramatiser pour autant, comme le fait M. Castella, et dire - en jargon de rugby - que «la cabane est en train de s'effondrer sur le chien» ? Non, Madame la députée ! Nous entendons aller de l'avant, pour arriver à mettre sur pied cette distribution de pommes.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Il me semble que je devais répondre à M. Charbonnier en l'absence de Mme Schenk-Gottret, mais je vois que M. Charbonnier n'est pas là... J'imagine que vous allez écouter attentivement...
Le président. Elle marie sa fille, Madame ! Elle est excusée..
Mme Micheline Spoerri. J'en suis ravie pour elle ! Mme Schenk-Gottret m'a posé un certain nombre de questions auxquelles je vais répondre en donnant des chiffres très précis.
Il y a eu nonante-trois interpellations dans le cadre du G8... (Silence.)
M. Claude Blanc. Il y a comme un noeud !
Mme Micheline Spoerri. Voilà ! Il y a eu 93 interpellations, dont 55 par le groupe d'enquête G8. C'est la réponse à la première question.
Pour ce qui est des inculpations, il y a eu nonante-trois mandats d'amener décernés par des officiers de police pour divers motifs, tels que: émeutes, violences contre fonctionnaires, vols, dommages à la propriété, etc. Suite à ces mandats d'amener, des procédures pénales sont actuellement en cours auprès des juges d'instruction ou au Tribunal de la jeunesse.
A ma connaissance, il n'y a pas eu de non-lieux.
S'agissant des personnes actuellement détenues, l'une d'entre elles a été arrêtée le 18 septembre - 2003, bien sûr. Par ailleurs, douze arrestations ont été permises grâce au site Internet.
En ce qui concerne les recommandations du Conseil d'Etat sur la délation anonyme - la fameuse motion 1360 votée par votre Grand Conseil - je peux dire que toutes les personnes qui ont été interpellées par nos services ont été immédiatement informées de leurs droits, en vertu de l'article 107A du code de procédure pénale. Elles ont toutes été entendues selon les règles usuelles, qui s'imposent en la matière.
La question suivante a trait aux mineurs. Je tiens à souligner qu'une attention particulière a été portée pour ne pas faire paraître des individus pouvant être a priori considérés comme mineurs. Sur les douze personnes interpellées, suite aux parutions Internet dont je parlais tout à l'heure, une seule était mineure. C'est malheureusement une de trop.
Voilà, je crois avoir répondu de manière exhaustive aux questions de Mme Schenk-Gottret !
Cette interpellation urgente est close.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur Iselin, en tout premier lieu, je dirai que votre interpellation soulève le cas d'un film particulièrement intéressant dans la mesure où il traite du génie génétique et qu'il représente en grande partie un thriller parlementaire sur la lutte entre les partisans et les adversaires de l'utilisation du génie génétique dans l'alimentation. La qualité de ce film vous amène à considérer - vous le dites: «si vos renseignements sont bons» - que cela n'a pas conduit les différentes commissions de l'instruction publique à diffuser ce film aux jeunes...
Monsieur Iselin, malgré tout le respect que je vous dois, je suis obligé de vous dire que vos renseignements ne sont pas bons... Pour la simple et bonne raison que si le département de l'instruction publique a effectivement renoncé à rendre ce film obligatoire - comme c'est le cas pratiquement pour tous les films, et je vous rappelle que de nombreux films sont à la disposition des enseignants, comme «Mémoire de la frontière», dont nous avons largement débattu - il a tout de même fait l'objet d'une promotion très importante auprès des enseignants.
Cent cinquante d'entre eux ont finalement vu ce film et reçu les dossiers pédagogiques y relatifs.
Cela a conduit le département à prendre deux mesures.
Premièrement, le département de l'instruction publique participe à raison de 5 F sur les billets pris par les élèves qui vont voir ce film, et un dossier pédagogique l'accompagne. Il est clair, en effet, que les élèves ne peuvent pas débarquer devant un tel film sans préparation - du reste, vous évoquez vous-même la difficulté du suisse-allemand. Cette démarche est facultative, et l'élève qui décide de s'y rendre fait l'objet d'une préparation de la part du corps enseignant.
Deuxièmement, ce film fait partie des propositions d'animation 2003-2004 qui ont été remises à l'ensemble des directeurs et directrices de nos établissements. C'est dire que ce film est largement soutenu par le département de l'instruction publique, et je m'en félicite.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je vois que Mme Lavanchy n'est pas là, mais ce n'est pas grave...
Mme Lavanchy demandait si je pouvais prendre des renseignements auprès de l'Office fédéral de la justice dans le dossier évoqué...
Je ne peux naturellement pas le faire, parce que cet office n'est pas placé sous mon autorité, et je ne vois pas à quel titre l'Office fédéral me rendrait des comptes - ou en rendrait à ce parlement - sur la façon dont il a exécuté un mandat d'arrêt international. Si Mme Lavanchy se sent autorisée à le faire, elle peut s'adresser directement à la conseillère fédérale chargée du dossier, soit Mme Ruth Metzler.
Cette interpellation urgente est close.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. M. Kanaan, dans sa première interpellation, pose huit questions. Vous me permettrez de ne pas les relire, parce que j'y épuiserais les trois minutes qui me sont imparties. J'annonce d'emblée que, de toute façon, je devrai déborder de ce temps pour répondre à ces huit questions. Voici les réponses.
Premier point. Une procédure administrative de requête en autorisation énergétique est en place, sous la responsabilité du service cantonal de l'énergie. Les dossiers de requête font l'objet d'une analyse approfondie relative à la preuve du besoin, ainsi qu'aux moyens techniques pour répondre à ce besoin. Un préavis du service de protection contre le bruit et les rayons non ionisants est requis pour toute autorisation. Il va de soi que les raisons de ce préavis sont liées aux questions relatives au bruit. Chaque année en période estivale, le département informe, par voie de presse, sur la réglementation en vigueur et donne les conseils pratiques pour les constructeurs de bâtiments, les exploitants et les utilisateurs.
Deuxième point. Actuellement, le marché des climatiseurs mobiles n'est pas réglementé, la constitution cantonale et la loi ne soumettant à autorisation que les installations fixes. La particularité de ces équipements mobiles, en accès libre en Europe, est de pouvoir se brancher universellement sur une prise de courant, d'où la difficulté d'intervenir localement. Je le dis indépendamment de toutes les questions juridiques liées à la liberté du commerce et de l'industrie qui pourraient se poser.
Troisième point. Les critères appliqués sont ceux de l'article 13H, alinéa 2, du règlement d'application de la loi sur l'énergie, au texte duquel je vous remercie de vous référer.
Quatrième point. Cet été, à Genève, la consommation d'électricité a augmenté de 5% par rapport aux années précédentes. Les SIG mesurent les courbes de charge de l'électricité et tiennent à jour la statistique. Néanmoins, les données sur les consommations corrélées aux valeurs extérieures ne sont pas encore disponibles; une analyse pointue sera effectuée dès que possible.
Cinquième point. Les questions relatives à la normalisation des véhicules à moteur sont du ressort exclusif de la Confédération.
Sixième point. Le rayonnement solaire produit en été, au meilleur moment d'une journée ensoleillée, induit une charge thermique de 1000 watts par m2. En regard de ce chiffre, il apparaît évident qu'il n'est pas nécessaire de produire un calcul sur la charge thermique reçue naturellement sur toute la surface du canton pour affirmer que l'éventuel surplus de température, même s'il existe probablement beaucoup de climatiseurs n'ayant pas fait l'objet d'une procédure d'autorisation, n'est pas significatif, d'autant moins si l'on prend en compte les autres sources de chaleur induites par les transports ou l'industrie.
Septième point. Ces mesures sont de trois types:
- Intensification du contrôle et notification des infractions de la loi sur l'énergie;
- Intensification de l'information;
- Mise en place d'un programme de formation pour les professionnels, vendeurs, installateurs, ingénieurs, architectes et exploitants des installations.
Ces mesures seront adaptées aux spécificités des installations qui se rassemblent en trois familles: premièrement, les équipements mobiles pour lesquels le vendeur est un acteur incontournable et l'acheteur un décideur qui doit être informé des enjeux de la politique énergétique;
deuxièmement, les installations fixes de petite dimension, plus petites que 20 watts froids, qui ne font pas l'objet de mandats d'étude spécifiques et pour lesquelles peu de ressources sont donc mobilisées pour évaluer et optimiser le projet. Ces installations doivent être simplement et rapidement évaluées dans le cadre d'une requête en climatisation. Troisièmement, les installations conséquentes qui nécessitent l'intervention de spécialistes tels qu'architectes et ingénieurs, et qui sont encadrées par des démarches administratives pour la construction et l'exploitation. Ces installations rentrent naturellement dans le cadre d'un concept énergétique et d'une requête en autorisation de climatisation.
Huitième point. Le Conseil d'Etat entreprend déjà des actions à plusieurs échelons dans le canton. Au niveau de l'aménagement du territoire, en particulier au niveau des plans directeurs localisés, des planifications énergétiques sont demandées, desquelles découlent des lignes directrices qui incitent, en fonction du contexte en question, à construire des architectures saines, confortables, énergétiquement performantes, en particulier au niveau des protections solaires et de la gestion des ouvrants en été. A l'échelle du bâtiment, nous demandons que les concepts énergétiques intègrent les stratégies de chaud, de froid, de l'éclairage, de l'utilisation rationnelle de l'eau et des matériaux; cela veut dire que la santé des personnes et le confort estival sont pris en compte. Au niveau des installations techniques, une fois que la preuve du besoin a été faite, que les climatisations sont en adéquation avec un concept énergétique global et qu'elles sont proportionnées, elles sont autorisées.
Voilà les quelques éléments de réponse que je peux donner à vos huit questions.
Des voix. Bravo !
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez largement dépassé votre temps de parole.
Cette interpellation urgente écrite est close.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, je dois malheureusement vous dire qu'il y a cinq questions dans cette deuxième interpellation et que, non seulement, je réponds pour mon compte mais également pour le compte de Mme Spoerri, puisque les deux départements sont concernés et que nous avons décidé, pour rendre vos débats encore plus rapides, de ne répondre que par une seule voix: la mienne.
Ici encore je ne répéterai pas les questions, parce que j'en aurais pour les trois minutes qui me sont imparties.
Voici les réponses:
Premièrement, je peux vous indiquer que Mme Spoerri, présidente du DJPS, a réuni préalablement tous les intervenants impliqués dans l'organisation des Fêtes de Genève, y compris les organisateurs et les représentants de la Ville de Genève, afin de coordonner leur action et s'assurer que cette manifestation se déroule le mieux possible, notamment sur les plans de la sécurité et de la circulation.
Deuxièmement, une attention particulière a été consacrée à l'accessibilité des véhicules au centre-ville, y compris au parking du Mont-Blanc, et à celle des véhicules des TPG et des voitures d'intervention dans le périmètre des fêtes.
