République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 juin 2003 à 17h10
55e législature - 2e année - 10e session - 61e séance
PL 8790-A
Premier débat
M. Carlo Sommaruga (S). Compte tenu du mouvement de foule qui est en train de se faire, et avant que cette salle ne se vide et que le vote n'ait plus aucune consistance, je demande l'ajournement des débats. Cela nous permettra de reprendre ce sujet de manière sereine après l'été, à la rentrée...
Le président. Monsieur le député, je croyais que certains groupes souhaitaient traiter ce projet qui traîne depuis longtemps... Je mets simplement aux voix votre demande d'ajournement au 29 août, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 34 non contre 25 oui.
Le président. Le débat continue donc. Monsieur le rapporteur de majorité, avez-vous quelque chose à ajouter ? Monsieur Gros, vous remplacez M. Pierre Weiss. Vous avez la parole.
M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur de majorité ad interim. Je serai bref. Le rapport de majorité rédigé par M. Weiss montre très clairement que la commission, en procédant à des auditions et en demandant des renseignements, a véritablement étudié toutes les possibilités qu'il y a avait de l'usage de ce bâtiment.
Le rapport de minorité - je l'ai parcouru, sachant que je devais remplacer M. Weiss - montre bien qu'il s'agit d'une question purement idéologique, peut-être liée à la personnalité de M. James Fazy... Je ne sais pas ! J'ai constaté tout à l'heure que M. Sommaruga s'était pris d'un amour immodéré pour M. Fazy et je m'aperçois que M. Mouhanna lui porte le même amour... C'est très bien ! Mais les idées évoquées de ce que l'on pourrait faire de cette maison et de son terrain sont, sinon farfelues, du moins irréalisables...
Et la dernière proposition du rapporteur de minorité consiste à demander à l'université de réaliser des logements pour étudiants dans cette maison à un prix de 8 750 F le m2 restauré... Je vous laisse imaginer le coût de cette rénovation et le loyer qu'il faudrait demander aux étudiants qui y logeraient, même si, je le reconnais, ils seraient très privilégiés ! Cela ne me semble toutefois pas réalisable.
L'aliénation de cette maison rendrait service notamment à une institution d'utilité publique à Genève, qui, vous l'avez vu dans le rapport, n'a plus de moyens financiers pour poursuivre l'oeuvre qu'elle a entrepris à Genève. Toutes les études qui ont été faites sont concluantes: l'aliénation est le seul moyen à envisager.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. M. Gros vient de me prêter des sentiments d'amour à l'égard de James Fazy... Je ne vais pas le décevoir... Comme vous le savez toutes et tous, James Fazy et les radicaux de l'époque ont joué un rôle important dans l'édification de l'Etat républicain et de l'école républicaine. Et, pour ma part, j'ai toujours été fidèle aux valeurs de la République. Je ne peux pas en dire autant des héritiers de James Fazy.
Cela étant dit, je voudrais revenir à mon rapport de minorité. De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'un immeuble qui se trouve sur la commune de Chênes-Bougeries. Cet immeuble appartient, à hauteur de deux tiers, à l'Institut national genevois et, à hauteur d'un tiers, à l'université de Genève. En fait, il s'agit d'une villa, dont la surface utile est de plus de 400 m2 d'après les renseignements qui nous ont été donnés, située sur un terrain de plus de 15 000 m2. Cette villa avait été louée par l'Etat de Genève pendant un certain nombre d'années au prix de 160 000 F par année, et on vient nous dire maintenant que l'Institut national genevois a besoin d'argent, l'université aussi... Par conséquent, étant donné que cette villa semble avoir été évaluée, avec le terrain, à 4 millions de francs... (Brouhaha.)
Monsieur le président, je tiens à faire une remarque à ce stade de mon intervention, parce que vous ne suivez pas les débats... Vous avez prétendu tout à l'heure que vous aviez été sollicité par plusieurs groupes pour que le débat continue... Eh bien, Monsieur le président, les députés de ces groupes discutent ou partent, et personne n'écoute... (Exclamations.)Et je ne peux que constater que vous prolongez les débats quand ça arrange certains groupes et que vous les écourtez quand ça ne les arrange pas !
