République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 28 mars 2003 à 14h
55e législature - 2e année - 6e session - 31e séance
PL 7618-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
M. Florian Barro (L), rapporteur. Vous aurez constaté, Mesdames et Messieurs, si vous vous êtes donné la peine de lire mon rapport, que ce projet de loi date déjà de plus de cinq ans. Je tiens à préciser que c'est d'entente avec la commission des travaux et des conseillers d'Etat qui se sont succédés au DAEL et au DJPS que ce projet de loi n'avait pas été déposé à l'issue des travaux en commission, en 1999 sauf erreur. Le projet est en train de ressurgir et de reprendre de l'actualité, c'est pourquoi il a été déposé. Pour ma part, en déposant ce rapport, j'ai sollicité l'administration pour mettre à jour le coût probable de l'ouvrage afin que le crédit soit adapté aux circonstances actuelles.
En ce qui concerne la pétition, elle figure dans mon rapport et, si elle demande clairement que la passerelle ne soit pas construite, elle reste ambiguë au sujet de la passerelle de l'Ecole-de-médecine qui n'est pas une propriété de la Ville de Genève et au sujet de laquelle nous ne pouvons donc rien décider.
Je vous suggère, Mesdames et Messieurs, de voter ce projet de loi.
M. Rémy Pagani (AdG). Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, a été déposé au siècle passé et j'espérais que M. Barro demande le renvoi en commission. Le dépôt de ce projet date de 1997. Lors de l'avant-dernière législature, mon ancien collègue Luc Gilly aurait dû faire un rapport qu'il n'a pas fait et je remercie M. Barro de lui avoir suppléé. La commission a retravaillé sur ce projet et il nous a été dit - je parle sous le contrôle de M. Moutinot - que cette passerelle ne pouvait pas être construite dans l'alignement de la rue Sainte-Clotilde. Il faudra la construire de biais parce que Firmenich a des projets de construction de logements sur les terrains sur lesquels devait déboucher la passerelle. C'est là où se situe actuellement le théâtre de la Parfumerie qui se trouve exactement sur la pile d'accrochage de cette passerelle.
Le rapport de M. Barro ne fait pas état de ces discussions. Nous en étions resté, si ma mémoire de me trahit pas, à l'idée de faire étudier par le département une variante en biais qui permettrait d'accrocher la passerelle à côté du Théâtre du Loup sur la rive gauche et à la rue Sainte-Clotilde sur la rive droite. Nous aurions donc la colonne de chauffage à distance et une passerelle piétonne ainsi qu'une voie d'accès réservée aux ambulances de la police. Je crois que nous avions même fait étudier la variante plus étroite qui était beaucoup plus chère que celle qui nous est proposée ici. La question qui se pose aujourd'hui de façon technique, c'est de savoir si nous n'avons pas intérêt à rejeter le projet de loi 7618-A et à attendre le dépôt d'un nouveau projet du Conseil d'Etat, ou s'il est préférable de renvoyer ce projet en commission pour qu'il soit tenu compte des dernières variantes proposées. Je vous signale d'ailleurs qu'une troisième variante a été proposée par les habitants qui consistait simplement à construire sur la rive une passerelle en dur et de l'installer en une nuit. Cette solution coûterait environ 700'000 F ce qui fait une différence substantielle avec les 4,5 millions du projet de loi actuel. En outre, cette troisième variante aurait pu mettre tout le monde d'accord puisqu'elle prévoyait le passage de la colonne de chauffage à distance et un cheminement piétonnier et cycliste.
Je vous propose, Monsieur le président, de trancher, mais, pour ma part, je suis plutôt favorable au renvoi en commission.
Le président. Il ne m'appartient pas de trancher, Monsieur le député, soit vous demandez formellement le renvoi en commission, soit nous poursuivons la procédure. Pour l'instant, je considère que vous n'avez pas formellement demandé le renvoi.
