République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 mai 2003 à 14h
55e législature - 2e année - 7e session - 41e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Baudit, Antoine Droin, Pierre Froidevaux, Nicole Lavanchy, Christian Luscher, Claude Marcet, Jacqueline Pla, Pierre Schifferli et Ivan Slatkine, députés.
Communications de la présidence
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons appris que notre collègue, Jacqueline Pla, vient de subir une intervention chirurgicale. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement et formons nos meilleurs voeux pour sa santé.
Annonces et dépôts
Néant.
Deuxième débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux où nous les avions laissés. Je vous rappelle que nous avions voté l'entrée en matière du projet de loi 8712-A dans la séance précédente et que nous sommes en deuxième débat.
Le projet est adopté par article en deuxième débat.
Troisième débat
Le président. Monsieur le rapporteur Pierre Vanek, vous avez la parole.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, tout à l'heure, dans la première partie du débat, vous m'avez dit à un moment donné que je n'avais droit qu'à trois interventions...
Le président. Vous voulez parler de l'article 73, alinéa 1, Monsieur Vanek ! Je vous laisse parler autant de fois que vous le voulez...
M. Pierre Vanek. Quel bonheur !
Le président. Allez, parlez, parlez ! Mais pas plus de sept minutes à la fois... (Rires.)
M. Pierre Vanek. Non, non ! Je n'entends pas abuser... Je ne parlerai pas plus de sept minutes à la fois, Monsieur le président... Et n'hésitez pas à m'interrompre s'il y avait lieu !
Je voulais avoir vos lumières sur ce point du règlement, car je pense qu'il est important que chacun soit au courant des règles du jeu dans cette enceinte, avant de commencer à jouer...
J'avais effectivement demandé la parole tout à l'heure, pour répondre à deux observations faites par certains députés et aussi par le conseiller d'Etat Robert Cramer sur ce projet de loi. Ma première remarque porte sur un point sur lequel M. Annen est intervenu assez longuement, pour soutenir ce projet de loi visant à supprimer cet instrument démocratique qu'est la motion communale. Cette motion communale permet aux élus municipaux d'adresser une motion à cette assemblée, qui, le cas échéant, la renvoie au Conseil d'Etat comme n'importe quel député peut le faire. M. Annen, je le répète, est intervenu assez longuement sur le fait qu'il était inadmissible - les bras lui en tombaient... - que le Grand Conseil puisse modifier cette motion communale. Je vois M. Annen opiner du chef, c'est donc que je reproduis bien ses propos... Il trouvait en effet terrible que le contenu d'une motion communale puisse être «dénaturé» par cette assemblée, qui ferait, en quelque sorte, porter le chapeau à la commune en prenant une prise de position qui ne serait pas celle de la commune en question.
Cette remarque suscite chez moi la réaction suivante, Monsieur Annen: cet inconvénient existe pour n'importe quel objet parlementaire. Le député Pierre Vanek - ou le député Bernard Annen - peut déposer une motion dont il est l'auteur avec un intitulé et, en effet, cette assemblée, en commission ou en plénière, peut intégralement la modifier par voie d'amendements et lui donner un contenu différent, et, cas échéant, faire porter à M. Bernard Annen - député libéral s'il est besoin de le préciser - la responsabilité d'un contenu qui serait différent de celui qu'il avait rédigé au départ. Dans la mesure où cette objection est générique et qu'elle s'applique à n'importe quel objet parlementaire soumis à cette assemblée, elle n'est évidemment pas recevable. En effet, s'il fallait supprimer la motion communale pour cette raison, il faudrait aussi supprimer la motion telle que chacun d'entre nous ici peut en déposer...
M. Jean-Michel Gros. D'accord !
M. Pierre Vanek. M. Gros me dit qu'il est d'accord... C'est effectivement un élément sur lequel nous ne sommes pas intervenus ce matin: la droite de ce parlement, qui détient la majorité, tente de démanteler systématiquement les droits de ce parlement, les droits des parlementaires, les droits de la minorité. Et M. Gros en est un artisan actif, en s'appuyant sur son expérience de parlementaire fédéral. Le parlement fédéral, qui a ses qualités et ses défauts, donne infiniment moins de droits aux parlementaires que notre parlement. Comme l'a rappelé mon collègue Christian Grobet ce matin, un conseiller national n'a pas le droit élémentaire - tout du moins que nous considérons élémentaire dans cette enceinte - de déposer un projet de loi. Et en effet la loi que nous examinons va quelque peu dans le sens de la restriction de la démocratie, pas seulement communale, mais de la démocratie en général. C'était le premier point sur lequel je voulais intervenir.
Le deuxième point concernait les observations de Robert Cramer, conseiller d'Etat, sur cette affaire, à propos de laquelle il a pris une position très modérée, puisqu'il a dit que le Conseil d'Etat ne s'était pas opposé à l'introduction de cette mesure, qu'a contrario il ne s'opposerait pas à sa suppression, et j'imagine que si elle devait être réintroduite, il n'y verrait probablement pas non plus d'inconvénient... Tout cela est une contribution sans doute utile au débat...
Puis il a dit - ce que j'avais reproduit dans mon rapport - que tout pouvait très bien se faire sans cette motion: qu'il suffisait aux communes d'utiliser la voie épistolaire et d'adresser directement leur demande à l'exécutif pour que celui-ci leur réponde, dans sa grande sagesse et sa grande célérité. Probablement plus grande pour répondre aux exécutifs communaux que pour répondre à nos motions, qui ne sont pas toujours traitées dans le délai de six mois imposé par la loi - mais cela est un autre problème.
Puisqu'il y a une autre voie pour régler un certain nombre de problèmes communaux, cela conforte le fait que nous n'allons pas être engorgés de motions communales. Les exécutifs municipaux ne sont pas bêtes, et avec l'expérience que vous leur prêtez, ils sauront en tirer les leçons: ils éviteront de déposer des motions communales et ils s'adresseront directement au Conseil d'Etat. Je considère donc que cet argument vient à l'appui du maintien de cette disposition, étant donné que cela ne pose pas de problème.
Il a dit aussi qu'une motion demande au Conseil d'Etat de faire un rapport et les exécutifs communaux - ou les conseils municipaux, d'ailleurs, a-t-il tenu à préciser - peuvent obtenir ce genre de réponse plus rapidement en envoyant un courrier... Je rappelle tout d'abord que les courriers échangés entre les communes et le Conseil d'Etat ne sont pas dans le domaine public, ce qui enlève la dimension de publicité et de transparence qui, à mon avis, sont une des conditions d'un bon exercice de la démocratie. Et je ne vois pas pourquoi on devrait craindre la lumière jetée par un débat public sur une question quelle qu'elle soit, sauf pour des mauvais motifs. Je rappelle également qu'à teneur de l'article 143 de la loi portant règlement du Grand Conseil - et le Conseil d'Etat devrait ne pas l'oublier - la motion ne vise pas seulement à demander au Conseil d'Etat de faire un rapport: elle peut inviter le Conseil d'Etat à étudier une question déterminée en vue de présenter un projet de loi, codifier un règlement, prendre un arrêté, soit de charger une commission d'élaborer un projet sur un objet déterminé. Bref, la motion est davantage qu'une simple demande au Conseil d'Etat pour qu'il rende une réponse circonstanciée sur un sujet. Elle est un cran en dessus, en termes...
Le président. Il vous reste vingt secondes...
M. Pierre Vanek. ...de contraintes... (Exclamations.)...même si le Conseil d'Etat ne considère pas vraiment que les motions soient très contraignantes... Et il pourrait parfois les traiter avec un peu plus de respect !
M. Albert Rodrik (S). Permettez-moi de rompre une dernière lance en ce troisième débat, sur un ton calme et modéré, à propos d'un droit nouveau introduit il y a dix-huit mois, qui a été utilisé avec modération, dans des configurations politiques tout aussi différentes les unes que les autres et qui ne méritent ni l'excès d'opprobre de ceux qui veulent le démolir ni, probablement, les louanges dithyrambiques et interminables de certains de ses défenseurs !
Alors, je voudrais appeler cette assemblée au bon sens: tout ce qu'on a bien voulu retenir contre cette motion communale est du domaine de l'hypothèse, du domaine d'un fantasme éventuel, d'une utilisation abusive à venir de cette motion qui voudrait contourner les articles 30 et 48 de la LAC pour déstabiliser la vie de nos communes. Je plaide pour qu'on donne à ce nouveau droit le temps de faire la démonstration, comme il l'a fait en dix-huit mois, qu'il n'est pas aussi fatalement porteur de ces déboires et de ces tares que vous voulez bien lui prêter, à droite !
Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a aucun fait avéré, depuis dix-huit mois, qui pourrait laisser croire que cette mesure fort modeste soit facteur de désordre. Je vous dis simplement que vous n'avez pas le droit de l'extirper de cette façon, sous prétexte de fantasme de dangers éventuels. Pratiquons-la ! Pratiquons-la aussi diversement que l'ont pratiquée Versoix, Bernex, la Ville, Onex, etc. ! Et nous aurons peut-être la preuve que vous aviez raison, mais, pour le moment, je le répète, ce ne sont que des fantasmes. Laissez donc ce droit se développer et je prends le pari qu'il ne perturbera en rien - en rien - les équilibres dans nos vies communales ! Je demande à chacun de ne pas se déterminer en fonction de discours sclérosés ni en fonction de mots d'ordre de je ne sais quels bataillons en marche, mais de juger sur son mérite et sur sa valeur une simple possibilité donnée à des conseils délibératifs, qui ne sont pas, qu'on le veuille ou non, sur pied d'égalité avec de vrais exécutifs !
Mesdames et Messieurs les députés, calmement, sobrement et succinctement, je vous demande, en troisième débat, avant de procéder à cette exécution, de réfléchir encore et, au moins, de renvoyer ce projet de loi en commission. Parce que, si vous relisiez bien le rapport de majorité, vous verriez qu'il n'est pas exempt de tout défaut et de toute erreur matérielle. Voilà la proposition que je vous fais. Je vous demande encore une fois de ne pas guillotiner cette mesure sans appel.
M. Bernard Annen (L). Je voudrais dire à notre collègue Albert Rodrik que nous sommes encore en deuxième débat - il va un peu vite... (Exclamations.)
Le président. Nous sommes en troisième débat, Monsieur le député !
M. Bernard Annen. Alors, je vous prie de m'excuser ! C'est moi qui ai pris du retard !
J'aimerais toutefois faire une petite remarque au niveau du temps de parole... En effet, notre collègue, Pierre Vanek, dit régulièrement en commission qu'il est facile de s'autodiscipliner... J'observe qu'il a déjà pris la parole sur cet objet trois fois sept minutes, ce qui fait déjà vingt et une minutes !
Il a tenté de réfuter l'argument que j'ai donné tout à l'heure, selon lequel il nous serait possible de dénaturer une motion communale, en disant que l'exercice était le même que pour une motion déposée par un député... Mais il y a une énorme différence: car si Bernard Annen dépose une motion et que Pierre Vanek la dénature, Bernard Annen, en voyant sa motion dénaturée, se lève et la retire ! La commune, elle, ne peut pas retirer son texte: et c'est une grave erreur ! Que ce soit théorique, je le concède, mais, vous le savez, pour les gens qui sont en face de moi il n'y a pas loin de la théorie à la pratique !
Voilà ce que je tenais à dire. Je maintiens donc ma position.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Je n'utiliserai pas les sept minutes qui me sont imparties... Je prendrai trente secondes pour vous dire, Monsieur Annen, que vous avez raison: la commune ne peut pas retirer sa motion. Alors, si vous pensez que c'est un inconvénient, il faut prévoir une disposition qui permette effectivement au conseil municipal qui a déposé une motion de la retirer le cas échéant. Cela ne pose pas de problème et ne demande évidemment pas de supprimer le principe même de la motion communale !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi en commission de ce projet de loi.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée.
La loi 8712 est adoptée par article.
Le président. Je mets maintenant aux voix en troisième débat l'adoption de ce projet de loi, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
La loi 8712 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 40 oui contre 23 non.
Premier débat
Le président. Nous procédons, maintenant, comme nous l'avions annoncé, à l'examen des objets du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement. Nous avons dix-sept minutes de retard... J'en suis désolé vis-à-vis de M. Moutinot, mais, au moins, nous avons pu terminer cet objet. Nous prenons donc maintenant le point 63.
Monsieur le rapporteur, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport, brièvement ? Je vous donne la parole.
M. Mark Muller (L), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Le projet de loi 8526 est un projet de loi relativement ancien, puisqu'il date de la précédente législature.
Lorsque nous l'avons examiné en commission, nous nous sommes aperçus qu'un certain nombre des propositions qu'il contenait n'étaient pas conformes au droit fédéral, plus particulièrement en ce qui concerne la possibilité de renoncer à la délivrance d'une autorisation de construire pour exécuter des travaux. Nous nous sommes demandé en commission s'il valait la peine de maintenir ce projet de loi ou si nous devions purement et simplement le retirer. Comme l'une ou l'autre des propositions qui figuraient méritait quand même tout notre soutien, nous avons décidé de le maintenir. Mais nous l'avons réduit à la portion congrue, puisque nous ne faisons que proposer l'adjonction d'un alinéa à l'article 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses.
Je vous propose donc d'adopter ce projet de loi.
M. Gabriel Barrillier (R). Ce projet de loi semble être une évidence... Toutefois, à bien y réfléchir et pour tenir compte de la pratique et des longueurs des procédures, il me semble nécessaire de confirmer dans la loi, avec toute la force du législateur, qu'une autorisation de construire doit être délivrée sans délai et sans conditions ou atermoiements, dès lors que toutes les conditions légales sont réunies.
Mesdames et Messieurs les députés, s'il n'y avait jamais de problèmes, cette proposition serait évidemment superfétatoire. Mais ce n'est pas le cas. C'est la raison pour laquelle il incombe au législateur, avec toute l'autorité voulue, d'obtenir que les procédures se déroulent dans la sécurité du droit et dans l'intérêt bien compris de tous les participants à l'acte d'aménager et de construire.
Le parti radical votera donc cette loi.
Le président. Monsieur le député, pour ne pas effrayer nos collègues qui n'auraient pas lu le texte, je leur précise bien que «sans atermoiements» ne figure pas dans le texte qu'ils vont être appelés à voter...
Monsieur le député Etienne, vous avez la parole.
M. Alain Etienne (S). Un certain nombre de projets de lois ont été déposés par les partis de l'Entente en vue de simplifier les procédures. Si nous sommes favorables à l'amélioration de ces dernières, cette amélioration doit se faire avec précaution et, dans le cas présent, nous pouvons une nouvelle fois avoir quelques doutes...
Je dois tout d'abord dire que le rapport est un peu succinct. M. Muller ne nous relate pas les larges discussions que nous avons eues sur les lenteurs supposées reprochées au département dans le traitement des requêtes d'autorisation de construire, et c'est bien dommage. Car si M. Muller avait fait état de nos discussions dans son rapport, nous aurions pu y lire, par exemple, que la longueur du traitement des dossiers n'est pas due à la lenteur de la police des constructions, mais, notamment, à un arsenal législatif important, que la police des constructions traite un grand nombre de dossiers et qu'il arrive souvent que des compléments soient demandés. Il arrive souvent aussi que les mandataires soient eux-mêmes à l'origine des retards: parfois des plans manquent, un plan d'assainissement, une étude d'impact, et tout ceci ne se fait pas dans les dix jours.
