République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1525
Proposition de motion de Mmes et MM. Sylvia Leuenberger, Philippe Glatz, Alain Etienne, Pierre Froidevaux, Alexandra Gobet Winiger, Janine Hagmann, Anne Mahrer, Claude Marcet, Alain Meylan, Pascal Pétroz, Véronique Pürro, Ivan Slatkine concernant la sous-couverture des caisses de pension dont l'Etat est garant, en particulier de la CIA (caisse de pension de l'administration publique genevoise)

Débat

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Il est vrai qu'on parle de supprimer les notes à l'école et, là, c'est l'Etat qui sera noté. Considérons un communiqué de presse de l'agence de notation Standard & Poor's, chargée de noter l'Etat sur les rendements financiers : on s'aperçoit que la note de référence est A+ mais que les perspectives sont négatives. Par conséquent, si cette motion a été déposée, il faut la resituer dans le cadre de la commission de contrôle de gestion dont le rôle consiste justement à s'interroger sur des situations qui peuvent avoir des conséquences négatives sur les usagers de la fonction publique. Selon la loi, c'est bien l'Etat qui s'engage à garantir le paiement des prestations dues par la caisse si celle-ci n'est plus à même de faire face à ses engagements.

En déposant cette motion, la préoccupation de la commission ainsi que des Verts ne consiste pas à remettre en cause le bien-fondé de la caisse de pension de l'Etat, mais bien à obtenir des informations plus précises sur les mesures à prendre par l'Etat, afin de prévenir les risques possibles liés aux investissements de cette caisse, qui, on le sait bien, dépend des marchés boursiers. Or il serait naïf et irresponsable d'imaginer que ces marchés seront à la hausse.

Il y a tout de même des montants de l'ordre de 4 milliards dont dépendent justement les retraites des pensionnés. Pour nous, il est tout à fait légitime de poser ces questions au Conseil d'Etat concernant l'état actuel de la couverture de cette caisse et les sommes que l'Etat entend provisionner pour garantir sa pérennité.

D'autre part, nous souhaiterions également connaître l'état des autres caisses de pension dont l'Etat est garant.

Pour toutes ces raisons nous vous proposons de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, après une seule audition, je vous le rappelle, les députés de la commission, sensibilisés par un ton alarmiste de l'audition, ont décidé d'élaborer une motion.

Il y a eu par la suite toute une série de consultations. Nous avions notamment consulté les syndicats représentés dans le conseil de la CIA, mais aussi des syndicats représentés dans d'autres caisses de retraite, de sorte que nous avons pu constater que ce ton alarmiste était excessif.

Il est vrai que, lorsque le taux de couverture descend en-deçà des 80%, il est alors temps de déclencher des plans d'action, mais il n'y a pas lieu de céder à un alarmisme complet, à l'image du texte scandaleux paru hier dans la presse. En effet, lorsque M. Kunz écrit de tels mensonges, il fait paniquer toute une série de membres de la caisse de retraite s'inquiétant pour leurs retraites. Et vous savez très bien, Monsieur Kunz, au-delà de vos coups médiatiques et populistes, que la situation de la caisse n'est pas aussi inquiétante que vous le dites!

La situation de la CIA est plutôt sereine en comparaison des autres caisses de retraite. Je le répète, lorsque le taux de couverture descend en-deçà des 80%, il faut s'en inquiéter, sans toutefois crier à la faillite de la caisse.

Je n'ai pas retrouvé, dans l'article de M. Kunz, d'attaque concernant certains placements financiers - que vous avez préconisés - prétendument destinés à augmenter la rentabilité des caisses, des placements boursiers qui ont inquiété et inquiètent l'ensemble des caisses, puisque beaucoup d'entre elles ont perdu de nombreux deniers à cause de spéculations abusives.

C'est sur les placements éthiques, sur une autre façon de rentabiliser les fonds de caisses de retraite, qu'il faut désormais travailler, d'autant plus que, vous le savez, des millions, voire des milliards sont à disposition.

Aussi, votre objectif, il faut le dire, est de vous défaire du modèle des caisses de solidarité - des caisses par répartition - pour adopter celui des caisses de capitalisation, ce qui serait fort dommageable pour les plus petits employés de la République.

