République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du samedi 10 mai 2003 à 11h
55e législature - 2e année - 8e session - 44e séance -autres séances de la session
Séance extraordinaire sur le G8
La séance est ouverte à 11h, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Robert Cramer et Carlo Lamprecht, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Thierry Apothéloz, Florian Barro, Caroline Bartl, Alain Charbonnier, René Desbaillets, Hubert Dethurens, Antoine Droin, Mariane Grobet-Wellner, André Hediger, Robert Iselin, René Koechlin, Pierre Kunz, Christian Luscher, Alain-Dominique Mauris, Alain Meylan, Jean-Marc Odier, Jacqueline Pla, Maria Roth-Bernasconi, Stéphanie Ruegsegger et Ivan Slatkine, députés.
Le Bureau et les chefs de groupe ont décidé de donner la parole aux trois orateurs encore inscrits, puis de passer au vote sur les amendements sans débat sur ceux-ci dans la mesure où ils ont été expliqués clairement.
Nous consacrerons ensuite 10 minutes par groupe pour les deux objets suivants qui seront traités séparément. Si un groupe épuise son temps de parole au premier objet, il ne pourra pas parler sur le second. Enfin, nous voterons sur ces deux objets.
Je rappelle qu'après les trois intervenants inscrits, nous entendrons Mme la conseillère d'Etat Spoerri. La parole est à M. le député Pétroz.
Suite du débat
M. Pascal Pétroz (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, le parti démocrate-chrétien que je représente ici est un parti du centre. Et être centriste, ça veut surtout dire être raisonnable et responsable. J'entends, au nom de mon groupe, répondre à un certain nombre d'interventions exprimées dans cette enceinte et vous livrer notre position, que nous estimons être celle du bon sens. Nous aimerions que ce bon sens soit partagé par plus de monde au sein de cette enceinte.
Je commencerai par la question de l'interdiction de cette manifestation. Une mesure d'interdiction, c'est bien joli ! On peut citer des arrêts du Tribunal Fédéral - moi aussi j'en suis capable, il se trouve que c'est mon métier - on peut se livrer à du juridisme excessif, c'est possible, mais ce n'est pas en ces termes que la question se pose. La question se pose en termes politiques et humains. Et là je crois que la réponse est claire, cela a été dit tout à l'heure: il n'est tout simplement pas possible d'interdire cette manifestation. Je ne vois d'ailleurs pas très bien comment on pourrait le faire. En appelant les chars ? En envoyant les FA-18 ? Va-t-on mettre des missiles patriotes au sommet du Salève ? Que va-t-on faire ? (Brouhaha.)Je crois qu'il faut être un peu raisonnable. Si l'on interdit quelque chose, il faut avoir les moyens de garantir le respect de cette interdiction.
Je suis d'accord avec M. le député Halpérin sur un point: que nous ne soyons pas en mesure de garantir le respect d'une éventuelle interdiction me fait tout aussi souci qu'à vous. Il n'empêche que la réalité est claire, et le Conseil d'Etat le sait bien puisqu'il n'a jamais évoqué cette mesure d'interdiction. En l'occurrence, je lui fais confiance: je sais très bien que si le Conseil d'Etat ne souhaite pas ou n'a pas souhaité l'interdiction de la manifestation jusqu'à présent, c'est qu'il sait que ce n'est pas raisonnable. Je ne souhaite pas, et notre groupe ne soutiendra pas une demande d'interdiction de cette manifestation, qui n'est finalement qu'une mesure démagogique pour pouvoir dire qu'on a demandé l'interdiction de la manifestation et ensuite s'en laver les mains, en partant à son chalet à Verbier ou à Crans-Montana pendant le week-end du G8, pendant que les autres se débrouillent tout seuls.
J'ajoute que le remède proposé est pire que le mal. Imaginez les débordements qui pourraient surgir en cas d'interdiction. Imaginez ce qui se passerait si des gens essayaient de passer en force à la frontière ! Imaginez que des gens passent la frontière, des centaines de manifestants animés par des intentions plus ou moins pacifiques, et qu'à Genève on leur dise que la manifestation est interdite et qu'ils doivent partir. Imaginez les débordements ! Le remède ici préconisé est pire que le mal, et il l'est d'autant plus qu'en interdisant la manifestation on se prive de la possibilité de négocier avec les altermondialistes. Il me semble qu'un des moyens les plus adéquats de «limiter la casse», si vous me passez l'expression, c'est d'essayer de négocier autant que faire se peut avec les responsables de la manifestation, afin que celle-ci génère le moins de débordements possibles.
Voilà, Monsieur le président, j'en ai terminé en ce qui concerne l'interdiction et vais maintenant m'adresser aux autres bancs de la salle, ainsi tout le monde sera fâché contre moi. (Protestations. Le président agite la cloche.)
Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, écoutez l'orateur !
M. Pascal Pétroz. Nous nous réveillons tous les matins en nous disant que le bon sens du PDC pourrait rassembler tout le monde derrière lui, mais peut-être que nous nous mettons parfois tout le monde à dos à tort.
S'agissant des altermondialistes et de leurs représentants dans cette enceinte, j'aimerais leur dire ceci: qu'une manifestation pacifique ait lieu à Genève ne me dérange personnellement pas. Je ne partage pas vos motivations mais, comme dit l'adage, je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez exprimer vos idées. Cela étant, j'ai entendu ici et là des choses qui ne me plaisent vraiment pas. Qu'on en appelle à la subversion ou à la désobéissance civile, je trouve cela proprement inadmissible, d'autant plus lorsque cela vient d'un fonctionnaire de l'Etat de Genève. J'attends du Conseil d'Etat qu'il examine cette question, car elle me paraît mériter qu'on s'y attarde. A vous les représentants des altermondialistes, j'aimerais vous dire ceci: quand vous pensez que cette manifestation va pouvoir se dérouler dans de bonnes conditions, qu'on va tous manger ensemble le méchoui et fumer le calumet de la paix, j'estime que vous rêvez. J'estime également que vous avez une responsabilité accrue, car c'est vous qui organisez les manifestations, et c'est donc vous qui devrez en supporter la responsabilité. Je rappelle - pour faire tout de même un peu de juridisme - que le code pénal réprime un certain nombre d'infractions telles que la rixe et l'agression, que tout participant à ce type de débordement est punissable, que l'incitation à ce type de débordement est également punissable. Je ferai partie, après le sommet du G8, de ceux qui viendront vous demander des comptes si les choses se passent mal, que ce soit sur un plan pénal ou sur un plan civil. Vous avez une responsabilité, à vous d'en être conscients et à vous d'assumer les conséquences éventuelles de débordements potentiels. Si toutes les choses se passent bien, tant mieux, bravo, vous aurez bien travaillé. Mais s'il y a des débordements, c'est vous qui en serez responsables.
J'aimerais vous dire une dernière chose en ce qui concerne l'intitulé de cette motion. Parler de «Genève, ville ouverte» ne nous paraît vraiment pas adéquat, car cela laisse à penser qu'on va ouvrir nos portes à un afflux massif de manifestants, que la police sera en congé, qu'elle va aller faire des barbecues à la montagne tranquillement. J'imagine que cela leur ferait bien plaisir d'avoir un congé de temps en temps, compte tenu des heures supplémentaires qu'ils effectuent, mais ce n'est pas cela que nous voulons... Nous voulons bien évidemment que la police soit là. Nous ne sommes donc pas d'accord avec l'intitulé «Genève, ville ouverte». Pour nous, l'intitulé qui doit prévaloir est celui de «Genève, ville de paix», mais également «Genève, ville de droit» car nous ne pourrons tolérer aucune déprédation sur les commerces de cette République, aucune agression de commerçants, aucune vitrine cassée et aucune voiture endommagée.
M. Pierre Schifferli (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, les discours lénifiants des représentants du PDC ne peuvent évidemment pas nous convaincre. L'UDC appuiera l'amendement lucide et courageux proposé et brillamment soutenu par notre collègue Michel Halpérin. La réaction de gamin vexé de M. Hodgers, à qui on veut piquer le jouet avec lequel il va se brûler, ne nous convainc pas, pas plus que celle de gamin suffisant, prétentieux et mal éduqué, qui pleure parce qu'on lui reprend le ballon qui lui a été offert pour jouer au foot et pas pour le lancer dans les vitres des voisins.
Les références de MM. Vanek et Pagani à la bonne attitude de M. Berlusconi, qu'ils félicitent de ne pas avoir interdit la manifestation à Gênes, nous surprennent un peu... (Protestations dans la salle.)Je ne savais pas que vous aviez ces références. M. Berlusconi aurait sans doute mieux fait de l'interdire, cette manifestation, puisqu'il y a eu pas mal de dégâts, il y a eu des violences, il y a eu un mort ! Les policiers ont été attaqués et étaient eux aussi en danger de mort. Il y a eu à Gênes des émeutes et des débordements. Ce que l'on craint aujourd'hui, c'est qu'il y ait des débordements et des émeutes à Genève - choses punies par le code pénal - et cette crainte est manifestement fondée. Tous les renseignements sont là pour nous indiquer qu'il y aura plus de 100 000 manifestants à Genève, et qu'ils seront violents: les renseignements de police et des différents services internationaux l'affirment.
Puisque notamment M. Pagani a parlé d'histoire un peu ancienne, on peut revenir à l'histoire locale: lors des manifestations contre le défilé de l'armée en 1995, puis contre l'OMC en 1998, il n'y avait pas des masses de manifestants étrangers, nombreux, bien organisés et très violents. Quelques éléments du Bloc Noir suisse-allemand ont suffi pour que ça cogne assez fortement et crée des dégâts très considérables, largement au-dessus de plusieurs millions de francs. La question qui se pose est de savoir si vous voulez adopter la tactique prudente et intelligente de M. Zisyadis, celle du retrait, ou la tactique de M. Aristide Pedrazza, le syndicaliste qui s'exprime comme suit dans le journal «Le Temps»: «Les casseurs peuvent aussi se voir comme les partisans de l'auto-défense et de la destruction des biens de luxe symbolisant le capital.» Evidemment, avec de tels discours, on peut casser pas mal de choses. On peut aussi adopter la tactique pacifique du tube roquette, utilisée par un ex-député vert...
Bref, nous savons que des débordements sont certains. C'est de la responsabilité du Conseil d'Etat, et le peuple genevois vous tiendra responsables, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, de ce qui va se passer, des violences et des dégâts qui ne pourront pas être maîtrisés. Nous vous demandons d'ores et déjà de nous fournir, une fois que cet événement sera terminé, un bilan chiffré des dégâts humains et matériels.
Une voix. C'est la guerre ou quoi?