Voyant le projet de loi un peu faible et contraire, comme l'a rappelé M. Muller, aux exigences légales fédérales, il a été fait appel comme d'habitude au département pour proposer des mesures pour accélérer les procédures, mesures qui figurent en annexe, et nous remercions le département pour le travail fourni. M. Muller ne nous dit pas non plus dans son rapport pourquoi des articles ont été retirés, mais il l'a fait au début de son intervention.
Par exemple, en ce qui concerne la publication, article 3, alinéa 2: que demandait le projet de loi ? Que lorsque la requête en autorisation de construire était conforme au PLQ, l'autorisation ne soit pas publiée... La belle affaire ! Mais c'est tout simplement contraire à la LIPAD et à la loi fédérale sur l'environnement qui exige le droit de regard sur les dossiers ! Rien dans ce projet de loi n'était compatible avec les exigences fédérales et cantonales, et c'est pourquoi les articles ont été retirés... Alors que reste-t-il, en définitive, de ce projet de loi déposé en grandes pompes en pleine période électorale? Eh bien, pas grand-chose ! Il ne reste plus que l'article 1, alinéa 2, dont le texte initial: «Lorsque les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire.» a été remplacé par: «Dès que les conditions légales sont réunies...». Ainsi, on a remplacé «lorsque» par «dès que»... Voici la modification légale que nous propose aujourd'hui la majorité de ce Grand Conseil !
Monsieur le président, c'est un peu faible. Alors qu'il nous est souvent reproché de rallonger les débats, vous en conviendrez, nous aurions pu éviter cette perte de temps !
De notre point de vue, ce projet de loi, tel qu'il ressort de la commission, aurait dû être retiré par ses auteurs.
En conséquence, le parti socialiste ne participera pas à cette comédie. Nous nous sommes abstenus en commission au vote final. Nous nous abstiendrons encore aujourd'hui, car ce travail législatif n'est pas sérieux ! (Applaudissements.)
Le président. Quand on n'est pas là pour les rapports, on doit faire confiance aux résultats des votes. Madame Michèle Künzler, vous avez la parole.
Mme Michèle Künzler (Ve). L'intérêt de ce projet de loi est sans doute inversement proportionnel à l'intérêt porté aux bouteilles qu'on présente au fond de la salle...
Le président. C'est vrai, Messieurs Blanc, Serex, Desbaillets: vous pourriez faire votre exposition viticole ailleurs ! Allez-y, Madame Künzler.
Mme Michèle Künzler. Comme l'a dit M. Etienne, on nous a annoncé de grands changements, car la droite était enfin au pouvoir, mais, dans ce projet, elle s'est contentée de changer une conjonction pour une autre ! De toute façon, ce projet de loi est non conforme au droit supérieur, et c'est ainsi que tous ses projets sont construits. En partant d'idées reçues ou d'idées qui sont dans l'air, elle élabore un projet de loi, et, finalement, elle se contente de remplacer «lorsque» par «dès que» ! Et tout cela a coûté plusieurs heures de commission ! C'est vraiment ridicule ! C'est pourquoi nous nous sommes abstenus, et nous continuerons à nous abstenir, parce ce que, franchement, cela ne vaut même pas la peine de discuter de ce projet de loi !
Le président. Merci, Madame la députée, mais la discussion continue... Monsieur le député Barro, puis M. le rapporteur Muller, puis M. le conseiller d'Etat, Laurent Moutinot vont s'exprimer. Monsieur Barro, allez-y.
M. Florian Barro (L). L'intervention persifleuse de M. Etienne, doublée de celle de Mme Künzler, me donne l'occasion de réagir, puisque - vous le savez - dans le cadre des autorisations de construire, il est maintenant possible pour les mandataires et tout un chacun de suivre l'évolution des dossiers sur Internet: leurs manquements, les réponses qui sont données, les préavis qui sont récoltés par la police des constructions, et aussi de voir, une fois que l'instruction est terminée, quel laps de temps il faut pour obtenir une autorisation de construire.
Je me permets de vous donner deux petits exemples, qui sont purement d'actualité. J'ai déposé deux requêtes en autorisation de construire complémentaires - je parle bien d'un complément et non d'une demande d'autorisation de construire... Une instruction s'est terminée le 27 mars et l'autre le 1er ou le 2 avril: eh bien, j'attends encore aujourd'hui l'autorisation, et nous sommes le 2 mai ! Il faut plus d'un mois pour délivrer une autorisation de construire complémentaire, alors que les instructions sont terminées !
Alors, vous pouvez vous gausser à propos du «dès que» ou du «lorsque», mais avouez qu'il n'est pas normal qu'il faille trente jours pour publier une autorisation de construire dont l'instruction est terminée ! Surtout que ces deux compléments d'autorisation de construire ont nécessité, eux, trois mois d'instruction au sein du département auquel, il est vrai, nous n'avons pas réclamé le traitement accéléré. Mais, je le répète, depuis un mois, j'attends paisiblement et tranquillement ces autorisations de construire ! Et vous pouvez appeler: vous ne tomberez jamais sur la personne responsable qui serait capable de vous donner la date à laquelle ces autorisations de construire seront délivrées !
Il me semble tout de même qu'il devrait être possible d'améliorer quelque peu les choses à ce niveau, et, d'ailleurs je pense que l'instrument mis à disposition des mandataires et du public pour voir à quel stade se trouvent les autorisations de construire est un bon instrument propice à accélérer les choses. En tout cas, je salue l'initiative du département dans le but de permettre aux mandataires de mieux connaître l'évolution de leur dossier.
Pour ma part, je vous propose quand même de soutenir ce projet de loi, même si c'est pour un mot. Mais un seul mot peut permettre de faire prendre conscience aux gens qu'il faut que les piles de dossiers diminuent.
Le président. La parole est à M. Pagani, puis à M. Muller, puis à M. Moutinot.
M. Rémy Pagani (AdG). M. Barro a du mal à justifier cette petite modification, mais je le comprends, car, bien évidemment, il doit sauver l'honneur...
Après avoir déposé un projet de loi de deux pages pour modifier l'ensemble des procédures et après les travaux de commission, vous accouchez d'une petite souris - et quand je dis d'une petite souris, je devrais dire de rien du tout... (Rires.)Il est donc bien sûr un peu délicat, Monsieur Barro, voire difficile, de justifier cette importante modification consistant à changer «lorsque» en «dès que»...
Cela étant, nous nous sommes opposés - nous, l'Alliance de gauche - à cet amendement, parce que nous trouvons tout cela ridicule, Mesdames et Messieurs les députés ! Combien d'heures avons-nous passé sur ce projet de loi, Monsieur Muller ? (L'orateur est interpellé.)Oui, mais tout de même une séance... (Exclamations.)Non, trois séances, quatre séances !
Toujours est-il que nous avons demandé au département de nous fournir des statistiques pour vous montrer que ce n'est pas le département qui bloque les dossiers. Les retards se prennent en amont, c'est-à-dire que ce sont souvent les propriétaires qui n'arrivent jamais à se mettre d'accord avant de déposer des projets, et aussi en aval, pour des raisons de déclassements ou parce que les promoteurs n'ont pas l'argent pour réaliser leurs projets, ce qui les bloque. Alors, Monsieur Barro, vous dites que le département a très bien fait de permettre aux mandataires de suivre l'évolution de leur dossier sur Internet, car cela améliorera les choses... Certes, cette mesure proposée par le département va apporter certaines améliorations, mais il faut tout de même relever que vous discutez pour un retard - si retard il y a - d'un mois ou deux pour la délivrance d'une autorisation de construire ! Je comprendrai que vous discutiez, que vous exprimiez votre colère et que vous déposiez des projets de lois vigoureux pour des retards de six mois ou une année ! Mais là, vous faites toute une histoire pour un petit mois de retard ! Je me réjouis d'entendre l'intervention de M. Moutinot, parce que j'imagine qu'il y a des problèmes spécifiques qui se posent.
Mesdames et Messieurs les députés, nous avons pu poser des questions aux représentants du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, et nous avons eu des réponses, des statistiques sur des projets concrets, et nous avons été convaincus - et vous aussi, à voir ce qu'il en est ressorti de commission - que les problèmes des délais pour requêtes administratives ne résidaient pas au niveau de l'administration, mais en amont ou en aval. Je crois donc que nous pouvons nous féliciter d'avoir une administration qui fonctionne encore, Monsieur Barro, alors que vous essayez par tous les moyens, notamment par le biais d'autres projets, de supprimer des postes dans l'administration, ce qui réduira sa capacité de répondre efficacement aux besoins de la population.
M. Mark Muller (L), rapporteur. Il n'est tout de même pas anodin de prévoir dans la loi que l'autorisation est délivrée «dès que» les conditions légales sont réunies... En effet, vous savez que le département dispose d'un délai de soixante jours pour répondre à une requête en autorisation de construire. Ce délai n'est pratiquement jamais respecté, et quand il l'est, c'est l'exception.
En tant que rapporteur, j'aimerais corriger l'affirmation de M. Etienne, appuyé par Mme Künzler, par rapport à un point technique... Nous n'avons pas seulement modifié une conjonction, nous avons introduit dans la loi un nouvel alinéa, que nous avons effectivement amendé en remplaçant une conjonction de subordination par une autre en commission. Et ce nouvel alinéa est donc une nouveauté, selon laquelle, en effet: «Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire.»
Les débats que nous avons eus en commission n'ont pas été inutiles, outre cette modification - qui est loin d'être anodine à nos yeux - dans la mesure où la réflexion que nous avons menée a conduit le département à faire un certain nombre de propositions concrètes pour accélérer les procédures. Elles ne se traduisent pas pour l'instant par des modifications légales, mais vous pouvez trouver la liste de ces propositions intéressantes faites par le département en annexe au rapport. Je crois que c'est grâce aux débats relatifs à ce projet de loi que nous avons pu obtenir ces propositions, et j'en remercie ici le département.
Dernier point, Monsieur Etienne, vous vous étonnez de la petite avancée des partis de droite... Mais, Monsieur Etienne, si vous avez d'autres propositions à faire pour accélérer les procédures, nous les accueillerons avec beaucoup de plaisir !
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Le projet de loi que vous allez voter précise que: «Dès que les conditions légales sont réunies le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire.» Je comprends ce projet comme une codification de la pratique, parce que j'imagine assez mal que l'on délivre des autorisations de construire si les conditions légales ne sont pas réunies ou qu'on ne les délivre pas si elles le sont...
Tout le débat portait sur le «dès que». Il va de soi que nous souhaitons être le plus diligents possible et que vous avez maintenant effectivement le moyen de le contrôler systématiquement, puisque j'ai fait mettre dans le domaine public le traitement des dossiers depuis leur enregistrement jusqu'à la délivrance de l'autorisation. Vous pouvez, par conséquent, savoir où en sont les choses, comment elles se passent, quel préavis nous attendons, quelle demande a été faite au mandataire, etc.
Maintenant, en ce qui concerne les retards - ou, plutôt, les prétendus retards - je reçois relativement peu de plaintes à ce sujet. Et s'il faut considérer, Monsieur Barro, les cas que vous avez cités comme des retards, vous m'obligeriez en me donnant les numéros des dossiers, de manière qu'ils puissent être traités. En effet, dans la plupart des cas qui m'ont été signalés ou dénoncés par les requérants - il peut arriver qu'il y ait du retard, c'est vrai - soit ces retards étaient explicables soit il n'y avait carrément pas matière à reproches...
Je vous cite, et je ne l'ai pas choisi, le tout dernier cas de plainte qui m'a été adressée: il s'agissait d'un cas où l'autorisation n'avait pas été délivrée dans les temps parce que le requérant n'avait jamais déposé la requête en abattage d'arbres, bien qu'il ait été rendu attentif au fait qu'il fallait déposer cette requête lors du rapport d'entrée - il entendait en effet construire là où il y avait des arbres. A partir de là, le retard qu'il imputait au département devait lui être imputé, puisqu'il n'avait pas fait la démarche qu'il devait faire. Et en vertu du principe de la coordination des procédures, je ne pouvais pas délivrer l'autorisation, qui était au demeurant prête à être délivrée, tant que la requête en abattage d'arbres n'avait pas été déposée, instruite et fait l'objet d'une décision.
Mesdames et Messieurs les députés, la loi que vous allez voter est donc pour moi un encouragement à continuer à délivrer les autorisations qui nous seront demandées avec le plus de célérité possible.
Le président. Conformément à notre règlement, nous allons procéder au vote de ce projet de loi au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
La loi 8526 est adoptée par article.
La loi 8526 est adoptée en trois débats dans son ensemble par 38 oui contre 7 non et 16 abstentions.
Premier débat
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur de majorité. Ce projet de loi a certes plus de substance que celui que nous venons d'accepter... (Commentaires.)Il faut dire qu'il est sorti de longs travaux en commission de l'aménagement, et j'aimerais ici remercier vivement les fonctionnaires du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement qui nous ont fourni toute une série de statistiques sur les procédures en matière d'adoption de plans localisés de quartier, puisque c'est de cela qu'il s'agit. Les mesures que nous avons examinées doivent bien évidemment être replacées dans le cadre de la pénurie de logements que nous connaissons depuis plusieurs années, pénurie épouvantable - je ne voudrais pas entamer un débat à ce sujet aujourd'hui - qui ne s'est pas du tout arrangée depuis lors...
Suite à la discussion en commission et au traitement des mesures proposées par l'Entente, il a été décidé que ce Grand Conseil demanderait au Conseil d'Etat, par voie de motion, de mettre au point un projet de plan localisé de quartier et d'en accélérer la procédure. Cela - et c'est un miracle - sans restreindre l'autonomie communale, ni les droits des propriétaires, pas plus que les voies de recours prévues par la législation fédérale et cantonale.
Dès lors, en tant que porte-parole de la majorité, je souhaite que ce projet de loi trouve grâce devant ce Grand Conseil.
M. Alain Etienne (S), rapporteur de première minorité. Les députés de l'Entente ont encore déposé un mauvais projet... (Exclamations.)Si nous pouvons être d'accord sur la nécessité d'alléger quelque peu les procédures, nous pensons néanmoins que cette simplification doit se faire avec précaution. La proposition de décréter l'urgence, initialement déposée, était une mauvaise idée...
Les commissaires ont donc préféré donner le droit d'initiative au Grand Conseil pour l'adoption d'un plan localisé de quartier. Cette nouvelle proposition paraît intéressante, toutefois, elle est différente de la démarche habituelle qui consiste à demander le changement d'affectation d'une zone par voie de motion. Nous étions donc prêts à aller dans ce sens et à suivre les propositions du département, qui faisait référence à l'existence d'un plan directeur de quartier. Effectivement, si l'on veut aller vite, il faut bien avoir en main les connaissances du terrain. Un plan de quartier se fait sur la base d'un avant-projet architectural. Il n'est donc pas possible de faire un plan localisé de quartier s'il n'y a pas de projet.
En fait, je ne comprends pas très bien la démarche... Vous avez voté dernièrement une loi instituant les plans directeurs communaux, qui comprend, précisément, les plans localisés de quartier, et là, vous refusez de vous servir de ce nouvel outil d'aménagement: c'est complètement incohérent !