Troisièmement, des instructions ont été données pour que des contrôles particulièrement sévères soient effectués quant au respect de la signalisation mise en place pour restreindre le stationnement des véhicules particuliers.
Quatrièmement, les TPG ne disposent pas de statistiques précises du nombre d'usagers pendant les périodes de fêtes. En effet, les comptages sont effectués par les véhicules équipés d'appareils qui le permettent. Or la totalité des véhicules des TPG ne disposent pas de tels appareils. Toutefois, afin d'assurer un service de qualité, il y a lieu de relever que, pendant les Fêtes de Genève, un maximum de chauffeurs sont mis à contribution par les TPG; ces derniers doivent cependant tenir compte des vacances de leurs employés. En termes de chiffres, cinquante-six bus articulés ont été utilisés au lieu de quarante-huit en temps normal, ce qui correspond au nombre maximum de chauffeurs disponibles pendant cette période. De plus, tous les trams ont été sortis sur le réseau et les convois modifiés afin d'augmenter leur capacité. Un problème, dû aux travaux à Cornavin, est survenu dans la progression des bus puisque la police n'était pas présente pour régler la circulation, ce qui a causé des troubles.
Cinquièmement, pour l'année prochaine, grâce au contrat de prestations et à l'augmentation de l'offre, les TPG disposeront de plus de véhicules et de personnel pour faire face à cette manifestation, notamment les nouveaux trams de plus grande capacité seront en service. Par ailleurs, les TPG vont gérer les vacances de leurs employés de manière à disposer de plus de chauffeurs pendant cette période. Quant aux CFF, ils mettent gratuitement à disposition plusieurs trains supplémentaires durant cette époque.
Les Fêtes de Genève restent toutefois un événement exceptionnel, et le parc des véhicules des TPG ne peut être dimensionné uniquement dans le but de répondre à cette demande accrue.
Au-delà de la réponse à ces deux interpellations qui, en réalité, contenaient treize questions, je vous dis simplement que l'on peut toujours m'écrire pour me poser des questions; j'y répondrai volontiers.
Je ne suis pas sûr que les conditions dans lesquelles ont lieu les échanges autorisés par les interpellations urgentes soient réellement propices pour informer de façon heureuse la population, quand bien même les services administratifs concernés ont considérablement travaillé pour répondre à vos questions. C'est un travail que j'évalue à un montant important, que je me refuse de chiffrer ici.
Cette interpellation urgente écrite est close.
Préconsultation
Le président. Nous sommes en préconsultation. Chaque groupe a donc cinq minutes au maximum pour s'exprimer. J'allais renvoyer ce projet en commission... Il faut vous inscrire plus rapidement, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous avons déjà perdu assez de temps aujourd'hui !
M. Claude Marcet (UDC). J'interviens sur le projet de loi que nous avons déposé au sujet des réclamations en matière d'impôts...
Je me permets simplement de rappeler que nous avons un certain nombre de lois, de règlements et de règles administratives, qui régissent les rapports entre l'administration fiscale et les contribuables. L'administration fiscale est très sourcilleuse - et elle a tout à fait raison de l'être - sur ses droits dans ses rapports avec les contribuables. En effet, quand elle demande des explications ou des informations, elle envoie un gentil bulletin, où est écrit en gras qu'il faut lui répondre. Et si, par malheur, le pauvre contribuable n'a pas les moyens de répondre rapidement, un pli recommandé lui est envoyé dans les dix jours, lui annonçant toutes les foudres que le dieu fiscal entend lui faire encourir s'il ne fait pas le nécessaire en temps opportun.
Ça, Mesdames et Messieurs, c'est le côté cour... cour ! Côté jardin, c'est différent... Lorsque le contribuable demande quelque chose à l'administration fiscale, ou lorsque le contribuable fait une réclamation concernant un bordereau qu'il veut contester, la première réaction de l'administration fiscale est de lui en accuser réception. Ensuite, Mesdames et Messieurs, c'est le grand vide ! Le vide total ! Et ce n'est pas huit jours, un mois ou six mois, mais c'est souvent plus d'une année après que l'administration consent à répondre ! Elle consent même, parfois, à répondre en pleine période de vacances, peut-être avec l'espoir que le contribuable ne sera pas là, si sa réponse n'est pas favorable à ce dernier. Un certain nombre de mes confrères l'ont également souvent remarqué...
Et voici le nec plus ultra... Je viens de recevoir au mois de juin de cette année un contribuable fort marri d'avoir reçu une lettre de l'administration fiscale datée du 26 juin 2003, en recommandé - on espérait quand même que le contribuable la reçoive - indiquant, je cite: «Nous revenons sur votre lettre du 20 août 1999...» (Rires.)1999 ! Mesdames et Messieurs les députés, c'est totalement inadmissible !
Je souhaiterais que l'administration fiscale fasse en sorte de répondre de manière claire, nette et précise, dans un délai raisonnable. Je rappelle que pour toute une série de domaines et de lois il est mentionné que, si l'administration ne répond pas, la chose entre en force automatiquement.
Je demande simplement que ce projet de loi soit bien évidemment renvoyé en commission - parce que ce n'est pas ici que nous allons le traiter - de manière que l'on trouve les moyens d'obliger l'administration fiscale à rendre des décisions dans des délais que l'on peut qualifier de «corrects». (Applaudissements.)
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Ce projet de loi semble à première vue proposer quelque chose de très raisonnable, à savoir fixer un délai de nonante jours, après le dépôt de la réclamation au service des réclamations, pour que l'AFC se prononce sur celle-ci.
Il est, hélas - et là, je confirme ce que dit M. Marcet - courant que ces services mettent un temps considérable, allant jusqu'à une année, voire davantage - M. Marcet nous en a donné un exemple - pour se prononcer sur une réclamation, ce qui laisse le contribuable dans une incertitude peu confortable s'agissant de sa facture fiscale finale.
Toutefois, il est évident que, pour y parvenir... (Un portable sonne. Commentaires.)Je n'en ai pas !
Toutefois, il est évident que, pour y parvenir, il faudrait en donner les moyens à ce service, sous forme de personnel supplémentaire ! (Rires.)Les auteurs de ce projet de loi omettent de le mentionner dans leur exposé des motifs, ce qui est quelque peu étonnant. Pour nous, socialistes, il n'est pas concevable que des réclamations injustifiées permettent à certains contribuables de bénéficier de réductions indues d'impôts, simplement parce que le service n'arrive pas à suivre...
Le groupe socialiste examinera ce projet de loi avec attention en commission, notamment sous l'angle de dotation de personnel supplémentaire, dans le but de réduire le délai de traitement des réclamations.
Monsieur le président, je ne sais pas si vous traitez les deux projets de lois sur la fiscalité en même temps... Non ? Bien, j'y reviendrai tout à l'heure.
Mme Michèle Künzler (Ve). En fait, ce projet de loi est une mauvaise réponse à une bonne question...
Si une réclamation est acceptée automatiquement au bout de nonante jours, cela générera évidemment une augmentation des réclamations fallacieuses. D'autant plus que, dans des dossiers extrêmement compliqués, on peut imaginer qu'il est difficile à l'administration fiscale de donner une réponse rapide.
Mais il est exact que la lenteur des réponses de cette dernière porte préjudice à certains contribuables, notamment aux personnes qui ont subi des «revers de fortune», comme on disait dans le temps. Car il est vrai que certaines personnes ne peuvent plus toucher ni allocations logement ni allocations caisse maladie, parce que leur situation reste, pour l'administration, celle qui a été estimée deux ou trois ans auparavant, alors qu'elle a changé. Je pense aux personnes qui se retrouvent au chômage, aux entreprise en grandes difficultés ou qui ont fait faillite, comme certaines start-up qui ont démarré il y a quelques années. Il n'est en effet pas normal que ces personnes qui connaissent de graves difficultés se retrouvent dans une situation encore plus difficile, car l'administration fiscale ne leur répondant pas, ils ne peuvent pas avoir accès à certaines aides.
Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.
Préconsultation
M. Claude Marcet (UDC). J'interviens pour la deuxième fois - je vais être aussi bref que pour la première. En ce qui concerne les créances fiscales de l'administration fiscale contre un certain nombre de contribuables, vous le savez, l'administration fiscale prélève un intérêt de 5% sur ces créances.
Bien évidemment, cet intérêt peut, dans un premier temps, être qualifié «d'usuraire», puisque l'Etat lui-même le refinance - on le sait, dans le cadre du budget - à un taux de 2,40 ou 2,50% - peu importe. Cela permet de dire que ce taux d'intérêt - ne serait-ce que sur la quotité même du taux - est un impôt déguisé...
Deuxième chose. On commence à calculer un impôt dès le premier jour de la période fiscale. On me dira que c'est tout à fait normal, mais il faut tout de même savoir que les entreprises ont six mois pour établir leur bilan, selon la loi. Et je vois mal comment on peut commencer à réclamer des intérêts à une entreprise sur une créance que celle-ci ne connaît même pas, le premier jour de l'année qui la concerne !
Il est en effet tout à fait normal de réclamer des intérêts sur une créance qui n'est pas payée - je le conçois parfaitement - mais, si l'administration avait un minimum le sens de l'équité, elle renverrait cette créance à une date valeur, pour le début du calcul des intérêts, qui soit une date honnête, éthique, et qui corresponde à une réalité économique. Ensuite, l'intérêt serait également calculé à un taux économique et non pas à un taux usuraire, hors de proportion.
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Les choses sont un peu plus compliquées dans ce cas de figure...
Je voudrais tout d'abord rappeler, si mon souvenir est bon, la quasi-unanimité de ce parlement sur la nécessité de diminuer la dette de notre canton... Or, ce projet va à fins contraires !
Il propose non seulement d'augmenter d'une année la durée d'avance de trésorerie de l'Etat à 0%, mais encore de diminuer fortement, par la suite, la rémunération en intérêts de cette avance.
Ce projet aura pour effet de supprimer l'incitation - principale à adapter les acomptes relatifs à la facture fiscale finale en cas d'augmentation de revenus taxables du contribuable et d'accroître les besoins d'emprunt de l'Etat.
Le passage au système postnumerando a eu pour effet que les impôts dus pour une année x sont déterminés au courant de l'année suivante. Entre-temps, le contribuable est invité à verser des acomptes durant l'année x, à valoir sur sa facture fiscale finale. En théorie, les acomptes versés doivent correspondre, à peu de chose près, à la facture finale. C'est la raison pour laquelle l'AFC invite le contribuable à adapter le montant des acomptes à la hausse, en cas d'augmentation de revenu taxable. Elle est, pour la même raison, également tout à fait ouverte à une diminution du montant des acomptes, sur demande justifiée du contribuable.
