République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 4 avril 2003 à 20h45
55e législature - 2e année - 7e session - 38e séance
M 1467
Débat
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). Cette proposition a été déposée voilà neuf mois. Pour une fois, je dirai que cette circonstance a du bon, en ce sens que le département de l'action sociale et de la santé a eu l'occasion de nous faire part de son intention de créer un office cantonal des assurances sociales qui serait susceptible d'être l'un des lieux où cette motion pourrait aboutir.
En effet, différentes entités ont eu l'occasion dans le passé de souligner le problème que posait la prise en charge des avances AI, non seulement s'agissant de l'office chargé de gérer ces choses, mais aussi des bases légales de cette activité. En effet, Mesdames et Messieurs, c'est un emprunt quelque peu difficile qui a été demandé à l'Hospice général qui avait au départ une autre mission, celle d'assumer les conséquences du retard de l'office cantonal AI. Il est vrai que ce n'est pas le cas dans lequel des avances doivent être consenties. Mais les avances AI présentent la particularité d'être remboursées en pratique à des taux extrêmement élevés de 80 à 90%, ce qui les rapproche un peu plus des assurances sociales, telles qu'elles sont appliquées par l'office cantonal des personnes âgées, que de l'activité ordinaire de l'Hospice général. Par ailleurs, la situation précédente n'empêchait personne d'avoir accès à l'appui social dont il pouvait avoir besoin dans son itinéraire personnel.
Je ne sais donc pas pourquoi cet objet a passé dans les affaires du département des finances. Mais je suggère, pour qu'il soit uni à la démarche du revenu social unique déterminant et de la création d'un office cantonal des assurances sociales, qu'il soit envoyé à la commission des affaires sociales.
Mme Jocelyne Haller (AdG). La proposition de motion 1467 est sans doute pétrie de bonnes intentions. Malheureusement, outre un certain nombre d'erreurs sur les effets induits par le fait de bénéficier de prestations d'assistance, sur lesquelles je reviendrai ultérieurement, cette motion présente la caractéristique majeure de laisser à penser que le fait d'être assimilé à des assistés puisse déconsidérer une personne. Ce qui, il est vrai, est encore trop souvent le cas. Cependant, dans cette perspective, c'est moins le fait que certains groupes de population devraient être épargnés qui devraient nous importer que celui qui voit discréditer l'entier de la population se voyant allouer des prestations d'assistance publique ou d'entraide sociale. Si cette disqualification n'est pas acceptable, comme l'énoncent les motionnaires, pour les personnes qui reçoivent des prestations d'assistance dans l'attente d'une décision AI, pourquoi le serait-elle davantage pour d'autres catégories de personnes, telle cette femme avec des enfants, qui se retrouve sans ressources au seuil d'une séparation conjugale, ou encore cette personne dans l'attente de prestations de chômage, ou telle autre encore, dont les expériences de vie douloureuses l'ont amenée, au travers de la spirale de l'exclusion, à être privée de tous ses droits.
Ainsi donc, si l'on juge que l'exclusion de ces êtres ne peut en aucun cas justifier une quelconque stigmatisation, nos efforts ne doivent pas tendre, pour les préserver, à protéger certains d'un amalgame avec les autres, mais plutôt à oeuvrer, comme nous l'avons défendu dans le cadre de la campagne RMR, au nom de la dignité et de la solidarité, au respect des droits de chacun et à celui qui n'est pas le moindre, le droit à l'estime pour tous.
Il est par ailleurs nécessaire que vous sachiez, contrairement à ce qui est affirmé dans cette proposition de motion, que le fait de percevoir des prestations d'assistance, à quelque titre que ce soit, ne constitue en aucun cas un obstacle à la perception d'allocations logement. Preuve en est que les bénéficiaires d'assistance perçoivent bel et bien une aide au logement, en vertu du principe de subsidiarité.
En ce qui concerne le droit à recevoir des proches, l'Hospice général ne s'ingère, à ma connaissance, pas dans cette zone de la sphère privée des usagers qui sollicitent son intervention. En revanche, lorsqu'une cohabitation relève moins de la convivialité que d'une communauté d'intérêts de type union libre ou groupement familial ayant des incidences sur les ressources financières du groupe ainsi constitué, l'Hospice général prend en compte, conformément aux directives édictées par le DASS, les ressources et les charges de tous les cohabitants.