Je constate qu'il n'y a pas de recherche de consensus et de dialogue en cette période de pénurie... L'Entente veut faire passer ses projets en force... De nouveau la droite fait appel au département pour l'aider à s'en sortir, et des modifications extrêmement délicates sont apportées par le biais d'amendements. Les questions que se pose M. Pagani sont sérieuses.
Je dirai pour terminer qu'il faut chercher à simplifier les procédures si cela est nécessaire, mais il ne faut pas que ces simplifications soient apportées au détriment de la qualité de la vie de nos concitoyens et de nos concitoyennes. L'acte de construire ne consiste pas seulement à construire des immeubles alignés les uns après les autres, c'est aussi faire de l'urbanisme, c'est-à-dire faire en sorte d'adapter l'habitat aux besoins des personnes.
Pour ma part, j'aurais trouvé préférable que ce projet de loi soit retiré et de travailler ensemble à des solutions consensuelles visant à simplifier les procédures.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de deuxième minorité. M. Barrillier nous dit que ce projet de loi ne concerne pas la pénurie de logements... Eh bien, si justement !
Et je tiens à signaler un cas: la commission a adopté un projet croupion au sujet du terrain du plateau de Frontenex, contrairement au consensus qui s'était fait autour du déclassement du terrain de Meyrin - le terrain Caillat. Nous sommes étonnés de voir qu'avec l'appui de la majorité le déclassement partiel de ce terrain a été voté en commission, soit un quart de son potentiel, puisque deux cent cinquante logements pourront être construits au lieu des mille logements qu'il était possible d'y construire... Si c'est ça, Monsieur Barrillier, votre conception de la construction de logements à Genève, je la trouve un peu spécieuse, mais on y reviendra ! (L'orateur est interpellé.)Si, c'est le sujet, parce que ce qui est le plus important, c'est tout de même la pénurie de logements ! En l'occurrence, vous aviez l'occasion de vous prononcer en faveur de la construction de ces mille logements pour la population, et vous ne l'avez pas fait ! C'est la réalité, et c'est le sujet d'actualité !
Je ne vais pas revenir sur la forme de ce projet de loi: M. Etienne en a suffisamment parlé, mais j'aimerais tout de même rappeler une chose importante. Je ne sais pas si certains d'entre vous avez connu les aléas des autorisations de construire, à l'époque de M. Vernet il y a une vingtaine d'années... Je me rappelle d'un terrain qui devait être construit qui faisait l'objet de blocages et d'oppositions... Eh bien, il a fallu exactement trois ans pour changer l'emplacement de l'entrée du garage ! Alors, si vous voulez que nous retombions dans ce type de perversions du système, il faut voter ce projet de loi ! En effet, si ce projet est voté, les opposants, comme c'était le cas à l'époque de M. Vernet, ne pourront plus faire valoir leurs droits et obtenir des réponses constructives à leurs demandes légitimes. Parce qu'enfin il me semble tout à fait légitime de pouvoir demander de modifier l'emplacement de l'entrée d'un parking: c'est une demande qui peut améliorer un projet d'aménagement ! Ces personnes ne pouvant plus intervenir, elles recourront aux artifices - j'ai moi-même dû y recourir, et je peux en parler en connaissance de cause - qui étaient très utilisés dans le passé pour faire de l'obstruction, au moins pour que les demandes légitimes des habitants, des propriétaires même, de tous ceux qui sont concernés par l'urbanisation de notre canton, puissent être prises en considération. Nous avons même dû aller jusqu'au Tribunal fédéral pour faire valoir un changement d'emplacement de l'entrée d'un parking...
Je mets donc en garde tous ceux qui voudraient voir ce projet de loi adopté, sous prétexte d'accélérer les procédures. Nombre de personnes compétentes de l'administration l'ont fait aussi. Pour ma part, je pense que ce projet de loi constitue un autogoal magistral et qu'il va nous faire revenir pratiquement trente ans en arrière: mais, tant pis !
Encore plus surprenant. Ce projet de loi pose toute une série de problèmes juridiques, comme vous aurez pu le voir dans les considérations juridiques qui figurent dans mon rapport de minorité. Et je vous lis le passage en question pour que cela figure au Mémorial: «La modification étant d'une certaine importance, le Conseil d'Etat court alors le risque de voir des personnes qui n'avaient pas fait opposition recourir au Tribunal administratif contre ce plan localisé de quartier en raison des modifications qui y auront été apportées postérieurement à la procédure d'opposition. Ils invoqueront alors une violation d'une disposition leur octroyant une garantie essentielle de procédure (en l'occurrence l'article 33 LAT qui exige au moins une autorité de recours disposant d'un libre pouvoir d'examen). Ils ne pourront qu'avoir gain de cause devant le Tribunal administratif, quand bien même déclarerait-il le recours pleinement recevable malgré l'article 35 LaLAT (exigence non remplie de l'épuisement préalable de la voie de l'opposition), n'étant pas compétent en matière d'opportunité, comme l'est le Conseil d'Etat lorsqu'il statue sur opposition.»
Nous allons donc nous retrouver à la situation d'il y a trente ans, avec une subtilité de plus, car il y a tout de même eu une évolution juridique au niveau cantonal et au niveau fédéral, je veux parler des droits de recours qui sont garantis par le droit fédéral, ce qui n'était pas le cas il y a trente ans. Vous allez blinder, si j'ose dire, les opposants, sur le fond, en refusant d'entrer en matière sur leurs demandes légitimes préalables et, sur la forme, en ne prévoyant pas les droits de recours usuels qui leur sont garantis par le droit fédéral.
Voilà en ce qui concerne l'entrée en matière de ce projet de loi, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous nous parlez d'un temps que la plupart d'entre nous n'avons pas connu, puisque nous n'avons pas quarante de vie politique comme M. Blanc qui va les fêter ces jours-ci... (Applaudissements.)
Je donne maintenant la parole à Mme la députée Fehlmann Rielle.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je souhaite rappeler en préambule que le projet de loi initial - cela a été dit, il a été considérablement modifié par la suite - a fait l'objet de plusieurs auditions dont celle de la Ville de Genève et celle de l'Association des communes genevoises qui se sont unanimement opposées à ce projet de loi d'allègement des procédures, non pas parce qu'elles sont contre un tel allègement mais parce que ce qui était proposé ne leur semblait pas cohérent, tout d'abord en rappelant que si on voulait sauter des étapes, notamment par rapport aux enquêtes publiques et aux procédures d'opposition, cela ne ferait que reporter le problème plus loin et les cas litigieux finiraient au Tribunal administratif. Ce n'est effectivement pas le but recherché par les initiants, apparemment.
Puis ils ont rappelé une chose très utile, à savoir que les projets doivent être négociés en amont si l'on veut arriver à un aménagement un peu plus cohérent. C'est ainsi qu'ils nous ont donné des pistes qui semblent aussi utiles de relever, par exemple, que nous devrions axer notre réflexion sur une meilleure coordination entre le plan directeur cantonal et les plans directeurs communaux, ou les futurs plans directeurs communaux pour les communes qui n'en ont pas encore.
Comme il a fallu reconnaître que le projet de loi initial posait plus de problèmes qu'il ne pouvait en résoudre, il a été fait appel au service du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement pour lui demander de faire un état des lieux de tous les plans localisés de quartier depuis les cinq dernières années. C'était certainement l'aspect le plus intéressant de nos travaux, et le résultat de ce travail a probablement pu tordre le cou à certaines rumeurs laissant entendre que les délais de traitement des plans localisés de quartier étaient très longs. Car, en fin de compte, nous nous sommes aperçus que ce n'étaient que des rumeurs, la plupart étant traités dans des délais tout à fait normaux.
En fait, le problème principal qu'on essaie de résoudre par des stratagèmes plus ou moins boiteux d'allègements de procédures, est l'acte de construire: c'est le fond du problème. Ce problème n'est en effet pas évident à résoudre, puisqu'il fait l'objet de beaucoup de contestations, soit par certaines communes soit par certains habitants, qui pensent que leur cadre de vie pourrait être modifié ou péjoré par une éventuelle densification. Il vaudrait mieux essayer de convaincre les communes... Sur ce point, les députés de l'Entente ne me contrediront certainement pas, puisqu'ils sont, malheureusement, très souvent à l'écoute des communes déjà très privilégiées, qui refusent une densification parce qu'elles craignent que leur cadre de vie soit modifié et qui préfèrent que cela se fasse ailleurs. C'est sur ce point que réside le véritable problème.
En bref, on nous a expliqué qu'il était nécessaire d'utiliser la concertation et la volonté de convaincre plutôt que de passer son temps à bricoler des projets de lois censés alléger les procédures...
Pour en revenir au projet de loi qui est finalement ressorti de commission, nous ne voulons pas y souscrire pour deux raisons principales, même s'il est un peu meilleur que le projet de loi initial. D'une part, comme M. Alain Etienne l'a dit dans son rapport de minorité, il prétend donner au Grand Conseil le droit d'initier un plan localisé de quartier tout en refusant la possibilité de faire référence à un plan directeur initial ou à un plan directeur de quartier existant, ce qui va compliquer les choses et qui n'est pas raisonnable. D'autre part, le fait de rendre l'enquête publique facultative ne nous convient pas non plus.
Nous vous proposons donc de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la députée. Sont inscrits: Mme Künzler, M. Koechlin, M. Vaucher... Nous sommes toujours en premier débat. Madame Künzler, vous avez la parole.
Mme Michèle Künzler (Ve). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi a été présenté comment étant urgent, et, finalement, il nous a fallu du temps, en commission, pour faire comprendre à la droite que ce projet, s'il était accepté tel quel, bloquerait encore bien plus la situation. Mais en fin de compte les commissaires de droite se sont rendu compte que leur projet de loi était incongru. Mais le projet qui est ressorti des travaux de la commission n'est pas forcément meilleur, car de nouvelles compétences, normalement réservées à l'exécutif, sont données à ce Grand Conseil, je veux parler de la possibilité d'élaborer des plans localisés de quartier. Qui déposera une motion pour ce faire, sur quel terrain, pour quel objectif ? Est-ce simplement au hasard d'une promenade, le dimanche, qu'un député aura l'idée de déposer une motion en vue d'élaborer un plan localisé de quartier ? Ou est-ce un promoteur qui téléphonera à un député - à mon avis plutôt de droite que de gauche... - pour dire qu'il est intéressé par tel ou tel terrain et qu'il aimerait qu'il lui fasse un plan localisé de quartier ? Non, ce n'est pas possible: ce sont des tâches qu'il faut laisser à l'exécutif ! Il ne faut pas donner cette compétence au législatif !
Ce projet de loi vise par ailleurs à rendre l'enquête publique - soi-disant inutile - facultative, si elle correspond au plan directeur... En fait, le plan directeur n'est pas au même niveau: il lie les autorités, mais il ne lie pas les privés... Les compétences et l'autorité ne sont pas du tout au même niveau, et cette mesure ne résout pas non plus le problème.
Dernière chose. On s'imagine que les démarches seront plus rapides parce que les procédures d'opposition seront supprimées, mais, comme l'a très bien souligné M. Pagani, ces procédures d'opposition auront lieu en aval. Et c'est dramatique, car qui devra trancher sur la pertinence de ces oppositions et même sur l'opportunité du plan ? Ni des aménagistes ni des constructeurs, mais le Tribunal administratif ! Mais franchement, est-ce au Tribunal administratif de s'occuper de l'aménagement de ce canton ? Nous disons, non ! Et nous vous invitons fermement à rejeter ce projet de loi qui n'est pas bon !
M. René Koechlin (L). Il est certain que ce projet de loi ne résout pas tous les problèmes qui sont liés à l'élaboration et à l'adoption des plans localisés de quartier, tant s'en faut ! Mais je serais heureux de connaître le projet qui pourrait améliorer radicalement ces procédures ? Et celui qui nous est soumis a au moins la vertu de soulever un véritable problème. Les statistiques établies par le département, auquel plusieurs de mes préopinants font allusion, sont malheureusement tronquées... La durée d'élaboration et d'adoption d'un plan localisé de quartier, Mesdames et Messieurs, dans ce canton, dure des années... (L'orateur insiste sur le dernier mot.)Et c'est aussi une statistique !
Malheureusement, les statistiques qui nous ont été montrées en commission ne portent qu'à partir du moment où un plan localisé de quartier est mis à la première enquête publique, jusqu'au moment de son adoption. Or, ce qui prend un temps considérable dans l'élaboration et l'adoption d'un plan localisé de quartier, ça n'est pas forcément la procédure proprement dite, à laquelle s'applique la statistique évoquée, mais c'est tout le travail de préparation élaboré par le DAEL en collaboration, généralement, avec la commune et, si possible, avec les propriétaires. C'est cette préparation préalable qui prend souvent beaucoup de temps, car elle implique des consultations, des préconsultations, qui peuvent aller jusqu'à la commission du conseil municipal concerné, chargée, plus tard, de donner un préavis à son conseil municipal pour qu'il se prononce sous forme de délibération.
Donc, Mesdames et Messieurs les députés, je vous pose la question - et je sais que, dans cette enceinte, personne ne peut y répondre comme cela, en une phrase - comment faire pour que les plans localisés de quartier soient élaborés plus rapidement que ça n'est le cas actuellement ? Et je vous assure - là je change de casquette tout à fait momentanément - que je m'efforce à longueur de journée de faire aboutir des plans localisés de quartier, en vain; et je suis désespéré d'y parvenir ! Je regarde volontairement le chef du département, parce que je sais qu'il partage exactement mon souci: il est extrêmement difficile, dans l'état actuel des choses, Mesdames et Messieurs, de faire aboutir un plan localisé de quartier.
Monsieur Pagani, vous avez fait allusion à un projet que nous traiterons prochainement et pour lequel j'ai été désigné comme rapporteur de majorité - celui du Pré-Babel - et dit que nous ne voulions pas déclasser, etc., etc. Monsieur Pagani, vous vous nourrissez encore de l'illusion qu'il suffit de déclasser des terrains... (L'orateur change de voix pour dire ces mots et prend un ton ironique et très haut perché.)...pour que des logements soient construits ! Et s'ils sont déclassés contre l'avis des propriétaires, contre l'avis des voisins, contre l'avis de la commune: peu importe ! L'important est de déclasser !
Il y a des centaines d'hectares dans ce canton qui sont déjà déclassés depuis longtemps en zone de développement, en troisième zone de développement, qui comportent des plans localisés de quartier en force... Eh bien, on n'y construit rien ! (L'orateur dit ces derniers mots avec force.)Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il y a des propriétaires qui habitent ces terrains et qui disent qu'il n'y a aucune raison de construire quoi que ce soit tant qu'ils y sont... (L'orateur est interpellé par M. Pagani.)Peu importe les milieux, Monsieur Pagani ! Vous nous dites évidemment qu'il s'agit de nos milieux... Mais, voyons ! Tous les milieux sont représentés: il y a des propriétaires qui habitent des villas et qui émanent de tous les milieux, y compris des vôtres, Monsieur Pagani ! (Exclamations.)Et j'en connais, mais je ne les citerai pas ! ( Applaudissements.)Alors, s'il vous plaît, essayez d'éviter de porter le débat sur ce plan, car c'est vraiment déplacé ! Mais bien sûr, Monsieur Pagani, vous aimez bien mettre le feu aux poudres et lancer ce genre de débats polémiques en prétendant que ce seraient nos milieux qui empêchent la construction de logements dans ce canton... Facile ! Trop facile !