Je continue maintenant sur mon rapport de minorité...
Le président. Il s'agira de voter !
M. Souhail Mouhanna. Vous avez dit plusieurs fois que la séance finirait à 19h, et il est déjà 19h20 ! Il y en a marre de cette manière de diriger les débats, Monsieur le président ! Je continue...
Par rapport à cette villa et ce terrain, on nous dit que l'Institut national et l'université ont besoin d'argent... Que la villa ayant été évaluée à 4 millions de francs et le coût des travaux nécessaires atteignant 3 millions, il s'agit d'une somme très importante, que le coût des travaux est insupportable, et que, par conséquent, il faut vendre... Vendre signifie qu'il y a des acheteurs ! Acheteurs qui sont prêts à payer 3 millions de plus pour des travaux de rénovation pour une villa dont on nous dit qu'elle n'est absolument pas rentable pour l'Etat, lequel ne peut pas envisager de payer une telle somme, environ 7 millions. Etant donné qu'il est tout à fait exclu que l'Etat fasse ces travaux pour des questions de rentabilité mais qu'il se trouve des acheteurs potentiels prêts à payer ce prix, je commence à me poser beaucoup de questions par rapport à cette transaction immobilière, sur la manière dont elle est menée et sur sa destination...
Cela étant, dans les discussions que nous avons eues, nous avons avancé plusieurs possibilités. Je me suis étonné en particulier du fait que l'Etat ne se soit pas porté acquéreur... Il m'a été répondu que l'Etat ne pouvait pas payer la somme de 7 millions pour cette villa et le terrain, que cela coûtait trop cher au mètre carré - je crois 7000 ou 8000 F... Je précise toutefois que, lorsqu'on nous dit que les travaux de rénovation se montent à 3 millions, il s'agit de travaux pour des transformations de luxe. Personnellement, je pense que ce montant a été très exagéré, justement, pour faire accepter cette transaction !
D'autre part, l'Etat a besoin de locaux. D'ailleurs, lors des discussions que nous avons eues pendant l'audition de M. le président du département de l'aménagement, il nous avait été dit que l'Etat louait environ 25 000 m2 de surfaces pour un prix de 14 000 F par an le mètre carré.
J'ai fait une simple division... Comme il y a des extensions possibles, j'ai pris le minimum, soit 400 m2, divisé par 25, ce qui donne 16. Puis j'ai multiplié 16 par 14 000, ce qui nous amène à plus de 200 000 F. Plus de 200 000 F !
A supposer qu'entre l'acquisition et les travaux de rénovation l'Etat doive bien payer 7 millions, l'économie réalisée par celui-ci par rapport à l'acquisition et l'affectation aux besoins de tous les services - et il y en a beaucoup - serait réelle, puisque cela coûterait moins cher que les taux d'intérêts qu'il devrait payer sur un éventuel emprunt de 7 millions. Au niveau du calcul financier déjà, il y a un certain nombre d'éléments qui ne passent pas...
On nous dit par ailleurs que l'université a besoin d'argent et qu'avec le produit de la vente elle pourrait créer une bourse James Fazy... Une bourse ! C'est pour un étudiant ! On nous dit aussi que l'Institut national genevois a besoin d'argent pour poursuivre ses activités - il reçoit apparemment une subvention de l'Etat à hauteur de 90 000 F et l'université reçoit, comme vous le savez, des subventions à hauteur de plusieurs centaines de millions - et que l'argent qu'il pourrait récolter de cette vente servirait, en fait, à compenser ou à diminuer les subventions de l'Etat... Qu'il est de même pour l'université... Eh bien, justement, si l'Etat pouvait acheter la villa et ce terrain, il ferait l'économie des subventions qu'il devrait verser ! Il serait donc gagnant dans cette histoire ! D'autre part, nous savons que l'Etat devra trouver des locaux pour répondre aux besoins des différents services...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Mouhanna.
M. Souhail Mouhanna. Oui, je vais conclure, Monsieur le président ! Mais, ce qui est beaucoup plus important, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'il y a une autre affectation possible - et c'est cette affectation qui a notre faveur actuellement - je veux parler des besoins des étudiants en matière de logement. Or cette villa permet de loger des dizaines d'étudiants, ce qui ne représente pas l'équivalent d'une bourse, Mesdames et Messieurs les députés, mais de plusieurs bourses ! Et, de plus, l'Etat économiserait de l'argent !