Si l'administration ne peut connaître l'évolution de la situation fiscale de chaque contribuable avant d'avoir reçu sa déclaration fiscale, il est peu probable que le contribuable l'ignore totalement lui-même... En cas de doute, du reste, les aimables services de l'AFC sont certainement à sa disposition pour l'éclairer. C'est dire que le contribuable peut, s'il le souhaite et en tout temps, adapter le montant de ses acomptes, afin de ne pas avoir à payer une somme importante correspondant aux intérêts sur le solde d'impôts. Le fait de savoir - et c'est ce qui est important - qu'il faudra verser un intérêt sur le solde dû - facture fiscale finale, moins les acomptes versés - est une incitation importante pour le contribuable à adapter de lui-même ses acomptes à la hausse, s'il le faut.
Le groupe socialiste est d'avis qu'au lieu de diminuer l'effet incitatif d'adapter ses acomptes, il faudrait, au contraire, rendre cette incitation plus attrayante pour réduire le besoin d'emprunter de l'Etat.
Et c'est dans cet objectif que nous examinerons ce projet de loi en commission.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je rappelle que cette procédure avait été mise en oeuvre d'après l'exemple canadien... Il faut en effet inciter les contribuables à payer leurs impôts à l'avance, ce qui diminue d'autant la dette de l'Etat. Il faut toutefois signaler que le même taux est appliqué pour les remboursements effectués aux contribuables qui payent trop... A la limite, ils font un bon placement !
Nous avons donc tout intérêt à ce que les contribuables payent rapidement leurs impôts, mais nous sommes évidemment disposés à examiner ce projet de loi de plus près en commission.
M. Christian Luscher (L). En un mot, j'estime que ce projet a ceci de séduisant qu'il correspond à une norme assez générale admise en Suisse, selon laquelle on ne prélève des intérêts qu'à partir du moment où une somme est exigible. C'est à partir de ce moment-là que les intérêts moratoires commencent à courir - ce sont les articles 102 et suivants du Code des obligations. Je pense qu'il est bon pour l'unité et la sécurité du droit que les mêmes critères soient appliqués, quel que soit le domaine concerné.
Ce projet me semble donc sensé.
Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.
Le président. Monsieur Cramer, vous pourrez intervenir en commission... (Exclamations.)Nous passons au point 21 de notre ordre du jour.
Préconsultation
M. Claude Marcet (UDC). Je prends la parole pour la troisième fois, et, je l'espère, la dernière...
Ce projet de loi va beaucoup plus loin que les termes utilisés ne peuvent le laisser penser.
En effet, Mesdames et Messieurs, je me permets de vous rappeler que théoriquement, je dis bien «théoriquement», nous devons - l'Etat, certaines corporations de droit public et certaines fondations - établir un certain nombre de documents aux normes IAS.
Le problème, malheureusement, c'est que personne ne sait ce que sont effectivement ces normes IAS, à part un tout petit nombre d'initiés. Elles ne sont pas appliquées et l'on voit dans des documents des choses que je qualifierai «d'innommables» et sur lesquelles il n'est pas séant de revenir ici. Toujours est-il que je me suis posé un certain nombre de questions, et mon groupe aussi, pour savoir comment nous en étions arrivés là.
Je sais que les libéraux et l'Entente ont déposé un projet de loi avec les normes IPSAS. Le projet que je propose avec mon groupe ne va pas à l'encontre du projet de l'Entente, son but est d'agir plus en amont. En effet, nous suggérons - c'est évidemment un débat de fond qui devra être entrepris en commission et non ici - de créer un «Conseil cantonal de la comptabilité».
Tout d'abord, ce conseil cantonal devra édicter un certain nombre de principes généraux, que l'Etat, les communes, les corporations de droit public et un certain nombre de fondations et associations subventionnées devront respecter, faute de quoi nous arriverons à des aberrations. Je n'en citerai qu'une: avoir à l'actif d'une fondation des créances de plusieurs centaines de milliers de francs contre une société en faillite - bien évidemment, créances jamais provisionnées... Ce qui permet, justement, de présenter des bilans plus «jolis» qu'ils ne le sont en réalité ! Mesdames et Messieurs, c'est vrai !
D'autres choses sont également vraies, à savoir que, dans ce parlement, j'entends souvent les gens parler de provisions, mais, en fin de compte, ils ne savent même pas qu'il y a différents types de provisions, qui se gèrent, qui se présentent et qui s'articulent de manière différente dans la comptabilité. Ils confondent totalement provisions pour risques et charges, provisions pour dépréciations, etc.
Et je me permets de vous le rappeler, Mesdames et Messieurs, l'ex-conseillère d'Etat chargée des finances disait que la provision qui tient compte des risques avérés pour les charges de la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève n'était pas un engagement... Ni plus ni moins ! Je me permets simplement de le rappeler pour que cela figure au Mémorial et pour confirmer mes dires ! C'est bien évidemment quelque chose de complètement aberrant pour le professionnel que je suis et pour tous les professionnels qui ont entendu ce discours, à tel point que, maintenant - je vous donne simplement un exemple - nous parlons d'endettement à raison de 11 milliards, en oubliant de dire qu'il s'agit d'un endettement monétaire, qu'il y a des provisions pour risques avérés de l'ordre de plus de 2 milliards pour la Banque cantonale de Genève, sans tenir compte des provisions qui n'ont pas été constituées - de plus de 3 milliards - concernant les fonds de pension - comme l'avait dit justement à l'époque M. Kunz.
Ce que nous voulons par le biais de ce Conseil cantonal de la comptabilité, c'est établir un certain nombre de règles basiques pour que, au fil du temps, au fil des exercices, et quel que soit le gouvernement en place - je dis bien: quelle que soit la couleur du gouvernement en place - les états financiers soient traités de la même manière pour que nous puissions en débattre de la façon la plus adéquate possible dans ce parlement.
Je reviens sur les normes IAS. Les normes IAS - comme je l'ai dit - c'est un «grand truc», mais je tiens le pari qu'il n'y en a pas beaucoup ici qui les maîtrisent. Ce que je veux, et ce que mon groupe veut, ce n'est pas éliminer les normes IAS ni les normes IPSAS; il veut simplement écrire dans la constitution, dans les lois, un certain nombre de principes fondamentaux. Ces derniers, Mesdames et Messieurs, ne sont rien d'autre qu'un certain nombre de dispositions, qui figurent dans notre code des obligations et permettent à l'Etat d'exiger des comptes corrects.
C'est tout ce que nous voulons, et c'est dans ce sens que nous avons déposé ce projet de loi qui, bien évidemment, devra être traité en commission des finances, je l'espère, par des spécialistes. (Applaudissements.)
Le président. Madame Grobet-Wellner, vous avez la parole.
M. John Dupraz. C'est un duo !
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Oui, c'est un dialogue !
M. John Dupraz. Le couple infernal !
Mme Mariane Grobet-Wellner. Presque ! Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à dire que je suis très heureuse que le groupe UDC, après avoir affirmé, il y a quelques mois, je cite: «que l'Etat de Genève ne fournit aucun bilan», ait tout de même fini par trouver les pages où il figure, ainsi que les engagements hors bilan de l'Etat. Je vous en félicite... (Remarques.)
Par contre, ce qui me navre, ce sont vos tentatives constantes, quasi hystériques et indignes pour jeter le discrédit sur les fonctionnaires de l'Etat et sur l'Etat en général. Constatant votre incapacité à nous soumettre des propositions concrètes et réalisables, vous avez opté, jusqu'à maintenant, pour une solution que j'appellerai «la solution du faible»... (Exclamations.)
Quant à l'amateurisme dont vous accusez l'Etat de Genève dans votre exposé des motifs, à la page 9, je crains en effet que les conseillers et les conseillères d'Etat ainsi que les hauts fonctionnaires auront de la peine à atteindre votre niveau, même en faisant un effort considérable... Sans rancune !
Quant aux comptes de l'Etat, nous avons depuis toujours exprimé notre souhait que ceux-ci soient plus lisibles et plus détaillés. Nous examinerons avec intérêt toute proposition allant dans ce sens, notamment en ce qui concerne les réserves latentes afférentes aux actifs. Par exemple, suite au «suramortissement» dans le passé, le bâtiment de l'Hôtel-de-Ville où nous siégeons figure, terrain y compris, pour un franc symbolique...
En conclusion, les socialistes sont prêts à étudier ce projet de loi, avec le souhait constant d'améliorer la lisibilité des comptes de l'Etat.
M. Pierre Kunz (R). Je voudrais me joindre pour un instant à votre duo - si vous me le permettez - au nom des radicaux.
Mesdames et Messieurs les députés, certains s'étaient offusqués, lorsque ce Grand Conseil a traité en préconsultation le projet de loi de l'Entente consacré aux normes IPSAS - projet auquel M. Marcet a fait référence - parce que quelques adjectifs utilisés dans l'exposé des motifs leur paraissaient excessifs... Nous disions en effet que les comptes publics font l'objet, je cite: «de manipulations et de camouflages». Nos collègues de l'UDC disent dans ce projet de loi qu'ils sont «illisibles»... C'est un euphémisme ! Mais vous aurez compris que cela veut dire la même chose. Ces deux projets caractérisent tous deux une situation très préoccupante, M. Marcet l'a bien rappelé. Le rapport de l'ICF, relatif aux comptes 2002 de Genève, à la fin de l'exercice, dont nous nous sommes occupés récemment, a fourni un autre exemple de ce que nous pensons.
Aussi est-il temps que cette mascarade comptable, à laquelle nous avons assisté depuis une quinzaine d'années, et que les arrangements apportés aux chiffres pour des raisons politiques, voire des raisons liées à la carrière politique de certaines et de certains, ne reproduisent plus !
Le projet de loi 8991 contribue à cela, et c'est pourquoi les radicaux, qui se battent depuis longtemps pour la transparence des comptes, accueillent ce projet de loi avec intérêt. Ils le soutiendront donc avec vigueur.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
Le président. Comme le demande son auteur, ce projet de loi est renvoyé à la commission des finances. Si celle-ci juge qu'il faut le renvoyer à une autre commission, elle le dira ultérieurement.
Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons nos travaux avec le point 22 de notre ordre du jour. Il s'agit d'une interpellation de M. Pierre Kunz concernant la Banque cantonale de Genève.
M. Pierre Kunz. Monsieur le président, je ne sais pas si je peux me dispenser de développer mon interpellation, étant donné qu'elle s'adresse à Mme la présidente du département des finances qui n'est pas là...
Le président. Eh bien, nous allons la reporter !
M. Pierre Kunz. Je suis d'accord, pourvu que ce ne soit pas aux calendes grecques ! Je compte sur vous, Monsieur le président.
Le président. Cet objet figurera à l'ordre du jour, sous «Département des finances» ! L'interpellation 2031 est donc reportée.
Mesdames et Messieurs les députés, puisque M. le conseiller d'Etat Cramer est là, nous passons au département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, soit au point 23 de notre ordre du jour.
Préconsultation
Le président. Pour l'Alliance de gauche, Monsieur Vanek, vous avez la parole. Nous sommes en préconsultation, ce qui signifie que chaque groupe a cinq minutes pour s'exprimer.