Je vous dis une chose, Monsieur, c'est que depuis des années, moi je m'efforce de construire - c'est mon métier - et je me heurte tout le temps à des difficultés administratives ou à un manque de volonté de construire. Il ne suffit pas de dire que l'on va déclasser des terrains parce que la population réclame des logements ! C'est exactement comme si vous répondiez à une personne qui a faim et qui vous demande du pain que vous allez planter du blé ! C'est ce que cela veut dire, c'est ce que vous dites, et c'est cela votre politique en matière de construction de logements ! Elle est totalement inefficiente !
J'en reviens à ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés. Il est vrai qu'il n'apporte pas la Solution - avec un grand s... Si, au moins, c'était possible, nous l'aurions tout de suite rédigé, ce projet de loi ! Malheureusement, la difficulté est immense, parce que nous sommes dans une démocratie et que les droits et le pouvoir de décision sont complètement diffus. C'est le revers de la médaille de la démocratie: il faut bien l'admettre !
Alors, on essaye, en appliquant les règles et les lois, de faire en sorte de construire le plus rapidement possible des logements, mais, si possible, avec les personnes qui construisent, avec leur avis, avec leur aval. Et si vous voulez le faire malgré elles, vous ne construirez rien !
Cela dit, ce projet apporte une pierre à l'édifice qui doit en comporter de nombreuses autres; mais c'est mieux que rien. C'est une première pierre, et c'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite, avec moi, à la poser dans l'enthousiasme général. (Applaudissements.)
Présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président
M. Olivier Vaucher (L). Mon collègue Koechlin a déjà dit un grand nombre de vérités... Et de temps en temps, il faut que des vérités soient dites, Monsieur Pagani, même si l'adage dit que toute vérité n'est pas bonne à dire !
Je reviens maintenant sur les interventions de certains de mes préopinants. Monsieur Etienne, vous avez dit qu'il n'y a pas de plan localisé de quartier sans projet... Il est bien entendu que notre parlement ne fera pas de demande de plan localisé de quartier par voie de motion - c'est l'objet de notre projet de loi - sans projet, même si ce n'est qu'un avant-projet, pour permettre au département de traiter le dossier plus rapidement, sur une base concrète. Il est évident que nous n'allons pas solliciter le département pour un terrain que nous aurions vu par hasard, dans un coin, et sans projet à la clé ! Nous sommes un peu plus sérieux que cela, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face !
Monsieur Etienne, vous nous avez également dit qu'il fallait travailler en concertation - Mme Fehlmann Rielle a précisé «en amont»... C'est évident qu'il faut travailler en concertation, Mesdames et Messieurs, et nous sommes prêts à le faire, mais nous ne pouvons malheureusement que constater qu'à chaque fois que nous levons le petit doigt vous faites opposition !
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, en 2003, nous subissons une crise majeure tant au niveau de la construction qu'au niveau du logement - l'une est la conséquence de l'autre. C'est tout de suite que nous devons trouver des solutions, et pas demain ! Je l'ai d'ailleurs déjà dit en commission. Nous pouvons certes palabrer des heures et des heures durant pour essayer de trouver des solutions ensemble, mais, avant de trouver un consensus, il y a de l'eau qui va couler sous les ponts... Car toutes les propositions concrètes que nous faisons en commission, pour faire avancer les choses en matière d'aménagement du territoire, donnent toujours lieu à des discussions infinies ! Le département, lui, fait son travail proprement et correctement. Mais c'est ensemble que nous devons trouver des solutions, solutions qui sont multiples.
Nous avons voulu, avec ce projet de loi, faire un petit pas en avant pour améliorer la situation. Il y a urgence et cette motion d'urgence s'applique dans la situation que nous connaissons actuellement ! Monsieur Pagani, vous êtes fils d'entrepreneur, et vous savez ce que c'est ! Moi, depuis le mois de janvier, je n'ai pas de travail à donner à mes hommes ! Il faut occuper trente hommes au jour le jour, alors que les demandes de logements sont immenses: c'est inadmissible !
Vous le savez, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face: il y a de nombreux terrains - je l'ai également dit en commission - sur lesquels il serait possible de construire des logements dans un délai extrêmement court - un, deux ou trois ans. Vous le savez aussi, nous avons déposé un pavé énorme, mais son examen demandera beaucoup de temps - trois, quatre ou cinq ans - alors, en attendant, nous essayons d'améliorer un peu les choses... Si la crise que nous subissons vous fait sourire, Monsieur Moutinot, cela me navre... (Exclamations.)...car c'est un sujet grave !
En résumé, Mesdames et Messieurs les députés, si vous avez des solutions - nous les avons demandées en commission... - meilleures à proposer pour qu'il soit possible de construire plus vite, nous les accueillerons à bras ouverts !
Enfin, Monsieur Pagani, vous vous faites le chantre de la théorie selon laquelle ce seraient les députés de nos rangs qui empêcheraient la réalisation de logements... C'est l'inverse ! (L'orateur est interpellé par M. Pagani.)Je vous en donne un tout de suite, Monsieur Pagani ! Il a fallu vingt ans pour trouver une solution pour le projet de loi de déclassement de la Roseraie, et ce, après moult oppositions de députés de vos rangs, et non des nôtres !
Je vous en donne un autre, que je ne vais pas citer aujourd'hui... Je sais que l'Asloca a fait un recours contre un projet de logements bon marché, car les appartements sont différents de ce qui existait, bien que le nombre de pièces soit exact. Alors, si chaque projet de logements sociaux fait l'objet d'oppositions de votre part, comment voulez-vous que les choses s'arrangent ! Moi j'ai travaillé aux fondations immobilières pendant quatorze ans, eh bien, ce sont les gens de vos rangs - et M. le président Moutinot pourra en attester - qui ont mis les pieds au mur et tortillé les poils des mouches en quatre - comme dirait mon collègue Koechlin - pour trouver des solutions, et ce, pour des projets très importants. Eh bien, dans le cas précis auquel je pense, nous avons perdu deux ans pour construire plus de cent cinquante logements sociaux !
Alors, Monsieur Pagani, je vous en prie, cessez de nous dire que les oppositions viennent de nos rangs, car elles viennent autant des vôtres que des nôtres ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Sont encore inscrits le rapporteur de majorité, le rapporteur de la seconde minorité, Monsieur le président du Conseil d'Etat ainsi que M. Carlo Sommaruga - je ne vous avais pas oublié, Monsieur le député... Je propose de donner d'abord la parole à M. Carlo Sommaruga; je la donnerai ensuite au rapporteur de majorité, puis au rapporteur de la seconde minorité qui l'a sollicitée, et nous terminerons par M. le président du Conseil d'Etat. La parole est donc à M. le député Carlo Sommaruga - qui est déjà debout...
M. Carlo Sommaruga (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir sur différents aspects du problème, qui ont été évoqués.
Nous sommes tous conscients qu'il y a actuellement une grave pénurie de logements. Et je regrette de le dire, mais ce n'est pas ce projet de loi qui va la résoudre... (L'orateur est interpellé.)Je prends acte de la position de M. Vaucher !
Cela dit, nous n'avons pas aujourd'hui les mêmes possibilités de construire que dans les années 70 et 80. En effet, il y a nettement moins de terrains disponibles - et vous le savez bien - et il est très difficile de valoriser ces terrains constructibles pour aboutir à un projet dans la concertation, ne serait-ce qu'avec les propriétaires... Je signale qu'un certain nombre de propriétaires de parcelles inscrivent des servitudes croisées au registre foncier pour se protéger contre les constructions et la densification... Et ce n'est pas la gauche qui a lancé un référendum contre le projet de loi qui a été voté ici pour pouvoir exproprier ces servitudes croisées, mais des associations des milieux immobiliers ! (L'orateur est interpellé.)Oui, c'est Pic-Vert: et, que je sache, Pic-Vert, ce n'est pas la gauche ! Il est bon de le préciser !
La densité du domaine bâti est telle qu'elle génère un certain nombre d'oppositions sur la construction. Le manque de terrains est réel et, comme l'a dit M. Vaucher et d'autres, les égoïsmes particuliers empêchent la densification dans les zones où elle est possible, c'est-à-dire là où des plans localisés de quartier sont déjà en force.
Et ce n'est pas ce projet de loi modifiant le processus de mise en place des plans localisés de quartier qui va changer quoi que ce soit dans les cas où il y a déjà un plan localisé de quartier ! En fait, pour arriver à changer les choses, il faut convaincre les propriétaires dans la concertation. Et la procédure actuelle est déjà basée sur ce processus, à savoir qu'on essaye d'intégrer les différents éléments contradictoires pour aboutir à un projet le plus consensuel possible afin d'éviter la multiplication des oppositions et des recours.
Aujourd'hui, des propriétaires peuvent solliciter une commune, qui souhaite un plan localisé de quartier, pour que celle-ci aborde le problème et fasse une proposition au département: c'est possible, et M. Koechlin le sait très bien. Dans la commune où je siégeais, il a d'ailleurs été le mandataire de propriétaires aux Verchères, et il est venu contacter la commune pour faire une proposition de plan localisé de quartier. Il y a eu une discussion pour une intégration d'un certain nombre d'intérêts municipaux, avec une réflexion sur les intérêts privés, et, finalement, tout le processus d'intégration des intérêts divergents a été fait au niveau municipal, c'est-à-dire à un échelon où il est possible d'évaluer quels sont les enjeux locaux.
Venir proposer aujourd'hui la possibilité de déposer une motion au niveau cantonal - qui passe par-dessus l'échelon municipal - c'est, en fait, la porte ouverte à ce que certains députés déposent des motions contradictoires sur les mêmes périmètres. Et c'est finalement le député le plus convainquant qui fera passer sa motion !
Je rappelle aussi que des plans localisés de quartier ont été adoptés par le passé sur une seule parcelle, et on ne voit pas aujourd'hui comment cette loi pourrait empêcher un député de demander un plan localisé de quartier uniquement sur une parcelle et obtenir, par le biais de ses contacts, son adoption, alors que, normalement, il faudrait avoir une vue d'ensemble.
C'est le risque majeur de ce projet de loi: il met de côté la concertation et la réflexion sur les intérêts divergents.
Autre risque de ce projet de loi, c'est que des motions contradictoires soient déposées, puisque le DAEL pourra en déposer, la commune aussi, ainsi que chaque député, qui pourrait se faire le relais d'un intérêt particulier. Ce risque me semble très important. Cet élément ne va pas faciliter les procédures, contrairement à ce qui est prétendu.
Je l'ai dit tout à l'heure également, la loi telle qu'elle existe permet d'intégrer les intérêts divergents et d'aboutir à un plan localisé de quartier qui est accepté. Le fait de limiter la prise en considération et la révision de certains éléments en cours de processus d'adoption définitive du plan localisé de quartier ne fera qu'aviver les tensions et les oppositions et, donc, multiplier les recours. Alors que le système actuel qui permet d'apporter certaines modifications aux plans localisés de quartier, les évitent, même si cela prend du temps.
Pour en revenir au plan localisé du quartier des Verchères, on sait bien que ce n'est pas la procédure administrative qui a pris le plus de temps, mais les tractations entre représentants d'intérêts divergents: la commune de Thônex et les propriétaires, pour aboutir à un projet acceptable pour tous. Le traitement de ce dossier n'a donc pas traîné lors de la mise à l'enquête ou après.
En ce qui concerne la responsabilité de cette crise du logement et l'inefficacité des plans localisés de quartier - cela a été dit, mais je le rappellerai - c'est le manque de volonté de l'Entente, notamment dans le cadre de la commission d'aménagement. Ainsi, par exemple, le forcing qu'elle exerce pour que ne soit pas densifié le périmètre de Frontenex - la Tulette qui est pourtant proche de la ville, bien desservi par les transports publics et bientôt près du CEVA. Il est inadmissible de favoriser un promoteur immobilier pour réaliser des logements de luxe, sans tenir compte des besoins globaux de ce canton ! Vous manquez singulièrement de sens des responsabilités, vous manquez de courage pour affronter les représentants des milieux immobiliers de vos propres bords et leur dire qu'il faut densifier là où c'est possible. Il y a mieux à faire que de favoriser certains promoteurs en fonction de leurs intérêts personnels. Cette attitude est aussi une des causes de la crise !
Vous évoquez la responsabilité de l'Asloca, Monsieur Vaucher - je ne peux pas vous laisser dire n'importe quoi ! (L'orateur est interpellé.)Dans un dossier, pour lequel nous avons accepté de travailler en concertation, avant même que l'autorisation ne soit délivrée, nous avons accepté de donner notre avis. Que le propriétaire soit un privé ou une fondation immobilière, avant que l'autorisation...
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député !
M. Carlo Sommaruga. L'Asloca participe à trouver des solutions qui permettent d'accélérer les procédures.
Je rappelle à ce propos que ce sont les communes ou des propriétaires de parcelles privées qui reçoivent les cactus des oppositions, décernés par les journaux qui vous sont proches, et non l'Asloca ! Alors, lisez un peu votre propre littérature !
Nous ne pouvons que constater que ce projet de loi n'apporte pas la solution que vous recherchez ! Les mesures que vous préconisez ne feront qu'augmenter les contradictions entre les procédures municipales, cantonales, et - avec ce projet - du Grand Conseil, et créer des difficultés supplémentaires...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député ! (L'orateur est interpellé.)
M. Carlo Sommaruga. Je n'ai pas entendu ! (Un silence: le micro de l'orateur est coupé.)Ces mesures cristalliseront encore un peu plus les choses.
Pour ces motifs et comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous nous opposerons à cette loi.
Le président. Je vous prie de m'excuser, Monsieur le député, mais mon doigt a glissé, ce qui a coupé votre micro !
La parole est au rapporteur de majorité, M. le député Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur de majorité. N'ayez crainte, je ne vais pas répondre par un discours fleuve à cette avalanche de passions qui se déchaînent dans cet hémicycle... Je l'avais relevé dans mon rapport: toute proposition en matière d'aménagement du territoire déclenche des passions qu'il est difficile de contrôler...
Quelques remarques de ma part, moi qui suis nouveau député et qui participe aux travaux de la commission de l'aménagement et du logement depuis deux ans.
Je suis surpris, car on reproche très souvent aux députés de l'Entente de déposer des projets de lois qui ne cadrent pas forcément avec le droit fédéral et de les modifier et de faire des propositions beaucoup plus modestes, au lieu de les retirer et de faire marche arrière... Je pense notamment à une proposition sur le logement des étudiants que nous avions examinée en commission... Nous avons eu des discussions, nous avons fait des auditions, en collaboration avec le département, et nous sommes arrivés à la conclusion que certaines des mesures préconisées ne sont pas praticables et que d'autres le sont. Tout cela pour vous dire - vous m'excuserez de rehausser et de dépassionner le débat - que le travail législatif devrait être appréhendé comme un cheminement difficile, long, qui peut être tortueux, qui implique parfois de traverser une forêt, avec de temps en temps des clairières pour nous permettre d'y voir plus clair.