M. Pierre Schifferli. La déclaration «ville ouverte» qui figure en tête de cette motion - dans la première invite, je crois - nous gêne beaucoup. Les démocrates-chrétiens changent les mots et croient que ça va changer la situation. Or, il faut agir. Et quand on veut, on peut modifier le déroulement des événements. De toute manière, ces termes de «ville ouverte» nous gênent terriblement: mon premier souvenir de l'histoire contemporaine est celui des autorités françaises déclarant Paris «ville ouverte» au moment où les troupes allemandes entraient dans la capitale française... Je ne comprends pas comment on peut adopter comme stratégie celle de laisser entrer des dizaines, voire des centaines de milliers de manifestants étrangers, dont la plupart à l'évidence n'ont pas des intentions pacifiques ! Nous savons qu'il y aura des débordements. Dans cette pesée des intérêts, il appartient au Conseil d'Etat de s'engager et de prendre les mesures adéquates.
Prétendre qu'on ne peut rien faire car on n'a pas assez de forces disponibles, c'est effectivement assez navrant. Peut-être la situation est-elle difficile, mais il faut faire avec les forces qui sont à disposition. Il y a en outre certaines mesures relativement simples qui peuvent être prises du point de vue de la tactique. Ces mesures sont d'ailleurs mentionnées dans l'amendement proposé par le parti libéral, amendement que l'UDC soutiendra donc.
M. Claude Aubert (L). Qu'ils soient 50 000 ou 100 000, la question que je me pose et que vous vous posez aussi, c'est de savoir si une somme de bonnes volontés individuelles résiste à toutes les contraintes d'un système. Dans ce sens-là, évidemment, on se demande quel est le système. Pour la réflexion, je pense que le système qui est en cause, c'est ce que Guy Debord a décrit comme étant la civilisation du spectacle. Dans la civilisation du spectacle, on bombarde les gens d'images et de spectacles en tous genres...
M. Claude Blanc. Si c'est seulement des images, ça va !
M. Claude Aubert. ...de sorte que les gens pensent que la vraie vie, c'est celle qu'on leur montre, ce qui conduit à un appauvrissement épouvantable de la vie personnelle. Prenons Loft Story:dans Loft Story, vous mettez des gens dans un bocal, et vous observez. Des millions de gens pensent que la vie qui est vécue est celle du bocal. Dès lors, on va s'habiller comme les gens qui sont dans le bocal, on va donner à nos enfants et petits-enfants le prénom des gens qui sont dans le bocal. Le spectacle est aujourd'hui partie prenante des opérations militaires, puisqu'au fond n'importe quelle personne qui pense que le monde dépend de lui peut suivre rapidement les évolutions des chars d'assaut dans différents pays et, par conséquent, la personne peut penser que c'est là qu'elle a un impact, alors que son impact devrait être là où elle est.
En ce qui concerne les manifestations, on pourrait parfaitement penser que la manifestation peut être comprise aussi comme un spectacle, avec comme mots clefs: «Je manifeste mondialement, et je m'abstiens localement». Pensez à la période avant le premier tour des élections présidentielles françaises. On pourrait très bien penser qu'un certain nombre de gens se sont dit que, comme ils manifestaient, ils agissaient politiquement, alors que la vie politique se passe ailleurs ! Il y a là un trompe-l'oeil. C'est pour cela que dans la démarche libérale, qui viserait à interdire ces manifestations, il y a aussi un signal fort qui est donné: même si les manifestations peuvent certainement être considérées du point de vue de la liberté d'expression, elles ne se résument pas seulement à cela, mais pourraient parfaitement être le cortège funèbre de la démocratie, puisque les gens peuvent penser que c'est là que les choses se passent. Dans ce sens-là, le spectacle a un poids énorme, car les individus n'y ont pas de vie propre et veulent tout le temps vivre la vie des autres. Je pense que dans la manifestation, on vit la vie de l'autre et que, par conséquent, on ne devient plus rien soi-même.
Surgissent alors les contraintes du spectacle: lorsqu'on est dans un immense groupe, observés par des millions de téléspectateurs au moment où le rideau se lève, et que la scène est encore vide, il se trouve toujours des gens pour vouloir faire le spectacle. A ce moment-là, n'importe quelle foule de gens bien intentionnés, de pacifistes, peut parfaitement se changer en foule sanguinaire. Si vous voyez des hommes casqués se battre avec des hommes cagoulés, vous ne pouvez pas ne pas faire référence au Colisée et aux gladiateurs. Or nous n'avons aucune raison de penser que nous sommes plus évolués que les Romains, car malheureusement nous avons tous dans les foules besoin de sang.
M. Jean Spielmann. En ce qui vous concerne, oui !
M. Claude Aubert. On verra d'ailleurs ce besoin de sang dans la suite du spectacle, car une fois le spectacle fini, que va-t-il se passer ? C'est très simple: on va demander le sacrifice, on va demander des têtes, et on peut déjà prévoir - c'est peut-être la seule certitude que nous ayons - qu'on demandera la tête du Conseil d'Etat, de la présidente du département. (Protestations.)C'est comme ça que ça se passe ! Et si vous consultez le Mémorial de 1998, tome 3 - j'ai la référence exacte - vous verrez qu'on a demandé des têtes et qu'on a utilisé des arguments qu'on retrouvera tels quels dans les journaux ou dans les discussions qui auront lieu après le G8.
Pour conclure, on ne peut pas dire que la manifestation n'est qu'une question de liberté d'expression. Je pense que c'est l'expression d'un trompe-l'oeil et que ce trompe-l'oeil doit pouvoir être dénoncé. Ce sont évidemment des hypothèses, mais il y a une certitude absolument claire: si jamais - et personne ne le souhaite - Genève se trouve saccagée après le G8, vous ne verrez aucun organisateur dire à la population genevoise: «Excusez-nous, nous avons semé le vent, et vous avez récolté la tempête.» (Applaudissements fournis.)
Le président. Nous arrivons au terme du débat, la parole est à Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. La liberté de manifester sera garantie à Genève pendant le sommet d'Evian, à la condition que la sécurité des personnes et des biens ne soit pas menacée. Permettez-moi de faire quelques mises au point aujourd'hui. Jusqu'à Pâques, les discours de certains altermondialistes - dont il faut rappeler qu'ils sont issus de Suisse et de France - conduisaient à organiser l'essentiel de la manifestation en France, conformément au principe auquel la France s'était engagée, c'est-à-dire à l'organisation d'un contre-sommet en France. L'idée d'une manifestation avec deux points de départ - l'un au centre de Genève, l'autre à Annemasse - avec une fusion des cortèges à Vallard et une fin de manifestation à Etrembière a vu le jour fin avril et a été négociée à partir du 2 mai seulement. La définition finale de ce parcours et le nombre de manifestants évalué à 100 000 - non pas par moi, mais par un certain nombre de spécialistes - ont conduit la délégation intercantonale à demander pour Genève des renforts supplémentaires. J'aimerais tout de même vous rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que des renforts spéciaux pour l'aéroport avaient déjà été requis par la délégation intercantonale le 16 avril, dans sa lettre à la délégation fédérale, et que l'absence chronique de réponse de la Confédération - qu'il s'agisse de financement, de renfort de police ou de sa responsabilité en matière de dommages - n'a pas simplifié les décisions que cette délégation et que nos cantons avions à prendre. C'est un événement de taille, dont l'évaluation des risques échappe visiblement à la délégation bernoise, à lire les propos ce matin de sa présidente, qui finalement ne répond toujours pas aux questions des cantons, mais qui par contre leur donne des leçons de morale. Voilà pour la petite histoire.
J'aimerais vous dire que le Conseil d'Etat prend ses responsabilités et continuera à les prendre. Ainsi, lors de la séance du Conseil d'Etat de mercredi prochain, compte tenu du refus de la Confédération d'apporter, par le biais de l'accord avec l'Allemagne, les renforts que nous avions demandés, et donc à défaut d'avoir des renforts confédéraux suffisants, le Conseil d'Etat prendra ses responsabilités, tout d'abord en limitant dans certaines zones du territoire genevois la possibilité de manifester, ensuite en renforçant le maintien de l'ordre dans le centre-ville, ceci afin de protéger les biens et les personnes. D'ores et déjà et depuis quelques jours, nous renforçons également nos liens et nos dialogues avec les organisateurs, en leur demandant, d'une part, de faire en sorte que leur propre maintien de l'ordre se tienne prêt et, d'autre part, de bien vouloir s'engager sur une sorte de déclaration d'intégralité par rapport à leurs objectifs de manifestation. C'est dans cette situation seulement que nous pourrons prendre les mesures adéquates.
Je rappelle encore - et conformément aux accords initiaux - qu'il n'est pas pensable que la manifestation se disloque et se dissolve sur la frontière de Vallard, car nous serions alors amenés - et le bon sens même l'indique - à gérer des flux tout simplement ingérables, qui pourraient porter atteinte au territoire genevois.
En matière de communication, on me reproche ici et là de ne pas transmettre l'information. Mesdames et Messieurs, à vous entendre, il y aurait une science du G8. Eh bien, il n'y en a pas ! Et je ne prétends pas, ni le Conseil d'Etat d'ailleurs, avoir la science infuse. Il convient aujourd'hui que chacun prenne ses responsabilités dans ses fonctions, je ne doute pas que vous le ferez. Je pense que Genève doit garder cette image à la fois d'ouverture - comme on le disait tout à l'heure - mais doit aussi raison garder. Et arrêtons de faire du catastrophisme, mais sachons prendre les mesures qui s'imposent pour la sécurité de nos concitoyens.
Je parlerai tout à l'heure, lors de la prochaine motion, de la doctrine d'engagement à laquelle chacun est attaché, et pour cause. J'aimerais vous dire avant tout que la police elle-même est demandeuse d'une clarification - nous en débattrons tout à l'heure si vous le voulez. Voilà pour l'instant ce que je souhaitais déclarer en préambule à votre vote. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons passer au vote. Nous avons d'abord un premier amendement, présenté au nom du groupe libéral par M. le député Halpérin. Cet amendement remplace l'ensemble des invites de la motion par les trois nouvelles invites suivantes: «... à interdire toute manifestation en rapport avec le sommet du G8 sur le territoire du canton durant la dernière semaine de mai et la première de juin 2003; à obtenir le concours des autorités fédérales pour que toute mesure soit prise aux frontières internationales pour empêcher l'arrivée à Genève de groupes prétendant manifester sur le territoire cantonal; à obtenir le concours des autorités fédérales et cantonales compétentes pour prévenir l'arrivée, sur le territoire du canton, en provenance d'autres cantons suisses, de groupes prétendant manifester sur le territoire cantonal.» L'appel nominal est demandé. (Appuyé.)
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 44 non contre 32 oui et 1 abstention.
Le président. Nous passons maintenant à un amendement similaire de M. Gilbert Catelain qui dit ceci: «... à interdire toute manifestation en rapport avec le sommet du G8 sur le territoire du canton durant la dernière semaine de mai et la première de juin 2003 si les organisateurs de la manifestation clairement identifiés n'apportent pas les garanties suffisantes quant au déroulement sans violence de la manifestation d'une part, et d'assurer leur responsabilité civile d'autre part.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 32 oui.
Le président. Nous passons maintenant aux amendements présentés par le groupe démocrate-chrétien. Dans le titre, la mention «Genève, ville de paix» remplacerait «Genève, ville ouverte».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 45 oui contre 32 non.
