République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 juin 2003 à 20h30
55e législature - 2e année - 9e session - 54e séance
M 1547 et objet(s) lié(s)
Début du débat sur le G8: séance 51 du 12.06.2003
Suite du débat
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous traitez de la motion 1547, qui demande la création d'une commission d'enquête, vous avez, immédiatement après, une motion 1548, qui demande sensiblement la même chose.
Le Conseil d'Etat est d'accord d'organiser une commission chargée principalement, sur la base d'une analyse de ce qui s'est passé pendant le week-end du G8 à Genève, de faire des propositions, des suggestions, qui permettent d'éviter que ne se reproduisent des événements dont personne ne veut, par l'ensemble des mesures qui peuvent s'avérer adéquates.
Il faudra que cette commission soit bien entendu composée de personnalités représentatives des différentes matières à traiter, bien entendu représentatives des différents courants de pensée.
Je puis d'ores et déjà vous annoncer que le Conseil d'Etat entend mettre cette commission sur pied. Il est beaucoup plus raisonnable qu'elle soit extra-parlementaire, de manière que, faisant un travail dont l'objectivité ne pourra être soupçonnée, vous puissiez ensuite en tirer les conclusions politiques qu'il vous plaira, en fonction de vos options politiques, plutôt que de charger votre Grand Conseil d'un exercice assez difficile consistant à faire une analyse objective d'abord, pour la commenter subjectivement par la suite.
Nous vous demandons par conséquent, dans le cadre des travaux que vous avez maintenant sur ces deux motions, de tenir compte de cette volonté du Conseil d'Etat de mettre sur pied une telle commission dont le but ne consistera pas dans le fait de refaire l'histoire et de déterminer les responsabilités, mais bien de faire des propositions constructives, qui nous permettent d'aller de l'avant.
Je souhaite dès lors que vos votes et que la manière dont vous organiserez vos travaux sur ces deux motions nous permettent à nous, Conseil d'Etat, de mettre cette commission que nous souhaitons organiser - sans que nous nous trouvions dans une situation institutionnellement bizarre où vous prendriez l'initiative d'enquêter de votre côté, pendant que le Conseil d'Etat le ferait du sien.
Je sais que l'un des points d'achoppement sur cette question porte sur la désignation des membres de cette commission. Il me semble légitime que cette désignation revienne au Conseil d'Etat. Toutefois, afin de ne pas froisser des susceptibilités, nous pouvons imaginer que le Conseil d'Etat consulte le Bureau du Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je vous rappelle que nous avons un certain nombre d'amendements, hier la liste des orateurs a été clôturée.
M. Christian Brunier (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il me semble qu'hier soir nous nous trouvions sur les lieux d'un accident, dans ce parlement. En principe, lorsqu'il survient un accident, il y a toujours quelqu'un qui arrive un quart d'heure après l'accident, qui n'a donc rien vu, et qui vous explique qui est fautif et responsable, ce qu'il aurait fallu faire afin d'éviter l'accident. Eh bien, c'est un cas de figure que j'ai eu l'impression de reconnaître hier, c'est-à-dire que beaucoup de gens qui n'ont jamais été sur le terrain, qui n'ont pas vu grand-chose, nous expliquaient qui était responsable.
J'ai entendu que le Forum social lémanique soutenait la violence, était coupable, et il y a eu des attaques, entre autres, assez lamentables, contre notre collègue Hodgers. (Brouhaha.)
J'aimerais vous lire un courrier très bref, que je juge important. (Exclamations. Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît... ça commence mal... calmez-vous ! Messieurs... (Le président agite la cloche.)Monsieur Kunz, retournez à votre place ! Monsieur Brunier, reprenez, sans prendre les gens à partie !
M. Christian Brunier. Monsieur Annen, écoutez ce que je vais dire et vous verrez que je suis pleinement en mesure de parler de la motion !
Vous avez donc violemment critiqué le FSL (Exclamations. Le président agite la cloche.)
Le président. Je ne peux pas empêcher que les gens chahutent, essayez de garder votre calme et de maintenir un peu de dignité ! Monsieur Brunier, continuez !
M. Christian Brunier. Je vais donc vous lire ce petit courrier...
Des voix. Non ! (Exclamations. Chahut.)
M. Christian Brunier. Mesdames et Messieurs les députés, vous ne voulez pas vous entendre relater des faits qui vous dérangent. Je vais lire ce courrier ! (Rires et exclamations.)«Nous souhaitons remercier toutes les personnes que vous aviez chargées de la sécurité en vue de la manifestation pacifiste du 1er juin 2003. En effet, grâce à une intervention rapide de M. Hodgers, ainsi que de ses collègues... (Exclamations.)...ont réussi à décourager des personnes malveillantes, qui n'avaient pour objectif que de saccager sans distinction et jeter le discrédit sur les participants de la manifestation. Nous avons appris que M. Hodgers a été frappé lors de cette altercation... (Brouhaha.)...et nous espérons qu'il ne gardera aucune séquelle de ces actes de violence gratuite. En protégeant nos locaux, M. Hodgers et ses collègues, ont empêché que de graves déprédations soient infligées à l'office de poste de Malagnou.»
Cette lettre, Mesdames et Messieurs les députés, c'est la Poste qui l'a écrite au FSL, preuve que ce dernier a assuré son rôle ayant pris des risques pour protéger les locaux de la poste, patrimoine public.
Hier, M. Portier...
Une voix. Parlez-nous de la motion !
M. Christian Brunier. J'y viens, à la motion, on parle d'une commission d'enquête Monsieur. Je reviens sur la déclaration de M. Portier, puisque ce dernier, avec un grand sens de la mesure, a qualifié certains observateurs parlementaires de traîtres, nous condamnant parce qu'il jugeait que nous sommes sortis de notre rôle parlementaire. (Brouhaha.)
Oui, nous sommes sortis de notre rôle parlementaire, et je vais vous expliquer pourquoi. (Brouhaha.)
Premièrement, la plupart des fois que nous sommes sortis de notre rôle, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le chef de la police lui-même qui nous a demandé de venir sur les lieux. (Brouhaha.)Monsieur le président, il n'est pas possible de travailler dans de pareilles conditions ! (Le président agite la cloche.)
Le président. Monsieur Brunier, j'aimerais tout de même que vous parliez de la motion et non pas de ce que vous avez fait il y a trois jours. La discussion a été bloquée sur la motion 1547, vous avez maintenant une proposition du Conseil d'Etat qui a été faite, vous avez un certain nombre d'amendements, votre parti a lui-même proposé la motion 1548, je souhaiterais que vous restiez dans le contexte du sujet.
M. Christian Brunier. Monsieur le président, je me situe justement dans le sujet... (Exclamations.)Nous avons été, hier, insultés et calomniés pendant une bonne partie de la soirée... (Brouhaha. Exclamations.)Nous avons écouté la droite dans le calme...
Le président. ...relatif, relatif !
M. Christian Brunier. ...nous sommes en train d'argumenter pour vous expliquer que nous nous prononçons en faveur d'une commission d'enquête... (Chahut. Exclamations.)
Le président. Monsieur Desbaillets, s'il vous plaît !
M. Christian Brunier. Je le redis. Si nous sommes sortis de notre rôle parlementaire, c'est souvent à la demande de la police, qui malheureusement ne disposait pas, sur les lieux des manifestations, des médiateurs capables de créer le dialogue avec les manifestants, à des moments où ce dernier était essentiel.
M. Portier est venu vers moi, à la Madeleine, pour me dire que je prenais trop de risques et que j'étais sorti de mon rôle. Et j'ai appelé le chef de la police afin de lui dire que nous étions en dehors de notre rôle, que ceci n'était pas normal, et que nous demandions que la police envoie immédiatement des médiateurs sur le terrain, ce qui n'a pas été fait.
Certains parlementaires de droite sont sortis de leur rôle, et ils ont eu raison de le faire. M. Mettan, lorsqu'il s'est placé devant les vitrines des jouets Weber pour les protéger du pillage, a eu raison de le faire. Nous sommes plusieurs à l'avoir fait, et je ne le regrette pas.
Hier soir, au sujet du pont du Mont-Blanc, plusieurs d'entre vous ont attaqué les parlementaires de gauche. J'aimerais préciser certains faits mais cela ne vous intéresse visiblement pas du tout... (Exclamations.)
Le président. Monsieur Brunier, il vous reste deux minutes... (Exclamations. Chahut.)Veuillez terminer, Monsieur Brunier ! Monsieur Grobet, je vous remercie de vos bons conseils, seulement M. Brunier ne parle pas de la motion 1547, je suis navré de le constater. Je prie maintenant le côté droit de l'assemblée de bien vouloir écouter M. Brunier, qui n'en a plus que pour deux minutes. (Chahut.)
M. Christian Brunier. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez déjà soutenu l'interdiction de manifester, aujourd'hui vous interdisez manifestement le droit de débattre, je trouve que vous avez une drôle de notion de la démocratie. (Le président agite la cloche.)Je m'arrêterai ici, je vois bien que c'est inutile de poursuivre... (Applaudissements.)Je vais juste vous dire que ce parlement se montre incapable de débattre, de mener une commission d'enquête.
Nous appuyons la proposition gouvernementale de mettre sur pied une commission extra-parlementaire d'experts indépendants, puisque ce parlement n'est plus capable de travailler.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de rester calmes !
M. Sami Kanaan (S). Mesdames et Messieurs les députés, depuis le début de la session d'aujourd'hui, un certain nombre de députés raisonnables de tous bords ont essayé de savoir s'il était possible d'arrêter ce débat qui s'avère n'être qu'une mascarade puisqu'aucune solution, aucune explication concrète ne sont amenées.
Je ne compte pas le nombre de gens qui m'ont dit : «Mais qu'est-ce que vous foutez ? Il y a eu des problèmes, analysez-les, vous avez chacun vos opinions, mais de là à vous engueuler comme des charretiers au marché le matin, ce n'est pas sérieux et ce n'est pas crédible».
Nous débattons en ce moment d'une motion qui propose une commission d'enquête parlementaire. Les radicaux et les socialistes ont eu le même réflexe - et d'ailleurs les motions sont très proches à quelques exceptions près concernant la liste des sujets examinés - j'ai même sollicité hier le chef de groupe radical afin de savoir s'il était possible de s'entendre sur un mandat commun sur la liste des sujets, chacun faisant ensuite la lecture des résultats. Par exemple, la motion socialiste ajouterait à sa liste le fonctionnement du Palais de justice, ainsi que de la police. Nous avons fait figurer les observateurs parlementaires dans notre motion, nous avons fait figurer la FSL, nous sommes prêts à examiner tous les aspects de cette question ouvertement mais pas à coup d'insultes, comme c'est en train de se passer.