M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, je me demandais si, par courtoisie envers les autres...
Le président. Comme vous le voyez, Monsieur Vanek, ce projet de loi a été préparé par certains membres du Bureau, et il n'est pas prévu qu'ils prennent la parole... Cet objet sera renvoyé en commission, mais, vous pouvez, bien entendu, vous exprimer...
M. Pierre Vanek. Je vous remercie, Monsieur le président, de cette précision selon laquelle les auteurs ne désirent pas s'exprimer...
Ce projet de loi comprend trois mesures. La première, et peut-être la plus importante, consiste à admettre que le Grand Conseil peut passer à la discussion immédiate d'un projet de loi, comme c'est déjà le cas aujourd'hui. Il est possible de demander la discussion immédiate d'un projet de loi en cas d'urgence et de surseoir à son renvoi en commission.
La discussion immédiate pose problème, puisque cela signifie qu'il faut traiter sur le siège l'ensemble d'une discussion qui peut parfois être complexe. Mais surtout, avec cette mesure, le Grand Conseil dispose de la possibilité, à l'issue du tour de préconsultation - au cours duquel cinq minutes par groupe sont octroyées aux députés - de refuser tout simplement la prise en considération d'un projet de loi, de ne pas le renvoyer en commission, et, en conséquence, de le rayer de tous les travaux du Grand Conseil.
Je suis poli: cela revient, après un tour de préconsultation - pendant lequel un député par parti s'exprime pendant cinq minutes - à pouvoir mettre purement et simplement un projet de loi à la poubelle !
C'est une possibilité qui n'existait pas jusqu'à maintenant et qui pose un réel problème, car cela veut dire qu'une majorité de ce Grand Conseil peut, de fait, refuser le débat sur les propositions soumises par la minorité... L'expérience de la législature monocolore 1993-1997 a vu l'Alliance de gauche, mais aussi d'autres partis de l'Alternative, déposer toute une série de projets de lois. Ces derniers n'agréaient pas à la majorité, mais, du moins, avons-nous pu en débattre et, cas échéant, revenir en discuter dans cette enceinte après les travaux en commission. Et les citoyennes et citoyens ont pu se faire une opinion sur les positions politiques et les propositions politiques des uns et des autres ! Cette opinion s'est ensuite traduite - il y en a eu d'autres depuis - par un renversement de majorité.
Par rapport au droit des députés et des groupes de cette enceinte de déposer des projets de lois - ce qui est un acte essentiel - ce projet de loi donne tout simplement la possibilité d'escamoter le débat. Et cela, au nom de l'efficacité ou du gain de temps des travaux de notre Grand Conseil ! Cette mesure est pour nous tout à fait inacceptable ! Elle signifie qu'on élude le débat, comme on l'a fait - je ne vais pas rouvrir une polémique - tout à l'heure pour le paquet fiscal, en refusant d'inscrire un projet de loi à l'ordre du jour !Bien sûr, cette inscription à l'ordre du jour ne préjuge pas de l'issue de la discussion, mais les citoyennes, les citoyens et les électeurs de tout bord ont le droit de suivre, d'écouter, de voir, les débats, les arguments développés par les uns et les autres autour de propositions législatives !
Cette mesure fournit un instrument à une majorité, quelle qu'elle soit, pour éluder les débats sur les propositions de projets de lois qui ne lui conviennent pas. Il est d'ailleurs dit dans l'exposé des motifs que cela permettra, je cite: «d'écarter un projet en évitant une discussion immédiate qui n'apportera rien de concret...». C'est l'argument que vous donnez dans votre exposé des motifs !
Alors, j'entends bien que, quand la gauche - ou l'Alternative - dépose des projets de lois, ceux-là ont peu de chance d'aboutir, étant donné que l'Entente détient la majorité, d'abord en commission et ensuite en plénière ! Mais ce n'est pas parce que vous avez la majorité que vous devez éluder le débat en refusant ces projets, sous prétexte que nos arguments n'apportent rien de concret.
Non, Mesdames et Messieurs, comme le disait Michel Balestra, député libéral...
M. John Dupraz. On ne parle pas des absents !
M. Pierre Vanek. Mais je vais en dire du bien ! Il disait quelque chose d'intelligent: que, lorsqu'on a la majorité, on vote, et que, lorsqu'on a la minorité, on parle... Eh bien, il avait raison ! Effectivement, les députés de la minorité ont un rôle d'opposition, c'est-à-dire qu'ils doivent s'exprimer, faire des propositions, critiquer la politique de la majorité et préparer l'opinion à un éventuel renversement de cette majorité, à une alternance... C'est la règle du jeu démocratique, et c'est ce que ce projet de loi remet en cause. Il se présente sous des apparences techniques et modestes; les auteurs ne désirent même pas prendre la parole pour le défendre, mais, en réalité - et c'est très grave - il remet en cause assez fondamentalement les règles du fonctionnement de notre parlement.
J'aimerais dire aussi...
Le président. Il est temps de conclure, Monsieur Vanek ! Votre temps de parole est épuisé...
M. Pierre Vanek. Nous avons parlé jusqu'à présent des mesures concernant les projets de lois consistant à limiter le débat à une prise de parole par groupe qui n'excède pas cinq minutes pour les motions et les résolutions... Je conclus en disant tout le mal que je pense des autres propositions de ce projet de loi. Cela revient concrètement à supprimer le débat ! Un débat est un échange d'arguments: un orateur s'exprime, un autre lui répond, puis, cas échéant, des amendements peuvent être formulés sur une motion ou une résolution. Normalement, une vie politique doit pouvoir avoir lieu dans cette enceinte ! Si chaque porte-parole de chaque groupe doit se contenter de lire un texte et qu'il n'y a pas d'échange possible - puisque personne ne pourra répondre - il ne peut pas y avoir de débat ! A ce moment-là, autant faire l'ensemble de la procédure par écrit et éviter les réunions de ce parlement, où, justement parce que nous pouvons nous exprimer, nous échangeons des idées et, surtout, nous nous faisons entendre de la population qui nous a élus pour réaliser ce travail.
Nous avons donc décidé de rejeter ce projet de loi, auquel nous nous opposerons avec vigueur.
Le président. La parole a été demandée par M. Charbonnier, par M. Annen et M. Kunz. Les débats montrent qu'il faut rationaliser nos discussions. Monsieur Charbonnier, vous avez la parole !
M. Alain Charbonnier (S). Comme M. Vanek l'a déjà dit, ce projet de loi comporte en fait trois volets.
Le premier concerne la prise en considération ou non d'un projet de loi. Nous avions déjà cru comprendre les intentions de la majorité actuelle lors de l'étude, en commission, du projet de loi 8703 qui traite précisément de la procédure relative aux projets de lois, puis, plus spécialement, lors de l'examen de l'alinéa concernant la discussion immédiate. Le rapport, qui sera bientôt inscrit à l'ordre du jour de la prochaine séance plénière, démontre ces intentions qui se font plus claires aujourd'hui...
L'exposé des motifs de ce projet de loi 8956 enfonce le clou... Je cite: «...dans certains cas, le Grand Conseil, dans sa majorité, souhaiterait simplement pouvoir écarter le projet en évitant une discussion immédiate qui n'apportera rien de concret et un inutile passage par une commission parlementaire.» Et cela, évidemment, selon le souhait d'une majorité de ce parlement !
La tradition démocratique, toujours respectée ces dernières années et pendant les quatre ans de majorité de l'Alternative, consistant à renvoyer tout projet de loi en commission, serait ainsi balayée par ce projet de loi... Nous nous y opposerons par tous les moyens !
Le deuxième volet concerne le traitement des motions et des résolutions. La proposition de vouloir rendre plus efficaces les travaux de notre parlement est certes louable, je crois qu'il n'est pas nécessaire de le dire. Mais il ne faut pas tout mettre dans le même panier ! Si nous souscrivons au fait qu'un temps de parole de trois fois sept minutes par député engendre parfois des débats de préconsultation disproportionnés pour une motion renvoyée ensuite en commission, retravaillée, puis retournée en plénière, il faut garder à l'esprit qu'une motion peut être renvoyée par la majorité du Grand Conseil, amendée ou non, directement au Conseil d'Etat. Mais, dans ce cas, il faudrait que ce soit après un vrai débat démocratique ! Alors, un temps de parole de cinq minutes par groupe se révélera probablement largement insuffisant !
Le troisième volet concerne les interpellations urgentes écrites, et les mesures préconisées rencontrent elles aussi notre opposition. Le rapport sur le projet de loi 8728, qui figure au point 24 de notre ordre du jour, va être débattu sous peu et diminuera drastiquement la possibilité de développer des interpellations urgentes orales - plus qu'une seule par groupe. Ce projet de loi propose que la réponse du Conseil d'Etat à une interpellation urgente écrite ne se donne plus oralement, mais par écrit...
Nous ne sommes pas des conservateurs acharnés, nous souhaitons seulement conserver ces rares moments publics de proximité et d'échange avec le Conseil d'Etat que nous permettent d'avoir les réponses aux interpellations urgentes orales ou écrites.
Même si nous sommes soucieux de la crise que connaît le travail parlementaire, nous refusons tous ces projets de lois, passés et futurs, qui occultent un réel débat de fond et qui n'ont qu'un seul but: museler la minorité !
M. Bernard Annen (L). «Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la gale»... C'est un adage bien connu. Naturellement, certains invoquent l'argument de la démocratie en disant que nous utilisons des procédures antidémocratiques. Ô Dieu, qui pourrait s'opposer à un tel argument ? Personne ! La moindre des choses, c'est au moins d'en parler.
Le projet qui nous est soumis ce soir présente un certain nombre de défauts et d'inconvénients, certes, mais, au moins, il va dans le sens de la démocratie, puisqu'il propose que l'ensemble des points de l'ordre du jour soient traités pendant la session.
Monsieur Vanek, le jour où vous cesserez d'enliser les débats - exprès ! - et de ralentir nos travaux... Vous, Monsieur Vanek, en particulier, mais d'autres aussi... (Exclamations.)Alors, nous pourrons parler de démocratie !
A quoi assistons-nous, Monsieur le député ? Tout simplement, à un retour de balancier !
En commission, vous dites toujours qu'il est possible de s'autodiscipliner... Si j'en crois ce qu'on m'a dit sur la séance de tout à l'heure... (Commentaires.)Vous avez contesté les extraits de l'ordre du jour - alors que cela fait plus d'une année que cette procédure est appliquée - et cela uniquement dans le but de retarder nos travaux ! Et vous dites, avec la plus complète mauvaise foi, que cette procédure n'a pas de base légale... Tranquillisez-vous, Monsieur, je suis en train de préparer cette base légale, et je vous la remettrai !