Le président. Un amendement à la première invite est formulé ainsi: «réaffirmer la vocation internationale de Genève, ville de paix et de droit»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 46 oui contre 32 non.
Le président. Nous votons maintenant l'amendement portant sur le cinquième paragraphe de la deuxième invite, qui dit: «à renoncer à inciter les petits commerces de restauration à rester fermés».
Mme Janine Berberat. Il y a un problème !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, mon écran donne des résultats qui me paraissent conformes. Ne regardez pas les grands écrans, c'est pour cela que je vous lis les résultats. La semaine précédente déjà, au Conseil municipal, les grands écrans ne donnaient pas des résultats conformes.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 45 oui contre 32 non.
Le président. Nous passons au dernier amendement qui porte sur le sixième paragraphe de la deuxième invite: «à informer la population genevoise et de la région des manifestations prévues et de leurs conséquences sur la vie quotidienne».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 45 oui contre 32 non.
Le président. Le vote par appel nominal est demandé. (Appuyé.)
Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 1535 ainsi amendée est adoptée par 44 oui contre 33 non et 1 abstention.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à la motion 1542 et à la résolution 472. Je vous rappelle que les chefs de groupe et le Bureau ont décidé d'accorder dix minutes par groupe sur les deux objets. Nous commençons par la motion 1542. Sont déjà inscrits MM. Vanek, Pagani, Barrillier et Portier. Comme nous n'accordons que dix minutes par groupe sur les deux objets, vous pouvez vous inscrire, mais vous n'aurez peut-être pas tous la parole. Non, Monsieur Grobet, nous ne reviendrons pas là-dessus, cela a été décidé ainsi en présence d'un membre de l'AdG. Monsieur le député Vanek, c'est à vous.
M. Pierre Vanek (AdG). Merci, Monsieur le président. Cette motion tire les conséquences de ce qui a été débattu tout à l'heure. Elle prévoit un engagement des forces de l'ordre discret, retenu, pondéré, articulé avec un dispositif policier qui soit connu du public, qui puisse faire l'objet d'un dialogue avec les organisateurs et les manifestants sur le terrain. C'est une invite de bon sens, qui confirme les rapports que nous avons le plus souvent, traditionnellement, à Genève entre policiers et manifestants - qui ont donné d'excellents résultats dans toutes sortes d'occasions - et qui met explicitement sur le papier une intention de tourner la page concernant l'engagement malheureux de la police à Genève le 29 mars, concernant les engagements non tenus entre policiers et manifestants à Davos, etc. Cette motion est, de ce point de vue là, une excellente chose. Nous la soutenons de tout coeur, comme nous soutenons l'intention des manifestants exprimée par Rémy Pagani tout à l'heure, qui est de faire en sorte que tout se déroule au mieux. Ce n'est pas la police qui va assurer et garantir que tout se passe bien, ce n'est pas non plus un service d'ordre détaché par les manifestants ou les organisateurs hypothétiques, que vous évoquiez comme si c'était ou si ça devait être le Komintern de la grande époque, mais ce sont essentiellement les participants, informés des objectifs de cette manifestation, qui doivent faire en sorte qu'elle se passe le mieux possible.
J'aimerais dire une toute petite chose par rapport à une intervention issue, je crois, des bancs démocrates-chrétiens. Je salue globalement la position que ce parti a adoptée, mais pas celle qui consiste à assimiler d'éventuels blocages pacifiques et non violents de routes ou autres à des débordements, à des casseurs, à des actions illégitimes. Je pense qu'il faut faire passer une ligne de démarcation claire entre actions violentes, déprédations, atteintes aux personnes et aux biens - totalement et clairement rejetées par tous les porte-parole du mouvement altermondialiste - de la volonté, le cas échéant, par des sit-in sur la voie publique ou autre, d'exprimer pacifiquement et de manière non violente son opposition à toute la machinerie mise en place autour du G8. Cette intention-là ne doit pas être mise dans le même panier que les atteintes aux personnes ou aux biens par des procédés violents.
M. Gilbert Catelain (UDC). Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, nous souhaitons respecter la séparation des pouvoirs entre ce parlement et le Conseil d'Etat. Il est donc manifestement clair que la question de l'organisation de la sécurité est la tâche du Conseil d'Etat, c'est à lui qu'il incombe de prendre cette responsabilité et les conséquences qui en découleront.
Concernant cette motion, nous l'avons dit: nous sommes favorables à la liberté d'expression, et donc favorables à la liberté de manifester, pour autant qu'elle soit clairement encadrée. Nous sommes contre tout flou artistique qui peut découler d'un manque de coordination entre le Conseil d'Etat et la nébuleuse des huit cents organisations altermondialistes - huit cents organisations qui vont convoquer des gens pour venir à Genève, on peut imaginer quels chiffres on va atteindre ! - actuellement fédérées au sein du Forum lémanique, auquel participent plusieurs députés.
Mesdames et Messieurs les organisateurs, vous devez être capables d'assurer un service d'ordre adéquat, afin d'annihiler les réseaux de casseurs. Or, tout à l'heure, M. Hodgers nous a apporté la preuve qu'il était possible qu'une manifestation importante se déroule sans violence, puisque cela a en effet été le cas à Florence. La question est de savoir pourquoi cela a été le cas à Florence. Bien sûr, c'est parce qu'il s'agissait d'un forum social. On y évoquait des idées qui allaient dans le sens des manifestants, des idées sociales, et il n'y avait donc aucune raison d'être violent, c'est évident. A Gênes, lors du G8 de 2001, il n'y a eu aucune violence le jeudi. Autrement dit, les organisateurs, qui maîtrisaient leur programme, qui ont fait venir des gens qu'ils ont encadrés et hébergés, avaient décidé qu'il n'y aurait pas de violence le jeudi à Gênes. Le Black Block était pourtant présent ! Il est manifestement clair que ce Black Block est téléguidé par les organisateurs, et que ses membres attendent les ordres pour intervenir ou non. Que vous le vouliez ou non, c'est comme ça: c'était le cas pour les autres sommets, que ce soit à Nice, où se réunissait la Communauté européenne et donc 15 pays de la planète, ou aux Etats-Unis.
M. Rémy Pagani. Mensonge !
M. Gilbert Catelain. Non, ce n'est pas un mensonge, c'est la réalité. Si vous êtes capables de maîtriser les manifestants, c'est d'accord, nous vous en félicitons et nous vous appuyons. Si vous n'en êtes pas capables, il serait plus sage de protéger les biens et les personnes de ce canton soit en interdisant cette manifestation - mais nous avons refusé cette possibilité - soit en la restreignant. En conséquence, il n'est pas du rôle du Conseil d'Etat de vous décrire le dispositif exact des mesures qui seront prises pour encadrer cette manifestation. Vous ne voulez tout de même pas que la sécurité se dégarnisse pour qu'on sache où on va pouvoir taper !
Nous sommes tous des altermondialistes, mais nous refusons l'anarchie, cela est clair. Même au sein de l'UDC, certains désapprouvent les dérives que peut engendrer la mondialisation, mais celle-ci a toujours existé et on ne peut pas tout avoir ! Les premiers mondialistes étaient les Grecs, qui nous ont apporté pas mal de richesses.
Ce que nous souhaitons, c'est laisser au Conseil d'Etat le soin d'assumer sa responsabilité. Libre à lui d'informer ou de ne pas informer; libre à lui de faire des communiqués publics ou ne pas le faire; par contre, nous l'invitons à tout de même informer la population du fait que Genève, pendant ces manifestations, ne sera pas une aire de jeux. On aura invité des jeunes à manifester, peut-être même des enfants, alors qu'il y a des risques. Il y a un double langage: d'un côté, on nous fait peur en annonçant 100'000 manifestants dont des casseurs, et de l'autre on nous dit que tout se passera bien, que les gens et les enfants peuvent aller manifester, qu'il n'y aura pas de souci. Non, ce n'est pas le cas ! Comme on l'a dit, ce ne sera pas une aire de jeux, et il faut donc informer la population des conséquences possibles de ces différentes journées à Genève. En conséquence, le groupe UDC ne soutiendra pas cette proposition de motion.
Le président. Vous avez parlé pendant quatre minutes et vingt secondes. Comme vous ne voyez rien sur l'écran pour des raisons techniques, je vous lis la liste des orateurs, mais nous interromprons le débat pendant quelques minutes, le temps de remettre en marche l'informatique. Dans l'ordre, sont inscrits M. Letellier, M. Gautier, M. Weiss, M. Portier, M. Barrillier, Mme Leuenberger, M. Sommaruga, M. Pagani et Mme Bolay.
La séance est suspendue à 11h45.
La séance est reprise à 11h55.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux. Je vous rappelle qu'il y a plusieurs orateurs inscrits, que chaque groupe a droit à dix minutes, et que nous tenons soigneusement la comptabilité. Vous pourrez intervenir soit sur la motion, soit sur la résolution, mais nous ne rouvrirons pas la liste. La parole est à M. Georges Letellier.
M. Georges Letellier (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je vous ai déjà dit il y a un mois et demi, deux sessions du Grand Conseil en arrière, que nous n'étions pas contre la liberté d'expression, ni donc contre la liberté de manifester. Par contre, nous nous opposons à l'à-peu-près, au flou et notamment au flou artistique autour de cette manifestation. J'aimerais en particulier que les organisateurs définissent leur politique: comment protéger les gens ? Vous devez être capables d'assurer un service d'ordre adéquat afin d'annihiler les éventuels casseurs. C'est élémentaire ! Si vous êtes capables de garantir ce contrôle, banco pour la manif; si vous n'êtes pas capables de la contrôler, il serait plus sage de protéger les biens et les personnes de ce canton en interdisant cette manifestation.
Nous sommes tous altermondialistes, et moi en particulier (Rires.)- je me mouille - mais nous refusons l'anarchie, comme vous l'a dit mon collègue Gilbert Catelain. Nous devons faire place à l'ordre permanent, permettant de sécuriser le citoyen. Je demande donc à MM. Brunier, Hodgers et Vanek de prendre leurs responsabilités. Il est bon d'avoir organisé un meeting tel que celui-ci, d'accueillir des hôtes, etc., mais vous avez aussi la responsabilité d'éviter la casse. Sachez-le bien, car c'est vous qui paierez la casse !
M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, c'est au sujet de la résolution 472 que j'interviens. Première remarque: ce serait à mon avis un grand aveu de faiblesse de la part du Conseil d'Etat que d'entrer en matière sur cette résolution-là. En fait, nous voilà dans une situation où tout à coup le législatif décide qu'il n'a plus confiance dans les processus normaux de cette démocratie et qu'il doit se rendre sur place pour vérifier ce qui est fait. On peut d'ailleurs se poser la question de savoir dans quelle mesure, si l'on décide d'avoir dorénavant des observateurs pour le travail des conseillers d'Etat ou des départements, il ne faudrait pas aussi créer un groupe d'observateurs qui, par exemple, irait voir au département de l'intérieur vérifier pourquoi, malgré le vote populaire sur la complémentarité des transports, cela ne fonctionne pas. On pourrait aussi envisager d'avoir un groupe d'observateurs qui irait au département des travaux publics pour observer pourquoi on ne peut plus planter un clou à Genève. Somme toute, pourquoi faire un cas particulier au niveau du département de justice et police ?