Enfin, et c'est là où le bât blesse, il est vrai que le fait d'être ou d'avoir été notablement à charge de la collectivité au travers des prestations reçues de l'Hospice général représente, cumulé à d'autres critères tels que délits pénaux ou comportements dits associaux, une raison pouvant constituer aux yeux de l'office cantonal de la population un motif de non-renouvellement ou de non-octroi de permis de séjour. Pour votre information, sachez que des travailleurs sociaux de l'Hospice général ont, en 1990, dénoncé à ce propos le caractère paradoxal et inacceptable qu'une aide allouée à une personne en difficulté par un service public puisse lui devenir préjudiciable en raison de l'interprétation qui en a été tirée par une autre administration ! Ils avaient alors obtenu que soient clairement distingués, dans les renseignements que l'Hospice général était tenu de fournir à l'OCP, les montants de l'aide affectée au loyer, ce qui représentait déjà au début des années 90 un poste largement conséquent, et que la mention «avance sur prestations d'assurances sociales» figure exclusivement lorsque cela a été le cas, préfigurant en cela, dans un contexte précis, le souci exprimé par les motionnaires.
Dans les faits, les personnes en attente de décisions AI ne sont pas les seules à subir un préjudice lorsque leurs dossiers ne sont pas traités dans les délais requis. Trop souvent, l'assistance publique se doit d'intervenir également dans l'attente que des usagers bénéficient de leurs indemnités de chômage, d'indemnités pour perte de gain, d'allocations familiales, de logement, d'apprentissage, etc. En l'occurrence, le dommage consiste autant pour la majeure partie à faire appel à un service social et à se voir ainsi cataloguée au registre des assistés qu'à devoir subsister avec des montants qui correspondent au minimum vital, ce qui, nous le savons par expérience, induit et entretient l'endettement des personnes et l'isolement social.
Aussi, considérant que la motion 1467 ne prend en compte qu'un aspect de la problématique particulièrement complexe de l'aide sociale et qu'elle privilégie indûment les seuls bénéficiaires de prestations d'assistance au titre d'avance sur les prestations AI, nous vous invitons à renvoyer à la commission des affaires sociales cette motion au contenu par trop incomplet. Nous vous proposons de compléter son examen par la motion 1497, d'ores et déjà renvoyée à la commission des affaires sociales, motion dont l'ambition consiste à recentrer le rôle et la finalité de l'aide sociale et à veiller à ce que soient traités avec diligence les dossiers de demande de prestations financières, qu'il s'agisse d'allocations de réajustement ou de demandes d'indemnités ou de rentes. Seules des mesures de cet ordre seront susceptibles de restaurer les usagers dans leurs droits et de prévenir une orientation inappropriée vers l'assistance publique de bénéficiaires qui relèvent des compétences d'autres instances administratives ou sociales. Comme nous l'avons fait pour ces autres textes, nous préconisons que les motions 1467 et 1497 soient traitées simultanément par la commission des affaires sociales et qu'elles rejoignent en cela le projet de loi 8867, qui est actuellement à l'examen de cette même commission.
Le président. Vos demandes sont certainement légitimes, mais il appartient à la commission des affaires sociales d'en décider !
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Le parti démocrate-chrétien attache la plus grande importance à la dignité de tous les citoyens de notre République et tout particulièrement à ceux qui risquent d'en être exclus. Les personnes qui doivent bénéficier de l'assurance-invalidité ne méritent évidemment pas d'être stigmatisées comme mendiant une prestation d'assurance à laquelle ils ont droit. Les procédures, trop longues à ce jour, sont en voie de réorganisation afin de réduire les délais. Devons-nous créer un autre service ? Devons-nous créer d'autres instances ? Ou rendre encore plus performants ceux qui existent déjà ? Le travail en commission des affaires sociales permettra de donner des réponses à cet important objet et nous vous recommandons de le renvoyer à cette commission.
Cette proposition de motion est renvoyée à la commission des affaires sociales.