Il y a eu des amendements. Comme le groupe socialiste pensait que sa motion avait peu de chances de passer justement parce qu'elle est émise par les socialistes - vu l'état d'esprit de ce parlement, qui juge que tout ce qui est socialiste est catastrophique et dramatique, et que nous sommes cause de tous les problèmes de cette République - nous avons proposé un amendement à la motion radicale, qui la complète sur certains points difficilement réfutables si l'on entend mettre sur pied une commission d'enquête parlementaire digne de ce nom.
En revanche, l'amendement libéral est le fruit d'une véritable supercherie : ceux-là même qui, hier, distillaient la haine et l'insulte, nous reprochant tous les maux de cette République, sont ceux qui proposent un amendement consistant à créer une commission bidon, qui n'existe dans aucun type de règlement, aucune loi, car le Grand Conseil ne crée pas de commission d'enquête extra-parlementaire. De ce point de vue, je salue la proposition du Conseil d'Etat, c'était la tentative de compromis que certains ont essayé de négocier aujourd'hui, alors qu'un tout petit groupe, petit mais qui semble jouir de beaucoup d'influence sur les bancs de l'Entente, le «Weiss Block» qui est d'ailleurs de plus en plus brunâtre, a cassé ce compromis.
Nous sommes toujours prêts à faire ce compromis. Nous sommes prêts à retirer notre motion... (Manifestation dans la salle.)
Le président. Monsieur Kanaan, modérez vos propos ! (Le président agite la cloche.)
M. Sami Kanaan. ...parce que nous accordons la priorité à ce qu'une enquête sérieuse soit menée sur ce qui s'est passé le week-end dernier, sur tous les aspects que cette question comporte. Ceci d'autant plus que les premières réponses obtenues sur certains sujets tout à l'heure ne nous ont pas du tout convaincus. Il se peut qu'une commission extra-parlementaire soit plus sereine qu'une commission parlementaire. Elle doit cependant être impérativement mise en place par le Conseil d'Etat, parce que c'est de la sorte que le système fonctionne correctement.
Mes chers collègues, je suis un peu surpris. Il y a eu un week-end difficile ainsi que des dégâts perpétrés, à Genève. Des amis en provenance de l'étranger qui m'affirment que ces dégâts sont moindres à plus d'un titre, aussi graves et inadmissibles soient-ils. Ils sont moindres par rapport à ceux qui ont été occasionnés par les autres sommets du G8 récents. Ils sont moindres que ceux occasionnés par les manifestations anti-OMC en 1998.
M. Bernard Annen. C'est un regret ?
M. Sami Kanaan. Ce n'est certainement pas un regret, arrêtez de dire des conneries, Monsieur Annen ! (Exclamations.)Si M. Annen me soupçonne de favoriser la violence, je réponds. Mais pourquoi tant de haine et de ressentiment dans ce parlement depuis ce week-end ? Au-delà du rôle que doivent avoir les observateurs parlementaires, et nous pouvons parler de cette question ainsi que de la gestion de la manifestation et du service d'ordre, du rôle de la police et du Palais de justice, mais pourquoi tant de violence ?
Cela a d'ailleurs été dit hier, peut-être que certains sont terrorisés par le fait que Genève devienne une ville comme les autres, qu'elle ne peut pas être une ville riche sans en subir les conséquences, de temps en temps. Une autre chose vous gêne également : on a dit que parmi les casseurs, beaucoup provenaient des banlieues françaises voisines et de Suisse allemande, mais il y avait aussi des fils et des filles de bonnes familles genevoises. Cela dérange, mais au lieu de nous accuser nous, socialistes, posons-nous ces questions de manière sérieuse, peut-être que nous réussirons à avancer !
Je le répète : soit nous nous mettons d'accord sur la proposition du Conseil d'Etat, qui est raisonnable, on gèle tous les textes et le parlement garde tous ses droits, on reprend la discussion lorsque le résultat de l'enquête aura été rendu dans quelques mois - il faut évidemment que le Conseil d'Etat nous promette diligence et sérieux en la matière ; soit nous repartons dans la discussion, et, concernant la motion 1547, nous avons un amendement qui complète le mandat, ou alors nous fusionnons les deux textes et nous envoyons les deux motions en commission de contrôle de gestion pour que cette dernière arrange un mandat à quinze et non pas à cent.
M. Gilbert Catelain (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je regrette que les événements du 1er et du 2 juin aient dégradé les relations entre les membres de ce parlement, d'une part, et entre le parlement et le Conseil d'Etat, d'autre part - Conseil d'Etat qui se montre sur la défensive et qui n'entre pas en matière sur les critiques fondées qui lui sont parfois soumises.
Le groupe UDC a également envisagé la création d'une commission d'enquête parlementaire, qui permettrait de dépassionner le débat et de rétablir une relation non conflictuelle entre ce même parlement et le Conseil d'Etat. Il y a renoncé pour différentes raisons.
Première raison : l'impartialité. La composition d'une commission impartiale, alors que de nombreux députés ont participé, soit en qualité d'observateurs, soit en qualité de manifestants, aux événements des 1er et 2 juin, risque de se révéler difficile voire impossible.
Deuxième raison : l'efficacité. Nous doutons que les travaux de cette commission parlementaire soient objectifs et pris en compte, pour l'avenir. Nous relevons que cet exercice a déjà eu lieu par le passé en 1998. Force est de constater qu'il n'a pas débouché sur grand-chose. J'observe que certains députés, hier soir dans cette salle, en ont contesté d'importants éléments, notamment la police genevoise de disposer d'informations préalables et d'anticiper les événements. J'observe également que certaines recommandations proposées dans le rapport de la commission ad hoc, constituée à l'occasion d'événements violents de 1998, sont également en cause dans les événements du 1er et 2 juin - notamment dans les violences subies lors du 31 mai. Je pense notamment à des moyens d'observation dont on s'est privé et qui auraient pu s'avérer forts utiles à cette commission parlementaire.
Le groupe UDC estime que cette commission doit être impartiale et, par conséquent, extra-parlementaire. Nous soutenons la proposition libérale et la proposition du Conseil d'Etat. Elle devra procéder à un état des lieux en tenant compte des enseignements que pourront nous apporter nos voisins vaudois et la Confédération, tous deux partie prenante à la sécurisation du sommet d'Evian.
En conséquence, le groupe UDC vous propose d'adopter son amendement, qui propose d'ajouter l'invite suivante : à confronter son analyse de la situation genevoise aux enseignements de la situation vaudoise, les mêmes causes n'ayant pas provoqué les mêmes effets.
Le groupe UDC soutiendra l'amendement libéral demandant à créer une commission extra-parlementaire de trois membres. Le groupe UDC estime que le champ d'activité de cette commission extra-parlementaire doit être le plus large possible. Aussi juge-t-il regrettable et fondamentalement discriminatoire l'amendement socialiste visant à restreindre le champ d'activité de cette commission, principalement sur le fonctionnement de la police. Il est évident que la police genevoise se trouve aux soins intensifs. Je crains pour ma part que la conduite politique de la crise a eu et aura de graves répercussions sur le moral des troupes et sur le recrutement. Son disfonctionnement, dont les causes sont largement connues, doit être pris en compte par la commission. Il ne doit cependant servir de bouc émissaire.
Nous estimons tout aussi essentiel que la commission se penche sur le choix politique dans lequel la pesée d'intérêts effectuée par le Conseil d'Etat entre la liberté d'expression et la protection des biens et des personnes a largement bénéficié à la première au détriment de la seconde, malgré les enseignements tirés des événements du cinquantième anniversaire de l'OMC en 1998.
En résumé, le spectre d'investigation doit couvrir trois champs d'action principaux : le fonctionnement de l'Etat, au sens large; les relations entretenues entre le Conseil d'Etat et le Forum social lémanique - dont on ne sait toujours pas quelle est sa légitimité; le rôle des observateurs parlementaires et les interférences entre le législatif et l'exécutif.
Je porte à votre sagacité les éléments suivants. On se félicitait hier de ce que les manifestations du 1er juin ont le mérite de n'enregistrer aucun mort, or je vous affirme que ceci est faux. Les barricades érigées pacifiquement ont entraîné le décès d'une personne devant se rendre à l'hôpital, parce que son transfert n'a pas été possible à effectuer.
Nos voisins français ont estimé à 5500 policiers professionnels nécessaires à l'accomplissement de la mission de sécurité. Genève disposait, renforts compris, de 2250 personnes. La manifestation, contrairement à ce qui a été annoncé, a attiré entre 30 et 40 000 personnes, soit une manifestation de moyenne importance. Malgré le fait que les renforts allemands n'auraient pas dû dépasser le cadre de l'aéroport, ils ont dû être engagés en ville. Le 31 mai, 100 manifestants ont pris pacifiquement en otage quatre membres des forces de l'ordre à Pierre-à-Bochet.
Je souhaite que l'ensemble du spectre des événements du 1er et 2 juin soit pris en considération par une commission extra-parlementaire. Merci.
M. Mark Muller (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, hier soir, nous avons tous fait étalage de notre profond désaccord sur un certain nombre de points, comme les responsabilités des uns et des autres dans le cadre de ces événements, l'appréciation de l'attitude des différents acteurs et sur les suites à donner à ce qui s'est passé.
Toutefois, il y a un point sur lequel nous nous rencontrons tous, du moins je le crois, c'est sur la volonté de savoir ce qui s'est passé. Nous voulons que les faits soient éclaircis. Nous voulons connaître les conditions dans lesquelles les autorités et les organisateurs ont préparé les manifestations, nous voulons éclaircir le déroulement d'incidents graves et nous voulons examiner le respect de leurs cahiers des charges par les observateurs parlementaires.
C'est vrai, ce soir, le Conseil d'Etat a pu nous donner des réponses, suite à des interpellations urgentes formulées hier. Toutefois, elles demeurent incomplètes, dans la mesure où nous ne savons pas exactement ce qui s'est passé et elles ne sauraient donc suffire. A titre d'exemple, je voudrais revenir sur la réponse de M. Beer à l'interpellation urgente de M. Follonier, quant à sa présence sur le pont du Mont-Blanc le fameux lundi soir. A nos yeux, ça n'était pas une réponse du Conseil d'Etat... (Exclamations. Chahut.)...c'était la réponse de M. Beer
Des voix. La motion, la motion, la motion !
Le président. Monsieur Muller, nous n'allons pas refaire le débat, il n'y a pas de réplique possible aux interpellations. Nous parlons de la motion, plus précisément la commission d'enquête parlementaire ou extra-parlementaire devrait donner la lumière sur ce genre de sujets.