Ce que le groupe socialiste préconise est le renvoi de cette motion en commission afin de disposer d'autres auditions, d'entendre d'autres sons de cloche, de manière à ne pas être tributaires d'une seule audition et d'un seul constat de l'état de la caisse. Il faut que toutes les parties prenantes de la gestion des caisses de retraite, et de la CIA en particulier, soient auditionnées.

M. Souhail Mouhanna (AdG). La motion qui nous a été présentée, établie par la commission de contrôle et de gestion, aura peut-être le mérite de dissiper des informations tendancieuses, et parfois même mensongères, concernant le fonctionnement de la caisse de retraite de la CIA, ainsi que d'autres caisses du personnel de la fonction publique genevoise.

Envoyer cette motion en commission des finances permettra d'auditionner les différents milieux intéressés pour constater que M. Kunz se fourvoie dans sa compréhension des structures et du fonctionnement de ces caisses de retraite.

J'aimerais donner un exemple: M. Kunz affirme que la caisse de retraite de la CIA accuserait un déficit compris entre 500 millions et 2 milliards - je vous laisse apprécier, Mesdames et Messieurs les députés, la précision des chiffres avancés...

Certaines caisses de retraites fonctionnent par capitalisation, ce qui implique que la fortune couvre la totalité des engagements. Il y a d'autres caisses de retraites, dites «par répartition», pour lesquelles aucun capital n'est constitué, mais dont les cotisants payent les retraites des futurs retraités.

La CIA est une caisse de retraites mixte, c'est-à-dire qu'elle fonctionne en partie selon le modèle de la capitalisation et en partie selon celui de la répartition. Il y a par conséquent des cotisations payées, qui permettent d'assurer des prestations d'un côté et, de l'autre, l'Etat, qui paye également sa part. Les cotisations sont supérieures aux engagements prévisibles depuis quelques années, de sorte que la fortune accumulée, qui représente la différence entre l'ensemble des cotisations et l'ensemble des décaissements par rapport au paiement des pensions de retraite, constitue ce qu'on pourrait appeler un troisième cotisant. Or la fortune doit couvrir au moins 50% des engagements de la caisse, selon la loi.

Aujourd'hui, même dans la motion de la commission de contrôle de gestion, on nous dit qu'il y a eu une baisse importante du taux de couverture en 2001, passé de 78 à 71%. Dans ce cas de figure, nous nous situons à plus de 21% au-dessus de ce qui est exigé.

M. Kunz souhaiterait et que l'Etat cesse d'exister du jour au lendemain et d'assurer les prestations prévues par la loi, et qui sont contractuelles. Monsieur Kunz, je ne sais si votre rêve de voir disparaître l'Etat va se réaliser, mais, pour ma part, je ne le crois pas. Le péril que vous décrivez n'existe donc que dans votre imagination. Et il y a effectivement des variations de la fortune liées à une partie des placements en actions - ce que vous avez toujours défendu, vous qui voulez calquer l'économie sur la bourse!

Il ne faut pas oublier que la caisse de retraite est gérée paritairement par les représentants du Conseil d'Etat, parmi lesquels il y a un représentant par parti politique, et les représentants des assurés. Je m'étonne que l'on n'ait pas entendu les cris d'alarme de vos représentants. D'autre part, les conseillers d'Etat chargés des finances président la caisse de retraite une année sur deux. Je m'étonne également que la catastrophe que vous décrivez, Monsieur Kunz, n'ait pas été signalée! Peut-être votre rêve est-il que les caisses de retraite suisses aient pour modèle la société Enron? Je pense, au contraire, qu'au niveau de la CIA la gestion est bien plus saine que dans beaucoup d'autres caisses, que ce soit dans le secteur public ou privé. Et on verra en commission des finances que ce qui se dit sur la CIA est mensonger.

M. Claude Marcet (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, on se trompe totalement de débat! On nous dit que nous voulons attaquer la fonction publique, c'est faux!

Nous voulons, et la motion le dit clairement, que l'Etat chiffre avec exactitude ce que nous devons payer dans le cadre des prestations des caisses de retraite.

On parle de la primauté des prestations ou de celle des cotisations... Mais certains, qui en parlent ici, n'en connaissent même pas la signification!

Nous voulons absolument savoir si nous serons confrontés dans le futur à la situation des CFF, des villes ou de certaines grandes entreprises, qui commencent à devoir payer des milliards parce que les principes de répartition et de prestation des caisses de retraite n'ont pas été pris en compte suffisamment tôt. Voilà ce que nous voulons savoir! Et le reste n'est que du babillage.

Présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président.

M. Blaise Matthey (L). La proposition de motion pose une question fondamentale, mais il ne faut pas tenter d'y répondre que pour le cas de la CIA, Mesdames et Messieurs les députés! Le problème se pose pour toutes les caisses de pension en Suisse. Vous le savez d'ailleurs bien, puisqu'on peut lire régulièrement dans la presse les inquiétudes des personnes qui bénéficient de rentes ou des cotisants quant à l'avenir des fondations du deuxième pilier.

Alors, replaçons le débat dans le cadre du deuxième pilier! Pourquoi y aurait-il deux poids deux mesures en la matière? Alors que l'autorité fédérale est en train de déterminer précisément à partir de quand les caisses de pension doivent adopter des mesures d'assainissement - et cette limite sera fixée à 10%, ce qui signifie qu'à partir de 90% on sera dans une situation d'assainissement des caisses - pourquoi ne faudrait-il pas examiner la situation de la CIA?

Il ne s'agit pas de mettre en cause la gestion de la CIA ni de jeter l'opprobre sur ce qui se fait avec la CIA, il s'agit, comme l'a dit M. Marcet, de prévenir autant que faire se peut.

Il ne s'agit pas de renoncer, Monsieur Brunier, au troisième cotisant, qui est un élément indispensable du deuxième pilier, qui fait la structure des trois piliers en Suisse, avec la répartition, avec la capitalisation! C'est d'ailleurs un système qu'on nous envie à l'étranger. Essayons par conséquent de maîtriser ce système!

Vous ne sortez peut-être pas assez, alors que moi je sors suffisamment pour pouvoir vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que ce régime est envié parce qu'il est équilibré! Certes troublé mais équilibré. Et nous avons besoin de ce troisième cotisant! Pour continuer à pouvoir le faire fonctionner, nous avons besoin d'outils de pilotage aussi précis que possible, et la CIA n'échappe pas à cette règle. Merci!

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Excusez-moi de reprendre la parole, mais cela me semble tout de même nécessaire parce que l'on entend souvent, dans les débats, des remarques de personnes qui n'ont pas participé à la commission de contrôle de gestion.

D'abord, ce n'est pas M. Kunz qui a écrit cette motion. Ensuite, si vous savez lire, vous constaterez qu'on demande uniquement des informations. Arrêtons donc de nous exciter pour savoir ce qu'il faut faire ou pas à la CIA !

Quand on veut faire la liste des caisses, on chiffre le montant correspondant et la provision, on n'en est pas encore au stade des prises de position politique. L'agence Standard & Poor's qui note l'Etat - et c'est en fonction de ces notations que l'Etat peut emprunter de l'argent à des taux préférentiels - dit très clairement dans son communiqué de presse que Genève doit également faire face à la détérioration de la situation financière de ses fonds de pensions après deux années de crise sur les marchés boursiers, et que des mesures structurelles s'avèrent nécessaires pour réduire les besoins de financement à long terme, liés aux engagements de retraites du canton.

Si ces agences de notation disent que les perspectives sont négatives, on a intérêt à répondre positivement et à s'informer à ce sujet. Je pense d'ailleurs que c'est véritablement le rôle d'une commission de contrôle de gestion!

D'ailleurs, tout le monde a signé cette motion, de l'Alliance de gauche à l'UDC, en passant par tous les partis. Certains ont retiré leur signature, je ne sais pas pourquoi, mais, lors de la présentation de cette motion, tout le monde l'avait signée!

M. Jean Spielmann (AdG). Il a été dit que le deuxième pilier serait envié par d'autres, mais je souhaiterais remettre l'église au milieu du village. Mesdames et Messieurs les députés, le deuxième pilier constitue l'escroquerie du siècle dans ce pays! Parce qu'un système totalement aberrant a été mis en place, jouant sur la capitalisation! Il n'existe aucun autre système tel que celui qui a été mis en place en Suisse. Monts et merveilles sur la gestion paritaire, sur l'utilisation des fonds, sur les bienfaits d'une capitalisation, faite par chacun afin de toucher à sa retraite 70% de ses derniers revenus, ont été promis grâce au deuxième pilier! On a dit à peu près la même chose de l'AVS. Il est plus que probable que les gens n'auront pas de double revenu, de sorte qu'aujourd'hui ils peuvent constater l'état de la situation réelle, d'une part, et, de l'autre, mesurer les conditions dans lesquelles il faut travailler pour simplement rentabiliser le deuxième pilier.