En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité vous recommande de refuser cette vente et de demander au Conseil d'Etat de faire le nécessaire pour acquérir cet immeuble, de procéder aux transformations en vue de réaliser des logements étudiants et rendre le parc accessible à la population genevoise, en accord avec la commune de Chêne-Bougeries.
Le président. Vous avez parlé huit minutes, Monsieur le député... Monsieur Rodrik, vous avez la parole.
M. Albert Rodrik (S). Oui, nous assumons le fait que nous n'aimons pas beaucoup que les pouvoirs publics se défassent de bien fonds... Si c'est idéologique, nous l'assumons !
Mon allégeance principale ne va pas à James Fazy mais à Georges Favon, fondateur de la politique sociale dans ce canton.
Ce préalable étant posé, revenons au projet lui-même. L'Institut national genevois a besoin d'argent... En entendant parler de ces besoins d'argent et de la nécessité de vendre ce terrain, plusieurs voix se sont élevées, essentiellement à gauche, pour dire que c'était très bien, car cela permettrait de diminuer les subventions... Il faut croire que l'idée de renflouer l'Institut national genevois n'était pas si aberrante que cela !
L'université, quant à elle - qui, en principe, dispose de fonds - nous a dit qu'elle n'avait pas de projets particuliers... 260 millions du canton, un peu moins de la Confédération, tout cela pour des besoins énormes et inextinguibles en matière de formation, de recherche et d'enseignement... Alors, je me pose la question suivante: sommes-nous là, à propos de cette parcelle, pour imposer des tâches et des dépenses supplémentaires à l'université ? Cela ne paraît pas très adéquat.
Venons-en à l'usage que pourrait en faire l'Etat lui-même. En ce qui nous concerne - nous, les socialistes - nous ne prétendons pas, de l'extérieur, savoir exactement quels projets l'Etat pourrait promouvoir, qui soient économiques, utiles, etc. Nous sommes bien obligés, à un moment donné, de croire sur parole le représentant du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement. Et nous ne pouvons pas décréter de l'extérieur qu'il y a un usage intelligent de ce bien que l'Etat devrait assumer, et que, pour cette raison, nous lui interdisions de vendre. Par contre - nous ne le cachons pas, Monsieur Moutinot - nous ne sommes pas heureux que l'Etat doive se défaire de ce bien-fonds superbement situé.
Alors, entre la doctrine et le fait que nous ne nous sentons pas de gouverner depuis le parlement pour dire quel est le projet idoine que le gouvernement pourrait mener à chef, justement sur cette parcelle et de manière pertinente, nous nous abstiendrons, comme nous nous sommes abstenus en commission. Nous avons peut-être bien une arrière-pensée selon laquelle cette affaire pouvait être un peu mieux creusée, mais, en l'état, entre le déplaisir et ce que nous pensons pouvoir faire depuis le parlement, nous persévérerons à nous abstenir !
M. Christian Grobet (AdG). Avant d'aborder les propositions faites dans le rapport de minorité, je
dois dire que j'ai été extrêmement étonné que l'objet d'un legs, prévu par le testament de M. Jean Fazy - dernier héritier, je crois, de la famille Fazy - dont ont bénéficié deux institutions genevoises de renommée il y a douze ans à peine soit tout à coup mis en vente.
Je n'ai pas vu dans le rapport de majorité le texte du legs et, d'après ce que j'ai compris, il n'a même pas été évoqué en commission. J'avoue que je suis extrêmement inquiet.
Il y a une tradition qui fait, il faut le dire, l'honneur des familles bourgeoises de Genève en matière de legs. Et c'est grâce à toute une série de legs que notre cité a pu bénéficier de nombreux patrimoines de très grande qualité, qui constituent souvent, notamment avec les parcs au bord du lac, les fleurons de notre ville.