Deuxième remarque: Mesdames et Messieurs, je vous rends attentifs à vos propres paroles. Il est marqué dans cette résolution que ce groupe d'observateurs agira «de manière neutre et impartiale». Je vous pose la question: quels sont les propos neutres et impartiaux qui ont été tenus dans cette salle par les députés qui veulent être observateurs aujourd'hui ?
Une voix. Les nôtres !
M. Renaud Gautier. J'ai donc un gros doute quant à la notion de neutralité et d'impartialité. Ensuite, j'aimerais quand même rappeler ici que lorsque les organisations internationales - dont Genève aujourd'hui se glorifie et sur lesquelles elle s'appuie - envoient des observateurs, que ce soit du CICR ou de l'ONU, elles commencent d'abord par les former. On n'envoie pas faire de l'observation sur le terrain des gens qui, même pleins de bonne volonté, n'ont somme toute pas forcément les compétences nécessaires pour rendre un rapport neutre et impartial.
Enfin, dernière remarque: quels sont les buts recherchés ? Puisqu'on veut qu'il y ait des observateurs du côté de la police, n'est-il pas a priori sous-entendu que la police ne fera pas sa tâche ? Je rejoins là les propos qu'a tenus tout à l'heure notre collègue Claude Aubert: ne sommes-nous pas en train de piper les dés, alors que l'on devrait dans cette enceinte essayer de calmer le débat, plutôt que de l'enflammer ?
Enfin, cerise sur le gâteau: un de nos éminents collègues, qui nous a incité à signer cette résolution, parle de son souhait de voir ce groupe d'observateurs transformé en commission permanente de ce Grand Conseil, avec jetons de présence ! Là aussi, je me pose la question de savoir si nous ne faisons pas une légère confusion des genres, entre le but prétendument poursuivi et la réalité des choses. Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, si nous voulons raison garder dans ces moments particulièrement difficiles que traversera Genève au mois de juin, je vous encourage vivement à refuser ce projet de résolution.
M. Pierre Weiss (L). Lorsque l'on organise quelque chose, on s'efforce de ne pas faire une chose et son contraire à la fois: lorsque l'on veut lutter contre les incendies, on s'efforce de ne pas inviter des pyromanes; lorsque l'on veut organiser quelque chose, l'on fait en sorte d'exclure ceux qui nient la possibilité pour l'Etat de droit de perdurer. C'est pourtant ce qui est en train de se passer. Ce qui se passe actuellement est notamment dû au fait que l'on a invité à la table des spécialistes du double discours. J'en prendrai deux pour illustrer mon propos.
Le premier, c'est M. de Marcellus, fonctionnaire de cet Etat. Contrairement à M. Pagani qui imagine qu'il n'y aura aucun dégât ni contre les personnes, ni contre les choses, M. de Marcellus a déclaré dans la «Wochen Zeitung» la chose suivante, que je traduis de l'allemand puisque M. Beer, à qui j'ai transmis cette déclaration, ne m'a pas encore répondu. Peut-être faut-il pour ce faire développer les connaissances d'allemand de son département ? M. de Marcellus déclarait «tout à fait contre nos principes de ne justifier la violence que contre les choses», ce qui signifie qu'il est tout à fait dans ses principes d'accepter la violence contre les choses ! Et M. de Marcellus continuait en disant: «Nous avons discuté avec des spécialistes du combat armé.» En d'autres termes, nous avons avec M. de Marcellus une personne qui, il y a moins d'un mois, dans un journal alémanique, nous expliquait qu'il y aurait des dégâts contre les biens des Genevois, et qu'il justifiait à l'avance ces dégâts contre les choses et les biens des Genevois, qu'ils soient commerçants ou citoyens.
Des mesures sont donc à prendre, et cela par le Conseil d'Etat. La première consiste à appliquer l'article 24 du règlement sur les spectacles et divertissements. Cet article 24 prévoit l'interdiction des masques et des travestis. Il va de soi que ce règlement, qui vaut en temps d'Escalade, vaudra aussi pour cette manifestation que certains voudraient festive. La deuxième mesure qu'il conviendra de mettre sur pied par ceux qui se veulent les organisateurs de la nébuleuse de Sirius, ce sera d'avoir un service d'ordre interne, responsable. L'organisation de ce service d'ordre responsable passe entre autres par la dénonciation de ceux qui attenteront aux biens des personnes, donc aux choses - et je ne parle pas des attentats qui seront commis contre les personnes ! Pour cela, je me réserverai ma deuxième citation personnelle: «Qui veut faire l'ange, fait la bête.»
En la matière, «Le Courrier» de jeudi nous a fourni une ample démonstration de la bêtise passée de M. Nissim - pour la bêtise présente, M. Hodgers suffira. Il est vrai que M. Hodgers était à peine né en 82, mais aujourd'hui on voit bien, avec la violence et avec l'insolence de ses propos, qu'il prend la succession irresponsable de M. Nissim. Celui-ci a reconnu avoir tiré au lance-roquettes, or il a siégé dans vos rangs. M. Nissim s'est présenté comme un agneau, il était en réalité un loup déguisé, mais un loup peureux, qui ne voulait pas aller en prison, pas «faire de la taule», parce qu'évidemment prendre la responsabilité de ses actes, voilà qui est trop fort pour les membres de Red Green Block. Le Red Green Block, l'allié objectif du Black Block. (Rires.)
Monsieur le président, j'entends terminer mes propos par une petite précision sémantique: certains voudraient faire croire que l'altermondialisme est une doctrine acceptable. Pour le moment, nous savons surtout qu'elle est vide, et nous savons d'abord qu'elle se résume par l'antimondialisme. En réalité, il faut continuer à dire et à proclamer bien fort que nous avons affaire à des antimondialistes. Mais j'ajouterai une deuxième précision sémantique: nous n'avons pas affaire à des alternatifs, nous avons affaire avec ces gens-là à des antinatifs, à des gens qui luttent contre les natifs de Genève et qui organisent la destruction des biens de ces natifs de Genève. Voilà par quoi, Monsieur le président, j'entendais mettre en garde contre ces événements de la fin du mois de mai et du début du mois de juin.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral a épuisé son temps de parole. La parole est à M. le député Portier.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). J'entends, si on me laisse l'occasion de le faire... (Léger brouhaha.)...m'exprimer relativement brièvement sur la motion 1542, qui prévoit une stratégie d'engagement des forces de l'ordre lors des manifestations d'opposition au G8.
En préambule, j'aimerais revenir sur quelques propos tenus par notre éminent collègue M. Halpérin, notamment lorsqu'il a développé sa proposition d'interdire les manifestations, proposition que nous, démocrates-chrétiens, jugions utopique. J'aimerais dire qu'il nous paraît tout à fait paradoxal qu'il ait pu faire ce type de propositions, parce qu'en cas de réussite dans cette entreprise, il aurait mis le Conseil d'Etat - et particulièrement la présidente libérale du département de justice et police - dans l'embarras, puisque ce même Conseil d'Etat et cette même présidente auraient été dans l'impossibilité d'assumer l'interdiction souhaitée de manifester.
M. Halpérin a également dit que nous ne serions pas capables de faire face à la déferlante - à la «cohorte», pour reprendre ses mots - de manifestants. C'est vrai que si l'on reste les bras ballants, nous ne serons pas capables d'y faire face, mais il convient de s'y préparer, et le Conseil d'Etat tente de le faire - avec plus ou moins de succès jusque-là - depuis quelques semaines. Il est extrêmement important que nous l'aidions dans cette entreprise, et qu'à l'occasion de ce débat, nous lui renouvelions notre confiance, tout comme le parti démocrate-chrétien tient à renouveler sa confiance en la police. C'est justement de cela dont parle la motion 1542. M. Halpérin a également rappelé que la sécurité était une tâche fondamentale de l'Etat. C'est un rappel qui tombe fort à propos, à la veille des événements que nous évoquons depuis de longues semaines.
Pour en venir à la motion 1542, elle nous semble globalement souhaitable. En effet, il apparaît souhaitable, dans le cadre de ce débat, que le parlement et le Conseil d'Etat passent une sorte d'accord sur la stratégie d'engagement des forces de l'ordre. Je précise bien - et j'y reviendrai - que le parlement ne doit pas du tout se mêler de l'opérationnel, mais qu'il s'agit au moins de débattre sur la forme que devrait revêtir l'engagement des forces de l'ordre pour maintenir la sécurité dans notre ville de Genève. Je le rappelle, les démocrates-chrétiens vont donc globalement voter cette motion 1542, à condition toutefois que la majorité de ce parlement fasse bon accueil et vote les trois amendements suivants.
Tout d'abord, il nous paraît indispensable de rajouter une invite supplémentaire qu'il faudrait placer en tout premier, affirmant au peuple genevois que nous allons tout entreprendre pour sa sécurité. Le texte serait : «A tout mettre en oeuvre pour garantir la sécurité et l'exercice des libertés fondamentales des citoyens genevois». Il est bien joli de se préoccuper de tous les visiteurs qui vont animer notre ville dans les derniers jours de mai et premiers de juin, mais il est de notre responsabilité à nous, parlementaires élus par le peuple genevois, avant tout et surtout de nous soucier de notre population. C'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien entend le rappeler de manière très ferme en premier lieu dans cette motion 1542.
La deuxième modification, dans la nouvelle numérotation - si vous acceptez notre ajout - consiste à supprimer la sixième invite qui dit «à informer le Grand Conseil sur la hiérarchie et la responsabilité de la structure opérationnelle de la police». Cette invite ne nous semble pas opportune. En effet, nous démocrates-chrétiens pensons que la seule responsabilité de l'opérationnel revient au Conseil d'Etat et qu'au moment de ces événements il serait totalement inopportun pour le Conseil d'Etat de faire un certain nombre de déclarations publiques. Nous vous proposons donc de supprimer cette sixième invite.
Enfin, le troisième amendement concerne la septième invite. C'est vrai que celle-ci pourrait sembler ne plus être d'actualité depuis hier, depuis que le Conseil fédéral a décidé de ne pas faire appel aux forces de l'ordre allemandes. Nous pensons cependant qu'en trois semaines il peut se passer encore beaucoup de choses et vous proposons donc de laisser cette septième invite, mais en la rédigeant de façon un peu différente, selon le texte suivant: «si possible, à renoncer à la participation de polices et corps armés étrangers sur le territoire genevois. Si ceux-ci devaient néanmoins être engagés, ils ne doivent pas être attribués à des tâches de maintien de l'ordre des manifestants».
Je souhaite que vous fassiez un bon accueil à ces trois amendements. Si vous acceptez nos propositions, nous pensons, nous démocrates-chrétiens, que nous aurons ensemble, et en accord avec le Conseil d'Etat, élaboré une stratégie d'engagement des forces de l'ordre qui devrait permettre de gérer la déferlante qu'évoquait M. Halpérin.