M. Mark Muller. Ce que je voulais dire, Monsieur le président, dès le moment où la réponse de M. Beer n'a pas éclairci les faits, et dans la mesure où il ne s'agissait pas d'une réponse du Conseil d'Etat, la commission d'enquête devra donc se pencher sur cet épisode.
Le groupe libéral, Mesdames et Messieurs les députés, vous soumet un amendement, qui consiste à proposer que la commission d'enquête soit extra-parlementaire, tout d'abord, car nous voyons mal comment nous, présents ici ce soir, pourrions créer une commission d'enquête et examiner sereinement les faits.
A la différence de ce que propose le Conseil d'Etat, nous demandons ensuite que cette commission extra-parlementaire soit constituée par le Bureau du Grand Conseil et non par le Conseil d'Etat lui-même, raison pour laquelle nous vous proposons d'adopter la motion radicale avec notre amendement.
Nous avons un autre point de désaccord avec le Conseil d'Etat, c'est sur le rôle de cette commission d'enquête : la commission ne doit pas avoir pour rôle de formuler des propositions pour que ça se passe mieux la prochaine fois. C'est notre rôle, Mesdames et Messieurs les députés, que de formuler de telles propositions, voire le rôle du Conseil d'Etat. Cette commission d'enquête, comme son nom l'indique, doit établir les faits et éclairer notre lanterne sur ce qui s'est passé ces derniers jours.
En ce qui concerne les amendements du parti socialiste, nous rejoignons le groupe UDC en considérant qu'ils ne sont pas judicieux. En effet, nous ne pensons pas judicieux de soumettre la police à une enquête. Ça n'est pas le moment. Nous examinons actuellement le projet de loi sur la police, nous menons des réflexions sur le fonctionnement de la police en commission et il ne revient pas à une commission extra-parlementaire, quelle qu'elle soit, chargée d'enquêter sur ce qui s'est passé, de mettre son nez dans le fonctionnement de la police, Mesdames et Messieurs les députés. Idem en ce qui concerne la justice.
C'est vrai, je vous le concède, la justice ne s'est pas tirée de la situation avec les honneurs ces derniers jours. Il y eut des erreurs et des manquements, nous sommes tous prêts à les reconnaître, cependant cela ne justifie pas que la justice soit soumise à la commission.
Un dernier mot s'agissant de l'UDC, nous accepterons cet amendement, en attirant toutefois votre attention sur le fait que lorsque cet amendement parle du Conseil d'Etat et de ses services, il ne s'agit évidemment pas des divers organes de l'Etat, mais bien des services proches du service administratif du Conseil d'Etat lui-même, et non pas d'autres corps, comme celui de la police, par exemple.
M. Antonio Hodgers (Ve). Merci Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la difficulté que nous avons à nous déterminer sur l'opportunité d'une commission d'enquête parlementaire ou extra-parlementaire, nommée par le Conseil d'Etat ou par le Grand Conseil, tient dans le fait que nous avons tous, et à des degrés et des fonctions divers, été impliqués dans cet événement. La difficulté qui est la nôtre aujourd'hui relève de cette constatation.
Pour notre part, nous pencherons plutôt pour la solution évoquée par le Conseil d'Etat, à savoir une commission d'enquête extra-parlementaire nommée par ce dernier, ceci parce que si le Conseil d'Etat et le parlement ont eu un rôle important à jouer - et qui devra être évalué dans le cadre de ces enquêtes - il semble que le gouvernement soit le plus à même de nommer un groupe d'experts indépendants équilibré dans le choix de leur sensibilité politique. Je vois mal une commission d'enquête parlementaire, même si je l'aurais trouvée intéressante sur le fond, composée par des gens de ce qu'on appelle aujourd'hui le «Weiss Block», qui ne pourraient rien amener de constructif.
Dès lors, si cette commission du Conseil d'Etat se met en place, elle doit avoir un mandat large et concerner tous les acteurs, et je suis content d'entendre M. Muller, parlant au nom du groupe libéral, tenir des propos un peu plus sereins que ceux que tiennent d'autres membres de son groupe. Il est clair que ce groupe d'experts devra notamment se pencher sur les activités de la police : sur sa stratégie, sur sa capacité à maintenir le haut commandement sur les forces confédérées et allemandes. Cette commission devra aussi avoir le courage de s'attaquer aux éventuels dysfonctionnements du Conseil d'Etat qui ne relèvent pas de la sphère politique, parce que ceci vous est laissé, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, mais plutôt de s'attaquer à des déclarations telles que celle que Mme Spoerri a faite dimanche soir au Téléjournal, annonçant à 19h30 qu'une intervention aurait lieu à l'Usine dans le but de vérifier s'il y avait des casseurs. Je ne crois pas qu'à l'Usine il y ait eu des casseurs. Pourtant une chose est sûre, c'est que lorsque la cheffe de la police l'annonce deux heures avant de s'y rendre, s'il y avait effectivement des casseurs, il va de soi que la police n'en trouvera plus un seul, une fois rendue sur les lieux ! Ces déclarations faites par Mme Spoerri devront être étudiées afin d'évaluer l'efficacité des forces de l'ordre.
Il existe un autre problème, à caractère institutionnel, qu'il faudra aussi évaluer, et ceci nous incombe, c'est celui qui concerne ce qui s'est passé mardi. Mardi, les représentants syndicaux de la police ont clairement fait un chantage au Conseil d'Etat, et même si ce Conseil d'Etat se défend d'avoir pris seul la décision d'une interdiction totale des manifestations, des témoignages pourront prouver que le chantage avait été effectué avant la réunion du Conseil d'Etat - ne secouez pas la tête, Madame Brunschwig Graf, parce que j'ai eu tous les coups de fil nécessaires des syndicats de la police qui m'ont annoncé à midi que la décision était prise et qu'elle avait été annoncée au Conseil d'Etat - et qu'un gouvernement s'est vu imposé une décision par un corps de fonctionnaires, ce qui est inadmissible, dans un régime démocratique. C'est un fait gravissime, en termes institutionnels, bien plus d'ailleurs, que celui, courageux, d'un conseiller d'Etat qui s'est rendu la veille sur le pont du Mont-Blanc.
Si nous voulons établir un bilan général de la situation, nous devrons tous faire preuve d'humilité et dire là où nous pensons que nous avons eu tort, et nous le ferons nous aussi, en tant que parti, en tant que mouvement altermondialiste. Tout le monde devra le faire pour que Genève apprenne quelque chose après ce qui s'est passé.
M. Guy Mettan (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez tous l'adage selon lequel, en temps de guerre, la première victime est la vérité. Depuis hier, notre parlement se comporte comme s'il était en guerre et, comme il se doit, la vérité en souffre énormément.
Il y a deux manières de faire de la politique. La première consiste à faire preuve d'opportunisme, de mauvaise foi et de démagogie, en pliant les faits à ses propres préjugés idéologiques, en déformant les propos tenus par les adversaires ou en capitalisant sur l'émotion ressentie par la population, sur les souffrances endurées par les victimes des déprédations ou sur les humiliations subies par la police, comme ce fut le cas lors des événements du G8.
Il y a une manière sereine, courageuse, responsable et digne de faire de la politique, qui consiste à appliquer ces principes, même s'ils ne sont pas populaires, en toutes circonstances. C'est la voie que nous, démocrates-chrétiens, avons choisie. A mes yeux, et à ceux de mes collègues, c'est même la seule manière de faire de la bonne politique. En effet, le souci de la République et le respect de la population genevoise, qui nous a élus, ne sauraient tolérer plus longtemps que les gesticulations auxquelles nous avons assisté s'accommodent du sacrifice de la vérité. Après tout ce que nous avons entendu ces derniers jours, il y a en effet une foule de déclarations, d'effets de manche, de pseudo justifications et de déformations qui doivent impérativement être rectifiés. En tant qu'élus, nous avons le devoir de rétablir la réalité des faits et d'établir les responsabilités de celles et ceux qui en ont été les acteurs.
C'est pourquoi le parti démocrate-chrétien appuie la création d'une commission d'enquête chargée de vérifier le comportement des institutions durant le G8. Comme notre parlement semble être incapable d'avoir le recul et la distance nécessaires pour apprécier ce qui s'est passé en toute objectivité, notre parti approuvera également le fait que cette commission soit extra-parlementaire et choisie par le Bureau du Grand Conseil, car le Conseil d'Etat ne saurait être à la fois juge et partie.
Parmi les vérités importantes que cette commission devra rétablir, il y en a quelques-unes que j'aimerais rappeler. Côté gouvernemental, je ne m'explique toujours pas l'absence quasi totale de forces de police dans la Vieille-Ville et les rues basses, samedi soir, malgré toutes les explications qui nous ont été données. S'agit-il d'une erreur d'évaluation, d'un manque de prévoyance ou d'une mauvaise organisation dans la chaîne du commandement ? L'accord avec le FSL et la volonté de ne pas créer de tensions avant la manifestation de dimanche ne suffisent pas à justifier cette vacance du pouvoir, qui est vite apparue comme scandaleuse aux yeux de la population et qui a accru l'effronterie des casseurs, très vite assurés de leur impunité. Le fait que l'Hôtel de Ville lui-même a failli brûler trente minutes après le début du raid des casseurs, sans que ni la police ni les pompiers puissent intervenir, et le fait que seul le sang-froid de deux gardes privés, qui sont allés chercher un extincteur chez Glôzu, a permis d'éviter le pire, ces deux seuls faits montrent qu'il y a eu une défaillance grave de l'Etat samedi soir. Cette absence quasi totale de gouvernement a été douloureusement ressentie par la population. Lors d'une crise, le gouvernement doit se montrer et non pas donner l'impression de se terrer. Ce vide a inconsidérément exposé Mme Spoerri, qui s'est retrouvée seule au front, et il a favorisé des initiatives individuelles néfastes, comme celles de M. Beer et de certains parlementaires le lundi soir, lesquels se sont substitués à la police pour négocier avec les manifestants.
Pendant deux jours, les citoyens, les médias, l'opinion publique, tant genevois qu'extérieurs, ont eu l'impression désagréable que la République cédait sous la pression de la rue et qu'elle n'était plus gouvernée. Cela, autant que les dégâts matériels, ne laisse pas d'être inquiétant et pose notamment la question de savoir pourquoi ni le Conseil d'Etat ni son président n'ont pris l'initiative de convoquer une réunion de crise dès le dimanche matin, et de constituer une cellule gouvernementale de crise dès le dimanche.
Deuxième vérité qu'il faudra établir: cette vacance du pouvoir et la mauvaise gestion des manifestations ont porté un coup sévère à l'image de Genève, tant en Suisse qu'à l'étranger. Une fois de plus, nos cafouillages nous ont fait passer pour des charlots auprès des confédérés et des étrangers, alors même que nous en dépendons pour assurer l'avenir de la Genève internationale.
