République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 mai 2003 à 10h25
55e législature - 2e année - 7e session - 40e séance
PL 8703-A
Premier débat
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de majorité. La majorité de droite va certainement renvoyer cet objet en commission. L'entrée en matière de ce projet de loi a été refusée par une majorité de circonstance, alors que ce vote était annoncé à l'ordre du jour de la commission. Et ce n'est certainement pas de cette façon que l'on va accélérer les débats de ce parlement, ce qui semble pourtant être une préoccupation majeure des partis de la droite...
Avant de soigner une maladie, il faut faire un diagnostic. Le service du Grand Conseil a fourni à la commission des droits politiques, par l'entremise de notre sautière, un tableau sur les travaux de notre parlement durant ces quatre dernières années. On peut constater que le nombre d'objets traités par notre plénière augmente dans la même proportion que le nombre des nouveaux projets de lois déposés. C'est donc l'augmentation massive de ces nouveaux projets de lois - plus de 50% en moyenne - qui est responsable du surcroît de travail de notre parlement. Les autres objets, par contre, sont soit en diminution soit à peu près au même niveau, y compris les interpellations urgentes, qui, soi-dit en passant, sont aussi la cible des partis de la majorité.
Cette augmentation des nouveaux projets de lois est certainement due à différents facteurs. Un de ceux-ci - il faut le noter - est certainement le saucissonnage systématique de certaines lois effectué par la majorité, comme, par exemple, pour le logement ou les droits politiques.
Ce diagnostic posé, je reviens aux débats de préconsultation que les partis de droite veulent supprimer. Nous sommes opposés à cette suppression parce que nous pensons que ce ne sont pas ces débats qui ralentissent les travaux de notre parlement.
Trois raisons à cela. Premièrement, la plupart des projets de lois sont renvoyés directement en commission.
Deuxièmement, toute ancienne présidente ou ancien président de notre Grand Conseil vous le dira, le débat de préconsultation est le plus facile à gérer, car le temps de parole est strictement réglementé. En effet, un seul député par groupe peut prendre la parole pour un temps maximum de cinq minutes. Je rappelle que pour les autres débats - motions, rapports sur un projet de loi, etc. - le temps de parole est de trois fois sept minutes par député, plus les temps de parole sur les amendements, etc.
Troisième raison - et ce n'est pas la moindre - en cas de suppression du débat de préconsultation, il suffira à une formation politique de déposer une motion sur le même sujet pour avoir la parole en plénière, et cela avec un temps de parole bien plus important, ce qui impliquera un ralentissement encore plus important du travail de notre parlement.
Par ailleurs, nous estimons que certains projets de lois méritent ce débat de préconsultation en plénière, car il permet à chaque formation de donner son opinion sur un projet de loi avant son renvoi en commission, d'où le texte revient souvent passablement changé par les amendements. Ce débat de préconsultation permet d'indiquer clairement aux autres partis mais aussi aux citoyens la position politique de chacun sur le sujet traité avant les travaux de commission.
Le rapporteur de minorité parle de la nécessité de réforme. Je le rejoins sur ce point, mais alors il faut faire de vraies réformes, comme le projet de loi sur les secrétaires de commission rédigé par notre collègue Jean-Michel Gros, celui des Verts sur les horaires des sessions ou, encore, celui sur le financement des partis déposé par les Verts, le PDC et nous-mêmes, les socialistes. Des réformes qui apportent de réelles améliorations pour l'efficacité du travail de député face à l'augmentation de la tâche qui atteint réellement une limite extrême. De vraies réformes et non des «réformettes» de premier degré, qui, tout bien réfléchi, pourraient occulter une partie du débat démocratique et provoquer des effets pervers, dépôts de motions, qui alourdiraient encore plus notre ordre du jour.
Je vous demande donc de bien réfléchir et d'accepter ce rapport de majorité.