Alors, Monsieur Vanek, nous devons choisir entre respecter l'ordre du jour et nous prononcer sur les objets soumis - ce que nos concitoyens attendent de notre part - ou entendre vos balivernes ! (L'orateur est interpellé.)Je suis pour la démocratie ! Et nous traiterons de ce projet... (Exclamations.)
Une voix. Tu te tais un peu !
Le président. Monsieur Vanek, je vous en prie !
Une voix. Ecrase, Vanek !
M. Bernard Annen. Monsieur le président, je continue... A mon avis, ce projet de loi est un retour de balancier. C'est pourquoi, en commission, nous devrons être raisonnables et tenter de trouver les moyens de faire avancer nos travaux parlementaires. Si certains, ici, pensent qu'il est malin de faire traîner les débats pour embêter tout le monde dans ce parlement, je pense, moi, que ceux qui jouent à cela, quels qu'ils soient, ne sont pas dignes d'estime !
Une voix. On est élu par le peuple ! (Le président agite la cloche.)
M. Bernard Annen. Ils portent l'entière responsabilité des modifications du règlement de ce Grand Conseil ! Et il y en aura d'autres ! Vous n'êtes pas d'accord... Vous voulez toujours parler, parler, parler... Mais, Monsieur Vanek, vous parlez souvent pour ne rien dire ! (Applaudissements.)
M. Pierre Kunz (R). Depuis 1993 est apparue dans ce parlement une catégorie de députés un peu particulière qui n'avait pas été recensée ici probablement depuis les années 30, à l'époque de Léon Nicole et compagnie... (Rires.)
Je veux parler de la catégorie des agitateurs ! Les agitateurs qui sont capables de parler au peuple, qu'ils soient sur un tank, qu'ils soient sur un caillou, qu'ils soient dans ce parlement !
Une voix. T'es jaloux ?
M. Pierre Kunz. Cette attitude n'a qu'un seul inconvénient, c'est qu'elle paralyse complètement le travail de ce parlement. Et le discours que nous a fait tout à l'heure M. Vanek me désole non pas tellement parce qu'il l'a tenu - puisqu'il y a maintenant parmi nous des personnes comme lui, nous savons à quoi nous attendre - mais parce que je vais être obligé, en commission des droits politiques, de l'entendre trois fois plus...
Je suis donc d'avis que l'attitude adoptée constamment par certains ici mérite - comme l'a dit le député Annen - que l'on y mette fin ! Et les mesures de contrebalancier auxquelles il se réfère sont parfaitement adéquates. Vous n'avez pas fini, Mesdames et Messieurs les agitateurs, de voir les conséquences de votre attitude antidémocratique ! (Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. Patrick Schmied, pour le parti démocrate-chrétien. Nous sommes en préconsultation. Un député par groupe peut s'exprimer. Allez-y, Monsieur Schmied.
M. Patrick Schmied (PDC). Le groupe démocrate-chrétien soutient fermement ce projet de loi, qui est frappé au coin du bon sens...
Il n'est pas acceptable, vis-à-vis des électeurs qu'on invoque si souvent ici - ces citoyens absolument dégoûtés de ce qu'ils voient à la télévision - de laisser traîner des dizaines de projets de lois qui concernent leur vie de tous les jours pour le plaisir de donner son avis sur le dernier article de presse qu'on a lu ce jour-là ! C'est inadmissible, et cela doit cesser !
Les projets de lois qui nous sont soumis ici sont tout à fait raisonnables, et nous les soutiendrons en commission.
Quant à museler la minorité, excusez-moi, mais vous êtes un peu paranoïaques, et ça ne peut que nous faire sourire ! (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers (Ve). Si la volonté de certains, de réduire un peu le temps de parole dans cette enceinte, nous paraît légitime - car il est vrai que nous nous étendons beaucoup trop sur les objets portés à notre ordre du jour - il faut faire attention à ne pas aller trop loin. Et, à mon sens, ce projet va un peu trop loin dans la restriction de l'expression dans ce parlement.
M. Vanek l'a dit - mais c'est une constante de n'importe quel système démocratique, avec une majorité et une minorité - le droit de la minorité, pendant quatre ans, consiste à pouvoir parler, ce qui est finalement son seul droit. Et c'est grâce à cela que la démocratie fonctionne ! C'est peut-être parce que la minorité s'exprime pendant quatre ans que les électeurs sont convaincus, à l'échéance électorale, de changer de majorité.
Alors, pour une restriction du temps de parole, usage très développé dans notre parlement: oui ! Quant à la restriction de n'attribuer qu'une seule fois la parole par groupe durant cinq minutes: c'est trop ! D'autant plus que ce projet de loi, ne concernant que certains de nos objets parlementaires, risque d'induire un effet pervers: la minorité voulant parler davantage, elle utilisera d'autres types d'objets - comme les projets de lois - pour pouvoir s'exprimer sur certains problèmes, usant ainsi pleinement de la liberté qui est la sienne. Je vous rends attentifs à cet aspect des choses, parce que c'est bien ce qui pourrait se produire si vous alliez trop loin !
Finalement, un des problèmes que nous ne pouvons pas nier dans ce débat sur la «parlotte» au sein de ce parlement, c'est que c'est nous, les hommes, qui nous exprimons plus longuement que les femmes... A ce niveau-là, nous - les Verts - sommes assez à l'aise, puisque nous ne sommes pas réputés pour être très bavards. Et je crois que le fait que la plupart des députés des Verts sont des Vertes n'y est pas étranger... Dès lors, pour introduire le débat prochain sur une représentation équitable des sexes, on peut dire qu'une présence féminine accrue dans ce parlement aurait certainement pour effet de diminuer le temps de parole. (Applaudissements.)
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
Premier débat
Mme Marie-Françoise De Tassigny (R), rapporteuse de majorité. Je ne dirai que quelques mots, puisque M. Hodgers a dit que les femmes ne parlaient pas longtemps...
La séance d'hier soir est la démonstration magistrale qu'il n'est plus possible de poursuivre ainsi. Il y a eu - je les ai comptées - trente-quatre interpellations urgentes ! Elles ont pris toute la durée de la première séance - entre 17h et 19h - et il a fallu, en outre, déborder sur la deuxième séance. Et je ne parle pas du temps que nous leur avons encore consacré aujourd'hui !
Il n'est plus possible - je le répète - de continuer à ce rythme ! Ces interpellations urgentes sont trop nombreuses ! Je vous engage donc à suivre le rapport de majorité qui préconise de contenir leur nombre. D'autant plus qu'elles servent souvent davantage de faire-valoir à certains députés qu'elles ne répondent à un véritable problème urgent qui mettrait la République en péril.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S), rapporteuse de minorité. Il est vrai que notre parlement fonctionne mal, voire très mal... Mais le problème ne vient pas seulement du règlement du Grand Conseil. A mon avis - et à celui de la minorité en commission - le problème vient de l'indiscipline des parlementaires. Et il ne sert à rien de changer le règlement si celui-ci n'est pas respecté ou si le président ne le fait pas respecter !
C'est exact, souvent les interpellations «très» urgentes ne le sont pas et servent de tribune aux députés qui veulent être perçus du public et des médias. Nous sommes d'accord sur ce point et l'on constate que ce n'est pas sans succès... La «visibilité» d'un ou d'une parlementaire dans les médias courants n'est effectivement pas toujours proportionnelle à la qualité du travail fourni. Je le répète: nous sommes d'accord sur ce point.
Néanmoins, nous trouvons regrettable que la majorité de la commission n'ait pas voulu entrer en matière sur notre proposition. En effet, les interpellations urgentes sont un instrument de proximité, de même que les pétitions. Et nous pensons que, si le règlement avait réellement été respecté et nos propositions écoutées - nous n'avons même pas pu les soumettre en commission - nous aurions pu gagner du temps. Le problème, aujourd'hui, découle du fait que trop de personnes interviennent et que leur temps de parole n'est pas respecté ! Hier soir, nous aurions pu faire plus vite, mais tout le monde - tout le monde ! - a parlé trop longtemps !
Nous avons regretté - c'est la raison pour laquelle j'ai fait un rapport de minorité - que les débats en commission aient été tronqués. Et il me semble que nous pourrions gagner du temps en plénière si nous pouvions, au moins, réellement discuter en commission et proposer des amendements permettant d'arriver à une solution satisfaisante pour tous !
Je vous prie donc de ne pas accepter la suppression des interpellations urgentes. Si cette proposition devait passer, nous déposerions alors un amendement - que nous avons déjà suggéré en commission. Dans ce cas j'aimerais que vous l'acceptiez, pour trouver une majorité basée sur un consensus et non sur un rapport de force gauche/droite.
Nous devrions tous nous soucier du bon fonctionnement de nos institutions, et je crois que, comme l'ont dit M. Hodgers ou Mme de Tassigny - je suis du même avis - s'il y avait plus de femmes dans ce parlement, son fonctionnement s'en porterait mieux !
Le président. J'ouvre maintenant le débat avec M. Vanek, M. Pagani, M. Hodgers, M. Gros, M. Annen, M. Koechlin, Mme Loly Bolay. Je vous propose de clore la liste des intervenants. M. Charbonnier vient de s'inscrire, ainsi que M. Kunz... C'est terminé !
M. Pierre Vanek (AdG). J'ai été pris à partie - je crois, sept ou huit fois - par M. Bernard Annen sur le projet de loi précédent. Il a dit entre autres que nous abuserions du temps de parole dans ce parlement, que nous enliserions les débats à dessein, etc. Je trouve ces propos particulièrement incongrus - j'allais dire indécents, mais je ne le dirai pas, et ceux qui étaient là le savent - venant de la part de députés qui ont bloqué pendant quelque trois heures les travaux de ce parlement, cet après-midi, et qui ont refusé d'appliquer la loi portant règlement du Grand Conseil ! Tout cela pour éluder un débat nécessaire qui a eu lieu dans seize ou dix-sept parlements cantonaux de ce pays, au sujet du paquet fiscal fédéral - de cadeaux aux riches, aux actionnaires, aux propriétaires ! Vous avez voulu éluder ce débat, et vous avez sacrifié trois heures de travail de ce Grand Conseil pour cela ! Ce n'est pas nous qui avons mangé ces heures, c'est vous, avec vos manoeuvres politiciennes ! Parce que vous n'osez pas afficher votre position dans cette enceinte sur cet objet important !
Et cela nous a pris bien plus de temps que celui consacré aux interpellations urgentes qui nous occupent...
Monsieur Kunz, vous êtes intervenu tout à l'heure, pour déplorer qu'il y ait - vous avez fait un parallèle avec Léon Nicole, ce qui est flatteur - des députés dans ce parlement, comme moi, qui avaient l'audace de s'adresser au peuple... Quelle horreur, Monsieur Kunz !