Cela aussi devra être étudié par la motion. La motion devra également étudier les raisons pour lesquelles certains casseurs ont bénéficié de complicité dans la place et pourquoi certains membres du FSL ont pratiqué un double langage néfaste.
Cette motion devra aussi mettre en évidence le fait que, contrairement à ce que l'on a pu entendre, une interdiction générale de manifester aurait été une aberration. Les faits ont démontré clairement que la manifestation autorisée, soit la grande manifestation du dimanche, n'avait causé que des dégâts relativement limités, alors que toutes les manifestations illégales, c'est-à-dire interdites, ont débouché sur une casse très importante. Ce fut le cas le vendredi qui a précédé, le dimanche, le lundi et le mardi. Il y a avec ceci une importante matière à réflexion pour l'avenir de Genève, notamment pour ceux qui essayent d'insinuer qu'en prenant la responsabilité de ne pas interdire la grande manifestation de dimanche, notre parti aurait, indirectement, favorisé les violences.
Cette commission devra aussi établir la vérité sur l'action de la police. Je dois dire, à cet égard, qu'en voyant nos malheureux policiers cuire pendant des heures au soleil dans leurs équipements et sous leurs casques, pendant que les casseurs leur jetaient des bouteilles et des billes... (Manifestation dans la salle.)...comme j'en ai récoltées pendant cette manifestation, je dois avouer que j'ai été pris de pitié pour eux. C'est d'ailleurs aussi pour cette raison que les parlementaires qui ont permis à ces casseurs de s'enfuir du pont du Mont-Blanc lundi soir, sans être arrêtés... (Exclamations.)...méritent notre sévérité.
Des voix. Ceci n'est pas la vérité !
M. Guy Mettan. Enfin, cette commission devra aussi prendre en considération le fait qu'il y a aussi eu des aspects positifs dans tout ce chaos, notamment qu'il n'y a pas eu de morts ni de blessés graves, pas d'attentats terroristes ni de prises d'otages, que l'aéroport et, dans une large mesure, les organisations internationales ont été très bien sécurisées, et enfin que l'accueil des chefs d'Etat et des trente délégations étrangères a été un succès sur le plan de la logistique, de la sécurité et de la diplomatie.
Genève et la Suisse ont pu ainsi montrer leur capacité à accueillir des sommets mondiaux importants en dépit des risques et des difficultés, même si cela a été occulté par la mauvaise gestion des manifestations.
En conclusion, je souhaite vivement que l'on cesse de s'invectiver, de réclamer la démission des uns et des autres, que l'on retrouve un peu de sérénité et de dignité, que l'on procède rapidement à un inventaire exhaustif des dégâts et à l'indemnisation des victimes et que l'on donne enfin des réponses claires et sincères aux nombreuses questions que la population genevoise se pose, afin que l'on puisse tourner la page le plus rapidement possible et passer à des choses plus constructives pour la République.
M. Claude Marcet (UDC). Merci Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe UDC est d'accord pour la création d'une commission extra-parlementaire qui ne devra toutefois pas être nommée par le Conseil d'Etat. Mais avec quel mandat ?
J'aimerais vous lire ici deux passages d'un document officiel très éloquent post-OMC de 1999. «Si la police n'avait pas eu d'informations préalables, elle n'aurait pas fait appel aux policiers confédérés», ce renfort constitue une des mesures prises contre d'éventuels débordements, il y a quatre ans. «La première série de casse n'a pas eu lieu lors d'une manifestation autorisée. La police n'a pas pu se prémunir contre ceci et a été surprise par la violence de ces débordements». Il y a déjà quatre ans. «La violence tend à augmenter; des études montrent que les normes ne sont plus les mêmes, par exemple, un acte qui était considéré comme violent il y a 20 ans, ne l'est plus aujourd'hui. Les normes ayant donc changé, il est nécessaire d'intégrer cette nouvelle perception de la violence pour des questions de sécurité et de gestion globales des manifestations, sachant qu'il y a un potentiel de violences lors de rassemblements. On observe en France que de plus en plus de casseurs s'infiltrent dans les manifestations. On ne peut plus supposer que des rassemblements de grande importance ne comporteront pas de violences, sachant également que l'occasion fait le larron.» Mesdames et Messieurs les députés, d'autres passages sont aussi très instructifs, mais je vous en fais grâce.
Une voix. Cela vient d'où ?
M. Claude Marcet. Je précise que ce document provient du secrétariat du Grand Conseil, date du dépôt : 08.02.1999, rapport de la commission ad hoc chargée d'étudier la résolution etc., etc., R 370-A. Il y a énormément de choses très intéressantes là-dedans. Tous les ingrédients qui ont conduit aux dérapages d'il y a quatre ans sont les mêmes que ceux qui ont conduit aux déprédations commises il y a une semaine. Il suffisait de les mélanger à nouveau, et ils ont été mélangés sans nul problème par ceux qui voulaient que Genève soit ce qu'elle a été. Pourquoi cela ? Parce que certains préfèrent les déprédations chez les autres, au risque de comptabiliser des blessés dans les troupes assaillantes. C'est un faux calcul, Mesdames et Messieurs les députés. On ne discute pas, on ne badine pas, on ne transige pas avec la violence. On la combat, on la détruit, quels qu'en soient les moyens et le prix, faute de quoi, c'est la violence qui nous détruira.
Je demande donc que la commission que nous envisageons de créer ne recommence pas stérilement le travail d'il y a quatre ans mais qu'elle nous dise pourquoi le travail d'il y a quatre ans n'a pas permis de mettre un système de sécurité en place à la hauteur des exigences actuelles de notre monde, de plus en plus à la dérive. Ne nous voilons pas la face, le gouvernement fait appliquer la loi; s'il n'est pas capable de le faire et que c'est la rue qui impose la sienne, c'est alors le peuple qui prendra la décision de se sécuriser lui-même, face à la chienlit grandissante au sein de laquelle il se trouvera obligé de vivre par la faute d'un gouvernement peureux et démissionnaire.
Faisons donc l'effort nécessaire maintenant, afin que notre système de sécurité reste en tous points efficace, ceci sera le but de cette commission. Comme je l'ai dit hier soir, notre police est notre première ligne de défense, et elle doit être respectée, soutenue, équipée, protégée, faute de quoi, si cette ligne de sécurité s'effondre, je ne donne pas cher de la Genève de demain, qui risque fort de descendre au niveau des banlieues françaises actuelles.
Je finirai en recommandant à cette commission de s'intéresser particulièrement aux deux points suivants : pourquoi des membres des troupes allemandes ont été très étonnés par les consignes d'engagement de la police genevoise ? Pourquoi les CRS français ont clairement dit que notre gouvernement n'avait pas bien compris les enjeux, que pour sécuriser Genève, si tel avait été leur mission, ils seraient venus à cinq mille, en rappelant au passage qu'ils auraient dû laisser en France la moitié de leur matériel et de leurs consignes d'intervention. C'est tout dire.
Le président. Vous avez sur vos places un amendement qui ira dans le sens du Conseil d'Etat que développera M. Froidevaux. Monsieur Pagani, vous avez la parole.
M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis perplexe face au traitement de cette motion, parce qu'il me semble que nous sommes encore loin d'avoir compris ce qui s'est passé, et loin de disposer des compétences afin de mettre un terme aux dérapages et aux aberrations qui ont eu lieu dans notre ville.
Je ne crois pas que notre Grand Conseil soit capable de gérer une commission d'enquête, d'ailleurs beaucoup d'entre nous l'ont reconnu, puisque certains sont directement impliqués.
Je voudrais rappeler que nous avons déjà fait une expérience similaire en 1998, Mesdames et Messieurs les députés, et que nous avons fini cette commission d'enquête parlementaire à cinq. Or les conclusions auxquelles la présente commission pourrait déboucher sont déjà sises dans le rapport relatif aux événements de 98, M. Marcet vient d'ailleurs de tirer quelques éléments de ce rapport dont j'ai été un des signataires. Certains policiers, comme le gouvernement d'ailleurs, se sont inspirés des considérants et des recommandations établies dans ce rapport, et je trouve qu'il faut persévérer dans ce sens si nous voulons mettre un terme, tous autant que nous sommes, à cette stratégie du chaos. J'espère que s'il y a une commission d'enquête elle aboutira aux mêmes conclusions auxquelles nous étions arrivés.
J'en prendrai quelques-unes, si vous le permettez, pour vous montrer que les solutions avaient déjà été proposées, qu'elles ont été mises en place par certains acteurs à certains moments et qu'à d'autres moments, elles ont été ignorées.
Je prends comme exemple l'action de la police. Il est dit, dans ce rapport, en page 46, «ainsi, même si une manifestation est autorisée, la police doit intervenir», ce sont nous, les cinq qui restions, qui avons dit cela, «doit intervenir lorsque des personnes viennent l'entraver. C'est pourquoi des commerçants en veulent à la police, parce qu'elle ne les a pas protégés». Ceci caractérisait une des conclusions à laquelle nous étions arrivés il y a cinq ans, Mesdames et Messieurs les députés.
Un autre exemple concerne la presse. Nous disions alors «la presse a également, d'après les commissaires, joué un rôle néfaste, en particulier la Tribune de Genève et le Matin, car au lieu des traiter des buts de l'AMP, l'Action Mondiale des Peuples, ces journaux ont publié des chroniques d'une violence annoncée et des manchettes accrocheuses, qui incitaient presque à la violence».
Nous disions aussi, en ce qui concerne les autorités, et notamment les autorités de l'OMC - je reconnais d'ailleurs l'action du gouvernement et du parti démocrate-chrétien qui allaient dans le sens des recommandations de la commission - «au chapitre des recommandations, la commission souhaite tout d'abord suggérer que les autorités qui organisent des conférences internationales mettent des lieux d'expression à disposition de ceux qui souhaitent émettre des avis différents». Le G8 n'a pas mis de lieux à disposition, pourtant le gouvernement et une majorité de ce parlement ont mis en place des structures qui permettaient à la démocratie et à l'opposition de se manifester.
En ce qui concerne les organisateurs de manifestations, il est dit que «dans le contexte international, et en fonction des enjeux, les organisateurs de manifestations mettent sur pied un service d'ordre plus important et identifiable». Nous avons cherché à établir ceci parce que, en 1998, il n'y avait pas de service d'ordre prévu, puisque la quasi totalité des manifestations qui ont eu lieu durant ces vingt dernières années n'ont pas abouti à des actes de violence tels qu'ils ont été pratiqués en 1998 et en 2003. Nous avions l'habitude de ne pas mettre de service d'ordre sur pied, en 1998, nous avons tenté d'en mettre un sur pied, il a malheureusement explosé à la rue de la Corraterie, parce que la violence de ceux qu'on appelle les Black Blocks qui avaient investi la manifestation nous en empêchait. Pourtant le 1er juin, nous avons pris nos responsabilités, nous avons mis, lors de cette manifestation, en place un service d'ordre de 400 personnes pour essayer de gérer cette affaire. Nous sommes en train d'en tirer les conclusions et d'en faire le bilan.
