République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 mai 2003 à 10h25
55e législature - 2e année - 7e session - 40e séance
PL 8712-A
Premier débat
Le président. Je serais heureux que les députés qui sont sous la tribune, au fond de la salle, et qui n'écoutent même pas ce qui se dit cessent de discuter. Messieurs Jeannerat et Hodgers, veuillez continuer votre discussion dehors ou suivre les débats.
Monsieur le rapporteur de majorité avez-vous quelque chose à ajouter ? Bien, vous avez la parole !
M. Hugues Hiltpold (R), rapporteur de majorité. Il me semble utile de faire un bref historique du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui...
Il faut savoir qu'en 2001 a été introduit ce nouvel instrument démocratique qui permet aux communes de saisir directement le Grand Conseil, au même titre qu'un député, par le biais d'une motion intitulée communément «motion communale». Il faut savoir également que les relations entre les communes et le canton se sont toujours effectuées directement par les exécutifs communaux ou par le biais de l'Association des communes genevoises, avec le Conseil d'Etat.
A ce stade, il faut relever que rares sont les problèmes touchant directement les communes qui n'aient pas été abordés par ces instances.
Ce nouvel instrument démocratique, mis en place durant l'ancienne majorité de l'Alternative, s'est révélé rapidement inutile et dans bien des cas superfétatoire au regard des moyens déjà existants, puisque, à ce jour, seules quelques motions communales ont vu le jour et n'ont pas donné de meilleurs résultats que les travaux entrepris auparavant.
Sur le plan du fonctionnement de nos institutions, la motion communale pose le problème de la séparation entre les instances communales et cantonales, du fait qu'avec la motion communale il devient possible à un délibératif communal d'empiéter sur les prérogatives d'un exécutif cantonal. Il convient également de rappeler que la motion communale ne peut être que renvoyée directement en commission, afin que les auteurs puissent être auditionnés, ou renvoyée au Conseil d'Etat, mais elle ne peut en aucun cas être modifiée, ce qui pose un problème de fond sur le plan politique.
Le projet dont nous sommes saisis aujourd'hui prévoit l'abrogation de cette motion communale, arguant du fait que ce nouvel instrument démocratique est un instrument inutile dans la mesure où il appartient aux motionnaires communaux de se mettre en rapport soit avec le conseil administratif soit avec le maire ou des députés pour déposer un projet de motion au parlement cantonal. Le but est de clarifier la situation. Quand bien même il diminue quelque peu les prérogatives des conseillers municipaux, il permet de réaffirmer et de renforcer la position de l'exécutif communal face au Conseil d'Etat.
En guise de conclusion - et j'en terminerai par là - la modification législative qui est prévue dans ce projet de loi corrige les mauvaises appréciations de l'ancienne majorité, l'esprit étant de retrouver un fonctionnement plus limpide de nos institutions et une meilleure osmose entre les élus des différentes autorités.
C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi.
Le président. Monsieur le rapporteur de minorité, vous voulez la parole ? Alors il faudrait appuyer à temps pour vous inscrire, car il y avait des députés inscrits avant vous, et vous leur brûlez la politesse !
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Je suis confus de leur avoir brûlé la politesse, Monsieur le président. Je vous prie de m'excuser de ce manquement.
Les propos de mon préopinant, le rapporteur de majorité, éclairent quelque peu ce débat... Il a dit à trois reprises qu'il s'agissait d'un «nouvel instrument démocratique» à démonter... Par principe, nous sommes plutôt favorables aux nouveaux instruments démocratiques, qui permettent aux communes et aux élus communaux, aux membres des conseils municipaux - qui viennent d'être renouvelés démocratiquement par les citoyens, et, en dernière instance, ce sont donc les citoyens qui s'expriment par leur entremise - d'intervenir dans les différents débats sur des questions de portée générale qu'ils pourraient vouloir soumettre à ce Grand Conseil.
Certains argumenteront que nous allons perdre un temps fou, que les ordres du jour du Grand Conseil vont déborder, qu'il y a quarante-cinq communes et que si chacune d'entre elles déposait chaque mois une motion communale, nous serions débordés... Mais ce n'est évidemment pas le cas, et mon préopinant le reconnaissait d'ailleurs, puisqu'il disait qu'il fallait supprimer ce nouvel instrument démocratique étant donné qu'il ne servait guère... Je crois que quatre ou cinq motions communales seulement ont été déposées depuis qu'il est en vigueur, d'ailleurs souvent par des communes dont la majorité n'est pas de notre bord, puisque ce sont des élus de vos partis qui l'ont utilisée.
Maintenant, pourquoi vouloir supprimer ce nouvel instrument démocratique ? Mon préopinant a dit - c'est un terme qu'il vient d'employer - qu'il préfère revenir à un fonctionnement traditionnel par «osmose» entre les exécutifs communaux, le Conseil d'Etat, l'Association des communes etc. Vous savez ce qu'est «l'osmose»: ce sont des matières en suspension...
Une voix. Des échanges !
M. Pierre Vanek. Pardon ? Ce sont des échanges qui se font à travers une membrane d'une manière discrète, invisible à l'oeil nu, les produits sont filtrés... Tout cela n'est évidemment pas très transparent: c'est une métaphore tirée de la chimie.