Et vous, lorsque vous faisiez vos grands discours ultralibéraux, lorsque vous refusiez de voter le budget de l'équipe monocolore parce qu'il était trop à gauche, vous vous adressiez peut-être à l'assemblée avec des propositions constructives ? Non ! Vous faisiez un travail politique, et vous vous adressiez au peuple ! Et il est parfaitement légitime que les députés qui s'expriment dans cette enceinte s'adressent - en plus des députés - à nos concitoyennes et à nos concitoyens, pour faire passer un message, pour faire connaître leurs propositions, et, quand ils sont dans l'opposition, pour faire entendre leurs objections à la politique menée par la majorité. C'est cela l'essence d'un travail parlementaire ! C'est parfaitement normal en démocratie !
Le projet de loi qui nous est soumis vise à rationner un objet parlementaire - l'interpellation urgente - à un par groupe, alors qu'aujourd'hui chaque député peut développer deux... Poursuivez dans cette voie ! Aujourd'hui, vous rationnez les interpellations urgentes; demain vous rationnerez les interpellations ordinaires; ensuite vous rationnerez les motions; et puis vous rationnerez les résolutions et, un jour... (Exclamations.)Vous fixerez un quota de projets de lois pour chaque groupe... Eh bien, je vous mets en garde, Mesdames et Messieurs, car vous êtes en train de vous attaquer aux droits élémentaires, pas seulement de l'opposition mais des parlementaires, et, à travers eux, aux droits des citoyennes et des citoyens de ce canton !
Ce n'est pas en rationnant le nombre des objets parlementaires que l'on va régler les problèmes de fonctionnement du Grand Conseil ! Et c'est pour cela que nous nous opposerons avec la dernière énergie à ce projet de loi.
J'aimerais toutefois dire ce qui suit à propos du rapport de Madame la rapporteuse de majorité... (L'orateur est interpellé.)De Madame la rapporteu-«re» - si vous voulez - de majorité ! Je lis qu'il est question d'un temps exponentiel consacré aux interpellations urgentes... Ce que Madame la rapporteure de majorité entend sans doute par là, c'est que le nombre d'interpellations urgentes augmenterait de façon exponentielle... Dans l'exposé des motifs du précédent projet de loi, qui n'est pas sujet à caution puisqu'il est signé par M. Bernard Lescaze, par M. Pascal Pétroz et d'éminentes personnalités de notre Bureau, je peux voir qu'en 2000 il y a eu 203 interpellations urgentes, qu'en 2001 il y en a eu 286 et qu'en 2002 il y en a eu 162... Ce n'est de loin pas, Madame la rapporteure, ce qu'on peut appeler une progression exponentielle, c'est plutôt une diminution du nombre d'interpellations urgentes sur les trois dernières années !
Votre exposé des motifs ne se fonde pas sur des faits, mais sur une intention politique consistant à limiter le droit des parlementaires. Vous vous attaquez d'abord à l'interpellation urgente, qui paraît effectivement moins utile - elle a pourtant toute son importance, car elle permet un échange direct avec le Conseil d'Etat et peut aussi éviter le dépôt d'autres objets parlementaires. C'est le début d'un glissement sur une mauvaise pente, une pente qui n'est pas démocratique, et, comme je l'ai déjà dit, nous nous opposerons avec force à cette dérive contraire à toutes les traditions parlementaires de cette République.
Le président. Nous remercions M. Vanek pour les bonnes idées qu'il vient de nous donner... La parole est à Mme Roth-Bernasconi pour une petite rectification à son rapport... Ensuite, ce sera le tour de M. Pagani.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je suis désolée, j'ai effectivement fait une erreur dans mon rapport - M. Gros et Mme de Tassigny l'ont également remarquée - qui doit être liée à la fatigue d'une parlementaire de milice...
Je vous prie de bien vouloir biffer, en haut de la page12, «une interpellation par groupe ou». La phrase se lit donc comme suit: «Ainsi, nous aurions aimé proposer une limitation: une à trois interpellations par groupe en fonction de la taille du groupe.» En effet, le projet de loi propose déjà une limitation à une interpellation par groupe, mais la minorité de la commission n'était pas d'accord avec cette proposition. Je suis vraiment désolée: personne n'est parfait !
Le président. Merci pour cette rectification, Madame ! La parole est à M. le député Pagani.
M. Rémy Pagani (AdG). J'ai assisté une fois à un dîner - je n'assiste pas souvent à ce genre de réunion - auquel assistaient des députés de tout bord. Nous étions donc, entre guillemets, «représentatifs» de la composition de notre parlement. Dans ces moments-là, les langues se délient et certains députés ont fait une analyse, à mon sens tout à fait pertinente, du fonctionnement actuel de notre parlement. Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que nous devions tous fournir un effort pour proposer des projets de lois et des motions corrects. Nous avons, du reste, eu un exemple significatif hier soir, puisque la majorité de ce Grand Conseil a pris la décision complètement aberrante de ne pas reconnaître une validité juridique, alors que le Tribunal fédéral la validera de fait ! Et nous avons là une réelle carence en matière de rédaction, parce que nous sommes un parlement de milice.
Alors, au lieu de s'attaquer à ces véritables problèmes, reconnus par tous - mais pas dans la salle du parlement, car j'imagine que c'est difficile de le faire à tête reposée - la majorité cherche à faire d'une pierre deux coups ! D'abord, désigner les coupables, c'est-à-dire ceux qui abuseraient prétendument de ce droit, les pseudo-coupables - et j'estime que l'interpellation urgente est un droit fondamental, j'expliquerai pourquoi. Ensuite, la majorité restreint le droit de parole, notamment des députés de la minorité, alors que les véritables problèmes sont ailleurs...
Je fais une parenthèse à ce niveau: nous sommes minoritaires aujourd'hui, mais nous serons peut-être majoritaires demain ! Et je relève - et mets au défi les députés d'en face de prouver le contraire - que nous ne nous sommes jamais attaqués à ces droits fondamentaux, notamment au droit d'expression, dans ce parlement, lorsque nous avions la majorité... Nous aurions pu, comme vous le faites aujourd'hui, mais nous ne l'avons jamais fait ! Vous porterez la responsabilité de cette mesure. Et, dans deux ans peut-être, elle risque de nous avantager; nous pourrons - malheureusement, et je le regrette - vous faire taire, comme vous essayez de le faire aujourd'hui !
J'en viens au fond concernant les interpellations. En effet, j'ai été de ceux qui ont utilisé - à mon avis je n'en ai pas abusé - cet instrument à bon escient... (Rires.)A bon escient, parfaitement ! Je vais vous expliquer en quoi...
Tout d'abord, qu'est-ce qu'une interpellation urgente ? Car il faut que les personnes qui nous écoutent se rendent compte de ce qu'elle représente. C'est notre droit de poser des questions au Conseil d'Etat, qui est l'exécutif de ce canton, ce qui nous permet de le mettre sur la sellette et de l'obliger à nous rendre des comptes - peut-être pas au jour le jour...
M. Olivier Vaucher. On peut le faire par écrit ! (Le président agite la cloche.)
M. Rémy Pagani. Oui, Monsieur Vaucher, maintenant nous allons en effet continuer à le faire par écrit ! J'y viendrai tout à l'heure.
C'est notre droit légitime d'exercer un contrôle sur le Conseil d'Etat et de lui demander des comptes au nom du peuple que nous représentons. Je note que nous ne pourrons le faire qu'une fois par parti et à chaque session; je le regrette. J'imagine que certains d'entre vous qui défendent ce droit le regretteront aussi avec moi, amèrement.
Je prends l'exemple de l'Office des poursuites et faillites... J'ai développé dix-sept interpellations urgentes - il me semble - pour dénoncer ses graves dysfonctionnements. Je me souviens d'ailleurs que, lors des premières interpellations, je me faisais huer par les députés de vos bancs, Mesdames et Messieurs de la majorité actuelle ! - pour avoir osé remettre en question le fonctionnement de l'Office des poursuites et faillites ! Toujours est-il qu'une soixantaine de personnes ont été inculpées à ce jour, que 3,5 millions ont été détournés... j'en passe et des meilleures ! Ces interpellations urgentes ont permis - je revendique cette possibilité, comme je trouverais légitime que d'autres l'utilisent à bon escient - de mettre le doigt là où ça fait mal dans notre République, et de participer au contrôle du Conseil d'Etat, ce qui est le minimum à attendre des députés.
Le président. Il est temps de conclure !
M. Rémy Pagani. Oui, tout à fait ! Je trouve... J'ai perdu le fil... (Rires et exclamations.)...de cette affaire...
Je trouve particulièrement déplorable que certains d'entre vous puissent jouer avec ces choses-là ! Vous nous empêchez aujourd'hui de développer des interpellations urgentes orales, mais je vous rappelle que celles-ci ont été décidées par notre Grand Conseil, il y a de cela quatre ou cinq ans, précisément pour éviter d'avoir des interpellations urgentes écrites. Et parce que j'estime légitime de poursuivre mon mandat de député et de poser des questions au gouvernement - car, jusqu'à preuve du contraire, c'est ainsi que cela fonctionne dans notre République - je me fais fort d'user de mon droit de déposer des interpellations écrites. Tout ce qui va se produire, c'est que nous allons passer des interpellations urgentes orales aux interpellations urgentes écrites. Alors, peut-être a-t-on effectivement abusé hier soir des interpellations urgentes orales, parce que chacun a voulu y aller de son couplet... On est en période électorale, Madame de Tassigny ! Mais, je le répète, tout ce que vous obtiendrez, c'est réduire le nombre des interpellations urgentes orales et augmenter celui des interpellations urgente écrites ! C'est tout à fait contre-productif, et je le regrette.
M. Antonio Hodgers (Ve). Comme je vous le disais tout à l'heure, notre groupe entre en matière sur la discussion visant à réduire un peu le temps de parole des députés dans cette enceinte, mais, je le répète, votre projet de loi va beaucoup trop loin, et les effets qu'il entraînera viennent d'être évoqués très justement par M. Pagani.
En commission - pour entrer dans le vif du sujet - nous avons proposé un amendement qui me semble intéressant, dans la mesure où il permettrait d'éviter des soirées comme celle d'hier soir... Tout le monde était d'accord sur le fait qu'il y a eu abus d'interpellations urgentes, notamment parce que plusieurs d'entre elles portaient sur le même sujet. Cela signifie que les députés ne prennent plus le temps de communiquer, même au sein de leur propre groupe, pour dire qu'ils vont intervenir et sur quel sujet.
L'idée de notre amendement est de se baser sur la logique de la proportionnalité des groupes pratiquée en commission: un groupe important qui compte un grand nombre de députés doit avoir droit, nous semble-t-il, à plus de temps de parole. Et le temps de parole étant déterminé par député, le groupe bénéficie d'autant de temps de parole qu'il a de députés. La proposition serait donc la suivante: «Un groupe ne peut développer plus d'interpellations urgentes orales qu'il n'a de députés dans une commission de quinze membres.»