Je pense en l'occurrence que le projet de loi adopté par la majorité n'est pas dénaturé par rapport au projet de loi initial, puisque les deux objectifs principaux, c'est-à-dire donner une compétence au Grand Conseil d'initier un plan localisé de quartier par voie de motion et la réduction des délais - douze mois - sont contenus dans le projet. Alors, j'aimerais bien que l'on arrête de s'envoyer des «moulures» - comme on le dit prosaïquement - et qu'on accepte de faire ce débat, sinon, nous n'arriverons à rien !
Car - et c'est ma deuxième remarque - je n'ai pas eu l'impression depuis deux ans que vous ayez fait des propositions constructives de votre côté pour simplifier et, ainsi, accélérer les procédures. C'est pour cela que je disais au départ, Monsieur Pagani, que je ne voulais pas intervenir à propos de la pénurie de logements en général. La crise est là, c'est clair. Pour ma part, je souhaite que, durant nos travaux en commission d'aménagement ou en commission du logement, nous puissions - cela nous arrive parfois - nous mettre d'accord sur des mesures qui ne sont peut-être pas spectaculaires, mais qui sont positives. Et j'attends de vous, Messieurs les représentants de la minorité, que vous nous fassiez des propositions au lieu de crier au scandale à chaque fois que nous en faisons.
Plus concrètement, cette mesure n'est en effet pas la panacée: elle est une pierre à l'édifice pour essayer de trouver des solutions techniques pour accélérer les procédures afin de faire face à la pénurie de logements. Si vous regardez le schéma de procédure d'adoption des plans localisés de quartier, vous verrez que c'est une fusée à cinq étages précédés par une étape: la demande de renseignements. Nous en avons longuement parlé, et on peut tout mettre dans cette rubrique... C'est ce qui est en amont ! Chacun se renvoie la balle entre les professionnels, les mandataires et le département. Et c'est vrai qu'il est parfois difficile de savoir où est la vérité: je le dis très honnêtement, moi qui défends les entrepreneurs, qui voient passer les missiles mais qui ne savent finalement pas très bien ce qui se passe en amont. C'est un grand point d'interrogation.
Ces cinq étages sont les suivants: préparation, préconsultation, préavis communal, procédure d'opposition, adoption. Le projet de loi qui vous est soumis prévoit que l'enquête publique est facultative si les propriétaires sont d'accord - c'est donc bien un élément consultatif ! La phase de préconsultation étant supprimée, on gagnerait trente jours. Alors, ne venez pas nous dire que nous avons supprimé les droits de recours et que nous rendons l'adoption des plans localisés de quartier plus difficile.
J'estime pour ma part que c'est un projet correct, honnête, et qu'il faut l'accepter.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de deuxième minorité. J'aimerais dire en préambule à M. Vaucher que nos origines familiales respectives n'intéressent pas grand monde, et je le prie de laisser ma famille en dehors de nos débats ! Si c'est possible, bien sûr... Si nous commençons à parler de nos origines dans les débats politiques, je ne sais pas comment cela va finir !
Cela étant dit, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons rester sérieux dans ce débat ! Monsieur Barrillier, vous nous reprochez de ne pas faire de propositions... Je vous rappelle que le bonus à la rénovation a été proposé par l'Alliance de gauche, et c'est une mesure qui a été adoptée il y a six mois...
M. René Koechlin. C'est un projet Gardiol !
M. Rémy Pagani. Ce n'est pas vous qui l'avez remis en route, Monsieur Koechlin, c'est nous ! Alors, ne venez pas dire que nous ne faisons pas de propositions, et je pourrais vous donner d'autres exemples !
Vous dites, Monsieur Vaucher que nous bloquons tous les projets... Soyez sérieux, Monsieur Vaucher ! Rappelez-vous du terrain Lancun à Pinchat ! Rappelez-vous la Pommière ! Ces projets ont passé la rampe parce qu'un consensus avait été trouvé et que le projet - qui était bon - avait été examiné comme il faut. Le véritable problème réside dans le fait qu'un certain nombre de plans localisés de quartier n'entrent pas en force, si j'ose dire, parce que les projets sont mauvais. On a d'ailleurs pu voir divers projets, sortis des tiroirs, tout à fait scandaleux et qui n'auraient jamais dû voir le jour, comme la Pelotière, par exemple. Alors, ne venez pas, Monsieur Vaucher, nous faire un mauvais procès, parce que si nous sommes à la fois une force d'opposition, nous sommes aussi une force de propositions: nous en faisons et nous sommes capables de trouver des consensus pour faire avancer les projets !
Monsieur Koechlin, moi je vous propose maintenant - immédiatement - des solutions pour faire avancer les procédures, en amont et en aval... Les statistiques nous ont montré - il faut remercier le département de nous les avoir fournies - que la majorité des projets avaient avancé à un rythme normal et que le problème se posait, la plupart du temps, en amont...
Nous pourrions donc très bien inscrire dans la loi que les personnes ont six mois, voire une année, à partir du moment où elles déposent une demande de renseignements pour déposer une demande de plan localisé de quartier, et que, sinon, le projet tombe. Nous pourrions aussi décider que, dès que les plans localisés de quartier sont adoptés, un délai de deux ans soit imparti pour leur mise en oeuvre, sous peine que le projet tombe. Cela obligerait les promoteurs - que vous représentez, Monsieur Koechlin - à mettre en oeuvre ces plans localisés de quartier au lieu d'attendre, de revendre des terrains, de faire des oppositions croisées pour obtenir certains droits. Je n'ose pas imaginer ! Par exemple, l'aménagement du terrain de la SIP - un terrain que je connais bien - a été reporté de trois ans, parce qu'un promoteur, notamment Mercure, voulait obtenir le droit de construire sur ce terrain. Et il a fait lui-même opposition pendant trois ans pour obtenir des droits de construire, parce qu'il possédait une parcelle de ce terrain... Et ce sont des procédés utilisés par vos milieux ! Nous devrions prendre des mesures pour imposer aux milieux que vous représentez un certain nombre de règles. Cela accélérerait les procédures, et la construction de logements s'en trouverait stimulée. Alors, Monsieur Koechlin, ne venez pas nous faire des procès d'intention !
J'interviendrai en deuxième débat, si vous acceptez l'entrée en matière de ce projet de loi, car il pose des problèmes juridiques importants. Comme je l'ai dit dans ma première intervention, il risque d'agir à fins contraires de ses objectifs et de générer une régression. Par exemple, des opposants devront déposer un recours au Tribunal fédéral pour un simple changement d'emplacement de l'entrée d'un parking. Ce qui est complètement ridicule et qui ne se voit plus depuis dix ans, Monsieur Koechlin, mais c'est pourtant ce qui va arriver ! Et puis, tous les opposants et les avocats de vos milieux se lanceront dans les voies de recours - c'est le problème juridique qui est soulevé ! Je vous mets en garde à ce sujet, même si je devrais m'en réjouir par un certain côté. Je vous suggère donc de renvoyer ce projet de loi en commission pour que nous puissions l'examiner attentivement et élaborer une loi qui tienne la route et qui garantisse un délai maximum, s'agissant du traitement des oppositions.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Comme vous le savez, le plan localisé de quartier est l'instrument nécessaire en zone de développement, facultatif en zone ordinaire, pour urbaniser un périmètre.
A l'heure actuelle, que se passe-t-il dans la pratique ? Une demande d'élaborer un plan localisé de quartier est le fait soit des promoteurs propriétaires des parcelles, soit, cas échéant, de la commune, soit, encore, du département lui-même, notamment lorsqu'il est propriétaire. Vous voulez ajouter une quatrième possibilité: que le Grand Conseil puisse demander l'élaboration d'un plan localisé de quartier...
Je ne veux pas vous priver de cette compétence, mais il est assez peu vraisemblable, compte tenu de la vigilance respective des promoteurs, des communes et du département, que vous trouviez beaucoup de périmètres sur lesquels il serait possible de développer un plan localisé de quartier. Ou, si vous en trouvez, il y a fort à parier que ce seront précisément des périmètres extraordinairement complexes qui n'ont pas été retenus, en raison du peu de chances qu'ils ont d'être développés assez rapidement.
Vous nous demandez en somme de présenter un projet susceptible d'être mis à l'enquête publique, dans un délai de douze mois, précisément avant l'enquête publique. Un certain nombre de remarques s'imposent sur ce délai.
Première remarque, le contenu d'un plan localisé de quartier est extrêmement riche à l'heure actuelle. Cela a été voulu ainsi par votre Grand Conseil. Mais cette richesse même implique un travail considérable, non seulement administratif mais aussi pour le promoteur. Il n'est pas certain qu'il soit possible de le respecter tout le temps. Il n'est pas certain - mais j'anticipe peut-être sur le budget 2004 - que les forces du département en personnel et en moyens soient suffisantes pour tenir ce délai. En toute hypothèse, il faut être juridiquement clair: ce délai de douze mois est évidemment un délai d'ordre que nous nous efforcerons de tenir, mais il ne peut être qu'un délai d'ordre parce que nous ne pourrons pas mettre à l'enquête un projet qui ne remplirait pas, après douze mois de travail acharné, les conditions légales minimum. Vous en conviendrez ! Ceci est le premier volet: c'est le volet «plan localisé de quartier», à la demande de votre Grand Conseil. Je pense - et M. Koechlin l'a reconnu - que ce n'est pas un instrument majeur dans la lutte contre la pénurie de logements. Mais s'il se trouve que vous puissiez donner une impulsion à tel ou tel projet, il est tout à fait vraisemblable que cela puisse être utile.
Maintenant, un certain nombre de choses ont été dites que je suis obligé de reprendre... Vous dites, Monsieur Koechlin, que ce n'est pas en déclassant que l'on construit... C'est vrai ! Mais, en ne déclassant pas, on est sûr aussi de ne pas construire, parce qu'on ne dispose pas des terrains à bâtir... Fondamentalement, il faut malgré tout déclasser pour disposer des terrains à bâtir en suffisance.
Deuxième remarque sur tous ces débats de procédure que vous faites en matière d'aménagement. Si le fait de modifier les règles de procédure d'aménagement permettait de résoudre la pénurie de logements, ça se saurait ! (Exclamation.)Mais non ! Le véritable frein à la construction de logements, c'est - et vous le savez tous - que l'écrasante majorité des habitants de ce canton ne souhaite pas que son environnement immédiat soit perturbé, modifié par des constructions là où se trouve aujourd'hui de l'herbe ou, le cas échéant, que de petites constructions soient remplacées par des plus grandes. C'est cela le frein majeur.
Et il n'est l'apanage ni de la droite, ni de la gauche, ni de quelque milieu que ce soit: c'est une réalité humaine, fondamentale et naturelle. Personne n'a envie de voir son environnement immédiat modifié d'une manière qui est ressentie, à tort ou à raison, comme négative. Et la seule manière de parvenir à débloquer la situation, c'est de faire un immense effort de pédagogie politique auquel nous devons tous nous atteler pour expliquer que les nouvelles générations doivent être logées, que le développement a un certain nombre de conséquences, et nous appliquer à présenter des projets de qualité.
Parce que, soit dit en passant, en simplifiant les procédures, on va quelquefois obtenir un gain immédiat - en l'occurrence, trente jours dit M. Barrillier - mais, en fin de compte, si l'opposition est viscérale et suffisamment forte, quelle que soit la procédure, il est toujours possible, à un moment ou à un autre, de bloquer considérablement les choses.
Maintenant, s'agissant d'un des problèmes techniques relevés par M. Pagani, je pense que l'amendement qu'il présente en deuxième débat à l'article 6, alinéa 9, est pertinent, car il évitera justement qu'une imprécision ne favorise toutes sortes de tentatives de recours divers et variés. Il me semble sage de réintroduire à cet article la procédure exacte que doit suivre le Conseil d'Etat s'il doit rouvrir la procédure, et ce, dans l'intérêt de tout le monde, car si les règles du jeu sont connues, elles ne provoqueront pas, avant même qu'on aborde le fond, des débats inutiles. Je soutiens donc l'amendement du rapport de M. Pagani.
Pour le surplus, vous aurez compris que la construction de logements ne passe malheureusement pas par ce projet de loi, dont il faut minimiser aussi bien les avantages que les inconvénients.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. M. Pagani ayant demandé le renvoi en commission de ce projet, nous allons procéder d'abord au vote sur cette demande. Ensuite, si ce renvoi est refusé, nous procèderons au vote sur la prise en considération du projet.
Monsieur Pagani, vous avez la parole sur la procédure de vote.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Dans la mesure où le Conseil d'Etat reprend un de mes amendements, je retire ma demande de renvoi en commission, puisqu'elle était principalement justifiée par cette modification.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons donc voter directement sur la prise en considération du projet, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 40 oui contre 32 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Mis aux voix, l'article 5A, al. 3 (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'alinéa 4 de l'article 6 est adopté, de même que les alinéas 5 à 8.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement de M. Pagani à l'article 6, alinéa 9. Je vous cède la parole, Monsieur Pagani pour que vous puissiez brièvement nous présenter votre amendement.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de deuxième minorité. M. Moutinot a dit en une phrase ce que j'aurais dit en dix phrases... (Rires et exclamations.)Mais, oui ! Je reconnais les compétences des autres: cela ne me pose pas de problème ! D'autant plus que je ne suis pas juriste...
Une voix. Heureusement !
M. Rémy Pagani. Heureusement, oui: certains le disent ! Il me semble aller de soi qu'il faut accepter cet amendement pour rétablir la procédure... J'espère que vous ne ferez pas l'erreur de le refuser, car cela irait contre vos intérêts.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député: c'était effectivement très rapide. Monsieur Grobet, je vous donne la parole.
M. Christian Grobet (AdG). Vous allez tellement vite, Monsieur le président, que vous ne regardez pas ce qui ce passe... J'espère que vous n'essayez pas d'imiter M. Lescaze et d'aller encore plus vite que lui... (Exclamations.)J'avais appuyé sur le bouton pour m'inscrire, mais vous ne regardez pas... Je voulais intervenir à l'alinéa 4 de l'article 6... Cela ne fait rien, je le ferai sur la prochaine loi modifiée... Je vous prie donc de prendre note que je dois intervenir à l'alinéa 4 de l'article 5 de la prochaine loi.
Le président. Monsieur le député, j'avais bien consulté mon écran... Mais nous n'allons pas polémiquer.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle l'amendement de M. Pagani sur lequel nous allons voter à l'article 6, alinéa 9. Il s'agit de supprimer le mot «essentielles» et revenir ainsi à la version initiale proposée par le département. (Le président est interpellé.)A la page 23 du rapport, Monsieur Pagani, vous nous indiquez que votre amendement consiste à supprimer le mot «essentielles» à l'article 6, alinéa 9, et que si celui-ci n'est pas accepté vous présenterez un autre amendement au même article, même alinéa, introduisant la phrase suivante, je cite: «L'alinéa 6 est applicable en cas de modifications essentielles.»
Monsieur Muller, vous voulez la parole ? Bien, je vous la donne.
M. Mark Muller (L). Si nous pouvons soutenir le deuxième amendement de M. Pagani complétant l'alinéa 9 de l'article 6, visant - si j'ai bien compris - à ce que l'ensemble de la procédure prévue à l'article 6 s'applique en cas de modifications essentielles, nous ne pouvons pas accepter la suppression du mot «essentielles».
Nous ne soutiendrons donc pas le premier amendement de M. Pagani, mais nous pourrons entrer en matière sur le second.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. L'amendement que je soutiens figure en page 23 du rapport et consiste à introduire la phrase suivante: «L'alinéa 6 est applicable en cas de modifications essentielles».