Nous proposons simplement qu'un certain nombre de questions puissent être posées sur la table de ce Grand Conseil ou dans cette enceinte pour y être débattues publiquement, dans la transparence. Il n'est pas forcément judicieux de fonctionner par «osmose» entre gens qui se connaissent, de manière informelle. Cela comporte sans doute des bons côtés, mais cela pose aussi des problèmes de visibilité et de transparence des processus politiques dans cette République. De ce point de vue, la motion communale donne aux citoyens un moyen supplémentaire pour appréhender les processus politiques et exercer enfin leur «suprême autorité».
Il est principalement reproché à cette motion communale le fait qu'elle empièterait sur le domaine réservé des exécutifs communaux: c'est cela la grande raison ! Il y a un problème de brouillage, parce qu'à travers la possibilité qui est offerte aux communes les conseillers municipaux qui en font partie pourraient venir mordre sur le domaine réservé des exécutifs communaux, qui, comme on le sait, ont beaucoup de compétences, ce qui n'est pas tant le cas des conseils municipaux... On ne reproduit pas en effet à l'échelle des communes le même type de rapports entre législatif et exécutif qu'on trouve dans cette enceinte.
Or, Mesdames et Messieurs les députés, qui avez déposé ce projet de loi pour supprimer la motion communale et enlever ainsi cette petite prérogative aux conseils municipaux et à leurs conseillers, vous vous trompez en disant qu'elle permet aux conseils municipaux d'empiéter sur un domaine réservé des exécutifs. En effet, il n'y a plus de domaines réservés de ce type comme il y en avait par le passé, puisque, dans son article 30, alinéa 2, la loi sur l'administration des communes indique aujourd'hui - et c'est aussi une réforme dans le sens des droits démocratiques et des droits communaux que nous avons fait passer lors de la dernière législature - que le conseil municipal, soit les conseillers municipaux, peut adopter, sous forme de délibération, des règlements ou des arrêtés de portée générale régissant les domaines de la compétence des communes. Il n'y a donc pas de domaines de la compétence des communes, tant qu'ils sont de portée générale, qui ne soient pas d'ores et déjà ouverts à l'intervention possible des conseillers municipaux, et c'est fort bien ainsi. Ce Grand Conseil l'a voulu. Et je ne vois pas pourquoi des conseillers démocratiquement élus ne pourraient pas dans des délibératifs - comme vous le dites M. Hiltpold - délibérer et en arriver à des conclusions sur des sujets qui concernent précisément le domaine d'intervention des communes. Alors, si ce type de délibération les conduit à buter sur un point qui est du ressort de l'échelon cantonal, qui demande l'intervention de ce Grand Conseil ou du Conseil d'Etat, pourquoi diable interdire à ces élus communaux de réfléchir, de formuler un projet de motion et de nous le renvoyer ? Il n'y a aucune espèce de raison, sauf de vouloir que les choses se passent sans visibilité, sous la table, entre initiés qui fonctionneraient par «osmose», voire par copinage...
Le président. Il est temps de conclure !
M. Pierre Vanek. Je conclus, Monsieur le président. Nous avons été saisis de quatre ou cinq motions communales - je crois - et il y en a une ou deux inscrites à l'ordre du jour de notre Grand Conseil... Il n'y a donc aucune espèce de raison de renoncer à ce nouvel instrument démocratique mis en place par la dernière majorité dans l'intérêt des citoyens de ce canton et de la bonne résolution des problèmes municipaux.
M. Alain Charbonnier (S). Première constatation: ce projet de loi, déposé afin de supprimer les droits des conseils municipaux de déposer une motion devant notre parlement, est le fait, pour la plupart, de membres d'exécutifs communaux ou d'éventuels futurs membres. Un des signataires est aussi le président de l'Association des communes genevoises, association des exécutifs communaux qui avait été auditionnée à l'époque lors des travaux de la commission des droits politiques et qui n'y était pas opposée mais qui souhaitait que les exécutifs communaux, conseillers administratifs, maires et adjoints, soient associés à la proposition de motion, ce qui avait été réalisé par l'article 37A de la loi sur l'administration des communes, à son alinéa 2, qui précise que le droit de déposer une motion communale est exercé par le conseil municipal sur proposition d'un de ses membres ou de l'exécutif communal.
M. Hiltpold, dans son rapport, estime que les quelques motions communales qui ont été déposées à ce jour l'auraient été à des fins purement polémistes... Les conseillers municipaux apprécieront !
Je vous donne deux exemples. Le Conseil municipal de Vernier a envoyé une motion votée à l'unanimité à notre Grand Conseil concernant le trafic infernal de l'avenue de Châtelaine et les dangers en découlant. Plusieurs accidents mortels ont eu lieu ces dernières années. Tout comme le Conseil municipal d'Onex qui nous a transmis une motion communale concernant le poste de police de leur commune, certainement tout aussi polémiste que celle de Vernier...
Je ne tiens pas à faire la liste exhaustive de ces objets, bien qu'elle ne soit pas longue. En effet, ce ne sont pas les quelques motions communales reçues en dix-huit mois - moins d'une dizaine - qui alourdissent l'ordre du jour de notre Grand Conseil, contrairement à votre affirmation !
Vous écrivez ensuite que les motions communales ne peuvent pas être modifiées. Cette affirmation est mensongère, Monsieur Hiltpold ! Il faut lire la loi de façon objective et complète. La motion communale n'est pas modifiée si elle est directement renvoyée au Conseil d'Etat par notre plénière. Si ce n'est pas le cas, elle est alors obligatoirement renvoyée en commission afin d'y être traitée comme toute autre motion avec la possibilité d'être modifiée et amendée. La seule condition imposée à la commission c'est qu'elle auditionne les auteurs, c'est-à-dire les représentants du conseil municipal concerné.