M. Claude Blanc (PDC). M. Pagani vient de s'emberlificoter dans toute une série d'explications plus ou moins cohérentes en oubliant de dire à ce Grand Conseil pour quelle raison véritable ce projet n'arrive qu'aujourd'hui devant notre Parlement. En réalité, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet avait été étudié par la commission des travaux dont je faisais partie à l'époque lors de l'avant-dernière législature, soit juste avant la catastrophe de l'automne 1997, je veux parler de l'arrivée dans ce parlement d'une majorité de gauche. La commission des travaux avait voté ce projet à l'époque contre l'avis de la gauche, la majorité à changé et nous nous sommes rendu compte qu'il était inutile que M. Barro dépose son rapport dans la mesure où le projet serait rejeté par la majorité d'alors. Il arrive donc qu'il soit bon d'attendre et au lendemain des dernières élections j'ai dit à M. Barro qu'il pourrait enfin déposer son rapport, ce qu'il a fait après quelques aménagements. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.
Quelle est la véritable raison pour laquelle la gauche refusait ce projet de loi ? M. Pagani peut raconter tout ce qu'il veut, la réalité, c'est que ce projet de loi prévoit une passerelle qui donne à la police une deuxième voie de sortie pour le cas où elle ne pourrait pas sortir du poste de la Gravière par les voies ordinaires. Et c'est de cela que la gauche ne veut pas. La gauche veut, sans que M. Pagani le dise aujourd'hui, qu'on puisse emprisonner la police dans son... (Rires. Exclamations.)Oui, Mesdames et Messieurs, je dis ce qui est! Il est très facile de bloquer la rue de la Gravière et si la police n'a pas d'autres moyens de sortir, elle se trouve prisonnière. Un des buts de cette passerelle, c'était précisément de permettre à la police d'échapper à un éventuel blocage. Alors on comprend bien pourquoi la gauche veut emprisonner la police, mais nous ne sommes pas obligés de partager son point de vue. La police est là pour faire le travail qu'on attend d'elle; elle doit pouvoir agir en toutes circonstances, même quand certains veulent l'empêcher d'agir. Nous nous trouvons maintenant dans des situations conflictuelles diverses qui font qu'il pourrait être à nouveau nécessaire que la police intervienne rapidement tandis que certains auraient intérêt à ne pas la laisser intervenir. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de bien peser les intérêts: voulons-nous une police qui peut intervenir quand on en a besoin ou une police qui se laisse emprisonner dans son cagibi au bord de l'Arve?
Le président. J'aimerais que le brouhaha qui règne s'apaise. Ceux qui ne souhaitent pas entendre le débat peuvent sortir, on sonnera pour le vote.
M. Alberto Velasco (S). Comme l'a dit M Pagani, ce projet de loi est passé deux fois en commission. Le rapport de M. Barro correspond à un travail fait avant 1997 comme l'a indiqué M. Blanc, mais il est exact que le Conseil d'Etat a proposé une nouvelle variante dans laquelle la largeur de la passerelle est beaucoup plus importante que précédemment. Suite à cette proposition, la commission a travaillé sur une variante supplémentaire avec une passerelle de largeur restreinte et dédiée certes au passage des services publics - la police et les ambulances - mais surtout aux piétons et aux cyclistes. Ce projet prévoyait des bornes interdisant tout autre usage. Les socialistes ont approuvé cette version-là parce qu'elle avait un aspect positif, à savoir l'utilisation dans le bâtiment de Science III d'une partie de l'énergie produite et non utilisée à l'Hôtel de police. A cela s'ajoute que l'on offrait aux citoyens la possibilité de se déplacer de la Jonction à la patinoire ou au théâtre situé de l'autre côté de l'Arve. Tous ces éléments nous ont porté à considérer qu'il s'agissait d'un projet d'utilité publique.
Malheureusement, ce n'est pas ce projet qu'on nous soumet aujourd'hui. Le projet présenté par le rapport de M. Barro est plus large que le projet initial. Dès lors, j'aimerais savoir si le Conseil d'Etat souhaite reprendre les travaux suspendus par la commission au sujet de la largeur de la passerelle. Avant de donner la position du PS, j'aimerais savoir ce que va faire le Conseil d'Etat.
M. Gilbert Catelain (UDC). Il apparaît effectivement, à vous entendre, que le projet ne fait pas l'unanimité et que la situation est trouble, comme si des vents de sable s'étaient levés sur le quai des Brômes.
J'aimerais rappeler que lors de la séance d'hier soir les partis de gauche ont, à juste titre, invoqué l'article 128 de notre règlement dans le cadre du débat sur la concrétisation de l'IN 116. Cet article prévoit qu'un projet doit être financé pour passer la rampe. Or, manifestement ce n'est pas le cas pour ce projet de près de 4,7 millions. L'article 4 indique en effet que les crédits sont assurés par le recours à l'emprunt, c'est dire que le règlement n'est pas respecté. Ayant pour ma part une ligne de conduite, je suggérerais même que tous les projets qui n'ont pas de financement ne parviennent même pas devant ce Grand Conseil. Il ne fait pas de doute qu'on y gagnerait en temps et en salive.