M. John Dupraz (R), rapporteur de minorité ad interim. Je ne sais pas s'il s'agit d'une «réformette qui entraînerait des effets pervers»... A mon avis, c'est le rapporteur de majorité qui a l'esprit pervers en prétendant que si les débats de préconsultation étaient supprimés les mêmes auteurs déposeraient des motions pour pouvoir débattre en plénum des sujets traités dans leurs projets de lois.
Mesdames et Messieurs les députés, moi je constate une chose: c'est qu'aux Chambres fédérales il n'y a pas de débat de préconsultation ! Je considère pour ma part que ce qui est important, c'est la publicité faite autour des objets traités afin que les tiers concernés puissent demander à être entendus. Les projets seraient toujours mis à l'ordre du jour de la séance plénière du Grand Conseil. Les députés pourraient en débattre dans leur groupe respectif et, s'ils ont un point de vue à émettre, ils pourraient aussi le faire par voie de presse. Les trois quarts des projets de lois sont renvoyés en commission sans débat et les autres sont de toute façon renvoyés en commission après un débat qui ne sert strictement à rien si ce n'est que chaque groupe peut dire ce qu'il pense du projet de loi, ce qui va ou ce qui ne va pas.
Si l'on veut améliorer l'efficacité des travaux de ce Grand Conseil et diminuer la durée des séances plénières, il faut renvoyer directement les projets de lois en commission. Cela n'occulte en rien les débats démocratiques, contrairement à ce que vous dites.
C'est pourquoi je persiste dans les conclusions du rapport de minorité, et je demanderai que le débat porte sur le renvoi en commission et uniquement sur le renvoi, afin d'en débattre tranquillement en séance de commission.
Présidence de M. Bernard Lescaze, président
Le président. Je prie les orateurs - un par parti - de ne s'exprimer que sur le renvoi en commission demandé par M. le rapporteur Dupraz. Monsieur Jean-Michel Gros, vous avez la parole.
M. Jean-Michel Gros (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette histoire de débat de préconsultation est un véritable serpent de mer, puisqu'on en parle, je crois, une fois par législature !
Je voulais juste dire quelque chose à M. Charbonnier...
Le président. Non, Monsieur, vous ne parlez que du renvoi en commission, sinon je serai obligé de vous couper la parole... Je respecte le règlement, Monsieur Gros !
M. Jean-Michel Gros. Je m'exprime pour expliquer ma volonté de renvoyer ce projet de loi en commission, si vous permettez que j'argumente un peu ce renvoi ! (Exclamations.)
Je pense que ce projet doit effectivement être renvoyé à la commission des droits politiques, et cela, pour le simple motif que, comme l'entrée en matière a été refusée, nous avons quelques incertitudes juridiques et nous devons apporter quelques amendements. Je tiens toutefois à insister sur le fait qu'il faut absolument entrer en matière sur ce projet de loi et que ce soit fait en commission.
En effet, Monsieur Charbonnier, vous parlez de «réformette», vous dites que la préconsultation n'est pas une perte de temps puisque chaque groupe ne dispose que de cinq minutes... Je vous signale que vous tenez le même langage pour les motions, pour les interpellations urgentes: à chaque fois que nous abordons un projet dans ce sens, vous répondez que cela ne prend pas beaucoup de temps et que ce n'est pas ce qui solutionnera le problème... Eh bien, les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, je pense qu'il faut s'attaquer à chaque problème l'un après l'autre: les interpellations urgentes, mais aussi la préconsultation, de manière à rationaliser nos débats !
C'est dans ce sens que le groupe libéral vous demande de renvoyer ce projet de loi à la commission des droits politiques.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Ce projet de loi pose un débat essentiel sur le fonctionnement de notre Grand Conseil...