Enfin, en ce qui concerne la police, mais cette fois-ci de manière générale, nous recommandions qu'une police de proximité soit mise sur pied et surtout un service d'îlotiers pour faire en sorte que la police reste citoyenne. Malheureusement, nous avons péché tous ensemble, par défaut.
Je trouve que les conclusions de ce rapport correspondent exactement à la situation actuelle. Il y a un grand écart dans cette République, c'est-à-dire qu'elle est composée à la fois par des organisations internationales et transnationales, dont certaines sont décriées, et un besoin de démocratie, les habitants de ce canton ayant envie de continuer à s'exprimer. Nous devrons par conséquent faire le grand écart entre tous ces intérêts, en faisant en sorte que ces conclusions soient mises en route.
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est difficile que ce soir nous nous mettions d'accord sur une commission d'enquête extra-parlementaire proposée, parce que je me pose la question de son statut. En effet, elle n'aura pas la capacité d'auditionner tous les fonctionnaires, sans les délier du secret de fonction, sauf si le Conseil d'Etat nomme cette commission d'enquête en lui donnant tous les moyens juridiques d'investiguer.
Le statut de cette commission extra-parlementaire devrait être discuté dans une commission, et je vous propose, par gain de paix, dans la commission judiciaire, par exemple, pour trancher ce problème avec le Conseil d'Etat ou même qu'on se voit avec le Conseil d'Etat et le Bureau du Grand Conseil pour en définir le statut.
M. Pierre Froidevaux (R). On a parlé de stratégie du chaos, on a parlé de guerre dans le parlement, mon opinion est différente. J'ai le sentiment que nous sommes traumatisés par les événements et je constate que nombreux ont été ceux qui ont essayé de faire part de leur difficulté, rencontrée ces jours. Je souhaiterais simplement dire à chacun que j'ai entendu des discours qui m'ont rassuré autant à droite qu'à gauche, des discours qui m'ont inquiété et, je pense encore à la stratégie que l'on avait préparée sur le plan sanitaire avec le SAMU d'Annecy. Le SAMU d'Annecy avait une devise, qui est très ancienne, puisqu'elle date de Marc Aurèle, et que je me permets de vous lire : «Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d'accepter les choses que je ne puis changer, de changer celles que je peux et la sagesse de connaître la différence».
Ce que je vous propose ce soir, pour clore le débat, c'est d'accepter une suite logique, responsable, en nommant une commission qui puisse tous nous satisfaire afin que chacun d'entre nous puisse comprendre ce qui s'est passé, ce non pas d'une manière trop personnelle, mais dans l'intérêt de tous les citoyens.
Nous avions initialement pensé à une commission parlementaire, parce que sur le plan de la légitimité, qu'y a-t-il de plus haut, de plus fort qu'une commission parlementaire ? Nous avions également pensé que tous les objets liés à ce débat pouvaient être renvoyés à cette commission qui pourrait établir un rapport complet sur les événements qui se sont déroulés. Tel était notre avis.
Il s'avère qu'à l'analyse il existe tout de même quelques dangers dans cette stratégie. Puisque nous avions déjà fait cet exercice, et que malheureusement cette commission avait été perturbée par des personnalités fortes du parlement animées d'intérêts divergents en regard de l'intérêt général. C'est en tout cas ce qui s'était dégagé de nos travaux.
Aussi, nous nous rallions à l'idée d'une commission extra-parlementaire. Il demeure toutefois un problème de nomination car il est évident que le Conseil d'Etat, s'il en assure la responsabilité, est tout de même aussi juge et partie, puisque nous entendons pouvoir faire la lumière sur tous les événements. Il demeure aussi un problème d'ordre légal, puisque nous ne pouvons pas nommer de commission extra-parlementaire, c'est M. Pétroz qui me l'a encore récemment rappelé.
Il faut bel et bien mandater le Conseil d'Etat afin qu'il choisisse des experts dont on espère une grande sagesse, et que de cette sagesse soit estimée par le Bureau du Grand Conseil afin que nous ayons aussi notre légitimité dans le choix de ces personnes.
Voici, chers collègues, je vous propose de voter cette motion radicale, en soutenant l'amendement proposé par les libéraux, et en faisant un sous-amendement qui supprime l'expression «commission d'enquête», parce que nous ne pouvons enquêter sur nous-mêmes. Il faut créer une commission, nous devons prendre notre responsabilité et agir pour le bien de tous. (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat prend acte, avec satisfaction, du fait que vous souhaitez une commission extra-parlementaire. Afin que sa composition ne soit pas contestée, nous vous proposons que ses membres soient désignés d'un commun accord entre le Conseil d'Etat et le Bureau du Grand Conseil.
Dans la vivacité des débats, qui avaient probablement un effet cathartique nécessaire, des erreurs grossières ou des mots inacceptables ont été prononcés. Je ne voudrais pas que vous déduisiez d'après le silence du Conseil d'Etat que nous admettons tout ce qui a été dit sur tous les faits possibles et imaginables. Je ne donnerai qu'un seul exemple.
Il a été dit par certains d'entre vous que le Conseil d'Etat était aux abonnés absents le dimanche: je vous informe que nous nous sommes réunis à deux reprises ce jour-là en séance extraordinaire.
Le président. Merci, Monsieur le président. Nous avons un certain nombre d'amendements que nous allons voter.
Vous avez demandé le renvoi en commission pour réexaminer le statut de la commission extra-parlementaire. M. le président du Conseil d'Etat a clairement défini que si la création de cette commission était proposée ce soir, le statut lui semblait assez clair.
Je mets donc aux voix la proposition de M. Pagani du renvoi à la commission législative de cette motion 1547 à laquelle nous joindrions en tout cas la M 1548. Celles et ceux qui approuvent ce renvoi, de façon qu'il en ressorte un texte pour le statut de la commission, voteront oui, les autres, qui pensent pouvoir la créer ce soir en votant les autres amendements, voteront non. Le vote est lancé.
Mis aux voix, le renvoi en commission est rejeté par 69 non contre 11 oui et 2 abstentions.
Le président. MM. Froidevaux, Büchi, etc. vous ont proposé un amendement selon lequel le Conseil d'Etat nomme une commission extra-parlementaire «sur proposition du Bureau du Grand Conseil chargée de...»
Et puis M. Sommaruga nous propose un amendement selon lequel le Conseil d'Etat nomme une commission extra-parlementaire «en concertation avec le Bureau du Grand Conseil chargée de...»
Dans un premier temps, nous voterons sur «extra-parlementaire», puis nous verrons si c'est «sur proposition» ou «en concertation avec».
Celles et ceux qui sont d'accord avec le principe de la commission extra-parlementaire voteront oui, les autres voteront non.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 84 oui contre 2 non et 1 abstention.
Le président. Il s'agit d'une commission extra-parlementaire.
Est-ce que l'amendement sur proposition est maintenu ou retiré ? Il est maintenu. Nous votons. Monsieur Sommaruga, vous avez proposé cet amendement...
M. Carlo Sommaruga (S). La proposition que j'ai déposée avec mon collègue Kanaan est en fait un sous-amendement que je vous prierai de faire voter avant l'amendement lui-même. Ce sous-amendement a été déposé parce que la proposition telle qu'elle est formulée n'est pas cohérente avec nos propres institutions. Comme nous voulons avoir une commission d'enquête sur certains dysfonctionnements des institutions, il serait opportun que cette commission soit établie en cohérence avec nos institutions. Cela rejoint la préoccupation du Conseil d'Etat, qui aimerait que la nomination se fasse en concertation et non pas sur proposition du Bureau.
Le président. Je mets aux voix ce sous-amendement. (Le président est interpellé par le député Grobet.)Très bien, Monsieur Grobet, je vous donne la parole, mais je n'aimerais pas qu'on rouvre la discussion.
M. Christian Grobet (AdG). Une fois de plus, vous tentez de violer le règlement de ce Grand Conseil, et cela n'est pas acceptable. Je vais vous dire pourquoi: des amendements ont été déposés en cours de débat, vous le savez. Ils n'étaient donc pas connus au moment où vous avez unilatéralement bloqué la liste des orateurs, et nous n'avons pas pu nous exprimer sur ces nouveaux amendements. Ceci n'est pas normal ! Nous avons le droit d'expliquer pourquoi nous ne sommes pas d'accord avec l'une ou l'autre solution.
Je relève qu'après avoir demandé une commission d'enquête, avec tout ce que cela implique, les députés radicaux ainsi que les autres députés de la droite n'ont plus voulu de cette commission d'enquête, de crainte qu'elle procède à des investigations qui pourraient les gêner. On a du reste très clairement entendu le représentant du parti libéral dire qu'il était hors de question de faire un quelconque examen des problèmes de fonctionnement de la police. Quant à M. Mettan, il a été encore plus clair: il a dit qu'il faudra que la commission d'enquête établisse ceci ou cela, c'est-à-dire confirme ce que la droite considère être la vérité. Pour couronner le tout, on demande au Bureau - qui a la composition que l'on connaît, c'est-à-dire fortement dominée par la droite - de désigner des personnes qui feraient partie de cette commission d'enquête. Si c'est le Bureau qui désigne les membres de la commission d'enquête, ce ne sera qu'une mascarade ! Comme le Bureau n'est plus paritaire, mais majoritairement à droite, la commission dont il choisira les membres ne sera pas objective, et nous n'aurons même pas les moyens de présenter devant ce parlement un rapport de minorité.
Mesdames et Messieurs, nous sommes prêts à faire confiance au Conseil d'Etat - étant donné la situation dans laquelle il s'est mis, il a intérêt à avoir une commission aussi équitable que possible. Mais je vous dis tout de suite, Monsieur Lescaze, que nous ne ferons pas confiance à votre présidence et aux autres membres du Bureau de votre tendance politique pour choisir les membres de cette commission.
Le président. Monsieur Grobet, je n'ai pas participé du tout aux événements d'il y a quinze jours, je n'étais même pas à Genève, et je suis en tout cas beaucoup plus objectif dans toute cette affaire que bien des personnes de ce parlement qui ont parlé et décrit parfois complaisamment - comme vous - leur rôle. La parole est à M. Michel Halpérin.
M. Michel Halpérin (L). Monsieur le président, mon intervention a deux propos: premièrement, rappeler à M. Grobet que nous n'avons pas pris le pouvoir - nous n'avons pas ces moeurs-là - mais que c'est le peuple qui a choisi de nous le donner, et deuxièmement proposer l'application de l'article 79A. Je demande, Monsieur le président, que cette assemblée vote l'interruption immédiate du débat, et qu'on passe au vote.