M. Gabriel Barrillier (R). Le sommet d'Evian pourrait ou devrait être une occasion d'affirmer le rôle international de notre République et de toute la région lémanique. Malheureusement, les manifestations d'opposition annoncées et leurs conséquences négatives sur le déroulement normal des activités économiques, sur la liberté de circuler et sur l'intégrité des personnes et des biens sont perçues par la majorité de la population comme une calamité. De toute part montent l'inquiétude voire la colère de celles et ceux qui pourraient pâtir des manifestations. J'ai écouté attentivement les débats ce matin, or personne n'est en mesure de prévoir les dimensions de la manifestation, malgré certains comptes d'apothicaire que nous avons entendus. Personne n'est en mesure non plus d'en prendre la responsabilité.
Je m'exprime sur cette motion 1542 qui ne me paraît pas en mesure de répondre à ce souci légitime, à ces attentes de la population. Si on la lit bien, cette motion comporte beaucoup de contradictions, mais surtout elle tombe dans l'angélisme le plus complet. D'abord, dans l'exposé des motifs, tout à la fin, comme si vous aviez voulu, Mesdames et Messieurs les motionnaires, cacher cet aveu, vous avez reconnu par écrit que «la police ne pourra pas physiquement faire face à un cortège de cette taille qui dégénère complètement». Cet aveu traduit l'incohérence et l'irresponsabilité de ceux qui poussent à manifester et ferment les yeux sur les conséquences d'une telle masse de manifestants.
J'ai aussi parlé d'angélisme. Vous en faites preuve lorsque vous tablez sur la «capacité des manifestants à contenir les éventuels fauteurs de trouble». Est-ce que vous nous prenez pour des pigeons, comme dit mon fils ? A considérer ce qui se passe dans chaque manifestation, notamment le 1er mai à Lausanne, on pourrait le croire. Malgré cela, vous avez des objectifs. Or ceux-ci sont contradictoires ! Vous voulez à la fois «assurer la liberté de circulation pour toutes et pour tous» et «garantir la sécurité des commerces» que vous souhaiteriez d'ailleurs obliger à ouvrir le dimanche. On peut s'en étonner, lorsque l'on sait le combat mené par certains d'entre vous contre l'élargissement des heures d'ouverture des magasins, blague mise à part.
M. John Dupraz. Bravo Pagani !
M. Gabriel Barrillier. Et vous voulez atteindre ces objectifs, chers collègues, en confinant la police dans un rôle «discret», en la priant de bien vouloir rester cachée dans ses casernes. De telles contradictions traduisent l'aveuglement et la fuite en avant des auteurs de la motion. Les radicaux n'acceptent pas cette façon de se décharger sur les autres, ils refusent cette politique à la Ponce Pilate et vous prient de refuser cette motion.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je tiens en premier lieu à saluer la position sage et ouverte du PDC, laquelle prouve que le dialogue porte ses fruits. Je remercie les membres de ce parti pour leur position et les assure que nous voterons leurs amendements.
A mon sens, le seul moyen d'assurer le meilleur développement de la manifestation consiste à engager un réel dialogue entre la police, le département de justice et police et les organisateurs dans un climat de confiance. Il faut une nouvelle fois insister sur le fait que ni la police, ni les commerçants, ni les Genevois ne sont la cible des revendications des manifestants. Si une réunion au sommet attire autant de manifestations, c'est parce que les discours politiques - et non les dirigeants - des pays membres du G8 ne tiennent pas compte de certaines revendications environnementales et sociales. Il est à nos yeux extrêmement important d'organiser le plus rapidement possible des rencontres entre le gouvernement et les organisateurs de la manifestation pour faire en sorte que cette dernière se déroule dans les meilleures conditions possibles. En ce qui concerne les commerçants, plutôt que de barricader leurs échoppes, nous leur recommandons d'installer des drapeaux multicolores portant l'inscription «Paix» afin d'éviter de faire l'objet d'attentions particulières. (Brouhaha.)
Puisque M. Weiss s'est fait plaisir tout à l'heure, je ferai à mon tour une déclaration, au nom des Verts, sur les articles de presse parus ces derniers jours. Il est vrai que Chaïm Nissim est un militant vert qui a siégé sur nos bancs du Grand Conseil comme élu de notre parti et...
M. Bernard Annen. Comme terroriste !
Mme Sylvia Leuenberger. ...si Chaïm Nissim a essayé, il y a plus de vingt ans, d'endommager une partie importante de la centrale nucléaire de Creys-Malville en construction, c'était dans le contexte de la lutte antinucléaire. (Protestations.)S'il est vrai que les avis sur l'acte de l'époque peuvent diverger, la position du parti des Verts est très claire actuellement: nous restons persuadés que jamais un acte agressif n'entraînera de solution constructive. A ce titre, aucune action violente ne pourrait être cautionnée. Il est important de souligner qu'à l'époque les Verts n'existaient pas encore - notre parti ayant été fondé une année plus tard. Cet acte n'a donc rien à voir avec l'engagement de notre parti, qui siège depuis dix-huit ans au Grand Conseil genevois. J'aimerais également rappeler, comme l'a déjà fait notre conseiller d'Etat Robert Cramer, que ce ne sont pas les lance-roquettes qui ont eu raison de Creys-Malville: nous avons obtenu l'arrêt de cette centrale par une campagne politique de masse, une forte mobilisation ainsi que des interventions juridiques et politiques. Nous avons finalement gagné grâce à une méthode pacifiste, ouverte et démocratique, en suivant les règles de l'Etat de droit. (L'oratrice est interpellée.)Aujourd'hui, le rôle de ce parlement n'est pas de juger cet acte ni d'en débattre; il existe des instances judiciaires pour cela.
M. Pierre Weiss. Il y a prescription !
Mme Sylvia Leuenberger. Cependant, étant donné que M. Weiss a soulevé cette question - j'admire au passage le fait que les autres orateurs n'en ont pas fait mention, M. Weiss étant le seul à paraître aussi énervé à ce sujet - les Verts tiennent à réaffirmer haut et fort que le fait de mener des actions et de manifester d'une manière qui porte atteinte aux personnes et aux biens doit clairement être rejeté. Notre parti l'affirme depuis toujours; nous venons, conformément à ce principe, d'édicter une charte réitérant nos convictions profondes dans le cas des prochaines manifestations du G8: «Nous appelons les manifestantes et les manifestants du 1er juin 2003 à défiler de manière totalement pacifique, sans aucune atteinte aux personnes, qu'elles soient civiles ou policières, et aux biens, qu'ils soient publics ou privés». (Certains députés feignent d'être attendris.)Notre volonté très ferme est de tout faire pour que la manifestation contre le G8 se passe le plus dignement possible, et seuls des discours allant dans ce sens y contribueront.
Je conclurai mon intervention par deux expressions: «Faute avouée est à moitié pardonnée» et «Que celui qui n'a jamais péché - ou plutôt qui n'a rien à se reprocher - jette la première pierre». (Vives réactions.)
Le président. Messieurs les députés, je vous prie de reprendre votre calme. Mme Sylvia Leuenberger a parlé quatre minutes vingt-deux secondes. La parole est à M. Sommaruga.
M. Carlo Sommaruga (S). Tout comme ma préopinante, je tiens à souligner l'ouverture d'esprit affichée aujourd'hui par le PDC sur la question de la manifestation et des mesures à prendre, d'une part, pour faire de Genève une ville de paix et ouverte et, d'autre part, pour permettre à des mouvements d'exprimer leur ras-le-bol vis-à-vis d'un système. Je ne peux que stigmatiser la position des libéraux qui, ce n'est pas une surprise, ont choisi de défendre un système injuste et générateur de violences à l'encontre de millions d'individus: la violence de la faim pour des centaines de millions de personnes, la violence de la pauvreté pour plus d'un milliard d'entre eux, la violence des maladies et de la mort à travers le monde. Voici le choix fait par les libéraux !
En ce qui concerne le parti socialiste, nous sommes, à l'image de notre slogan: solidaire et responsable. Solidaires avec le mouvement altermondialiste, nous participons donc à cette démarche. Nous sommes également responsables, ce que nous exprimons par le biais d'une responsabilité individuelle des participants à la manifestation, à laquelle il s'agira de venir dans un esprit constructif et en évitant tout acte susceptible de brouiller le message pacifiste de cette manifestation. Nous nous montrerons également responsables en tant que co-organisateurs de cette manifestation en faisant en sorte que cette dernière se déroule dans un esprit festif et sans volonté de casse. Nous désirons en outre mettre en place un service d'ordre interne à la manifestation.
Nous souhaitons cependant également que l'Etat assume ses responsabilités et que, partant, la police remplisse son rôle; je me réfère ici au principe de la légalité. Mais ce principe doit également être rattaché à ceux de transparence et d'opportunité. C'est sur l'application de ce dernier principe qu'il faut insister. Lors des dernières manifestations, la présence de la police a engendré des tensions et des confrontations; nous demandons donc une application nuancée du principe de la légalité, afin d'éviter tout dérapage. Si nous sommes certes convaincus de la présence nécessaire de la police, il faut souligner que tout est question de dosage. Il nous paraît extrêmement important que le sommet de la hiérarchie définisse clairement les responsabilités des uns et des autres et que les messages puissent parvenir à chacun des policiers engagés pour que ceux-ci sachent comment réagir face à une situation critique et qu'ils ne soient pas pris ensuite pour des lampistes. Le respect du principe de transparence est également indispensable. A notre sens, le Conseil d'Etat doit aujourd'hui tenir un discours rassurant à la population, car les manifestants qui se rendront à Genève ne veulent s'en prendre ni à la Suisse ni à notre ville: ils viennent simplement exprimer à Genève un message. Les objectifs de la contestation se trouvent, eux, de l'autre côté de la frontière, à Evian.
Voici donc le message du parti socialiste sur l'engagement de la police.
M. Rémy Pagani (AdG). La messe est dite pour l'essentiel des débats qui devaient avoir lieu ce matin, puisque la tentative d'interdiction de la manifestation des libéraux, de l'UDC et du parti radical a échoué. Des conclusions doivent toutefois encore être tirées de cette prise de position. En ce qui concerne la position du parti radical, j'ai appris à l'école, comme vous, les bienfaits de M. James Fazy, qui a démoli les murs de cette cité pour l'ouvrir au monde. (Brouhaha.)Je m'étonne personnellement que le parti radical ne suive plus cet objectif et se soit replié derrière des murs fictifs. Je déplore d'autant plus ce retrait que je possédais jusqu'alors une haute idée de ce parti qui est actuellement en perte de vitesse. Venons-en maintenant à la position du parti libéral: il est pour le moins surprenant que ce parti, qui se fait le chantre dans le monde entier de l'ouverture des marchés et de la libre circulation des personnes, se prévale de vouloir interdire à des personnes inquiètes de l'agrandissement du fossé entre riches et pauvres de protester contre des mesures politiques prises par des individus qui véhiculent une pensée néolibérale. Pire encore, ils mettent en défaut Mme Spoerri, leur représentante dans cette affaire; ils la fragilisent alors que, chose que je déplore, elle danse actuellement sur deux pieds. (L'orateur est interpellé.)On danse bien évidemment toujours sur ses deux pieds, mais Mme Spoerri est en train de se livrer à une gymnastique étourdissante pour pouvoir à la fois contenter le parti qui l'a portée au pouvoir et satisfaire aux exigences du Conseil d'Etat. Je regrette profondément qu'un parti gouvernemental se préoccupe aussi peu de sa conseillère d'Etat et en arrive à la fragiliser. Cette fragilité risque d'empêcher Mme Spoerri d'assumer pleinement sa position en raison d'un manque de confiance.