Jusqu'à présent, les autorités ont été très respectueuses des legs qui effectués au profit de la collectivité. Et j'aimerais bien qu'on nous dise ce soir quels sont exactement les conditions de ce legs... N'y en avait-il pas ? Dans quel contexte s'est-il fait ? En l'absence du document, je demande formellement que cette affaire soit renvoyée en commission pour examiner ce point très attentivement. Il serait en effet particulièrement scandaleux... (L'orateur est interpellé.)Ecoutez, le texte du legs n'est pas en annexe...
Une voix. C'est de l'improvisation !
M. Christian Grobet. Ce n'est pas de l'improvisation... (Le président agite la cloche.)Il y a un paragraphe à ce sujet, certes, mais le fac-similé du document concernant ce legs n'y figure pas ! Je trouve cela tout à fait anormal, et il faudrait à mon avis vérifier quelles ont été les conditions réelles de ce legs, et si l'intention de M. Fazy était que ce bien qu'il a donné à la collectivité soit vendu pour procurer de l'argent... Je doute beaucoup que ce soit là l'esprit de M. Jean Fazy, et je le dis d'autant plus volontiers qu'à l'époque où j'étais au département des travaux publics nous avions eu des contacts avec la famille Fazy en relation avec l'acquisition de biens qui sont situés à côté.
J'aimerais dire une deuxième chose. Tout à l'heure, plusieurs députés sont intervenus en matière de logement; ils ont déclaré qu'on ne pouvait pas imposer aux propriétaires privés d'utiliser leurs terrains pour construire des logements et qu'il était très important d'utiliser des terrains propriété des collectivités publiques pour ce faire... M. Blanc l'a rappelé pour des parcelles à Versoix... M. Reymond a fait son petit numéro... C'est vrai, il est important que la collectivité dispose de terrains, mais il est encore plus important qu'elle ne s'en départe pas !
La question qui se pose est de savoir si, oui ou non, ce terrain offre un potentiel constructible. C'est la deuxième raison pour laquelle je pense que ce projet doit être renvoyé en commission pour vérification. Pourquoi ? Parce que l'université connaît actuellement une grave pénurie de logements pour les étudiants... Et tout le monde fait semblant de se plaindre de cette situation... Le groupe de l'Alliance de gauche trouve que le Rectorat a été lamentable dans cette problématique de pénurie de logements pour les étudiants ! Je n'ai pas d'autres termes à employer: il a été lamentable !
L'université a effectivement la chance d'avoir reçu quelques immeubles - à la rue de Candolle, par exemple - qui pourraient très bien être affectés à des logements pour étudiants.
En ce qui concerne la maison de maître en question, il n'y a aucune raison de faire un projet de rénovation dispendieux de 1,5 million. Je connais cette villa pour l'avoir visitée il y a quelques années... Elle a certes été un peu abîmée par des squatters. Du reste, je déplore que l'université ait réussi - c'est un comble! - à laisser ce bâtiment historique à l'abandon et qu'elle l'ait laissé squatter. Elle n'a même pas été fichue de le mettre temporairement à la disposition de La CIGUE, qui obtient des contrats de confiance avec des privés pour du logement temporaire d'étudiants. La manière dont le Rectorat a traité ce bâtiment est une honte ! Mais toujours est-il que cet édifice peut faire l'objet d'une rénovation légère, non luxueuse, qui permettrait de loger beaucoup d'étudiants.
Je sais par ailleurs qu'il est tout à fait possible de réaliser des pavillons dans le jardin de cette villa, comme on l'a fait pour l'Institut des hautes études internationales. Ce n'est peut-être pas le meilleur exemple, puisque c'est dans un parc au bord du lac, mais toujours est-il qu'il y a des possibilités constructives.
Je rappelle que l'université a aussi laissé squatter l'immeuble de la rue de Candolle, qui est resté inoccupé pendant longtemps. Le Rectorat a pris l'engagement, il y a six mois, que cet immeuble serait utilisé pour du logement d'étudiants... Il n'y a rien de concret à ce jour !
Je trouve que c'est un peu fort de café de vouloir vendre à gros prix un domaine dans lequel cinquante à cent étudiants pourraient loger, entre la maison de maître et quelques pavillons autour, et de ne rien faire pour répondre aux besoins criants de construction de logements pour les étudiants !