Concrètement, la plupart des groupes auraient droit à deux ou trois interpellations urgentes. L'UDC aurait droit à une interpellation, et il y aurait quinze interpellations par session au maximum. Cette proposition nous paraît modérée; elle permettrait d'éviter les abus, mais elle laisserait toutefois aux groupes la latitude de pouvoir évoquer au moins deux sujets.
Cet amendement a aussi l'avantage de supprimer une partie de l'alinéa 2 de l'article 162 du projet de loi qui m'inquiète beaucoup. En effet, la deuxième phrase stipule: «Le bureau peut, en cas de nécessité impérieuse, faire exception à cette règle.» Alors, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, vu le spectacle que nous avons offert cet après-midi aux téléspectateurs et aux citoyens de cette République, évitons d'introduire dans ce règlement des phrases qui pourraient prêter à interprétation, que ce soit pour le Bureau, pour une commission, pour les chefs de groupe ! Restons clairs pour éviter toute discussion ! Car j'imagine déjà les discussions que cela pourrait occasionner dans cette enceinte, pour savoir si le Bureau a considéré à bon escient qu'il y a nécessité impérieuse ou pas de laisser à tel ou tel groupe le droit de déposer plus d'une interpellation ! A mon avis, la nouvelle loi que vous proposez va provoquer une perte de temps... Je le vois d'ici, je commence à connaître nos réactions.
Par conséquent, nous accepterons l'entrée en matière de ce projet de loi pour la raison que j'ai déjà évoquée, mais nous nous prononcerons au vote final en fonction de l'acceptation ou non de notre amendement.
Le président. Merci, Monsieur le député. Dans d'autres parlements, à commencer par le Parlement fédéral, le Bureau a beaucoup plus de pouvoirs que celui du Grand Conseil, et il faut bien constater que les discussions y sont plus brèves... Monsieur le député Gros, vous avez la parole.
M. Jean-Michel Gros (L). Les interpellations urgentes sont en train de tuer les travaux du parlement. La preuve nous en a été donnée hier soir, c'est évident: nous avons perdu pratiquement une séance et demie, en comptant les réponses d'aujourd'hui, uniquement pour les interpellations urgentes - ce qui n'a rien apporté, puisque cela n'a généré aucun vote.
Et pourtant, je vous le rappelle, notre mandat de député consiste d'abord à voter - Monsieur Vanek ! - avant même de parler ! (Exclamations.)Si le Conseil général nous a délégué son pouvoir, c'est parce qu'il a considéré, à un moment donné, qu'il était un peu compliqué de se prononcer sur cent cinquante objets par mois et qu'il valait mieux élire cent personnes pour voter à sa place, sous réserve d'un droit de référendum qu'il s'est gardé. Notre tâche principale est donc bien de voter et non d'interpeller le Conseil d'Etat à tout va, comme cela a été le cas hier soir !
Si nous voulons tuer notre travail parlementaire, il faut le dire carrément ! Ce projet de loi demande exactement l'inverse: c'est rétablir le travail parlementaire dans toute sa dignité, soit de pouvoir traiter des objets qui concernent réellement notre population, en votant des lois qui vont le régir pendant les années qui viennent.
Monsieur Hodgers, vous nous parlez d'un amendement qui limiterait à quinze le nombre des interpellations urgentes par session... Mais cela ne résoudra rien ! Regardez les statistiques ! Nous avons eu 191 interpellations urgentes en 1999, 203 en 2000 et 186 en 2002. Ce qui fait environ dix-huit interpellations en moyenne par session, si l'on divise ces chiffres par dix sessions. C'est avec cela que nous perdons un temps fou ! Et vous voulez les limiter à quinze seulement ? Cela nous fera, certes, perdre un peu moins de temps, mais le gain sera ridicule !
Mesdames et Messieurs, j'ai siégé dans ce parlement en 1985, et je ne suis pas le seul. A ce moment-là, les affaires n'étaient pas beaucoup plus compliquées qu'actuellement. La population était à peu près similaire. Nous n'avions certes ni Léman Bleu ni l'Alliance de gauche - il faut bien le concéder ! (Exclamations.)Cela dit, nous traitions tous les points inscrits à l'ordre du jour lors de chaque session qui commençait le jeudi à 17h et finissait à 23h. On reprenait le vendredi à 17h, et, bien souvent, on nous disait à 19h que ce n'était pas la peine de revenir pour la séance de 20h30, parce que tous les objets étaient traités, et que nous pouvions rentrer à la maison !
Maintenant, nous consacrons une séance et demie à chaque session pour traiter les interpellations urgentes, dont plusieurs portent souvent sur un même sujet. Car nous avons bien vu la tactique adoptée hier soir... Tout d'abord un membre du groupe appuie sur son bouton pour poser une question au Conseil d'Etat - hier soir, c'était à propos du G8 en interrogeant Mme Spoerri quant à son appel à l'armée pour le maintien de l'ordre. Et pendant sa réponse, cinq autres députés du même groupe appuient sur leur bouton... (Exclamations.)Ce qui leur donne le temps de rédiger une autre interpellation en fonction de la réponse du Conseil d'Etat ! (Protestations. Brouhaha.)
Une voix. C'est le jeu de l'avion !
M. Jean-Michel Gros. C'est exactement ça ! (Exclamations.)
M. Sami Kanaan. Tu racontes n'importe quoi ! (Brouhaha.)
Le président. Messieurs, je vous en prie ! (Exclamations.)
Une voix. Il faut savoir de quoi on parle !
M. Jean-Michel Gros. Je continue... Mesdames et Messieurs, je suis en face de l'ordinateur, et je vois exactement qui appuie sur son bouton et à quel moment ! Et j'ai bien observé la tactique employée hier ! Je le répète, vous êtes en train de tuer le travail parlementaire !
Madame Roth-Bernasconi, vous avez évoqué l'application du règlement... Oui, certes, hier les orateurs n'ont pas tous respecté le temps de parole imparti, qu'il s'agisse des députés ou des membres du Conseil d'Etat. Mais à raison de trois minutes multipliées par trente-quatre interpellations, encore multipliées par deux pour les réponses du Conseil d'Etat, nous arrivons de toute façon, en respectant le règlement, à 204 minutes, soit trois heures et vingt-quatre minutes rien que pour les interpellations urgentes !
Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est plus vivable ! Je vous demande d'accepter ce projet de loi ! (Applaudissements.)
M. Bernard Annen (L). Je vais essayer d'aller vite, puisqu'un certain nombre de choses ont déjà été dites... (L'orateur est interpellé.)Si, j'ai encore quelque chose à dire !
Cette avalanche d'interpellations urgentes a une conséquence... M. Vanek se moque un peu du rapporteur de majorité en disant que la progression n'est pas exponentielle... Moi, je lui fais la démonstration qu'elle l'est.
Les interpellation urgentes ont été instaurées il y a une douzaine d'années - à cheval sur quatre législatures - et pas il y a trois ou quatre ans seulement, comme cela a été dit. Tout simplement parce qu'à l'époque existait seule la question écrite ! Et nous avions imaginé, sur la base de ce qui se passe au Parlement fédéral, pouvoir poser des questions orales... Comme vous le savez, la constitution fixe l'ensemble des actes législatifs, dont les interpellations, mais sans précision quant au fait qu'elles soient écrites ou orales. C'est ainsi qu'est née l'interpellation orale. Les abus tuent les bonnes idées... Il faut le dire !
Et s'il y a autant d'interpellations urgentes, c'est essentiellement en raison du retard énorme pris sur notre ordre du jour et parce que vous voulez tous, les uns et les autres, faire passer vos idées, contenues dans les projets que nous n'arrivons pas à traiter. C'est à mon avis la première erreur !
La deuxième consiste à développer une interpellation urgente sur la base de ce que vous lisez dans les journaux... Est-ce aux quotidiens de définir les sujets qui vont être abordés ou non par le parlement ? Il y a malheureusement des abus dans ce sens, nous avons pu le remarquer hier soir.
M. Gros parlait d'une trentaine d'interpellations urgentes... Mais il oublie tous ceux - et il y en a une bonne dizaine - qui ont fait deux interpellations urgentes ! Parce que les députés ne se contentent pas d'en faire une, ils en font deux ! Ce qui a porté leur nombre à quarante ! Je ne vais pas refaire le calcul de M. Gros, mais tout le monde, Mesdames et Messieurs, dénonce ces abus, M. Hodgers en premier !
Mesdames et Messieurs de l'Alternative, avez-vous fait aujourd'hui une seule proposition de modification du règlement portant sur le Grand Conseil pour améliorer nos travaux ? Non, aucune ! Aucune... (L'orateur est interpellé par M. Pagani.)
Le président. Silence, Monsieur Pagani !
M. Bernard Annen. Aucune proposition pour améliorer, pour accélérer, les travaux des séances plénières, Monsieur Pagani, si vous voulez des précisions ! Alors, force est de constater que vous n'en avez pas envie... Vous n'avez tout simplement pas envie que nous avancions mieux dans nos travaux !
Comme vous l'avez dit tout à l'heure, Monsieur Pagani, vous allez attendre deux ans que la majorité change, et vous nous empêcherez de parler ! Si c'est ça, la stratégie, ce n'est pas responsable, et je le regrette profondément !
M. René Koechlin (L). Mesdames, Messieurs, du calme, s'il vous plaît... du calme ! (Exclamations.)
Nous parlons du fonctionnement de notre institution... De son bon fonctionnement, auquel - j'en suis convaincu - nous aspirons tous.
M. Vanek tout à l'heure demandait que nous fassions quelques constats... Eh bien, je m'y prête !
Premier constat. J'ai relevé, au cours des derniers mois, que les interpellations urgentes occupaient ce parlement entre une heure et demie et trois heures, réponses du Conseil d'Etat incluses. Cela veut dire que, sur dix heures que dure normalement une session, cela représente 15 à 30% du temps. 15 à 30% du temps que nous consacrons à nos travaux pour deux points de l'ordre du jour, sur plus de cent objets ! Soit 15 à 30% du temps pour, à peine, 2% des points à traiter ! Cela démontre l'anomalie; anomalie qu'il faut corriger d'une manière ou d'une autre.
Deuxième constat, il a déjà été fait tout à l'heure: les interpellations urgentes existent seulement depuis douze ans... Madame Laurence Fehlmann Rielle, depuis douze ans, disais-je... Merci de m'écouter, c'est très aimable ! Cela veut dire, Mesdames et Messieurs, que ce parlement a fonctionné pendant cent quarante ans - cent quarante! - sans interpellations urgentes - et j'ai vécu cette époque... (Rires.)Oui, mes cheveux sont là pour le prouver ! (Commentaires.)D'ailleurs, M. Spielmann aussi... (Rires. Exclamations.)
Une voix. Il n'en a pas !