L'UDC n'est pas opposée à un renvoi en commission ou à un rejet pur et simple de ce projet. Pour répondre à M. Blanc qui se soucie beaucoup de la police genevoise, ce dont je le remercie, j'indiquerai que 4 millions pour permettre à la police de s'extraire de son poste est un peu excessif. Une passerelle à 1 million devrait faire l'affaire, n'est-ce pas ?
Pour tous ces motifs, je crois que nous ne pouvons pas soutenir ce projet.
Le président. Je rappelle que les projets de loi du Conseil d'Etat ne sont pas soumis à l'article 128. De surcroît, l'article 3 du projet fait explicitement référence au budget d'investissement.
M. Rémy Pagani (AdG). Je ne veux pas consacrer trop de temps aux inepties habituelles de M. Blanc qui fait croire à notre assemblée que la police serait confinée dans un cagibi à la Queue-d'Arve. Mesdames et Messieurs les députés, c'est vous-mêmes qui avez décidé - moi je ne siégeais pas encore ici - d'implanter l'Hôtel de police à cet endroit.
Sérieusement, Monsieur Blanc, vous n'y avez pas beaucoup mis les pieds, parce que prétendre que la police pourrait être empêchée de sortir de son poste est un peu ridicule. La route qui est devant l'hôtel de police est immense et il existe en outre un dégagement vers Firmenich.
Le problème est ailleurs et notamment dans le rapport de M. Barro. Il y a une question formelle: la police a été auditionnée et le compte rendu de l'audition ne figure pas dans le rapport puisqu'il ne porte que sur les travaux de l'avant-dernière législature, soit de 1994 à 1997. Pourtant, la commission a travaillé durant la précédente législature, celle qui vous a donné de l'urticaire, Monsieur Blanc. Ces travaux ont aussi porté sur la question du chauffage à distance: M. Krebs, notre ancien collègue, avait émis toute une série de réserves fondées, indiquant notamment que le risque de gaspillage d'énergie et d'argent était grand si l'on cherchait à imposer ce chauffage à distance. Cette installation n'avait d'ailleurs pas trouvé - aux dires du rapporteur d'alors - l'assentiment d'une majorité de la commission.
Je demande formellement le renvoi en commission parce qu'il y a des éléments qui manquent dans ce rapport. L'intervention de M. Blanc est tout à fait caractéristique puisqu'il se base sur la configuration d'il y a huit ans pour justifier cette passerelle, alors qu'à mon avis il faut prendre en compte l'ensemble des réflexions menées par la commission depuis 1997.
J'aimerais indiquer encore que la police n'a été confrontée qu'une fois en dix ans à un risque d'encerclement par une petite bande de jeunes qui s'était rendue à cette endroit. Allons-nous dépenser 4 millions pour cent personnes qui une fois en dix ans ont menacé d'encercler la police ? Mesdames et Messieurs, cela n'est pas raisonnable et les arguments de M. Blanc ne sont pas justifiés.
Renvoyons ce projet en commission et cela nous donnera l'occasion de faire un rapport circonstancié sur le chauffage à distance et sur les besoins de la police! Cela nous donnera surtout l'occasion d'étudier la variante beaucoup plus économique que le département a déjà étudiée.
Le président. M. Pagani vient de demander formellement le renvoi en commission. Les intervenants s'expriment maintenant sur le renvoi exclusivement.
M. Florian Barro (L), rapporteur. Le fait que le rapport du projet de loi dont nous discutons n'ait pas été déposé à l'époque, mais ait fait l'objet de discussions ultérieures à la commission des travaux montre bien que des informations ont été dispensées aux commissaires et que le Conseil d'Etat a maintenu sa position sur les éléments contenus dans ce rapport; en particulier en ce qui concerne le chauffage à distance, les besoins de la police et les possibilités de transports publics et piétons. C'est la conjonction de tous ces éléments contenus dans ce projet qui en font l'intérêt.