Dernière remarque concernant l'Institut national genevois. Mesdames et Messieurs, j'ai beaucoup de respect pour cette ancienne institution genevoise, mais quelles sont ses activités aujourd'hui ? Organiser de temps en temps des conférences ! Elle n'a nul besoin de recevoir 2 millions de francs dont elle ne sait que faire ! On est véritablement en train de liquider un bien qui pourrait servir, à bon marché, à la réalisation rapide de logements pour les étudiants.
Le président. Monsieur le député, la commission des finances a eu de nombreux renseignement sur les origines du legs Robert Fazy, le juge fédéral. Je n'ai pas à intervenir dans le débat, mais le rapport est en effet lacunaire par rapport aux nombreux renseignements que nous avons obtenus. L'Institut national genevois possède les deux tiers de ce bien. Il en possédait la totalité à l'origine, mais l'université a réussi à en obtenir un tiers dans les années 50.
Je vous donne la parole, Monsieur Spielmann.
M. Jean Spielmann (AdG). Je vais être relativement bref, parce qu'il est déjà tard...
Des arguments ont été apportés dans ce débat, dont l'un consiste effectivement à se demander s'il est utile de sacrifier ce terrain par rapport à son origine historique et au legs qui a été évoqué tout à l'heure, sans avoir véritablement reçu toutes les informations, puisque, Monsieur le président, elles ne figurent pas dans ce rapport !
Je développerai un autre argument. Nous n'avons pas forcément besoin de ce terrain en particulier, mais, on a pu le constater tout à l'heure, il est très difficile d'avoir des terrains constructibles et les possibilités d'échanges sont réduites. La plupart du temps, ce n'est pas avec de l'argent que l'on peut convaincre un propriétaire de quitter son terrain pour construire des logements, mais ce serait peut-être possible si on avait un terrain à offrir en échange... Or, ce type de terrain et ce type de villa, de par leur tituation, pourraient très bien faire l'objet d'un échange dans le cadre d'une réalisation importante de logements sociaux. C'est un aspect qu'il ne faut pas négliger, et je crois que le peu d'argent qu'on arrive à récupérer de la vente de cet immeuble ne justifie pas qu'on brade ce patrimoine public, qui, à mon avis, doit rester en mains de l'Etat. Cela a été dit au niveau des besoins immédiats, et tout ce qui a été dit à ce sujet par M. Grobet et par M. Mouhanna est tout à fait sensé. A mon avis, le fait de pouvoir se servir de ce terrain comme monnaie d'échange dans le cadre de réalisations de grands projets me semble un argument supplémentaire.
Le meilleur sort que nous pouvons réserver à ce projet est de le renvoyer en commission, voire de refuser l'aliénation de ce terrain.
M. Claude Blanc (PDC). L'Alliance de gauche mène un combat d'arrière garde... La commission des finances n'a pas voté ce projet la tête dans un sac !
M. Moutinot nous a dit que ce legs ne comportait pas de conditions... Je n'ai pas les détails, mais M. Moutinot vous les donnera probablement tout à l'heure. C'est la première chose.
Deuxième chose: il s'agit d'une maison de maître qui, pour être utilisable, doit être retapée. Mais elle ne peut en tout cas pas subir des transformations qui la dénatureraient parce que la commission des monuments, de la nature et des sites - dont vous vous êtes bien gargarisés hier soir, Messieurs - ne l'autoriserait pas. C'est une maison qu'on ne peut pas démolir et qu'on doit rénover comme elle est. Cela signifie qu'elle ne peut convenir qu'au genre de personnes pour lesquelles elle a été construite. La meilleure solution serait donc de pouvoir la vendre à quelqu'un qui en ferait le meilleur usage. Pour ce qui est du terrain - c'est vrai qu'il y a une belle surface à côté - il n'est pas constructible, car il est en pente très raide du côté de l'Arve et trop près de la route de l'autre côté. Il n'y a donc pas de possibilité de construire - c'est en tout cas l'avis du département de l'aménagement qui nous a été donné en commission...
M. Christian Grobet. T'es allé sur place ?
M. Claude Blanc. J'ai fait confiance au département de l'aménagement, moi, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. Va sur place !