Le président. Les choses sont claires. Nous devons voter sur deux amendements de M. Pagani. Nous votons donc d'abord sur le premier amendement de M. Pagani consistant à supprimer le mot «essentielles» à l'alinéa 9 de l'article 6, au moyen du vote électronique pour que les choses soient claires, ce qui donne: «...S'il a apporté des modifications à celui-ci, le Conseil d'Etat examine préalablement s'il y a lieu de rouvrir tout ou partie de la procédure prévue au présent article...» Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 41 non contre 29 oui.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons maintenant au vote du second amendement proposé par M. Pagani, toujours à l'alinéa 9 de l'article 6, qui consiste à introduire une nouvelle phrase, ce qui donne: «...de la procédure prévue au présent article. L'alinéa 6 est applicable en cas de modifications essentielles.Le délai prévu par la présente disposition...». Nous votons toujours au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 63 oui contre 4 non et 1 abstention.
Mis aux voix, l'alinéa 9 de l'article 6 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.
Mis aux voix, l'article 1, alinéa 4 (nouveau) est adopté.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous informe que contrairement à ce qui est écrit dans le rapport à la page 11, il s'agit de l'article 5, alinéas 4 à 9 et non alinéas 4 à 6 comme indiqué dans le rapport. L'alinéa 4 de l'article 5 est adopté... (Exclamations.)Je suis navré, Monsieur Grobet ! Je vous passe la parole immédiatement.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je vous avais pourtant indiqué que je désirais prendre la parole sur cet alinéa ! Comme je pressentais que vous alliez continuer sur le même rythme, je me suis même donné la peine d'appuyer à nouveau sur le bouton d'inscription il y a au moins deux minutes, n'en déplaise à M. Annen... (Exclamations.)En tant que futur président, je ne doute pas que vous fassiez vos armes très rapidement ! Vous l'avez déjà démontré !
Je reviens sur cet alinéa parce que je considère - bien sûr, la majorité de droite fera ce qu'elle voudra... - qu'il s'agit d'un autogoal parfait pour la raison suivante: actuellement, en vertu de l'alinéa 3 de l'article 5, il est prévu que le Conseil municipal est saisi du projet simultanément à l'ouverture de l'enquête publique, qui n'est que de trente jours. Par voie de conséquence, l'expérience a démontré - je l'ai vécu moi-même - que l'enquête publique ne retarde en rien la procédure d'adoption d'un plan localisé de quartier. C'est du reste à ma suggestion que la loi avait été modifiée, il y a quinze ou dix-huit ans, pour prévoir que le projet était envoyé simultanément au Conseil municipal à l'ouverture de l'enquête publique pour que le Conseil municipal puisse se mette immédiatement au travail. Le délai pour le préavis étant de quarante-cinq jours, cela ne retarde donc rien. Par contre, vous croyez gagner du temps en supprimant l'enquête publique... Cela montre tout de même que vous avez des oeillères - je me permets de vous le dire ! Car, que va-t-il se passer si vous supprimez l'enquête publique ? Vous faites une énorme erreur, parce que les éventuels opposants à un projet risquent de ne pas se manifester au stade de l'enquête publique mais seulement au stade de l'opposition, c'est-à-dire au moment de faire un recours. La procédure de l'enquête publique est fondamentale et elle est dans l'intérêt de tout le monde et même des constructeurs, car elle fait sortir du bois les opposants éventuels. Ce n'est pas toujours le cas, mais il est évident que si une personne fait des observations pertinentes, lors de l'enquête publique, ou met en évidence un point qui ne joue pas au niveau du plan localisé de quartier, cela constitue un avantage énorme pour l'administration. En effet, cela permet d'apporter des modifications en temps voulu, au lieu de maintenir un plan localisé de quartier qui risque de faire l'objet d'une procédure de recours parce qu'il comporte des erreurs, ce qui fait perdre beaucoup plus de temps. Cette nouvelle procédure ne vous fera donc pas gagner un seul jour, bien au contraire ! En procédant de cette manière, vous risquez de les prolonger... Comme personnellement et contrairement à ce que croit M. Vaucher, je suis favorable aux procédures les plus courtes - et elles ont été justement accélérées de manière très notable au moment où j'étais chef du département en prenant des dispositions comme celles que je viens de rappeler - je vous recommande vivement de supprimer l'alinéa 4 de cet article 5. Et si vous le supprimez ici, il faudra le supprimer à l'article 6 de l'autre loi.
Le président. Tout à fait, Monsieur le député... Je dois vous rendre justice, je n'avais effectivement pas vu cette fois-ci que vous aviez demandé la parole. Peut-être faudrait-il prévoir de mettre une petite alarme qui sonnerait doucement à l'oreille du président pour le prévenir et qu'il puisse donner la parole en temps opportun aux députés qui la demandent...
Nous allons mettre aux voix l'article 5, alinéa 4, au moyen du vote électronique. Celles et ceux qui acceptent l'article 5, alinéa 4, dans sa nouvelle teneur, tel qu'il figure en page 11 du rapport, voteront oui, ceux qui acceptent l'amendement de M. Grobet, soit sa suppression, voteront non. Le vote est lancé.
Mis aux voix, l'alinéa 4 de l'article 5 (nouvelle teneur) est adopté par 30 oui contre 29 non et 3 abstentions.
Mis aux voix, l'alinéa 5 de l'article 5 est adopté, de même que les alinéas 6 à 8.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour l'alinéa 9 de l'article 5, il faut savoir s'il faut reprendre l'amendement qui a été voté à l'article 6, alinéa 9, de la loi générale sur les zones de développement.
Monsieur Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, vous avez la parole.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Bien entendu, Mesdames et Messieurs les députés, ces deux lois distinctes ont deux procédures identiques. Il faut donc reprendre cet amendement à cet endroit.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous allons voter cet amendement à l'article 5, alinéa 9, qui se lit donc ainsi: «...S'il a apporté des modifications essentiellesà celui-ci, le Conseil d'Etat rouvre tout ou partie de la procédure prévue au présent article. L'alinéa 6 est applicable en cas de modifications essentielles.Le délai prévu par la présente...».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'alinéa 9 de l'article 5 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté.
Troisième débat
Le président. Monsieur Grobet, vous avez la parole.
M. Christian Grobet (AdG). En général le président du Conseil d'Etat considère qu'il est toujours judicieux de se donner un temps de réflexion pour être sûr que la loi... (Rires et exclamations.)Ricanez, ricanez ! Puisque c'est ainsi, je ne dis rien... Votez la loi ! Je ne dis rien maintenant, et je m'expliquerai après le vote ! C'est ce que vous voulez, Monsieur Blanc ? (M. Blanc répond.)Alors je ne dis rien ! Votez le troisième débat, et je m'exprimerai après ! (L'orateur est interpellé par M. Blanc.)Non, non ! Non, non ! (Rires et exclamations.)
Le président. Monsieur le député, je pars donc du principe que vous avez fini de vous exprimer... La parole est à M. le député Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de deuxième minorité. On peut proposer à nouveau un amendement en troisième débat ! Je propose donc un amendement consistant à supprimer l'alinéa 4 de l'article 5 comme M. Grobet l'avait proposé en deuxième débat... Le résultat du vote sur cet alinéa était moitié moitié, et c'est vous qui avez fait la différence, Monsieur le président... Je propose de remettre au vote, en troisième débat, la suppression de l'alinéa 4 de l'article 5. (L'orateur est interpellé.)On vote à nouveau: j'ai tout à fait le droit de présenter un amendement à ce stade !
Le président. Monsieur le député, il faut que nous soyons au clair... M. Grobet a proposé tout à l'heure que ne soit pas adoptée la modification de l'article 5, alinéa 4 de la lex... C'est bien cela, n'est-ce pas ? Très bien: nous sommes en troisième débat, et il est possible de voter un amendement. Mais tout d'abord, je passe la parole à M. Mark Muller qui a demandé la parole et, ensuite, à M. le président du Conseil d'Etat.
M. Mark Muller (L). Vu le score extrêmement serré du vote précédent sur cette proposition d'amendement de M. Grobet, je voudrais dire deux mots avant que nous ne votions à nouveau.
Il serait effectivement extrêmement malheureux que cet alinéa soit rejeté, car cela aurait des conséquences d'ordre pratique et systématique qui nous contraindraient, en quelque sorte, à renvoyer ce projet de loi in extenso en commission, dans la mesure où il manquerait un alinéa en plein milieu de cette loi, alinéa qui prévoit du reste l'enquête publique... Et je ne pense pas que vous souhaitiez la supprimer purement et simplement, Monsieur Grobet ! Et puis il y aurait un trou dans l'article de loi puisque nous avons intercalé un alinéa avant celui-ci.
Maintenant, pourquoi devons-nous voter l'alinéa 4 dans sa nouvelle teneur ? Pour la raison suivante. Tout d'abord, il est dit que l'enquête publique est facultative, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en aura pas ! Dans les cas visés par cet alinéa, le Conseil d'Etat conserve la possibilité de soumettre le projet à l'enquête publique - comme aujourd'hui - et j'imagine que, dans sa grande sagesse, le département demandera l'enquête publique s'il a le moindre doute sur d'éventuelles oppositions.
Par ailleurs, deux conditions doivent être remplies pour que l'enquête publique ne soit pas ordonnée par le département. Premièrement, il faut que tous les propriétaires concernés dans le périmètre soient d'accord avec le projet, et, deuxièmement, il faut que le projet soit conforme à un plan directeur communal en force. Cela donne un certain nombre de garanties sur la qualité du projet de plan localisé de quartier.
Vu les garanties qui vous sont offertes par cet alinéa, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à le voter.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, pendant que M. Muller nous parlait de sa préoccupation par rapport à l'ordre des alinéas qui se trouverait ainsi modifié et par le fait qu'en en supprimant un cela constituerait un trou, je pensais qu'entre-temps le président du Conseil d'Etat et les députés de la droite auraient constaté que deux alinéas de la loi allaient passer à la trappe... Vous avez effectivement omis de modifier la numérotation des alinéas à partir de l'alinéa 7... Je m'étais dit que je pouvais déposer un amendement pour corriger ces erreurs, mais ce n'est pas si simple, parce que l'alinéa 10, notamment, renvoie à d'autres alinéas... Ce n'est donc pas par mauvaise volonté que je ne l'ai pas déposé - en effet, d'habitude, je contribue volontiers au travail législatif - mais, en l'occurrence, c'est plus compliqué. En fait, vous supprimez l'alinéa 8 actuel... L'alinéa 9 actuel... Non, les alinéas 7 et 9 actuels de la loi... (Exclamation de M. Blanc.)Je vous suggère donc d'interrompre le troisième débat et de le reprendre à une prochaine séance. Il faut laisser la commission corriger les erreurs qui figurent dans le projet de loi, parce que je ne pense pas qu'il soit possible de passer ces alinéas à la trappe ni d'apporter ces corrections en séance plénière.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Je n'ai pas encore vérifié s'il manque deux alinéas ou non... Dans le cas où ces alinéas manqueraient, il faudrait évidemment les ajouter de la manière adéquate.
Je reviens sur la proposition de M. Grobet de supprimer l'alinéa 4 de l'article 5... Cet alinéa donne au département une faculté. A certains moments extrêmes du débat, il avait été envisagé qu'il n'y ait pas d'enquête publique, mais cela n'aurait pas été acceptable. Vous pouvez imaginer, en tout cas en ce qui me concerne, que j'userai de cette faculté avec la plus extrême prudence, notamment pour les raisons rappelées par M. Grobet. Et c'est la raison pour laquelle ces deux articles ainsi formulés me paraissent acceptables.
Pour ce qui est de la numérotation, le fait que les alinéas 7 à 15 soient les anciens alinéas 5 à 13, vous me permettrez de vérifier, car je veux être certains de savoir quels sont les alinéas qui manquent... Lesquels manquent, Monsieur Grobet ?
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat...
M. Laurent Moutinot. On ne sait pas lesquels manquent !
Le président. Dans l'intervalle, se sont inscrits M. Muller et M. Pagani. Vous avez la parole, Monsieur Muller.
M. Mark Muller (L). Sur cette question de procédure, il convient effectivement de vérifier le problème soulevé par M. Grobet. Il n'est pas exclu que l'un ou l'autre alinéa ait passé à l'as... Il faut seulement quelques minutes pour le vérifier... Je vous suggère que nous votions sur l'alinéa 4, dont nous parlons actuellement. Ensuite, nous pourrons suspendre le débat sur ce projet de loi avant de passer au vote final, pour prendre la peine de vérifier cette question de systématique. Et nous pourrons reprendre le débat après le prochain point de l'ordre du jour ou après les deux prochains points de l'ordre du jour...
Je ne pense pas que ce problème mérite que le débat sur ce projet de loi soit reporté à la prochaine séance.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Je donne juste une explication sur ce qui s'est passé en commission...
Nous avons fait un bon travail en commission, mais, lors de la dernière séance, nous avons travaillé au pas de charge, et ce problème a en effet pu nous échapper... En travaillant à mon bureau à la rédaction de mon rapport de minorité, je me suis rendu compte qu'il y avait toute une série de problèmes, dont un que vous avez su apprécier à sa juste valeur, puisque vous avez accepté mon amendement, ce dont je vous remercie.
Je propose de nous donner les moyens d'apporter ces corrections en commission. Le troisième débat est là pour cela et nous n'en sommes pas à une semaine près, ni à un mois près. Il suffit aux commissaires de consacrer une heure à ce projet et de représenter ce projet de loi dans une séance proche pour faire le troisième débat. Cela ne devrait pas prendre plus de quelques minutes. Nous pourrions même le traiter dans les extraits.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous propose donc la chose suivante. Nous allons voter sur votre proposition d'amendement, Monsieur le député Pagani, soit la suppression de l'article 5, alinéa 4. Ensuite, vu qu'il est déjà presque 16h, nous suspendrons nos travaux un quart d'heure. Nous ferons le point après cette pause. Nous allons voter au moyen du vote électronique. Ceux qui acceptent l'alinéa 4 de l'article 5, tel qu'il figure à la page 11 du rapport voteront oui, ceux qui acceptent l'amendement de M. Pagani, soit sa suppression, voteront non. Le vote est lancé.
Mis aux voix, l'alinéa 4 de l'article 5 (nouvelle teneur) est adopté par 41 oui contre 33 non.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous suspendons nos travaux un quart d'heure. Nous les reprendrons donc à 16h10.
La séance est suspendue à 15h55.
La séance est reprise à 16h10.
Présidence de M. Bernard Lescaze, président
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux. La parole est à M. le président du Conseil d'Etat.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Il s'avère en réalité qu'il ne manque pas d'alinéas à ce fameux article 5... En fait, ce sont la numérotation et les renvois qui deviennent incohérents. Pour éviter une correction fâcheuse qui pourrait entraîner une erreur supplémentaire, je demande l'ajournement des débats à la prochaine session.
Le président. Il en sera donc fait ainsi. Ce projet de loi, renvoyé pour vérification, est donc ajourné à la prochaine séance. Je vous remercie.
Premier débat
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. C'est un projet de loi sensible, puisqu'il veut modifier la LDTR, ce qui donne presque toujours lieu à de grandes discussions...