Je vous renvoie en outre à la page 26 du rapport qui mentionne le taux de couverture de ce projet. Il est assez rare pour un investissement de ce type-là que le taux de couverture soit aussi intéressant. En l'occurrence il provient des économies d'énergies induites.
Je vous demande, Mesdames et Messieurs, de ne pas renvoyer ce projet de loi. Les discussions ont eu lieu entre le vote de 1997 et le dépôt du rapport, les informations ont été données, l'évolution du projet a été enregistrée, mais les variantes ont été rejetées.
J'ajoute que la passerelle coûte 4,8 millions in globo, c'est-à-dire y compris les installations de chauffage à distance qui représentent environ 800'000 F. Donc la part que l'on pourrait donner à la police ascende plutôt à 2,5 millions et non pas à 4,8 millions comme M. Catelain l'a dit. Au reste, comme le président l'a souligné, les projets de loi du Conseil d'Etat ne sont pas soumis à l'article 128 du règlement.
M. Claude Blanc (PDC). Je m'oppose au renvoi en commission parce qu'il n'y a vraiment aucune raison de renvoyer ce projet en commission étant donné qu'il a été largement étudié par celle-ci.
J'aimerais seulement répondre à M. Pagani qu'on peut lire dans le rapport que cette passerelle a bien été voulue comme un complément indispensable à l'Hôtel de police. Qui présentait cette passerelle ainsi ? C'est l'ancien conseiller d'Etat Grobet, chef du DTP, lui-même. C'est ensuite qu'il a semblé à certains qu'il n'était pas souhaitable que la police dispose d'un deuxième dégagement et ils ont fait obstruction. Voilà la vérité, Mesdames et Messieurs les députés!
Le président. Dans la mesure où nous débattons du renvoi en commission, seul un député par groupe a la parole. Monsieur Pagani, vous parlerez ensuite si le renvoi en commission est rejeté. J'ajoute que ce sera votre dernière intervention dans ce débat. La parole est à M. Velasco.
M. Alberto Velasco (S). J'ai posé une question au Conseil d'Etat et j'aimerais que celui-ci y réponde. Le rapport de M. Barro fait référence aux études effectuées avant 1997 et je me demande si le travail effectué en commission ensuite sera pris en compte pour la réalisation de cette passerelle. Pour les socialistes, la réponse à cette question est déterminante pour prendre une décision sur le renvoi. Je répète donc ma question: si nous ne renvoyons pas ce projet en commission, la passerelle sera-t-elle construite selon les études effectuées après 1997?
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Il est vrai que l'examen de ce projet est une sorte de saga assez extraordinaire et les arguments à l'appui de ce projet ont varié dans le temps, il faut bien l'admettre. Il a été présenté tour à tour comme un projet de relance de la construction - vers 1997 - puis comme un projet d'économie d'énergie - dans les années 2000 - ou encore comme un projet de transports, notamment par la Ville de Genève qui, dans l'ouvrage qu'elle a commandité sur cette matière soutient le projet en tant qu'il s'agit d'une passerelle piétonne et cycliste. Tant qu'à faire, si cette passerelle sert aux piétons et aux cyclistes, autant qu'elle serve aussi aux véhicules d'urgence!
Pour répondre clairement à votre question, Monsieur Velasco, le 10 octobre 2000, la commission des travaux a examiné une variante qui découlait d'une demande de la commission précédente. La largeur de la passerelle était limitée à 4,5 mètres au lieu des 6,5 mètres prévus dans le projet.
Il résulte de cette réduction de la largeur une économie quasi négligeable et un certain nombre de problèmes pratiques, notamment en ce qui concerne l'entretien. On ne peut en effet pas entretenir mécaniquement une passerelle de 4,5 mètres et l'entretien manuel coûte fort cher. Le gain final de cette variante ne paraissait pas suffisant.
Il est vrai que seuls ceux - dont je ne fais pas vraiment partie - qui ont suivi le projet depuis le milieu des années 1990 jusqu'aujourd'hui connaissent tous les épisodes. Ce qu'on peut dire toutefois, c'est que cet ouvrage a un intérêt pour relier le quartier de la Jonction qui est surtout un quartier d'habitation à l'autre côté de l'Arve, où il y a le Théâtre de la Parfumerie, le Théâtre du Loup et où il y a des emplois.
On avait fait une guerre de religion au sujet de l'ouverture pour les véhicules d'urgence, alors que ce n'était de loin pas nécessaire. L'argument de la relance économique quant à lui refait un peu surface aujourd'hui.