M. Claude Blanc. J'ai fait confiance au département de l'aménagement, et c'est en toute connaissance que j'ai voté ce projet. Parce que l'Etat n'a pas l'usage de cette propriété, parce que l'université ne peut pas en avoir l'usage, et parce que l'Institut national genevois a besoin d'argent ! D'autre part, si les choses ont tant duré, c'est, il faut tout de même le savoir, parce que l'Institut national et l'université étaient en conflit sur la propriété de ce terrain. Ils ont trouvé une cote mal taillée pour régler le conflit consistant à vendre la propriété et se partager l'argent. Je pense que c'est une bonne solution ! L'Etat n'a pas besoin de ce terrain ni de ce bâtiment, et l'université pourra faire un meilleur usage de l'argent qu'elle recevra, de même que l'Institut national. Alors, je vous en prie !
Je sais bien que chaque fois qu'il y a un projet d'aliénation d'un bien public, vous vous y opposez pour des raisons de principe. C'est parfois justifié, mais, en l'occurrence, ce n'est pas le cas, car on ne sait pas quoi faire de cet objet qui a un passé. Il vaudrait mieux qu'il soit en main d'une personne qui pourrait le mettre en valeur et qui pourrait être un excellent contribuable, dont nous aurions bien besoin par les temps qui courent.
M. Jacques Baud (UDC). Je vais être bref. Comment est-il possible que l'Institut national et l'université, qui possèdent une maison aussi belle, une propriété aussi extraordinaire, l'aient laissée dans un tel abandon ? Je ne dirai pas le mot qui me vient à la bouche, parce que ce serait grossier...
Je poserai néanmoins une question: quelles sont les conditions de ce legs ? Et je ferai la remarque suivante: notre grand James Fazy a vécu dans cette bâtisse, et rien qu'en souvenir de lui nous ne pouvons pas en faire n'importe quoi. Quand on possède une telle propriété, on ne la jette pas aux orties. Ce n'est pas admissible !
Je pense qu'il faut renvoyer ce projet en commission pour qu'on l'examine à nouveau.
Le président. James Fazy n'a jamais vécu dans cette propriété... Monsieur Pagani, vous avez la parole.
M. Rémy Pagani (AdG). Lorsque nous avons discuté du plan d'aménagement cantonal, nous avons aussi évoqué la politique foncière de l'Etat, et nous avons toujours dit que nous n'étions, par principe, pas tellement favorables à ce que l'Etat vende ses bien-fonds, parce que, de manière générale, nous en manquons cruellement. En effet, chaque fois qu'une administration se trouve à l'étroit dans ses locaux, c'est la croix et la bannière pour en trouver des nouveaux. Par exemple, le service du Tuteur général va bientôt déménager dans l'immeuble PKZ au boulevard Georges-Favon, ce qui va coûter une fortune. On parle de 9 millions par an de loyer... Tout cela pour permettre à ce service de fonctionner à peu près correctement dans des locaux qui lui sont exclusivement réservés.
Je trouve que, d'un point de vue général, l'Etat ne doit pas de se départir de ses biens, et il est inscrit dans le plan d'aménagement cantonal qu'il ne peut le faire qu'à titre exceptionnel et après avoir tenté de procéder à un échange. Or en l'occurrence, je n'ai vu nulle part que le Conseil d'Etat avait envisagé la possibilité d'échanger ce terrain contre un autre qui serait situé en ville et que des promoteurs pourraient mettre à disposition. De ce point de vue, je trouve que le travail n'a malheureusement pas été fait complètement.
Je soutiens donc la proposition de mes préopinants de renvoyer cette affaire en commission, car il me paraît essentiel, du point de vue de la dynamique propre de l'Etat, de trouver une autre solution. Et je ne parle pas du problème que nous allons de nouveau rencontrer en septembre pour loger les étudiants ! Nous avons eu une crise en septembre de l'année dernière, dont je vous rappelle les effets: les étudiants ont dû occuper des logements, notamment au 1, rue Gevray. Ces étudiants vont à nouveau se trouver à la rue, puisque cet immeuble sera repris par les promoteurs du Richemond - d'après mes informations, mais le président du département pourra le confirmer - et nous allons nous retrouver dans la même logique.