L'aberration tient dans le fait qu'on doit rentabiliser des capitaux absolument gigantesques et beaucoup plus importants que ce que toutes les prévisions les plus optimistes avaient promis au moment de la prétendue mise en place de la loi - puisqu'il a tout de même fallu dix ans après la votation populaire pour commencer à instaurer ce système - et, depuis quelques années, on s'est rendu compte qu'on n'arriverait pas à assurer de rentabilisation. C'est la raison pour laquelle on s'est dit qu'on irait voir du côté de la bourse. La loi fédérale a été modifiée, et je suis bien placé pour en parler dans la mesure où j'étais intervenu dans le débat pour refuser l'ouverture du placement du deuxième pilier à la bourse. Pourquoi? Parce que le jour où cet argent sera perdu, que dira-t-on aux gens ayant cotisé toute leur vie? «Eh bien, Mesdames et Messieurs, il faut restructurer vos caisses; il faut que les cotisations soient augmentées ou que les rentes soient réduites». C'est dans ce cas de figure qu'on se trouve aujourd'hui!

Et qui a «claqué» cet argent? Qui a coté cet argent en bourse? Qui jongle avec ces milliards, volant l'argent des retraités et de ceux qui ont cotisé toute une vie ?

C'est donc une véritable escroquerie que je dénonce ici, Mesdames et Messieurs les députés, et il ne faut pas dire que le système du deuxième pilier est envié à l'étranger, car c'est exactement le contraire! Du reste, une des conditions de l'entrée de la Suisse à l'EEE consistait justement à assurer un véritable système de prévoyance sociale, en mettant un véritable système de sécurité sociale en place et en revoyant les assurances maladie et maternité, notamment.

Non, Mesdames et Messieurs, le deuxième pilier est un système bâtard, qui ne repose sur rien d'autre que du vent, c'est une escroquerie à l'encontre de tous ceux qui ont cotisé, année après année!

Parce que, Mesdames et Messieurs les députés qui vous trouvez sur les bancs me faisant face, il faut savoir que la Confédération, qui est l'organe de surveillance des caisses du deuxième pilier, n'a, depuis les années vingt, date de leur création, jamais payé la part patronale des caisses de pension et, de ce fait, n'a jamais assumé ses responsabilités. C'est une des raisons pour lesquelles l'unique grande régie qui a pu être privatisée est Telecom, parce que c'est la seule qui a pu déposer 5 milliards sur la table, cette somme représentant le deuxième pilier des retraités et des employés que la Confédération n'avait pas payé. Et la poste et les CFF n'ont pas encore réussi à rétablir la situation, pour leur part.

Parce que vous, Mesdames et Messieurs les députés qui vous trouvez sur les bancs me faisant face, qui, au Conseil national et dans les décisions politiques que vous prenez majoritairement dans ce pays, vous avez plongé les caisses de retraite dans une situation inextricable! Il est clair que la facture se présente aujourd'hui, et il vous faut maintenant expliquer à la population que vous avez mis en place un système qui ne tient pas la route. Les milliards de francs perdus seront pris dans la poche des retraités ou des actifs, en augmentant leurs taux de cotisations. C'est une escroquerie à laquelle nous - l'AdG et l'Alternative - ne participons pas. Je suis aujourd'hui persuadé que la situation dans laquelle se trouve l'état des caisses du deuxième pilier exige une restructuration et des modifications importantes afin d'obtenir un système de sécurité sociale digne de ce nom. C'est la seule voie, toutes les autres ne sont que des illusions, ou vous irez, motion après motion, vous servir dans la poche des retraités, leur reprendre ce que vous leur avez promis par le biais de l'escroquerie que vous avez mise en place!

M. Gilbert Catelain (UDC). Je voulais recadrer le débat dont le thème est délicat et porteur d'émotions, et le limiter à son aspect objectif, c'est-à-dire connaître les chiffres et le montant du déficit technique des caisses de pensions.