Toujours est-il que le Conseil d'Etat souhaite que vous votiez ce projet-là qui devra trouver sa place dans l'enveloppe du budget d'investissement. Ce n'est peut-être pas l'objet prioritaire, ce n'est pas celui sur lequel on se précipitera, mais c'est un projet qui a des qualités qui, sur le fond, n'ont pas été contestées. On a mis en doute l'ampleur de l'économie d'énergie réalisée par le transfert de la chaleur du NHP à Sciences III. On a contesté l'ampleur du trafic des véhicules d'urgence. Ce sont des choses qui peuvent être régulées. Sur le fond, je n'ai pas souvenir d'avoir entendu d'argument péremptoire contre ce projet. Il me semble donc que vous pouvez le voter tel quel. Si vous aviez encore des doutes, Mesdames et Messieurs, ou des questions supplémentaires - je dois en effet reconnaître que la plupart d'entre vous n'avez pas participé aux travaux de la 53e législature, ni même à ceux de la 54e - eh bien, nous pourrons vous répondre en commission!
Le président. Monsieur Pagani nous allons voter. Vous avez déjà pris la parole sur le renvoi en commission, puisque c'est vous-même qui l'avez demandé. En plus, vous épargnez ainsi votre troisième intervention.
Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission. Le vote électronique est lancé.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet en commission est rejetée par 40 non contre 17 oui et 18 abstentions.
M. Rémy Pagani (AdG). Je trouve la façon de procéder du Conseil d'Etat plutôt cavalière. Quand j'ai interrogé M. Barro, celui-ci a «noyé le poisson» en répondant que ce rapport était nécessaire et que, de toute manière, le projet retournerait en commission.
Aujourd'hui, on nous dit qu'il faut absolument accepter ce projet. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, notamment les députés socialistes qui avez rejeté la proposition de renvoi, eh bien, vous irez vous expliquer devant les représentants des théâtres du Loup et de la Parfumerie qui verront, sur leur esplanade, s'arc-bouter un pont et passer un certain nombre de véhicules qui n'ont rien à faire à cet endroit! Ces gens sont venus s'expliquer, mais malheureusement cela ne figure pas dans le rapport de M. Barro. Evidemment, M. Barro ne peut pas vous le dire puisqu'il n'a pas participé aux travaux. C'est bien ce qui est un peu spécial dans cet affaire! Vous irez, Mesdames et Messieurs, justifier devant les milieux culturels de notre République le passage d'une voie de circulation devant l'entrée d'un théâtre! Je vous laisserai vous défendre face à leurs légitimes revendications.
Je trouve que c'est absolument aberrant. M. Moutinot prétend que la discussion a eu lieu et que tous les problèmes ont été réglés. Or, ce n'est pas du tout le cas. Rien n'a été réglé et si vous votez ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, vous votez un blanc-seing de 4 millions qui permettra d'une part de réaliser une installation de chauffage à distance qui n'est pas du tout justifiée et, d'autre part, de laisser passer des ambulances, alors que la police nous a dit, quand nous l'avons entendue dans la deuxième phase de l'étude de ce projet de loi, qu'elle ne voyait pas la nécessité d'un tel passage!
Ma foi, Mesdames et Messieurs les députés, puisque le rapport est incomplet, je suis obligé de vous expliquer des choses qui l'ont déjà été en commission. Pour permettre au Théâtre du Loup de pouvoir exister - parce qu'il faudra bien qu'il continue à exister avec une voie de transit sur son esplanade - il faudrait installer une barrière. Je vous laisse imaginer l'opération, lever la barrière pour laisser passer l'ambulance, dégager la place et enfin, laisser passer le véhicule. Les deux minutes que l'ambulance aurait éventuellement gagnées pour se rendre à la Jonction sont perdues. C'est la police elle-même qui nous l'a confirmé. Alors, aujourd'hui l'argument de M. Moutinot sur l'utilité de cette passerelle pour la police n'est pas recevable!