Le projet présenté initialement était une vraie passoire, car le plafond des loyers pouvait être dépassé pour n'importe quel motif. Mais le travail en commission a permis de mieux cerner la problématique, et nous avons pu vraiment cibler le but indiqué dans l'exposé des motifs, à savoir inciter à rénover, à économiser l'énergie et à produire de l'énergie renouvelable. Ce qui n'était pas prioritaire pour la plupart des investisseurs, puisque l'investissement ne leur profitait pas et ne pouvait pas non plus être reporté sur les locataires, alors que ces derniers voyaient leurs charges baisser.
Il a donc été décidé que les loyers pourront être très légèrement augmentés pour autant qu'une baisse conséquente des charges soit mise en oeuvre en parallèle. Il a été difficile de concrétiser ce projet, mais celui-ci reprend tout de même une grande partie de ce qui existait déjà pour les transformations d'immeubles.
En fait, tout le monde se prévalant d'être proche du développement durable, il a fallu, pour une fois, le montrer, et c'est pourquoi nous avons tout fait pour trouver une majorité. Ces mesures profitent aux locataires, qui verront leurs charges baisser ou leur loyer rester stable, et aux propriétaires qui peuvent dépasser légèrement le plafond de la LDTR. Mais c'est surtout une économie pour l'environnement, une diminution importante des charges de pollution et une diminution des charges pour la collectivité.
Pour les Verts, ce projet respecte une vision globale à long terme, parce que les prix de l'énergie allant certainement augmenter, il vaut mieux que nous prenions des mesures maintenant pour que les charges des locataires n'augmentent pas de manière démesurée plutôt que défendre les prix des loyers au sens strict.
C'est pour ces raisons que je vous invite à voter ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission.
M. Alberto Velasco (S). Ce projet, bien que représentant un intérêt réel, puisqu'il s'agit de favoriser les économies d'énergie, présente aussi des risques, certes atténués par le travail de la commission. Ces risques sont que les charges financières, qui permettent le dépassement de la fourchette admissible pour financer le prix à la pièce après rénovation, ne se matérialisent par des augmentations du prix des loyers. Nous veillerons - et nous espérons que cela sera le cas, comme indiqué dans le rapport - que le déplafonnement conséquent sera proportionnel à la diminution des charges, bien que cette remarque n'ait pas fait l'objet d'un amendement à la loi, comme nous espérons que cette diminution des charges pourra compenser une hausse éventuelle des loyers. Je dis «éventuelle», car selon M. Stefani de la société d'ingénieurs SIA, qui a été auditionné par notre commission, les limitations financières de la fourchette LDTR n'ont jamais été un frein à la mise en oeuvre des travaux d'amélioration des bilans énergétiques, et, pour tenter de conserver des loyers bas, les architectes SIA ont souvent eu recours à la rénovation qui fut bien des fois appréciée.
Le groupe socialiste s'abstiendra lors du vote de ce projet, comme il l'a fait en commission, pour les raisons que je viens d'exposer.
M. Gabriel Barrillier (R). Le potentiel d'économies d'énergie dans le domaine bâti est énorme. Des progrès substantiels - cela a été constaté en commission - ont été faits à tous les niveaux: l'acte de construire, les techniques de construction, le choix des matériaux, les méthodes d'exploitation des immeubles. Mais l'effort - cela a été dit par Mme la rapportrice, rapporteuse, pardon ! - doit être encore amplifié.
Tout cela a un coût, et c'est un problème qu'il faut résoudre. Les subventions publiques - et il en existe, notamment dans le canton - ne suffiront pas à inciter les propriétaires à faire davantage. Les utilisateurs, c'est-à-dire les locataires - vous et moi - doivent aussi supporter une partie du coût du développement durable.
Et c'est à ce résultat relativement équilibré qu'est parvenue la commission, dont l'excellent et courageux rapport - je le souligne - de Mme Künzler se fait l'écho.
C'est la raison pour laquelle le parti radical votera ce projet.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Mis aux voix, l'article 9, alinéas 3 à 5 (nouveaux), est adopté.
M. Mark Muller (L). Lors d'un précédent débat cet après-midi, les socialistes et les Verts ont émis des critiques à notre endroit, parce que nous n'avions modifié qu'un mot à un projet de loi... Je vous ferai remarquer que c'est aussi le cas pour ce projet... Nous ne faisons que supprimer le mot «exceptionnellement», parce qu'il a une portée qui n'est pas négligeable.
Autre remarque, par rapport à un commentaire qui figure dans le rapport, selon lequel, en cas de travaux effectués en vue d'économiser l'énergie ou d'installation d'une unité d'énergie renouvelable, le dépassement du plafond LDTR de 3225 F la pièce devrait être proportionnel à la diminution des charges... Ce commentaire n'engage que le rapporteur: il ne découle pas des travaux de la commission ni même du texte de loi.
Le président. Vous n'avez donc pas d'amendement à proposer. Et vous confirmez que l'article 9, alinéas 3 à 5, est adopté sans opposition.
Mis aux voix, l'article 11, alinéa 1, 1ère phrase (nouvelle teneur), est adopté.
Le président. Monsieur Sommaruga, vous avez la parole.
M. Carlo Sommaruga (S). Suite à l'intervention de M. Muller, je voulais revenir sur ce qui a été dit par le rapporteur, Mme Michèle Künzler, qui reflète en fait bien l'esprit qui a présidé dans le cadre des travaux de la commission du logement... Effectivement, l'idée est que la marge de dépassement des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population corresponde à l'économie que peut réaliser le locataire. Toute la discussion en commission a porté sur ce point et, finalement, a abouti à ce compromis. Je tenais simplement à le dire.
Le président. Merci de ces précisions.
Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.
Troisième débat
La loi 8647 est adoptée en troisième débat par article et dans son ensemble.
Premier débat
M. Alain Meylan (L), rapporteur de majorité. J'aimerais juste préciser que ce projet de loi - Mme Künzler l'a dit tout à l'heure - est une modification de la LDTR, souvent source de longs débats... Mais celui qui nous occupe maintenant donne vraiment la possibilité aux locataires d'acquérir leur logement et permet de clarifier la situation légale, sans remettre en question le fondement de la loi.
Je ferai une remarque par rapport aux explications qui ont été données par les rapporteurs de minorité... Le lecteur averti aura en effet remarqué que les deux rapports de minorité évoquent le délai de deux ans qui peut s'écouler avant de pouvoir acquérir son logement. Cette durée a été allongée à trois ans par la commission, pour tenir compte, justement, d'une certaine proportionnalité des avis des uns et des autres, ce qui est effectivement plus adéquat.
Pour le reste, nous aurons l'occasion de discuter de l'amendement qui vous a été distribué sur vos places et qui répond en partie à la crainte du rapporteur de minorité, M. le député Velasco.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de première minorité. La mémoire de certains députés est courte... Nous, nous n'avons pas oublié ce qui s'est passé dans notre canton, il y a vingt-cinq ans !
Une voix. Les blocages de Grobet !
M. Christian Grobet. Les blocages de Grobet... Je crois, au contraire, avoir débloqué beaucoup de dossiers lorsque j'étais chef du département des travaux publics, figurez-vous !
Par contre, j'ai effectivement fait ce que je pouvais pour bloquer les procédures scélérates consistant à vider les locataires pour vendre les appartements qu'ils occupaient, opérations menées par un certain nombre de spéculateurs de sinistre renom dont je m'abstiendrai de citer les noms ici.
Au début des années 80, la pénurie de logements s'est accentuée, comme elle est en train de s'accentuer aujourd'hui, et il est vite apparu à certains malins que l'on pouvait faire des profits énormes - en tout cas encore plus importants - en saucissonnant un immeuble, c'est-à-dire en le vendant appartement par appartement, plutôt qu'en vendant l'immeuble dans son entier. Et c'est ainsi que des dizaines ou des centaines d'immeubles ont vu leur régime juridique être modifié et des régimes de propriété par étage être mis en place et inscrits au registre foncier. C'était la première étape.
Ensuite, la deuxième étape: c'est évidemment la démarche, la plupart du temps verbale, pour signaler au locataire qu'il avait l'occasion unique d'acheter son appartement et de devenir propriétaire - tous les arguments habituels utilisés par certains représentants des milieux immobiliers - tout en ajoutant que, s'il n'était pas d'accord, il devrait partir... Et c'est en fait ce qui s'est passé ! A partir du moment où un certain nombre de spéculateurs, pour ne pas dire d'aigrefins, se sont rendu compte qu'il y avait de bonnes affaires à effectuer, de nombreux locataires ont reçu leur congé sans la moindre indication des motifs ou, alors, ces motifs étaient fallacieux, le but de l'exercice étant, bien entendu, de faire partir les locataires pour pouvoir vendre ces appartements...
D'autres ont subi - surtout des personnes âgées - des pressions intolérables de certains de ces spéculateurs et ont, finalement, dans l'espoir de conserver leur appartement, décidé de l'acheter. La population genevoise a été indignée de ce genre de procédé et les milieux des locataires ont lancé une initiative visant à soumettre à autorisation la vente d'appartements. Le problème, sur le plan légal, était délicat, parce qu'entre les exigences du droit fédéral en matière du respect du droit de la propriété, des dispositions légales sur la propriété par étage dans le code civil, qui s'appliquaient soi-disant de manière exhaustive, la marge pour légiférer était relativement étroite. Il paraissait notamment contraire au droit fédéral de prévoir une interdiction de vente. C'est pour cela que l'initiative a préconisé le régime de l'obtention d'autorisation pour vendre un appartement locatif.
Malgré cela, après l'adoption de cette initiative à une énorme majorité de la population, six recours au moins ont été interjetés au Tribunal fédéral, tant par la Chambre immobilière et d'autres associations représentant les milieux immobiliers que par des propriétaires, personnes physiques. Et, finalement, après un long débat intéressant sur le plan juridique, le Tribunal fédéral a admis la constitutionnalité de la disposition qui a été introduite dans la LDTR pour protéger les locataires contre ces procédés et, surtout - et surtout - pour maintenir des logements bon marché sur le marché locatif. Et le Tribunal fédéral l'a bien compris, le fait de changer le statut d'un appartement locatif en un appartement en propriété par étage a pour conséquence un changement qualitatif. Ainsi, la mission de la LDTR qui consiste à protéger les logements bon marché - mission qui a été reconnue d'intérêt général par le Tribunal fédéral - ne serait pas remplie, précisément à cause du changement de statut des appartements. A l'étonnement des juristes de la couronne - mais nous, les initiants, étions confiants - le texte voté par le peuple a été approuvé par le Tribunal fédéral.
Depuis lors, il a été appliqué, ce qui a eu pour effet de stopper immédiatement le phénomène des congés-vente, et la spéculation dans ce domaine a été très fortement diminuée. Bien entendu, des moyens de contourner la loi ont vu le jour, notamment en mettant en faillite des immeubles qui avaient fait l'objet des pires spéculations, et c'est cela le paradoxe de la situation car, finalement, les appartements qu'on a voulu protéger ont été vendus, parce que le Tribunal fédéral a considéré, sur ce point, que la modification apportée il y a deux ou trois ans à la LDTR n'était pas compatible avec le droit fédéral. De sorte que ces appartements-là ne sont malheureusement pas protégés.
C'est dire que le texte de l'article 39 est une construction très délicate. Et, à partir du moment où on enlève un des éléments de cet article, l'édifice s'effondre, ce qui est précisément le but poursuivi par le projet de loi qui nous est soumis ce soir... En ajoutant cet alinéa stipulant, je cite: «qu'un appartement est librement acquis par le locataire en place depuis au moins trois ans pour y maintenir son domicile, les personnes faisant ménage commun avec lui bénéficiant avec l'accord du locataire du même droit aux mêmes conditions», on ouvre la porte à ce que le processus des congés-vente fasse sa réapparition, alors qu'il avait été supprimé grâce à l'initiative acceptée lors de la votation populaire de 1985.
Nous ne sommes pas étonnés, de manière générale, que la droite veuille remettre en cause certaines dispositions de la LDTR... Et depuis l'adoption de cette loi en votation populaire, en 1983, les tentatives pour affaiblir cette loi ont été constantes, mais j'avoue qu'il est particulièrement choquant que la droite ait décidé, surtout en cette période de grave pénurie du logement, de vouloir s'attaquer à une disposition légale particulièrement importante, puisque son but est de protéger les locataires des abus des propriétaires, qui entreprennent des démarches pour les faire partir de leurs appartements afin de pouvoir les mettre en vente, et ce, uniquement pour réaliser un bénéfice.
On nous dit que le but de cette disposition est de faciliter l'accession à la propriété et qu'il ne faut pas nous faire de souci, que cela ne concernera que les locataires qui sont là depuis trois ans... Ce ne sont que des fariboles ! Les juristes qui ont concocté ce texte savent très bien la portée qu'il aura et quel est le message qui sera donné aux milieux immobiliers: remettre la compresse pour supprimer des appartements locatifs bon marché, dont nous avons, ô combien, besoin aujourd'hui, au profit de logements qui ne sont accessibles qu'à une minorité de la population.
En conclusion, je dirai simplement qu'il est scandaleux aujourd'hui de vouloir retirer du marché des logements encore bon marché pour en faire des logements réservés à une petite catégorie de la population, au moment où les loyers sont en train de s'envoler ! Parce que chaque fois qu'un locataire quitte un appartement, il faut voir comment les régisseurs adaptent les loyers: le moindre quatre-pièces coûte 2500 F lorsqu'il est remis en location, ce qui rend les logements totalement inaccessibles à une grande partie de la population et tout particulièrement aux jeunes. Je le répète, c'est un véritable scandale !
Bien entendu, nous savons quelles sont vos intentions, et nous vous informons d'ores et déjà qu'un référendum sera lancé contre cette loi pour maintenir le statu quo, maintenir la protection des locataires contre les congés-vente.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Ce projet de loi a toute son importance, quand on sait que les taux de vacance des logements sont aujourd'hui en dessous de 0,2%, alors que la limite est normalement de 2%. Pour nous, ce projet de loi pose des problèmes, vu les conditions actuelles.
En effet, un principe de précaution figurait dans la loi, je veux parler de l'article 39, alinéa 3, qui permettait de préserver les locataires en prévenant, précisément, ces changements d'affectation progressifs. Or, le projet de loi tel qu'il nous est soumis abroge purement et simplement cet alinéa, ce que nous trouvons inadmissible !
Par ailleurs, ce projet de loi simplifie effectivement l'acte d'achat et l'accès à la propriété, à prix soi-disant réduit, pour des locataires en place. Mais cela veut dire aussi que ces locataires, devenus propriétaires, pourront un jour réaliser la vente de leur logement pour des raisons spéculatives. Et ce jeu de reventes risque de réduire singulièrement le parc de logements locatifs, ce qui pose un grave problème dans la mesure où le nombre de logements sociaux a déjà fortement diminué dans notre canton.
En réalité, même si le but de ce projet de loi est de faciliter l'accession à la propriété pour certains locataires, il aura pour conséquence qu'un nombre important de locataires - et notre canton est un canton de locataires - ne seront plus en mesure de payer les loyers.