J'aimerais revenir sur la manifestation du 1er juin. Certains ont attribué des propos exécrables à M. de Marcellus. Or, je vous rappelle que le Forum social lémanique a pris position dans un document intitulé «Objectifs et moyens d'action de la mobilisation anti-G8» - document que je vous invite à vous procurer - dans lequel les altermondialistes ont clairement déclaré qu'ils étaient opposés à toute atteinte aux personnes et aux biens tant lors de la manifestation que lors des actions de blocage. C'est donc dans cet état d'esprit que nous travaillerons, et nous ferons en sorte que la manifestation cause aussi peu de dégâts que possible.
Je souhaite maintenant aborder l'un des points de la motion, à savoir la présence de policiers étrangers - notamment allemands - à Genève. J'ai eu l'occasion de découvrir, lors des événements de Davos, la culture policière allemande, et en particulier ses motopompes puisque, comme vous le savez, ce sont elles qui sont intervenues pour empêcher les manifestants d'occuper l'autoroute. Il est faux d'affirmer qu'aucun policier allemand ne sera présent sur notre territoire, puisque cinq ou six policiers allemands y amèneront les quinze motopompes prévues. Je mets en garde le gouvernement contre ce type de demandes, qui risquent de provoquer subjectivement des tensions inutiles. Alors que des policiers allemands sont intervenus il y a quelques mois en Suisse allemande, on envisage aujourd'hui de les faire venir en Suisse romande, soit dans une région linguistiquement minoritaire dans son propre pays ! Si ma mise en garde n'a aucun effet, je vous suggère qu'au moins un policier genevois soit présent dans ces motopompes. Bien que je n'aie en réalité aucun conseil à donner - puisque nous ne serons pas, durant la manifestation, dans la même équipe - je trouve particulièrement irresponsable de faire pareillement monter la pression, y compris par le biais des motopompes.
Quant au fond de la proposition de cette motion, je vous encourage à la voter. Comme je l'ai dit, le seul point de divergence qui subsiste concerne la deuxième invite, relative à la participation de polices et de corps armés étrangers. J'estime que nous ne devons pas régler nos problèmes avec des polices ou des corps armés venant de l'au-delà de nos frontières. C'est pourquoi je vous propose, Monsieur le président, de mettre aux voix la suppression pure et simple de cet alinéa.
Le président. Merci, Monsieur Pagani. Comme votre intervention a duré exactement six minutes dix, le temps de parole de l'AdG est épuisé à trente secondes près. La parole est à Mme Loly Bolay.
Mme Loly Bolay (S). On dit que gouverner, c'est prévoir. Mais on dit également que l'on ne construit pas le futur sans tenir compte du passé. C'est pourquoi j'aimerais rappeler qu'il y a exactement cinq ans se sont produits les événements de 1998. A l'époque, une commission d'enquête avait été créée dans le but d'établir les faits, de rechercher les causes et, surtout, d'éviter la répétition de tels événements. Tous les protagonistes de cet événement doivent prendre leurs responsabilités: la police bien sûr, qui doit rester, comme nous l'avons dit dans notre motion, discrète et pondérée, mais aussi les organisateurs de cette manifestation. Je rappelle à cet égard que ceux des manifestations de 1998 n'avaient pas été à la hauteur. Ces organisateurs doivent prendre la mesure de l'événement et mettre un service d'ordre digne de ce nom. La presse doit également prendre ses responsabilités - une presse qui a été par le passé l'amplificateur des dérives annoncées et qui retombe aujourd'hui dans la même dérive en créant une psychose intolérable.
La violence n'est pas inéluctable; les manifestations non violentes existent. Certaines d'entre elles se sont même déroulées à Genève: je me rappelle d'une manifestation ayant réuni dans cette ville quinze mille Kurdes lors de l'arrestation d'Öcalan et dans laquelle un magnifique service d'ordre a prévenu tout heurt. Autre exemple de manifestation pacifique: cinq millions d'Espagnols sont sortis dans la rue pour crier leur rogne contre leur gouvernement face à la guerre.
Pour terminer, j'aimerais dire combien je suis déçue par la position de M. Halpérin, qui se dit très attaché aux droits de l'homme. Genève est une ville des droits de l'homme; c'est une ville ouverte. Interdire cette manifestation, c'est donner l'image d'une ville fermée sur elle-même, incapable d'assumer son rôle de Genève internationale! Une telle interdiction serait dommageable pour l'image et surtout pour l'esprit de Genève. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Gobet Winiger. Je vous rappelle que l'on traite à la fois de la motion 1542 et de la résolution 472. Dix minutes sont consacrées à l'ensemble de ces deux objets. Il vous reste en tout cas cinq minutes.
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). Il est difficile, pour des humanistes, de définir le carrefour entre une attitude respectueuse des droits de la personne et l'une des réalités contraires de ce monde, à savoir que toutes les personnes ne sont pas bonnes. Avec la résolution 472, les députés vous proposent une ligne de conduite qu'ils estiment constructive et raisonnable. Bien sûr, si l'impact d'une exhortation de renoncer à tirer un profit politique de ces événements dépend de la bonne volonté des groupes et des individus, l'intérêt de la présence d'observateurs parlementaires pourra, je l'espère, être reconnu tous bords confondus et dans l'intérêt de chacun. Les manifestants réguliers ont besoin d'être protégés en termes de responsabilité des infiltrations abusives de leurs rangs. Ils doivent pouvoir, sous tous les cieux, exercer leur droit universel de critique de l'impérialisme et des abus de l'ingérence américaine. Les forces de l'ordre, d'où qu'elles viennent, doivent également pouvoir compter sur les observateurs parlementaires. La police doit pouvoir compter sur le fait que les observateurs parlementaires, par leur regard, la protégeront des allégations d'abus de pouvoir ou de collusion avec les électrons libres violents que personne ici ne souhaite.
Vous me direz qu'en principe une humanité raisonnable, démocratique et fraternelle ne devrait pas avoir besoin de mesures aussi faramineuses. Je suis d'accord avec vous, mais il ne faut pas rêver: les événements inacceptables de Gênes ont non seulement mis en lumière la radicalisation du mouvement altermondialiste au fur et à mesure de l'augmentation des laissés-pour-compte dans les pays industrialisés, mais ils ont également montré la possibilité de manipuler ces courants d'opposition, ce que nous ne voulons à aucun prix voir s'illustrer à Genève. C'est pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs, à adopter la résolution 472 et à mettre sur pied un observatoire parlementaire qui s'intègre et dans notre tradition politique, et dans notre désir de non-violence. (Applaudissements.)
M. John Dupraz (R). Le groupe radical réitère en premier lieu, si besoin est, son soutien à la police genevoise et aux effectifs qui viendront la renforcer pour garantir le maintien de l'ordre durant les manifestations. A la moindre incartade, on fait haro sur les policiers en les traitant de sales flics qui commettent des bavures. Mais, comme l'a montré la dernière manifestation anti-OMC, les manifestants, eux, se permettent tout: balancer des bouteilles de bière sur la tête des gendarmes ou encore sprayer les vitrines des commerçants en les traitant de sales bourgeois. Les gens en ont marre ! Or, je constate une fois de plus, concernant le G8, que le représentant du parti socialiste, M. Brunier, a déclaré s'être opposé à cette réunion. On mène un combat politique à travers la réunion de chefs d'Etat élus démocratiquement. Mais de quel droit la Genève internationale dénigrerait-elle la capacité des chefs d'Etat à se réunir pour discuter des affaires du monde ? La demande adressée par la Ville de Genève au Conseil fédéral pour demander le report du G8 constitue en outre un autogoal catastrophique pour l'image de marque de la Genève internationale ! La politique menée par la gauche, notamment à la tête de la Ville de Genève, est en train de détruire la réputation de Genève à l'étranger et de porter à terme un grave préjudice à notre cité. Mesdames et Messieurs, les radicaux sont pour l'interdiction de cette manifestation et voteront contre la résolution.
Madame Spoerri, vous avez assuré tout à l'heure la liberté de manifester pour autant que la sécurité des biens et des personnes soit garantie. Mais, Madame, qui vous donnera cette garantie ? Ce n'est pas une bande de farfelus comme Vanek, Pagani et Hodgers qui vont vous la donner ! (Protestations.) (Le président agite la cloche.)Vous rêvez !
Une voix. Farfelu !
M. John Dupraz. La résolution fait appel aux «libertés fondamentales». Or, tout à l'heure, en argumentant sur des arrêts du Tribunal fédéral, M. Halpérin a évoqué la pesée d'intérêts et la proportionnalité. Sans être juriste, je peux vous dire que la première liberté réside dans un libre déplacement des habitants de cette ville et de ce canton, dans leur droit à travailler et à commercer - ce que certains des manifestants et des organisateurs veulent empêcher sous le prétexte du discours antimondialistes et pacifistes du type «On veut lutter contre ce grand capital qui écrase ces pauvres populations» ! (Brouhaha.)Fadaises que tout cela ! Voici ce que nous, radicaux, voulons: que les gens de ce canton puissent travailler, que ceux qui font la force et la vigueur de Genève soient reconnus et puissent travailler en toute liberté sans être bafoués et molestés comme ils l'ont été durant les dernières manifestations anti-OMC.
Un dernier mot concernant James Fazy: il est clair que cet homme a entrepris en son temps une révolution bénéfique pour Genève. (Brouhaha.)Mais, s'il était parmi nous aujourd'hui, il monterait aux barricades en entendant les propos de Pagani, farfelu politique de premier ordre qui ne rêve qu'à la pagaille dans cette République ! Comment voulez-vous que l'on fasse confiance à des gens de cette trempe ? Le groupe radical et le parti radical...
M. Christian Grobet. Farfelu ! (Brouhaha.)
M. John Dupraz. Oh, Monsieur Grobet, fils de bourgeois, du calme !
Le président. Ne vous invectivez pas, s'il vous plaît !
M. John Dupraz. Le groupe radical et le parti radical veulent la paix pour les habitants de ce canton: qu'ils puissent travailler, se déplacer et faire vivre Genève. Si on les empêche de travailler, c'est l'Etat qui disparaîtra ! (Applaudissements.)
Le président. L'intervention de M. John Dupraz a duré quatre minutes vingt-quatre. Nous nous acheminons vers la fin de ce débat; il reste une quinzaine de minutes entre les différents orateurs. La parole est à M. Patrick Schmied pour le parti démocrate-chrétien.