Le président. Cet ajournement se vote à la majorité. Nous procédons au vote à main levée. Celles et ceux qui acceptent cette proposition sont priés de lever la main. La proposition est acceptée à la majorité, nous passons donc au vote immédiatement.
Des voix. L'article 79 se vote aux deux tiers !
Le président. Je m'excuse, Mesdames et Messieurs, il s'agit de l'article 78, alinéa 1, lettre b, qui concerne l'ajournement à terme.
Une voix. 79 !
Le président. Vous avez demandé le vote immédiat, Monsieur Halpérin ?
M. Michel Halpérin. J'ai demandé l'application de l'article 79A, mais comme visiblement je n'ai pas les deux tiers, je demande maintenant l'application du 78.
Le président. Très bien. L'ajournement à terme nécessite la majorité simple. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)S'il vous plaît ! La suspension de la discussion nécessite la majorité des deux-tiers, qui n'a pas été atteinte. Depuis - si j'ai bien compris - M. Halpérin a refait une proposition, s'appuyant cette fois-ci sur l'article 78 d'ajournement de la discussion. Le terme peut être d'une ou deux sessions, voire plus, c'est égal. Monsieur Halpérin, je vous donne la parole.
M. Michel Halpérin. L'article 78, soit l'ajournement à terme, implique qu'une seule personne par groupe s'exprime si elle le souhaite. Puis on vote la proposition. (Protestations.)
Le président. MM. Pagani et Roulet renoncent à prendre la parole. Je la donne à M. Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je crois que le faux pas que vient de commettre M. Halpérin - qui pourtant a des connaissances juridiques très approfondies en tant qu'avocat - en nous offrant une interprétation pour le moins curieuse d'un article qui paraît particulièrement clair, montre à quel point aujourd'hui la droite veut travestir la réalité sur un certain nombre de choses. Nous persistons donc à dire que nous ne pouvons pas accepter que ce soit le Bureau qui choisisse les membres de cette commission, alors qu'une commission d'enquête prévoit, selon notre loi portant sur règlement, que toutes les tendances soient représentées, proportionnellement au nombre de députés du Grand Conseil. C'est là une disposition légale que nous avons adoptée spécifiquement pour les commissions d'enquête, qui a été voulue par ce parlement, et je m'aperçois qu'à la première occasion la droite refuse d'appliquer une loi qu'elle a elle-même votée.
Le président. Je mets aux voix le sous-amendement de MM. Sommaruga et Kanaan, dont je vous rappelle la teneur: «Le Conseil d'Etat nomme une commission extra-parlementaire en concertation avec le Bureau du Grand Conseil.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 47 oui contre 32 non et 3 abstentions.
Le président. Bien. J'ai d'autres amendements à vous faire voter, qui concernent la mission de la commission et que vous avez à disposition depuis hier. Il s'agit de l'amendement de M. Catelain et de celui de MM. Brunier, Kanaan et Charbonnier, portant sur les invites. M. Catelain est le premier, car il proposait de modifier la première invite, en ajoutant après «...déterminer les causes et les conséquences du problème de fonctionnement du Conseil d'Etat»: «...et de ses services durant cette crise, notamment en perspective avec les considérations et conclusions du rapport R 370-A de la commission ad hoc sur les événements qui ont secoué Genève durant la commémoration du 50e anniversaire de l'OMC». L'amendement étant clair, je vous propose de passer immédiatement au vote.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 24 non et 2 abstentions.
M. Rémy Pagani (AdG). Juste pour le Mémorial, j'aimerais que M. Catelain nous explique ce que nous avons voté, c'est-à-dire la question du Conseil d'Etat et de ses services. Cela veut-il dire police y compris ? C'est bien cela, n'est-ce pas ? (M. Catelain confirme.)Je crois que c'était important de le préciser.
Le président. Cela a été dit. Nous passons à l'autre amendement de M. Catelain, qui propose une quatrième invite exprimée comme suit: «confronter son analyse de la situation genevoise aux enseignements de la situation vaudoise.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 54 oui contre 19 non et 7 abstentions.
Le président. Je passe aux amendements de MM. Kanaan et Brunier, qui proposent deux invites supplémentaires. La première est formulée comme suit: «déterminer le rôle et le fonctionnement des organes de justice durant cette crise.» Il ne s'agit pas là d'un service de l'administration, c'est donc en effet tout à fait différent.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 48 oui contre 34 non et 1 abstention.
Le président. Il y a une seconde invite, qui peut-être se surajoute maintenant à celle de l'UDC et a la teneur suivante: «analyser le fonctionnement de la police avant et pendant cette crise (préparation, formation, équipement, coordination, stratégie, encadrement).» En réalité, cette invite serait comprise dans celle que nous avons déjà votée, mais ce n'est pas à moi d'en décider. Nous passons au vote.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 61 oui contre 20 non et 3 abstentions.
Le président. Il y avait, dans l'amendement de MM. Muller, Weiss et Roulet concernant la désignation d'une commission extra-parlementaire par le Grand Conseil, un élément supplémentaire: ils demandaient qu'on fasse appel «à des personnalités reconnues pour leur indépendance». La suite de l'amendement, disant que «sous cette réserve, les règles relatives aux commissions d'enquête parlementaires sont applicables», tomberait. Je pense que la recommandation concernant l'indépendance de ces personnalités est par contre maintenue, je vais donc la faire voter comme amendement. Monsieur Muller, je vous donne la parole, mais soyez bref, s'il vous plaît.
M. Mark Muller (L). Vous me connaissez, Monsieur le président, je suis toujours bref ! Le critère de l'indépendance des membres de la commission me paraît une évidence, ce n'est donc pas vraiment nécessaire de le préciser. En revanche, il me paraît important de préciser que les mêmes règles que celles valant pour les commissions parlementaires seront appliquées. Elle permettra notamment à la commission de faire appel à du personnel et de procéder à des auditions, et offrira certains moyens d'investigation. Si nous ne permettons pas à la commission que nous avons créée ce soir de faire son travail correctement, si nous ne lui en donnons pas les moyens et compte tenu de l'étendue de la tâche que nous lui avons confiée, cela ne fonctionnera pas.
Je vous propose de modifier légèrement l'amendement comme suit: «Sous réserve du mode de composition de la commission, les règles relatives aux commissions d'enquête parlementaires sont applicables». En effet, la loi portant règlement du Grand Conseil prévoit que la commission parlementaire est composée de parlementaires, or nous avons décidé autre chose. Le mode de composition a déjà été défini par nous ce soir, en revanche le reste de ce que prévoit notre loi peut être applicable...
Une voix. ...par analogie.
M. Mark Muller. ...par analogie, si vous voulez.
Le président. Les choses sont-elles claires pour tout le monde ? M. Grobet veut intervenir. Allez-y.
M. Christian Grobet (AdG). Même si cela devait ne pas vous plaire, je vais quand même intervenir. Le problème du manque de moyens d'interventions d'une commission extra-parlementaire avait été soulevé tout à l'heure, et c'est à juste titre que M. Muller est intervenu. Je crois cependant qu'il faut être encore plus clair et, pour qu'il n'y ait pas de contestations par la suite quant à l'application de ces dispositions, viser expressément les numéros des articles de la loi portant règlement du Grand Conseil. Il faut qu'on se réfère à des dispositions légales spécifiques, en demandant qu'elles soient appliquées par analogie, ceci afin d'éviter toute discussion sur la légalité. Je me montre insistant sur ce point, parce que certaines dispositions sont assez pointues et qu'ainsi on ne pourra pas nous reprocher ensuite un manque de précision.
Le président. Il s'agit des articles 230E, 230F, 230G, 230H, 230I et, éventuellement, 230J «détermination du Grand Conseil sur le rapport». Nous mettons donc aux voix l'amendement de M. le député Muller complété par M. le député Grobet. Je vous le redonne: «Sous réserve du mode de composition de la commission, les règles relatives aux commissions d'enquête parlementaire, conformément aux articles 230E à 230J de la loi portant règlement du Grand Conseil sont applicables par analogie».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 64 oui contre 1 non.
Mise aux voix, la motion 1547 ainsi amendée est adoptée par 85 oui contre 1 non.
M. Alain Charbonnier (S). Le groupe socialiste est tout à fait satisfait du vote qui vient de se faire sur la motion précédente tel amendée. Nous sommes d'accord de retirer notre motion et souhaitons, du fait du vote précédent, que les objets suivants soient gelés à l'ordre du jour de notre Grand Conseil, et donc que nous arrêtions ici les débats pour ce soir. La plupart des prochains sujets à traiter seront certainement repris par la commission d'enquête. Nous trouverions donc dommage de continuer les débats et de nous enflammer sur d'autres sujets. Nous proposons donc de clore ici les débats sur le vote de cette motion.
Le Grand Conseil prend acte du retrait de la proposition de motion 1548.
M. Gilbert Catelain (UDC). Monsieur le président, je propose qu'au moins un thème soit traité ce soir encore, soit la résolution qui permettrait de remercier les différents services qui ont participé à la sécurité de ce sommet. Si cela devait se faire dans plusieurs mois, ces remerciements n'auraient plus aucun intérêt. Je vous engage à soutenir cette proposition.
M. Jean Rémy Roulet (L). Avant d'entamer ces débats, il avait été convenu avec certains partis de l'Alternative qu'une fois la question de la commission parlementaire réglée nous aurions pu traiter quelques sujets consensuels - c'est ainsi qu'ils les avaient définis. Je propose donc de traiter non pas une, mais deux motions: le premier thème concerne les remerciements au corps de police, ainsi qu'aux sapeurs pompiers et aux administrations publiques qui ont oeuvré pour la mise en place du G8. (Protestations.)L'Alliance de gauche, je crois par la voix de M. Grobet, avait même prévu que nous remercions le corps de la voirie de Genève. Je crois que ce serait digne de le faire en clôture des débats de ce soir, si tant est que nous voulions les clore sur une note positive. Il y a donc toute une cohorte de personnes qui attendent ces remerciements, qui se sont donnés - sans jeu de mots - corps et âme durant ces quelques jours passés. Je vous propose que nous votions à l'unanimité et avec un débat extrêmement bref la résolution R 475. De même qu'il y avait un consensus autour de la motion 1551 concernant l'indemnisation des victimes de déprédations commises durant le sommet d'Evian, je crois qu'entre hier et aujourd'hui, malgré la ferveur de nos débats, il y a un thème sur lequel nous étions tous d'accord, c'est que les victimes des manifestations devaient être au plus vite remboursées. Le Conseil d'Etat a répondu à cela par un communiqué de presse très clair.