Quant à l'empiètement du pouvoir délibératif communal sur le législatif cantonal, on croit rêver ! Comme je viens de vous l'expliquer - et vous ne sembliez pas le savoir - si cette motion n'est pas renvoyée directement au Conseil d'Etat, la commission chargée d'étudier cet objet effectue son travail habituel et a l'entière possibilité de proposer dans son rapport, entre autres, le refus de cette motion. Tout comme d'ailleurs notre parlement cantonal a le droit de déposer une initiative cantonale auprès du Parlement national. Dans ce cas, je souhaite savoir si vous estimez que nous empiétons sur les prérogatives du Conseil national ?
J'estime que ce projet de loi supprimant la possibilité aux conseils municipaux de déposer une motion devant notre Grand Conseil est une lutte d'arrière-garde de certains représentants d'exécutifs communaux qui désirent garder pour eux certaines prérogatives sur les conseillers municipaux, comme l'a rappelé M. Vanek.
J'ajoute pour terminer qu'un député de notre Grand Conseil ne sera jamais le représentant de sa commune, encore moins le représentant ou le porte-parole de la majorité d'un conseil municipal.
Je vous enjoins donc de ne pas refuser le droit donné à l'autorité la plus proche du citoyen - l'autorité communale - de nous envoyer certaines de leurs doléances prises à la majorité et souvent à l'unanimité de leur plénum.
M. Patrice Plojoux (L). C'est un représentant de l'arrière-garde qui répond à un préopinant... Ce n'est pas aller contre les communes que de vouloir les prémunir contre des possibles abus. L'Association des communes avait d'ailleurs rendu attentif l'ancien Grand Conseil de ce dysfonctionnement et celui-ci n'a pas voulu tenir compte de ces avertissements. Or, s'il est vrai, comme le soulève M. Vanek dans son rapport de minorité, que les conseillers municipaux peuvent, sous forme de délibération, adopter des règlements, des arrêtés régissant les domaines relevant de la compétence de la commune, il n'en demeure pas moins vrai que ceux-ci doivent être de portée générale: la loi sur l'administration des communes réservant toujours des compétences aux maires, conseillers administratifs ou adjoints. Les libéraux entendent simplement, en demandant la suppression du droit de motion communale, être logique avec l'esprit de la LAC et ne pas conserver une possibilité de mélanges de compétences, afin d'éviter que le Grand Conseil doive arbitrer entre des conflits entre délibératifs et exécutifs, alors que la loi y suffit.
C'est donc par respect dans les compétences communales respectives et afin d'éviter des situations qui pourraient être conflictuelles que les libéraux accepteront ce projet de loi et vous invitent à suivre le rapport de majorité.
M. Ueli Leuenberger (Ve). Les Verts vous proposent de rejeter ce projet de loi.
Nous sommes convaincus que ce nouvel instrument démocratique est une mesure importante, qui ne surcharge actuellement en rien le travail de notre parlement et de nos commissions, dans la mesure où seules quatre ou cinq motions communales ont été déposées en une année. Surtout par rapport aux centaines de projets que nous traitons annuellement ici.
On a pu voir à quel point ces motions ont provoqué un débat important dans les communes concernées, reflétant une préoccupation précise de ces communes de pouvoir les adresser au parlement, dépassant le clivage gauche/droite. Je le répète, quatre ou cinq motions seulement ont été déposées par les communes dans l'année. Et même s'il y en avait quelques-unes de plus dans les mois ou les dans les années à venir, il me semble que nous pouvons faire ce travail ici, car elles sont parfois longuement discutées dans les parlements des communes. Il faudrait plutôt voir comment limiter le nombre des projets déposés et qui surchargent notre ordre du jour.
M. John Dupraz (R). Au nom du groupe radical, je vous demande de bien vouloir suivre le rapport de majorité et de supprimer cette motion communale...
En effet, cela a été dit par le président de l'Association des communes genevoises: c'est un mélange des genres, c'est une diffusion des pouvoirs, et c'est faire de chaque conseil municipal un député potentiel ! L'interlocuteur de la commune, vis-à-vis de l'administration cantonale et de l'exécutif cantonal, voire du Grand Conseil, c'est le maire et les adjoints ou le conseil administratif; et non les conseillers municipaux eux-mêmes.
Mesdames et Messieurs, il est clair que ce qui intéresse M. Vanek c'est la destruction des institutions, c'est la pagaille totale ! (Exclamations.)Oui, c'est la seule chose qui l'intéresse: semer la pagaille partout où il peut !
Ce n'est pas notre objectif. Il faut de la rigueur: chacun doit être à sa place et exercer ses compétences. Et si une commune a un problème vis-à-vis du canton, le conseil municipal peut très bien s'adresser à l'exécutif qui, lui, transmet à l'autorité cantonale. Il faut éviter la diffusion des pouvoirs et le désordre total. C'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir accepter ce projet de loi proposant de supprimer cette motion communale, qui est une aberration dans notre système démocratique.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole... Monsieur Vanek, vous voulez déjà reprendre la parole ? Il y a plusieurs orateurs inscrits et vous n'y avez droit que trois fois. (Exclamations.)Non, non, c'est aussi comme cela pour les rapporteurs ! Bien, Monsieur Vanek, rapporteur, vous avez la parole pour la deuxième fois.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. J'ignorais que les rapporteurs étaient limités à trois interventions: c'est une nouveauté pour moi qui ne semble pas conforme au règlement ! Mais cela ne va pas m'empêcher de m'exprimer une deuxième fois !