M. René Koechlin. Il a vécu une bonne partie de cette époque...
Mesdames et Messieurs, j'ai vécu l'époque - pas il y a cent quarante ans - durant laquelle ce Grand Conseil épuisait ses ordres du jour à chaque session. Et il existait des interpellations inscrites à l'ordre du jour; je me souviens de brillantes interpellations développées par des députés des bancs d'en face... (Rires.)...par Jean Vincent, Armand Magnin et d'autres, qui étaient dans vos rangs... Et même par M. Spielmann ! (Exclamations.)Mais, oui ! Ces interpellations étaient inscrites à l'ordre du jour, et l'on savait qu'elles seraient traitées, parce que les ordres du jour de ce Grand Conseil étaient intégralement traités. Il faut dire qu'on n'abusait pas des interpellations, comme c'est le cas actuellement avec celles qui sont prétendument urgentes !
Mesdames et Messieurs, nous pensons qu'il faut en revenir à ce bon vieux temps où l'on épuisait les ordres du jour, où la parole était donnée à qui voulait la prendre pour interpeller le Conseil d'Etat de façon verbale ! Nous avions alors la possibilité d'adopter les questions écrites - elles existent toujours, mais elles ne sont plus guère partiquées. Elles avaient pourtant toute leur efficacité.
Mesdames et Messieurs, personnellement, non seulement je voterai ce projet de loi, mais j'en déposerai éventuellement un autre proposant de supprimer purement et simplement les interpellations urgentes...
M. Claude Blanc. Voilà une bonne idée !
M. René Koechlin. ...afin que l'on recoure à nouveau aux bonnes vieilles interpellations inscrites à l'ordre du jour... (Exclamations.)Elles existent toujours, mais on ne les utilise plus, parce que... (L'orateur est interpellé.)
Mais non, c'est parce que les ordres du jour s'éternisent que les points ne sont plus traités et qu'il est évidemment plus commode de demander à interpeller le Conseil d'Etat immédiatement, dans la foulée !
La notion d'urgence n'existait pas, Mesdames et Messieurs, quand nous épuisions nos ordres du jour ! Personne ne demandait l'urgence pour un projet quel qu'il soit. Le mot urgence n'existait pas... (L'orateur insiste sur ces deux mots.)...puisque tous les points de l'ordre du jour étaient traités au cours de la session ! Et tout allait bien comme cela.
Eh bien, Mesdames et Messieurs, nous devons oeuvrer pour en revenir à cette pratique, parce que c'est la seule qui soit raisonnable et qui assure le bon fonctionnement de notre institution ! (Applaudissements.)
Mme Loly Bolay (S). J'aimerais revenir sur les propos de M. Gros. Il a indiqué qu'il fallait «rétablir le travail parlementaire dans toute sa dignité»... Je dois dire que, cet après-midi, nous avons touché le fond de l'indignité... (Commentaires.)Nous avons touché le fond de l'indignité, et je dois avouer que j'ai eu honte: pour moi, c'était une véritable mascarade !
Une voix. A cause de qui ?
Mme Loly Bolay. Je regrette d'avoir à vous le dire, mais vous êtes de véritables coqs ! Aucune femme dans ce parlement ne se permet ce que vous faites dans ce parlement ! (Commentaires.)Pendant des semaines, en commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, nous avons consacré du temps pour trouver des solutions, ou des débuts de solutions, afin de remédier au mauvais fonctionnement de ce parlement. Ce qui s'est passé tout à l'heure, c'est aussi faire fi de ce travail - travail payé par le contribuable - que nous avons effectué pour cela.
La proposition qui nous est soumise ce soir est en sorte un déni politique, une atteinte à la démocratie: elle va beaucoup trop loin... (Exclamations.)
Je suis d'accord avec les critiques formulées tout à l'heure: en effet, trente-quatre interpellations urgentes, développées comme cela a été le cas hier, ce n'est pas acceptable ! D'autant moins que, trop souvent, plusieurs d'entre elles concernent le même sujet. Et parfois, les députés qui posent des questions ne sont même pas là pour écouter les réponses du Conseil d'Etat ! D'autres fois, ces interpellations urgentes n'ont d'urgent que le qualificatif. Alors, il faut effectivement trouver une solution !
Nous vous avons pourtant proposé la solution en commission des droits politiques, et elle vous est présentée dans le rapport de minorité. Elle a le mérite d'être équitable puisqu'elle préconise qu'un groupe ne puisse développer plus d'interpellations urgentes orales qu'il n'a de députés dans une commission de quinze membres.
C'est pour toutes ces raisons, et parce qu'il faut être cohérents avec nous-mêmes - nous avons quelque cent points à l'ordre du jour, Mesdames et Messieurs les députés, et nous perdons notre temps en nous jetant à la face des choses qui ne devraient pas se dire dans ce parlement - que je vous invite à accepter cet amendement !
Merci de m'avoir écoutée. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. En tout cas, le président vous écoutait... M. Charbonnier renonce. Monsieur Pierre Kunz, vous avez la parole. Brièvement.
M. Pierre Kunz (R). Merci, Monsieur le président ! J'avais de nombreuses choses très intelligentes à vous dire, Mesdames et Messieurs, mais elles ont malheureusement été exprimées par mes collègues de la majorité.
Toutefois, comme je suis - autant que M. Vanek - extrêmement attaché au droit de parole dans cette enceinte, je cède mon temps de parole à M. Luc Barthassat, qui a été scandaleusement privé du sien suite au bouclage de la liste des intervenants !
Une voix. Bravo !
Le président. Sur le principe, ce n'est pas très réglementaire !
Monsieur Barthassat, vous parlez... Vous êtes donc M. Kunz bis... Allez-y !
M. Luc Barthassat (PDC). Décidément, un président radical qui ne veut pas me donner la parole... et un autre radical, qui me la donne... C'est ça, le centre !
Il ne s'agit pas de «rationner», comme le disait tout à l'heure M. Vanek... Comme cela figure dans le préambule: «Ce projet de loi fait partie intégrante des mesures légales visant à améliorer le fonctionnement du Grand Conseil.»
Donc, le vrai objectif de ce projet de loi est de limiter les abus individuels et non le droit à l'expression. Pour les fervents de ce genre de poèmes verbeux, dans la rubrique «Je passe à la télé», il restera toujours - ainsi que M. Koechlin l'a dit tout à l'heure - les interpellations urgentes écrites... Un peu moins médiatiques, il est vrai, mais tout aussi démocratiques !
J'ai été bref, Mesdames et Messieurs, et je vous demande aussi d'être fonctionnels et d'accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député ! Avant le vote d'entrée en matière - nous reprendrons la suite du débat, ce soir - je donne la parole aux deux rapporteuses, de majorité d'abord, puis, de minorité.
Mme Marie-Françoise De Tassigny (R), rapporteuse de majorité. Personne ne parle du problème de fond, de l'impact des interpellations... Ont-elles vraiment toujours un impact ?
«Urgent»... M. Vanek m'a interpellée sur ma formule exponentielle... Je vais l'interpeller sur la signification du mot «urgent»... Urgence, signifie: péril, immédiateté, préoccupation fondamentale... Relisez, cher collègue, la liste à la Prévert que constituent nos interpellations ! C'est tout à fait ça !
Ce projet de loi ne veut pas supprimer notre droit d'expression. Son but est plutôt de nous obliger à recentrer le débat en l'utilisant pour des causes essentielles, à mener une réflexion approfondie sur la question de chaque groupe, qui mérite que nous en parlions. Nous sommes élus et élues pour répondre aux préoccupations de nos concitoyens et pas pour nous gargariser de mots et d'effets de manches ! C'est ce que veut la population, alors suivez la majorité !
Une voix. Bravo !
Mme Maria Roth-Bernasconi (S), rapporteuse de minorité. Moi aussi, j'ai été au parlement en 1989. Et il est vrai qu'à l'époque nos ordres du jour étaient moins chargés et que nos séances finissaient plus tôt.
Je crois toutefois que les problèmes de fonctionnement que nous rencontrons ont un lien avec la modification de la société, qui est devenue de plus en plus complexe. Les lois, de ce fait, le sont aussi devenues. Cela implique que nous devons parler plus longtemps. Je suis d'accord qu'il faut réglementer le temps de parole dans ce parlement, pas seulement pour les interpellations urgentes mais pour tous nos débats. L'avantage, c'est qu'en limitant son temps de parole, on apprend à être plus concis. Nous ne devons donc pas seulement mener cette réflexion pour les interpellations urgentes.
A mon avis, la proposition de M. Vanek est très mauvaise, mais j'ai bien compris que c'était une boutade... (Commentaires.)
La minorité pense qu'il est urgent de mener une réflexion sur une éventuelle semi-professionnalisation du parlement genevois. En effet, on peut déjà le constater, les bons et les bonnes députés sont des politiciens professionnels déguisés en miliciens... Le travail d'un bon ou d'une bonne parlementaire prend facilement un mi-temps. En ne professionnalisant pas ce parlement et en continuant à tricher, on ne permet, de fait, qu'à un petit nombre de députés, riches et favorisés, de siéger dans ce parlement ! (Exclamations.)
Regardez la composition de ce parlement ! Qui peut siéger ici ? Je crois qu'une enquête est en cours et je crois aussi savoir que la commission des droits politiques est en train de réfléchir à ce sujet. Le droit de parole est essentiel dans un parlement. Bien sûr, un parlement doit préparer des lois - c'est sa première fonction - mais les députés qui le composent doivent pouvoir s'exprimer. D'ailleurs le verbe «parler» est contenu dans le mot «parlement». Le parlement, c'est un peu notre agora à nous, où nous pouvons parlementer.
M. Pierre Weiss. Argumenter !
Mme Maria Roth-Bernasconi. Il me semble que la population veut aussi savoir ce que nous pensons de certains sujets et ce que nous demandons au Conseil d'Etat. Je suis d'accord que les interpellations urgentes n'ont aujourd'hui plus que le terme d'«urgentes» et qu'elles ne le sont souvent pas... Mais c'est aux députés de se discipliner... (Exclamations.)A gauche comme à droite !
Hier, il y a eu trente-quatre interpellations urgentes: dix-neuf à gauche et quinze à droite ! Cela n'a donc pas de rapport avec la gauche ou la droite: c'est une question de discipline !
Messieurs les députés, je vous supplie d'être plus disciplinés ! Ne punissez pas les députés disciplinés en faisant des lois qui nous privent tous et toutes de parole ! (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous terminons ce premier débat en nous prononçant sur l'entrée en matière de ce projet de loi. Nous procédons par vote électronique... (Remarques.)Nous avons sonné, nous avons fait tout ce qu'il fallait pour que les députés qui n'ont pas suivi le débat soient présents pour voter... Le vote est lancé.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 52 oui contre 23 non et 2 abstentions.
Le président. L'entrée en matière de ce projet de loi est adoptée.
Le deuxième débat - au cours duquel l'amendement de Mme Maria Roth-Bernasconi sera mis aux voix - et le troisième débat auront lieu à 20h30, puisque vous aviez voté l'urgence concernant ce point, avant la discussion sur le budget.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie et vous souhaite un bon appétit.
La séance est levée à 19h10.