République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 4 avril 2003 à 20h45
55e législature - 2e année - 7e session - 38e séance
M 1492
Débat
M. Souhail Mouhanna (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur est interpellé.)Non, Monsieur Weiss, je ne me réveille pas ! Vous avez pu constater toute la soirée que j'étais bien éveillé ! Mais vous n'étiez pas souvent là pour le voir ! C'est aussi simple que cela ! (Brouhaha.)
Le président. Monsieur Mouhanna, veuillez vous adresser à l'assemblée ou à moi-même, mais vous n'interpellez pas notre collègue Weiss !
M. Souhail Mouhanna. Il faut alors demander à M. Weiss de ne pas m'interrompre, Monsieur le président ! (Rires.)Je pensais que M. Iselin, l'un des auteurs de cette motion, parlerait avant moi. C'est pour cela que j'ai tardé à appuyer sur le bouton de demande de parole !
A sa lecture, je suis très surpris par ce projet de motion. En effet, le groupe UDC veut nous faire croire qu'il tient absolument à ce que l'on diminue la dette de l'Etat de Genève. Que propose-t-il ? Il propose que, par exemple, le solde non dépensé de la masse salariale soit affecté, aux deux tiers, à la diminution de la dette. Or, le non-dépensé, Mesdames et Messieurs les députés de l'UDC, ce sont actuellement les trois tiers! Ce qui n'est pas dépensé apparaît dans les comptes. Par conséquent, vous n'inventez pas la poudre de ce point de vue-là, dans la mesure où vous savez bien où va l'argent non dépensé!
Vous avez simplement démontré tout à l'heure que vous aviez un peu de peine à lire les comptes: M. Iselin a parlé d'un boni de 24 millions qui aurait pu être un déficit de 300 millions; il a aussi parlé une fois de 4000 ou 5000 postes de trop à l'Etat, etc. Nous verrons avec d'autres motions que vous avez présentées qu'il s'avère finalement un peu difficile de comprendre les choses. Mais ce qui me fait réagir, ce n'est pas exactement cet aspect de votre motion, c'est le peu de considération que vous avez pour le personnel des services publics. En effet, que préconisez-vous ? Vous préconisez que le troisième tiers du solde soit réparti en toute équité, sans considération de rang, entre les fonctionnaires employés de l'Etat les plus méritants!
Je crois, Mesdames et Messieurs, que vous avez une piètre image du personnel des services publics ! L'immense majorité du personnel des services publics est attachée à un certain nombre de valeurs citoyennes: faire correctement le travail au plus près de sa conscience; faire justement les choses de sorte que l'Etat social soit défendu et que les prestations à la population soient assurées.
L'immense majorité du personnel de l'Etat ne veut pas de ce cadeau empoisonné: avec ce que vous préconisez, vous proposez en réalité qu'un certain nombre de personnes puissent profiter d'un non-dépensé sur le plan salarial découlant d'une absence, d'un départ, d'un accident ou de quelque chose comme cela. Vous incitez ainsi les gens à ne pas remplacer les départs ou les accidentés et, par conséquent, à ce que les prestations ne soient pas assurées! Vous voulez faire en sorte que le culte du profit, le culte de l'argent, soit l'élément moteur des personnes qui travaillent dans le service public! Là, vous êtes complètement à côté!
Une telle proposition est véritablement indécente. Je demande que l'entrée en matière concernant cette motion soit refusée!
M. Robert Iselin (UDC). Je crois que l'exposé des motifs et les développements qui précèdent sont suffisamment explicites.
Je regrette, étant donné l'amitié que je lui porte - et je crois que c'est réciproque - que le député Mouhanna n'ait pas très bien compris le but de ma démarche. Elle relève évidemment de la satanée tradition à laquelle j'appartiens, qui n'aime pas beaucoup que l'on gaspille l'argent et qui considère que, lorsqu'on a des dettes, la première chose à faire est de les rembourser!
Je n'arrive pas à comprendre, et j'en ai eu confirmation par des personnes très haut placées, que le solde non utilisé en fin d'année soit, comme cela s'est produit à fin 2001, distribué au personnel sans beaucoup de discernement, pour des montants tels que je n'arrive pas à le croire, et que l'on recommence en 2002, le montant étant ici connu, il s'agit de 8,2 millions de francs.