D'abord, je dirai que M. Dupraz m'amuse... (Exclamations.)Il amuse tout le monde, évidemment ! ...en disant que ma position sur ce sujet et ma très modeste défense du droit des élus municipaux reflètent ma volonté d'appliquer un savant programme de destruction de nos institutions dans le but de semer le désordre total C'est évidemment absolument faux ! Au contraire, je propose de maintenir une réforme certes modeste, mais une réforme démocratique. Et je pense que la démocratie doit être défendue pied à pied, y compris dans les petites mesures qui y contribuent.
M. Dupraz s'est plaint de la position que je défends ici, en disant qu'elle conduisait à une situation malsaine en raison de la «diffusion des pouvoirs»... Il a utilisé ce terme. Je lui concède volontiers qu'avec cette motion communale une parcelle minime de pouvoir s'éloigne des exécutifs communaux pour passer entre les mains des conseils municipaux. Il faut savoir que dans ce canton ces derniers ont relativement peu de pouvoir par rapport aux exécutifs, et je pense qu'il est parfaitement légitime que cette parcelle de pouvoir soit un peu augmentée. Ce pouvoir est exercé en pleine transparence étant donné que les débats des conseils municipaux sont publics, qu'ils sont sanctionnés par des votes pris à la majorité des conseils municipaux, qu'ils aboutissent à des textes qui sont portés à l'ordre du jour de ce Grand Conseil et mis à disposition du public. Je suis effectivement favorable au maintien de ce type de diffusion des pouvoirs, en direction d'«en bas», vers nos concitoyen-ne-s
Par rapport à cette espèce de mainmise sur l'ensemble des pouvoirs au niveau des exécutifs, le président de l'Association des communes a plaidé pour une interprétation trop restrictive de la possibilité que nous avons donnée, à travers la modification de la loi sur l'administration des communes, aux délibératifs municipaux de prendre des règlements ou des arrêtés de portée générale, en insistant sur le terme «portée générale»... Evidemment, une commune ou la majorité d'un conseil municipal ne va pas saisir ce Grand Conseil de motions sur des objets qui n'ont pas un degré de portée générale suffisant ! Je crois qu'on peut faire confiance au bon sens des conseils en question ! De ce point de vue là, et contrairement à ce que dit John Dupraz, je fais confiance à nos institutions et aux conseillers municipaux et conseillères municipales qui ont été élus pour ne pas sombrer dans le ridicule en nous soumettant des objets portant sur des détails de la vie communale. Mais vous n'êtes pas obligés de vous en rapporter à ma parole sur ce point. Vous pouvez vous référer aux questions qui ont effectivement été portées devant notre Conseil par des conseils municipaux à leur majorité - voire, comme l'a dit mon préopinant, à leur unanimité.
Encore deux mots sur l'argumentaire du rapporteur de majorité. Je salue son rapport qui est très synthétique et dont les arguments sont sériés de manière très claire. Celui-ci indique que les motionnaires, entre guillemets, «communaux», c'est-à-dire les conseillers municipaux, devraient, par le biais de leurs associations communales - je cite M. Hiltpold - de partis, se mettre en contact avec les députés pour déposer - en quelque sorte par la porte de derrière - des projets de motions dans ce Grand Conseil. Ce seraient donc les mêmes motions, mais qui ne pourraient pas bénéficier de la publicité d'un débat dans un conseil municipal, d'un test démocratique quant au fait qu'elles soient ou non appuyées par la majorité d'un conseil municipal. Et de ce point de vue là, le fait de faire passer ces objets par la bande, le lobbying, l'osmose, les accointances de partis, est au contraire de nature à faire entrer dans cette enceinte, par des voies effectivement bien moins transparentes, toutes sortes d'objets, qui, eux, pourraient sans doute ne pas avoir cette portée générale qu'il convient de requérir pour débattre d'une préoccupation d'une commune à l'échelle cantonale. Cet argument, Monsieur Hiltpold, me semble de ce point de vue aller à fins contraires.
Votre deuxième argument - mon préopinant, Alain Charbonnier, y a répondu - concerne le procès que vous faites aux communes selon lequel elles vont se servir de cette possibilité par pur esprit de polémique... Ce n'est pas le cas, ça ne s'est encore jamais produit, et il n'y a aucune raison pour qu'il y ait des dérapages de cet ordre.
Votre troisième argument, Monsieur Hiltpold, porte sur le nombre de ces motions communales: quatre ou cinq seulement. Vous ne pouvez pas plaider le caractère superfétatoire de cet instrument et dire qu'il est inutile parce que les communes ne s'en servent pas tout en disant dans le même temps qu'il est urgent et très important de le supprimer. En effet, si les communes ne s'en servent pas, tous les griefs que vous avez contre cet instrument restent naturellement lettre morte...