La majorité de circonstance qui a abouti au refus de l'entrée en matière n'est pas le reflet de la réalité que, nous, les cent députés, partageons. Nous devons travailler ensemble en commission pour améliorer l'efficacité du Grand Conseil, et nous sommes tous d'accord sur ce point. C'est possible: ce n'est pas une question de dogme politique, mais une question de gestion des temps publics et privés, professionnels et associatifs.
Toute mesure allant dans le sens d'une meilleure efficacité de gestion de ces temps est bonne à prendre. C'est pourquoi le PDC vous invite à suivre le rapport de minorité et renvoyer ce projet de loi à la commission des droits politiques.
M. Antonio Hodgers (Ve). Sur la forme. Nous nous retrouvons ici dans un débat un peu biaisé, parce qu'il manquait des députés de l'Entente en commission. Mais on voit bien le fond du problème: c'est que les députés de milice n'arrivent pas à suivre convenablement les travaux de ce parlement. Et je crois - et ce débat en est la preuve - que c'est la plus grande difficulté que nous rencontrons aujourd'hui.
Ce projet de loi est effectivement une «réformette», et quand un wagon de projets de lois du même style aura été adopté par la majorité de ce parlement, on verra que nos ordres du jour seront toujours aussi garnis, que les travaux de commission seront toujours aussi lents et que nous n'aurons rien changé du tout.
Pour notre part - nous l'avons dit - il faut réformer le fonctionnement de ce parlement en profondeur, et une telle réforme devrait pouvoir aboutir à une présence beaucoup plus assidue de tous les députés en commission - dont ceux de la majorité. Cela éviterait des pertes de temps comme celle que nous connaissons aujourd'hui avec ce projet de loi, due à la désertion de certains députés des travaux de la commission des droits politiques.
Nous comprenons que ce projet de loi soit renvoyé en commission, car, en l'état, il entraînerait l'effet néfaste que les projets de lois ne puissent plus être traités en discussion immédiate. Les premiers projets de lois qui feraient les frais de ces dispositions sont ceux notamment proposés par le Conseil d'Etat au sujet des crédits exceptionnels pour la Croix-Rouge.
Pour ce motif, il me semble effectivement important de ne pas voter un tel projet de loi et de le renvoyer en commission pour solutionner ce problème.
M. Christian Grobet (AdG). Je pense qu'il est important de renvoyer ce projet de loi en commission. En effet, je vois que M. Dupraz, pour le justifier, fait allusion à la procédure qui est appliquée aux Chambres fédérales. (L'orateur est interpellé par M. Gros. Le président agite la cloche.)Mais j'explique pourquoi je suis favorable au renvoi en commission. Monsieur Gros, vous avez revendiqué le droit de justifier votre position: je ne fais que suivre votre bon exemple ! Je dis simplement que cette question doit être examinée en commission, parce que la situation - Monsieur Dupraz, vous le savez fort bien, vu que vous siégez comme moi au Conseil national - n'est pas du tout identique. Tout d'abord, les membres de l'Assemblée fédérale ne peuvent pas déposer des projets de lois à titre personnel. Il y a certes un droit d'initiative, traité selon une procédure spéciale, mais les députés ne peuvent pas déposer de projets de lois. Et, ensuite, tous les projets du Conseil fédéral ont fait l'objet d'une consultation auprès des milieux intéressés, y compris les partis politiques, de sorte que lorsque le Conseil fédéral saisit les Chambres fédérales d'un projet, il a déjà en général un fort consensus politique derrière lui.
Je serai pour ma part éventuellement d'accord que les projets de lois du Conseil d'Etat soient renvoyés directement en commission, parce qu'on peut partir de l'idée que le Conseil d'Etat a la sagesse de présenter des projets qui ont habituellement l'agrément du parlement, même si ça n'a pas toujours été le cas par le passé. Il me semble au contraire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'un court débat de préconsultation fait beaucoup gagner de temps - M. Charbonnier l'a évoqué - et que la pire des choses serait de passer des heures et des heures sur des travaux de commission, à faire des auditions, par exemple sur un projet de loi du Conseil d'Etat, et que, pour finir, il soit refusé par le Grand Conseil, tout cela faute d'un débat préalable qui aurait montré qu'une majorité était vraisemblablement opposée à ce projet de loi.