Je suis désolé, cher Monsieur Mouhanna, j'appartiens à une tradition où, lorsqu'on a des dettes, on les rembourse dès que l'on peut, même s'il s'agit de petits montants!
Cela me fait mal de voir la Cité de Genève, qui est tout de même ma seconde patrie, s'enfoncer dans de tels problèmes financiers. Vous pouvez bien me dire que j'ai tort, vous en avez le droit, j'écouterai toujours, mais, pour l'instant, je pense que la situation financière de cet Etat n'est pas bonne et que tous les moyens sont bons pour essayer de la redresser. C'est le but de cette motion.
Il y a un autre but derrière. Il ne vous plaira peut-être pas beaucoup, mais il provient évidemment de mon parcours dans le secteur privé. Il y a certes beaucoup de fonctionnaires qui travaillent très bien, ceux-là doivent être récompensés. Mais ceux qui - on les connaît apparemment, car des hauts fonctionnaires en parlen, et vous pouvez me mettre la plante des pieds sur des bougies, je ne donnerai pas leur nom! Eh bien, ceux qui travaillent mal ne devraient pas être récompensés en fin d'année! Vous verriez que ce principe, appliqué dans l'industrie privée, a quelques bons côtés.
M. Claude Blanc (PDC). M. Mouhanna s'est un peu emporté concernant ce projet de motion. Je pense que cela n'en valait pas la peine, mon cher collègue ! Pour ma part, il m'a plutôt fait sourire. Vous avez dit que nos collègues n'avaient pas «inventé la poudre»; j'ai considéré qu'ils débitaient des lapalissades. Nous pouvons en fait nous rejoindre sur ce point.
Les postes non occupés dans l'administration, les salaires budgétisés qui n'ont pas été payés pour cause de non-occupation des postes viennent, cela semble couler de source, dans la constitution du boni de l'Etat, s'il y en a un, ou dans l'amortissement du découvert, s'il y en a malheureusement un. Les règles comptables sont claires. Il n'y a pas besoin de discuter longtemps pour savoir ce qu'est un boni et comment l'on constitue le boni, sinon en économisant sur ce que l'on avait prévu de dépenser. Ce n'était donc pas la peine de vous énerver pour cela ! Il faut plutôt sourire dans certaines circonstances !
Pour le reste, la deuxième partie de la motion me fait encore plus sourire, car M. Iselin, d'après ce que j'ai compris de ce qu'il a dit, est l'unique auteur de ce projet. Il a en effet toujours parlé à la première personne du singulier. M. Iselin appartient évidemment à une génération et à une école, heureusement passées, où le patron distribuait à la fin de l'année les étrennes selon les mérites des uns et des autres. Dans une administration qui compte environ 30 000 personnes, je vois très mal Mme Brunschwig Graf se mettre derrière sa table le 31 décembre et distribuer, comme cela, sur leur bonne mine, des récompenses à un certain nombre de fonctionnaires, d'une manière qui sera de toute façon arbitraire.
Il vaut mieux que nous reconsidérions la façon d'apprécier le traitement de la fonction publique plutôt que de revenir à des méthodes qui datent du XIXe siècle. Il ne fallait donc pas s'énerver, Monsieur Mouhanna ! C'est tout ce que l'on peut dire de cette motion.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'aimerais apporter une clarification à ce qui a été exprimé dans cette enceinte, notamment par M. le député Blanc qui pourrait aller à confesse ce week-end pour les inepties qu'il a dites ce soir ! (Huées.)
Cette motion est le fruit d'une discussion que plusieurs députés de notre formation ont eue au début janvier 2002 avec Mme la conseillère fédérale Calmy-Rey, qui nous confirmait alors que le solde non utilisé de la masse salariale de la fonction publique de l'Etat de Genève, qui se montait, sauf erreur de ma part, à environ 30 ou 50 millions de francs en 2001, avait été distribué, dans la propre compétence du Conseil d'Etat, à l'ensemble des fonctionnaires du personnel de l'Etat... (Exclamations.)Le rapport de budget 2002 fait état d'une dépense similaire, puisque les postes ont été repourvus en grande partie, de 8 millions qui ont également été distribués.