Il va de soi que d'éventuelles modifications sont possibles. Ces motions sont examinées en commission et, lorsqu'elles reviennent devant ce parlement, elles peuvent, cas échéant, être modifiées de fond en comble. Elles peuvent ne pas être renvoyées au Conseil d'Etat. Par contre, elles ne peuvent pas être modifiées et votées immédiatement sans que les auteurs aient pu être entendus: c'est un minimum de courtoisie envers nos collègues des conseils municipaux. Et même si ces dispositions ne figuraient pas expressis verbisdans la loi, ce Grand Conseil ne se permettrait bien sûr pas de modifier radicalement un texte de motion communale et de le voter immédiatement en séance sans avoir entendu les représentants des communes pour lesquels nous avons une haute estime dans cette enceinte. Ce reproche fait aux dispositions de la loi me semble donc également infondé.
Enfin, encore une fois, votre dernier argument - c'est à mon avis l'argument essentiel - porte sur les pouvoirs des exécutifs communaux qui seraient mis en péril par cette loi... Celle-ci est en vigueur depuis plus d'une année, et, à voir les choses sur le terrain de la vie politique communale, aucun exécutif communal n'a été puissamment incommodé par cette perte de pouvoir, comme vous le craigniez suite à l'introduction de ce nouvel instrument démocratique.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Vous avez parlé exactement sept minutes... Vous avez le temps de souffler... Le Bureau a décidé de clôturer la liste: sont inscrits MM. Portier, Kanaan, Weiss, Rodrik, Guérini, Annen, ainsi que M. le conseiller d'Etat Cramer. Nous poursuivons nos travaux jusqu'à 12h15, et nous reprendrons à 14h avec cet objet pour ne pas influer sur la décision de nos travaux. La liste est close. Seuls les rapporteurs pourront encore intervenir. Ensuite, nous passerons au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.
Vous avez la parole, Monsieur le député Portier.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Permettez à un de vos collègues députés, et également membre d'un exécutif communal... (Exclamations.)...mais qui va bientôt terminer sa fonction d'exécutif communal - dans trente jours exactement: on ne pourra donc pas me reprocher de vouloir protéger mes prérogatives - de vous faire quelques commentaires.
Tout d'abord, Monsieur Vanek, vous dites que les communes ne font pas souvent usage de cet outil démocratique. Alors, certes, les quarante-cinq communes du canton ne nous envoient pas une motion tous les mois, mais le danger existe de voir proliférer ce type de pratique, car les habitudes se prennent vite. J'en veux pour preuve que, durant la campagne électorale des municipales, les socialistes ont tenté de faire voter une motion communale visant à attribuer des fonds spéciaux pour les communes qui accepteraient un certain nombre d'aménagements, et ce, dans une dizaine de communes. Dieu merci, cela a été refusé dans certaines communes, mais je ne sais pas ce qu'il en est advenu dans d'autres, mais voilà une preuve que, d'un coup d'un seul, on pourrait se retrouver avec une dizaine de motions communales à traiter.
Autre exemple du mauvais fonctionnement de ce type d'action politique pour les conseils municipaux - c'est l'objet que nous devrons traiter cet après-midi - la motion 1444 de la Ville de Genève concernant le tunnel du Mont-Blanc. Vous me direz que c'est un sujet qui reste d'actualité - certes - mais cette motion a été votée fin 2001 par la Ville de Genève. Elle a été traitée en septembre 2002 par notre commission des affaires communales, c'est-à-dire bien quelques mois après. Elle nous a obligés à traiter cet objet en commission. Elle nous oblige à faire un débat sur ce sujet cet après-midi, alors que nous avions déjà passé plus de dix séances en commission des affaires communales, régionales et internationales à traiter spécifiquement du problème du tunnel du Mont-Blanc. C'est donc une raison de plus qu'il ne faut pas laisser aux conseils municipaux la possibilité de venir perturber les ordres du jour et le travail normal de notre Grand Conseil.
J'aimerais encore ajouter une dernière chose: les conseils municipaux ont d'autres possibilités de se faire entendre, ne serait-ce que par la voie de la résolution ! En effet, le conseil municipal peut très bien voter une résolution, laquelle est adressée au Grand Conseil, et le Bureau, et chacun d'entre nous, peut demander la lecture de cette résolution et la reprendre à son compte pour élaborer des projets de lois ou des motions traitant du même sujet.
Il y a également la voie de la pétition ! Les conseils municipaux peuvent susciter des pétitions. Ils ont donc plusieurs moyens d'intervenir ou de faire entendre leur voix au sein de ce Grand Conseil: il n'y a pas que les exécutifs communaux ! L'outil démocratique à disposition me semble donc tout à fait suffisant.
C'est pour toutes ces bonnes raisons, Mesdames et Messieurs, que le groupe démocrate-chrétien, tout comme les partenaires de l'Entente, votera le rapport de majorité.
M. Sami Kanaan (S). Cela tombe très bien que je puisse intervenir après notre collègue Portier... Si je comprends bien sa position: quand un droit existe, la grande angoisse c'est qu'il soit utilisé. Moi, je suis surpris que la droite ne propose pas l'abolition de l'initiative populaire ou du référendum, sous prétexte qu'ils pourraient être utilisés ! Et puis, tant qu'à faire, abolissez la pétition, parce que nous avons souvent des pétitions à traiter et que, mon Dieu, cela surcharge les travaux de commission !