Pour continuer la suite de nos débats, je vous propose donc que nous votions à l'unanimité ces deux textes et vous remercie par avance.
Le président. Monsieur le député, vous oubliez que votre collègue Gros a parfois un train à prendre... J'aimerais tout de même qu'on vote d'abord la proposition de M. Charbonnier, qui souhaitait que nous nous arrêtions là pour aujourd'hui, étant donné que nous avions déjà bien travaillé. Je ne suis pas du tout certain qu'il y ait une telle unanimité sur les autres motions. Nous avons entendu l'Alliance de gauche, l'UDC et les libéraux, les autres partis veulent-ils s'exprimer avant que nous votions la proposition de M. Charbonnier ? Madame Von Arx-Vernon, vous avez la parole.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Le groupe démocrate-chrétien soutient également la proposition de M. Roulet. Il est indispensable qu'on puisse aborder ce soir la résolution 475 et la motion 1551. C'est ainsi qu'on aura commencé à faire le tour de quelque chose d'indispensable. Nous nous devons d'apporter ces réponses aux citoyens qui nous regardent.
M. Sami Kanaan (S). Monsieur le président, ce sont effectivement deux textes d'actualité aujourd'hui. Je suppose qu'on pourra en effet accepter la motion 1551 à l'unanimité. Il est évident aussi que les socialistes sont extrêmement reconnaissants aux nombreux corps et groupes et membres de l'administration qui ont oeuvré et très bien fonctionné durant ces manifestations: la voirie, la PC, le SIS, les services sociaux, les communes, l'administration cantonale du plus haut au plus bas échelon, ainsi que les policiers sur le terrain. Comme nous l'avons dit, nous étions nous-mêmes sur le terrain, et nous les avons vu suer, courir avec leur équipement, et nous pouvons unanimement les remercier là-dessus, sous réserve, évidemment, des résultats de la future enquête.
M. Thomas Büchi (R). Le groupe radical soutient également la proposition de M. Roulet, pensant à juste titre que le dossier doit être clos ce soir et qu'aucun texte ne saurait rester en arrière. Il faut terminer notre travail.
Le président. Je mets d'abord aux voix la proposition de M. Charbonnier...
Des voix. Elle est retirée !
Le président. Elle est retirée ? Bien. Nous passons à la motion 1551. J'ouvre la discussion sur cette motion. Nous allons traiter la motion et la résolution séparément. Monsieur Rodrik, vous avez la parole.
M. Albert Rodrik. C'est comme vous voulez, Monsieur le président.
Le président. Il faut avoir un petit peu de souplesse. (Rires.)
M. Albert Rodrik. Mais oui, mais oui ! Bravo.
Le président. J'ouvre la discussion sur la motion 1551. (Protestations.)Je m'excuse, Mesdames et Messieurs, mais j'avais sur mon tableau un certain nombre de gens inscrits, j'ai demandé qu'on les enlève, ce qu'on a fait. D'autres personnes se sont ensuite rajoutées, mais j'essaie tout de même de donner la parole à ceux qui la demandent, même si vous êtes subitement pressés de prendre le mords aux dents, ce dont je me félicite.
Je mets aux voix la motion 1551 par vote électronique.
Mise aux voix, la motion 1551 est adoptée à l'unanimité par 84 oui.
Le président. Nous passons à la résolution 475. J'ouvre la discussion et vois que des gens s'inscrivent pour prendre la parole. Nous allons demander à chacun s'il accepte de se retirer ou s'il veut dire quelque chose. Je donne d'abord la parole à M. Blaise Matthey.
M. Blaise Matthey (L). Je renonce !
Le président. Merci. (Applaudissements.)Monsieur Albert Rodrik ?
M. Albert Rodrik (S). Je demande que les remerciements s'étendent aux professionnels de la santé qui ont été de piquet pendant ces trois ou quatre jours. Voilà tout ! (Applaudissements.)
Le président. Très bien, nous le considérerons comme un amendement au titre. Madame Véronique Pürro.
Une voix. Elle renonce !
Mme Véronique Pürro (S). Non, je ne renonce pas, Monsieur Hiler. Mesdames et Messieurs, permettez-moi de relever quelque chose d'assez cocasse. Nous venons de voter à la quasi unanimité une demande d'enquête, demandant de faire la lumière sur toute une série d'acteurs. A la demande d'un membre de l'UDC nous avons dit que l'enquête devait couvrir tous les services concernés, et avant même d'avoir les résultats de l'enquête, nous allons les remercier pour le travail fourni. Je ne trouve pas cela très crédible. Pour ma part, si je peux aussi - et je l'ai déjà fait hier - remercier le travail fourni notamment par la police qui se trouvait durant les trois jours sur le terrain, je refuse de remercier des gens qui pourraient - à moins qu'on n'ait déjà tiré les conclusions de l'enquête - avoir joué un rôle qui ne soit pas digne de nos remerciements.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Il semble au contraire au parti démocrate-chrétien que quels que soient les résultats des enquêtes, il est important aujourd'hui de remercier le travail d'équilibre permanent qu'ont dû fournir les forces de l'ordre, dans un contexte méconnu et difficile. Zéro mort, zéro blessé grave, on le sait déjà. Cet objectif absolu a été atteint, on peut donc parler d'une mission réussie. Il n'empêche que pour atteindre cet objectif les forces de l'ordre ont dû jouer à contre-emploi parfois, devant rester stoïques face aux provocations, aux insultes et au non-respect de nos règles démocratiques. (Brouhaha.)Les consignes de non-intervention peuvent sembler incompréhensibles... s'il vous plaît ! Non, je ne rallume pas les débats, je clos sur quelque chose qu'il me semble indispensable de redire !
Les consignes de non-intervention peuvent sembler incompréhensibles pour le commun des mortels, mais pour les forces de l'ordre exposées au front, cela peut aussi engendrer des sentiments de frustration, de déni de leur fonction et de perte du sens de leur mission. Quant à nous, nous ne pouvons que les assurer de notre compréhension, nous pouvons surtout leur garantir notre respect, notre considération et l'attachement que nous avons à défendre nos valeurs de liberté et de démocratie. Pour tout ce que les forces de l'ordre ont fait et feront dans ce sens, notre reconnaissance leur est acquise.
Le président. Merci. Monsieur Olivier Vaucher, voulez-vous ajouter quelque chose ?
M. Olivier Vaucher (L). Monsieur le président, je me restreindrai uniquement à la conclusion de l'intervention que j'avais souhaité faire. Je voulais dire que face à une situation très délicate, face à des bandes de casseurs particulièrement et lamentablement organisées, nous ne pouvons que remercier l'action de notre police tout en regrettant les dégâts beaucoup trop importants subis par nombre de commerçants, et espérons que, face à ce triste résultat, nous saurons donner à notre police les moyens nécessaires à l'avenir pour faire face à une réalité bien présente.
Le président. Nous donnons la parole à M. Spielmann.
M. Jean Spielmann (AdG). Pendant plusieurs heures, on a entendu des critiques, parfois très vives, parfois assez justifiées, sur certains dysfonctionnements. J'imagine qu'il doit y avoir quelque chose dans l'air, pour que le Grand Conseil décide de créer une commission d'enquête chargée de définir s'il y a véritablement des problèmes de fonctionnement... Remercier tous ces gens, c'est bien, mais, dans ce cas, sur qui se penchera la commission d'enquête ?
M. Souhail Mouhanna (AdG). Les ficelles de la récupération politicienne sont trop visibles ce soir. J'ai entendu de nombreuses interventions depuis hier, dont certaines possédaient une connotation clairement fascisante. Certains députés, notamment sur les bancs d'en face, prétendent aujourd'hui aimer, soutenir et remercier la police tout en condamnant les manifestations; d'aucuns veulent même instaurer un Etat policier ! D'autres voudraient soutenir la police. Eh bien, Mesdames et Messieurs, le meilleur moyen de soutenir la police est de faire en sorte que son action soit légitime ! Or, la légitimité de l'action de la police ne peut provenir que de sa fidélité aux valeurs républicaines. Certains d'entre vous cherchent à transformer la police en un instrument au service de l'Etat policier que vous vous efforcez d'instaurer ! La demande d'interdiction de manifestation formulée par certains participe de la même volonté. Je vous signale que, comme vous le savez fort bien, les droits syndicaux - droit de réunion, droit de manifester, droit de grève - n'ont jamais été offerts par les gouvernants, mais ont été arrachés par la lutte. Si vous essayez d'y porter atteinte, la lutte reprendra ! (Brouhaha.)
Les mêmes personnes qui reconnaissent et qui saluent l'intervention du président de l'Union du personnel du corps de police ont par ailleurs dénié à des individus, sous prétexte qu'ils sont fonctionnaires, le droit de s'exprimer. J'ai personnellement apprécié les propos de Mme Spoerri concernant le droit à l'expression de M. le président de l'Union du personnel du corps de police. J'insiste auprès des policiers de terrain sur la notion de solidarité pour qu'ils fassent en sorte que les valeurs républicaines soient respectées et demande qu'on ajoute aux invites de la résolution des remerciements aux dizaines de milliers de manifestants pacifiques. (Brouhaha.)
Le président. S'il s'agit d'un amendement, vous voudrez bien me l'apporter par écrit. La parole est à M. le député Christian Grobet. Je salue par ailleurs la présence à la tribune de Mme la conseillère nationale Barbara Polla.
M. Christian Grobet (AdG). Cette résolution contient des propos semblant aller de soi. Comme M. Spielmann l'a relevé précédemment, elle n'est cependant pas dénuée d'ambiguïté. Je regrette de dire que le double langage de certains devient quelque peu difficile à supporter. Je relève du reste que, comme je l'ai déjà signalé à ses auteurs, cette résolution se montre très sélective quant aux personnes remerciées. Elle remercie par exemple les policiers allemands mais oublie les services communaux, qui ont pourtant assuré le travail de la voirie. Elle remercie les fonctionnaires des administrations cantonales - ce qui exclut toute une série de collaborateurs de l'administration cantonale ne possédant pas le statut de fonctionnaire - mais ne mentionne nullement le personnel des administrations communales, qui a pourtant effectué des tâches relativement ingrates. Cette résolution aurait, à mon sens, dû être rédigée avec davantage de doigté !
M. Thierry Apothéloz (S). Je propose un amendement formel afin de remercier les personnes mobilisées dans les différentes communes à la demande de l'Etat ainsi que les fonctionnaires des administrations cantonales et communales - pour ne pas spécifier tous les organes tels que les voiries ou les services sociaux des différentes communes - pour avoir oeuvré au bon déroulement de cet événement.
Le président. Monsieur le député, il me faut votre texte par écrit. Je ne ferai voter que des amendements dont j'ai le texte par écrit !