Dans l'esprit du programme politique du parti démocrate-chrétien, que l'on voit dans toute la ville dans le cadre des élections municipales, parti qui prône une saine gestion des dépenses publiques, il nous paraît logique que cette motion soit soutenue par le parti démocrate-chrétien, puisqu'elle va exactement dans le sens de son programme politique !
J'aimerais ajouter à l'attention de M. Mouhanna qu'il ne doit pas oublier que les 67% de la population de ce canton ont voté - il n'y a pas si longtemps de cela - la loi sur le personnel de la Confédération, qui prône notamment le salaire à la prestation. Nous n'allons pas si loin: nous proposons simplement qu'une partie du solde non utilisé du budget soit effectivement distribué au personnel qui travaille dans des conditions difficiles, par manque d'effectifs. Cette distribution ne doit pas se faire selon la politique de l'arrosoir, mais par rapport à des prestations évaluées.
Je propose que cette motion soit envoyée à la commission qui convienne.
Le président. Cela nous éclaire!
M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, je ne sais pas si c'est le rôle du président de faire des commentaires de ce genre...
Le Président. Monsieur le député, je cherchais la commission adéquate pour le renvoi de cette motion. Ce n'était donc effectivement pas très précis! Allez-y!
M. Rémy Pagani. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je viens d'apprendre quelque chose de la bouche de M. Catelain, c'est qu'un boni de cinquante millions aurait été distribué... en dessous-de-table, car les règles de l'Etat au niveau salarial sont assez précises. Il existe en effet une grille salariale, des normes, des règles très précises. L'avantage se situe justement là: tous les fonctionnaires sont placés sur un pied d'égalité. Je suis donc stupéfait et étonné! Tout cela me semble peu conforme à la vérité. Cela se saurait. J'attends donc des explications assez rapides de Mme Brunschwig Graf. S'il devait s'agir d'une nouvelle méthode, je la trouverais largement criticable. Que l'on paie des heures supplémentaires, c'est une chose, qui est d'ailleurs passée devant notre Grand Conseil, mais que l'on reverse des bonis à certains fonctionnaires plutôt qu'à d'autres sans aucun critère, cela me paraît assez hypothétique. S'il s'agit d'une rumeur, il faut y mettre un terme tout de suite. Je n'ai jamais entendu qu'une pratique de ce genre ait cours dans notre administration, alors que je crois quelque peu connaître les pratiques salariales de notre administration.
Deuxième problème: on cite en exemple le secteur privé pour montrer combien est géniale la rétribution au mérite. Nous en arrivons, dans ce canton, au terme de dix ans de néolibéralisme. Certaines entreprises pratiquent la rétribution au mérite depuis dix ans. Pour ce faire, elles ont dû mettre en place des évaluations, car le mérite, bien évidemment, nécessite qu'on l'évalue, que l'on instaure un certain nombres de critères. Des entreprises ou des organisations bien connues en arrivent petit à petit au constat que tout ceci s'avère ingérable. Il apparaît en effet ingérable de mettre en place des critères pour évaluer les performances des uns et des autres. Chacun sait que nous sommes tous différents. Certains effectuent le travail très rapidement et se tournent ensuite les pouces - il y a des égalités réelles dans le domaine - alors que d'autres font le même travail très lentement. Dans ce cas, le responsable chargé de le faire évaluera l'un et l'autre très différemment. Cela cause un «cancer» dans les entreprises, une division du personnel inimaginable. C'est pourquoi, bien des entreprises abandonnent ce système pour en revenir à des notions qui semblent acquises au sein de l'Etat, à savoir l'évaluation des postes, du travail à faire, des compétences des collaborateurs, des compétences de formation. Tous ces critères, admis pour élaborer la grille salariale de l'Etat, permettent d'aboutir à une certaine égalité de traitement entre les employés et à un esprit d'entreprise qui fait malheureusement défaut dans certaines sociétés. C'est d'ailleurs pour cela que ces entreprises font faillite. De ce point de vue là, nous n'avons pas l'intention de laisser s'introduire dans l'administration cantonale ce «cancer» qui se traduit par la faillite de certaines entreprises. C'est pourquoi nous nous opposerons de manière résolue à cette motion.