M. Patrick Schmied (PDC). Je m'exprimerai au sujet de la résolution 472. Le sens de cette résolution est relativement simple: elle demande à la classe politique de participer à la mobilisation générale destinée à assurer le bon déroulement de cette manifestation dans le but de préserver la sécurité et les droits des Genevois pendant la période du G8. Je ferai remarquer au passage que nous ne sommes pas en train de préparer la guerre de Cent Ans, mais juste un week-end de manifestations ! Une partie de la classe politique a décidé de ne pas jouer le jeu et de demander une interdiction pure et simple. (Brouhaha.)Certes, les arguments juridiques sont probablement fondés, et je ne souhaite pas porter la discussion sur ce point. Certes, on peut imaginer boucler Genève pour la protéger du monde extérieur, de cette «invasion d'étrangers» dont on nous parle. Quelques bataillons bien placés, des grenadiers bernois ou d'autres feraient certainement fort bien l'affaire. Mais quelle image de Genève, Mesdames et Messieurs les députés ! Après un tel épisode, il faudra qu'elle mette une sourdine à ses grands discours sur son rôle international et retourne à sa place de capitale cantonale - pour ne pas dire de capitale provinciale ! J'ai pour ma part une autre vision de mon devoir politique. J'estime que quand l'heure sonne nous devons nous montrer capables d'aller sur le terrain, de sortir de notre confortable salle - quoique l'on puisse discuter à ce sujet... - et, s'il le faut, peut-être même de retrousser nos manches.
Les arguments invoqués contre l'idée de députés observateurs sont particulièrement faibles.
Premier argument avancé: les objectifs seraient flous et douteux. Mais on ne peut pas, Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'à côté - car je n'ai pas de bancs d'en face - louer à longueur d'année le sens du risque et de l'initiative privée et, l'heure venue, demander la sécurité syndicale d'un cahier des charges !
Deuxième argument: les députés bourgeois deviendraient des otages. Il faudra ici m'expliquer qui sont les rançonneurs et de quelle rançon il s'agit !
Une voix. C'est Pagani !
M. Patrick Schmied. Je ne vois pas de quelle manière les manifestants pourraient nous utiliser. Cette résolution est bien entendu avant tout symbolique; mais la politique a également besoin de symboles, et quel meilleur symbole pour la population que de voir sa classe politique se mouiller sur le terrain - une fois au moins ? Nous avons par ailleurs reçu, les uns et les autres, des réactions relativement positives de la population dans ce sens.
Enfin, quel est le risque pour les députés observateurs ? Je ne verserai pas dans l'angélisme: un mauvais coup n'est jamais exclu. Mais le seul risque sera, plus vraisemblablement, de paraître vaguement déplacé dans un rôle inhabituel. En ce qui me concerne, l'enjeu vaut bien que l'on force un peu son naturel pour celui qui n'est pas un habitué de ces manifestations - ce qui est évidemment le cas de la grande partie d'entre nous.
Nous sommes donc favorables à la résolution 472 - que plusieurs d'entre nous ont d'ailleurs signée - car elle correspond bien à notre position telle qu'elle a été présentée en début de session, à savoir un apaisement et une reconnaissance de la légitimité tant du sommet du G8 que des manifestations. Nous vous proposons cependant un amendement concernant la surveillance des forces de l'ordre. Cet amendement consiste à supprimer l'expression «y compris du côté des forces de l'ordre», qui figure au dernier paragraphe. Nous considérons en effet que l'inspection des lieux de détention éventuels ne doit pas être confiée aux observateurs, mais à la commission des visiteurs de prison, qui est habilitée en tous temps et en tous lieux à le faire. Par ailleurs, dans l'esprit d'apaisement qui est le nôtre, il ne nous paraît pas opportun de soupçonner d'emblée la police, à qui nous voulons faire confiance. Pour que cette résolution puisse être adoptée par le plus grand nombre, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter notre amendement. (Applaudissements.)
Le président. L'intervention de M. Schmied a duré quatre minutes. La parole est à M. Alberto Velasco pour deux minutes et demie.
M. Alberto Velasco (S). En entendant les propos de MM. Schifferli et Dupraz et compte tenu du fait que de nombreux citoyens sont sensibilisés au problème et éprouvent un sentiment de peur, je crains que les personnes qui regardent aujourd'hui cette émission...
Une voix. Ce n'est pas une émission, mais une séance du Grand Conseil ! (Le président agite la cloche.)
M. Alberto Velasco. ... n'aient guère été rassurées par les propos tenus par certains dans cette enceinte. Les propos de M. Schifferli visaient par exemple purement à déclarer la guerre aux altermondialistes. Quant à M. Dupraz, il prétend que les altermondialistes sont violents par principe. Or, on ne peut pas dire que les manifestations de paysans à Berne soient très pacifiques !
M. John Dupraz. C'est une fois tous les trente ans !
Le président. Monsieur Dupraz, n'allongez pas le débat !
M. John Dupraz. Mais il m'allume, Monsieur le président ! (Rires.)Un petit socialiste de cette espèce m'allume !
M. Alberto Velasco. Cinquante mille manifestants, parmi lesquels on pouvait compter des familles et des enfants, ont en revanche défilé à Berne pour la paix sans qu'aucun acte de violence se produise. Comme vous pouvez le constater, le milieu altermondialiste est donc capable de manifester sans violence. Je rappelle par ailleurs qu'un nombre important de manifestations se sont déroulées à Genève, que ce soit contre l'OMC ou contre la guerre, sans que l'on ait à déplorer le moindre acte de violence. Les écoliers ont notamment réuni cinq mille personnes, voire davantage, sans aucune violence. L'hystérie consistant à nous criminaliser- car je me considère comme altermondialiste - me paraît dès lors incroyable ! Je soupçonne, au terme de ce débat, que certains ne cherchent purement et simplement à interdire les manifestations dépassant une certaine ampleur. L'argument pourrait être le suivant: des dégâts ayant été causés lors de la manifestation de trente mille personnes à Genève - car il ne devrait pas y avoir plus de trente ou quarante mille manifestants - les autorités devraient songer, à l'avenir, à interdire toute manifestation au-delà d'un certain nombre de participants. Je me demande s'il n'y a pas une tentative de limitation des libertés individuelles derrière tous les discours entendus aujourd'hui ! (Applaudissements.)
Le président. Merci. Vous avez très exactement épuisé votre temps de parole. La parole est à Mme Mahrer.
Mme Anne Mahrer (Ve). Je m'exprimerai sur la résolution 472. Je voudrais rappeler que quelques députés libéraux ont travaillé à cette résolution, l'ont signée puis ont retiré leur signature. Est-ce une attitude responsable ? J'en doute ! Il est vrai que les cantons lémaniques n'ont pas choisi la tenue du G8 à Evian. Mais, dès lors que cette rencontre y aura lieu, ils se doivent d'assumer cet événement. Notre engagement politique ne se borne pas à siéger dans cette enceinte, et les signataires de cette résolution l'ont bien compris en donnant un signe clair par leur engagement responsable à titre préventif. Sans faire d'angélisme, il s'agit de prendre les choses en main. Se barricader, interdire toute manifestation, déclarer Genève ville morte, c'est à l'évidence provoquer des réactions incontrôlables ! Les Vertes et les Verts s'engagent donc de manière citoyenne: ils seront des observatrices et des observateurs responsables. Ils vous invitent à faire de même en votant cette résolution. Nous voterons en outre l'amendement du groupe démocrate-chrétien. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame. La parole est à M. Catelain pour une minute exactement. Non, je rectifie: vous avez la parole pour trois minutes !
M. Gilbert Catelain (UDC). Comme le dit notre article 13 du règlement du Grand Conseil, nos travaux sont destinés à servir la patrie qui nous a confié ses destinées.
Une voix. Ce n'est pas ce qu'elle a fait de mieux en votant extrême-droite !
M. Gilbert Catelain. Nous devons donc axer nos travaux sur le bien de nos concitoyens. A l'issue de nos débats, la situation se trouve clarifiée: la manifestation aura lieu et, contrairement à son programme électoral, le PDC est prêt à cautionner les débordements.
Une voix. N'importe quoi !
M. Gilbert Catelain. Je poursuis: M. Pagani ne veut pas de policiers étrangers pour aider Genève à garantir la sécurité des biens et des personnes; les partisans de la manifestation sont soucieux d'assurer la liberté de mouvement tant aux habitants qu'aux manifestants; la décision du Conseil fédéral de ne pas donner au Conseil d'Etat les moyens policiers nécessaires à garantir la sécurité des biens et des personnes est établie; la France a largement atteint ses objectifs; les pays participant au G8 élargi aborderont des thèmes éminemment sociaux, comme cela fut déjà le cas à Gênes en 2001; enfin, le Conseil d'Etat est déjà en train de dialoguer et de négocier avec les organisateurs. Tous ces éléments nous amènent aux conclusions suivantes, compte tenu du fait que M. Velasco nous a assuré qu'il n'y aurait pas de violences.
En premier lieu, je vous propose de remplacer la première invite de la motion 1535 par notre amendement, lequel vise à garantir la liberté de mouvement en priorité aux habitants de ce canton, notamment en la décrétant pour les zones urbaines et suburbaines.
En second lieu, nous observons que la résolution 472, que nous qualifierons de loufoque, n'a plus lieu d'être. Si notre groupe est effectivement favorable à la première invite, nous constatons que les motionnaires n'en ont pas respecté l'esprit dans cette enceinte. La deuxième invite n'est quant à elle crédible - bien que fortement discutable ! - que si les conditions de la première invite sont remplies, ce qui n'est manifestement pas le cas. De plus, Genève n'étant pas le Kosovo, des observateurs n'ont pas lieu d'être. Le groupe UDC se prononcera donc contre la résolution.
Le président. La parole est maintenant à M. Vanek durant une minute pile. C'est un beau défi !
M. Pierre Vanek (AdG). Merci, Monsieur le président. Je crois que l'essentiel a été dit dans ce débat. J'aimerais ajouter... Oh, Mme Brunschwig Graf me demande de m'asseoir: oui, je vais le faire ! (Ton amusé.)J'aimerais donc ajouter que je me rallie à une partie de l'intervention de l'un des orateurs du parti libéral, M. Aubert, qui a déploré le caractère pernicieux d'une politique spectacle. Il existe en effet toute une entreprise consistant à discuter de cette manifestation comme si elle consistait en un événement imposé de l'extérieur et à mettre en scène toute une opposition aux accents xénophobes...
Des voix. Cinq, quatre, trois, deux, un, zéro...
Le président. Messieurs, je vous en prie !
M. Pierre Vanek. Cette mise en scène présente les Genevois comme simplement désireux de travailler et de circuler, alors que mon collègue M. Pagani ainsi que moi-même sommes désignés, par exemple par M. Weiss, comme hostiles aux «natifs» de cette République - dont nous faisons pourtant partie !