Vous avez une conception de la démocratie qui est assez effarante, je vous le dis franchement ! Pas seulement vous mais l'ensemble de cette majorité qui va abolir la motion communale. Pour vous un droit démocratique qui pourrait être utilisé, c'est forcément contreproductif, c'est forcément polémiste, c'est forcément perturbateur ! Abolissez la démocratie, tant que vous y êtes ! (Rires et exclamations. Le président agite la cloche.)En commission des transports - et je parle concrètement - nous avons traité une motion unanime du conseil municipal de Versoix - unanime, j'insiste - dont les membres sont venus - un par groupe politique - nous expliquer la situation de la desserte CFF à Versoix, y compris un conseiller municipal libéral, ancien député, qui, je crois, est candidat au national. C'est cela faire de la polémique ? Vous n'avez aucun respect pour vos collègues des conseils municipaux ! (Exclamations.)Abolissez les conseils municipaux !
M. John Dupraz. Je ne me laisserai pas insulter par ce sinistre monsieur ! (Rires.)
M. Sami Kanaan. Nous avons examiné cette motion - et le rapport de majorité, je suis désolé de le dire, comporte plein d'erreurs - nous l'avons modifiée, nous l'avons adaptée. Il est donc tout à fait faux de prétendre qu'on ne peut pas modifier le texte des motions communales !
Alors, assumez au moins votre position: dites que vous êtes opposés à l'excès d'instruments démocratiques, mais ne nous servez pas d'arguments de faisabilité ou de pratiques malhonnêtes. Même si je crois volontiers que notre collègue Portier ne défend pas ses prérogatives, puisque son mandat de conseiller administratif à Veyrier se termine bientôt, je ne comprends pas sa position. Il y a un déséquilibre qui n'est pas acceptable, d'autant qu'on sait bien que certains députés sont maires ou maires-adjoints de certaines communes, surtout dans les petites communes, et il va de soi que ces derniers ont un accès direct au parlement cantonal - soyons réalistes ! Mais vous n'êtes pas prêts à accepter que les conseils municipaux puissent accéder directement au parlement cantonal par voie de motion ! (L'orateur est interpellé.)Non, je ne suis pas jaloux ! De toute façon, dans notre parti ce genre de situation ne peut heureusement pas arriver, puisque les doubles-mandats ne sont pas autorisés, et je trouve cette mesure extrêmement saine. Vous n'arrivez pas à imaginer que les parlementaires municipaux - parce qu'il s'agit malgré tout de parlements - puissent avoir un accès direct auprès de leurs collègues du canton ! C'est une conception de la démocratie qui, je l'avoue, m'échappe complètement ! (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Je ne voudrais pas mettre le feu à la LAC en intervenant... (Rires.)...comme on pourrait s'y attendre et comme le souhaiterait peut-être l'auteur de cet excellent calembour qui est proche de moi, mon excellent ami Mark Muller.
Mais, néanmoins, et tout en précisant que je me trouve exactement dans la même position que celle de M. Portier, à savoir que j'interviens probablement pour la dernière fois sur une affaire communale, remettant mon mandat à l'Histoire, Monsieur le président de notre Grand Conseil... (Rires et exclamations.)...j'aimerais m'appuyer - une fois n'est pas coutume - sur les propos de M. Vanek dans son propre rapport de minorité, où il fait preuve, sans le vouloir, de bon sens... (Rires.)Il dit, par exemple, citant la lettre dans laquelle le Conseil d'Etat prend position, que celui-ci avait fait observer, à l'époque de l'introduction de ce qu'il appelle «un nouvel instrument démocratique» et que l'on pourrait simplement appeler «une nouvelle démonstration superfétatoire» que: «dans bien des cas ce moyen sera moins efficace en pratique qu'un simple courrier.» Et il ajoute à la page suivante: «Dans notre démocratie genevoise - chaque citoyen-ne, chaque habitant-e même - j'ajoute: a fortiori, chaque conseiller municipal - peut «peser» sur l'ordre du jour du Grand Conseil par le dépôt d'une pétition qui sera inscrite in fineà ce même ordre du jour, et c'est fort bien ainsi !». Je partage aussi l'avis de M. Kanaan: il ne s'agit nullement de restreindre les droits démocratiques. Il s'agit simplement d'utiliser les instruments à disposition sans en créer de nouveaux qui génèrent plus de confusion qu'autre chose, hors toute polémique.
C'est pour cette raison que je soutiendrai l'abrogation de cette mesure, qui ne fait que mettre de la confusion dans les outils politiques à disposition. (Applaudissements.)
M. Albert Rodrik (S). Probablement, si certains de nos collègues n'avaient pas poussé le bouchon un peu trop loin, je me serais peut-être dispensé d'intervenir, les députés qui ont travaillé en commission suffisant amplement.
Mesdames et Messieurs les députés, revenons à la réalité: pourquoi cette motion communale, depuis l'origine, chatouille ? Elle chatouille à cause de la construction de la LAC.
Il y a un article 30, long et exhaustif, pour les conseils municipaux. Il y en a un autre tout aussi long et tout aussi exhaustif - mais peut-être pas tout à fait autant - pour les maires, adjoints et conseillers administratifs, parce que à un moment tout doit être défini dans la loi et tout ce qui n'est pas défini doit être assumé. Et là s'installe l'omnipotence justifiée - puisqu'il ne faut pas que nos communes restent sans tête - des exécutifs.