M. Souhail Mouhanna (AdG). J'aimerais tout d'abord dire à M. Catelain, en ce qui concerne le vote de Genève relatif au statut du personnel fédéral, que vous confondez les votes, Monsieur Catelain ! D'un vote à l'autre, il y a beaucoup de choses qui peuvent changer...
En ce qui concerne votre proposition, on peut organiser une consultation du personnel pour savoir s'il acceptera votre cadeau. Vous verrez que c'est à 80%, pour ne pas dire plus, qu'il refusera le cadeau empoisonné que vous voulez lui faire ! Vous plaignez également le personnel par rapport aux conditions de travail en raison du manque d'effectifs alors que votre groupe propose déjà de supprimer des milliers de postes pour diminuer les effectifs de plusieurs milliers d'unités! Et vous venez nous dire que vous êtres soucieux de la santé et des conditions de travail du personnel? Un peu moins d'hypocrisie et un peu plus de sérieux!
Je vous donne un chiffre. Il s'agit, comme vous l'avez précisé, Monsieur, d'une chose que tout le monde sait. Le Conseil d'Etat a affecté 0,7% de la masse salariale des salaires du personnel à une indexation votée ici, au Grand Conseil, avec le budget. Rien ne se passe donc en dessous de la table! Mais cela ne représente qu'une goutte d'eau par rapport au manque d'indexation au sein de la fonction publique. J'ai obtenu les chiffres ce matin. Mme la conseillère d'Etat peut vous les confirmer, car les chiffres proviennent de ses services. Que disent-il ? Depuis 1986, les salaires ont été indexés, pour le personnel de la fonction publique genevoise, de 29,82%, alors que l'indice genevois du coût de la vie a augmenté de 41,64% ! Les salaires de la fonction publique ont ainsi accusé, Monsieur Catelain, un retard d'indexation de 11,82%, y compris les 0,7% dont vous parlez. Or, vous voulez donner, non pas à tout le monde, parce qu'il s'agit d'une compensation très partielle de l'attaque menée contre le pouvoir d'achat de la fonction publique, mais vous voulez donner à quelques-uns pour avoir quelques obligés. Je le regrette et je propose que cette motion soit refusée !
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'imagine que c'est le dernier point de l'ordre du jour. Je ne vais donc pas abuser, mais quand même rappeler deux ou trois éléments.
En 2001, le différentiel entre le budget et les comptes, s'agissant des charges de personnel, était de l'ordre de 50 millions. Le montant consacré à la fonction publique était de l'ordre de 30 millions - mis dans une provision qui, pour 2002, a servi à verser une allocation représentant 0,7% de la masse salariale en décembre 2002, intégrée d'ailleurs à plein au salaire 2003 - et consacré également à financer une entrée dans une classe de fonction inférieure de niveau 1, alors que l'on entre aujourd'hui dans la fonction publique avec une classe de fonction inférieure de deux échelons par rapport à la confirmation qui a lieu trois ans plus tard. En 2002, le différentiel entre les comptes et le budget a été de l'ordre de 2,3 millions de francs et n'a donné lieu à aucune discussion. En 2003, compte tenu de la façon dont a été constitué le budget et d'un certain nombre d'éléments qui ne sont pas encore intégrés au budget, je doute fort que toute discussion permette d'imaginer trente secondes que nous ayons un différentiel qui ne permette aucun débat dans ce Grand Conseil quant à l'affectation des moyens.
Troisièmement, à ceux qui pensent - soit pour verser un salaire au mérite ou donner des avantages quelconques - que de distribuer le différentiel entre les comptes et le budget présente quoi que ce soit comme avantage salarial, je dis que cela n'a aucun sens! Parce que cela ne représente aucun avantage monétaire; parce que cela impute l'élément salarial de l'année suivante et parce que ces provisions sont constituées pour financer des avantages. Les provisions ne sont pas d'ordre monétaire, alors que les décaissements le sont. Cela signifie que, chaque fois que l'on effectue ce type d'opération, que ce soit pour des avantages, comme vous les avez évoqués, ou pour ce que vous avez trouvé justifié de faire dans les années précédentes, cela aboutit toujours au même résultat: cela aggrave la dette, Mesdames et Messieurs les députés! Parce qu'il n'y a aucune couverture sur le plan monétaire. En plus de cela, on est censé l'intégrer dans l'échelle salariale de l'année suivante.