Je plaide donc pour le renvoi de ce projet de loi en commission, pour que soit envisagé un échange de terrains, car il y a un sûrement un propriétaire ou un promoteur qui serait intéressé, ou pour que soit examinée la possibilité de construire des pavillons provisoires sur ce terrain.
J'aimerais dire enfin - M. Kunz est là, mais il ne dit rien... Heureusement, d'ailleurs ! - que je trouve bizarre que l'Institut national genevois ait tout d'un coup des velléités de s'agrandir ou de fonctionner autrement... Jusqu'à ces quinze ou vingt dernières années, l'Institut national s'est en effet contenté d'organiser des conférences, très intéressantes du reste. Toujours est-il que je me demande ce que cache cette soudaine volonté d'expansion de cet institut, qui réclame 6 ou 10 millions pour fonctionner... Qu'est-ce que cela signifie ? J'aimerais bien en savoir plus. A-t-il été établi en commission que l'Institut national avait besoin de cet argent ? A mon avis, il n'est pas nécessaire de doter cet institut de plus d'argent qu'il n'en a besoin pour bien fonctionner, ce qui a été le cas jusqu'à maintenant.
Le président. Je donnerai la parole à M. Mouhanna, à M. Moutinot, puis je mettrai aux voix la proposition de renvoyer ce projet en commission. Si celui-ci est rejeté, nous voterons sur l'entrée en matière. M. Mouhanna, vous avez la parole.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. M. Baud a parlé du bradage de ce legs... Je suis tout à fait d'accord avec lui. Je lui rappelle simplement que ce bradage ne concerne pas seulement cet héritage... Beaucoup d'autres aspects de l'héritage James Fazy sont bradés par ses héritiers spirituels ! (L'orateur est interpellé.)Oui, oui ! Vous savez bien, comme l'a dit M. Weiss dans son rapport, que nous avons auditonné M. Kunz, qui est président de l'Institut national genevois. Et nous connaissons par conséquent sa position par rapport aux idées de M. James Fazy...
Cela étant dit, je remarque qu'il est écrit dans le rapport que l'Etat avait loué cette maison pour un montant de 160 000 F par année. L'Institut du management international et l'Institut de développement étaient installés dans ce bâtiment. On ne peut donc pas dire, comme M. Blanc, qu'on ne peut rien en faire. Maintenant, comme nous l'avons vu, l'Etat peut économiser plus de 220 000 F, à supposer que ce ne sont pas des logements d'étudiants.
Le seul argument qui avait été avancé quant aux propositions que nous avions faites en commission des finances - je parle des représentants des députés de l'Alliance de gauche - était que les transformations semblaient somptuaires, alors que, comme je l'ai dit précédemment, le montant articulé de 3 millions a été nettement exagéré par ceux, précisément, qui voulaient à tout prix brader cette villa et son terrain.
Pourtant, certains, ici, n'ont pas eu beaucoup d'états d'âmes quand le Grand Conseil a voté à fonds perdus - à fonds perdus! - 5 millions de francs pour récupérer le centre de Cressy Bien-Etre ! Je voulais quand même vous le rappeler ! Vous venez nous dire maintenant que la rénovation de cette maison représente des dépenses somptuaires, mais vous avez été moins regardants quand vous avez jeté 5 millions pour rattraper la gestion désastreuse de Cressy Bien-Etre ! Je constate véritablement que, selon les situations, votre logique est tout à fait différente...
Un tout dernier point, Monsieur Lescaze, vous avez dit tout à l'heure que le rapport était incomplet... Je suppose que vous parlez du rapport de M. Weiss et non du mien !
Le président. Tout à fait !
La parole est donnée à M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Je partage la colère, ou l'indignation, ou les regrets exprimés par plusieurs d'entre vous quant à l'état de cette maison, quant à sa mauvaise utilisation, quant au laisser-aller dont ont fait preuve les propriétaires.
Je vous rappelle que l'Etat n'en est pas propriétaire. A partir de là, on peut se demander si, dans la maigre enveloppe d'investissement qui nous est allouée, cet objet a une priorité suffisante pour justifier de dépenser le montant nécessaire à son acquisition plus les transformations, même si on peut diverger sur l'importance du coût de ces dernières... Ou s'il appartient à l'université et à l'institut d'en faire autre chose...