D'ailleurs, M. Haegi avait fait faire une étude par Me Manfrini pour savoir quel était le statut respectif des conseils municipaux et des maires, adjoints et conseillers administratifs. Et vous en avez le reflet dans la note marginale de l'article 30: «organes délibératifs» pour les conseillers municipaux. Tandis que les autres - les maires, adjoints - sont proprement des «organes exécutifs» avec de vrais pouvoirs. Et c'est sur ce point - et je ne veux pas dire qu'il faudrait changer le statut des conseils municipaux - que se trouve le hiatus et le déséquilibre... On a d'un côté des organes purement délibératifs - même s'ils sont tout aussi démocratiquement élus que les autres - dont les attributions sont parfaitement exhaustives et, de l'autre côté, de vrais organes exécutifs avec de vrais pouvoirs et qui, cas échéant, tout n'étant pas dit et rédigé, peuvent intervenir sur d'autres territoires comportant de vrais pouvoirs...
Face à cette dualité et ces deux piliers de forces totalement inégales, on comprend bien pourquoi les conseils et les conseillers municipaux consultés étaient en faveur de cette motion communale et pourquoi les exécutifs ne l'étaient pas du tout.
Que peut-on faire dans une situation pareille et dans une démocratie ? Il faut trouver un lieu de médiation et d'arbitrage ! C'est de cela qu'il s'agit. Je n'étais pas un très grand supporter de ce projet de loi de l'Alternative, mais je dois bien constater qu'il est entré dans les moeurs et qu'il est utilisé.
En dix-huit mois, j'ai noté que nous n'avons pas une avalanche de ces motions, Monsieur Portier: nous en avons eu cinq, si j'ai bien compté. Une de la Ville, une de Vernier, une de Versoix, une d'Onex, une de Bernex, et ce, sur des sujets totalement différents venant de conseils municipaux et de vies politiques totalement différents, qui n'ont rien en commun. Cela veut dire que l'instrument a été utilisé. Non seulement il a été utilisé mais il n'a pas été utilisé comme je le craignais - quand j'étais plutôt tiède - c'est-à-dire que les conseils municipaux ne sont pas intervenus massivement, par la bande et contrairement à la LAC, dans le domaine des exécutifs en contournant la loi... Nos conseils municipaux ne sont pas tombés dans ce piège, et vous voulez aujourd'hui supprimer quelque chose qui est entré dans les moeurs pour éviter un hypothétique danger ! Mesdames et Messieurs, c'est très simple: vous êtes en train de dire que vous n'avez pas confiance dans le Grand Conseil pour éviter ce piège ! (L'orateur est interpellé.)Mais oui, mon ami, on est pessimiste ou on est optimiste ! Vous êtes en train de dire que vous n'avez pas confiance dans le Grand Conseil pour éviter de tomber dans le piège d'une motion communale qui voudrait détourner la LAC et créer le désordre et le déséquilibre - comme vous le dites - dans les vies communales ! Il suffit donc d'avoir la majorité - vous l'avez, mais je suis sûr que vous pensez que vous ne l'aurez pas pour l'éternité, et c'est cela qui vous inquiète ... - pour éviter une telle mésaventure. Eh bien, moi je pense de façon optimiste que le Grand Conseil peut éviter un tel piège. Votre argument ne porte que sur ce danger hypothétique, qui ne s'est pas avéré en dix-huit mois. Ce droit de motion communale est un vrai droit utilisé par des configurations politiques totalement différentes et de façon adéquate.
Mesdames et Messieurs, je vous invite à ne pas rayer ce droit d'un trait de plume, sur une pure hantise qu'il appartient au Grand Conseil d'éviter qu'elle ne se concrétise.
M. Pierre Guérini (S). Par expérience communale, les motions communales sont discutées dans les communes, et, ce matin, les députés des bancs d'en face nous ont dit que les problèmes étaient dus au fait qu'on passait son temps à discuter... Mais il s'agit d'un premier filtre qui se fait avant l'envoi de la motion communale par les législatifs communaux.
Par ailleurs, ce sont bien souvent des communes à majorité de droite qui ont proposé des motions communales. Par exemple, à Onex, il y a eu un consensus général pour la motion qui était adressée à ce Grand Conseil. Si on doit passer par les députés, le risque de surcharge des ordres du jour du Grand Conseil sera bien évidemment beaucoup plus important.
Mais je ne vais pas dire aussi qu'une seule personne peut signer une pétition, et que, selon l'article 171 du règlement du Grand Conseil, elle doit être transmise à la commission des pétitions qui doit rendre rapport. Je vois donc une grande inégalité de traitement entre les élus municipaux et le simple citoyen. Pourquoi un élu, que les citoyens ont chargé de les représenter par le biais des urnes, ne pourrait pas interpeller le Grand Conseil au même titre que ces derniers ? C'est pourquoi il faut refuser ce projet de loi et rétablir ainsi une certaine égalité de traitement.
M. Bernard Annen (L). J'ai quelques remarques à faire qui n'ont pas été encore faites, certains autres points ont en effet largement été évoqués.
Je suis tout à fait surpris de l'interprétation de l'article 147 faite par le nouveau chef de groupe du parti socialiste. Il dit qu'une motion communale est renvoyée en commission pour que les auteurs - c'est prévu par le règlement - soient entendus et qu'après elle peut être traitée comme toute autre motion... Alors là, les bras m'en tombent ! Cela voudrait dire qu'on pourrait complètement modifier le texte d'une motion communale et lui donner un tout autre sens ou la vider de toute substance ! C'est pourtant ce que vous nous proposez ! Et je suis d'accord avec vous: l'application stricte de cette disposition permet en effet bien de modifier le texte d'une telle motion. Mais au niveau politique, au niveau du respect de la loi et de l'esprit de la loi, je le répète, les bras m'en tombent ! Penser qu'il est possible de modifier la substance du texte d'une motion déposée par une commune en lui laissant le même titre et la faire voter par le Grand Conseil me dépasse littéralement ! Ce seul point devrait vous faire réfléchir et vous amener à la conclusion qu'il ne faut pas retenir une telle proposition.