Ni les uns ni les autres n'ont raison dans cette pratique! On discutera volontiers en d'autres lieux de savoir s'il faut ou non un salaire au mérite, c'est un débat de nature extrêmement politique et sur lequel je n'ai pas l'intention de me prononcer ici. Il y a en tout cas un débat stérile, celui consistant à distribuer d'hypothétiques gains entre les budgets et les comptes. Cela n'a absolument aucun sens, pour 2003 et probablement les années suivantes. Et au-delà, cela n'a aucun sens parce que nous ne risquons pas d'avoir ce type de différentiel!
Ce n'est pas le Grand Conseil qui a ratifié les avantages accordés à la fonction publique, parce que cela ne figure pas dans les lois et que vous ne l'avez pas décidé.
Quelles que soient vos couleurs politiques, il y a une pratique que nous ne devons plus poursuivre, c'est de distribuer des dividendes qui n'existent pas. Cela cause, premièremement, une illusion en termes financiers; deuxièmement, des attentes auxquelles nous ne pouvons pas répondre dans la durée et des hypothèques sur les masses salariales futures - que nous ne sommes même pas certains de pouvoir couvrir avec les recettes... (L'oratrice est interpellée.)
Monsieur le député, je crois savoir qu'il y a des lois, que nous les appliquons et que nous en poursuivrons l'application si elles ne sont pas modifiées. Je n'admets pas ici... (L'oratrice est interpellée.)
Le président. Monsieur Mouhanna, vous vous taisez !
Mme Martine Brunschwig Graf. Je souhaite dire une dernière chose, puisque M. Mouhanna tient absolument à intervenir: on peut refaire l'histoire, on peut discuter de savoir si l'on gère ou non les recettes fiscales et comment l'administration fiscale a été gérée durant une certaine période, c'est un sujet de débat et même les personnes concernées reconnaîtront que tout n'a pas été fait. Mais le gouvernement qui a été accusé, sur le plan des recettes fiscales, de ne pas avoir fait ce qu'il devait dans la totalité, a aussi été celui qui a assumé la charge la plus difficile! Si aucune mesure n'avait été prise à l'époque, nous aurions aujourd'hui 150 millions de plus à payer, par année, au niveau des ressources salariales. Toutes celles et tous ceux qui se félicitent aujourd'hui du boni de 24 millions devraient aussi assumer les 150 millions de différence que nous devrions payer! On peut bien discuter longuement de savoir s'il était opportun ou non de faire ceci ou cela, mais je n'admettrai pas de mettre en remettre en cause les efforts acceptés par la fonction publique, et cela difficilement, parfois même avec des grèves, avec des discussions et, souvent, des accords jusqu'à la fin 2001.
Je rappelle à ce propos que les lois n'ont pas été appliquées parce qu'un accord a été signé avec un gouvernement qui était un gouvernement de droite. L'accord, qui prévoyait de suspendre certains mécanismes, a bel et bien été signé; le gouvernement et le département des finances d'alors ont pu se targuer d'avoir des bonis pour quelques années... Cela n'aurait pas eu lieu si des mesures n'avaient pas été prises précédemment.
Je rends hommage à la fonction publique d'avoir fonctionné de la sorte durant cette période et d'avoir accepté des difficultés. Mais refaire aujourd'hui l'histoire n'a pas de sens et de justification!
M. Souhail Mouhanna (AdG). L'intervention de Mme la conseillère d'Etat ne peut pas me laisser indifférent dans la mesure où il y a un certain nombre d'affirmations que je conteste formellement. Parce que je sais comment les choses se sont passées! Le Conseil d'Etat a plusieurs fois violé, nous l'avons démontré et vous le savez, Madame, les accords signés avec la fonction publique! Vous savez très bien que c'est justement à cause de ces violations répétées, non seulement des accords, mais aussi des principes salariaux acceptés par la fonction publique, qu'il y a eu des grèves et des manifestations. Le Conseil d'Etat a finalement respecté, ne serait-ce que partiellement, un certain nombre d'obligations. Je ne peux pas accepter les leçons que vous êtes en train de donner à la fonction publique, Madame!