J'ajoute que si notre Grand Conseil se prononce favorablement sur ce projet de loi, il aura voté la tête dans le sac. Ce pont nous est présenté comme une réalisation de petite taille, mais demain il servira au transit de la circulation par le quartier de la Jonction. C'est un quartier populaire où l'on veut qu'il existe encore des habitations. Il ne fait pas de doute qu'un prochain gouvernement décidera que la barrière et la limitation du trafic aux véhicules d'urgence ne sont pas nécessaires et qu'on pourra faire circuler des véhicules en transit. Ce sera le moyen idéal de dégager l'engorgement de la route des Jeunes et de la rue des Deux-Ponts et on procédera ici comme on a procédé avec la passerelle de l'Ecole-de-Médecine.
La question qui se pose est de savoir s'il ne faut pas rediscuter la question de la construction du pont de l'Ecole-de-Médecine. Se contenter d'une petite passerelle depuis quarante-cinq ou cinquante ans, n'est pas une solution satisfaisante. La route qui déboucherait sur le futur pont de l'Ecole-de-Médecine est une route cantonale qui est effectivement susceptible de désengorger le trafic dans cette zone. Si ce projet est réalisé au «quai des Brômes», on n'entendra plus jamais parler du pont de l'Ecole-de-Médecine alors qu'il constitue une solution à certains problèmes de trafic.
Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs, de refuser ce projet de loi parce qu'il n'est pas abouti dans la mesure où il ne prend pas en compte les travaux effectués en commission et parce que l'étude complète des solutions pour désengorger la route des Jeunes n'a pas été menée.
M. Florian Barro (L), rapporteur. M. Pagani me reproche de ne pas avoir rendu compte complètement des auditions dans mon rapport. Tout comme lui, j'ai l'habitude d'être intègre quand je rédige un rapport et l'entier des auditions effectuées par la commission des travaux figurent dans mon rapport.
J'en relève deux que M. Pagani a évoquées, l'audition de l'association de quartier de la Jonction avec Mme Millner, MM. Clerc et Mohr, ainsi qu'un certain M. Pagani qui est sans doute un homonyme de notre collègue. Lors de cette audition, les pétitionnaires ont précisé que le Théâtre du Loup avait des inquiétudes relativement aux travaux. Cela figure en toutes lettres dans mon rapport. Ce qui y figure aussi, c'est que M. Pagani «confirme son opposition totale à ce projet, y compris par voie de référendum». Je vous laisse, Mesdames et Messieurs, comprendre ce qu'il y a à comprendre par rapport à sa demande de renvoi en commission pour proposer à ce projet un enterrement de première classe!
L'audition de M. Ruffieux a confirmé, à l'époque je le concède, que la Ville avait renoncé à rénover la passerelle de l'Ecole-de-Médecine parce que la même association de quartier y était opposée.
J'ai soulevé, à la fin de mon rapport, le caractère contradictoire des revendications des pétitionnaires et notamment de M. Pagani. Ce dernier ne veut ni de la passerelle de la Jonction ni de la rénovation de la passerelle de l'Ecole-de-Médecine. Il nous fait croire qu'on trouvera un arrangement en renvoyant ce projet en commission. J'ai quelques doutes quand à la probité de M. Pagani.
Le président. La parole est à M. Koechlin. Je vous prie de vous adresser à moi ou à l'assemblée et non pas à tel député nommément. C'est comme cela que les gens s'attigent, pour parler genevois.
M. René Koechlin (L). Monsieur le président, je m'adresse volontiers à vous à condition que vous m'écoutiez.
Monsieur le président, je voudrais m'inscrire en faux contre les affirmations de M. Pagani selon lesquelles la commission n'aurait pas bien rempli sa mission. J'ai participé à ses travaux depuis le tout début et je puis affirmer qu'elle a parfaitement accompli sa tâche; les conclusions du rapport - même si elles ne plaisent pas à M. Pagani - sont tout à fait cohérentes. Nous avons obtenu toutes les explications nécessaires et sommes arrivés à la conclusion que cet ouvrage était utile; de sorte que cette dépense est justifiée. Je ne veux pas rentrer dans tous les détails; car il ne faut pas refaire en plénière, comme nous en avons pris l'habitude, les travaux effectués en commission. Je constate simplement que les députés se sont prononcés en parfaite connaissance de cause après avoir auditionné toutes les parties intéressées et notamment celles qui avaient demandé d'être entendues. Il n'y a aucune raison de s'opposer à ce projet qui est parfaitement cohérent. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous demande de le voter la main sur le coeur.