Or, si nos travaux prennent du temps, ce n'est pas seulement en raison des débats en séance plénière. C'est surtout parce que beaucoup de projets de lois importants traînent dans les commissions en raison du nombre trop important de projets à traiter. Il faut donc les traiter par ordre de priorité, mais, à mon avis, ces priorités sont plus faciles à définir en commission, s'il y a eu un débat d'entrée en matière qui permette aux groupes de s'exprimer.
Deuxième chose, je trouve qu'il est grave que des projets de lois importants soient renvoyés immédiatement en commission sans que ce parlement puisse s'exprimer, sans que les citoyennes et citoyens de ce canton sachent quelle est la position des partis. Je pense par exemple, Monsieur Dupraz, au projet de loi que votre parti a déposé en son temps: un projet de loi constitutionnelle visant à modifier fondamentalement le fonctionnement des institutions de ce canton, en nommant un gouverneur, etc. Cela ne me paraît pas acceptable !
C'est la raison pour laquelle nous avons toujours souhaité avoir de bonnes discussions en commission, contrairement à des pratiques anciennes de la majorité - nous nous réjouissons qu'elle les ait abandonnées - consistant à voter des projets de lois sur le siège. Comme cette discussion n'a pas pu avoir lieu, nous appuyons le renvoi de ce projet de loi devant la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, afin, effectivement, d'examiner les questions qui se posent et les problèmes juridiques de manière rigoureuse. M. Gros a eu raison de les évoquer.
Mme Loly Bolay (S). Je serai très brève. Je suis désolée de le dire, mais, à mon avis, les députés qui ne viennent pas aux travaux des commissions devraient se faire remplacer !
Sous prétexte que vous n'étiez pas là au moment où ce projet de loi a été traité en commission, vous nous demandez maintenant d'accepter de le renvoyer en commission.
Certes, la problématique du fonctionnement du parlement nous tient à coeur, puisque cette commission traite de ce sujet à l'heure actuelle. Mais c'est un peu trop facile ! Je le répète: lorsque vous ne pouvez pas assister aux séances, faites-vous remplacer ! Non seulement nous perdons du temps mais encore nous faisons perdre de l'argent au contribuable !
Je suis navrée, mais, dans ces conditions, le groupe socialiste refusera le renvoi de ce projet de loi à la commission des droits politiques.
M. Jean-Marc Odier (R). Je serai également bref. Le groupe radical soutient le renvoi de ce projet de loi en commission.
Le débat de préconsultation peut être valable, à notre avis, s'il a lieu au cours de la séance qui suit le dépôt de l'objet. A partir du moment où nous nous retrouvons avec des ordres du jour de cent cinquante points, voire deux cents, les travaux en sont ralentis. Et si la démocratie doit garantir le droit à la minorité de s'exprimer, la démocratie ne doit pas permettre le droit au blocage, le droit de veto ! Certains projets de lois déposés par la majorité du Grand Conseil ont attendu huit mois, voire une année, avant de pouvoir être traités et renvoyés en commission... Tout cela n'est pas très cohérent ! Si la majorité ne peut pas obtenir de débattre les projets qu'elle propose, à mon sens tout le monde est perdant. Il faut aller dans une direction ou dans une autre avec les objets proposés, et la population jugera, mais, je le répète, la minorité ne doit pas pouvoir bloquer les travaux du Grand Conseil.
C'est pour cette raison que nous soutiendrons vivement le renvoi en commission de ce projet de loi, afin de pouvoir voter cet objet.
Le président. Je mets donc aux voix le renvoi de ce projet de loi en commission pour examen, amélioration, amendements éventuels.
Mis aux voix, ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.