J'ai donné les chiffres tout à l'heure. Ce sont vos services, Madame, qui ont fait le calcul par rapport à la perte salariale dans la fonction publique de 1993 à 1998: il s'agit de 2,7 milliards ! C'est l'équivalent de la provision pour la Banque cantonale, montant qu'un certain nombre de personnes - que vous connaissez - ont coûté à la collectivité. Vous avez vous-même, Madame, donné dans les comptes 300 millions, affectés aux pertes au niveau de la Fondation de valorisation. Lorsque des centaines de millions sont payés, mis de côté en raison de manoeuvres frauduleuses, de manipulations et d'escroqueries par rapport à la Banque cantonale, cela pose beaucoup moins de problèmes! Mais lorsqu'il y a, par exemple, 12% d'indexation de salaire en moins sur une masse salariale de 3 milliards, cela fait 360 millions par année de non-indexation. Et vous cumulez ! Nous en sommes à 5 milliards aujourd'hui, c'est l'équivalent, justement, de ce que vous avez transféré à la Fondation de valorisation. La fonction publique ne vous demande pas de cadeaux, Madame, mais elle vous demande de reconnaître son travail et de payer les salaires selon la grilles et les normes salariales! C'est tout ce qu'elle vous demande! (Applaudissements.)
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Il est tard. Vous n'avez à aucun moment entendu parler dans cette enceinte de respect ou de violation de la loi, il n'était pas question de cela!
Nous ne sommes pas là, Monsieur Mouhanna, pour prendre en otage la fonction publique d'une façon ou d'une autre! J'ai rappelé tout à l'heure que la fonction publique a dû assumer un certain nombre d'efforts et de sacrifices, personne ici ne peut le nier ou ne pas le reconnaître; j'ai dit que, si elle ne l'avait pas fait, nous nous serions retrouvés ici à devoir constater des résultats difficiles.
On peut indéfiniment rejeter dans cette enceinte, d'un banc à l'autre, des responsabilités ou des argumentations sur ce sujet... Je pense que ce serait une grave erreur d'opposer sans cesse les intérêts de la fonction publique qui servent l'Etat et les difficultés que nous avons avec la Banque cantonale. Je le dis encore une fois: tous les partis étaient représentés dans la Banque cantonale... (Exclamations.)A part l'UDC !
Il ne s'agit pas ici de savoir ce qui était bien et ce qui ne l'était pas, il faut faire face à un certain nombre d'obligations, qu'elles concernent la fonction publique ou d'autres intérêts. Nous ne pouvons - et c'est le seul message qui est à l'origine de la motion - distribuer le différentiel entre ce que les comptes présentent et ce que le budget prévoit! C'est le seul message qui a été délivré dans cette enceinte, c'est le seul message auquel nous devons être attachés! Nous devons avoir le souci des deniers publics si nous voulons assumer nos obligations. Nous ne pouvons pas considérer que dépenser moins que ce que le budget prévoit constitue en quoi que ce soit et un bénéfice et un dividende! C'était le seul message de cette soirée et je crois que l'on ne peut pas le détourner, quelle que soit son opinion publique dans cette enceinte.
Le président. La parole n'est plus demandée. Par contre, le renvoi en commission, indéterminée pour l'instant, l'a été. La commission sera déterminée si le renvoi est accepté, ce dernier étant prioritaire par rapport au vote sur le fond de la motion.
Je mets aux voix la prise en considération et le renvoi en commission de cette motion. En cas de refus, nous voterons sur le fond de la motion, à savoir son renvoi au Conseil d'Etat.
Nous nous prononçons donc, par vote électronique, sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi en commission est rejeté par 37 non contre 23 oui et 1 abstention.
Le président. Je mets à présent aux voix le renvoi direct de cette motion au Conseil d'Etat. Si vous ne voulez pas accepter cette motion, il faut également voter contre ce renvoi. Je vous le signale afin que vous ne confondiez pas... (Brouhaha.)Il est tard et je ne voudrais pas que l'on se trompe!
Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 40 non contre 23 oui.
Le président. Nous avons terminé. Je vous souhaite une bonne rentrée dans vos foyers.