Deuxième chose - rassurez-vous, je serai très bref - pourquoi multiplier les débats ? Le meilleur exemple est celui de la Ville de Genève, qui est un parlement en lui-même - au-delà de ses prérogatives et de ses possibilités pour légiférer - preuve en est que tous ses débats sont diffusés par Léman Bleu. On va donc déjà avoir un débat fleuve au niveau de la Ville de Genève. M. Kanaan nous l'a dit, et il a raison: certains partis ne permettent pas le double-mandat, Comme ils ne peuvent pas intervenir au niveau communal et au Grand Conseil à la fois, le parti socialiste et d'autres ont imaginé ce moyen pour trouver la parade. Ainsi, sans avoir de double-mandat, ils peuvent intervenir sur des sujets communaux dans la mesure où les communes peuvent renvoyer une motion au Grand Conseil. Le problème risque de se poser pour Vésenaz, pour le tunnel du Mont-Blanc - on va y revenir tout à l'heure... Finalement, chaque structure politique, n'a-t-elle pas son rôle à jouer et rien que son rôle ? Pensez à cela ! C'est une des raisons, parmi celles qui ont déjà été évoquées, pour lesquelles les libéraux accepteront ce projet pour supprimer cet article.
Le président. Bien, je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Robert Cramer, et nous aurons ainsi terminé le premier débat. Nous continuerons ce débat à la séance de cet après-midi.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. M. le rapporteur de la minorité a rappelé quelle avait été la position du Conseil d'Etat en 2001, lorsque la loi portant règlement du Grand Conseil avait été modifiée, de façon à y introduire la motion communale. Ses propos ont du reste été rappelés par M. Weiss.
Nous vous disions à l'époque que le Conseil d'Etat ne voyait aucune raison de s'opposer à cette proposition qui vise à augmenter encore pour les communes cette faculté toute naturelle de pouvoir se faire entendre par l'autorité. Mais, de la même façon, je dirai, paraphrasant ces propos, qu'aujourd'hui nous ne voyons pas non plus de véritables raisons de nous opposer au projet de loi qui vise à retirer cette faculté aux communes.
Et ceci, au fond, pour la raison toute simple - mais peut-être un peu trop pragmatique au regard des débats qui ont animé cette assemblée depuis que vous étudiez cet objet - que la motion, à teneur de la loi portant règlement du Grand Conseil - et je me réfère ici aux articles 143 et ss. - implique que le Conseil d'Etat fasse un rapport si elle est adoptée. Donc, par le biais d'une motion, on s'adresse au Conseil d'Etat et le Conseil d'Etat répond aux motionnaires sous forme d'un rapport, dans un délai dont la constitution nous indique qu'il est de six mois et dont la loi portant règlement du Grand Conseil nous rappelle qu'il doit être observé.
En fin de compte, il s'agit de savoir comment saisir le Conseil d'Etat pour qu'il donne une réponse. Les communes ne sont pas obligées de passer par une telle motion pour ce faire. Et quand je dis les communes - j'entends bien me faire comprendre ici - je ne parle pas seulement des exécutifs, c'est-à-dire des conseillers administratifs, des maires et des adjoints. Je parle aussi des conseillers municipaux et du conseil municipal. Et c'est ainsi qu'il arrive - je ne dirai pas quotidiennement - très régulièrement que nous soyons saisis soit par l'organe de surveillance des communes, c'est-à-dire le département dont j'ai la charge, soit au niveau du Conseil d'Etat de courriers qui nous sont adressés. Parfois, une lettre émane d'un seul conseiller municipal; d'autres fois, la lettre émane du conseil municipal. Et nous répondons de façon systématique à ces courriers comme, du reste, nous répondons aux courriers qui nous sont adressés par les citoyens.
C'est dire que si l'objet premier de la motion communale est de saisir le Conseil d'Etat d'une demande et d'en obtenir une réponse, il existe déjà d'une façon extrêmement peu formaliste, et du fait que c'est très peu formaliste, cela fonctionne aussi beaucoup plus rapidement que cela n'est le cas lorsqu'il faut passer par le Grand Conseil. Il est vrai que la motion communale - je m'en suis rendu compte en écoutant vos débats de tout à l'heure - ajoute un élément: la visibilité d'un débat public dans ce parlement.
Mais, en ce qui concerne ce qui est l'essence même de la motion, c'est-à-dire obtenir une réponse à une question, il n'est réellement pas nécessaire de passer pas la motion communale. Le débat qui nous anime aujourd'hui n'est au fond pas tout à fait un débat sur la problématique de la motion mais plutôt sur la nécessité d'avoir une visibilité sur un certain nombre de sujets communaux, au-delà des discussions qui se tiennent dans les communes.
C'est évidemment une question qu'il vous appartient, Mesdames et Messieurs les députés, d'examiner et sur laquelle le Conseil d'Etat s'interdira d'avoir une opinion, puisqu'au fond c'est une question sur la façon dont vous entendez régir les débats de cette assemblée.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons passer au vote sur l'entrée en matière de ce projet de loi au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 37 oui contre 23 non.