M. David Hiler (Ve). Un certain nombre de services de l'Etat ont assumé des tâches énormes et, pour certains, relativement dangereuses pour leur intégrité. Il me semble dès lors clair qu'il convient de les en remercier. Je ne parviens d'ailleurs absolument pas à comprendre comment certains en arrivent à déduire que des remerciements à ces corps pourraient s'opposer à des sanctions relatives à des faits précis. Cela n'est nullement le cas, puisque la résolution 475 ne fait qu'adresser des remerciements globaux à des corps ayant, dans l'ensemble, accompli leur devoir dans des conditions parfois difficiles; quant aux errements et aux responsabilités des uns et des autres, c'est à la commission que nous venons de nommer qu'il appartiendra de trancher. Il me semble que nous pouvons tous adresser ces remerciements du fond du coeur, y compris ceux qui ont organisé la manifestation puisqu'ils ont collaboré plus qu'étroitement avec ces corps, en particulier avec la police ! C'est donc avec plaisir que je voterai ces remerciements !
Le président. Tout à fait, Monsieur le député. C'est en tout cas bien ainsi que j'ai compris le sens de cette résolution.
M. Pierre Vanek (AdG). Je souhaite faire deux remarques sur la résolution 475, que je ne voterai pas. Ma première remarque, qui concerne la police allemande, renvoie à une question de principe et il s'agit là d'une situation grave: sans qu'il en ait été débattu dans ce parlement, le Conseil d'Etat a sollicité un corps armé en uniforme, étranger.
Une voix. Etranger ?! Cela suffit !
M. Pierre Vanek. Les Allemands sont encore des étrangers, à ce que je sache qui ne répondent pas de leurs actes à nos instances démocratiques ! Cet appel à la police allemande m'apparaît problématique. Je m'oppose donc à ce qu'on la remercie, car on n'aurait selon moi pas dû la solliciter. (Brouhaha.)Si le Conseil d'Etat projetait de faire venir la police allemande, la moindre des choses aurait été d'en débattre dans cette enceinte dans le cadre des débats préliminaires que nous avons tenus au sujet du G8 et de soumettre cette idée à notre parlement !
En deuxième lieu, je suis très fortement attaché...
Une voix. A l'Allemagne !
M. Pierre Vanek. Non, pas à l'Allemagne en particulier, bien que je n'éprouve aucune hostilité à l'encontre de ce pays ! Je suis donc très fortement attaché à la police genevoise...
M. John Dupraz. Menteur !
M. Pierre Vanek. Non, Monsieur Dupraz ! Je suis très fortement attaché à la police genevoise... (Vives réactions.)...ainsi qu'à une certaine culture de rapports démocratiques entre celle-ci et nos concitoyens impliquant, comme mon collègue M. Souhail Mouhanna l'a évoqué, une police «républicaine», une police citoyenne. Or, cette culture genevoise se différencie des rapports entre policiers et manifestants que l'on trouve à Zurich ou à Berne par exemple. J'insiste sur ce point, car il est important et l'on tend à le négliger. Il ne s'agit par ailleurs pas du seul point qui a été omis: lors de son intervention au nom du Conseil d'Etat de la veille, Mme Spoerri a évoqué les manifestations autorisées, qui se sont bien déroulées, et celles ne l'étant pas, qui avaient rencontré des problèmes. Mais Mme Spoerri semble avoir la mémoire courte: elle ne se rappelle pas de la manifestation non autorisée... (Vive agitation.)
Une voix. Elle l'était !
Le président. Monsieur Vanek, restez sur le sujet qui nous occupe !
M. Pierre Vanek. ...du 31 janvier, à l'occasion de laquelle quatre mille jeunes collégiens genevois ont manifesté. Or, alors que le dispositif policier était quasi inexistant, la manifestation s'est déroulée pacifiquement et sans casse. J'ai félicité les officiers en charge de ce dispositif par l'entremise de Mme Spoerri, qui l'a rappelé dans cette enceinte à l'occasion de l'une de ses interventions. (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. Mme Spoerri a également oublié de mentionner les deux manifestations du 20 mars, qui ont réuni sept à huit mille personnes suite au déclenchement par Bush et Blair de la guerre en Irak. Une fois encore, ces manifestations non autorisées se sont déroulées de manière particulièrement pacifique. Si ces manifestations se sont si bien déroulées, c'est parce que Genève possède - ou, du moins, possédait - cette culture démocratique de rapports avec la police que certains ont entrepris de casser. Ces individus sont casseurs d'un bien très précieux de cette République ! (Exclamations.)
D'autres éléments, tels que celui qui s'étalait en titre sur cinq colonnes dans la «Tribune de Genève» du 4 juin, ont été occultés. Ce journal faisait savoir qu'«excédée, la police genevoise se défoule sur les badauds». Tous les médias ont relevé le fait qu'un dérapage s'était produit. Ce n'est pas aimer et rendre service à la police genevoise que de refuser de prendre en compte ces éléments et de ne pas oser adopter une attitude critique. Voter ces remerciements sans être allé au fond de cette affaire ne me paraît pas raisonnable.
Voter de tels remerciements ne me semble non plus pas approprié par rapport aux événements de lundi soir, qui ne se sont pas résumés à l'intervention opportune de Charles Beer. Avant que ce dernier n'arrive, des policiers confédérés - je crois qu'ils étaient zurichois - ont entrepris, non pas d'effectuer un travail de police, mais de tirer des balles en caoutchouc sur des manifestants assis, pacifiques et bloqués depuis des heures. (Manifestation dans la salle.)Ces policiers ont tiré à coup de balles en caoutchouc et ont lancé la motopompe dont ils étaient munis.
Le président. Monsieur Vanek, nous avons bien compris... (Brouhaha.)
M. Pierre Vanek. J'aurai fini dans trente secondes ! Si ces policiers avaient voulu fabriquer de l'émeute, comme je soupçonne certains dans cette salle d'avoir voulu le faire, ils n'auraient pas agi autrement ! (Chahut.)Je ne peux dès lors pas voter les remerciements qui leur sont adressés; nous ne devrions pas voter une résolution qui les remercie !
M. Renaud Gautier (L). Je voudrais faire appel à l'article 234 lettre J de la loi portant règlement du Grand Conseil selon lequel on sonne la cloche et chacun retourne à sa place lorsque la récréation est terminée.
J'entends par là qu'on a beaucoup - vraisemblablement un peu trop - parlé de choses et d'autres. Il existe cependant un principe de base en démocratie: toute personne est innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit prouvée. Une foule d'individus se sont impliqués, tout comme les membres de ce parlement, pour qu'un certain nombre d'événements officiels tels que le défilé du 1er juin se déroulent bien. La police ne saurait, en règle générale, être blâmée. Quant aux personnes qui auraient commis une faute éventuelle, je suis convaincu que ce parlement saura suffisamment, comme il l'a largement démontré ces derniers jours, les blâmer pour leur retirer les remerciements qu'on leur a adressés.
Je souhaite faire deux remarques complémentaires. En premier lieu, si Genève comptait jusqu'à maintenant 400 000 ingénieurs de la circulation, je suis confondu de remarquer, après ces deux jours de débats, que le canton compte au moins cent sept commandants de la police ! Je ne suis pas certain que ce nombre permette à la police de mieux fonctionner. Je pense toutefois qu'une fois le calme retrouvé - la chaleur aidant - nous parviendrons à répondre à la préoccupation principale des Genevois, qui souhaitent qu'une telle situation ne se reproduise plus.
J'espère, en second lieu, que le rapport de la commission d'experts nommés conjointement par les uns et par les autres ramènera le calme nécessaire dans ce parlement.
Pour conclure, je répète qu'il m'apparaît logique de remercier tous les intervenants jusqu'à ce que leur éventuelle culpabilité soit démontrée. (Applaudissements.)
M. Albert Rodrik (S). En français, «remercier» ne signifie ni absoudre, ni amnistier, ni blanchir ! C'est pourquoi je demande à cette enceinte si l'heure de laisser pisser le mérinos n'est pas arrivé ! Dans notre système constitutionnel, on ne renverse pas le gouvernement et on ne dissout pas le parlement ! Y a-t-il, dans cette enceinte, des personnes intéressées à voir si les vingt-huit mois qui nous restent jusqu'en novembre 2005 pourront être utilisés au service de la population ? Je vous remercie de bien vouloir y réfléchir d'ici les jours à venir !
M. Gilles Desplanches (L). Je souhaite rebondir sur les propos qui ont été tenus, non pour refaire un débat mais pour répondre à M. Vanek. (Protestations.)Lorsque des fonctionnaires et des policiers travaillent durant des dizaines d'heures pour défendre Genève, la moindre des choses est de les remercier pour le travail qu'ils ont accompli ! C'est avec brio qu'ils ont défendu Genève !
Le président. Nous sommes tous d'accord. C'est pour cela que j'ai tenu à ce que le débat aille jusqu'au bout. Je mets aux voix l'amendement de M. Apothéloz concernant la résolution 475. Cet amendement prévoit l'ajout suivant à la première invite: «A exprimer vivement ses remerciements, au nom de la République et canton de Genève, aux membres des corps de police allemands, des troupes de la Confédération, des corps de police confédérés et genevois, des sapeurs pompiers, ainsi qu'aux magistrats communaux, aux fonctionnaires et collaborateurs des administrations cantonales et communales et aux membres de la cellule Osiris, pour avoir assuré, dans des conditions difficiles, la sécurité des citoyens et le maintien de la paix civile à Genève».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Le président. Je mets aux voix la résolution ainsi amendée...
M. Albert Rodrik. Et les professions de la santé ?
Le président. Comme je l'ai dit au préalable, les professions de la santé sont introduites dans le titre de la résolution. J'aurais cependant souhaité que vous me transmettiez votre amendement par écrit. Cet amendement consiste donc en l'ajout suivant dans le titre de la résolution: «Proposition de résolution de remerciement aux forces de l'ordre, corps de police, personnel des administrations communales, cantonales et fédérales, aux sapeurs pompiers et aux personnels de la santé engagés dans les opérations de maintien de la sécurité et de la paix civile à Genève pendant le sommet international d'Evian (G8)». Cette motion ainsi amendée...
M. René Koechlin. C'est une résolution !
Le président. Oui, il s'agit effectivement d'une résolution. Monsieur Koechlin, si votre langue n'avait jamais fourché après dix heures de débat... La situation devient quelque peu fatigante pour les uns et pour les autres au bout d'un moment ! Je mets donc aux voix cette résolution par vote électronique et par appel nominal.
Mise aux voix à l'appel nominal, la résolution 475 ainsi amendée est adoptée par 63 oui contre 4 non et 6 abstentions. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.