Je conclurai ce débat en déclarant, au nom de l'Alliance de gauche, que cette manifestation ne doit pas être comprise comme un simple spectacle pour les Genevoises et les Genevois. J'appelle au contraire nos concitoyennes et nos concitoyens qui partagent les idées élémentaires, démocratiques et sociales, qui animent le mouvement d'opposition au G8 à participer massivement à cette manifestation, comme ils l'ont récemment fait contre la guerre menée par Bush et par Blair en descendant très nombreux dans la rue à deux reprises. C'est aussi par ce type de participation citoyenne massive des habitants de ce pays et de ce canton que nous garantissons, ou du moins que nous contribuons à ce que cette manifestation se déroule dans les meilleures conditions possibles. Cet élément me semble très important. J'appelle donc les Genevois à ne pas faire de l'opposition au G8 un simple spectacle, mais à en faire le moment d'un acte civique, d'un acte démocratique, d'une manifestation d'opinion. Une telle manifestation nous offre l'opportunité de faire usage de la liberté, liberté que nous avons en majorité défendue dans cette enceinte aujourd'hui contre ceux qui voulaient l'interdire. (Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. Mark Muller pour le parti libéral. Ce dernier dispose théoriquement de trente secondes.
Une voix. Une minute.
Le président. Je vous fais un petit rabais. Allez-y !
M. Mark Muller (L). Comme plusieurs personnes l'ont relevé, le G8 et les manifestations auront lieu. Dans ces circonstances et au vu de notre système de séparation des pouvoirs, la seule compétence dont notre Grand Conseil disposait consistait à donner un signal fort d'unité et d'apaisement. C'est dans ce sens qu'il y a deux mois déjà le parti libéral a pris l'initiative de vous proposer, tous partis confondus, une résolution rédigée en des termes fort apaisants. Nous n'avons malheureusement pas réussi à nous accorder: certains ayant voulu charger le bateau, d'autres ayant fait preuve de réticences, nous ne sommes pas parvenus à signer cette résolution commune. Nous n'aurions dès lors pas dû convoquer cette séance spéciale du Grand Conseil. Après quatre heures de débat, voici le résultat: nous avons échangé des invectives, nous n'avons rien appris... (Protestations.)...et nous n'avons en rien contribué à apaiser la situation.
Compte tenu de la situation, le parti libéral a pris ses responsabilités et a exprimé ses priorités en vue du week-end de l'Ascension. Parmi ses priorités figurent le souci de préserver l'ambiance de sérénité et de sécurité dont le canton jouit ainsi que celui de privilégier la sécurité des Genevois et de leurs biens. Je regrette profondément que nous ne votions pas ensemble une résolution ou une motion. J'espère qu'en dépit de cela, les manifestations se dérouleront dans de bonnes conditions et sans dommage pour notre population. (Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. Claude Blanc, qui dispose de quarante secondes.
M. Claude Blanc (PDC). Mon intervention fera presque figure de conclusion à ce débat. Tout - ou presque - a été dit sur l'interdiction ou non de cette manifestation. Je tiens pour ma part à souligner qu'il aurait été pratiquement impossible d'interdire cette manifestation et que, pour ce faire, il aurait fallu recourir à des moyens de répression. Or, réprimer une manifestation non autorisée est fort différent du fait d'assurer l'ordre dans une manifestation autorisée ! Je conclurai sur des paroles que le parti démocrate-chrétien a souhaité voir figurer en première invite de la motion 1542: nous demandons au Conseil d'Etat de tout mettre en oeuvre pour garantir la sécurité et l'exercice des libertés fondamentales des citoyens genevois. Voici l'essentiel de ce que nous demandons à notre gouvernement, compte tenu du fait qu'il est impossible de lui demander autre chose dans les circonstances actuelles. (Applaudissements.)
Le président. La parole est maintenant à M. Hodgers, qui a été mis en cause. Il suggère que la parole soit au préalable très brièvement donnée à M. Weiss.
M. Pierre Weiss (L). Il convient parfois d'éviter tout amalgame. Suite à une conversation avec M. Hodgers, je tiens à vous préciser que celui-ci estime qu'aucun amalgame ne devrait être fait entre l'application aux propos de M. Halpérin des termes d'«imbécile» et de «lâche» et la personne même de M. Halpérin. De la même manière, je tiens pour ma part à déclarer que le terme de «terroriste» concerne strictement l'action passée de M. Nissim, et non l'action future de M. Hodgers, tout en pensant et en regrettant que M. Hodgers puisse, de mon point de vue, faire l'objet d'une analyse en termes de double discours. Dans l'esprit d'apaisement qui règne sur cette fin de séance, j'aimerais à croire - notamment suite à la déclaration de Mme Leuenberger - que les Verts ainsi que d'autres membres de l'Alternative ne nous tiennent non pas un double discours, mais un discours d'apaisement visant précisément à éviter tout dégât pour les personnes et pour les biens des commerçants lors de ces manifestations.
Le président. Il est pris acte de cette déclaration. M Hodgers souhaite-t-il intervenir ?
M. Antonio Hodgers. Non.
Le président. La parole est donc à Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, avant de nous quitter, je souhaite rappeler les propos que j'ai tenus en introduction. J'ai déclaré, au nom du gouvernement genevois, que la liberté de manifester serait garantie à Genève pendant le sommet du G8 à la seule condition que la sécurité des personnes et des biens ne soit pas menacée, car la liberté de manifester ne peut s'accompagner d'actes d'encouragement à la violence. A ce titre, chacun portera sa part de responsabilité.
Je souhaite vous présenter la doctrine d'engagement de la police, qui a été adoptée par le Conseil d'Etat. Cette doctrine se base en premier lieu sur le principe de la légalité, lequel exige l'intervention de la police lorsque des délits sont commis contre des personnes ou des biens. Il ne saurait être question pour le gouvernement, dans un Etat de droit, que des noyaux durs instrumentalisent une manifestation pour commettre des agressions contre des personnes, pour piller des commerces ou encore pour incendier des voitures et des bâtiments. Le deuxième principe sur lequel s'appuie cette doctrine est celui de l'opportunité. Ce principe démontre que des interventions sont souvent inopportunes, dans le cadre de grandes manifestations, lorsque sont commises des infractions de moindre gravité. Le troisième principe à la base de cette doctrine est celui de la proportionnalité, qui doit en toute situation guider l'intervention policière. Je conclurai ce point en disant que la publication de cette doctrine doit se faire certes de façon à «transpariser» les règles du jeu, mais également à ne pas empiéter sur l'initiative opérationnelle de la police, comme l'ont souligné tout à l'heure les députés démocrates-chrétiens.
Au sujet de la résolution 472, j'aimerais vous rendre attentifs au fait qu'en cas d'adoption de cette résolution vous ne pourrez pas oublier le principe de la séparation des pouvoirs, ni empiéter sur les compétences respectives du gouvernement - qui est notamment en charge de la sécurité - et du pouvoir judiciaire - qui est seul habilité à contester les faits. Par ailleurs, si l'observation des événements se déroulant sur le domaine public ne pose pas de problème particulier, la même activité n'est pas envisageable sur le domaine privé. Je voulais simplement vous rendre attentifs à ces conditions de réussite si les observateurs devaient se rendre sur le terrain. En conclusion, j'espère, Mesdames et Messieurs, que cette séance nous aura réunis autour d'une volonté commune d'apaisement afin que le sommet d'Evian soit réussi. Je vous en remercie de la part du gouvernement. (Applaudissements.)
Le président. Nous passons maintenant au vote des amendements concernant la motion 1542.
Le premier amendement, proposé par le groupe démocrate-chrétien, consiste en la nouvelle invite suivante avant les invites actuelles: «à tout mettre en oeuvre pour garantir la sécurité et l'exercice des libertés fondamentales des citoyens genevois».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 44 oui contre 23 non et 1 abstention.
Le président. Je mets maintenant aux voix l'amendement de M. Catelain, qui propose de modifier comme suit la première invite du texte initial - qui devient, suite à l'amendement du groupe démocrate-chrétien, la deuxième invite - de la motion 1542: «à garantir la liberté de circuler prioritairement aux habitantes et aux habitants en zone urbaine et suburbaine».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 35 non contre 22 oui et 11 abstentions.
Le président. Nous passons maintenant au troisième amendement: le groupe démocrate-chrétien propose la suppression de la sixième invite du texte initial.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 43 oui contre 2 non et 22 abstentions.
Le président. Nous passons au quatrième et dernier amendement. Le groupe démocrate-chrétien propose de remplacer la septième invite (anciennement sixième) par la suivante: «Si possible, à renoncer à la participation de polices et corps armés étrangers sur le territoire genevois. Si ceux-ci devaient néanmoins être engagés, ils ne doivent pas être attribués à des tâches de maintien de l'ordre des manifestants».
M. Rémy Pagani (AdG). Je rappelle au président que notre groupe a proposé la suppression pure et simple de cette invite afin de laisser le soin au gouvernement de s'occuper de cette affaire.
Le président. Je n'avais pas cet amendement sous les yeux. Nous voterons en effet en premier lieu votre amendement, car il s'éloigne davantage du texte actuel que celui du parti démocrate-chrétien. Si cette suppression est adoptée, l'amendement proposé par le parti démocrate-chrétien tombe.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 35 oui contre 12 non et 19 abstentions.
M. Carlo Sommaruga (S). Je me permets de vous faire remarquer que le premier amendement du groupe PDC se réfère aux «citoyens genevois», alors que la deuxième invite évoque les «habitantes et habitants». Pour éviter de mentionner deux catégories différentes, il conviendrait à mon sens de se référer dans les deux invites aux «habitantes et habitants de Genève».
Le président. J'imagine que le parti démocrate-chrétien approuve cette modification. Nous considérons qu'il s'agit d'une simple correction de forme sur laquelle nous ne voterons pas. Je mets maintenant aux voix la motion ainsi amendée, y compris la correction formelle apportée par M. Sommaruga.
L'appel nominal ayant été demandé, nous allons y procéder. (Appuyé.)
Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 1542 ainsi amendée est adoptée par 43 oui contre 24 non et 1 abstention.
Le président. Nous passons maintenant au vote de la résolution 472. Le parti démocrate-chrétien propose la suppression, au dernier paragraphe de la résolution, des termes «y compris du côté des forces de l'ordre». Il souhaite en outre l'ajout de la phrase suivante: «Les membres de la Commission des visiteurs officiels assument l'observation des lieux de détention». Le dernier paragraphe de la résolution serait donc formulé ainsi: «Les observateurs/trices, portant un signe distinctif, auront un accès libre à tous les lieux concernés par la manifestation. Les membres de la Commission des visiteurs officiels assument l'observation des lieux de détention».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 44 oui contre 3 non et 18 abstentions.
Mise aux voix à l'appel nominal, la résolution 472 ainsi amendée est adoptée par 43 oui contre 22 non et 2 abstentions.
Le président. Avant de lancer la séance, je tiens à préciser que si les membres de la commission des visiteurs officiels seront indemnisés normalement à la journée, le bureau a décidé que les autres observateurs seraient en revanche bénévoles. Je vous souhaite un bon week-end !
La séance est levée à 13h15.