M. Spielmann a qualifié le deuxième pilier d'escroquerie; je pense qu'il est imprégné du fonctionnement français dans lequel le débat fait rage en ce moment, où l'escroquerie d'Etat, dans un système socialiste de répartition, fait en sorte qu'on est passé d'un mode où le calcul des retraites s'effectuait sur la base des dix dernières années de salaire à un système où le calcul des retraites se fait sur la base des vingt dernières années de salaire.

Je ne suis pas contre le fait, Monsieur Spielmann, qu'on applique ce système à la fonction publique genevoise, toutefois je pense que cela ne serait pas jugé satisfaisant et que cette application serait votée différemment.

Voici un exemple issu de ce système: ma belle-mère, qui habite juste à côté avec cinq enfants, touche une retraite s'élevant à 500 euros par mois, sans bénéficier d'aide supplémentaire. Est-ce donc cela, le système socialiste que vous préconisez et que veut nous imposer la communauté? Est-ce donc cela votre idée de la démocratie et de service social?

Je crois qu'il est préférable de nous en tenir à un système mêlant répartition et capitalisation, dans lequel je ne vois pas où se situe l'escroquerie.

M. Claude Marcet (UDC). Je souhaiterais que l'on arrête de débattre de la loi sur la prévoyance professionnelle. La motion, comme l'a dit Mme Leuenberger, tout comme l'a relevé la commission de contrôle de gestion, ne se situe pas à ce niveau. La motion demande simplement que l'on nous dise quelle somme on pourrait être amenés à payer!

Par conséquent, les histoires de M. Spielmann, selon lequel il y a une escroquerie... Je vais vous le dire très clairement, Monsieur Spielmann: dans le cadre de cette motion, je m'en fous actuellement! Ce que je veux savoir, c'est combien on va être amenés à payer... (L'orateur est interpellé.)Mais s'il vous plaît, Madame! Il est évident que vous avez raison sur un certain nombre de points; cela n'est toutefois pas la question qui nous intéresse.

J'aimerais ajouter une deuxième chose. Vous parlez de l'étranger. Je me permets de vous rappeler que la France à provisionné 2000 milliards de francs français pour ses caisses de pensions. 2000 milliards de francs français! Alors que l'endettement global de la France s'élève à 4000 milliards de francs français. Faites le calcul! On constate exactement la même proportion à Genève, c'est-à-dire 3 milliards, par rapport à un endettement de 8, 10 ou 12 milliards, je ne sais! La problématique ne situe pas à ce niveau; ce que le peuple veut savoir, c'est ce qu'il va devoir payer! (Commentaires. Le président agite la cloche.)

Vous parlez de la question de la primauté des prestations. Je peux vous dire que les 70% que vous avez mentionnés ne sont applicables que pour autant que demain des gens payent ces prestations! Dans le cadre de la primauté des cotisations, je peux vous affirmer que, pour arriver à toucher 70% du dernier salaire, le cotisant risque de ne plus avoir de salaire du tout durant les dernières années de cotisation s'il veut rattraper la totalité de ce qu'il doit payer à sa caisse. Il faudrait savoir de quoi on parle, Monsieur Spielmann, lorsqu'on cite des chiffres, d'autant plus si on est le président de la commission des finances! (Applaudissements.)

Le président. La parole est à M. le député André Reymond.

M. André Reymond. Je renonce, étant donné que M. Marcet a déjà exprimé les éléments que je voulais développer.

M. Jean Spielmann (AdG). Je n'ai jamais parlé de primauté des cotisations. Je parle d'un système mis en place qui ne fonctionne pas. Je n'ai jamais fait de comparaison avec le système français, j'ai parlé du système, mis en place en Suisse sur la base des trois piliers, voté en 1972, qui est en vigueur actuellement, dont nous avions dit qu'il était bâtard et que vous avez tout de même mis en place parce que vous pensiez qu'il pourrait rapporter de l'argent et permettre une gestion financière profitant d'une bonne partie des cotisations des ouvriers et des employés. Mais le problème de fond qui se pose tient au fait que ce système est en train de faire fiasco!

Mesdames et Messieurs, il y a 300 000 personnes de moins affiliées au deuxième pilier qu'il n'y en avait il y dix ans. Pourquoi? A cause de l'évolution des trois systèmes, du montant de coordination de la déduction de l'AVS, du développement du travail à temps partiel, du développement du travail des femmes! Et ce système ne permet pas de répondre aux besoins de la société d'aujourd'hui. Et il faut le changer!