M. Albert Rodrik (S). J'aurais voulu que M. Moutinot nous donne quelques renseignements sur la réalité des entraves possibles au fonctionnement des théâtres du Loup et de la Parfumerie évoqués par notre collègue Pagani, étant entendu que ces théâtre fonctionnent à 20h, parfois à 18h le dimanche et certains jours ouvrables à 14h pour les enfants. Est-ce qu'on peut prévoir des perturbations du fonctionnement de ces théâtres et n'est-il alors pas nécessaire de prendre en compte de telles perturbations?
M. Claude Blanc (PDC). Je me réfère toujours au rapport que nous avons entre les mains, il n'y a pas d'autres pièces. M. Pagani met en doute la volonté du Conseil d'Etat de réserver cette passerelle aux véhicules d'urgence. Evidemment, on peut tout mettre en doute, mais si le Conseil d'Etat nous dit que cette passerelle sera réservée à la police et que, de plus, elle sera équipée d'une barrière de contrôle à l'usage exclusif de la police, eh bien, moi je le crois! Si on commence à mettre en doute tous les engagements du Conseil d'Etat, il ne nous reste plus qu'à tirer l'échelle, si vous me passez l'expression, et décider qu'on ne fait plus rien.
Il est vrai qu'il est indispensable que la police ait une deuxième voie de dégagement, parce que celle de la rue François-Dussaud peut trop facilement être entravée et la police devient totalement impuissante. Je ne sais pas si c'est ce que vous voulez, ou plutôt, oui, je sais que certains d'entre vous, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, souhaitent une telle situation.
Par ailleurs, il est possible que la Ville de Genève ait modifié ses intentions ou les modifie la semaine prochaine. Mais dans le rapport, M. Ruffieux, qui représentait le service de l'aménagement des constructions de la Ville devant la commission a bien indiqué que ses services avaient renoncé à la rénovation de la passerelle de l'Ecole-de-médecine en raison de l'opposition des habitants du quartier. Le conseil administratif se plie à cette opposition; fort bien, c'est son droit, voire son devoir. Le nôtre, en revanche, c'est de créer une deuxième voie à la hauteur de l'Hôtel de police afin que celui-ci soit dégagé.
Le président. Monsieur Pagani, vous avez déjà parlé trois fois! Non, vous n'avez pas été mis en cause... (Brouhaha. Protestations de M. Pagani.)Alors, je vous donne la parole deux minutes, et uniquement votre mise en cause.
M. Rémy Pagani (AdG). Je trouve un peu fort de café que M. Barro qui n'a pas effectué son travail, ou plutôt qui l'a fait par rapport à une partie seulement des travaux de commission, vienne me faire des reproches! Le travail réalisé postérieurement à la fin de la 53e législature sur l'étude des différentes variantes ne figure pas dans ce rapport. M. Barro ne peut pas me reprocher des choses, alors que lui-même, par perfidie, a fait un rapport en omettant certains éléments et a affirmé que ce rapport serait renvoyé en commission. M. Barro, en effet, savait très bien que les gens du Théâtre du Loup et du Théâtre de la Parfumerie seraient dans les tribunes en ce moment pour manifester leur désaccord avec ce projet de loi. Le rapporteur a voulu éviter que les personnes concernées soient présentes; maintenant, il vient me reprocher d'avoir été entendu par la commission... je vous passe les détails sur ces procédés qui sont particulièrement scandaleux. (Brouhaha. L'orateur est interpellé par M. Luscher.)
Quand on nous dit que le Conseil d'Etat s'en tiendra aux mesures prévues et n'autorisera que le passage des ambulances de la police, j'ai des doutes à ce sujet. Je donne un exemple très précis: la salle Jackfill sous l'Université était prévue pour les jeunes et, aujourd'hui, il est question de changer son affectation alors que celle-ci figure dans une loi que nous avons votée.
Le président. Monsieur Pagani, vous n'avez plus la parole. (L'orateur est interpellé par M. Barro.)
M. Rémy Pagani. Cela signifie simplement que l'argument du Conseil d'Etat ne tient pas! Il est question d'un pont qui enjambera l'Arve et qui permettra à des voitures de passer dans les deux sens... (Brouhaha.)Je suis convaincu que d'ici dix ans cette passerelle sera un axe autoroutier... enfin un axe routier. (Rires et applaudissements.)