D'autre part - et les chiffres fournis par l'office cantonal du logement figurent dans mon rapport - on constate que seulement 5,34% de la population serait intéressée par l'achat d'un appartement, au-delà d'un revenu de 100 000 F - même si certains chiffres parlent de 13% selon qui les donne. Quoi qu'il en soit, c'est une toute petite part de la population genevoise qui aurait les moyens d'acquérir son logement. Cela aurait également pour conséquence d'exercer une pression sur les locataires qui, eux, n'ont pas la possibilité de les acheter.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à ce projet de loi tel qu'il nous est proposé. Et comme l'a fait mon préopinant, M. Grobet, je vous annonce que l'Asloca qui défend les locataires a décidé de lancer un référendum au cas où ce projet de loi serait accepté.
M. Mark Muller (L). Comme l'a rappelé tout à l'heure le rapporteur de majorité, ce projet de loi n'a pour seule ambition que de clarifier la loi actuelle et notamment les conditions auxquelles les locataires peuvent acquérir le logement qu'ils occupent depuis un certain nombre d'années, pour autant, bien sûr, que le propriétaire veuille le vendre. Cela figure dans l'exposé des motifs du projet de loi; cela figure en toutes lettres dans le rapport et cela figure également en toutes lettres dans un courrier que le professeur Michel Hottelier, professeur de droit à l'université de Genève, a établi au sujet de ce projet de loi. J'ai remis ce texte au Bureau du Grand Conseil. Il est à votre disposition, je le cite: «Le projet de loi 8660 n'apporte pas de bouleversement majeur dans la réglementation genevoise applicable à l'aliénation d'appartements en faveur des locataires en place. Loin de conduire à un démantèlement des dispositions pertinentes de la LDTR, ce projet de loi se contente d'apporter une clarification et une simplification des règles applicables, lesquelles s'inscrivent dans le cadre tracé par la jurisprudence.»
Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit bien de codifier la jurisprudence et de clarifier la loi, pour permettre au citoyen qui voudrait acheter son appartement de savoir à quelles conditions il peut le faire. Car il faut reconnaître que, jusqu'alors, il n'était pas très facile pour lui de s'y retrouver en lisant la LDTR.
Alors quand j'entends M. Grobet ou M. Velasco, annoncer tout à coup qu'un référendum va être lancé par l'Asloca, les chaussettes m'en tombent, Mesdames et Messieurs les députés ! Il s'agirait d'un référendum purement démagogique - et je comprends très bien les raisons qui amèneraient l'Asloca à lancer un tel référendum dans le cadre de son initiative sur les loyers loyaux - et tout à fait extrémiste puisqu'il s'attaquerait, en fait, à une loi qui ne modifie strictement rien sur le fond. En effet, cette loi ne fait que clarifier la situation pour permettre aux locataires de savoir dans quelles conditions ils peuvent devenir propriétaires de leur logement, dès lors qu'ils l'occupent depuis un certain nombre d'années - trois, en l'occurrence.
M. Grobet a tout à l'heure essayé de vous faire croire qu'on allait assister au retour des congés-vente... J'espère que vous avez bien compris à quel point ce discours ne correspond pas à ce qu'on vous propose concrètement !
Pour commencer, un congé-vente implique déjà qu'il y ait un congé... Or, dans le projet qui nous occupe, on parle d'acquisition de son logement par le locataire en place. Il n'est donc absolument pas question de congé ! On s'adresse ici à des locataires - et il est du reste surprenant que l'Asloca ne soutienne pas ce projet de loi - qui sont intéressés à acquérir leur propre logement.
Mais nous savons bien de quoi vous avez peur, Mesdames et Messieurs - et personnellement je n'ai pas peur de le dire - vous avez peur de perdre un électorat et une clientèle !
Une voix. Eh oui !
M. Mark Muller. Mesdames et Messieurs, vous n'allez pas continuer à tromper longtemps votre monde avec vos arguments simplistes ! Lancez ce référendum ! Nous vous attendons, et nous démontrerons à la population qu'il s'agit d'un référendum démagogique et extrémiste ! (Applaudissements.)
M. Pascal Pétroz (PDC). Nous allons effectivement être appelés prochainement à voter sur une initiative populaire qui s'intitule «Pour des loyers loyaux». J'en déduis que les milieux que représente l'Asloca soutiennent le caractère loyal de ce débat... Car quand on veut des loyers loyaux, on doit aussi vouloir des débats loyaux... Et quand on veut des débats loyaux, on regarde les choses comme elles sont et non pas comme on voudrait qu'elles soient ou comme on dit qu'elles devraient être.
Il faut être clairs, Mesdames et Messieurs les députés, la pratique des congés-vente est inadmissible. Dire à un locataire en place qu'il a le choix entre acheter ou partir est scandaleux ! A l'époque, il s'agissait d'un problème bien réel, et c'est une bonne chose que notre parlement ait pris des mesures pour lutter contre cette pratique choquante.
Mais, Mesdames et Messieurs les députés, qu'a-t-on fait pour lutter contre la pratique des congés-vente ? On a quasiment interdit toute vente d'appartements ! A ce sujet, il est assez édifiant de lire la LDTR... On y apprend que pour qu'une vente d'appartement puisse se faire, il faut un motif d'intérêt général... Et que voit-on dans ces motifs d'intérêts généraux ? Que pour pouvoir vendre ou acheter un appartement - M. Velasco l'a rappelé en page 11 de son rapport - il faut que 60% des locataires en place acceptent cette acquisition ! Cela veut dire que si j'ai envie d'acheter un appartement, dont je suis locataire, parce que je m'y sens bien, parce que mes revenus professionnels ont augmenté, parce que l'endroit me plaît et que j'ai envie d'en devenir le propriétaire - ce qui est parfaitement légitime - je devrais faire la tournée des popotes - si vous me passez l'expression - et sonner à la porte de tous les locataires pour que ceux-ci veuillent bien me donner l'autorisation de l'acquérir... Je trouve cela un peu curieux ! Il me semble que vouloir acheter un appartement est quelque chose de parfaitement légitime - je le répète - et je ne crois pas que ce soit aux voisins de donner leur aval ou non. Cette démarche est tout à fait inacceptable !
Pour éviter que le phénomène des congés-vente ne réapparaisse et pour autoriser les ventes d'appartements, pour autant qu'elles soient légitimes, nous avons élaboré un projet prévoyant que le locataire en place peut acheter son logement.
Et la modification qui vous est proposée aujourd'hui fixe une cautèle d'importance, puisqu'il est mentionné que le locataire en place est libre d'acquérir son logement. Cette notion de liberté annule vos arguments selon lesquels cette loi est un risque de revenir aux congés-vente. C'est aussi simple que cela, et prétendre le contraire va à l'encontre du contenu de la loi ! Visiblement, certaines personnes ont des manières de lire un peu sélectives... Moi, je vois écrit dans ce projet de loi le mot «librement». C'est ce mot qu'il faut garder en tête, car il ne peut y avoir de congés-vente à partir du moment où les locataires sont libres.
C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons - nous, les démocrates-chrétiens - cet excellent projet de loi, et nous nous réjouissons d'en découdre devant le peuple, car nous gagnerons ! (Applaudissements.)
Le président. Je souhaite tout de même que nous avancions dans nos débats, car nous n'avons pas beaucoup avancé jusqu'à présent...
Sont inscrits: M. Sommaruga, M. Kunz, Mme Künzler, puis M. Cramer. Ensuite, nous aborderons le vote d'entrée en matière, avant de passer aux amendements. (Exclamations.)En fait ce sera M. Moutinot et non M. Cramer... Mais, rassurez-vous, un seul conseiller d'Etat s'exprimera !
Monsieur Sommaruga, vous avez la parole.
M. Carlo Sommaruga (S). La LDTR a instauré, il y a un certain nombre d'années, suite à des votes populaires, une protection des locataires par la protection du parc immobilier locatif. La LDTR n'a jamais empêché la construction d'appartements en PPE ou la vente de logements en PPE. La revente d'appartements en PPE n'a jamais empêché que des logements qui étaient destinés, dès leur création, à la propriété individuelle soient revendus.
En d'autres termes, aujourd'hui, la personne qui souhaite acheter un appartement en propriété par étage, dans un immeuble qui, dès le départ, était affecté à cette situation ou qui a rejoint cette situation avant 1985 de manière individualisée, peut l'acquérir.
Aujourd'hui, qu'est-ce que l'on veut faire ? L'on veut, par ce projet de loi, s'attaquer au parc locatif c'est-à-dire les logements qui sont occupés par des locataires. Des locataires qui ont fait le choix de ne pas acquérir le logement. Alors, on vient nous dire qu'en fait l'on favorise le locataire par ce projet de loi. Mais c'est faux ! On ne fait que favoriser le propriétaire de l'immeuble qui entend, lui, réaliser son immeuble en ventes immobilières individualisées pour chaque appartement et réaliser la plus-value. Parce que si, effectivement, les milieux immobiliers, qui sont à l'origine de ce projet de loi, souhaitaient vraiment favoriser le locataire, ce n'est pas ce projet de loi qu'ils proposeraient, mais ils proposeraient au niveau national que les locataires aient un droit d'emption sur l'appartement. C'est-à-dire que lorsque le locataire le souhaite, il puisse acquérir son logement. Or, ce n'est pas ça ! Les milieux immobiliers contestent cela. Pourquoi ? Parce qu'ils souhaitent que la décision définitive et finale soit celle du propriétaire; que lui puisse poser les conditions en termes d'argent et de temps, et que le locataire, finalement, se soumette à cela.
Donc, il n'y a pas ici de favorisation des locataires ! Il s'agit en fait uniquement de favoriser la réalisation de la plus-value des propriétaires, et ceci, sur le dos des locataires...
On vient nous dire que tout ça n'a pas de conséquences pour les autres locataires de l'immeuble... C'est faux et archifaux ! Le simple fait d'imaginer que cette disposition légale soit appliquée aboutirait à la possibilité, hypothétique, qu'on ait quelques appartements vendus dans l'immeuble. Or, selon la jurisprudence actuelle, le propriétaire pourrait vendre les autres appartements même à des personnes qui ne sont pas des locataires en place, puisque le processus de vente de l'immeuble, appartement par appartement, c'est-à-dire l'éclatement de l'immeuble, est effectivement en cours. Ainsi il obtiendrait, sur la base de la jurisprudence actuelle, la possibilité de vendre le reste de l'immeuble. Alors, venir dire qu'il s'agit là, en fait, de favoriser un locataire dans un immeuble qui souhaite acheter, c'est à terme amener l'ensemble de l'immeuble, finalement, à être éclaté et mettre la pression sur l'ensemble des locataires de l'immeuble.
Finalement, on vient nous dire que ce n'est pas les congés-vente... C'est jouer sur les mots, Mesdames et Messieurs ! Je rappelle que, aujourd'hui, il y a nombre de locataires qui reçoivent leur congé au motif que leur appartement, passé en PPE, est réalisé dans le cadre de faillites ou le cadre de réalisations de gages. Ainsi l'office des faillites ou l'office des poursuites réalise le travail ou termine le travail des spéculateurs immobiliers entamé il y a quinze ans ou dix ans. Il s'agit de projets passés à l'office des poursuites, parce que les spéculateurs n'ont pas pu aller jusqu'au bout.
On voit aujourd'hui des sociétés qui vendent les appartements à des tiers et, naturellement, que se passe-t'il après le congé ? Le locataire est placé devant le choix de partir ou d'acheter ! C'est exactement la même situation ! C'est une nouvelle forme !
Je vous renvoie, Monsieur Muller, à une situation qui a été déjà dénoncée: Château Banquet. Une locataire est venue témoigner à la télévision pour démontrer quelle est sa situation: donner le congé, pour ensuite amener le locataire à acheter. Une fois qu'il a reçu le congé donné lui dire: nous, on vous donne une prolongation, mais, naturellement, vous perdez votre logement... et, dans la situation de crise, vous n'aurez pas de solution de rechange à ces prix-là. Le locataire achète s'il a les moyens. Mais ceux qui n'ont pas les moyens se trouvent en situation de difficulté.
Vous savez exactement que le processus, aujourd'hui, n'est pas un processus de favorisation des locataires, mais une attaque directe sur le parc locatif, une attaque directe pour l'ensemble des locataires de ce canton.
En plus, ce ne sont pas les logements les plus chers qui vont être mis sur le marché et être amenés à la vente, ce sont les appartements bon marché, c'est-à-dire que l'on va perdre progressivement les logements les meilleur marché de ce canton. Il faut que les locataires le sachent. Il ne s'agit pas de réglementer la vente, par hypothèse, du dernier immeuble construit, parce que la vente de cet immeuble elle pourrait se faire dans la mesure où le propriétaire a obtenu la possibilité de le construire en PPE. Ici, il s'agit d'autre chose: il s'agit de rendre des immeubles qui sont en centre-ville, à savoir tous les immeubles des quartiers qui entourent la couronne historique de Genève, les immeubles fazistes où l'on trouve encore des grands appartements bon marché, afin de réaliser là-dessus la plus-value. C'est ceci qui est inadmissible, et c'est ceci qui est en jeu derrière ce changement de loi !
Venir nous dire que ce projet de loi, avec une lettre d'un professeur d'université, ne fait que confirmer la pratique... Mais alors, Monsieur Muller, retirez ce projet de loi s'il ne fait que confirmer la pratique ! Alors, si vous souhaitez voter ce projet de loi, c'est qu'il va bien plus loin que la pratique et que la jurisprudence actuelle, et vous le savez pertinemment, mais vous ne tromperez personne !
Dans ces conditions-là, il est clair qu'on ne peut pas accepter ce projet et l'Asloca - et je tiens à le souligner - appuyée par le Rassemblement pour une politique sociale du logement, a décidé, effectivement, de lancer un référendum. Certes, on peut se poser la question de savoir pourquoi certains partis, qui sont représentés au sein du Rassemblement, ne soutiennent pas cette position. Mais il est vrai que ces mêmes partis qui soutenaient - il y a quelques années ou une dizaine d'années - les projets de lois de défense du parc locatif, aujourd'hui ont fait un choix stratégique, par son courant majoritaire de soutenir les propriétaires immobiliers. Et ceci est grave.
Maintenant, si l'on en vient aux détails mêmes de la loi...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Carlo Sommaruga. Alors dire qu'au bout de trois ans le locataire peut acheter... mais, c'est favoriser les propriétaires afin qu'ils placent dans les appartements des locataires qui ont les moyens de les acheter au bout de trois ans ! Nous avons déjà des cas concrets de ces situations ! Aujourd'hui, nous le voyons dans les procédures administratives ! C'est ça, la réalité ! Et, en fait, on va créer des locataires fictifs, et on aura laissé des appartements vacants pour trouver le locataire qui, finalement, a les moyens d'acheter au bout trois ans ! C'est ça !
Donc, de nouveau des appartements vacants, une pénurie accrue des logements et, ensuite, la suppression de logements bon marché et la pression sur l'ensemble des locataires de ce canton ! Non, on ne veut pas de cela aujourd'hui, et c'est irresponsable de le proposer ! (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons interrompre la séance cinq minutes, pour que vous puissiez apposer votre signature... Vous avez déjà eu un bon quart d'heure de pause, il y a trois quarts d'heure. Nous reprendrons nos travaux à 17h, avec cet objet, qui sera le dernier traité pour le DAEL, avant de continuer avec notre ordre du jour normal. Mais nous allons essayer d'aller au bout. La séance est levée, car il s'agit bien d'une séance distincte.
La séance est levée à 16h55.