Vous verrez, vous ne pourrez pas «tourner autour du pot», quels que soient les arguments que vous développez aujourd'hui. Vous n'empêcherez pas les systèmes du deuxième pilier de s'effondrer en raison de l'aberrance avec laquelle ils ont été construits. C'est tout simplement irréalisable et ne pourra pas fonctionner! Alors, évidemment, on peut venir dire ici: «On s'en fout, du social!», comme l'a fait M. Marcet...

M. Claude Marcet. Non, je n'ai pas dit ça ! (Le président agite la cloche.)

M. Jean Spielmann. Donc, dire: «On s'en fout de ce qui se passe, nous, ce qu'on veut, c'est savoir combien ça coûte!», c'est tout simplement parce qu'on veut dire à la population: «Voici de combien il faut réduire les prestations destinées aux retraités et voici de combien il faut augmenter les cotisations, sans quoi, Mesdames et Messieurs, vous devrez payer cela par le biais de vos impôts!». C'est bien ici que se situe l'escroquerie que représente ce deuxième pilier: des promesses ont été faites, qui ne peuvent être tenues parce que le système ne peut pas fonctionner selon les modalités qu'il propose! M. Marcet peut bien nous dire que, de tout cela, il s'en fout, que son problème, c'est de préparer la facture pour la faire payer à ceux qui en seront les victimes... Monsieur Marcet, je peux vous dire que cela ne se passera pas aussi facilement que vous l'espérez: ce système ne fonctionne pas, les gens le savent, et nous nous battrons à leurs côtés pour que ceux qui l'ont érigé rendent l'argent qu'ils ont pris dans les poches des retraités!

Présidence de M. Bernard Lescaze, président.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Je suis admiratif de la manière avec laquelle M. Marcet fait semblant de ne vouloir discuter que de la motion pour, ensuite, parler des choses qu'il reproche aux autres.

Je rappelle que nous souhaitons que la commission des finances examine cette motion et qu'elle puisse procéder également, je le répète, à l'audition des différents milieux concernés. Le résultat nous démontrera qu'il y a beaucoup de mensonges dans ce qu'écrit M. Kunz dans l'article paru dans la «Tribune de Genève» d'hier.

Cela étant dit, il n'a jamais été question que les assurés de la CIA obtiennent les 70% de leur salaire. Il faut savoir qu'au mieux, en ce qui concerne les salaires de la fonction publique, c'est 50% à 60% du dernier salaire que toucheront les cotisants. D'ailleurs, nous reconsidérerons tout cela lors du traitement de cette motion par la commission des finances, ainsi que lors de l'assemblée plénière au retour de la motion.

M. Philippe Glatz (PDC). La gauche adopte, au cours de ce débat, une position qui cherche à «noyer le poisson». En effet, tant Mme Leuenberger que M. Marcet ont dit que cette motion ne demande qu'à faire le bilan et à donner l'état de la situation actuelle.

J'ai bien entendu M. Spielmann dire que le système n'était pas bon et qu'il faudrait le changer. Eh bien, Monsieur Spielmann, pour faire un bilan d'une situation, il faut en connaître les problèmes!

Cette motion n'a pour but que de faire un bilan de la situation. Je vous rappelle, à ce titre, les trois invites: il s'agit de lister les caisses de pensions dont l'Etat répond soit directement, soit comme garant; il s'agit de chiffrer le montant correspondant à la sous-couverture des caisses de pensions - de la CIA en particulier - au 31 décembre 2002; enfin, il s'agit de chiffrer la provision pour risques et charges que l'Etat a constitué ou devrait constituer en relation avec ces risques.

Cette motion nous fournira ainsi des éléments qui nous permettront de nous pencher plus avant sur le système que vous souhaitez réformer, Monsieur Spielmann!

M. Claude Marcet (UDC). Je n'ai jamais dit que «je me foutais du social»! J'ai dit que je me foutais de discuter maintenant d'un sujet qui n'est pas à l'ordre du jour, c'est tout! Vous avez le chic, Monsieur Spielmann, de nous parler des mers du Sud quand on vous parle des glaces du Nord... (Rires.)Alors, s'il vous plaît, remettons le sujet en place et ne discutons que de ce dernier, ne discutons pas de ce qui ne le concerne pas! Ce que nous voulons actuellement, c'est savoir, un point c'est tout!