Vous riez, mais le lapsus est significatif: si vous vous promenez là-bas le matin, l'engorgement est tel à la sortie de l'autoroute qu'il n'est plus possible dans ce quartier de vivre correctement, notamment sur le boulevard d'Yvoy, et effectivement ce va-et-vient de voitures correspond à la sortie d'une autoroute et non pas à un axe de quartier populaire.
Les députés qui accepteront ce projet de loi devront en répondre devant les milieux culturels et devant les habitants de la Jonction.
Le président. Je vous rappelle que le Bureau avait clos la liste des orateurs. M. Moutinot a la parole et nous voterons en premier débat.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Pour répondre à la question de M. Rodrik, tout d'abord, vous trouvez en pages 28 et 29 du rapport le plan de l'ouvrage. Vous pouvez vous rendre compte que l'entrée du Théâtre du Loup est, aproximativement - j'ai mesuré avec les instruments du bord - à 50 mètres... (L'orateur est interpellé par M. Pagani.)
M. Laurent Moutinot, président du conseil d'Etat. Mais enfin, Monsieur, il suffit de regarder le plan ! Ce qui figure sur ce plan, c'est une distance de 50 mètres!
M. Rémy Pagani. Vous savez très bien que ce n'est pas le cas !
M. Laurent Moutinot, président du conseil d'Etat. Sur ce plan, dont je n'ai pas entendu dire qu'il avait été imprimé par erreur et qui a toutes les références du projet dont nous nous occupons, la distance est de 50 mètres.
Pour ce qui est de La Parfumerie, c'est évidemment plus près, mais La Parfumerie n'est pas menacée par cette passerelle. Elle est menacée par le fait qu'un jour ou l'autre soit l'entreprise Firmenich s'étendra, soit c'est la police qui agrandira ses bâtiments, soit encore un projet de logement sera développé sur cette parcelle. Rien n'est à ce point avancé que la Parfumerie ait du soucis à se faire pour les années à venir. A terme, il est toutefois vrai qu'il y aura un problème dans ce quartier. Pour être complet, je peux indiquer qu'il y a aussi un projet de la Télévision suisse romande à cet endroit. La Parfumerie est donc sous le feu d'un certain nombre de convoitises au demeurant légitimes. Il faudra veiller en son temps à ce qu'elle soit relogée ailleurs, mais cette passerelle ne change rien à son sort.
En ce qui concerne Jackfill et la manière dont le Conseil d'Etat exécute les décisions du Grand Conseil, il est exact qu'à l'origine la loi précisait bien ce à quoi étaient destinés les locaux dits «Jackfill». Vous avez insisté tous, en long, en large et en travers - pour ne pas parler autrement - pour que l'on fasse cesser les nuisances produites par cette salle; nous l'avons fait, obéissant ainsi à plusieurs motions du Grand Conseil. A partir de là, si l'on peut réutiliser cette salle dans le sens voulu par la loi, je n'y vois pas d'objection, mais je ne prendrai pas le risque de remettre dans cette salle des activités qui aient pour effet de nuire gravement à la tranquillité du quartier.
Monsieur Pagani, vous avez mentionné la possibilité de circuler dans les deux sens: je suis d'accord avec vous, Monsieur, nous n'allons tout de même pas faire une autoroute! Si l'ouvrage fait 4,5 mètres et que les piétons disposent de 2 mètres, il reste 2,5 mètres - c'est assez mathématique - pour le reste du trafic et on ne peut pas circuler en bidirectionnel sur une largeur aussi faible, que cela plaise ou non! Par conséquent, le risque que vous invoquez n'existe pas.
Un dernier élément sur la position de la Ville de Genève: pourquoi voit-elle ce projet d'un assez bon oeil? C'est que, s'il n'y avait pas la nécessité de faire passer la chaleur du NHP à Sciences III, il s'agirait d'une simple passerelle piétonne qui devrait donc être payée par la Ville. C'est pour cette raison que la Ville adopte cette position, très sage, de trouver que ce projet est bon. (Applaudissements.)
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 54 oui contre 17 non et 5 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 7.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je propose simplement de supprimer l'article 4 puisque vous avez indiqué que le projet de loi était financé.
Le président. Monsieur le député, le financement est assuré par l'article 3. Le financement s'effectue par l'emprunt et il est inscrit dans les budgets d'investissement.
Troisième débat
La loi 7618 est adoptée en troisième débat par article.
La loi 7618 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 15 non et 7 abstentions.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'aménagement (dépôt de la pétition 1156 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.