En ce qui me concerne, je ne suis pas d'accord, et je le dis très clairement. En fonction des moyens qui me sont accordés et selon les priorités en la matière, je ne suis pas d'accord d'acheter cette maison.
Pour ce qui est des conditions du legs, je vous avoue ne pas les connaître. Nous étions deux départements rapporteurs, et ce n'est pas moi qui ai donné ces informations...
M. Claude Blanc. C'est le secrétaire général !
M. Laurent Moutinot. Mon secrétaire général ? Je n'ai pas vu le legs, donc je préfère ne pas me prononcer à ce sujet... Tout ce que je sais, c'est que ce type de maisons sont extraordinairement difficiles à gérer dans la durée. On en a un certain nombre, plus ou moins similaires, dont les sorts sont plus ou moins variables. Quoi qu'il en soit, c'est toujours difficile et cela coûte cher. Je pense à la villa Frommel, dont vous connaissez certainement l'histoire.
Nous avons bien entendu pensé à examiner les capacités constructives de ce terrain, cela a été notre première préoccupation, mais elles sont nulles ou quasi nulles, pour les raisons rappelées à juste titre par M. Blanc: la forêt, la pente, la valeur patrimoniale de la maison. De ce point de vue, l'intérêt de l'Etat n'est donc pas justifié.
La position du Conseil d'Etat a alors été la suivante: dès lors que les deux autorités en question, l'université et l'Institut national genevois, sont indépendantes, autonomes, et qu'elles demandent la vente, c'est à vous de répondre à cette requête. Nous n'avons pas fondamentalement d'objection à cette vente, mais nous regrettons, comme plusieurs d'entre vous, l'issue de cette affaire.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur le renvoi en commission proposé par M. Grobet... Vous voulez retirer votre proposition, Monsieur Grobet ?
M. Christian Grobet (AdG). A propos du renvoi en commission, je constate que le président du Conseil d'Etat n'a pas les documents en main et qu'il n'est donc pas en mesure de nous donner les indications voulues concernant les conditions du legs. Par conséquent, j'estime, par déférence aux personnes qui ont fait ce legs, que nous devons nous assurer que les conditions sont respectées. Et je pense que le texte de ce legs aurait dû être annexé au rapport pour que nous en ayons la garantie.
A mon avis, nous n'en sommes pas à deux mois près et il est important que ce point soit éclairci. A défaut du renvoi en commission, je demande l'ajournement de ce point jusqu'à fin août pour que les documents voulus soient communiqués aux députés.
Le président. Monsieur Kunz, vous avez la parole. (Exclamations.)
M. Pierre Kunz (R). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais... (Brouhaha. Remarques.)Je suis d'accord... Je suis président de l'Institut national genevois...
J'aimerais juste dire à M. Grobet qu'il est clairement indiqué dans le rapport que le legs ne prévoit pas de dévolution particulière du bien. Je confirme ces termes pour que l'assemblée soit clairement orientée sur ce point.
Le président. Merci, Monsieur le député !
Mesdames et Messieurs les députés, Je mets d'abord aux voix, le renvoi en commission de ce projet de loi, proposé par M. Grobet. Si ce renvoi est rejeté, je mettrai aux voix l'ajournement, proposé également par M. Grobet, et, si celui-ci est refusé, nous voterons l'entrée en matière.
Nous votons donc sur la proposition de renvoi en commission de ce projet de loi au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 28 non contre 25 oui et 1 abstention.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition d'ajournement, toujours au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 28 non contre 23 oui et 3 abstentions.
Le président. Je mets maintenant aux voix l'entrée en matière de ce projet de loi en premier débat, également au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 29 oui contre 15 non et 9 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2.
Troisième débat
Le président. Le troisième débat étant demandé, je mets le projet de loi aux voix dans son ensemble. Je remercie M. Kunz, qui n'a toujours pas pris part au vote, de continuer à le faire... (Rires.)Il n'a pas pris part au vote ! Il faut le faire remarquer pour qu'on ne nous le reproche pas... Le vote est lancé.
La loi 8790 est adoptée article par article.
La loi 8790 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 26 oui contre 18 non et 9 abstentions.