Le président . M. Spielmann a redemandé la parole parce qu'il considère avoir été mis en cause. Je la lui donne, brièvement, mais évitez de faire une partie de ping-pong!

M. Jean Spielmann (AdG). Si M. Marcet avait lu le document que le Grand Conseil lui a remis et si M. Iselin lui avait communiqué ce qu'on a dit à la commission des finances, il aurait tous les chiffres qu'il demande.

En fait, ce que veut M. Marcet, c'est autre chose! Parce que les chiffres sont au pied du bilan; ils sont connus, on en a parlé encore hier en commission des finances. Mesdames et Messieurs les députés, imprimons cela et distribuons-le, de sorte que ceux qui ne trouvent pas les chiffres à la lecture des comptes qu'ils sont chargés d'examiner les obtiennent!

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, mon collègue Cramer, qui vient d'arriver, est soulagé; il ne pouvait pas venir avant 09h15, il était soucieux de savoir si ces points allaient être examinés en son absence... le voici rassuré.

Je pense qu'on aurait pu éviter une large partie de ce débat si vous aviez accepté de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Les députés membres de la commission de contrôle de gestion soulèvent un certain nombre de questions qu'il est légitime de poser. Je rappelle par ailleurs que ces questions ont déjà été formulées, puisque dès le mois de janvier - et bien que cela ne figure pas au pied du bilan - j'ai interrogé les caisses de pensions concernant les employés de l'Etat et des institutions subventionnées afin de connaître - comme nous en avons l'obligation - l'état de leurs finances et, plus particulièrement, la garantie de rendement à 4,5% que vous semblez tous ignorer dans ce parlement. Il ne s'agit pas d'une garantie de taux de couverture, cela constitue d'ailleurs la seule erreur inscrite dans le libellé de la motion. Je rappelle que, de par les lois, nous disposons de garanties totales de l'Etat sur toutes les caisses de pensions, c'est-à-dire que l'Etat peut être amené à payer des prestations si l'une des caisses n'était pas en mesure de les assumer dans la totalité. Cela n'a pas lieu d'être pour l'instant et aucune raison ne le laisse penser.

En revanche, il y a lieu d'ouvrir un débat en ce qui concerne la garantie du taux de rendement afin de savoir si l'Etat doit garantir le rendement en complément de la garantie totale. Et ceci est susceptible d'être, dès aujourd'hui, le fruit de décaissements en ce qui concerne une autre caisse de pension que la CIA.

Je crois pouvoir dire que, dans le cadre d'une gestion paritaire de nature complexe, aucune de ces caisses de pensions n'a spéculé ou agi de manière répréhensible durant les dernières années. D'ailleurs, vous étiez suffisamment représentés, dans vos partis respectifs, pour valider cela. D'autant plus, Monsieur Spielmann, que c'est justement un représentant de votre parti, M. Ducommun, qui préside actuellement la CIA, non pas à ce titre, mais parce qu'il représente le secteur des employés.

Mesdames et Messieurs les députés, je pense que soit vous décidez de renvoyer cette motion à la commission de contrôle de gestion, soit - et je considère que c'est l'hypothèse la plus raisonnable - vous décidez de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Nous donnerons tous les renseignements nécessaires, dont certains, comme la double garantie, sont encore en cours de récolte.

Mais je pense que, pour le bien des retraités et futurs retraités, nous devons garder une certaine dignité dans le débat tenu en ce parlement. Je considère comme déraisonnable, quelles que soient les vertus qu'offre le deuxième pilier, le fait de causer craintes et incertitudes, comme cela vient d'avoir lieu, sans apporter ni propositions ni solutions. Nous sommes tous responsables de la vie des gens quant aux engagements de l'Etat à leur égard, que ces derniers travaillent ou pas. Nous devons impérativement traiter ce problème de manière raisonnable.

Je remercie la commission de contrôle de gestion d'avoir posé ces questions. Le Conseil d'Etat entend bien répondre à chacune d'elles, mais dans la sérénité aussi. (Applaudissements.)

Mise aux voix, la proposition de renvoi à la commission des finances est rejetée.

Mise aux voix, la proposition de renvoi à la commission de contrôle de gestion est rejetée.

Mise aux voix, la motion 1525 est adoptée.